L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des transports et de l'environnement

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des transports et de l'environnement

Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le vendredi 5 juin 1998 - Vol. 35 N° 28

Consultations particulières sur le projet de loi n° 430 - Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

Auditions


Autres intervenants
M. Claude Lachance, président
* M. François Vaudreuil, CSD
*Témoin interrogé par les membres de la commission

Journal des débats


(Onze heures dix minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! je déclare la séance ouverte. La commission des transports et de l'environnement se réunit ce matin avec le mandat de procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 430, Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Brodeur (Shefford) est remplacé par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet).


Remarques préliminaires

Le Président (M. Lachance): Merci. Nous rencontrerons, ce matin, après avoir procédé comme il se doit aux remarques préliminaires, la Centrale des syndicats démocratiques. Alors, M. le ministre, pour vos remarques préliminaires.

M. Brassard: Oui?

Le Président (M. Lachance): Vos remarques préliminaires, si vous en avez, M. le ministre.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Oui. Bien, ça va être très bref, je pense que je ne reprendrai pas l'intervention que j'ai faite sur ce projet de loi à l'occasion de l'adoption du principe, en Chambre, dans le salon bleu. Simplement pour vous rappeler que c'est le fruit d'un long processus – je l'ai signalé à maintes reprises – d'un long cheminement caractérisé par une étroite concertation entre, d'abord, d'une part, le ministère des Transports, bien sûr, mais, aussi, la Société de l'assurance automobile et la Commission des transports du Québec et, d'autre part également, d'une concertation étroite avec l'ensemble des intervenants du monde du transport.

Je pense qu'on en est arrivé, pour l'essentiel, à dégager des consensus très larges et qu'on s'entend sur les objectifs poursuivis. Je tiens à les rappeler d'entrée de jeu. Les objectifs poursuivis, c'est de faire en sorte que les conditions de sécurité sur nos routes soient accrues, c'est l'objectif qu'on vise en mettant en place ce nouvel encadrement du transport routier, mais, également aussi, l'autre objectif, qui n'est pas négligeable ni marginal, c'est de préserver ou de protéger le réseau routier, donc d'empêcher la dégradation, la détérioration du réseau routier.

Donc, sécurité et protection du réseau, tels sont les deux objectifs poursuivis, et, forcément, un ensemble de moyens et de mesures, qu'on retrouve dans le projet de loi, et des rôles et des responsabilités également qui sont confiés à divers intervenants pour atteindre ces objectifs qu'on s'est ensemble fixés. Il est clair que nous avons à l'esprit de mettre au pas les délinquants. Je pense que c'est souhaité par tout le monde dans le monde du transport, la mise au pas des délinquants et, ultimement, leur éviction du système si ces délinquants ne se corrigent pas et n'adoptent pas des comportements à la fois plus sécuritaires et visant à mieux protéger le réseau routier.

Alors, tel est le projet de loi n° 430, M. le Président, encore une fois, qui est le fruit d'un long cheminement et d'une étroite concertation de tout le monde et de tous les intervenants. Cependant, même s'il y a des consensus sur beaucoup de points, même s'il y a eu consultation et concertation, il nous apparaît tout à fait souhaitable et normal que, avant d'entamer l'étude détaillée du projet de loi, l'étude article par article, on puisse permettre, dans le cadre d'audiences particulières, à un certain nombre d'intervenants ou d'acteurs majeurs dans le monde du transport de venir échanger avec les membres de la commission, exprimer leur point de vue sur le projet de loi. Ça va nous éclairer encore davantage, les parlementaires, pour la prochaine étape, qui est l'étape de l'étude détaillée. Voilà, très simplement, les quelques remarques que je voulais faire, d'entrée de jeu, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le député de Pontiac et porte-parole de l'opposition officielle en matière de transports.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Oui, Merci, M. le Président. Mes remarques seront courtes, M. le Président. Oui, le projet de loi n° 430, la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds, c'est officiellement une loi qui est pas mal technique. Et une des raisons pourquoi on voulait avoir des consultations particulières, c'est que les gens qui doivent vivre à tous les jours avec la réglementation, avec les lois, je pense que c'est ces gens-là qui peuvent mieux nous sensibiliser aux points qui pourraient être dans le projet de loi qui, en réalité, ne faciliteront pas leur travail.

Comme l'indiquait le ministre, M. le Président, il y a deux points qui sont réellement d'intérêt: c'est la sécurité sur nos routes, qui est, d'après moi, la chose la plus importante, la plus essentielle, et malheureusement on s'aperçoit que les exploitants de véhicules lourds sont peut-être responsables pour une plus grosse partie des accidents que le pourcentage qu'ils représentent sur nos routes. Deuxièmement, et de moindre importance mais qui est importante pour l'économie, c'est la conservation, protection du patrimoine routier.

M. le Président, je suis content de voir qu'on a l'occasion d'échanger avec les gens qui devront vivre avec ce nouveau projet de loi, parce qu'il n'y a rien de pire, des fois... Sur papier, un projet de loi, un projet de règlement peut sembler être réellement complet, simple, mais, dans son application, on s'aperçoit que c'est réellement le chaos total et on n'atteint certainement pas le but visé. Et c'est un peu comme des beaux discours qui, après quoi, les actions qui sont censées venir du discours ne viennent pas.

Donc, je suis heureux, M. le Président, de voir qu'on va avoir des consultations et que ces gens-là pourront nous aider à bonifier le projet de loi et qui, par le fait même, vont nous permettre d'améliorer notre bilan routier et aussi de conserver notre patrimoine, parce qu'on sait que c'est des millions et des millions de dollars par année que nous dépensons.

Mais il ne faut certainement pas oublier non plus que l'industrie du camionnage représente à peu près 3 500 000 000 $ par année et, M. le Président, il me semble qu'avec toutes ces choses-là il va falloir s'assurer aussi que ce soit fait dans l'équité. Est-ce que notre loi ou nos règlements vont rendre la vie plus difficile pour des petites petites entreprises ou pour des travailleurs autonomes? Il me semble que, dans tout ça, sans faire des concessions, on devrait aussi s'assurer que l'équité sera là dans le respect de nos lois. Sur ça, M. le Président...


Auditions

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Pontiac. Alors, nous allons maintenant procéder à l'audition des représentants de la Centrale des syndicats démocratiques. Et les règles du jeu, vous devez, j'imagine, déjà les connaître: vous avez une période de 15 minutes pour exposer votre point de vue, et, par la suite, chacun des deux groupes parlementaires, ici, aura 15 minutes pour échanger avec vous. Alors, j'inviterais le porte-parole à s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent.


Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

M. Vaudreuil (François): C'est bien. Alors, François Vaudreuil, président de la CSD. Je suis accompagné, à ma droite, de M. Roland Shink, qui est président du Syndicat des routiers autonomes du Québec; et, à mon extrême droite, de M. James Cooper, qui est président du Syndicat des camionneurs du Saguenay–Lac-Saint-Jean et aussi des secteurs réunis à la CSD, transport commercial; et à ma gauche, Daniel Beauchemin, qui est conseiller syndical affecté au transport commercial à la CSD.

(11 h 20)

D'entrée de jeu, d'une part, nous avons écouté attentivement les propos de M. Brassard à l'effet qu'il y avait eu une longue consultation, un processus qui avait duré plusieurs mois pour accoucher du projet de loi n° 430. Malgré ces nombreux processus et ces nombreux échanges qui ont été faits au cours des mois, à la CSD nous prétendons que le projet de loi qui est déposé actuellement, le projet de loi n° 430, ne correspond pas aux besoins du milieu.

Alors, je m'explique de la façon suivante. À la CSD, nous avons deux catégories principales de personnes que nous représentons. La première, ce sont des salariés qui sont à l'emploi de transporteurs et qui sont couverts par des conventions collectives de travail, assujettis soit au Code du travail du Québec ou au Code canadien des relations de travail. Et nous avons, depuis maintenant un peu plus d'un an, un Syndicat de routiers autonomes, dont le champ d'application est de viser les personnes, les chauffeurs propriétaires qui sont propriétaires d'un seul camion. Donc, quelqu'un qui est propriétaire de deux, trois ou quatre camions n'est pas éligible à devenir membre du Syndicat des routiers autonomes du Québec, il ne vise essentiellement que les travailleuses et les travailleurs autonomes du transport routier qui exercent leur métier avec des permis intra et extraprovinciaux.

Je voudrais, avant de commenter le projet de loi comme tel, faire un rappel de l'évolution de l'industrie du transport routier au Québec au cours de la dernière décennie. C'est une industrie qui a connu de nombreuses mutations, dues principalement à la déréglementation. Alors, quand est arrivée la déréglementation, les entreprises, soit pour accroître leurs profits ou pour obtenir des parts de marché plus grandes, ont tenté toutes sortes de stratégies pour s'adapter aux nouvelles règles de la concurrence.

Une des stratégies qui ont été largement utilisées dans le secteur du transport routier a été le recours à la sous-traitance. De plus en plus de transporteurs ont eu recours à la sous-traitance et plusieurs ont aussi, dans certains cas, invité leurs anciens salariés à devenir des travailleurs autonomes, idée qui paraissait, au départ, séduisante. Y a-t-il une idée plus séduisante dans la vie que d'être son propre patron et de pouvoir organiser son travail? Sauf que, malgré cette idée séduisante, ces gens-là ont vite été confrontés à la dure réalité. Et la dure réalité, c'est que ces gens-là n'avaient plus uniquement la responsabilité de conduire des camions, ils avaient la responsabilité aussi de gestion d'une micro-entreprise et ils arrivaient dans un marché où, pour survivre, la règle actuelle au Québec, c'est de travailler toujours plus pour gagner toujours moins.

Nous avons fait effectuer, l'été dernier, par le Centre québécois de logistique appliquée, une étude, et, après l'analyse des coûts de revient de nos membres, les gens qui travaillent sur une base de 3 000 heures par année, 50 semaines à 60 heures, ça, c'est la réalité en 1998 au Québec, ces gens-là gagnent entre 4,76 $ de l'heure et 8 $ de l'heure. Il y a donc actuellement, dans la concurrence, dans la compétition, un très grand déséquilibre qui est carrément inacceptable au point de vue humain, au point de vue social et au point de vue commercial. Il est inadmissible que des gens doivent travailler 3 000 heures par année pour sortir des revenus entre 4,76 $ de l'heure et 8 $ de l'heure, je regrette, c'est absolument indécent et inacceptable.

Ce qu'on demande donc au gouvernement, c'est qu'il y ait une volonté de légiférer pour faire en sorte qu'on puisse rétablir un équilibre et que la compétition puisse s'exercer d'une manière loyale. Les règles de la compétition ne sont plus les mêmes qu'elles étaient voilà 15, 20 ans. On doit donc modifier en conséquence la législation. C'est pourquoi nous avons remis au ministre, au mois d'août dernier, des propositions qui ont été réfléchies démocratiquement par nos membres en comités, en assemblée générale, et que nous avons appelées une charte de sous-traitance.

Parce que cette charte-là doit définir un nouvel encadrement au niveau de la compétition pour assurer cet équilibre-là entre les travailleurs autonomes et les entrepreneurs, les transporteurs. On assiste à ce phénomène-là aujourd'hui dans le transport routier, mais, dans quelques années, avec le développement des travailleuses et des travailleurs autonomes, on va vivre le même phénomène dans d'autres secteurs.

À ce chapitre-là, le transport routier au Québec est précurseur et on a tous une grande question sociale à se poser. Quand on parle de la charte de sous-traitance, le coeur de cette charte-là, c'est qu'on définisse dans la réglementation des règles au niveau du contrat qui doit se faire en sous-traitance entre le travailleur ou la travailleuse autonome et le transporteur. On ne revient pas avec les vieux paradigmes de la déréglementation et on ne revient pas non plus dans un débat de relations de travail. On est bien conscients que les relations de travail ont volé en éclats avec la disparition du salariat et qu'on est plutôt dans des règles commerciales.

C'est la raison pour laquelle nos membres – et on a plus de 400 membres à travers le Québec actuellement qui cotisent à tous les mois – ne veulent pas négocier de convention collective dans leur entreprise. Pour une raison fort simple. S'ils négocient une convention collective dans leur entreprise et qu'on va chercher des conditions de travail intéressantes, le transporteur ne sera pas capable de compétitionner. Il va fermer et nos membres vont perdre leur job.

L'autre caractéristique, c'est que les travailleurs autonomes, actuellement, dans le transport routier, vivent de la dépendance. Ce qu'ils disent, ce n'est pas compliqué: Il faut agir sur deux niveaux. Premier des éléments, il faut que le gouvernement nous écoute, qu'il intervienne pour régulariser et créer un nouvel équilibre pour que ce soit plus équitable, pour qu'on puisse faire une compétition plus loyale et qu'on puisse vivre plus décemment, d'une part, et, d'autre part, ce qu'ils disent, c'est qu'il faut s'organiser en réseau. Il faut réseauter la logistique de notre transport. Mais un des problèmes qu'on a, c'est que, ce matin, on parle pour les travailleurs autonomes du Québec, mais on en a 400 qui paient. Ce n'est pas compliqué. Quand vous gagnez entre 4,76 $ de l'heure et 8 $ de l'heure, vous n'avez pas grand argent pour payer des cotisations syndicales.

Donc, ce qu'on demande au gouvernement, ce n'est pas de nous donner de l'argent, de nous donner des projets ou des subventions, ce n'est absolument pas ça. Ce qu'on dit au gouvernement, c'est: Comme on fait des représentations pour les travailleurs autonomes, qu'il faut, pour ces travailleurs autonomes là, travailler en réseau, ce qu'on demande, c'est l'application de la formule Rand pour les travailleurs autonomes au Québec qui ne sont pas actuellement assujettis à une convention collective de travail. Et ça, pour nous, c'est primordial, c'est fondamental. Ces gens-là sont épuisés. On a eu plusieurs faillites parmi nos membres. Pas parce qu'ils ne sont pas intelligents. C'est parce qu'ils ont été laissés à eux-mêmes.

Et là il y a un organisme qui s'occupe d'eux qui s'appelle le SRAQ, qui est appuyé par la CSD et qui fait en sorte qu'on veut, oui, des rentrées dans le circuit de la compétition, mais ça prend des adaptations au niveau de la modernisation de la législation. Et on est excessivement malheureux, excessivement triste, M. le ministre, qu'il n'y ait rien dans votre projet de loi qui traite de cette question-là. Et, quand je vous dis qu'on considère le projet de loi réducteur, c'est qu'il se limite uniquement à la question de la sécurité et du patrimoine routier, qui sont des questions fort importantes, mais la vie des gens, la vie du monde et les conditions dans lesquelles ils vivent à tous les jours, M. le ministre, c'est encore aussi très important. Ce qu'il va falloir calculer aussi, c'est les coûts humains et les coûts sociaux que ça a. Parce qu'il y a des dégradations dans les conditions de vie de ces gens-là, pas uniquement au niveau financier.

Alors, ça, c'est la première remarque que je voudrais vous adresser. Il faut, selon la CSD et son syndicat affilié, le Syndicat des routiers autonomes, qu'on intervienne rapidement au niveau de la législation, qu'on la modernise pour permettre ce nouvel équilibre-là et permettre aux travailleurs autonomes d'être capables de vivre dans un marché de compétition et de vivre décemment, dignement.

(11 h 30)

Comme il me reste à peu près cinq minutes au niveau du projet de loi n° 430, d'emblée, je vous dirais que, sur les objectifs de la sécurité, sur les objectifs du patrimoine routier, la CSD et ses syndicats affiliés, pas seulement le SRAQ mais les syndicats affiliés dans le transport, on est d'accord avec les objectifs que le ministre a proposés. On le trouve trop réducteur parce qu'il ne touche pas à la concurrence, mais, sur les objectifs qui sont visés, on est d'accord.

Là où on a des interrogations, c'est sur les éléments suivants où on n'a pas nécessairement des réponses. Le premier, c'est concernant... pour être inscrit au registre, il faut être capable d'avoir fait une déclaration pour être couvert par la Commission de la santé et sécurité en vertu de la Loi des accidents du travail et des maladies professionnelles. Je pense qu'on réfère – je vous donne ça de mémoire – à l'article 290 ou quelque chose comme ça.

Un des problèmes qu'on a avec nos travailleurs autonomes, c'est qu'il n'y en a pas un qui est couvert par la CSST. Et là ne vous surprenez pas. Si les gens n'adhèrent pas à la CSST, c'est parce qu'ils n'en ont pas les moyens. Ils n'en ont pas les moyens. Ils ont choisi que les simples revenus qu'ils ont leur servent avant tout de rémunération pour payer l'épicerie, pour payer le loyer avant de se payer une protection sociale. Et, quand je vous dis ça, je ne vous dis pas qu'on est d'accord avec ça. Absolument pas.

Parce que les travailleurs autonomes au Québec, aussi, deviennent de plus en plus des exclus de la protection sociale à certains niveaux. Et, dans le cas du transport routier, la plus belle démonstration, c'est que les gens à ce jour n'ont pas eu les moyens de se la payer. Donc, cette obligation-là, si elle est là – et je ne vous dis pas qu'on est contre; on n'est pas contre le fait qu'ils soient couverts, absolument pas – va encore augmenter les charges des travailleurs autonomes et va par le fait même diminuer aussi leur rémunération, leur pouvoir d'achat, ce qui, dans les circonstances, est absolument inacceptable. C'est la raison pour laquelle il faut agir vite au niveau de la concurrence.

Ce qu'on ne sait pas non plus, dans la loi, c'est concernant le dossier que je qualifie de démérite: Comment va-t-il être défini? Serons-nous associés? C'est des questions, en tout cas, auxquelles on n'a pas trouvé de réponses. C'est peut-être parce qu'il y a des choses qu'on n'a pas vues, mais on n'a pas trouvé de réponses à ce niveau-là. Un principe auquel on est carrément opposé dans la loi, c'est celui de la rétroactivité pour le démérite pour le registre. Parce que la réalité est la suivante. On a un travailleur ou une travailleuse autonome dans le transport routier au Québec qui a un voyage à faire au Texas. Aller chercher une matière première au Texas et s'en revenir, c'est neuf jours. Il a une convocation pour une infraction. Il l'a contestée puis il a une convocation. Est-ce qu'il va perdre son voyage de 3 000 $, 4 000 $, 5 000 $ pour un ticket? La réponse, dans ce temps-là, c'était de dire non. Et les gens payaient les amendes.

Alors, aujourd'hui, si, en instaurant la loi, on dit: Bien, rétroactivement, on va regarder leur comportement, le comportement qu'ils avaient à l'époque était uniquement économique. Il ne tenait pas compte de l'esprit du nouveau cadre réglementaire. Et, à cet égard-là, ce seul élément là à lui seul devrait justifier le retrait dans la loi de ces effets rétroactifs. Parce que ce n'était pas ça, les règles du jeu. Et les règles du jeu étant différentes, on ne devrait pas, au moment de l'adoption du nouveau projet de loi, leur donner ces obligations-là et qu'elles aient un effet rétroactif. Le même principe au niveau du criminel.

L'autre élément, c'est concernant les contrôles particuliers qui peuvent être effectués par les contrôleurs routiers. On a des craintes, en fonction de ce qu'on vit actuellement, que dans certains cas ça puisse devenir du harcèlement.

On a aussi un questionnement, une question, à notre avis, qui n'a pas été résolue, et ça, on vous l'avait soumis au mois d'août dernier, M. le ministre, c'est celle de la responsabilité des assurances cargo et des FAQ-27 quand nos travailleurs autonomes ne sont pas propriétaires de la remorque. Évidemment, ça, ça faisait partie du contrat type qu'on vous proposait dans la charte de sous-traitance. Ça n'apparaît pas.

Toute la question des courtiers, du courtage en transport routier, commercial, on aurait aimé aussi que ça puisse intervenir parce que ça crée des prix à la baisse et des gens qui ont de la difficulté à gagner leur vie. Et après ça on viendra appliquer les normes de sécurité à ces gens-là, on va a avoir des problèmes majeurs.

Alors, c'étaient les principaux commentaires. Compte tenu du temps, j'ai essayé de vous faire ça en 15 minutes. Alors, on va être prêt à répondre à vos questions.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Vaudreuil. M. le ministre.

M. Brassard: Je vous remercie beaucoup d'avoir accepté l'invitation de la commission de venir participer à ces audiences particulières. On s'est déjà rencontré, puisque vous êtes quand même une organisation relativement récente, disons, je pense que vous avez été fondée en 1997, si ma mémoire est bonne.

M. Vaudreuil (François): Le SRAQ, oui.

M. Brassard: Oui, le Syndicat des routiers autonomes. Donc, vos interventions, si l'on peut dire, dans le processus, sont aussi plus récentes que d'autres organisations, évidemment, qui sont plus anciennes. Je pense à l'ANCAI ou à l'Association du camionnage, qui ont été impliquées dès le début de l'opération, dès le début du processus.

Évidemment, je comprends que vous êtes d'accord avec les objectifs poursuivis par le projet de loi, objectifs de sécurité et de préservation du réseau routier. Mais vous soulevez une problématique qui ne faisait pas partie, au cours du cheminement de ce projet de loi et de ce projet de nouvel encadrement, du processus, c'est-à-dire des dispositions qui assureraient une meilleure protection d'une catégorie particulière d'intervenants dans le monde du transport, qui sont les routiers autonomes. Et ce que vous réclamez constituerait en quelque sorte une réglementation de caractère économique.

Or, la tendance, actuellement – et, même, ça date déjà depuis un certain nombre d'années – est à l'abandon de toute réglementation économique et plutôt au maintien des réglementations relatives à la sécurité et à la protection du réseau, puisque, on le sait, en Amérique du Nord, les lois fédérales adoptées récemment nous contraignent, à plus ou moins court terme – on l'a repoussé, là, jusqu'à l'an 2000 pour ce qui est du camionnage en vrac – inévitablement à entrer dans un univers déréglementé. On n'a guère le choix.

(11 h 40)

C'est pourquoi votre situation est un peu ambivalente. D'un côté, vous nous dites: Nous ne sommes pas un syndicat, disons, traditionnel qui négocie des conventions collectives avec un employeur, qui signe des conventions collectives, vous nous dites: Non, on n'est pas dans cette voie-là, mais, en même temps, vous revendiquez un certain nombre de protections de nature législative qui s'apparentent, d'une certaine façon, à ce qu'est une convention collective dans le monde du travail, disons, appelons-le traditionnel.

Alors, je vous avoue que je suis un peu embarrassé par les revendications que vous nous faites, parce que c'est clair que le projet de loi a un lien avec les problèmes que vous soulevez. Parce que, si on vise l'équité pour l'ensemble des transporteurs de tous ordres et si on vise à combattre la délinquance de façon efficace puis à la faire disparaître, si on vise aussi à mieux encadrer tous les intermédiaires en transport – pas uniquement les conducteurs de camions, ça, c'est un problème, mais tous les intermédiaires – à les responsabiliser, on pense que cette équité-là, de façon pratique, devrait entraîner de meilleures conditions de travail pour les transporteurs, puisque les règles du jeu – sur le plan de la sécurité, sur le plan des dimensions et charges – vont être mieux respectées.

Mais une charte de sous-traitance, je sais qu'on s'en est parlé, mais vous convenez avec moi que c'est de la réglementation à caractère économique. C'est clair, c'est clair que c'est de la réglementation de nature économique. Et, dans l'univers dans lequel on est présentement, et qui n'est pas appelé à disparaître, est-ce que vous pensez que ça peut avoir une certaine efficacité que d'adopter de pareilles mesures?

M. Vaudreuil (François): Moi, je suis convaincu que oui, ça a une efficacité, ça aurait une efficacité très grande. Et la question qu'on a à se poser, comme société, un peu partout, et là on a un bel exemple dans le secteur, c'est: Est-ce qu'on peut définir, au niveau national, des stratégies pour faire des choix où on va intervenir sur les rapports sociaux pour permettre une plus grande justice sociale? Moi, je pense que oui, on peut faire ça, on peut s'ingénier, on peut innover, mais il faut les faire, ces choix-là.

Et, à mon avis, qu'on réglemente par un contrat type... Et, si on fait une analogie, c'est le même principe que: dans notre société, le gouvernement, le législateur, a décidé de légiférer pour que, quand quelqu'un va louer un appartement, va louer un logement, il y a des baux types qui existent. Dans le transport, on parle de location de services, on s'inspire du même principe.

Je suis d'accord avec vous, M. le ministre, que, dans la charte de sous-traitance que nous vous avons transmise, il y a des éléments qui s'apparentent à ce que j'appellerais «le deuil du salariat», ça, je suis d'accord avec vous. Mais une des difficultés qu'on a eues, c'est qu'on n'a pas trouvé, M. le ministre, d'intervenants pour être capable de discuter, de voir quelle forme concrète ça pourrait prendre dans la réglementation. Il n'y a pas eu de négociation, il n'y a pas eu d'échange, mais on ne peut pas laisser aller la déréglementation totale et absolue. La règle de la main invisible, ce n'est pas vrai que ça résout tous les problèmes sociaux dans une société, ce n'est pas vrai. Puis la question qu'on a à se poser, c'est: Est-ce qu'on peut se permettre, à l'intérieur des règles de la concurrence, un aussi grand déséquilibre que ce qui se produit actuellement? Est-ce qu'on doit intervenir pour rendre la concurrence plus loyale?

Et l'autre volet qu'on vous demande... Parce que c'est deux grands axes, c'est ça. Le premier, le cadre de la charte de sous-traitance, c'est le contrat type qui apparaît un peu comme le bail de la Régie du logement, qui fait en sorte qu'on règle le problème des responsabilités, par exemple, au niveau de l'assurance de FAQ-27, qu'on règle les problèmes au niveau des responsabilités pour le paiement de l'assurance cargo, qu'on règle des problèmes de cette nature-là.

Et, après ça, le deuxième élément qu'on demande, M. le ministre, c'est qu'on veut casser l'isolement des travailleurs autonomes. On veut créer des réseaux. On va la regarder, la logistique du transport, puis on va intervenir, puis là la logistique, elle va exister. Mais, pour permettre ça, ce que ça prend, c'est qu'il y ait des entrées de fonds suffisantes, qu'il n'y a pas actuellement. Et c'est la raison pour laquelle on demande l'application de la formule Rand aux travailleurs autonomes qui ne sont pas actuellement assujettis par une convention collective.

Je pense, pour répondre à votre question, qu'il est absolument nécessaire que le gouvernement intervienne, et ça ne va pas à l'encontre des grandes tendances. Ce que ça fait, c'est que ça prend en charge, ça reconnaît que le gouvernement doit intervenir dans les rapports sociaux pour favoriser un plus grand équilibre. Mais ce qu'on vous demande, ce n'est pas de convertir les travailleurs autonomes en salariés, ce n'est pas ça.

On vous dit: On va les mettre dans la compétition, donnez-nous les outils, les moyens, on va s'organiser, vous ne nous reverrez plus après, on va être capable d'organiser le réseautage de la logistique du transport auprès de nos travailleurs autonomes puis on va être dans un meilleur équilibre. Mais, pour ça, il faut que le gouvernement nous donne des outils de base. Ce qu'on vous demande, c'est des outils de base. Ce n'est pas une convention collective, qu'on vous demande, M. le ministre, absolument pas, absolument pas, c'est de régir la concurrence pour qu'elle devienne plus loyale, pour que le déséquilibre qui a des allures de vertige aujourd'hui soit éliminé et que nos gens puissent compétitionner de façon loyale.

M. Brassard: Mais convenez que vous ne souhaitez peut-être pas ressusciter le salariat, mais, en réclamant la formule Rand, vous vous en rapprochez, d'une part. Et, d'autre part, vous me mettez dans l'embarras parce que, dans le monde du transport, cette formule qu'on retrouve dans le monde des travailleurs syndiqués n'existe pas du tout. Je fais l'hypothèse. Si je vous l'accorde, pourquoi ne pas l'accorder à l'ANCAI?

M. Vaudreuil (François): Oui, ça, ce sera un autre débat, qu'ils feront.

M. Brassard: Bien, non, mais... Oui, mais vous êtes conscient du débat que vous ouvrez?

M. Vaudreuil (François): Puis pour lequel on va être d'accord.

M. Brassard: Il est énorme, il est considérable, d'une part. Mais, d'autre part, non seulement vous posez le problème de l'élargissement – parce qu'on va jusqu'où à ce moment-là? – mais également vous posez le problème de qui va avoir droit à la formule Rand. Parce que je regarde juste les voituriers remorqueurs au Québec, les routiers autonomes, vous êtes répartis dans plusieurs associations, vous le reconnaissez. La vôtre est toute récente, elle a quand même réussi à en regrouper un bon nombre, autour de 400, je pense, routiers autonomes. Mais on me dit ici qu'il y en a 6 000, de ce genre de travailleurs autonomes, puis il y a deux autres associations: il y a une coopérative qui en regroupe 1 700, il y a l'Association des propriétaires de camions remorques indépendants qui en regroupe 700. Vous voyez. Qui va être détenteur de la formule Rand dans ce secteur-là en particulier? Bon. Ça pose un sérieux problème.

D'autre part, le contrat type, ce que vous demandez via la charte de la sous-traitance, c'est que l'État, le législateur ou le gouvernement, détermine et impose un contrat type dans le secteur de la location de véhicules lourds. Est-ce que vous ne pensez pas que ce contrat type doit être le fruit d'une négociation entre les parties?

Je sais que, dans l'industrie forestière, il s'en est négocié, un contrat type, dans le transport du bois en forêt, et ce n'est pas le gouvernement qui l'a concocté ni imposé, ça a été le fruit de pourparlers. Donc, il s'est établi, on peut dire, un rapport de force entre l'Association des industries forestières et le monde des camionneurs. Ils se sont finalement entendus sur un contrat type. Là, ce que vous demandez, c'est que le gouvernement ou l'Assemblée nationale en détermine un, un contrat type, qui soit à ce moment-là contraignant, qu'il y ait une dimension de contrainte pour l'ensemble des intervenants. Ça mérite réflexion et considération.

(11 h 50)

M. Vaudreuil (François): Bon. Je vais les reprendre un à un. Concernant la charte de sous-traitance ou le contrat type, est-il possible qu'il soit fait entre les parties? Ce que je vous rappellerais au départ, c'est que c'est une réalité complètement nouvelle, les travailleurs autonomes, et la proportion qu'elle a prise actuellement, c'est complètement nouveau. Quand je parle de nouveau, par rapport à la législation au Québec, on est dans de l'innovation, il n'y a rien actuellement qui existe à ce sujet-là.

Mais, quand on parle d'un contrat type, ce qu'on veut essentiellement, c'est établir des nouveaux rapports entre la personne qui loue des services et la personne qui fait la location de ces services. Et nos membres, il y en a qui vont avoir plusieurs clients. Il y a des membres qui ont plusieurs clients, ils ne sont pas tous sous des contrats d'exclusivité. Alors, qui sont les vis-à-vis? Il n'y en a pas, de vis-à-vis. On est dans un no man's land. Il n'y en a pas, de vis-à-vis. On ne peut pas considérer l'ACQ comme étant les représentants patronaux des travailleurs autonomes. On ne peut pas le raisonner comme ça. On ne peut pas le raisonner comme ça. Ce n'est pas parce que je n'aime pas l'ACQ, qu'on aime ou on n'aime pas l'ACQ, ce n'est pas ça. C'est qu'on n'a pas...

M. Brassard: Vous n'avez pas d'interlocuteur.

M. Vaudreuil (François): Il n'y en a pas. Parce que ça peut être des expéditeurs, donc des manufacturiers, ça peut être des distributeurs, ça peut être des transporteurs, ça peut être des courtiers. Il y a un ensemble d'intervenants. On n'a pas de vis-à-vis comme dans une relations salarié-employeur. C'est ça que je veux dire. Ça, c'est un problème.

Le deuxième, quand on parle de la formule Rand, que ça s'apparente au salariat, je suis d'accord avec vous que c'est dans le cadre du salariat qu'on l'a appliquée. Mais le problème qu'on a, c'est que, à ma connaissance, au Québec, il n'y a qu'un seul syndicat qui représente des travailleuses et des travailleurs autonomes actuellement, et c'est le Syndicat des routiers autonomes du Québec, des routiers autonomes qui ne sont pas assujettis à une convention collective. Et nous sommes la seule organisation aussi qui ne vise que les travailleurs autonomes qui ne sont propriétaires que d'un seul camion. Parce que, d'après nous, quand un travailleur autonome devient propriétaire d'un deuxième, troisième, quatrième ou cinquième camion, il n'est plus un travailleur autonome, c'est un entrepreneur. Donc, il n'est pas éligible à être membre à l'intérieur de notre syndicat.

À partir de cette situation-là, moi, je pense que le seul syndicat qui représente actuellement au Québec des travailleurs autonomes dans le réseau routier pour s'apparenter à la négociation de ça et qui a la légitimité de revendiquer cette négociation-là, parce qu'on parle de légitimité, c'est le SRAQ. C'est le SRAQ. Et la formule Rand, je n'ai pas besoin de vous énoncer les principes de la formule Rand, tout le monde la connaît. Mais, tu sais, à quelque part, on fait les représentations aujourd'hui et vous dites qu'on serait près de 6 000. C'est beaucoup. Des gens de la SAAQ nous avaient dit qu'il y en avait moins que ça au Québec. Mais, de toute façon, peu importe le nombre exact qu'il y a actuellement au Québec, nous faisons des représentations pour l'ensemble de ces gens-là. Le temps est terminé, c'est ça? Non? O.K.

Le Président (M. Lachance): Ça n'a pas de rapport avec le fait que votre temps soit terminé, M. Vaudreuil, mais le temps qui était imparti au côté ministériel est écoulé. Mais j'ai eu un signal de la part du député de l'opposition me disant que ce qui se passait actuellement est intéressant, donc qu'on pouvait vous laisser aller. Alors, si vous voulez poursuivre ou encore commencer à échanger avec le député de Pontiac.

M. Vaudreuil (François): On peut poursuivre les échanges.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. C'est certainement, si on regarde la partie de la Centrale des syndicats démocratiques qui ne touche pas directement au projet de loi, c'est certainement innovateur, c'est certainement quelque chose de nouveau. Le ministre, au début, dans ses remarques, indiquait que le projet de loi n° 430 était un peu le fruit d'une concertation. Vous avez indiqué vous-même que vous avez rencontré le ministre. Est-ce que la rencontre avec le ministre faisait partie d'une concertation pour le projet de loi n° 430 ou si c'était dans un contexte tout à fait différent?

M. Vaudreuil (François): La rencontre que nous avons eue avec M. Brassard au mois d'août dernier était pour le mettre au fait des revendications qui avaient été définies par les travailleurs autonomes, parce que, à ce moment-là, le syndicat venait d'être créé, au mois de janvier précédent, pour le saisir de cette réalité-là. Et ce que et M. Brassard et moi avions convenu à l'époque, c'est que nous confiions à un comité technique la responsabilité d'étudier différentes questions. C'est ce que nous avions convenu. Il y a eu des rencontres, mais des rencontres auxquelles les techniques de la CSD ont transmis les revendications du syndicat mais sur lesquelles les discussions ne se sont faites que sur le nouvel encadrement.

Alors, c'est évident que toutes les personnes du cabinet de M. Brassard ou du ministère qui ont eu à transiger avec les conseillers et les élus des syndicats de transport savent très bien qu'on n'est pas d'accord avec l'approche qu'on considère minimaliste – on est d'accord avec les objectifs – parce qu'elle ne résout pas le problème de déséquilibre que vivent nos gens. Donc, les rencontres techniques se sont faites dans le cadre – pour répondre à votre question – du nouvel encadrement routier, et à chaque occasion les gens ont indiqué qu'on trouvait ça beaucoup trop réducteur comme approche.

M. Middlemiss: O.K. Vous avez soulevé une préoccupation que le fait que la plupart des chauffeurs autonomes ne sont pas couverts par la CSST, ça pourrait les empêcher d'être inclus dans le registre. Est-ce que c'est un peu ça, votre préoccupation?

M. Vaudreuil (François): Oui, on soulève la question. Écoutez, au niveau de nos préoccupations sociales, moi, je pense qu'ils doivent être couverts par la CSST et on ne questionne pas ça. La question n'est pas là. C'est qu'actuellement ils ne paient pas ces primes-là parce qu'ils jugent qu'ils n'en ont pas les moyens. Puis, s'ils jugent qu'ils n'en ont pas les moyens, bien, c'est tout simplement qu'ils ont des revenus très, très bas. Et les cotisations qu'ils auront à payer en surplus à la CSST vont encore augmenter le fardeau qu'ils ont à subir actuellement puis ils vont travailler encore à un taux plus bas.

M. Middlemiss: Et est-ce que vous indiquiez une préoccupation que dans le projet de loi, parce qu'ils ne le font pas, parce qu'ils ne peuvent pas se permettre de le payer, ils n'auraient pas le droit de faire partie du registre? Est-ce que c'est ça, votre préoccupation?

M. Vaudreuil (François): C'est ça. Oui. Oui.

M. Middlemiss: Et est-ce que vous avez échangé de ça? Et, si oui, quel genre de solution proposez-vous si, dans un premier temps, vous admettez qu'ils ne pourront pas, pour un certain temps, être capables de dire: Bon, la CSST, ils payent des dus... De quelle façon peut-on leur permettre de devenir... d'enregistrer? Est-ce qu'on pourrait faire une exception, c'est ça que vous suggérez? Ou bien vous dites: On les accepterait, mais, après une période de temps, il faudrait qu'ils soient membres de la CSST?

M. Vaudreuil (François): C'est une belle question. Parce que c'est toute la question des principes de préoccupation sociale où ils doivent l'être puis par rapport à des gens qui sont confinés dans la misère puis qui n'ont pas les moyens de se le payer. On est déchiré dans cette situation-là. Évidemment, pour qu'ils soient couverts par la CSST, idéalement, ce qu'on aurait souhaité, c'est le nouveau cadre réglementaire qui aurait assuré, en tout cas, un niveau de revenus légèrement supérieur à ce qui existe actuellement, normalement.

Bon. On pourrait citer plusieurs exemples pour augmenter leurs revenus. Mais, si on avait, par exemple, juste dans le contrat type, l'assurance que, quand un transporteur demande à un travailleur autonome de peinturer son camion à ses couleurs, la peinture de ce camion-là soit défrayée par le transporteur au lieu du travailleur autonome, si on avait juste cette assurance-là, juste ça, ça paierait largement la couverture de la CSST. Mais là on n'a rien. Et tout ce qu'on fait, c'est qu'on impute des responsabilités additionnelles au travailleur autonome qui crève déjà de faim.

Et le deuxième élément, c'est que, comme il est isolé, on le laisse isolé, on ne lui donne pas le regroupement pour lui permettre de créer des réseautages, de travailler la logistique du transport dans les régions et de faire en sorte de diminuer ses revenus aussi au niveau de son prix de revient. On a des membres, là, c'est dommage, ils font faire leur comptabilité dans des grands cabinets de comptables puis ça leur coûte 7 000 $ ou 8 000 $ par année, alors qu'on pourrait réseauter ça à l'intérieur du syndicat, trouver des moyens de baisser les prix. Et, en baissant les dépenses comme ça, ce qu'on fait, c'est qu'on génère des revenus additionnels pour ces gens-là. Mais il n'y a rien en place. Il n'y a personne qui nous écoute, il n'y a personne qui nous donne un coup de main pour nous aider à sortir ces travailleurs autonomes là de la pauvreté. Ça fait que c'est ça, le problème de la CSST, M. Middlemiss.

(12 heures)

M. Middlemiss: Vous avez indiqué dans le document que vous avez remis au ministre que le laxisme flagrant dans le contrôle de la formation des chauffeurs propriétaires permet actuellement à un individu détenteur d'un simple permis de classe 1 de conduire un véhicule lourd. Est-ce que vous avez eu des échanges avec les gens du ministère et du cabinet du ministre concernant cette réflexion-là ou cette constatation-là, et est-ce que vous avez suggéré une façon de procéder pour s'assurer de la compétence des chauffeurs de camion?

M. Vaudreuil (François): Bon. Moi, je n'étais pas présent aux rencontres techniques. Les gens m'ont dit que, oui, ils avaient échangé de la préoccupation que nous avons à l'égard de la compétence des conducteurs de camion. C'est évident que, là-dessus, à ce niveau-là, il faut donner aussi un coup de barre très important. En plus, dans le cas des gens qui voudraient devenir des travailleurs autonomes, il devrait, au préalable, y avoir une attestation de formation qui est donnée pour, quand ils vont arriver à ce nouveau statut, qu'ils n'aient pas de surprise puis qu'ils ne se retrouvent pas dans une situation où ils sont incapables de gérer leur micro-entreprise. Et ça, à cet égard-là, on travaille, à la CSD, on est en train de bâtir une session de formation en 11 blocs pour donner un coup de main à nos gens, pour leur permettre d'être capables justement de mieux gérer. Mais la compétence, au moment où on se parle, que ce soit au niveau de la conduite ou que ce soit au niveau de la gestion des micro-entreprises, c'est un besoin criant, urgent pour lequel il y a beaucoup à faire.

M. Middlemiss: Au point de vue de la compétence de conduite, est-ce que vous trouvez que la formation que nous avons présentement n'est pas adéquate, et, si c'est le cas, est-ce que vous avez des suggestions à faire pour s'assurer que cette formation-là que les entrepreneurs... Parce que, à un moment donné, on dit: Regarde, on veut s'assurer que les véhicules qui sont sur la route sont en bonne condition, sont sécuritaires, mais il me semble que la personne qui conduit ce véhicule devrait certainement avoir la formation pour être capable d'éviter des accidents et des tragédies, par exemple. Donc, est-ce que vous sentez qu'on devrait, dans ce sens-là, pousser plus la formation des chauffeurs de camion, d'autobus ou de véhicule lourd?

M. Vaudreuil (François): Définitivement, la réponse, c'est oui.

M. Middlemiss: Est-ce vous avez des suggestions de quelle façon le faire? Le fait, aujourd'hui, que les cours de conduite ne sont plus obligatoires pour obtenir un permis, est-ce que, vous, vous croyez que ça a pu avoir des conséquences négatives? En d'autres mots, si les gens étaient obligés de prendre un cours de conduite, dans un premier temps, est-ce que vous croyez que ça pourrait aider encore à assurer une meilleure formation de gens qui finissent éventuellement par être des conducteurs de véhicule lourd?

M. Vaudreuil (François): Oui. Et d'ailleurs on pourrait s'inspirer d'une expérience excessivement heureuse dans l'industrie de la construction, où, pour être capable d'avoir une carte de compétence pour être éligible à l'industrie de la construction, il faut préalablement avoir suivi un cours de sécurité – je pense que c'est 30, 35 heures – pour être capable d'avoir un comportement dans l'industrie qui va faire en sorte qu'on va être sécure. Alors, qu'on mette des obligations semblables aux gens qui travaillent dans le transport routier, pour les prochains qui vont venir, moi, je pense que c'est grandement souhaitable. Si on regarde les effets que ça a eus dans l'industrie de la construction, de telles initiatives ont été grandement profitables à l'industrie et on a remarqué des changements de comportement importants à cet égard-là.

M. Middlemiss: Peut-être une dernière question. C'est le ministre, tantôt, qui a soulevé l'ANCAI. Peut-on faire un parallèle entre vos revendications et les garanties que le gouvernement donne aux camionneurs en vrac, par exemple? Parce qu'il y en a, hein, il y a la clause 75-25, et ainsi de suite. Est-ce que vous croyez qu'il y a un parallèle entre ce que vous demandez et ce que le gouvernement accorde déjà aux camionneurs en vrac?

M. Vaudreuil (François): Il y a des similitudes, mais il y a aussi des différences. Et la principale différence, c'est que eux oeuvrent sur un marché domestique. Donc, en principe, ils devraient être beaucoup moins affectés par la déréglementation que nous qui sommes confrontés – confrontés parce qu'on a des membres qui vont jusqu'au Mexique – dans le fond, à une mobilité de nos membres à l'intérieur du continent nord-américain. Il est évident que les règles de la concurrence, les rapports sociaux, quand on vit dans une zone de libre-échange et que la mobilité se fait sur le continent, ce n'est pas la même chose que quand on est dans un marché domestique.

Moi, d'après moi, dans un marché domestique, il est beaucoup plus facile et beaucoup plus facilement acceptable d'avoir une réglementation serrée que sur un marché plus ouvert que le nôtre, et c'est pour ça que nos revendications sont différentes des leurs. Mais le principe est le même, le principe, c'est qu'on veut avoir une équité au niveau de la compétition, on veut que ça se fasse de façon plus loyale, qu'on assainisse les rapports sociaux et qu'on ne se retrouve pas dans des situations de déséquilibre comme on est actuellement.

Donc, ça varie, mais la plus grande différence, c'est le marché. Eux ont un marché domestique, et, ayant un marché domestique, ils sont beaucoup moins vulnérables que nous à la déréglementation, parce que, nous, quand on va aux États-Unis, au Mexique ou dans les autres provinces, on fait partie de la zone de libre-échange, mais ce n'est pas leur cas à eux. Donc, la réglementation est beaucoup plus facile pour eux que pour nous.

Mais il faut faire des choses, je ne vous dis pas qu'il ne faut pas travailler dans le nôtre, là. Dans le fond, la grande question, c'est: Au Québec, sommes-nous capables de trouver une réponse au grand déséquilibre qu'on vit actuellement, pour avoir des rapports sociaux plus sains, pour avoir du monde qui va être capable de vivre sa vie dignement? Il faut avoir du coeur au ventre en tabarnic pour travailler 3 000 heures par année puis gagner entre 4,72 $ et 8 $ de l'heure, puis, en plus, avoir sa conjointe qui travaille dans les livres, qui administre les comptes de taxes, qui administre les comptes sur l'essence, puis tout ça. Tu sais, il faut trouver des solutions à ça, là, c'est une situation qui est intenable, il faut développer un modèle nouveau, puis je pense qu'on est capable de le faire, au Québec.

M. Middlemiss: Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, je remercie les représentants de la Centrale des syndicats démocratiques d'avoir participé à ces consultations particulières sur le projet de loi n° 430, et j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 8)


Document(s) associé(s) à la séance