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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 3 février 2000 - Vol. 36 N° 37

Consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec : un défi collectif


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Table des matières

Documents déposés

Auditions


Autres intervenants
M. Claude Lachance, président
Mme Diane Barbeau, présidente suppléante
M. Guy Chevrette
M. Yvan Bordeleau
M. Jean-Guy Paré
M. David Whissell
Mme Margaret F. Delisle
*M. Raymond Medza, GAA
*M. Yves Prud'Homme, FPMQ
*M. Claude Bonhomme, STO
*M. Georges O. Gratton, idem
*M. Nicolas St-Vincent, Corporation des propriétaires de bars,
brasseries, tavernes et restaurants du Québec
*M. Guy Lacasse, idem
*M. Bernard Minguy, ARQ
*M. François Meunier, idem
*M. Hans Brouillette, idem
*M. J. A. Gérald Drolet, CCAQ
*M. Jacques Béchard, idem
*M. Maurice Roy, idem
*M. Frédéric Morin, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Je vous rappelle que le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec: un défi collectif .

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Barbeau (Vanier) remplace M. Côté (La Peltrie); M. Paré (Lotbinière) remplace M. Deslières (Salaberry-Soulanges); et Mme Delisle (Jean-Talon) remplace M. Middlemiss (Pontiac).

Le Président (M. Lachance): Merci.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre.

M. Chevrette: Je peux-tu déposer les documents qui ont été demandés par M. le député de l'Acadie hier?

Le Président (M. Lachance): Fort volontiers.


Documents déposés

M. Chevrette: Investissement d'abord du MTQ en matière d'aménagement cyclable; ensuite, nous avons les montants alloués par la SAAQ aux activités promotionnelles reliées à l'alcool au volant et au vélo.

Une voix: ...

M. Chevrette: On est aussi bien de le donner avec explication. Puis, s'il y a d'autres choses, vous me le ferez savoir.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre, pour votre rapidité à fournir les informations demandées. C'est un exemple à suivre. Alors, aujourd'hui, nous allons tour à tour rencontrer d'abord le Groupe... Oui, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Une question. Concernant les documents, vous nous avez donné les campagnes promotionnelles sur l'alcool au volant, mais on avait parlé aussi des campagnes promotionnelles sur le port du casque.

M. Chevrette: Ils sont dedans, les deux sont dedans.

M. Bordeleau: Ils sont dedans. O.K. Parfait.

Le Président (M. Lachance): Très bien. Alors, d'abord, nous allons rencontrer les représentants du Groupement des assureurs automobiles; par la suite, le Dr Ronald Denis de l'Hôpital du Sacré-Coeur; vers 11 h 30, la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec. Après la suspension de nos travaux à 12 h 30, nous reprendrons à 14 heures avec la Société de transport de l'Outaouais; par la suite, la Corporation des propriétaires de bars, brasseries, tavernes et restaurants du Québec; à 16 heures, l'Association des restaurateurs du Québec; et finalement, à 17 heures, la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec.

Alors, bienvenue à tous les membres de la commission et en particulier aux personnes qui ne sont pas nécessairement habituellement avec nous mais qui vont avoir l'occasion de voir que, à la commission des transports et de l'environnement, on travaille en harmonie.


Auditions

Alors, j'invite le porte-parole du Groupement des assureurs automobiles à bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent.


Groupement des assureurs automobiles (GAA)

M. Medza (Raymond): Merci, M. le Président. Mon nom est Raymond Medza. Je suis directeur général du Groupement des assureurs automobiles. Je suis accompagné de Mme Brigitte Corbeil, qui est directrice à la recherche et au développement des politiques, et de M. Louis Morrisseau, qui est analyste des normes et pratiques.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, madame, messieurs. Je vous rappelle que vous avez un maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires, et, par la suite, les échanges pour un total de 40 minutes, donc une durée maximum d'une heure. Vous avez la parole.

M. Medza (Raymond): Merci, M. le Président. Nous vous remercions de nous donner l'opportunité de commenter le mémoire que nous vous avons fait parvenir en réponse à votre document de consultation que vous avez appelé La sécurité routière au Québec: un défi collectif , et un thème avec lequel je ne peux être que d'accord. Nous allons tenter brièvement de sommariser le mémoire que nous avons présenté et de répondre aux questions au meilleur de notre connaissance.

Juste un mot de rappel, le Groupement des assureurs automobiles qu'on appelle le GAA est un organisme qui a été créé en 1978 par la Loi sur l'assurance automobile et qui regroupe tous les assureurs privés au Québec. Tous les assureurs qui ont un permis pour pratiquer au Québec sont membres. Donc, nous représentons plus d'une centaine d'assureurs. L'industrie de l'assurance automobile, qui est représentée par le GAA aujourd'hui, s'est toujours très intéressée au dossier de la sécurité routière. Bien que depuis 1978 l'industrie soit plutôt un petit peu perturbée par la prise en charge par l'État d'une partie qui nous était dévolue avant, la sécurité routière demeure une de nos préoccupations, et on pense que les intentions que le ministre a exprimées dans son mémoire sont toutes valables. D'ailleurs, M. le Président, je suis également le président de la table de concertation sur la formation des conducteurs, qui a été mise sur pied par la Société de l'assurance automobile pour aider à ce dossier.

(9 h 40)

Rapidement, il y a plusieurs facteurs qui affectent aujourd'hui la conduite automobile. Prenons, à titre d'exemple, l'augmentation du nombre de détenteurs de permis, l'augmentation du nombre de véhicules. L'effet, c'est l'encombrement des routes et donc une dégradation des voies circulables parce que l'usage en est plus grand.

Deuxièmement, la confiance qu'inspirent les nombreuses technologies qui ont visé l'amélioration de la sécurité tant des passagers, comme la ceinture de sécurité, les cages d'absorption, les sacs gonflables, les freins ABS... Et cette nouvelle technologie là engendre souvent, de façon inconsciente, des attitudes négligentes, agressives, voire même téméraires de la part des conducteurs: on est en sécurité.

Et, troisièmement, la multitude d'équipements dont sont dotées maintenant les automobiles: le système de climatisation, régulateur de vitesse, système de son, système de cassette, téléphone cellulaire puis ordinateur. Il n'y a pas de limite. Et tout ça, ce sont des sources de distraction pour les conducteurs, qui les utilisent souvent de façon incorrecte, et qui rendent la conduite automobile de plus en plus hasardeuse.

Alors, c'est pour ça qu'on aimerait certainement souligner au ministre l'importance de se pencher sur la formation des nouveaux conducteurs, parce qu'à notre avis toute mesure relative à la prévention doit nécessairement passer par la formation, l'éducation, l'information.

Le Groupement, d'ailleurs, a transmis à la Société d'assurance un mémoire – le 8 septembre dernier, je pense – dans lequel nous préconisons un programme d'évaluation graduelle qui mesure les habiletés des conducteurs, tant les habiletés psychomotrices, les habiletés perceptuelles, cognitives, l'attitude même, au volant. Alors, au besoin, ça nous fera plaisir de faire parvenir à d'autres membres de la commission qui seraient intéressés à le recevoir, ce mémoire. Au risque de me répéter, toute mesure mise de l'avant, même au moyen d'une loi, nous apparaît inefficace si elle n'est pas apprise, enseignée, transmise, rééduquée et appliquée. On peut faire beaucoup de lois et ne pas les appliquer ou les appliquer partiellement. Donc, à ce moment-là, les points sont faibles.

Cinq points dans le mémoire. Le port du casque et la question des patins à roues alignées. Bien qu'on ne soit pas véritablement touché, comme assureur, par ces deux mesures-là, on a souligné quand même que le port du casque, pour les adultes à tout le moins, je pense que ça devrait être laissé... il devrait y avoir une forme de libre choix. Mais je pense qu'à force de former les jeunes à porter des casques, finalement, dans le temps, ils viendront, tout le monde, à en porter sans que ce soit nécessairement... si on est capable de leur démontrer les dangers que ça représente. Je vois mal qu'un parent qui s'en va avec un enfant sans casque, se promène sur la rue à bicyclette, c'est une preuve d'intelligence. Puis je pense qu'il faut le leur apprendre et je ne pense pas qu'on ait à leur imposer.

Pour ce qui est du patin à roues alignées, personnellement, je pense qu'ils ne devraient pas être dans les routes. Les routes, c'est fait pour la circulation. Il y a des endroits qui sont prévus pour ça. Qu'ils aillent dans les zones cyclables – dans beaucoup d'endroits, c'est prévu – et à d'autres endroits. Nous croyons que, dans les trois propositions qui ont été faites, celle de les limiter à certains endroits de la chaussée, c'est la bonne façon.

Le fameux cinémomètre photographique. Bon. Idéalement, tous les conducteurs devraient respecter le Code de la sécurité routière, mais, on le sait, malheureusement, ce n'est pas le cas. Les limites de vitesse sur les voies rapides sont rarement sinon jamais respectées. Il s'agit de voyager régulièrement, du moins entre Montréal et Québec, pour le savoir. De plus, c'est connu que, dans l'application, on fait preuve de tolérance, et jusqu'à 118 ou à peu près on est à peu près certain de ne pas se faire déranger.

Donc, avant de mettre en place des moyens de surveillance électronique, je pense qu'on doit évaluer la pertinence du niveau actuel des limites de vitesse pour s'assurer d'abord qu'elles soient appropriées en fonction des lieux, des endroits, des routes; bannir les pratiques de tolérance, si on impose une limite de vitesse, c'est cette limite de vitesse là qui devrait être appliquée telle qu'édictée. Mais le cinémomètre photographique devrait être pris en compte comme un moyen supplémentaire de contrôle là où les méthodes traditionnelles connues sont insuffisantes, notamment... On ne peut pas mettre des policiers tout le long des routes, 24 heures sur 24, avec les clignotants pour ralentir le trafic. Donc, il y a peut-être des endroits où on devrait l'avoir, mais ça devrait être limité, par rapport aux endroits où c'est utilisé, et comme moyen ultime, je le répète, lorsqu'il y a des endroits où on a des vitesses excessives.

Qu'est-ce que c'est qu'une vitesse excessive? Bien là il faudrait encore voir quelle est la vitesse de base puis multiplier, vérifier le conditionnement, comment la route a été faite, les fréquences d'accidents et évidemment la configuration. Et peut-être même... Quelqu'un me suggérait l'autre jour: Pourquoi pas à certaines intersections où on a des clignotants rouges ou des lumières où des gens passent sans s'arrêter? Bien là j'ai dit: Le cinémomètre, lui, il travaille strictement avec la vitesse, il ne travaille pas avec d'autres choses. Mais enfin. Et, comme le mentionnait le ministre dans son rapport, il faut absolument que ce soit très bien identifié, qu'on va procéder de cette façon-là.

Quant au virage à droite, parmi les solutions envisagées, nous préférons celle qui consiste à permettre spécifiquement le virage à droite. Encore une fois, la formation des conducteurs est primordiale, mais aussi la formation des piétons, particulièrement dans les agglomérations urbaines, où on sait que les gens traversent souvent sur les feux rouges, traversent souvent les intersections sans considération. Et donc il y a une très, très grande formation à faire sur le côté du virage à droite.

Quant au niveau de la conduite avec les capacités affaiblies par l'alcool, nous ne sommes pas certains que la réduction à 0,04 serait une mesure qui contribuerait à réduire les accidents, à moins qu'on nous démontre qu'entre 0,04 et 0,08 il y a tellement d'accidents que ça justifie que ce soit fait. Ce qui serait plus important, à notre avis, ce serait qu'il y ait des conditions non seulement plus sévères pour la ré-émission des permis de personnes qui ont commis des infractions ou qui ont récidivé, mais également elle devrait être conditionnelle, dans tous les cas, à l'utilisation d'un dispositif mesurant l'alcool dans l'organisme pour empêcher la mise en marche du véhicule pour une période assez longue. Et il devrait y avoir des pénalités vraiment extrêmement sévères pour quelqu'un qui tente de contourner une restriction à son permis. Et ça, je pense que c'est important. On appuie également la proposition qui vise à imposer une tolérance zéro pour les conducteurs professionnels, je pense que ça, ça va de soi.

(9 h 50)

Alors, bien que la réforme actuelle n'interpelle que très peu les assureurs comme tels, nous croyions que c'était notre responsabilité de venir vous dire que nous sommes favorables à toute mesure qui peut améliorer le bilan routier mais en autant que sa mise en application soit facile et qu'elle soit faite, et intégralement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Medza. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Moi, je voudrais vous remercier également pour votre mémoire; je pense que vous touchez à l'ensemble des points. J'ai quelques clarifications à vous demander, c'est tout, parce que vos positions sont tranchées, sont claires, règle générale, sur l'ensemble des coûts. Sauf sur le... Comment on peut interpréter, par exemple, votre position sur le port du casque, tout en reconnaissant dans votre mémoire que... Vous reconnaissez que c'est un élément de protection physique. Vous préconisez le statu quo, si je lis votre texte, et ce n'est pourtant pas ce qui ressort de vos propos. J'ai plutôt l'impression que vous voulez qu'il se fasse quelque chose malgré le fait que...

Et, pour vous donner la chance de donner justice à votre pensée, ma question serait donc la suivante: Même si vous préconisez le statu quo, vous feriez quoi pour améliorer la sécurité, en particulier des jeunes, par exemple? Parce que vous allez être suivi d'un médecin tantôt, le Dr Denis, qui va venir parler de traumatismes crâniens, puis très sévères, puis il est chef d'un secteur de la traumatologie. J'ai la conviction que vous êtes pour une plus grande sécurité, même pour les cyclistes, et j'aimerais vous amener l'opportunité de me le prouver.

M. Medza (Raymond): Alors, M. le Président, sur la question du port du casque, nous la regardons un peu comme ce qui s'est fait au hockey. Nous avons commencé, avec les équipes de jeunes, à les obliger à porter le casque. On est allé après ça au midget, on est allé au bantam, au junior A. Finalement, maintenant, c'est dans les moeurs, de porter de l'équipement. Par contre, il y a toujours un danger quand on force, quand on amène quelqu'un à porter un casque. On n'a pas imposé tout de suite, à la Ligue nationale, aux joueurs professionnels qui avaient atteint un certain niveau et qui avaient appris à évoluer, comme les gens de mon âge, sans casque. Et nous avions développé une certaine prudence parce que c'est ce qu'on nous avait appris étant jeunes. Mais aujourd'hui...

À moins que je me trompe, les deux personnes qui sont avec moi ont des enfants; ils ne promènent pas leurs enfants sans casque. Et je suis à peu près certain qu'eux-mêmes en portent, parce qu'ils en portent avec leurs enfants. Le fait de l'imposer, je ne sais pas si ça change véritablement le problème. Je pense qu'on devrait dire aux gens: Écoutez, si vous avez des enfants – comme on a fait, par exemple, pour les sièges de bébés – vous êtes obligés de les avoir à partir de tel... à tel âge vous ne pouvez pas avoir quelqu'un qui se promène sans casque. Et je pense que ça, ça rejoint à peu près ce que beaucoup de gens croient.

Bon. Il y en a qui vous disent qu'ils ne feront pas de vélo si on leur impose le port du casque, mais, quand on l'aura imposé, ils vont probablement en porter un quand même. Ce que je pense, ce sur quoi je reviens, c'est toujours la même question, je dis: Je pense qu'on doit l'imposer à certains groupes qui sont plus vulnérables. S'il y en a qui sont encore assez «insages», pour utiliser ce terme-là, de ne pas porter le casque, bien, ils en subiront les conséquences, et peut-être que ça serait au niveau des indemnités qui seront versées: vous portez un casque maintenant, puis vous aurez à supporter une partie des frais qui sont encourus.

M. Chevrette: Vous, comme groupe d'assureurs, vous ne pensez pas que vous pourriez jouer un rôle? Je ne sais pas, éventuellement, par exemple, avoir une prime réduite pour une famille qui... s'ils vous assurent, par exemple, qu'il y aurait le port du casque. Avez-vous pensé à des formules du genre pour être incitatifs et être un point d'appui, en fonction de la sécurité?

M. Medza (Raymond): J'aimerais pouvoir vous répondre, M. le Président, malheureusement, la question du ministre s'adresse surtout à ce qu'on appelle l'assurance de personnes. Et ma spécialité... Pas que je ne m'occupe pas des gens non plus, mais, dans le type d'assurances où je transige, on transige avec la tôle, on transige avec les biens matériels. Mais mon collègue de l'assurance de personnes, je vais sûrement lui transmettre votre suggestion. Je pense que, comme je vous ai dit, autant dans les programmes gouvernementaux que les programmes privés, il pourrait y avoir des contributions pour les personnes qui se conduisent incorrectement.

Comme, par exemple, en assurance automobile, la personne qui conduit en état d'ébriété, on est obligés de l'indemniser parce qu'on nous a forcés à exclure, dans notre contrat, l'exclusion qui prévoyait qu'on ne paie pas les dommages causés à quelqu'un qui conduit en état d'ébriété. Comme c'est un contrat imposé par la loi, bien, on paie. Quelqu'un qui rentre dans un mur avec son auto, il devrait payer pour, mais l'exclusion est toujours là. Enfin, c'est un autre domaine, mais je vous signale que souvent on a tous des bonnes idées de vouloir faire quelque chose qui puisse nous permettre d'améliorer la situation des gens, puis on crée d'autres choses qu'on n'a pas vues. Et ça, ça en était une.

M. Chevrette: ...souvent avec les vendeurs, par exemple. Je me demandais si on ne pouvait pas introduire au Québec, par incitation, soit avec votre aide, les groupes de cyclistes organisés, structurés et dire... par exemple inviter nos vendeurs de vélos à vendre le casque avec le vélo, par exemple.

M. Medza (Raymond): Oui. Voilà, M. le Président...

M. Chevrette: Vous pouvez être des promoteurs dans vos milieux.

M. Medza (Raymond): Effectivement, M. le Président, dans tous les cas où on va aller promouvoir une méthode de prévention d'accident... Et vous savez qu'on s'implique régulièrement dans toutes sortes de programmes de prévention, parce que c'est notre intérêt de maintenir nos tarifs au plus bas possible. Plus nos tarifs sont bas, moins on se fait harceler par notre clientèle. Mais, comme les primes sont souvent reliées aux indemnités qu'on doit payer, dès lors où il y a une participation quelconque, on va souvent faire des promotions pour... Bon. Ce n'est peut-être pas tout à fait relatif exactement à du un pour un, mais on peut avoir des incitatifs qui le font. La SAAQ l'a fait avec la tarification, par exemple, pour les personnes qui n'ont pas de points d'inaptitude à leur dossier. Donc, elles paient une meilleure prime; celles qui en ont plus paient plus cher.

Est-ce que, dans le système d'assurance maladie ou dans l'immatriculation... Est-ce qu'on pourrait forcer l'immatriculation des bicyclettes? Et, dès lors où vous avez le port du casque, vous avez une décroissance. Est-ce qu'on pourrait encourager des – bien là le ministre des Finances n'aimerait pas ça – incitatifs fiscaux à des marchands de produits pour offrir des articles de prévention avec la vente d'une bicyclette? C'est toutes des choses qu'on peut étudier. Je ne pense pas qu'on puisse prendre une décision, dire: Voici ce que vous allez faire. Mais, comme je vous dis, la formation nous amène à avoir des tables de concertation, des petits groupes qui peuvent travailler puis trouver des façons qui soient agréables de faire quelque chose.

M. Chevrette: Pour ce qui est de... Parce que le reste, je pense que c'est votre position sur les roues alignées, c'est déjà dans la loi, puis vous savez que c'est à peu près inapplicable. Donc, j'ai l'impression qu'il va plutôt falloir revoir la loi pour essayer d'améliorer la situation. Parce que, si on n'applique rien, ça ne donne pas grand-chose quand bien même qu'on aurait une loi blindée puis qu'on ajoute, un peu comme le fédéral a fait, prison à perpète pour un crime non comparable à d'autres. Et le cinémomètre, je pense que votre perception est claire aussi.

Mais, quand on parle de taux d'alcool, votre mémoire est plus nuancé, tout en étant un peu anti en bas de 0,08, mais vous êtes quand même mitigé. J'aimerais que vous nous expliquiez un peu davantage, par rapport à votre mémoire, concrètement ce que vous feriez. Vous me dites, bien sûr: Avoir un antidémarreur pour un délinquant. Vous êtes en faveur d'une plus grande sévérité tout en étant en défaveur d'améliorer... vous êtes contre la gradation de 0,02, je ne sais pas, par exemple en Suède, par rapport à 0,08 ici.

Je regardais les pays – on pourrait peut-être le déposer pour les fins de la commission. En Russie, imaginez-vous, c'est 0,02. Je suis allé en Russie puis je n'ai pas l'impression que c'est appliqué avec beaucoup de rigueur. Et puis il y a beaucoup d'exemples qu'on peut donner: le Japon, la Russie, la Suède. Au Japon, c'est zéro, 0,00; en Russie, 0,02; Suède 0,02. Après ça, vous en avez une bonne brochette à 0,05. Et, après ça, on tombe à une autre brochette assez importante à 0,08, dont le Québec, Canada, Luxembourg, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni, Suisse. Vous me semblez être assez ferme jusqu'à 0,08. Donnez-moi donc votre sévérité en haut.

(10 heures)

M. Medza (Raymond): Bon. M. le Président, le ministre a raison quand il soulève la question de dire: ça semble présenter deux poids, deux mesures. Notre propos est le suivant. Nous ne sommes pas des experts en alcoolisme, en alcoolémie et en calcul de l'impact. Tout ce qu'on sait, c'est que, aujourd'hui, avec 0,08, il y a des conducteurs que nous continuons d'assurer parce que la loi nous y oblige aussi. On assure des personnes qui ont eu deux, trois, quatre suspensions de permis pour conduite en état d'ébriété. La loi nous oblige à continuer à les assurer. On leur donne des permis et on dit: Regardez, là, il y a quelque chose quelque part. Que vous descendiez à 0,04, mon problème n'est pas là. C'est que ce n'est pas appliqué à 0,08; imaginons-nous à 0,04, ce que ça va être.

Est-ce qu'on pourrait l'appliquer correctement à 0,08, puis voir c'est quoi, l'impact? Est-ce qu'on pourrait empêcher les récidivistes puis les personnes dont les permis sont suspendus... Combien de fois les policiers nous rapportent avoir arrêté des gens qui n'ont pas le droit de conduire? Qu'est-ce qu'on fait pour empêcher ces gens-là de conduire? Quelle sorte d'amende est-ce qu'on va faire à ces gens-là? Quelle sorte de pénalité va-t-on faire pour les empêcher d'arriver et de continuer à conduire? Et à mon point de vue, à moins d'errer totalement, c'était le propos que nous avions. C'est qu'on se demande: Est-ce que... On n'est pas contre la diminution de 0,08 à un autre taux comme tel. C'est qu'on ne sait pas, si on l'appliquait maintenant comme il faut, ça serait quoi, l'impact. Et est-ce que là, à ce moment-là, on a besoin de le réduire?

Vous avez cité plusieurs pays qui ont des taux moins bas. Par exemple, pour les jeunes, les nouveaux conducteurs, nous avions prévu tolérance zéro, parce qu'on ne peut pas se permettre même de prendre une chance. Peut-être qu'on ne doit pas le faire avec d'autres conducteurs non plus. Je ne sais pas. Mais une chose de laquelle je suis certain, c'est que je souhaite une plus forte application, par exemple pour les gens qui ont eu des 0,16 ou 0,17 ou 0,18. Quand ils ont le double du taux d'alcoolémie, est-ce que ces gens-là devraient avoir une suspension automatique de leur permis avec la disposition d'un... Je ne sais pas, mais je pense qu'on devrait avoir quelque chose de plus sévère et je pense que d'attirer l'attention sur ce point permettrait à nos collègues de la Société d'assurance d'engager des fonds, des recherches dans ce sens-là, des calculs avec des spécialistes comme le Dr Nadeau ou d'autres.

M. Chevrette: Mais vous savez qu'il y a une tendance. Je regardais... Le fédéral a passé une loi dernièrement, puis, tout de suite après, il s'apprête à en passer encore une plus forte allant jusqu'à la prison à perpétuité. Nous, on a des saisies de véhicules de façon quasi instanter maintenant quand c'est un récidiviste. On nous demande de prolonger ça jusqu'à trois mois au lieu de 15 jours, etc., la suspension du permis, sans égard à quoi que ce soit.

Vous semblez être passablement d'accord avec ces formules de resserrement sans pour autant changer le seuil. Est-ce que j'interprète bien vos propos?

M. Medza (Raymond): Voilà. Je pense qu'on doit appliquer sévèrement et être sévère avec ce qu'on a comme seuil présentement, l'appliquer, parce que, je vous concède, avec une population large, je suspends le permis de conduire de quelqu'un, si je n'ai pas de mécanisme et de contrôle pour l'empêcher de conduire, qu'est-ce que je fais? Il va aller sur la route. Et, malheureusement, on a vu... Je ne dis pas qu'il y en a des milliers, mais souvent un, c'est trop.

Quand on a des personnes qui sont impliquées dans des accidents mortels à contre-sens sur une autoroute et qu'on apprend, le lendemain, dans les journaux, que cette personne-là était quelqu'un qui était sous le coup d'une suspension pour conduite en état d'ébriété puis qu'elle avait 0,21 dans le sang, puis que, le lendemain, on va lui donner encore un permis pour pouvoir conduire parce qu'elle travaille avec, il y a quelque chose quelque part qui ne fonctionne pas, à mon point de vue, et je pense que c'est ça, cette partie-là, qu'il faut resserrer.

M. Chevrette: Une dernière petite question. J'ai également la crainte, moi, de voir... Par exemple, vous savez qu'on nous a suggéré de suspendre des permis dans le cas de non-paiement de stationnement. Il y en a qui préconisent ces choses-là. Moi, ma crainte, c'est d'arriver à avoir un 200 000, 300 000 conducteurs de plus sur nos routes sans permis, et je n'ai pas trouvé les moyens encore de faire des suggestions très concrètes. Si on ne fait plus d'emprisonnement pour celui qui ne paie pas ses amendes de stationnements illicites ou illégaux, qu'est-ce qu'on fait, concrètement, si on ne veut pas se retrouver avec un nombre incalculable additionnel de personnes qui conduisent un véhicule sans aucun permis légal ou encore avec l'immatriculation empruntée ou volée sur un autre véhicule? Est-ce que vous avez des suggestions à nous faire là-dessus? Ou, en tout cas, si vous n'en avez pas nécessairement ce matin, seriez-vous prêt, comme groupe, à vous investir un peu dans ça puis nous transmettre des suggestions très concrètes?

Parce que ça peut devenir un fléau, ça, si un individu ne peut jamais s'en sortir parce qu'il n'a pas l'argent... par contre, on lui dit: Si tu n'as pas d'argent, tu n'auras pas de permis de conduire. Puis le résultat, c'est qu'on les retrouve tous sur les routes sans permis, sans avoir payé leurs redevances, sans avoir payé leurs primes d'assurance, automatiquement, de facto. Ça devient donc des gens qui, devant la loi, tôt ou tard, seront pincés. Et puis, pour ne pas avoir voulu l'emprisonnement à court terme, on aura un emprisonnement majeur à long terme, parce qu'il arrivera des accidents sans permis légaux, peut-être avec une immatriculation, même, volée sur un autre véhicule. Si vous avez des propositions, des suggestions à faire, j'aimerais les entendre.

M. Medza (Raymond): Alors, M. le Président, dans la question des pénalités qui sont à imposer pour des infractions qui ne sont pas de nature – et je qualifie – criminelle comme, par exemple, la conduite en état d'ébriété, le non-paiement d'amendes, on a souvent pensé que, comme d'autres – comme les délits, par exemple, qui ont trait à des dommages à la propriété, à des vols de biens ou à des vols d'automobiles – les saisies de biens et saisies de salaire, l'imposition de travaux communautaires jusqu'à hauteur des montants qui sont en cause sont souvent plus efficaces que l'alternative de la prison ou de la suspension de permis.

Parce que, de toute façon, les chances qu'ils se fassent prendre à conduire sans permis valide sont minces, si on considère qu'un policier n'arrêtera pas tous les conducteurs pour vérifier s'ils ont un permis valide. Il les arrête quand ils commettent une infraction, et les gens qui sont sous le coup d'une suspension sont normalement très prudents, pour ne pas se faire observer, pour ne pas se faire remarquer par la gent policière et se faire intercepter.

Donc, on n'a pas fait un approfondissement des méthodes qu'on pourrait utiliser, dans ce sens-là. Il reste que c'est certainement quelque chose que je pense qu'on pourrait regarder et transmettre au gouvernement, et à la SAAQ et à votre ministère, les documents dans ce sens-là.

M. Chevrette: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie, vice-président de la commission et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je veux vous remercier pour la présentation de votre mémoire. Avant d'aborder certains des points que vous avez mentionnés dans votre mémoire, j'aimerais revenir peut-être à ce que vous nous avez dit en introduction concernant un mémoire que vous aviez déposé sur, disons, la formation comme telle des conducteurs, et vous offriez à ce moment-là à la commission que vous étiez prêts à déposer ce mémoire-là. Alors, si c'était possible, je pense qu'on l'apprécierait. Alors, vous pouvez le faire parvenir au secrétariat de la commission, et on le fera circuler par la suite aux membres de la commission comme tels. Est-ce que vous pouvez peut-être juste nous dire un peu plus en quoi consistait ce mémoire-là? Parce que j'ai l'impression que ça peut peut-être amener des questions qu'on pourrait vous poser.

M. Medza (Raymond): Le mémoire qui était relatif à l'évaluation des nouveaux conducteurs disait que, actuellement, nous avons, comme vous savez – et nous étions d'accord avec ça – éliminé l'obligation de suivre un cours de conduite pour obtenir un permis, en échange de quoi on avait un permis qui était acquis par étapes: un premier permis pour apprendre à conduire, donc le permis d'apprenti, puis, ensuite de ça, un permis progressif temporaire, sur une période de temps, pour permettre à la personne de se familiariser avec son nouveau rôle de conducteur et qu'on échelonne, si ma mémoire est correcte, sur une période de deux ans.

(10 h 10)

Le problème est que, lorsque la personne va pour obtenir son premier permis, celui d'apprenti, c'est quoi, les exigences? Est-ce qu'on pourrait exiger que cette personne-là passe un examen pour obtenir ce premier permis là et que les connaissances qu'elle possède et qu'elle doit posséder pour obtenir le permis d'apprenti soient reliées au moins à la connaissance de la signalisation?

Nous avons participé à la production d'une émission, il y a quelques années, dans laquelle on avait fait des tests en demandant à des gens, après avoir placé une série de panneaux: Est-ce que vous les avez vus? Très peu de gens étaient en mesure de nous dire s'ils avaient vu des panneaux et quel panneau était en avant et quel panneau ils venaient juste de passer, parce que les gens ne conduisent pas d'une façon consciente. Ça, ça ne se fait que par l'apprentissage.

Donc, premier permis, premier examen, je vais apprendre à conduire; je vais apprendre en été, je vais peut-être apprendre en hiver. Est-ce qu'il y aurait moyen d'avoir un test qui permette à ces nouveaux conducteurs de nous montrer leur habileté et leurs connaissances psychomotrices, cognitives au niveau des hasards de la route, dans un premier temps? Et un deuxième qui soit peut-être six mois ou sept mois après, à la sortie, pour être sûr que la personne, une fois qu'elle a passé l'examen pour obtenir son permis... vérifions, au bout de deux ans, pour voir si elle sait encore quelque chose avant de la laisser aller. Parce que, après, on ne vérifie plus.

Moi, j'ai eu mon permis – j'ai presque peur de le dire, là – en 1958, je crois, j'ai passé un examen. J'ai suivi des cours de conduite par la suite, j'en ai suivi une dizaine; presque à tous les deux ans, je suivais un cours de conduite préventive. Mes enfants ont fait les mêmes cours de conduite sur glace et de conduite préventive. Combien de personnes ont fait ça? Moi, je l'ai fait parce que je suis dans le milieu, peut-être parce que je suis plus renseigné, parce que je suis plus au courant, parce que je voulais donner l'exemple. Mais, à part de ça, les conducteurs sont laissés à eux-mêmes pendant 20 ans. Alors, vous les regardez tourner un coin de rue, ils ne savent pas comment tourner. Je peux vous montrer toutes les infractions aux règles de base de conduite préventive. Ils suivent un véhicule, ils ne savent pas comment le suivre; pas parce qu'ils n'ont pas appris, parce qu'on ne le leur a pas répété.

Donc, on pense que les tests, du moins dans les premières années, vont renforcer la connaissance de la personne dans le domaine de la conduite non seulement au niveau de porter attention, mais de conserver l'apprentissage pour être capable d'arriver, à la fin, avec encore une connaissance égale, puisqu'ils ont dû y penser tout le temps parce qu'il y a un examen qui s'en vient à la fin. Donc, la pratique va se faire par l'incitation, qui est, elle, récompensée par la réussite de l'examen, et les écoles de conduite auraient avantage à donner des cours en fonction de ça.

M. Bordeleau: Est-ce que vous avez des données ou de l'information sur les effets que ça a pu avoir, la non-obligation d'aller suivre un cours dans une école de conduite, depuis que ça a été appliqué, au niveau des accidents, à ce niveau-là? Est-ce que vous avez des données là-dessus ou certaines impressions? Est-ce que ça a augmenté suite à l'introduction de cette nouvelle approche là de ne pas obliger les conducteurs à suivre des cours dans les écoles de conduite?

M. Medza (Raymond): C'est la prétention de certains. Personnellement, je ne crois pas que le fait de ne pas avoir des cours de conduite obligatoires change grand-chose au niveau des résultats d'accidents. Ce dont il est important de se rappeler dans la conduite automobile, c'est que, quand un cours d'automobile est forcé à quelqu'un, quand on force quelqu'un à suivre un cours ou qu'on impose une mesure quelconque à quelqu'un, on rechigne, on n'est pas véritablement intéressé et ça nous passe à côté des oreilles. Quand on le fait parce qu'en le faisant nous allons apprendre quelque chose, parce qu'on va obtenir quelque chose, qu'on va devenir meilleur, normalement, on va avoir un meilleur rendement dans la formation.

C'est ce que j'ai tenté de transmettre aux propriétaires d'écoles de conduite sur la table de concertation. C'est ce qu'on essaie de leur dire: Écoutez, offrez quelque chose qui va être gratifiant pour la personne. Et, chez les assureurs, on donne des escomptes à ceux qui suivent les cours de conduite, parce qu'on pense qu'il y a un avantage. Mais, dès lors où on l'impose, à notre avis, ça s'atténue. Quand tout le monde suit le même cours puis le cours est imposé, celui qui le donne a l'impression qu'il n'a pas besoin de se forcer, parce que, de toute façon, les gens vont être obligés de venir; il donne des cours, ils sont obligés de le suivre, qu'il soit bon ou mauvais. C'est le taux de réussite qui est important à l'examen, à notre point de vue.

M. Bordeleau: Parfait. Alors, le premier point que je veux aborder par rapport à ce que vous nous avez mentionné dans le mémoire, c'est le problème de l'application des lois. Je pense que vous y avez fait référence, on a parlé de la vitesse, on a parlé des suspensions de permis. J'aimerais juste poser la question... L'impression qu'on a – et je pense que vous y avez fait référence tout à l'heure – c'est qu'on a certaines lois qui ne sont pas appliquées parce qu'elles ne sont probablement pas réalistes. Je pense à la limite de vitesse sur les autoroutes comme celle de Montréal-Québec, où on dit 100 km/h, et on sait que, dans la réalité, c'est 120 qui est toléré. Alors, on se retrouve avec un double système où on doit interpréter, et probablement que, si on interprète que 100, ça veut dire 120, on va interpréter que 70, ça veut dire 80, 85 et que 50, ça veut 70.

Alors, à un moment donné, on devient avec un système qui est aberrant où une chose veut dire une autre chose, et on demande aux gens d'essayer de se comprendre à travers tout ça. Et on sait qu'il se développe une certaine tolérance à ce moment-là, c'est clair, sur l'autoroute, dans les faits, de la part des corps policiers, qui n'appliquent pas la loi. C'est toute la crédibilité, au fond, du système des limites de vitesse qui est mise en cause.

Tout à l'heure, vous mentionniez, au fond, que ça serait peut-être important qu'on commence d'abord par faire respecter les limites dans le cas des limites de vitesse, et, dans le cas des suspensions de permis, d'avoir des moyens peut-être un peu plus clairs et plus sévères dans certains cas et qu'on les fasse appliquer réellement. À ce moment-là, ça va avoir du sens. Et, si j'ai bien compris votre intervention – c'est là-dessus que j'aimerais avoir votre réaction – c'est qu'avant de penser à ajouter d'autres obligations qu'on ne pourra peut-être pas non plus faire respecter, on est peut-être mieux d'essayer de faire respecter ce qu'on a. Mais ça implique aussi, en même temps, de faire en sorte que les normes qu'on établit soient réalistes. Si elles ne sont pas réalistes et puis on a une tolérance autour de ça qui est assez élastique, ça a plus ou moins de sens.

Alors, est-ce que j'interprète bien vos propos? C'est: D'abord, avant de penser à ajouter des moyens additionnels de coercition – de façon générale, peu importent les sujets qu'on peut aborder – on doit d'abord essayer de former – je pense que, là-dessus, vous êtes sensibles à cette dimension-là – d'éduquer, de promouvoir et ensuite de faire respecter des normes qui sont réalistes, mais de les appliquer, par exemple. Alors, est-ce que j'interprète bien vos propos de ce côté-là?

M. Medza (Raymond): Alors, M. le Président, effectivement, nous, nous croyons qu'avant d'imposer de nouvelles restrictions ou normes on doit faire appliquer d'abord les lois qui sont là.

Sur la question des limites de vitesse, on ne dit pas qu'on doive les augmenter ou qu'on doive les maintenir telles qu'elles sont. Je pense qu'on doit essayer de voir: Est-ce que c'est ça, la vitesse qu'on veut? Et, si c'est celle-là, c'est celle-là qu'on fait appliquer. L'expérience qu'on a vue ailleurs, par exemple dans l'Ouest du pays – je pense que c'est au Manitoba ou en Alberta, où on a institué la question des photo-radars – et en Ontario, on a remarqué une diminution sensible du nombre d'accidents au moment où on a ralenti la vitesse avec des photo-radars en disant: Il y a un photo-radar en avant. Ça va ralentir la vitesse. Mais on a vu aussi la même réaction quand on a dit: On a des patrouilles de retenue, ou quand on a mis la présence de policiers avec des clignotants à des endroits sur les rues.

Donc, le citoyen, moi y inclus... On n'est pas différent. Quand on se promène puis on sait qu'il y a une loi, on a tendance à vérifier c'est quoi, le seuil de tolérance, puis, quand on pense que le seuil de tolérance est atteint puis qu'on nous montre des moyens qui vont nous chicaner si on ne respecte pas la loi, on s'arrange pour la respecter. C'est la nature humaine, nous sommes comme ça.

Donc, oui, je suis d'accord avec vous, c'est ça qu'il faut faire. Mais pas besoin d'en faire d'autres, essayons de régler celles qu'on a déjà, elles sont déjà assez nombreuses et déjà difficiles à appliquer. Appliquons-les. Et, s'il y a lieu d'augmenter des choses après, ça nous donne le temps de le faire. Je pense qu'on ne doit pas rejeter une telle chose. La deuxième, évidemment, c'est la formation. La vitesse, à 120 km/h, si vous avez un impact-collision, ça va être plus important; les dommages vont être plus grands, les dangers de décès plus importants, c'est certain. Mais, si vous respectez toutes les autres normes de circulation, que vous êtes à la vraie distance que vous devriez maintenir en avant, si vous ne faites pas de louvoiement, là, vous avez...

(10 h 20)

Hier soir, on est descendu. Cinq fois, je me suis fait couper par quelqu'un qui est parti de derrière moi, qui est allé à gauche puis qui est venu recouper deux véhicules en avant pour sortir sur l'espace de 300 m. C'est ça qui est dangereux, pas parce que, moi, je roule à 100 puis que lui roule à 120. Il n'est pas dangereux parce qu'il roule à 120, il est dangereux parce qu'il louvoie. Et là il se met à glisser. Peut-être que la vitesse... Ça, je ne suis pas un spécialiste des choses. Mais il y a des éléments – je ne sais pas si vous voyez – de comportement, et ça, c'est la formation, c'est strictement la formation. C'est là qu'on parle de la capacité cognitive et de l'attitude. On doit former nos gens dans ça, et ça, c'est juste l'éducation et ça prend des années.

M. Bordeleau: Dans l'affaire du cinémomètre, ce qui nous été mentionné, au fond – puis je pense que c'est un argument qui est assez important – c'est de dire que le – et je pense que vous y avez fait référence en parlant des patrouilles de retenue... Qu'est-ce qui est le plus efficace en termes de changer les attitudes des gens, de les rendre plus conscients des conséquences de leur façon de conduire entre, par exemple, exercer une patrouille de retenue qui a un effet immédiat – aussitôt qu'on est ralenti, on prend conscience qu'il y a un problème – et le fait de recevoir par la poste, 10 jours après, un ticket d'amende qui nous dit qu'on est allé trop vite?

Mais ça, on le reçoit 10 jours après, et probablement que, si vous étiez sur la route de Québec-Montréal quand vous avez eu un ticket, vous avez continué jusqu'à Montréal à la même vitesse. Alors, le danger que vous avez représenté au moment où on vous a photographié, le même danger a existé tout le long du voyage, et puis vous l'avez su 10 jours après. Alors, à ce moment-là, le décalage entre les deux, en termes d'éducation puis de changer les attitudes, à mon avis, me paraît assez négatif au niveau du changement d'attitude, justement. Je ne sais pas si vous avez une impression à ce niveau-là.

M. Medza (Raymond): Oui. M. le Président, comme on l'a exprimé tout à l'heure au ministre et à nos collègues de la Société de l'assurance automobile, depuis plusieurs années, nous croyons, nous, à la formation, et je dis bien qu'on croit à la formation et à l'éducation. Je pense qu'on a fait déjà un bon bout de chemin. Mais c'est très difficile, pour l'application d'une loi, de ne faire que de la formation et espérer qu'on aura le résultat. La personne doit savoir que ce qu'on lui demande sera sévèrement appliqué et sévèrement puni ou sanctionné si ce n'est pas respecté.

On peut donner des exemples. Suivez un véhicule sur la 40 en direction d'Ottawa, puis, quand vous allez voir la petite affiche bleue puis c'est marqué «Welcome in Ontario», vous allez ralentir puis vous allez lever votre pied; puis, quand vous traversez la frontière américaine, vous allez lever votre pied, parce que vous savez qu'il y a un «trooper» qui vous attend puis qui va vous donner une contravention puis va vous la charger. Quand on arrive au Québec, on pousse la pédale à terre parce qu'on sait qu'on ne se fera pas achaler. C'est ça, la réalité de la vie.

Donc, appliquons ça. Sachons que, oui, il y a un règlement, formons nos gens aux dangers que ça implique puis appliquons-le et laissons savoir qu'on va l'appliquer. Quand on dit, dans le temps des fêtes, depuis des années, que la Société de l'assurance automobile puis la Sûreté du Québec organisent des barrages, qu'est-ce qui se passe? On l'annonce d'avance. Je peux-tu vous garantir que les gens s'arrangent pour ne pas se faire prendre? Ils s'organisent pour avoir un taxi, ils s'organisent pour ne pas conduire. Et le résultat? Bien, on en prend moins, parce qu'ils savent qu'il n'y aura pas de tolérance. Voilà. Un et un égalent deux. C'est ça.

M. Bordeleau: Je pense que c'est intéressant puis que c'est important aussi, le message que vous nous envoyez de ce côté-là. En tout cas, moi, ce que je retiens, c'est qu'avant de... Je pense qu'on a tous des bonnes intentions, c'est-à-dire qu'on veut améliorer la sécurité routière et on essaie de faire en sorte qu'il y ait le moins d'accidents qui font que des gens vivent avec des handicaps pour la balance de leur vie. Ça, je pense que c'est valable et je pense que, des deux côtés de la Chambre, ici, on a le même objectif, excepté qu'on a peut-être une tendance rapide de penser que la solution à ça, c'est toujours d'en ajouter un petit peu plus par-dessus et de réglementer de façon législative. On a l'impression qu'une loi...

Puis on sait très bien que le ministre en est conscient aussi, qu'on se réveille, au niveau du gouvernement, avec une somme de règlements absolument faramineuse, qui ne sont jamais appliqués parce qu'on en a ajouté sur d'autres qui sont devenus désuets. Et on n'est même plus capable de voir clair à travers l'ensemble des règlements qu'on a mis en place. Il y a des contradictions, puis on en met toujours plus. Puis, en général, souvent, on n'a même pas la capacité de les faire appliquer.

Alors, on devrait commencer à être prudent de ce côté-là et faire attention, peut-être, à aborder les vrais problèmes. Mais les vrais problèmes, c'est peut-être d'abord de vérifier si ce qu'on a comme règlements est réaliste et, si c'est réaliste, de les faire appliquer.

M. Medza (Raymond): C'est un peu le message, M. le Président, que nous avons essayé de transmettre, de dire: Regardons si ce qu'on a, c'est réaliste, appliquons-le, puis, au besoin, modifions-en d'autres.

M. Bordeleau: Alors, moi, ça va, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de l'Acadie. M. le ministre, je pense que...

M. Chevrette: Oui. Je voudrais peut-être donner une petite statistique...

Le Président (M. Lachance): Oui.

M. Chevrette: ... – parce qu'on en parle depuis tantôt, puis c'est peut-être important, là: l'impact de l'accès gradué chez les jeunes, après un an, pour le zéro alcool, quatre points de démérite et un an d'apprentissage accompagné, etc., on dit que les effets, après un an, sont extrêmement positifs: c'est moins 33 % au niveau des décès et moins 15 % au niveau des blessés. Donc, si tel est le cas, ça peut s'envisager très sérieusement, effectivement.

Le Président (M. Lachance): En jetant un coup d'oeil, M. le ministre, sur les documents qui nous ont été distribués en ce qui concerne les activités promotionnelles payées par la Société de l'assurance automobile pour l'alcool au volant et le vélo, on constate que, en ce qui concerne la promotion pour le vélo, en 1999, c'est 342 000 $, et on indique dans une note que, étant donné qu'il y a eu un plafonnement du port du casque en 1996 qui a été observé, on a décidé d'abandonner ça, cette promotion.

Moi, je ne suis pas convaincu, personnellement, que les efforts sérieux on été faits pour augmenter le port du casque. Une des bonnes façons de prendre ça, c'est toujours par les jeunes, par la publicité ou la promotion qu'on va faire chez les jeunes, on l'a vu – et là je fais référence à mon expérience à la direction d'école – qui pousse les parents à prendre des mesures au niveau de l'environnement, puis c'est la même chose, j'imagine, dans le domaine de la sécurité.

Peut-être qu'il est prématuré pour moi de vous faire une proposition. Mais, à la lumière de ce qui existe dans l'entreprise privée... Ce que j'ai observé, par exemple, dans une firme d'assurances privées, ils ne ratent pas une occasion, de toutes sortes de façons... Par exemple, pour une compagnie qui fait de l'assurance dans le domaine de la protection incendie, à toutes les fois qu'ils ont l'occasion d'utiliser des activités de promotion, ils vont donner systématiquement des extincteurs, des détecteurs de fumée.

De la même façon, M. le ministre, il m'apparaîtrait intéressant que la Société de l'assurance automobile décide d'adopter un plan triennal de promotion vigoureuse du port du casque – et, quand je dis «vigoureux», là, c'est sérieux, ce n'est pas juste «peut-être que» – qui serait axé sur deux éléments: une campagne de publicité, en particulier au niveau des jeunes puis au niveau des associations ou des clubs de cyclistes, et, en même temps, la distribution de 10 000 casques – distribution payée par la SAAQ sous forme promotionnelle, il reste à déterminer comment les modalités pourraient se faire – par année pendant trois ans. Puis, au bout de trois ans, on pourrait analyser qu'est-ce que ça a donné, ça, dans les résultats, et ce serait quelque chose qui pourrait...

Si on regarde les indemnités qui ont été versées par la SAAQ pour les cyclistes en 1997, je pense que ce ne serait pas quelque chose pour déboulonner leur budget. On pourrait voir ce que ça donne. Ça pourrait être évalué, au total, à une promotion de 750 000 $ par année pendant trois ans. Alors, j'aimerais ça qu'on puisse regarder ça parce que j'ai l'impression que ça pourrait donner un bon signal.

M. Chevrette: Ce n'est pas impossible, parce qu'on se rend compte, de toute façon, que, depuis le début, tous les groupes qui interviennent demandent de ne pas y aller via le radicalisme d'une loi à court terme. Donc, c'est envisageable que la SAAQ regarde ça de près. Je pense que c'est plutôt du retrait des campagnes traditionnelles à la télé ou dans les journaux qu'on parle, alors que l'action terrain, moi, j'y crois énormément, autant que vous. Je suis du milieu éducatif, moi aussi, de formation, de sorte que je sais que c'est souvent...

Même la ceinture de sécurité, c'est les enfants qui disaient aux parents: Mets ta ceinture, parce qu'on a réussi à l'incruster dans la tête des jeunes. Et je suis convaincu qu'on peut tendre la main à des groupes comme nos représentants, ici, s'associer, comme on fait par exemple avec Bombardier dans le domaine de la motoneige, comme on fait avec d'autres intervenants – de plus en plus, le privé – par exemple, les compagnies de pneus comme Goodyear, qui sont associées à des événements maintenant. Pourquoi pas des assureurs, s'associer avec la SAAQ dans une promotion sans précédent de sensibilisation?

(10 h 30)

Mais il faut reconnaître une chose – et ça, je pense que ça ne sert à rien de s'illusionner – d'autre part: on peut augmenter le plafond actuel de 26 %, mais on plafonnera très rapidement par la suite aussi. C'est indéniable, c'est l'histoire de la planète, ça. À un moment donné, l'incitatif ne va plus. Ça a été le cas dans la ceinture. La ceinture automobile, je me rappelle, ça plafonnait à 25 %; de peine et de misère, ça a monté à 30 %; 35 %, «cappé», fini, ça a pris... puis, après ça, c'est devenu un réflexe.

Donc, moi, je pense qu'on s'entend que ça prend une démarche graduée. En tout cas, je retiens ça pour l'instant. Puis des propositions concrètes, là, je n'écarte pas ça. Plus on aura de suggestions, plus ça sera facile de dire à ces messieurs, dames de la SAAQ: Voici, on pose des gestes, en tout cas, pour augmenter cela avant d'aller à la pleine rigueur ou à la plus grande coercition. Mais, moi, je pense que, oui, ça se dessine bien, dans ce sens-là.

Je vous remercie, en vous demandant de tendre la main, de fouiller dans vos goussets, de participer dans une forme de partenariat, puis je vous souhaite bonne chance.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, madame, messieurs du Groupement des assureurs automobiles.

M. Medza (Raymond): Comme mes collègues sont extrêmement perspicaces, ils avaient prévu que vous seriez intéressés au mémoire. Alors, je vous en ai apporté des copies que je vous dépose, M. le Président.


Document déposé

Le Président (M. Lachance): Très bien. Merci bien. Alors, nous allons suspendre pendant quelques instants, question de technique.

(Suspension de la séance à 10 h 32)

(Reprise à 10 h 37)

Le Président (M. Lachance): Alors, nous allons reprendre nos travaux. Nous en sommes à entendre le Dr Ronald Denis que j'invite à bien vouloir nous faire part de sa présentation qui est un peu spéciale. Alors, M. Denis, vous avez une vingtaine de minutes, à moins d'un consentement des membres de la commission, pour rentrer à l'intérieur d'un bloc de temps qui nous est imparti.


M. Ronald Denis

M. Denis (Ronald): Je devrais arriver dans le 20 minutes. Bien, tout d'abord, je voudrais remercier le ministère des Transports qui a acquiescé à ma demande de me présenter ici ce matin, parce que, à la lumière de ce qu'on lisait dans les journaux et sur Internet, je trouvais que c'était important que des traumatologues donnent au moins leur opinion sur le casque protecteur. Pour ceux qui ne le savent pas, un traumatologue, c'est celui qui s'occupe des blessés, que ce soit les blessés de la route ou quelque blessé que ce soit.

Alors, je vais un petit peu regarder la problématique du casque. Pour être capable de prendre une décision éclairée... Je vais être un petit peu technique au niveau des traumatismes crâniens, je vais quand même vous décrire qu'est-ce que c'est, un traumatisme crânien, et qu'est-ce que ça peut donner, parce que, si on n'a pas les définitions justes des termes, il m'apparaît très difficile de prendre une décision sage.

Alors, en tout début, pour vous montrer que le problème est grand, ce ne sont pas les maladies coronariennes qui sont la première cause de décès chez les jeunes de 45 ans et moins, ce sont les traumatismes qui sont la première cause de décès, toutes maladies confondues. Et, pour vous donner une petite idée, chez nous, ça veut dire 35 000 années de vies perdues par année.

Alors, chez les cyclistes, c'est quoi, la problématique? C'est la première cause de décès et de morbidité permanente. Ça compte pour plus de 60 % des décès. Et, si on prend tous les accidents de cyclistes, plus des deux tiers d'admission sont pour des problèmes de traumatismes crâniens ou de blessures au visage. Et, durant les grandes périodes de cyclisme, ça compte pour à peu près un tiers des consultations à l'urgence.

Alors, qu'est-ce que ça fait, le casque protecteur? Si on fait un éventail d'à peu près toute la littérature, ça diminue le risque de trauma crânien jusqu'à 85 %, et le risque de trauma intracérébral de 88 %.

Alors, si on regarde un peu la problématique... Regardons chez les enfants: il y a 75 % des décès qui sont évitables si on porte le casque protecteur. Qu'est-ce que ça veut dire, aux États-Unis? Qu'est-ce que ça peut prévenir, un casque protecteur, chez des enfants entre quatre et 15 ans? Bien, ça peut prévenir jusqu'à 155 décès par année, jusqu'à 45 000 traumas crâniens et jusqu'à entre 18 000 et 55 000 lacérations au visage et au scalp.

(10 h 40)

Maintenant, je vais vous définir qu'est-ce que c'est, un trauma crânien, parce que les gens pensent automatiquement trauma crânien: coma, et on oublie que même les traumas crâniens légers peuvent avoir des conséquences majeures. Alors, la classification médicale est la suivante: TCC, pour trauma craniocérébral, se divise en léger, ce que le commun des mortels appelle une commotion cérébrale modérée; le sévère, c'est celui qui est associé au coma. Dans le léger, ça inclut toute perte de conscience, toute amnésie des événements, toute altération d'état de conscience ou tout signe neurologique. Même un TCC si léger soit-il, il y a un déficit structurel au niveau cérébral.

Alors, ça peut être associé à quoi, ça, un syndrome postcommotionnel? Des signes physiques comme des maux de tête, des vertiges. Il y en a qui ont des maux de coeur, une incoordination, sonophobie, photophobie. Et, à retenir, toujours dans les légers – je n'insisterai pas, je ne vous ferai pas une telle description pour les modérés sévères, on va se concentrer uniquement sur les légers – au niveau des signes cognitifs: troubles de mémoire, troubles d'attention, troubles de la concentration, fatigue, ralentissement psychomoteur.

Au niveau psychologique, c'est la même chose: une humeur labile; on trouve les patients instables, agressifs, c'est le genre de patient qui peut avoir été oublié avec un non-suivi qui, à un moment donné, se retrouve puis bat sa femme, bat ses enfants; les changements de la personnalité; anxiété; dépression; et apathie. On est toujours dans les traumatismes crâniens légers. Rarement, par exemple, on peut avoir ce qu'on appelle un syndrome de stress post-traumatique qui donne des flash-back et des moments très, très précis de l'accident.

Évidemment, plus on augmente le grade, plus on se retrouve avec des lésions neurologiques qui sont plus importantes, qui sont facilement documentées, que ce soit par un «scan» cérébral, que ce soit par une résonnance magnétique. Et ça donne des handicaps beaucoup plus lourds et qui sont proportionnels à la sévérité du trauma. Alors, vous avez toute la kyrielle qui est là, toutes les atteintes sont possibles. Ça, c'est sur celui qui n'en meurt pas, c'est sur ceux qui restent vivants.

C'est quoi, le mécanisme du trauma crânien? Je vais essayer de vous simplifier ça le plus possible. Bien, il y a une collision prédominante entre le cycliste et l'avant de la voiture, parce que plus de 90 % vont impliquer un contact entre un cycliste et une voiture automobile. Alors, le corps du cycliste est projeté vers l'avant. Il peut y avoir un impact contre le pare-brise. Habituellement, c'est à des vitesses à 25 km/h. Si on va un peu plus vite, si on a des impacts un peu plus rapides, bien là le cycliste peut être projeté sur le capot de la voiture, et, au moment où il va rechuter sur le sol, il y a à nouveau un autre risque de traumatisme crânien.

Alors, le Québec n'est pas le premier État à vouloir légiférer. On peut toujours regarder ce que les autres ont fait. La législation en Australie a amené une diminution de la mortalité de 50 %. L'efficacité des casques protecteurs est bien prouvée au niveau des motos et des autos sport et, à des vitesses importantes, ça diminue le risque de traumas sévères de plus du tiers. Alors, si on revoit toute la littérature, les plus bas résultats sont 45 % dépendant des séries. La majorité se situe autour de 80 %, 85 %.

Pour les enfants entre quatre et 15 ans, ça a diminué les traumas crâniens de 63 %, 86 % des pertes de conscience. Juste pour donner une petite idée, le non-porteur de casque a sept fois plus de risques d'avoir des pertes de conscience et les conséquences qui s'ensuivent.

Deux ans après la législation, en Australie, la diminution des traumas crâniens était de 48 % la première année et 70 % la deuxième année. À Queensland, ça a été une diminution aussi de 50 % des traumas crâniens, et il n'y a eu aucun autre changement pour les autres traumatismes qui sont accompagnés, que ce soient des membres supérieurs, des membres inférieurs, ou tout autre traumatisme; l'efficacité du casque, comme vous vous en doutez, est au niveau des traumas crâniens.

Alors, dans notre monde réel, quand il y a un accident entre un cycliste et une voiture, la très, très grande majorité, ce serait des cas où on peut les réchapper. On peut réparer un bras, une jambe, réparer une rate, réparer un foie; on ne peut pas réparer un cerveau. C'est impossible. Et aucune, aucune, aucune étude n'est venue contredire tout ce que je viens de vous dire. Puis la fin de la revue de la littérature date d'hier. Aucune étude ne peut contredire ce que je viens de vous dire.

Alors, si on regarde les statistiques internationales, juste pour vous donner une idée, c'est partout pareil. Qu'importe le pays, c'est partout pareil: l'effet du casque protecteur est là. C'est le traumatisme le plus important, c'est celui qui est responsable du plus grand nombre d'admissions.

Juste aux États-Unis, c'est 580 000 admissions, dont le tiers sont des traumatismes au niveau de la tête et de la face, 80 %, c'est une collision cycliste-auto. Une étude très intéressante, même si elle date de 1982, c'est une étude de McDermott qui a comparé les accidents de moto, où ce sont tous des porteurs de casque à 100 %, versus les accidents cyclistes, où ils portaient leur casque uniquement dans 5 % des cas. Les traumas crâniens les plus majeurs ont été retrouvés chez les cyclistes, qui vont à des vitesses automatiquement beaucoup moins grandes que la moto. Alors, c'est un petit peu cette étude-là qui a été l'étude qui a forcé un peu la main aux différents paliers de gouvernement pour avoir une législation plus stricte.

Encore aux États-Unis, il y a juste une petite statistique qui est intéressante, c'est que, avant, le maximum du taux de décès se retrouvait chez les moins de 15 ans, mais on voit, au cours des trois dernières années, que le taux de décès augmente chez le groupe plus âgé. Chez eux aussi, c'est à 90 % les automobiles qui sont impliquées là-dedans, et ça compte pour 12 % de tous les traumatismes majeurs.

Alors, si on regarde chez nous, au Québec, il y a à peu près 3 000 victimes d'accidents de vélo, 26 décès par année. Et, dans 75 % des cas, le décès est attribuable à une fracture du crâne ou à une lésion intracrânienne.

Même si la majorité, ça arrive dans un contexte où le cycliste est frappé par une voiture, juste l'année dernière, chez nous, à l'hôpital, j'ai vu mourir deux jeunes pères de famille qui se promenaient à bicyclette dans la piste cyclable; aucun contact avec un automobiliste, juste une chute sur l'asphalte. Alors, c'est évident que le maximum des contacts se fait avec l'automobile, mais il y a quand même un risque de se blesser sans nécessairement avoir un contact avec une automobile. Alors, ça vous donne – c'est à peu près les mêmes statistiques depuis 1994 – au Québec, une moyenne de 26 décès par année et près de 280 blessés graves.

(10 h 50)

Alors, si on regarde les statistiques québécoises, on voit que les traumatismes intracrâniens et les fractures du crâne comptent pour la majorité des cas. Et, si vous regardez tous les autres traumatismes, la majorité de ceux-là, la chirurgie en médecine peut faire quelque chose, mais on ne peut rien faire avec les traumas crâniens, avec le cerveau, ça ne se répare pas.

La Californie a été le premier État américain à légiférer. Depuis 1989, aux États-Unis, on est rendu à 16 États, 61 municipalités.

Australie, c'est les pionniers, Nouvelle-Zélande, Islande, Espagne, obligatoire. Tout ça, c'est obligatoire, puis vous voyez les années de la parution.

Au Canada, en Ontario, c'est obligatoire chez les moins de 18 ans depuis 1995 en Colombie-Britannique, obligatoire pour tous les âges depuis 1996; Nouvelle-Écosse, obligatoire tous les âges, 1997.

Au Québec, bien, on attend beaucoup de la commission parlementaire ici.

Alors, je me suis permis de regarder sur Internet quelles étaient certaines oppositions au port du casque. Il faut dire que, moi, je regarde ça uniquement sous l'aspect médical et l'aspect prévention. On parle d'un risque de sédentarité disant que, si le casque est obligatoire, les gens vont faire moins de cyclisme, vont être plus sédentaires, plus de maladies coronariennes. Est-ce que les gens conduisent moins leur voiture depuis que la ceinture de sécurité est obligatoire? Ça m'étonnerait. C'est possible qu'on puisse perdre quelques cyclistes là-dedans.

On dit que c'est un choix de santé et un moyen de transport non polluant. Ça va demeurer très vrai même si on porte un casque protecteur. Ça va demeurer un choix de santé puis un moyen de transport. Où ça m'achale beaucoup, c'est quand on dit que le trauma crânien est surévalué. Il n'est pas surévalué, le trauma crânien. Je veux dire, prenez-les n'importe où, les études, fouillez la littérature, vous arrivez aux chiffres que je vous ai donnés. Il est loin d'être surévalué, le trauma crânien.

On parle de diminuer les limites de vitesse, de mettre des barrières physiques, des «speed bumps». Il n'y a rien qui va empêcher de le faire même si les gens portent leur casque protecteur. Sur Internet, il y a beaucoup de discussions sur le port du casque protecteur. Ils font des parallèles avec la loi anti-tabac et toutes sortes d'autres lois. Mais là j'ai décidé de ne pas m'embarquer dans ces sujets-là, de rester uniquement avec les traumatismes crâniens.

Moi, je pense qu'il y en a une seule, réponse à votre question, médicalement parlant, c'est: Oui, le port du casque devrait être obligatoire.

Il faut se souvenir d'une chose: c'est que la meilleure médecine, qu'on le veuille ou non, c'est la prévention. Dans le cas des cyclistes, la seule option de prévenir ou, du moins, d'aider grandement les traumas crâniens, c'est le port du casque obligatoire. Puis j'aimerais ça que le gouvernement du Québec soit aussi vigilant que pour le port de la ceinture de sécurité. Une comparaison est toujours boiteuse, mais c'est celle qui se rapproche le plus et qu'on peut faire avec ça. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, Dr Denis, pour votre présentation. Est-ce qu'il sera possible pour les membres de la commission parlementaire de pouvoir disposer de copies papier de votre présentation extrêmement intéressante?

M. Denis (Ronald): Oui.

M. Chevrette: Merci, Dr Denis. Merci beaucoup même. Vous savez, quand on a commencé à parler, à s'interroger sur le port du casque obligatoire, j'ai même été victime d'une petite farce plate de certains éditorialistes disant que ti-casque Chevrette s'occupait du casque. Mais, quand on regarde concrètement ce qu'il y a sur ce qu'on vient de voir, ce qu'on vient d'entendre de la part de personnes avisées comme vous, je vais me faire un devoir d'envoyer les acétates à Mme Rheault du Soleil pour qu'elle s'imprègne des statistiques que vous venez de donner.

C'est très sérieux puis c'est nos jeunes. Puis il y a des coûts sociaux énormes. On n'a pas parlé de la dimension coûts sociaux dans cela en plus. Un jeune de 17 ou de 16 ans qui demeure étendu jusqu'à l'âge de 65 ans, c'est un coût social épouvantable en plus des pertes de jouissance de la vie, etc., puis de tout ce que ça a comme effets sur une famille. Moi, je pense... D'abord, je vous remercie infiniment.

Et tous les groupes qui viennent nous inciter à ne pas aller trop vite, moi, j'ai l'impression qu'on doit respecter un certain rythme, mais aller assez vite, merci, si on veut éviter des catastrophes humaines comme celles que vous nous exposez. Je pense que ça nous allume, en tout cas, au niveau de la Société de l'assurance automobile et au niveau du ministre des Transports. Je pense qu'il nous faut véritablement donner un coup de barre dans tout ce qui peut être fait en termes de sensibilisation, d'information et d'incitation, mais je pense aussi qu'il va falloir qu'on ait des poignées un peu plus fortes pour éviter ce genre de tragédies et ce genre de coûts sociaux, astronomiques à mon point de vue. Et c'est du sérieux, on ne fait pas de boutade avec ça, en plus de ça.

Donc, moi, je voudrais vous remercier dans un premier temps et, dans un deuxième temps, vous demander d'élaborer un peu sur... Quand vous donnez les statistiques, les statistiques québécoises en particulier, et vous observez que 75 % des cas pourraient être évités, est-ce que vous retrouvez ça concrètement... Excusez: C'est-u par projection qu'on réussit à avoir des statistiques ou si c'est par compilation de cas?

M. Denis (Ronald): C'est par compilation avec le registre de traumas dans les accidents où une voiture est impliquée. Comme vous le savez, la SAAQ a mis sur pied un registre des traumatisés et on a tout sur l'accident. Toutes les données, on les a.

M. Chevrette: Et le service que la SAAQ a mis sur pied... Je vous entendais l'autre jour dire: C'est un des plus beaux programmes qui n'ont pas existé et vous ne sembliez pas accepter... D'ailleurs, c'est là que je vous ai dit: Bien, venez nous le dire parce que c'est important qu'on sache. Depuis que le programme de traumatologie – avec un de vos acolytes que je vois derrière vous – a été mis sur pied, est-ce que la sensibilisation a été plus grande, est-ce que ça vous a permis de sensibiliser d'autres personnes dans vos entourages?

M. Denis (Ronald): Écoutez, en matière de santé, c'est ce qui s'est fait de mieux au Québec, le réseau de la traumatologie. En 1992... Pour des traumatismes majeurs, on a une façon de codifier les traumatismes qui s'appellent ISS. Alors, ce qu'on considère un traumatisme majeur, c'est un ISS de plus de 15.

Alors, en 1992, il y avait 50 % de ces gens-là qui décédaient. En 1997, on est passé à 17 % de décès grâce au réseau de la trauma. Il n'y a aucun programme en santé qui a réussi à obtenir un tel succès. Ça a été fait en regroupant l'expertise dans des hôpitaux bien précis et en limitant les délais. Et c'est un petit peu la même chose dans le cas des cyclistes et du casque protecteur.

Regardez ce qu'on peut faire en le rendant obligatoire. Moi, je pense que, pour reprendre ce que vous avez dit, c'est l'avenir de notre société, c'est chez les jeunes et ça dépend où vous arrêtez, de dire que quelqu'un est jeune. Mais, comme je vous disais dans la présentation, quand j'ai dû annoncer à deux épouses, l'année dernière, que le père de 30 ans et quelques avec deux enfants était décédé et qu'il se promenait tranquillement sur la piste cyclable sans casque protecteur, ça, c'est un drame social important. Et, moi, je ne pense pas qu'on puisse se payer le luxe de ne pas rendre le casque protecteur obligatoire. Je pense que c'est un luxe qu'on ne peut pas se payer.

(11 heures)

M. Chevrette: Qu'est-ce que vous répondez aux groupes? Parce que les groupes sont quand même assez multiples si on observe ceux qui sont venus devant nous. Puis, tout de suite après vous, il y a un autre groupe qui va nous dire qu'il est contre le port du casque obligatoire. Qu'est-ce que vous répondez à ces groupes qui disent: Ça va baisser la pratique du sport? Le principal argument, c'est surtout celui-là. Et deuxièmement: C'est difficilement applicable, la deuxième raison que les groupes donnent. Un policier, par exemple, dans le milieu de la rue, qui fait la circulation ne pourra pas courir après un enfant de 14 ans qui n'a pas son casque puis qui n'a pas de carte d'identité puis qui n'a pas... Ils disent favoriser plutôt des mécanismes de sensibilisation, d'éducation. Qu'est-ce que vous répondez, par exemple, à Vélo Québec qui va venir nous dire ça?

M. Denis (Ronald): Bien, je comprends très mal la sédentarité reliée à ça. Le cyclisme, c'est un très beau sport. Je comprends difficilement que, parce qu'on va porter un casque, on ne se promènerait plus à bicyclette. Est-ce qu'il y a moins de joueurs de hockey depuis que le casque est obligatoire? Je ne pense pas qu'il y ait moins de joueurs de hockey. J'avoue que le risque de sédentarité, je le comprends difficilement. Sûrement qu'il y en a qui vont trouver ça emmerdant, trop chaud et qui vont décider de ne plus faire de vélo. Peut-être. Mais ce n'était sûrement pas de grands cyclistes convaincus des beautés du sport et d'apprécier la balade.

Qu'est-ce qu'on peut faire? Je lisais dans certains mémoires de la SAAQ qu'ils apportaient certains points, disons: qu'à la vente d'une bicyclette il y ait une réduction sur le casque protecteur. Sur ces technicalités-là, je suis certain que vous êtes bien meilleurs que moi, mais je vais être obligé de revenir en arrière et de dire: Est-ce qu'on peut se payer le luxe d'avoir tant de traumatisés crâniens? Moi, je pense que non. Médicalement parlant, je pense que c'est inacceptable.

M. Chevrette: Moi, j'ajouterais également «socialement». Parce qu'il y a des coûts sociaux énormes. Personnellement, je suis un de ceux qui disent que, quand c'est la collectivité qui paie, il y a une certaine contrainte aux libertés individuelles dans ce sens-là, sinon on s'en va je ne sais pas où. Si t'as le droit de faire n'importe quoi, n'importe quand, n'importe où, ce n'est plus une société, c'est l'anarchie. Surtout quand c'est un régime où la collectivité paie pour l'individu. Donc, une liberté individuelle, dans ce sens-là, a certaines limites, sinon je ne sais pas dans quelle sorte de société on oeuvrerait, par le fait qu'on a le droit de tout faire, n'importe où, n'importe quand, n'importe comment.

M. Denis (Ronald): Si vous me permettez, on a été pris avec le même débat pour la ceinture de sécurité. La ceinture de sécurité a amené une diminution de la force d'impact de 92 %, a fait passer les traumatismes... Avant la ceinture de sécurité, on avait des traumatismes qu'on appelle au niveau des viscères pleins, comme le foie, la rate, qui saignent énormément rapidement et qui sont beaucoup plus difficiles à contrôler, pour arriver à des traumatismes des viscères creux où on a plus le temps de faire quelque chose. Mais les mêmes objections étaient là à cette époque-là, disant: Ah! je me sens emprisonné puis, si le feu prend, je ne serai pas capable de sortir de mon auto. Tout ça s'est éteint avec la pratique.

M. Chevrette: Bien, je vous remercie, docteur. Parce que mes collègues veulent aussi questionner. J'espère que vous serez disponible même pour contribuer à sensibiliser davantage des gens, en plus...

M. Denis (Ronald): Avec plaisir.

M. Chevrette: ...et peut-être les ramener à faire comprendre que dans certains cas il nous faut non seulement l'incitatif, mais aussi le coercitif. Non pas pour le plaisir de le faire, mais pour un mieux-être collectif, un mieux-être social, un mieux-être individuel aussi. Il faut peut-être endurer quelques gouttes de sueur pour éviter une lésion au cerveau. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition.

M. Bordeleau: Oui, merci. Merci, Dr Denis, pour votre présentation. Je pense que les données que vous nous avez apportées sont intéressantes et reflètent bien toute la problématique du port du casque. Ma perception, c'est que les informations que vous nous avez données sont valables, et les gens devraient avoir ces informations-là. Maintenant, où je diffère peut-être un peu avec l'approche du ministre, c'est sur le moyen. Je pense qu'on a deux approches. Que les gens portent le casque, idéalement tout le monde, ça, c'est l'idéal, et on souhaiterait que ça puisse se faire comme ça.

Maintenant, pour en arriver là, il y a deux façons. Je vois votre acétate où vous dites: Une meilleure médecine, c'est la prévention. Une meilleure sécurité routière, c'est la prévention aussi. La prévention, ça ne veut pas nécessairement dire une obligation. Une obligation qu'on ne peut pas faire appliquer, ça ne donnera pas grands résultats non plus, dans la mesure où...

Tout à l'heure, la Fédération des policiers et policières va venir nous faire une présentation, et c'est bien beau de dire: Les gens sont obligés de le porter, mais, si, dans la réalité, les gens ne le portent pas, comment on va faire pour... Il y a toutes sortes de problèmes qui nous ont été soulevés par d'autres personnes.

Au moment où on arrête quelqu'un on fait quoi? On lui donne une amende? Comment on fait pour avoir son identité? Ce n'est pas évident. Il y a des problématiques reliées à ça. Qu'est-ce qu'on fait avec un enfant qui ne porte pas le casque? Est-ce que ses parents sont responsables, etc.? Alors, il y a toute une série de dimensions qui ne sont pas les dimensions que vous nous avez bien situées dans votre intervention. Vous nous avez dit: Moi, j'interviens strictement à partir du point de vue médical, et je pense que c'est tout à fait justifié et nécessaire que vous le fassiez. Maintenant, c'est au niveau des moyens. Le ministre dit: Il y a des limites à la liberté individuelle. Je dirais aussi qu'il y a des limites aussi à la perception de ce qui est le bien collectif.

Vous savez, on l'a vu dans l'histoire à de nombreuses reprises que la perception de ce qu'était le bien collectif s'est avérée, quelques années après, pas nécessairement être le bien collectif. Mais, sans mauvaise volonté, on peut percevoir qu'un problème existe et décider qu'en fonction de ce problème-là on va obliger les gens à agir de telle ou telle façon, alors qu'en réalité ce n'est peut-être pas si évident que ça que la solution qu'on suggère est réellement la solution qui va régler le problème. On peut s'en apercevoir quelques années après.

Donc, je pense qu'il y a deux genres d'approches là-dessus. On le voit très bien dans les présentations qui nous sont faites. Dans certains cas, on a dit: Oui, compte tenu des dangers qui sont vrais, on doit obliger les gens. D'autres personnes viennent nous dire: Oui, on est d'accord, idéalement...

Hier, des clubs de vélo qui font des tournées en province un peu partout sont venus et tout simplement, actuellement, dans le contexte actuel, nous disent que 80 % à 90 % des gens qui font le vélo dans leur activité portent le casque protecteur, sans loi. Alors, c'est un petit peu ça, les deux approches. Il s'agit de savoir comment on pense pouvoir arriver aux meilleurs résultats.

La question que je me pose toujours, c'est: légiférer, il faut être assuré que c'est la dernière étape possible. Je pense que c'est toujours plus valable... On a vu des résultats, par exemple, très intéressants dans le domaine de l'alcool au volant, des limites de vitesse par des campagnes de publicité.

On peut penser que les jeunes sont peut-être ceux qui sont les plus difficiles à convaincre, mais on sait aujourd'hui que, dans les faits, quand des jeunes vont dans un party, il y en a un qui ne prend pas un coup parce que c'est lui qui a la responsabilité de ramener les autres.

Alors, il y a peut-être possibilité d'améliorer un peu la situation encore du côté de l'incitation. Je ne sais pas comment vous réagissez un peu à cette problématique-là. C'est certain qu'un blessé, c'est un blessé de trop. Mais dans bien d'autres cas aussi – vous avez fait référence rapidement tout à l'heure et vous n'avez pas voulu vous embarquer là-dedans parce que ça serait un long débat – dans le domaine de la santé, il y a bien des choses qu'on tolère: il n'y a pas de loi qui empêche les gens de fumer; il n'y a pas de loi qui empêche les gens de prendre de l'alcool. C'est une question de degré, c'est une question d'éducation. Il y a même le gouvernement qui en vend, de l'alcool. Alors, c'est une question d'éducation.

Dans des cas ici, on peut observer que l'éducation sur le port du casque donne des bons résultats, puis c'est vrai, selon les régions. Vous avez probablement vu dans le document du ministre que, dans certaines régions, on va de 48 % du port du casque à 15 % dans d'autres régions. Pourquoi, dans le contexte actuel, on a des écarts aussi grands?

Alors, j'aimerais avoir votre réaction peut-être par rapport à la problématique plus large à laquelle on est confronté comme législateur.

(11 h 10)

M. Denis (Ronald): Écoutez, pour ce qui est de la législation, je suis certain que vous vous y connaissez beaucoup mieux que moi. Mais je serais tenté de vous répondre qu'il y a un endroit en Ontario où on invite les jeunes à venir visiter l'unité de traumatologie et on leur montre les blessés, on leur montre qu'est-ce que c'est, un accident de la route ou un accident à bicyclette sans protection, qu'est-ce que ça donne. Ça, je peux vous garantir que c'est un gros pensez-y bien.

Puis ce que je peux vous dire, c'est que, nous, on serait prêt, notre centre hospitalier, à participer à quelque chose comme ça. Quelle est la meilleure façon? Je n'ai pas de réponse. Mais, moi, je peux vous dire que, de ne pas porter de casque, ce n'est pas très intelligent, et de faire de la bicyclette. Les résultats sont là. Et, comme je vous ai dit, il n'y en a aucune, étude, qui est venue contredire ce qu'on vous a donné.

Quoi faire au point de vue publicité? Mais, moi, je ne déteste pas l'approche de cet endroit-là en Ontario où les jeunes des écoles secondaires, ils viennent visiter à tour de rôle. On l'a fait pour certains chez nous. Je peux vous dire qu'ils y pensent à deux fois.

M. Bordeleau: Moi, je trouve ça très intéressant comme proposition, et je pense à ce que vous nous dites là, comme expérience. C'est un peu ce qu'on a essayé de traduire au niveau de la SAAQ, par exemple – je pense que c'est la vitesse ou l'alcool au volant – où on voit une femme qui est frappée puis qui rebondit et tout ça. Effectivement, c'est choc et ça fait réfléchir. Je suis convaincu que ce que vous me dites là, comme expérience, les gens qui ont l'opportunité de passer par ce genre d'expérience là, ils s'en souvienne et le port du casque, on n'a pas besoin de leur faire des lois, ils vont... C'est peut-être ce genre d'approche là qu'il faudrait regarder d'une façon plus précise.

Maintenant, dans votre présentation, encore là je pense que, quand vous nous dites: Ne pas porter un casque, ce n'est pas intelligent, je suis parfaitement d'accord avec vous. Moi, je pense qu'il n'y a personne qui va venir nous dire ici que le port du casque, c'est fou. La plupart des gens qui sont venus à date nous disent que, oui, le port du casque, c'est souhaitable. Maintenant, c'est sur les moyens, sur la façon d'y arriver qui est...

J'ai l'impression que vous êtes peut-être le seul médecin qui allez venir ici, en commission, de mémoire. Il y a Vélo Québec qui arrive avec des données, et j'aimerais avoir votre réaction là-dessus parce que, évidemment, on n'est pas en position de peut-être saisir toutes les dimensions, mais on nous affirme des choses qui vont à l'encontre de ce que vous nous avez présenté, et j'aimerais ça avoir votre réaction là-dessus. Je vais lire quelques extraits du mémoire et ça ne sera pas trop long, mais je pense que ça serait important. Je vais vous les lire en série, c'est toujours dans le même sens et j'aimerais avoir votre réaction.

On nous dit dans le mémoire de Vélo Québec: «Plus près de nous – on sait que Vélo Québec s'oppose à l'obligation, bon, évidemment ils ne sont pas contre le port du casque – au mois de juillet 1998, le coroner de la région de Toronto rendait public un rapport fort instructif sur les décès des cyclistes survenus à Toronto au cours des 12 dernières années. Elle accompagnait l'une de ses recommandations d'un constat étonnant pour une province où le port du casque protecteur est obligatoire pour les mineurs.»

Et je cite le rapport du coroner, on dit: «On doit cependant reconnaître que le port du casque ne constitue pas une panacée pour réduire considérablement les décès ou les blessures graves à la tête reliées à la pratique du vélo. Une loi plus sévère sur le casque à vélo et un port généralisé du casque dans d'autres pays, États-Unis, Australie et Nouvelle-Zélande, n'ont pas réussi à produire des réductions statistiquement significatives du taux de décès et de blessures à la tête en dépit de prévisions optimistes. De plus, le port obligatoire du casque aurait entraîné une diminution de la pratique du vélo.»

M. Denis (Ronald): Je voudrais juste me permettre, pour pouvoir répondre une après une, je vais vous arrêter là, justement. Si une diminution de 50 % n'est pas une diminution impressionnante, 48 % la première année, 70 % la deuxième, je ne sais pas qu'est-ce que ça leur prend comme diminution impressionnante. Et, deux, ce qui n'est pas dit dans l'article de la région de Toronto: la majorité n'attachait pas leur casque. Écoutez, si vous n'attachez pas votre casque, au moindre mouvement, le casque va partir.

Alors, il faut quand même regarder toutes les données. Les statistiques d'Australie, il faut aller les chercher; elles sont là, je vous les ai présentées. Je n'ai pas inventé les chiffres. Le rapport McDermott, je ne l'ai pas inventé, il est pris là. On a été le chercher sur Internet au même endroit où j'ai été chercher les commentaires de Vélo Québec.

M. Bordeleau: Je ne veux pas faire d'allusion d'aucune façon à ce que vous ayez organisé des chiffres, ce n'est pas ça que je veux... excepté qu'on arrive avec des données qui sont...

M. Denis (Ronald): Non, mais c'est parce qu'il cite la même étude. Elle est là.

M. Bordeleau: Oui. Bon. Je vais poursuivre juste sur d'autres points, là, où vous portez une appréciation sur une réduction statistiquement significative, où vous nous arrivez avec des données, où vous mettez ça en doute, ce qu'un coroner mentionne. On dit...

M. Denis (Ronald): Non, non. Je ne mets pas en doute ce que le coroner mentionne.

M. Bordeleau: Son interprétation.

M. Denis (Ronald): Je dis que ce qui n'est pas dit dans ce que vous m'avez lu, c'est qu'ils n'attachaient pas leur casque. Je ne mets pas en doute ce qu'ils ont dit, mais ils n'attachaient pas leur casque. Même problème avec l'équitation, ils n'attachaient pas leur bombe.

M. Bordeleau: Non, mais ce que j'ai compris, moi, c'est que ce que vous mettiez en doute, c'est quand le coroner conclut: «N'ont pas réussi à produire de réduction statistiquement significative du taux de décès et de blessures.» Vous nous dites 50 % de ci, 50 %... Alors, vous mettez en doute cet élément-là.

M. Denis (Ronald): Oui.

M. Bordeleau: C'est dans ce sens-là, et je pense que c'est votre droit de le faire, je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus.

Un peu plus loin, dans le rapport de Vélo Québec, on nous dit: «On peut néanmoins constater que le Nouveau-Brunswick avait connu deux décès de cyclistes en 1995, l'année où ils ont adopté la loi obligeant le port du casque. Ce nombre est tombé à un en 1996, à zéro en 1997. Il est remonté en 1998 à un niveau supérieur à celui qui prévalait avant la loi, soit trois décès. La Colombie-Britannique a connu cinq décès en 1997, soit un nombre identique à celui de 1996, l'année de l'adoption de la loi. En 1998, le nombre de décès a malheureusement doublé, passant de cinq à 10, un chiffre que la province n'avait pas connu depuis 1993.

«Cela dit, après les données disponibles, il est difficile de prétendre – là, c'est le mémoire de Vélo Québec que je cite – que les lois sur le casque ont réduit le nombre de décès de cyclistes dans les trois provinces qui ont adopté une telle législation. On a plutôt l'impression que le bilan est le même qu'auparavant; il pourrait même avoir tendance à s'aggraver. Ces résultats qu'il faut examiner avec prudence ressemblent aux observations du professeur assistant du Youngstown State University.»

Et on dit, un peu plus tard: «En utilisant les données de la NHTSA – je ne sais pas à quel organisme on fait référence – M. Krygowski montrait que le nombre de décès chez les cyclistes de moins de 14 ans est passé de quatre à un l'année suivant l'adoption de la loi, puis serait remonté à cinq l'année subséquente. La Californie serait passée d'une moyenne de 34,75 morts au cours des quatre années précédant la loi et à 34,75 pour les deux années suivantes. Autrement dit, il est notable que certaines législations au Canada ou aux États-Unis ont adopté des lois pour contraindre les cyclistes à porter le casque.»

On dit également: «Les données sur les décès cyclistes tendraient même à accréditer la thèse de chercheurs néo-zélandais, un pays où le casque est obligatoire, que l'efficacité du casque cycliste est nulle.»

Alors, dans les trois cas, on arrive avec des données où il semble y avoir un effet positif immédiatement et on nous dit que, par la suite, ça remonte. Alors, je vous avoue là... J'essaie de comprendre et j'aimerais ça avoir votre...

M. Denis (Ronald): Il y a deux choses. Ce ne sont que des portions de rapport. Ce qu'il faut considérer, c'est que, durant cette période-là, dans ceux que vous citez, le nombre de cyclistes a plus que doublé. Alors, c'est évident que ça ne vous évitera pas 100 % des décès. Il y a une question aussi d'impact, à quelle vitesse allaient les voitures quand elles les ont frappés. Il y a quand même des limites à ce qu'un casque peut faire.

Mais, si je prenais à la lettre ce que Vélo Québec vient de dire, je pourrais vous répondre: Bien, à la lecture de ça, on devrait abolir tous les casques, ce n'est d'aucune espèce d'utilité. Quand le casque protecteur est prouvé utile... Ça a été prouvé sans l'ombre d'un doute avec les motos qui vont à des vitesses beaucoup plus grandes. Je vous ai montré l'étude de McDermott en 1982, qui a amené toutes les lois subséquentes.

Moi, je ne suis pas ici pour un concours de popularité. Moi, je vous dis qu'en tant que chirurgien traumatologue c'est inacceptable qu'on se retrouve avec ce genre de traumatismes crâniens et qu'un des moyens de les diminuer est le port du casque. Il n'y a aucun, aucun, aucun moyen qui va vous donner un résultat de 100 %, mais je pense que ça aurait été important, dans les études qu'on a mentionnées, de citer que les cyclistes ont plus que doublé dans la même période.

M. Bordeleau: De toute façon, on va avoir l'occasion – ils ne sont pas venus encore, ils viennent, je pense que c'est la semaine prochaine – de les questionner sur ces données-là.

(11 h 20)

Bon. Je termine là-dessus, je suis tout à fait d'accord personnellement que le port du casque est souhaitable et on devrait faire en sorte que ça puisse le plus largement possible se généraliser.

Maintenant, je pense, encore là, que, s'il y avait des suggestions ou des initiatives qui pourraient être faites au ministre ou au gouvernement pour faire en sorte que, du côté de la prévention et de l'incitation, on puisse voir quelles mesures on pourrait adopter, comme celle, par exemple, que vous avez suggérée, tout à l'heure, qui s'est faite en Ontario sur... Je pense qu'on a le même objectif, c'est-à-dire qu'on souhaiterait que tout le monde le porte, le casque, parce que, au fond, ça ne peut pas faire de tort; ça peut tout simplement aider. Maintenant, c'est dans l'approche, je pense, qu'il y a moyen, peut-être, encore au niveau de la prévention, de l'incitation, de convaincre les gens que c'est valable, de se protéger avec un casque. Et, s'il y avait des suggestions que vous pouviez faire, je pense que ces suggestions-là seront les bienvenues.

M. Denis (Ronald): Ça, c'est clair que ça ne peut pas nuire. Comme je vous dis, je suis certain que tous les centres de trauma au Québec embarqueraient dans un processus comme ça, d'inviter les jeunes à venir voir l'unité de trauma et à montrer les conséquences d'un accident.

M. Bordeleau: Tout à l'heure, j'écoutais votre présentation des données comme ça avec une connotation peut-être... combinée à ce que les gens vivent quand ils vont, par exemple, dans les unités de trauma voir des gens qui sont là, présenté dans des écoles, j'ai l'impression qu'on sensibiliserait les jeunes, et c'est peut-être une bonne façon de procéder. Je pense que le malheur, c'est peut-être que les gens n'ont pas nécessairement toute l'information que vous nous avez transmise, et il y a peut-être une façon... Si on réussissait à faire en sorte que cette information-là arrive aux gens qui pratiquent le vélo, qu'ils soient jeunes, moins jeunes ou plus vieux, je pense qu'on pourrait faire un bon bout de chemin puis augmenter le port du casque de beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Lotbinière.

M. Paré: Merci, M. le Président. Vous nous disiez, docteur, que 78 % à peu près des traumatismes crâniens auraient pu être évités avec le port du casque. Moi, je m'attarde aux autres 22 %. C'est quelles sortes de blessures ou pourquoi...

M. Denis (Ronald): Quand l'impact est trop violent, c'est la même chose avec la ceinture de sécurité, à un moment donné l'impact... Regardons le décès qu'on a eu à Montréal, il y a une dizaine d'années, avec le pilote Paletti. Même s'ils ont des ceintures à six points d'appui qui diminuent la force d'impact de 97 %, à un moment donné, la force est tellement violente qu'il n'y a rien à faire. Il y a des limites à ce que ça peut faire, ce n'est pas une garantie à 100 %.

M. Paré: O.K. Mais parce que je veux faire un parallèle...

M. Denis (Ronald): C'est une question d'impact.

M. Paré: O.K. Une question d'impact, pour le 22 %.

M. Denis (Ronald): Oui.

M. Paré: Parce qu'on se rappelle aussi qu'au niveau du hockey vous dites que le port est obligatoire, c'est vrai aussi, c'est la même chose au niveau du football, mais les traumatismes crâniens arrivent aussi. Ils ne semblent pas avoir baissé beaucoup au niveau du hockey puis au niveau du football, parce qu'on voit des carrières compromises à cause des traumatismes crâniens. Est-ce que...

M. Denis (Ronald): C'est encore la même chose, c'est une question d'impact. Regardez le gabarit – on vient juste de laisser le Superbowl – la ligne offensive, la moyenne: 320 lb. Alors, imaginez-vous quand un gros comme ça rentre...

M. Chevrette: C'est du boeuf. On appelle ça du boeuf.

M. Denis (Ronald): ...tu as beau avoir le casque... Même chose, regardez le gabarit de vos joueurs de hockey aujourd'hui, avec le bâton qui les frappe ou en avant ou en arrière... C'est vraiment une question d'impact.

M. Paré: Mais j'en reviens à ça, parce que là, au hockey, on nous dit: Le port du casque a amélioré, mais jusqu'à un certain point, puis à un moment donné les hockeys se sont portés plus haut, comme vous le dites. Donc, il y a d'autres facteurs.

M. Denis (Ronald): Ah bien! c'est sûr. C'est sûr qu'il y a d'autres choses à faire. Mais ça, c'en est un facile. En tout cas, de mon point de vue à moi, c'en est un facile, qui est prouvé efficace.

M. Paré: Mais j'en viens à la qualité des équipements. Au niveau du casque, est-ce qu'il y a des casques qui sont approuvés au niveau du cyclisme?

M. Denis (Ronald): Ah! ça prend des casques qui respectent certaines normes. Je ne me souviens plus du nom exact de la norme, mais il y a des normes très précises à suivre. Il faut que le casque soit conforme à ces normes-là. C'est clair.

M. Paré: Donc, même si les équipements sont éprouvés, sont acceptés, il peut arriver 22 % des cas où il va y avoir traumatisme crânien, même s'il y a port du casque?

M. Denis (Ronald): Oui.

M. Paré: Puis ces 22 % là, s'ils n'avaient pas eu le casque, ce serait encore plus fatal ou quoi ou plus...

M. Denis (Ronald): Ça aurait été plus dramatique.

M. Paré: Plus dramatique.

M. Denis (Ronald): Ou le décès.

M. Paré: Puis les 78 % auraient été encore plus...

M. Denis (Ronald): Oui.

M. Paré: O.K. Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, Dr Denis...

M. Denis (Ronald): Oui.

M. Chevrette: Je voudrais aussi rappeler que le Dr Denis, c'est lui qui est le médecin responsable de la grande course de Montréal.

M. Denis (Ronald): Oui, du Grand Prix de formule 1.

M. Chevrette: Donc, vous savez un peu ce que c'est, quelqu'un qui se fait cogner sur la tête.

M. Denis (Ronald): Oui. Ça...

M. Chevrette: Il y en a qui en reviennent.

M. Denis (Ronald): Il y en a qui en reviennent. C'est ça.

M. Chevrette: Merci, docteur.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci pour votre participation aux travaux de cette commission, Dr Denis. Ça a été très apprécié.

Je vais suspendre les travaux pendant quelques brèves minutes pour permettre de récupérer le matériel technique.

(Changement d'organisme)

À l'ordre! Nous allons reprendre nos travaux, consultation sur le livre vert toujours: La sécurité routière au Québec: un défi collectif . Alors, j'invite les représentants – c'est en train de se faire, je le vois bien – de la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec. Le porte-parole, je vous prie de bien vouloir vous identifier, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.


Fédération des policiers et policières municipaux du Québec (FPMQ)

M. Prud'Homme (Yves): Merci, M. le Président. Bonjour. Je vais vous présenter ceux qui m'accompagnent. D'abord, à ma gauche, M. André Durocher, président du Syndicat...

Le Président (M. Lachance): Excusez-moi un instant! S'il vous plaît, devant les caméras, là-bas, est-ce qu'il y aurait possibilité... D'accord, merci. M. Prud'Homme.

M. Prud'Homme (Yves): Alors, je disais que c'était M. André Durocher, qui est président du Syndicat professionnel de la ville de Québec, vice-président de la région 16 au sein de la Fédération; et, à sa gauche, M. Jean-Guy Roch, qui est directeur exécutif de la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec; à ma droite, Me Guy Bélanger, conseiller juridique à la Fédération; ainsi que Mme Christine Beaulieu, coordonnatrice des communications à la Fédération des policiers et policières du Québec.

Le Président (M. Lachance): Alors, M. Prud'Homme – si vous êtes bien M. Yves Prud'Homme...

M. Prud'Homme (Yves): Et, moi, Yves Prud'Homme, président de la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec.

Le Président (M. Lachance): ... – bienvenue aux travaux de cette commission. Je vous rappelle que vous avez un maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur ce document.

M. Prud'Homme (Yves): Je tiens tout d'abord à remercier les membres de cette commission de nous permettre de présenter notre réflexion sur la consultation entreprise par le ministre des Transports.

Je rappellerai tout simplement à la commission que la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec est composée d'associations policières locales. Elle compte 130 associations, incluant la Fraternité des policiers et policières de la Communauté urbaine de Montréal. Elle représente donc plus de 8 800 policiers et policières qui interviennent tous au niveau municipal, dont 4 100 à la CUM. Les policiers municipaux sont particulièrement concernés par la sécurité routière, et c'est avec beaucoup d'empressement et d'intérêt que leur association participe au débat qui lui est proposé.

(11 h 30)

En matière de sécurité routière, le Québec, ce qui est peut-être caractéristique de la province, devrait, on pense, privilégier d'abord et avant tout la prévention plutôt que la répression, et c'est le cas dans plusieurs domaines au niveau de la justice, à titre d'exemple. Par ailleurs, et c'est là notre point de vue, il y a des limites à vouloir réglementer même les loisirs. Selon nous, il faudrait sensibiliser les gens au lieu de soumettre toute la population à une multitude de règles qui ne sont pas, selon nous, nécessaires pour la très, très grande majorité des citoyens. C'est donc dans cette optique que nous aborderons chacun des sujets discutés. Et nous espérons que nos commentaires pourront guider et éclairer le gouvernement dans ses décisions.

Au niveau du port du casque protecteur pour les cyclistes, ce que nous avons retenu du livre vert, au chapitre 1, section 7, c'est que la problématique se situe au niveau des jeunes qui sont blessés. Or donc, ceci étant, faut-il imposer à l'ensemble de la population l'inconvénient de se procurer et de porter le casque protecteur, alors que la majorité fait du vélo dans des conditions généralement sécuritaires et de façon prudente? Nous, on se pose la question: Est-ce que la mesure n'est pas disproportionnée par rapport à la véritable problématique?

Quant à l'imposer aux jeunes seulement, faut-il se rappeler que certaines contraintes d'ordre pratique devraient nous convaincre de rejeter cette solution, principalement le problème de l'identification du contrevenant et l'absence de responsabilité pénale du mineur de moins de 14 ans. Et on se dit que vouloir rendre les parents responsables sur le plan pénal des infractions de leurs enfants serait également, à notre avis, une mesure exagérée, sans compter les embûches d'ordre juridique qu'elle pourrait soulever. Si la clientèle cible est les jeunes, nous devrions adopter des mesures s'adressant à ces derniers afin d'encourager le port du casque et en faciliter l'acquisition, cela dans une approche préventive plutôt que répressive.

Bref, nous sommes d'avis qu'il faut promouvoir le port du casque, surtout chez les jeunes, mais ne pas l'imposer par une réglementation qui n'est pas justifiée pour la majorité des cyclistes et qui serait difficile également d'application.

Le patin à roues alignées. Tout le monde sait que la législation actuelle interdit le patin à roues alignées sur la chaussée et que personne ne la respecte – ceux qui en font – et que personne ne l'applique. Nous ne l'appliquons pas, car le faire rendrait la pratique de cette activité impossible. Il faut donc changer la législation et permettre le patin à roues alignées dans nos rues, mais cela, dans des endroits appropriés.

Nous sommes en désaccord toutefois avec l'idée que la réglementation de l'activité soit laissée entièrement aux municipalités. Selon nous, le principe d'uniformité en... Tout ce qui touche le Code de sécurité routière devrait être uniforme et devrait être la responsabilité évidemment du gouvernement. Cependant, étant réaliste, nous ne sommes pas opposés à l'identification, avec les municipalités, de certaines rues qui pourraient être accessibles aux cyclistes. Nous en donnons quelques exemples au bas de la page de notre mémoire. Bref, à défaut de signalisation contraire, le patin serait permis dans certains types de rues et il serait aussi permis à d'autres endroits spécifiquement autorisés.

Enfin, la problématique de l'identification des contrevenants demeure toujours présente, mais elle est moins préoccupante à partir du moment où l'activité est permise en milieu urbain, sauf dans des endroits précis qui seront connus. Quant au reste, le comportement des adeptes du patin devra être semblable à celui des cyclistes sur le plan de la sécurité routière et sujet évidemment aux mêmes obligations.

Le cinémomètre photographique. Comme le souligne le livre vert, le cinémomètre soulève beaucoup de questions – et nous citons le chapitre 3, section 5. Celle relative à la responsabilité de l'infraction est inquiétante, car, à notre avis, vouloir rendre le propriétaire d'un véhicule responsable d'une infraction pénale sans faire la preuve de sa culpabilité est contraire à nos règles de droit.

Il est peut-être acceptable que le propriétaire d'un véhicule soit responsable d'une infraction pour stationnement, puisque c'est le véhicule qui est en infraction, peu importe qui a laissé le véhicule à l'endroit concerné. Cependant, pour un excès de vitesse, ce n'est pas le véhicule qui est en infraction, mais la personne qui le conduit. C'est comme si l'on voulait accuser un individu de délit de fuite du seul fait que son véhicule est impliqué dans un accident où le conducteur a quitté la scène. Qu'il s'agisse de points d'inaptitude ou d'une amende, le problème est le même: la présomption d'innocence s'applique.

Au-delà du questionnement d'ordre juridique qu'il soulève, le cinémomètre demeure et demeurera aux yeux de la population et à nos yeux une machine à piastres. Les automobilistes sont surtaxés, et celui qui recevra un constat par la poste sans avoir été intercepté par un policier y verra une belle façon pour l'État de collecter des fonds. Ce n'est sûrement pas la possibilité que ces fonds soient réinvestis en sécurité routière qui va le convaincre des vertus de la mesure, bien au contraire.

Avant de parler de cinémomètre, il faudra peut-être revoir notre approche en matière de sécurité routière. Les amendes et les frais ont atteint un niveau démesuré. Les policiers ne sont pas des percepteurs d'impôts déguisés et ils sont réticents à donner des constats qui coûtent excessivement cher. Par ailleurs, il n'est pas rare de voir des municipalités équilibrer leur budget par la collecte des amendes et imposer aux policiers des quotas sous la couverture d'une évaluation au rendement.

Au lieu de miser sur les amendes pour dissuader les contrevenants, ce qui ne convainc personne, nous pensons qu'il faudrait plutôt compter sur le système de points d'inaptitude en le rendant plus sévère. Nous suggérons donc au ministre de réviser les montants des amendes non seulement pour la vitesse, mais pour toutes les autres infractions au Code de la sécurité routière.

Nous sommes également d'avis que le ministre devrait réévaluer les limites de vitesse sur l'ensemble du réseau routier québécois. Une limite de 50 km/h sur un boulevard n'est peut-être pas toujours très réaliste. La même chose pour nos autoroutes: la limite de 100 km/h devrait être portée à 120 km/h au moins, comme c'est le cas dans plusieurs États américains qui permettent maintenant des vitesses jusqu'à 70 mi/h.

Le gouvernement a abaissé les limites de vitesse sur les autoroutes à cause de la crise du pétrole il y a plus de 20 ans et il ne s'est pas ajusté depuis. Avec des limites de vitesse et des amendes plus réalistes, les automobilistes croiront plus facilement au caractère préventif des opérations policières en matière de sécurité routière. D'ailleurs, le ministère des Transports devrait se joindre au ministère de la Sécurité publique pour orchestrer avec les municipalités des campagnes permanentes de contrôle de la sécurité routière. À long terme, tout le monde y gagnerait.

Le virage à droite sur feu rouge, le VDFR. Étant la seule province canadienne où le VDFR est interdit, il serait sans doute préférable de se rallier à la mesure. Encore là, il faut un ordre uniforme à travers la province. Le gouvernement devrait donc permettre le VDFR, sauf lorsque interdit spécifiquement avec une signalisation adéquate.

Il serait important cependant que la loi prévoie l'obligation de faire un arrêt complet et de donner priorité aux piétons – ça existe déjà d'ailleurs. À cette fin, il faudrait prévoir une signalisation très apparente à chaque intersection pour indiquer sans équivoque le droit prioritaire des piétons. En plus d'une campagne d'information sur les nouvelles règles, il faudrait sensibiliser la population pour que les automobilistes se fassent un devoir de respecter les piétons, comme c'est le cas dans les autres provinces canadiennes. Cette campagne de sensibilisation devrait précéder de longue date l'entrée en vigueur du virage à droite, et la présence policière devrait se faire particulièrement sentir au début de la mise en place de cette nouvelle mesure.

La conduite avec facultés affaiblies par l'alcool. Nous ne pouvons être contre le resserrement des mesures visant à combattre le fléau de la conduite avec facultés affaiblies. Nous sommes tout à fait d'accord avec le prolongement à trois mois de la suspension immédiate du permis de conduire pour toute infraction reliée à l'alcool, le zéro d'alcool pour les conducteurs professionnels et le dépistage systématique de l'alcoolémie dans le cadre des opérations planifiées.

Cependant, nous avons de sérieuses réserves avec la proposition d'un système de sanction gradué à partir d'un taux de 0,04. Il n'a pas été démontré quant à nous que le taux de 0,08 était inadéquat, et il n'est sûrement pas souhaitable de fonctionner avec plus d'une norme. Enfin, si l'on doit augmenter la sévérité des sanctions, il faudrait viser d'abord les récidivistes. Quant à eux, il ne devrait y avoir aucun pardon.

(11 h 40)

La répression peut s'avérer dissuasive, mais il ne faut pas négliger la prévention. N'a-t-on jamais pensé à implanter Nez rouge à l'année via l'entreprise privée? Une telle entreprise existe déjà à Montréal, mais elle est peu connue. Certains services de taxi font aussi du raccompagnement avec deux chauffeurs suivant une tarification adaptée. On parle de 80 000 raccompagnements par Nez rouge durant la période des fêtes à la grandeur de la province. Combien d'accidents ont été évités et combien l'État a pu économiser en coûts de toutes sortes?

Il faudrait étudier sérieusement la possibilité de développer cette forme d'entreprise, car, selon nous, ça serait un investissement qui pourrait s'avérer très rentable à tous points de vue. Et encore une fois le Québec serait cité en exemple, comme Nez rouge a pu l'être et l'est encore. On pourrait faire de Nez rouge une entreprise sans but lucratif opérant à l'année et rémunérer les accompagnateurs, le tout financé en partie par les utilisateurs et en partie par l'État qui, à l'usage, y trouverait son compte si on pense aux drames et aux coûts qui découlent des accidents reliés à l'alcool.

En conclusion, M. le Président, je tiens à réitérer que c'est avec plaisir que nous avons décidé de commenter les matières présentées dans le livre vert. Cependant, nous aurions aimé que d'autres sujets puissent y être abordés, et nous nous permettons d'en glisser quelques mots. Nous croyons que le gouvernement devrait se pencher à nouveau sur la problématique des vitres teintées et réactiver le projet de loi n° 12. Sans reprendre tout le débat, rappelons simplement l'importance que revêt cette question en matière d'intervention policière.

Nous aurions également aimé discuter de la classe de permis nécessaire à la conduite des véhicules d'urgence, ce qu'on appelle dans notre milieu la classe 4A. Plusieurs policiers se voient retirer la classe 4A, ce qui met leur emploi en péril, parce qu'ils ne rencontrent pas certains critères préalables d'ordre médical qui, à notre avis, ne sont pas toujours justifiés. Nous souhaitons une révision de la législation et de la réglementation après consultation de toutes les organisations concernées.

C'est avec cette suggestion, Mme la Présidente, que nous concluons nos représentations et nous remercions les membres de la commission pour l'attention qu'ils porteront à nos propos, malgré que nous soyons très conscients que ça a soulevé beaucoup d'émotivité au cours des derniers jours.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci beaucoup, M. Prud'Homme. Et je n'ai pas de problème: on m'appelle souvent «M. le Président», surtout si vous n'avez pas levé les yeux. Ha, ha, ha! Il n'y a pas de problème. Alors, c'est la période d'échange avec les membres de la commission. M. le ministre.

M. Chevrette: Merci, messieurs dames, de nous avoir présenté votre position. J'ai quelques questions. Je vais commencer par le port du casque naturellement, parce que celui qui vous a précédés, le Dr Denis, qui est chef de la traumatologie à l'Hôpital du Sacré-Coeur, nous a fait une démonstration que 75 % des victimes de traumatisme pourraient être évitées s'il y avait port du casque. Il y a 26 morts par année. Vous vous prononcez pour garder une législation sur les roues alignées puis vous êtes contre une législation sur les cyclistes, alors qu'il y a deux décès par année pour les roues alignées puis 26 pour les cyclistes. J'aimerais savoir comment vous conciliez cela.

M. Prud'Homme (Yves): Alors, Mme la Présidente, nous avons évidemment parcouru le fameux... c'est le premier chapitre, si je ne m'abuse, de votre livre vert. Nous, ce que nous avions compris, c'était que la problématique se situait au niveau des jeunes plus particulièrement. On vous soulève dans notre mémoire qu'il y a des contraintes d'ordre pénal au niveau de l'identification, et c'est pour ça que j'ai souligné, dans l'introduction de notre mémoire, que nous favorisons la sensibilisation avant tout et la prévention.

M. Chevrette: Mais on regarde l'Outaouais québécois, 48 %, parce que les jeunes Ontariens justement sont obligés de le porter. On sent très bien, quand on regarde le pourcentage dans l'Outaouais québécois, que ça a une incidence. Sûrement, parce que... Puis, par contre, la ville de Québec même, ici, insiste là-dessus, et c'est 40 %, alors que ça plafonne à 26 % comme moyenne nationale.

Mais la question est plus précise: Comment vous conciliez le fait qu'il faut légiférer pour les patins à roues alignées – il y a deux décès par année – avec le fait qu'il y en a 26 pour les cyclistes puis que vous ne voulez pas de législation? Je veux savoir les motifs qui vous amènent à demander une législation pour les patins à roues alignées puis que vous n'en voulez pas pour les cyclistes alors qu'il y a 13 fois plus de morts. J'essaie de voir la logique.

M. Prud'Homme (Yves): Mme la Présidente, ce que, nous, on a soulevé dans notre mémoire, c'est d'abord et avant tout l'approche de prévention. On demande au gouvernement de légiférer pour permettre l'utilisation des fameux patins à roues alignées. Ça n'existe pas, là. Maintenant, au moment où on se parle, c'est défendu, c'est prohibé, ils ne peuvent pas pratiquer. C'est une nouvelle réalité. D'ailleurs, dans l'ensemble des commentaires, nous avons... En principe, le message qu'on fait au gouvernement, c'est qu'il faut peut-être qu'on s'ajuste aussi, compte tenu de la nouvelle réalité – le patin à roues alignées n'existait pas il n'y a pas tellement longtemps. Nous, on pense qu'il faudrait maintenir cette pratique-là. On demande de prévoir une réglementation.

Quant au fait qu'on demande une réglementation des patins à roues alignées, c'est que, évidemment, on assimile cela avec le cycliste, parce que le cycliste a des règles et des règlements à respecter au niveau de la pratique de ce sport. C'est évident, on ne peut pas nier que le port d'un casque protecteur ne peut pas éviter des accidents. Ce n'est pas ce que l'on dit. On dit qu'on devrait toujours maintenir l'utilisation du casque par des campagnes de sensibilisation. Et, nous, on pense que ce n'est pas en réglementant ou en en faisant une infraction au niveau du Code de la sécurité routière que nous allons atteindre notre objectif. C'est ce que nous vous disons.

M. Chevrette: L'objectif de tout le monde, c'est la sécurité.

M. Prud'Homme (Yves): Oui, j'en conviens.

M. Chevrette: Sachant que le casque est une grande sécurité – il pourrait éviter 75 %, par exemple, des traumatismes – je ne comprends pas pourquoi je légiférerais pour des patins à roues alignées. Parce que c'est vrai que, dans la loi actuelle, ça l'est, défendu. Mais pourquoi je légiférerais pour deux décès puis que je ne légiférerais pas pour 26? J'ai un petit problème d'ajustement.

M. Prud'Homme (Yves): Nous, on croit que, pour le port du casque, c'est un élément de prévention et que ça doit rester au niveau de la prévention. On doit travailler sur le port du casque avec des campagnes de sensibilisation – d'ailleurs, on a assez bien réussi – et continuer à le faire. On ne voit pas une infraction au Code de la sécurité routière du fait que vous avez un casque.

Un deuxième élément, actuellement, vous l'avez souligné, il n'y en a pas, de réglementation. Le patin à roues alignées, il est défendu et prohibé. On dit tout simplement: Appliquez les mêmes règles qui existent pour les cyclistes. C'est d'assimiler tout simplement cette nouvelle réalité et d'appliquer les règlements qui existent pour les cyclistes au niveau des centres urbains et ailleurs au Québec.

M. Chevrette: Si on oblige dans certaines rues et à certaines conditions, il va falloir légiférer. Vous reconnaissez ça?

M. Prud'Homme (Yves): Oui, les assujettir.

M. Chevrette: Prenons les roues alignées, là.

M. Prud'Homme (Yves): Oui.

M. Chevrette: On va les prendre un par un puis on va essayer d'avoir une logique. Prenons les patins à roues alignées. C'est défendu. Vous me dites: Il faut l'amender pour le permettre.

M. Prud'Homme (Yves): Oui.

M. Chevrette: Ça, ça m'apparaît clair. Mais de le permettre sur des rues biens spécifiques, c'est ça que vous me dites aussi?

M. Prud'Homme (Yves): Oui, exact.

M. Chevrette: Est-ce que j'ai bien compris votre mémoire là-dessus?

M. Prud'Homme (Yves): Exact.

M. Chevrette: Bon. Donc, vous demandez de garder une législation et une réglementation pour les roues alignées. Elle peut être minime, mais vous me demandez de le faire, oui ou non?

M. Prud'Homme (Yves): Oui, je vous le demande.

M. Chevrette: Bon. Pourquoi je ne légiférerais pas maintenant pour le cyclisme, qui a 13 fois plus de morts: 26 au lieu de deux? Pourquoi je ne réglementerais pas et je ne légiférerais pas pour quelque chose qui est... Il y a 5 000 000 de cyclistes puis il y a seulement 500 000 à 600 000 roues alignées. Pourquoi vous êtes plus sévères dans votre mémoire pour les patins à roues alignées que pour les cyclistes? C'est ça que je veux juste savoir. Je veux comprendre la logique, c'est tout.

M. Prud'Homme (Yves): Nous ne sommes pas plus sévères pour ceux qui pratiquent le patin à roues alignées. On vous dit qu'on doit permettre cette pratique, parce que, actuellement, c'est prohibé, c'est défendu. Et on vous suggère de les assujettir à la réglementation qui s'applique aux cyclistes. On se comprend? Ça, c'est la première chose. Pour ce qui est...

M. Chevrette: Mais il n'y en a pas, de réglementation cycliste. Il n'y a pas de loi.

M. Prud'Homme (Yves): Il y en a, des règlements, au niveau de...

M. Chevrette: Non, non. Pour le port du casque, il n'y a pas d'obligation.

M. Prud'Homme (Yves): Je ne parle pas du port du casque, moi, là. Mais le cycliste, il est assujetti à une certaine réglementation au niveau du Code.

M. Chevrette: Au Code de la route.

M. Prud'Homme (Yves): Bien oui.

M. Chevrette: S'il y a une infraction, s'il ne fait pas son stop, je suppose que vous l'arrêtez?

M. Prud'Homme (Yves): Bien voilà! C'est ce que je vous dis. Je dis: Actuellement, c'est prohibé chez ceux qui pratiquent le patin à roues alignées. On vous dit: Il faut le permettre, pas partout évidemment, sur des artères qui permettent cette pratique-là. On vous en donne des exemples, des rues où on a au moins deux voies de circulation, etc., ou séparées par boulevard. Ça se fait, ces genres d'études là. Mais, étant donné que c'est actuellement défendu dans les centres urbains, on vous dit: On va les assujettir aux mêmes règlements auxquels les cyclistes sont assujettis, donc au Code.

Mais on vous dit: Pour le fameux casque protecteur, nous, on pense qu'on n'atteindrait pas notre objectif en prévoyant au niveau du Code de sécurité routière comme étant une obligation de porter le casque. On dit de continuer à travailler par des campagnes de sensibilisation auprès des parents et des jeunes, parce que c'est plutôt là que se situe le problème, les jeunes, parce que...

(11 h 50)

M. Chevrette: Mais, M. Prud'Homme, vous avez sans doute, au niveau de vos ressources de recherche que vous avez à la Fraternité... Vous savez très, très bien que des campagnes de sensibilisation connaissent un plafond. À travers le monde, on peut vous dire que ça plafonne entre 25 % et 40 %. N'importe quelle campagne de sensibilisation, d'information et d'éducation, ça plafonne entre 25 % et 40 %. Ça a été le cas de la ceinture de sécurité. On s'attache au Québec , les campagnes et tout, ça plafonnait à 30 %, 35 %, jusqu'à temps que le coercitif arrive. Jumelé à l'incitatif, ça a fait en sorte qu'on a développé un réflexe de sécurité. Sachant cette donnée-là – on est à 26 %, et qu'on se rende à 40 % d'ici un an, je ne sais pas, moi, du port du casque – est-ce à dire que votre Fraternité ne préconiserait jamais une législation?

M. Prud'Homme (Yves): C'est notre Fédération, M. le ministre...

M. Chevrette: Votre Fédération, oui. Je parlerai à la Fraternité un autre tantôt.

M. Prud'Homme (Yves): ...M. le Président, et... Bien, remarquez que la Fraternité est à l'intérieur de la Fédération, en fait partie. Mais je dois vous dire que, nous, on maintient l'approche de campagne de sensibilisation parce qu'il y a également des problèmes d'identification qui sont reliés à toute réglementation. Comment rendre responsables des parents de gestes ou d'actes posés par des jeunes qui ont moins de 14 ans et à qui on ne peut même pas reprocher de. Ça, nous avons un problème au niveau de la mise en place de cette fameuse réglementation hypothétique. Nous, on vous dit...

M. Chevrette: Qu'est-ce que vous faites pour les sièges d'auto?

M. Prud'Homme (Yves): Pardon?

M. Chevrette: Qu'est-ce que vous faites pour les sièges d'auto? C'est un bébé de six mois, là. Qu'est-ce que vous faites?

M. Prud'Homme (Yves): C'est le propriétaire, c'est le parent qui est là qu'on intercepte, à ce que je sache.

M. Chevrette: C'est ça. Exact.

M. Prud'Homme (Yves): Mais, lorsqu'un jeune...

M. Chevrette: En bas de 14 ans, c'est qui qui répond pour un enfant? C'est un parent.

M. Prud'Homme (Yves): Oui, mais attendez. Moi, je suis père, j'ai un enfant et le jeune...

M. Chevrette: L'enverriez-vous sur la 132 sans casque? Comme policier ou comme père. Prenez un ou l'autre.

M. Prud'Homme (Yves): Sur la 132?

M. Chevrette: Enverriez-vous votre fils sans casque sur la 132, sur la 138, sur l'ancienne 2? M. Prud'Homme, je vous connais. Vous êtes un gars assez sérieux que vous allez me répondre que vous n'enverriez pas votre fils là. Il faut donc chercher ensemble des moyens, des moyens pour...

M. Prud'Homme (Yves): Parfait.

M. Chevrette: C'est vrai. On travaille sur une route verte, on travaille pour l'amélioration des conditions particulières. Mais il faut trouver des moyens pour les enlever là où ils se font tuer. Vous ne pensez pas?

M. Prud'Homme (Yves): M. le Président, je réponds au ministre que je peux défendre à mon enfant de 12 ans de traverser la fameuse rue 132. Il peut ne pas m'écouter, mais vous allez me rendre responsable, moi, des agissements d'un enfant qui ne respecte pas la fameuse réglementation.

M. Chevrette: Il y a des pays qui font ça.

M. Prud'Homme (Yves): Écoutez, je vous réponds à cela: Nous, on croit beaucoup plus à la prévention que de faire absolument une infraction et là de commencer à sévir et d'envoyer des amendes aux parents.

M. Chevrette: Mais, même si vous savez qu'il y a un plafond à un moment donné, vous êtes contre toute législation. C'est ça que vous me dites?

M. Prud'Homme (Yves): Sur le port du casque, oui.

M. Chevrette: Mais, si on la mettait, vous l'appliqueriez, je suppose. Vous recommanderiez une application?

M. Prud'Homme (Yves): Je suis ici, M. le Président, à titre de président de la Fédération. Donc, je vous fais part de notre réflexion. Alors, si j'étais demain matin comme policier dans une autopatrouille de la Communauté urbaine...

M. Chevrette: Vous feriez respecter les lois.

M. Prud'Homme (Yves): ...je tenterais de faire respecter les règlements et les lois que le législateur a adoptés, évidemment.

M. Chevrette: Deuxième question, c'est le cinémomètre. Si demain matin, M. Prud'Homme, on l'installait dans des points stratégiques, là où il y a des tueries régulières, où la police a plus de difficultés à intervenir dans certains cas – et vous le savez, ça, ce n'est pas à vous à montrer ça – et qu'on le fasse exclusivement pour fins de prévention et que les argents ne soient pas une machine à piastres – ça serait tout versé pour fins de sécurité – quelle serait l'attitude de votre Fédération?

M. Prud'Homme (Yves): Bien, d'abord, il faudrait peut-être qu'on me donne des exemples d'impossibilité de patrouiller dans des endroits. C'est la première question qui nous est venue évidemment à l'esprit, parce qu'on pense que c'est très rare qu'on peut retrouver des endroits impatrouillables; la première question qui nous est venue à l'esprit.

M. Chevrette: Il n'y en a pas, selon vous?

M. Prud'Homme (Yves): Bien, j'aimerais qu'on m'en donne un exemple, puis je pourrais peut-être...

M. Chevrette: Non, mais je parle... Quand on dit «difficulté de patrouillage», vous ne mettez pas un homme en permanence... Remarquez bien, je ne négocierai pas les effectifs policiers ici, là, ce n'est pas l'objet de la commission parlementaire. Mais vous ne pouvez pas mettre un homme en permanence à des endroits capitaux.

M. Prud'Homme (Yves): Donc, ce n'est pas l'impossibilité de patrouiller.

M. Chevrette: Bon. Oublions le...

M. Prud'Homme (Yves): Ce n'est pas à cause du contexte. Nous, on l'a pris sur l'aspect «on ne peut pas demander à des policiers ou des policières de patrouiller dans cet endroit-là». C'est dans ce sens-là que je...

M. Chevrette: Non, non, ce n'est pas... Je comprends ça.

M. Prud'Homme (Yves): C'est impossible.

M. Chevrette: Non, mais ça, là-dessus, on se comprend, on ne s'obstine pas là-dessus. Tout ce que je veux dire, c'est... Par exemple tous les ponts, vous êtes rarement là sur les ponts, en général, me dit-on. Le gars de la Sûreté du Québec qui patrouille le Métropolitain, il paraît que c'est une punition. Je ne sais pas si c'est vrai, moi. Il faudrait demander aux policiers. Mais, quand j'ai fait l'enquête Cliche, c'est ce que les gars nous disaient.

M. Prud'Homme (Yves): Oui, effectivement.

M. Chevrette: Un gars qui est sur le Métropolitain, il a hâte d'en sortir. Il aime mieux être à Chibougamau ou ailleurs, même dans le Grand Nord, que d'être sur le Métropolitain.

M. Prud'Homme (Yves): Ah! écoutez, si je regarde, là, où j'ai exercé ma profession durant au moins 28 ans à ce jour, j'aurais peut-être eu des préférences, ou j'exercerais peut-être moins facilement ma profession dans certains quartiers de la CUM, ça serait la même chose à Québec. Mais je ne pense pas que c'est là l'enjeu et que c'est là que la question doit...

M. Chevrette: Bon. Bien, reprenons-le d'abord au départ. Vous ne pouvez pas être en permanence à un endroit, on reconnaît ça.

M. Prud'Homme (Yves): C'est certain qu'on ne peut pas avoir suffisamment de policiers et de policières.

M. Chevrette: Et il y a des endroits au Québec, selon les statistiques autant de la Sûreté que de la santé publique que de la SAAQ, où il y a des tueries régulières, sur une base très régulière.

M. Prud'Homme (Yves): Bien, disons qu'il y a des accidents mortels, effectivement.

M. Chevrette: Bon. Il y a des pays qui ont essayé ça puis qui ont respecté l'anonymat des personnes. Je ne parle pas du vieux radar qui a déjà existé où il photographiait le siège avant. Puis les visages étaient très reconnaissables, j'en ai vu.

M. Prud'Homme (Yves): Surtout avec le partage du patrimoine qui est en cause aujourd'hui.

M. Chevrette: Mais on va avoir une démonstration de ce qui peut se faire dans toute règle de respect des individus, puis toutes ces règles-là, et qui pourrait contribuer à corriger les habitudes de conduite dangereuse dans certains endroits stratégiques. Ça peut se faire en partenariat avec les corps policiers, ça peut se faire... pour des fins exclusivement – puis je le répète, là, «exclusivement» – de sécurité routière.

Est-ce que vous seriez contre, à ce moment-là, vous autres, que, pour des fins de sécurité routière et exclusivement, puis qu'on vous le prouve – puis on aura le fardeau de la preuve, remarquez bien, là – puis qu'on oublie la machine à piastres, puis qu'on oublie que c'est de prendre la place des policiers – puis je comprendrais que vous pourriez vous lever puis crier fort – puis qu'on y aille par projets-pilotes ou par endroits stratégiques, avec obligation d'informer les gens, obligation de bien identifier que c'est clair qu'il y a du radar... Quelle serait votre réaction à ce moment-là? Est-ce qu'elle serait la même qu'une simple lecture du livre vert ou si vous nuanceriez vos propos?

M. Prud'Homme (Yves): Bon. Je suis obligé, M. le Président, de reconnaître que, à la lecture du livre vert, nous sommes toujours convaincus que c'est une machine à piastres et que ce n'est sûrement pas une approche préventive, parce que le radar n'a aucune espèce d'effet préventif dans sa mise en application, et que cela constitue, à notre avis, un bon moyen pour l'État de remplir les coffres. Évidemment, nous avons été confrontés, au fil des ans, à des déguisements chez plusieurs élus de certaines municipalités qui, sous le couvert d'évaluation du rendement, imposent des quotas aux policiers.

(12 heures)

Or, pour être honnête, M. le Président, envers le ministre, il faudrait absolument que j'aie en main les conditions d'application, qu'est-ce qui arriverait au niveau du problème d'identification du fameux conducteur... Parce que, faut-il le rappeler, des entreprises possèdent déjà un nombre x, y de véhicules automobiles. Les entreprises de taxi, est-ce qu'on va mettre de l'avant une chasse aux sorcières pour trouver les conducteurs, les conductrices supposés qui violent le Code de la sécurité routière? Et qu'est-ce qui va arriver au niveau de ces récoltes? Parce que, même si le ministre m'affirme et m'assure que c'est uniquement pour la sécurité routière, le jour ne sera pas tellement loin où nous allons voir la multiplication de ces appareils, et ça constitue des impôts déguisés.

M. Chevrette: Oui, mais ça ne serait pas l'esprit puis ce n'est pas l'idée. Puis je vais le réaffirmer avec force. Qu'est-ce que vous faites avec quelqu'un qui a un billet de stationnement? Vous ne savez pas qui a pris l'auto, pas plus que vous ne saurez qui a pris l'auto dans une question de radar.

M. Prud'Homme (Yves): Oui.

M. Chevrette: Vous ne le savez pas actuellement, M. Prud'Homme.

M. Prud'Homme (Yves): Non, la différence, je l'ai soulevé dans le mémoire, c'est que, pour un billet de stationnement, c'est le véhicule qui est laissé là, qui appartient au propriétaire, qui est dans un endroit...

M. Chevrette: Oui, mais ça pourrait être le fils qui est allé dans un endroit illicite ou illégal.

M. Prud'Homme (Yves): Non, mais vous avez la responsabilité, en tant que propriétaire du véhicule.

M. Chevrette: Bien oui, la même chose...

M. Prud'Homme (Yves): Si, moi, je vous laisse mon auto, M. le ministre, je suppose ou je prétends que vous allez respecter la loi, mais je ne l'ai plus en main. Même si je vous dis: Faites attention parce qu'il y a peut-être des radars cinémomètres photographiques ou qu'il y a des policiers sur la route, bien, ce n'est plus moi qui est en infraction. Ce n'est pas le propriétaire, ce n'est pas l'auto qui est en infraction lorsqu'on circule, c'est le conducteur qui commet une infraction. Et c'est ce que nous vous disons dans notre mémoire. C'est là le problème de...

M. Chevrette: Oui, mais c'est parce que vous faites une comparaison où on ne sait pas qui. On ne sait pas plus qui a amené l'auto dans un stationnement, comme on ne sait pas qui est au volant dans... C'est pour ça que... que ça soit un régime avec des points de démérite, parce que, si c'est l'immatriculation de l'auto, ce n'est pas les points de démérite, naturellement, ça peut être mon fils, ça peut être ma fille, ça peut être n'importe qui – ça, je comprends ça – comme ça peut être mon fils ou ma fille qui est allé se stationner dans un endroit interdit.

Mais ce que je veux vous expliquer, M. Prud'Homme, si tout se fait en fonction de la sécurité du monde – la vitesse, par exemple, elle crée 25 % des décès, 25 % de 717 morts, c'est tout près de 200, ça, vous le savez, 19 % des accidents graves, c'est la vitesse – si on vous assurait que ça ne prend pas la place des officiers de police et si on vous assurait que ce n'est pas une machine à piastres...

Le Président (M. Lachance): En conclusion, M. le ministre.

M. Chevrette: ...et que ça soit réinvesti, est-ce que vous changeriez vos propos?

M. Prud'Homme (Yves): Je vais vous dire, M. le Président, je répondrais au ministre qu'il faudrait absolument que j'aie les conditions dans lesquelles on implanterait un tel système, parce que nous sommes toujours convaincus que c'est une machine à sous. Et, malgré le fait que je ne peux pas contredire effectivement qu'il y a des accidents, il y a des pertes de vies sur nos routes, je vous dirais que la vitesse a le dos large et que ça n'est pas nécessairement automatiquement à cause de la fameuse vitesse, la cause de l'accident. Il peut y avoir beaucoup d'autres causes ou phénomènes extérieurs.

Mais c'est bien certain que je ne peux pas vous convaincre que... si vous roulez à 30 km/h par rapport à 100 km/h et que vous avez une collision, il va y avoir quelque chose d'un peu plus prononcé à 100 km/h. Cependant, vous circulez sur nos routes, tous, ici, dans cette Chambre, est-ce que vous avez fait des petits tests, à 100 km/h? Est-ce que vous avez fait ces tests-là? On tolère entre 17 km/h et 18 km/h, sur les autoroutes. Et j'ai bien dit qu'il y a un effet pervers à cela parce que, lorsque ces gens-là, à cause de la tolérance, pénètrent, entrent dans nos villes et villages, ils ont toujours cette impression de tolérance. Donc, on lance un mauvais message aux automobilistes, et ça aussi, ça peut être une cause d'accident, dans nos villes.

Nous, ce qu'on dit: Cinémomètre, quant à nous, c'est une question de piastres et de sous, on en est convaincus. Deuxième chose, si on tolère 10 km/h ou 15 km/h sur les voies rapides, les autoroutes, est-ce que, aujourd'hui, en l'an 2000, ce n'est pas plus réaliste, à cause de l'amélioration des automobiles, premièrement, au niveau de la sécurité, que dans les années soixante-dix? La voie de dépassement ne peut plus rien dire. C'est aussi ce qu'on dit: On roule à droite ou on roule à gauche, on circule à droite ou à gauche, parce qu'il y a eu un abaissement.

Je vous dirais, M. le ministre, que la distraction, l'inattention peut être une source d'accident également, des manoeuvres faites par quelqu'un qui n'est pas sur la bonne voie, et quelqu'un qui roule à 100 km/h et l'autre roule à 90 km/h peut être aussi une cause d'accident. Alors, nous, on dit: Il faut lancer un message clair à la population. On n'utilise pas le Code de sécurité routière pour remplir les coffres de l'État ni pour boucler les budgets au niveau municipal. Cependant, si on dit: C'est 120 km/h, ça va être 120 km/h, puis on va l'appliquer. Et on pense qu'à ce niveau-là il faudrait beaucoup plus travailler sur les points d'inaptitude. Il y a comme une espèce d'ambiguïté dans le message qu'on lance aux automobilistes: on tolère 10 km/h ou 15 km/h, mais, lorsqu'on émet une contravention à 125 km/h, on dit: Vous avez dépassé de 25 la limite permise par la loi.

Le Président (M. Lachance): Je m'excuse, M. Prud'Homme, mais, étant donné que le temps imparti du côté ministériel est dépassé, on va laisser la parole au porte-parole de l'opposition officielle. Vous aurez l'occasion peut-être de passer votre message...

M. Chevrette: ...nos sources, là, sur les décès, c'est vous autres qui nous les donnez.

M. Prud'Homme (Yves): Pardon?

M. Chevrette: Les sources pour les décès, 25 % de décès dus à la vitesse, ça vient de vous autres, ça. Deuxièmement, je voudrais vous remercier aussi, mais vous dire que... Qui vous donne des ordres de tolérer des vitesses excessives?

M. Prud'Homme (Yves): Est-ce que je réponds à la question?

M. Chevrette: C'est parce que c'est vous qui appliquez la loi.

M. Prud'Homme (Yves): Est-ce que je réponds à la question?

Le Président (M. Lachance): Oui. Allez-y.

M. Prud'Homme (Yves): Au cours de l'année 1999, on a assisté à des opérations de retenue à 100 km/h sur les grandes artères, et vous avez vu qu'est-ce que ça occasionnait comme congestion sur la 40 ou sur la 20, ou sur toute autre voie rapide. Et je vous le dis, M. le Président, faites le test. Est-ce qu'on joue à l'autruche, est-ce qu'on se met la tête dans le sable? Est-ce que 100 km/h, avec les modifications, l'amélioration de la sécurité des véhicules, en l'an 2000, c'est toujours acceptable? Parce qu'on n'a jamais, jamais baissé la vitesse, les limites, à cause de cela; c'est à cause de la crise du pétrole.

Alors, nous, on dit: On va lancer des vrais messages et des messages clairs à la population et aux automobilistes: 120, ça va être 120; si le gouvernement décidait d'adopter 130, ça serait 130. C'est ce qu'on dit tout simplement. Alors, je pense qu'on lance un mauvais message.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Je dois d'abord vous remercier pour la présentation de votre mémoire et vous dire de prime abord que je suis à peu près d'accord avec tous les points que vous avez soulevés dans votre mémoire. Alors, je vous questionnerai peut-être sur certains de ces points-là pour compléter notre compréhension. Mais, juste avant d'aborder ces points-là, j'aimerais prendre la conclusion.

Dans la conclusion de votre mémoire, vous faites référence au problème des vitres teintées. Vous auriez souhaité, comme je l'ai mentionné moi-même d'ailleurs au début de cette commission, que ça fasse aussi l'objet de la consultation sur la sécurité routière. J'ai mentionné ce point-là, avec d'autres points additionnels dont on ne traite pas, malheureusement, suite aux choix que le ministre et le gouvernement ont faits sur l'encadrement de cette consultation. Mais j'aimerais savoir: Par rapport à la problématique des vitres teintées, vous auriez souhaité qu'on en discute pourquoi exactement? Et quelles auraient été les représentations que vous nous auriez faites à ce moment-là?

M. Prud'Homme (Yves): M. le Président, en 1998, si je ne m'abuse, au mois de décembre, le gouvernement a adopté l'article 64, avec des règles qui défendaient le fait d'appliquer ou d'apposer, dans les vitres de côté, droite, gauche et avant, une pellicule, etc. Et, si je ne m'abuse, ce règlement-là a été tablé; ce n'est pas en force, ce n'est pas en vigueur, on a arrêté de mettre en place le fameux règlement qui était plus sévère que l'ancien.

Ceci étant dit, nous avons fait état de cette problématique parce que, au niveau des interventions policières, actuellement, nous avons des difficultés lorsque – surtout le soir ou la nuit – en l'absence de règlement, les automobilistes – c'est plutôt les jeunes, vous me direz – plusieurs mettent des pellicules, ce qui complique pour nous lorsque nous interceptons une automobile dans laquelle on retrouve trois ou quatre passagers. On ne sait pas trop, trop qu'est-ce qui se passe parce qu'on ne voit absolument rien. Il y a des pellicules qui sont tellement foncées, tellement opaques qu'on ne voit rien. Alors, ce qu'on dit, on l'a soulevé...

Cette semaine, je rencontrais les représentants de l'Association des fabricants, et eux-mêmes nous ont dit qu'ils auraient souhaité que le gouvernement adopte une réglementation. Ils sont même disposés à travailler à la mise en place de normes pour, d'une part, ne pas compromettre la sécurité des policiers et policières mais, aussi, ne pas compromettre peut-être leur entreprise, mais qu'il y ait des normes qui prévoient tel pourcentage, le fait d'apposer des pellicules puis qui protègent aussi l'automobiliste avec évidemment les rayons du soleil, avec la nouvelle... C'est de plus en plus chaud, l'ozone, etc. Bon. Donc, il y a des effets.

(12 h 10)

J'ai rencontré trois de ces représentants, et nous avons l'intention de travailler avec eux pour essayer de mettre en place des normes pour d'abord mettre un terme à la réalité d'aujourd'hui. Plusieurs ont des vitres genre limo puis on ne voit absolument rien à l'intérieur. En absence de réglementation là-dessus, ça compromet la sécurité des policiers et des policières que nous représentons. Et je pense qu'il y a une façon, il y a un moyen d'en arriver à un consensus avec ces entrepreneurs-là, avec ces entreprises-là pour protéger à la fois la sécurité des policiers mais aussi faire en sorte que cette entreprise-là, qui représente, je pense, 1 500 emplois au Québec, un chiffre de 25 000 000 $... C'est intéressant aussi pour notre taux de chômage et...

M. Bordeleau: O.K. Il n'y a pas d'incompatibilité entre la sécurité des policiers...

M. Prud'Homme (Yves): Non. Effectivement.

M. Bordeleau: Ce qui est le plus nocif, au fond, actuellement, si je comprends bien...

M. Prud'Homme (Yves): C'est l'absence.

M. Bordeleau: ...cette espèce d'ambiguïté, de flou qui existe, qui fait qu'on se retrouve carrément avec des gens qui exagèrent. Et ce n'est pas l'objectif des gens avec qui vous avez parlé.

M. Prud'Homme (Yves): Effectivement.

M. Bordeleau: Il s'agit de trouver un mode réaliste, qui tienne compte un peu de ce qui se passe ailleurs et qui, en même temps, assure la sécurité, et, dans ce sens-là, selon votre perception, il n'y a pas d'incompatibilité. Ça va pour ça.

Maintenant, je vais prendre certains des points que vous avez discutés avec le ministre. Quand on parle de la question du casque, bon, vous favorisez, disons, une approche incitative de promotion, et tout ça. Je suis parfaitement d'accord avec cette option-là. Le ministre revient souvent avec l'idée qu'on a atteint une saturation de 26 %. Je pense qu'il y a moyen de faire plus. Et on nous a démontré clairement, des gens qui sont venus faire des interventions, que, dans certains groupes, on va chercher des taux de 80 % à 90 %. Et il y a toute une approche au niveau des jeunes dans les écoles, de sensibiliser. Le médecin qui est venu avant nous a démontré les dangers puis les conséquences évidemment extrêmement dramatiques d'accidents.

Je pense que cette approche-là risque, à mon avis, d'avoir des meilleurs résultats, dans le sens où ça ne sera pas imposé, mais ça va être une prise de conscience des individus. La prise de conscience, ils ne l'oublieront pas, là, comme on a tendance à oublier un règlement qu'on ne comprend pas et puis qu'on essaie... Alors, je pense que c'est plus promoteur de travailler au niveau de convaincre les gens parce que ça, ça va demeurer pour la vie quand ils vont être convaincus des bienfaits, par exemple, du port du casque, que de l'imposer par réglementation, comme on se proposait de le faire dans le livre vert.

Maintenant, concrètement, on voit qu'il y a des problèmes. Vous avez fait référence à certains problèmes d'application. Mais, dans l'éventualité où on obligerait le port du casque, la question que je me pose et qui nous a été soulevée par certaines personnes qui sont venues, c'est: Qu'est-ce que les policiers vont faire avec ça? Allez-vous vous mettre à courir dans les parcs après les jeunes qui n'ont pas leur casque? Allez-vous courir sur les pistes cyclables? Le policier qui est au coin d'une rue, qui voit passer un jeune qui n'a pas de casque, qu'est-ce qu'il fait? Il part après?

C'est facile de dire: On va faire un règlement. Et on en a beaucoup de règlements – d'ailleurs, vous y avez fait référence quand vous parliez de la vitesse – on a beaucoup de règlements qui sont inapplicables ou inappliqués parce qu'ils ne se tiennent pas debout. Ils ne tiennent pas compte de la réalité. J'aimerais ça, avoir votre... Concrètement, en supposant qu'on dirait: C'est obligatoire pour tout le monde, quels problèmes concrets, à part ceux que vous nous avez mentionnés, vous rencontreriez, comme policiers, pour essayer de faire appliquer ça? Et, à votre avis, le temps que l'on mettra là-dessus, votre perception, comme policier, vous avez une vue quand même générale quand on parle de sécurité ou d'investissement des ressources policières, est-ce que ce serait bien les placer que de les mettre à ce niveau-là?

M. Prud'Homme (Yves): Vous touchez un point qui est, à notre point de vue, intéressant. D'abord, il y a une limite à vouloir réglementer, et, nous, on pense que ce n'est pas en adoptant un règlement qu'on va nécessairement convaincre du bien-fondé, au niveau de la population. Il y a toujours là un risque de provoquer beaucoup plus que de prévenir, par l'adoption d'un règlement. Il faut que ça soit aussi raisonnable.

Qui va l'appliquer, le fameux règlement? Ce sont les policiers et policières du Québec, à ce que je sache. Est-ce qu'ils vont avoir le temps et la latitude de le faire? C'est vrai que, dans les grands centres, on a beaucoup de pistes cyclables actuellement qui sont, compte tenu de la disponibilité des ressources, patrouillées par des policiers cyclistes, en vélo évidemment. Nous, on a soulevé tout simplement des problèmes d'identification et, nous, on ne pense pas qu'on soit rendu en l'an 2000 puis qu'on ne pourra jamais augmenter nos chances de succès d'enrayer effectivement et d'atteindre le port uniforme chez tous les cyclistes.

Alors, nous, on privilégie, compte tenu de la réalité du terrain, parce que, en bout de ligne – je ne sais pas c'est qui qui va appliquer la fameuse réglementation – outre le problème juridique de rendre responsables les parents de tout et de rien alors que les enfants ne sont pas assujettis au pénal, comme je l'indique dans le mémoire – c'est ce qu'on a voulu tout simplement dire – il y a une limite à vouloir tout réglementer, même les loisirs.

M. Bordeleau: D'ailleurs, le ministre tout à l'heure vous disait... Et je reprends ça souvent parce que ça ne me semble pas correct de le faire de cette façon-là, dans le sens que ce n'est pas de cette façon-là, je pense, qu'on doit envisager le débat. En fait, le ministre demande souvent aux gens – et ce n'est pas un blâme que je fais: Est-ce que vous accepteriez que votre enfant aille sur la 132 sans casque? Ce n'est pas parce qu'on est contre une législation qui oblige le port du casque qu'on dirait à notre petit gars: Bien, vas-y, sur la 132, sans casque. Ça n'a rien à voir. On parle de deux choses totalement différentes.

Je pense que, nous, comme tout le monde qui est venu ici, on va demander à notre jeune de le porter, le casque, et on va essayer de le convaincre de le porter, le casque, et on souhaite que les milieux d'éducation aillent dans le même sens aussi et que les groupes de vélo qui viennent aussi agissent dans la même direction: encourager les gens, les sensibiliser aux conséquences dramatiques qui peuvent survenir dans le cas d'un accident. Et ce n'est pas parce qu'on dit qu'on est contre l'approche législative qu'on est contre le port du casque et qu'on va dire à notre petit gars: Bien, vas-y, sur la 132, sans casque. Ça n'a rien à voir.

Alors, quand on pose le problème comme ça, je n'aime pas ça personnellement, parce que ce n'est pas de cette façon-là, je pense, qu'on discute. On a le même objectif. Vous avez certainement comme objectif que le casque soit porté par tout le monde, idéalement, là – nous, pareil – et ceux qui souhaitent une approche législative aussi, malgré le fait que ça serait aussi très difficile de le réaliser même s'il y a une loi comme vous venez de le mentionner.

Alors, ce n'est pas sur l'objectif qu'on diffère, c'est sur l'approche. Et je pense que l'approche doit tenir compte de deux choses: une approche qui convainc est plus rentable à long terme qu'une imposition, ça, c'est le premier point. Le deuxième point, c'est qu'il faut regarder le caractère réaliste d'une loi. Ça ne sert à rien de faire une loi qu'on ne peut pas appliquer, on en a déjà trop. Et on en a une, loi, qui, actuellement, dans le cas des patins à roues alignées, on défend le patin à roues alignées...

M. Prud'Homme (Yves): On le tolère.

M. Bordeleau: ...ce n'est pas applicable; ils le sont, dans la rue. Donc, on a dit: Bien, essayons d'encadrer ça le mieux possible. Et je pense que, quand on parle du port du casque, il faut arrêter de laisser croire que ceux qui sont contre une législation sont contre le port du casque, c'est totalement faux.

L'autre point que je veux aborder, c'est la question, juste mentionner rapidement, des limites de vitesse sur les autoroutes. Je l'ai mentionné à plusieurs reprises et je pense que c'est exact de dire qu'il faudrait qu'on révise, qu'il y a une tolérance qui fait que, à un moment donné, ça n'a plus de sens. Quand on met une limite de 100 sur l'autoroute et qu'on va à 120 et puis que c'est toléré jusqu'à ce niveau-là, bon, à un moment donné, on finit par comprendre que 100, ça veut dire 120. Quand on arrive dans une zone de 50, est-ce qu'on veut dire que 50, probablement ça veut dire 65 et, dans une zone de 70, on peut se dire: Bien, ça doit être 90, à peu près?

Alors, à un moment donné, il n'y a plus de logique à avoir deux discours comme ça, là: un discours formel qui est affiché et le discours qui fait que... Il y a des raisons là-dessus. Je pense qu'il faut arrêter, il faut se poser la question: Pourquoi les gens vont à 120? Pourquoi les policiers tolèrent 120? Et pourquoi on continue à afficher 100? Et dans quel contexte – vous faites référence à la crise du pétrole – ça a été fait?

Essayons d'envoyer un message plus clair, de sorte que les gens vont comprendre que ce qui est écrit là, ça, c'est la loi et que, quand on outrepasse ça, on va être pénalisé. Si vous avez 121, 125 puis on a écrit 100, 120, bien vous allez être pénalisé. Alors là on va finir par se comprendre. Mais, à mon avis, il y a une question d'interprétation là-dessus, et je pense qu'il faudrait qu'on se penche sérieusement sur cette question-là.

(12 h 20)

M. Prud'Homme (Yves): Je pense, M. le Président... J'ajouterais un élément: Tout est dans le message. Et les effets, je le répète, c'est lorsque les gens arrivent dans nos villes et nos villages, et ça, c'est réel. Et, en plus, il y a un autre problème que nous avons soulevé: il y a des municipalités qui ont décidé, juste à cause des piastres, d'abaisser les limites de 90 à 70 et 60, et ce n'est pas justifié. Il n'y a pas d'habitation, la route est correcte, elle devrait être à 90, mais non, ils l'ont abaissée juste à cause des sous. Et ceux et celles qui les émettent, les contraventions, savez-vous c'est qui? C'est les policiers et policières que je représente.

On nous propose un cinémomètre photographique. Encore là, je dis: C'est une question de sous et de piastres, et je le soumets respectueusement parce qu'on a de sérieux problèmes au niveau de l'identification. Et, lorsqu'on voudra... Parce que tantôt le ministre me disait: Stationnement, le propriétaire est responsable, mais tantôt le propriétaire de l'auto qui n'est pas au volant, le conducteur, on va lui imposer des points de démérite. Imaginons-nous les conséquences: le propriétaire de l'auto qui n'a pas conduit, qui n'était pas là.

Il y a des règles, selon nous, qui font que la présomption d'innocence, elle doit être respectée. Et le fait de rendre ou de renverser le fardeau de la preuve, qu'il n'était pas dans son véhicule, quant à nous, ce n'est pas la réalité, au niveau des règles de droit. Mais, en plus, on va lui débiter son crédit de points d'inaptitude, alors qu'il n'était même pas dans le véhicule. Je pense que c'est un sérieux problème.

M. Chevrette: Il n'y a pas de points de démérite.

M. Bordeleau: Le ministre mentionne: Il n'y a pas de points de démérite, je pense que c'est un peu ce qu'ils mettent là-dedans, mais on se retrouve quand même avec une situation, même dans cette éventualité-là, qui, à mon avis, est bizarre. C'est-à-dire que, si je vais à 130 km dans une zone de 100 km, je me fais arrêter par un policier, je perds des points. Je vais aller à 130 km dans la même zone, le policier n'est pas là, ils ont mis un cinémomètre, je ne perds pas de point; je paie une amende, je ne perds pas de point. Pour la même infraction, deux traitements différents.

M. Prud'Homme (Yves): Puis il y a plus que ça.

M. Bordeleau: Alors, il y a quelque chose aussi qui est un peu aberrant de ce côté-là.

M. Prud'Homme (Yves): Il y a aussi un autre point qu'on n'a pas discuté: c'est la partie qui concerne les frais. On a, en 1990 et 1993 et 1996, doublé ou indexé le montant des frais, qui rend les infractions indécentes, qui rend le total de la contravention indécent. On indexe. Si j'enfreins, si je dépasse de 10 ou de 20, si le montant de l'amende est plus élevé, plus les frais sont élevés. Ça fait d'ailleurs l'objet de contestation au moment où on se parle à la ville de Montréal, et le gouvernement va devoir aussi répondre à cette contestation-là.

Il y a un vieux principe qui dit: Si j'ai dépassé de 20, il y a un montant, qui est raisonnable, de frais, mais, si j'allais à 25, pourquoi le montant des frais serait-il supérieur? C'est un autre aspect des frais exorbitants des amendes, ça.

Entre 1993 et 1996, quand l'amende est entre 100 $ et 150 $, c'est 36 $ de frais; entre 150 $ et 300 $, 52 $. Et là on augmente. On est parti de 5 $, de 12 $, de 25 $, de 36 $, 52 $, 104 $ et 208 $. Quelqu'un qui se fait accuser d'introduction par effraction n'a pas cette pénalité-là. Et c'est rendu plus criminel que peut-être avoir omis que c'est 100 km/h au lieu de 125 – ça coûte plus cher pour l'automobiliste – que quelqu'un qui se permet de commettre un vol ou enfreint la loi au niveau du Code criminel par rapport au Code de la route. Et on a soulevé également ça dans notre mémoire, au niveau des amendes. Je pense qu'il y a une espèce de démonstration que, d'abord et avant tout, c'est l'argent qui compte.

M. Bordeleau: Sur la question du cinémomètre, je pense que vous avez fait référence à une réalité tout à l'heure. Puis d'ailleurs ça nous a été mentionné hier aussi, je pense que c'est par l'Union des municipalités du Québec, de dire: On met ça dans le livre vert, là, mais on ne parle pas des conditions d'implantation. Puis, au fond, on sait qu'il y a des coûts là-dedans puis il y a toutes sortes de... Qu'est-ce qu'on fait avec ça. Alors, on arrive à la décision. Puis on n'en a jamais parlé avec aucun des intervenants, que ce soit le milieu municipal ou le milieu policier. On n'a jamais eu de discussion là-dessus sur les conditions, le réalisme, la capacité d'implantation, puis tout ça. Alors, je pense que c'est un point qui est important.

Maintenant, l'autre élément que le ministre mentionnait tout à l'heure en disant: Oui, mais, si on arrive dans des sections où, par exemple, c'est des coins où il y a des tueries monstres, là, des tronçons de route beaucoup plus dangereux que les autres puis peut-être où on ne peut pas mettre un policier installé, là, debout, pour surveiller tout ça, à ce moment-là on voit que la solution, c'est le cinémomètre. Et je pense que vous y avez fait référence de façon très claire. Si on arrive dans un contexte où on sait qu'une place est exceptionnellement dangereuse, bien, mettons plus de patrouilleurs.

Alors, je pense que tout le monde va trouver ça logique que, à un endroit où il y a beaucoup d'accidents, à un moment donné, on mette plus de ressources là pour faire la patrouille, pour arriver au même résultat. Et, aussi, le cinémomètre, là, le gars qui se fait pincer par cinémomètre dans une section où il reçoit, deux semaines après, un avis qu'il allait trop vite, là, puis mettons que c'est sur le Métropolitain, bien, faites-vous en pas, il a traversé le Métropolitain au complet à la même vitesse. Puis il a été dangereux tout le long, puis il a peut-être été dangereux les 10 jours avant qu'il ne reçoive son amende par la poste. Donc, il n'y a pas d'effet immédiat qui fasse prendre conscience à l'individu...

Quand on parle de sécurité, bien, si c'est ça, l'objectif puis qu'on est prêt à y mettre les ressources pour assurer une plus grande sécurité routière, bien, je pense que le fait que la personne soit arrêtée immédiatement, qu'elle soit confrontée, au fond, au geste qu'elle vient de poser immédiatement, ça, ça a un effet. Mais pas de recevoir, deux semaines après, par la poste, un ticket d'amende et puis, durant ces deux semaines-là, le gars a pu continuer à agir de façon irresponsable comme il a agi au moment où le cinémomètre l'a photographié, et ça n'a pas d'effet. Alors, je ne sais pas si vous avez des commentaires là-dessus. Alors...

Le Président (M. Lachance): Oui, il y a aussi le député...

M. Prud'Homme (Yves): Vous soulevez des éléments, M. le Président, qui sont importants. Je pense qu'à long terme ça va être une installation ou une utilisation abusive. Au niveau des municipalités, on va sûrement couper des ressources, on va utiliser le fameux cinémomètre photographique. Mais, pendant ce temps-là, ceux qui n'ont pas de permis circulent. Combien de raisons peuvent justifier l'interception d'un véhicule qui peut circuler à une vitesse dangereuse? Ce n'est pas le cinémomètre photographique qui va intercepter l'individu.

Il y a tellement d'éléments qui tournent autour de cette nouvelle technologie là et dont le livre vert ne précise pas, d'aucune façon, l'utilisation, l'étendue, les conditions, etc. Or donc, c'est pour ça que ça nous fait dire que c'est une question de piastres.

Le Président (M. Lachance): M. Prud'Homme, en terminant, je me permets de vous faire une perception de vos propos. Vous savez, je ne vous apprendrai rien en vous disant que la crédibilité des politiciens dans la population, ce n'est pas très fort. Mais vous allez peut-être reconnaître aussi que la perception des gens par rapport à la police, ce n'est pas très élevé non plus. Peut-être un peu mieux que les politiciens, mais ce n'est pas très loin.

Dans le fond, la vraie raison de votre opposition au photo-radar, ce n'est pas une raison qui serait en réalité celle de voir diminuer le nombre de policiers?

M. Prud'Homme (Yves): Non. M. le Président, ce n'est d'aucune façon la justification de la position. Je le répète à cette commission: Nous sommes en l'an 2000; les véhicules automobiles sont de plus en plus sécuritaires,; la réalité, je ne vous dis pas si actuellement on appliquait 100, c'est 100... Ça serait impossible d'appliquer 100 parce que... Je vous le propose, faites-le, le test. Alors, si tu es réaliste, c'est 120. Lançons un message clair à la population: C'est 120, et, après 120, on commence à imposer les amendes.

Mais la différence, c'est que, si je roule à 125, lorsque le policier va m'intercepter, il ne me donnera pas plus 5, il va dire: Plus 25. Alors, comment se fait-il que celui qui circule à 117 n'a rien et que, moi, je me fais arrêter à 125, j'ai plus 25? C'est plus payant, ça coûte plus cher. Et leur prétention: ce n'est pas un moyen évidemment d'améliorer notre sécurité, ceux qui ont les moyens, ils les paient, les contraventions. Nous, on dit: Travaillons davantage sur les points d'inaptitude, lançons des messages clairs à la population: C'est 120 et, après ça, bien, il n'y a pas de tolérance.

(12 h 30)

Je vous l'ai dit et je le répète, il y a un effet pervers dans nos villes et villages, et il y a aussi des conséquences à cette tolérance, informelle, vous me direz. Alors, on vous dit: Écoutez, révisez l'ensemble des limites de vitesse sur les réseaux routiers. Je pense que le gouvernement devrait le faire. Le ministre des Transports devrait faire cet exercice-là. Il est temps, ça fait au moins 20 ans que ça s'est fait.

Le Président (M. Lachance): Alors, sur ça, merci aux porte-parole de la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec pour votre participation aux travaux de cette commission, et je suspends les travaux de la commission jusqu'à cet après-midi, à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise à 14 h 5)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Je vous rappelle que le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec: un défi collectif .

Cet après-midi, nous entendrons les représentants des groupes suivants: d'abord, la Société de transport de l'Outaouais; par la suite, la Corporation des propriétaires de bars, brasseries, tavernes et restaurants du Québec; à 16 heures, l'Association des restaurateurs du Québec; et finalement la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec.

Alors, je vois que les porte-parole de la Société de transport de l'Outaouais sont déjà à la table. Bienvenue, messieurs. Je vous demanderais de bien vouloir vous identifier, en vous indiquant que vous avez 20 minutes maximum pour nous faire part de vos commentaires, et, par la suite, il y aura des échanges avec les députés de chaque côté de la table.


Société de transport de l'Outaouais (STO)

M. Bonhomme (Claude): D'accord. Merci, M. le Président. Alors, M. le ministre, Mmes, MM. les commissaires, nous remercions la commission sur les transports et l'environnement de nous recevoir aujourd'hui. J'aimerais d'abord faire une petite présentation de la Société de transport de l'Outaouais.

La Société de transport de l'Outaouais...

Le Président (M. Lachance): Est-ce que vous auriez l'obligeance de bien vouloir vous identifier ainsi que...

M. Bonhomme (Claude): Oui. Ah certainement! Je suis accompagné de M. Georges O. Gratton, qui est le directeur général de la STO depuis 1995. Je suis Claude Bonhomme, le président de la Société de transport de l'Outaouais. Alors, si vous me le permettez, je vais...

Le Président (M. Lachance): Allez-y, monsieur.

M. Bonhomme (Claude): La STO est un organisme de transport de passagers qui gère un budget de 36 000 000 $, qui gère 13 000 000 de déplacements annuellement, emploie 400 personnes et est dotée d'une flotte de 200 autobus.

Si je peux me permettre de présenter M. Gratton un peu plus amplement. Aujourd'hui, on traitera de la facette uniquement du virage à droite sur les feux rouges. M. Gratton s'est beaucoup investi dans ce dossier-là, une expérience riche. Il a été président de l'Association canadienne du transport urbain; il a été président et président-directeur général de l'Association québécoise des transports et des routes du temps où il était au secteur privé; il a été président de l'Association des ingénieurs industriels du Québec. Il s'occupe beaucoup de sécurité en Outaouais; il a été notamment du programme Nez rouge en Outaouais.

Quant à moi, j'ai été récemment élu à la présidence de la Société de transport seulement depuis deux mois. Donc, je suis moins savant au sujet de ce dossier-là, mais je n'en suis pas moins un mercenaire du virage à droite sur les feux rouges. Je suis aussi conseiller municipal à Hull depuis 1982, où j'agis à titre de maire suppléant et de vice-président du comité exécutif. Alors, si vous me le permettez, je vais procéder à la lecture du mémoire.

Qu'est-ce qu'un virage à droite sur feu rouge? Dans son rapport de décembre 1987, la firme de consultants Deluc nous rappelle la définition du concept des virages à droite sur feu rouge: «Le virage à droite sur feu rouge est une pratique de gestion de la circulation ayant pour but de réduire les délais occasionnés aux automobilistes virant à droite à une intersection dotée de feux de circulation. Il est entendu qu'une telle manoeuvre ne peut être entreprise qu'après avoir effectué un arrêt complet et avoir cédé le passage aux piétons et véhicules.»

Cette définition résume bien les objectifs d'un virage à droite sur feu rouge et le comportement approprié qu'un chauffeur automobile doit adopter face à ce type de mouvement.

The National Committee on Uniform Traffic Laws and Ordinances introduit en 1975 la règle des virages à droite sur feu rouge. Cette règle dicte la conduite du chauffeur automobile comme étant: un arrêt complet, passage cédé aux autres véhicules et piétons, virage à droite.

Vous me permettrez un peu d'histoire. Le premier État américain à autoriser les virages à droite sur feu rouge fut la Californie, en 1937. Le virage à droite était alors permis seulement lorsque la signalisation le permettait. La réglementation changea par la suite permettant le virage à droite sur feu rouge partout, sauf avis contraire. En 1968, on retrouvait 20 États américains autorisant le virage à droite. Le manuel américain de signalisation reconnut en 1971 la pratique du virage à droite comme étant une mesure acceptable. En 1976, 43 États américains permettent le virage à droite sur feu rouge. Aujourd'hui, tous les États américains, à l'exception de la ville de New York, et les provinces canadiennes, à l'exception, comme vous le savez, de la province de Québec, autorisent les virages à droite au feu rouge.

(14 h 10)

En effet, le virage à droite sur feu rouge est permis partout en Amérique du Nord, sauf dans la ville de New York ainsi que dans la province de Québec, qui demeurent encore des exceptions. Un argument tel que le comportement latin des chauffeurs québécois a réussi naguère à vaincre le débat de législation du virage à droite sur feu rouge. Cependant, l'expérience des Québécois face au virage à droite au feu rouge est très bonne comparativement à ce qu'on laisse croire. Des exemples concrets nous en démontrent la pertinence: premièrement, la coexistence de villes frontalières avec les provinces du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario; et, deuxièmement, les déplacements des nombreux «snowbirds», ces Québécois en voyage en Floride.

Ces exemples indiquent bien que la population du Québec est composée de gens responsables qui peuvent effectuer ce type de mouvement avec prudence et vigilance. Le meilleur exemple est encore l'ensemble des déplacements dans la région de l'Outaouais, chez nous, et ontarien où l'interpénétration des automobilistes se fait au quotidien. En Outaouais, où la population est de 200 000 habitants, nous avons 50 000 personnes qui travaillent en Ontario et qui ont le bonheur de tourner sur le feu rouge et qui l'apprécient beaucoup.

Il n'y a pas que les automobilistes qui ont acquis cette expérience. Les chauffeurs d'autobus de la STO font preuve de leur compétence lorsqu'ils traversent la rive ontarienne vers Ottawa, puisqu'une grande majorité des lignes du réseau de transport en commun traversent la frontière québécoise-ontarienne.

Les appuis au niveau des municipalités ne manquent pas. Les villes de la Communauté urbaine de l'Outaouais ont d'ailleurs toutes adopté des résolutions en faveur du virage à droite sur feu rouge – vous les avez en annexe. Il en est de même pour les municipalités voisines de Cantley, Chelsea. Il en va de même des forces policières, Hull et ailleurs, et, comme vous le savez, la Fédération des policiers municipaux.

Depuis quelques années, le tourisme dans notre région augmente à grande allure. Un faible dollar canadien et de nouvelles attractions touristiques, tels le Casino de Hull, le Musée canadien des civilisations, le petit train de Wakefield et d'autres équipements font de la région une destination excitante. À cela s'ajoutent les visites de nos voisins ontariens au parc de la Gatineau, dans la région de la Petite Nation ou dans les centres du Mont-Sainte-Marie et du Mont-Tremblant.

Un manque d'uniformité au niveau du Code de la route fait en sorte que plusieurs touristes ne savent pas que le virage à droite est interdit au Québec. Ainsi, celui-ci peut effectuer un virage à droite sur feu rouge sans en connaître les conséquences. De fait, ces virages se font quotidiennement à Hull, ville où je suis élu – et je peux en être témoin quotidiennement – et, comme vous le savez, la ville limitrophe d'Ottawa.

Lorsque nous regardons la situation actuelle, nous pouvons constater qu'une uniformisation du Code de la route est l'argument le plus important, tel que préconisé dans le rapport préparé par la firme Deluc pour le Bureau des économies de l'énergie du ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec en 1987.

Alors, pourquoi le virage à droite sur feu rouge? D'abord, durant les années d'implantation du virage à droite sur feu rouge aux États-Unis, toutes sortes d'études, beaucoup d'études ont été produites sur ce sujet. Les organismes et universités tels que l'Institute of Transportation Engineers, le Transportation Research Board, la National Highway Traffic Safety Administration, l'American Society of Civil Engineers, la Federal Highway Administration ont porté essentiellement leurs études sur les faits suivants: la sécurité, les impacts qualitatifs et quantitatifs, les techniques et les technologies, les infractions et la surveillance policière.

Deuxièmement, l'étude effectuée par la firme Deluc pour le Bureau des économies d'énergie du ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec, en 1987, cite les nombreux avantages en regard du virage à droite, l'argument principal étant l'uniformité du réseau routier en Amérique du Nord. Il en découle également les faits suivants: un coût d'implantation minime, une réduction des retards aux intersections, des économies d'énergie, l'augmentation de la capacité des intersections et une réduction de la pollution. Ils auraient pu aussi parler des économies de temps.

Troisièmement, le coût d'implantation minime est un facteur important, car aujourd'hui les argents disponibles pour le réseau routier se font rares, comme vous en savez sûrement quelque chose. Or, on multiplie actuellement au Québec les investissements en construisant des bretelles à moult intersections, et ce, avec des risques accrus pour les piétons et les personnes handicapées. On peut facilement comprendre, quand une intersection est engorgée et qu'il y a plusieurs véhicules alignés à la ligne droite... À un moment donné, on se dit: Bien, il faut faire une bretelle. Et, quand on fait une bretelle, qu'est-ce que ça change – on se réfère aux piétons – les piétons, au lieu de devoir traverser une chaussée, doivent traverser une bretelle, se rendre à un îlot, traverser la chaussée principale puis peut-être traverser une autre bretelle l'autre bord de la rue. Alors, pour les personnes âgées ou les personnes handicapées, bien, ce n'est pas une sinécure.

Quatrièmement, une réduction des retards aux intersections permettra aux sociétés de transport collectif d'opérer de manière plus efficace. Et ça, peut-être que M. Gratton pourra vous en dire plus long, si vous le souhaitez, plus tard.

Cinquièmement, l'économie d'énergie par personne est minime, mais, en situation globale, ces économies deviennent significatives. Alors, on parle de millions de tonnes de litres d'essence. À un moment donné, il y a à peu près une dizaine d'années, une quinzaine d'années, on parlait, je pense, de 9 000 000 de tonnes. C'est sûrement très appréciable.

Sixièmement, une augmentation de la capacité des intersections permettrait l'économie d'argent, car on peut prolonger les dates de réaménagement desdites intersections.

Septièmement, la réduction de pollution est significative au moment où on examine les impacts des gaz à effet de serre non seulement sur le continent, mais à l'échelle mondiale. Nous sommes aujourd'hui à un moment où nous essayons de contrôler les polluants rejetés dans l'atmosphère, surtout après la position canadienne et québécoise concernant le protocole de Kyoto. Alors, évidemment, il y a des milliers de tonnes d'émanations de monoxyde de carbone et des centaines de tonnes d'hydrocarbures projetés dans l'atmosphère. Je suis sûr que le ministre, qui est l'ancien ministre de l'Environnement, et moi, qui suis un ancien président de commission de l'environnement, sommes très sensibles à ça.

Nos conclusions. Les avantages du virage à droite sur feu rouge sont nombreux et les impacts négatifs...

Excusez-moi, M. le Président, je croyais que mon cellulaire était fermé. Mille excuses. Il est supposé être fermé.

Le Président (M. Lachance): J'en profite pour passer le message à d'autres qui pourraient avoir le même problème.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bonhomme (Claude): Je croyais que je l'avais fermé tantôt, je l'ai probablement ouvert.

Alors, les avantages du virage à droite sur feu rouge sont nombreux et les impacts négatifs possibles sont facilement corrigeables. Les chauffeurs québécois ont acquis de la maturité et de l'expérience en regard du virage à droite au feu rouge dans les autres provinces et aux États-Unis.

Les appuis pour la tenue d'un projet-pilote en Outaouais sont existants et nombreux. La venue du protocole de Kyoto sur la diminution des émanations toxiques demande des interventions efficaces et peu coûteuses.

L'augmentation du tourisme dans la région de l'Outaouais québécois demande une uniformisation du Code de la route. L'uniformisation du Code est primordiale dans notre société qui ne cesse de se globaliser.

Donc, en réponse au livre vert: Oui, c'est plus avantageux d'adopter le virage à droite sur les feux rouges que de repousser cette décision.

Nos recommandations. Nous supportons la deuxième recommandation du livre vert, soit celle de permettre le virage à droite, en général, partout et de l'interdire localement, c'est-à-dire sur une base régionale, municipale ou par intersection, au moyen évidemment de panneaux de signalisation. Nous recommandons que la première étape d'implantation se fasse en Outaouais.

Nous proposons qu'un projet-pilote soit implanté dans notre région, ce qui permettra d'étudier les impacts de ce genre de mouvement aux intersections. À la suite du projet-pilote, la réglementation au niveau de la province devrait refléter celle des provinces et États avoisinants, soit de type «généralement permis», c'est-à-dire permis en tout temps, sauf indication contraire.

L'implantation du virage à droite sur feu rouge demandera une meilleure vigilance des chauffeurs automobiles. De plus, les cyclistes et les piétons de toute classe devront eux aussi faire preuve d'une vigilance accrue, car tous sont responsables de la sécurité sur nos routes. Des campagnes intensives d'information publique seront requises pour informer ces trois groupes de l'application du virage à droite sur feu rouge et de ses conséquences.

Alors, voilà, M. le Président. Vous avez en annexe les copies de support des différentes municipalités.

(14 h 20)

Chez nous, en Outaouais, le virage à droite au feu rouge, c'est comme une seconde nature. On a l'habitude de traverser en Ontario. À ma connaissance, je n'ai jamais vu de mouvement de protestation des automobilistes et pas plus des piétons. Alors, on est à votre entière disposition pour la suite de cette commission.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Bonhomme. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Merci, messieurs de l'Outaouais québécois. Tout d'abord, je ne suis pas surpris de votre mémoire, puisqu'on a eu la chance de même lire ceux que vous avez déjà présentés dans le passé, il y a quelques années à peine, sur le même sujet. Et, s'il y a des gens qu'il faut comprendre, c'est bien vous qui quotidiennement pouvez vivre une double situation. J'ai dit, et je ne me suis pas gêné de le dire: On parle d'harmonisation dans les poids-charges des camions lourds circulant sur les deux rives du canal Rideau, et je pense que c'est le contraire dans votre propre cas, c'est une question de sécurité, d'harmoniser les mesures.

Donc, moi, je vais laisser tous mes collègues questionner davantage, mais votre position m'apparaît tout à fait logique. D'ailleurs, je suis surpris que l'Union des municipalités, hier, n'ait pas mentionné que, dans votre cas, c'était très explicite et très clair. On donne plutôt l'impression que c'est unanime au niveau de l'Union, mais ce n'est pas ça. C'est loin d'être ça.

Il y a des villes, comme dans l'Abitibi, où il y a des expériences-pilotes de virage à droite présentement qui se font. Et collectivement je ferai connaître certains sondages prochainement qui démontrent que c'est de plus en plus accepté, que même les connaisseurs qu'on a réunis au forum, l'AQTR, nous disaient – et c'est hier matin, à l'ouverture – qu'il y a un fort pourcentage de ceux qui connaissent profondément cela – 81 %, je crois – qui favorisaient cela pour toutes sortes de raisons, y compris une cohérence au niveau du discours sur les gaz à effet de serre, comme vous le soulignez, au niveau également de la fluidité, de l'usure, des coûts astronomiques des attentes sur le plan énergétique, des 50 000 000 de litres dépensés inutilement, etc. C'est une question d'efficacité énergétique en plus.

Donc, on aura peut-être l'occasion rêvée. Moi, je suis assez près de votre argumentaire, pour ne pas dire que je l'épouse passablement, pour vous dire que je partage votre point de vue qui est bien étoffé. J'aurais pu vous poser quelques questions, vous en demander une, entre autres, où vous dites que c'est très répandu, il y a quelques éléments qui sont corrigeables. Si je vous disais: Donnez-moi-z-en donc quelques-uns au moins pour avoir l'assurance que je vous aurai posé une question. Donnez-moi donc quels sont les inconvénients que le virage à droite peut occasionner et qui peuvent être corrigeables assez facilement.

M. Bonhomme (Claude): Avant de vous dire ça, sur cette question, je vais passer la parole à M. Gratton qui est un expert en la matière. Mais, si je peux commenter, je suis heureux d'apprendre qu'il y a un sondage. Parce que je pense que ce qui inquiète surtout la commission et certaines personnes, ce sont moins les automobilistes que les piétons.

Alors, moi, j'allais vous dire: Écoutez, si vous voulez faire un sondage, bien la région de l'Outaouais, c'est la bonne place parce qu'il y a des gens qui ont demeuré en Ontario et au Québec et qui ont vécu la situation. Je pense que c'est à ces gens-là qu'on doit s'adresser parce que ces gens-là ont vécu les deux phénomènes. Évidemment, si on pose la question à quelqu'un qui n'a jamais vécu le phénomène, qui, je ne sais pas, demeure au Saguenay mais qui est peut-être allé dans certaines villes ou aux États-Unis à l'occasion, ce n'est pas comme quelqu'un qui l'a vécu tout le temps. Ça serait des témoins de premier ordre, ces gens-là. Ça vaut peut-être la peine de dépenser un 5 000 $, 10 000 $ pour vérifier ça, mais je suis convaincu de la conclusion. Mais vous me dites qu'il y a un sondage à 80 %. Ça ne m'étonne pas.

En ce qui regarde l'UMQ, M. le ministre, M. le Président, j'ai lu La Presse hier. J'ai été aussi un peu surpris de voir la position de l'UMQ, quoique je ne pense pas qu'elle soit... J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec Mario Laframboise; ce matin, je l'ai appelé. C'est une personne de l'Outaouais, quoiqu'il soit en zone rurale. À Notre-Dame-de-la-Paix, des virages à droite au feu rouge, il n'y en a pas beaucoup. Mais aussi M. Croteau, le maire d'Aylmer, qui siège au conseil d'administration. Ces gens-là évidemment nous ont supportés. Je suis un peu étonné. La seule raison que je puisse donner, c'est que ces villes-là ne vivent pas la situation comme, nous, on la vit, comme d'autres peuvent la vivre en bordure de la frontière avec le Nouveau-Brunswick. En ce qui concerne les choses à corriger, je cède la parole à mon savant directeur général.

M. Gratton (Georges O.): Merci, M. le Président. En fait, M. le ministre, les éléments corrigeables. Je pense que le virage à droite au feu rouge est un élément correcteur et on a trop souvent l'occasion d'entendre dénigrer cette mesure-là et je pense que c'est là, l'erreur.

Tant et aussi longtemps que le virage à droite au feu rouge est en place... ça implique que les ingénieurs de circulation dans les municipalités ont à trouver des solutions pour améliorer l'efficacité et la capacité des intersections, la sécurité des intersections. Ça fait que, comme ingénieurs, qu'est-ce qu'ils font? Bon. Il faut que l'intersection ait le plus de capacité, il faut changer les feux. Il faut segmenter la clientèle à gauche, en avant, à droite: Non, non, il faut aider les gens à tourner à droite. On va leur mettre une bretelle, on va mettre une voie de dérive. Non, on va mettre une bretelle. On se retrouve à deux bretelles, trois bretelles, quatre bretelles et avec des feux de circulation, des arbres de Noël aux intersections. Et puis là, bien, il faut ajouter des panneaux parce que ça ne fonctionne pas tellement bien. Et puis tous les investissements qu'on met pour homologuer ces intersections-là!

Ah oui! On a augmenté la fluidité parce que, quand on veut tourner à droite, il y a une bretelle puis on tourne à droite, mais il faut bien regarder dans l'angle mort – et je pense que les gens de la SAAQ savent ce que c'est, un angle mort – pour s'assurer qu'on ne frappera pas personne quand on va tourner à droite. Tourner d'une façon tangentielle, tout le monde le sait, c'est dangereux.

Donc, la moralité, c'est quoi? La moralité, c'est qu'on a inventé des façons de faire et que ces façons de faire là sont loin d'être plus sécuritaires pour les piétons, pour les handicapés, pour les cyclistes que ça. Quand vous prenez l'exemple d'un handicapé, vous le faites traverser d'une bretelle, vous l'amenez sur un îlot – il faut bien bâtir des bateaux – on l'amène sur l'îlot central, on l'amène de l'autre côté, qu'est-ce que c'est qu'on lui fait faire? On lui dit: Non, non, mon vieux, ne va pas traverser là.

La moralité, c'est qu'aujourd'hui dans la ville de Hull – et je l'apprenais cette semaine dans nos discussions – il y a plus de 30 % des intersections qui sont rendues des intersections à bretelles. Mais ils disent: Écoute, là, ça n'a plus de bon sens, il faut arrêter d'investir dans les intersections à bretelles. Il faut le corriger, le problème qui se développe avec ça. Il faut faire un pas en arrière, il faut revenir à des intersections régulières, des intersections cartésiennes où les gens vont se retrouver, simplifier la signalisation routière, simplifier les feux de circulation, etc.

Alors, je pense que le virage à droite au feu rouge est un avantage. En tout cas, il est certainement plus sécuritaire que le virage à droite au feu vert – c'est là où se déroulent les accidents – puis il n'y a personne qui va imaginer interdire le virage à droite au feu vert. Je pense que, en fait, au contraire, c'est une solution.

M. Chevrette: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Bordeleau: Je vous remercie, M. Bonhomme, M. Gratton, de la présentation de votre mémoire. De fait, vous faites ressortir aussi certains éléments qui ne sont pas ressortis à date, dont il est important que la commission prenne acte, et vous parlez de la question des bretelles. Effectivement, quand on regarde ça, c'est un peu aberrant et c'est probablement ce qu'il y a de plus dangereux. Pour justement permettre une certaine fluidité, une certaine facilité de tourner à droite, on a inventé la section des bretelles.

Il y a des coûts énormes à ça. Effectivement, on investit beaucoup dans le réaménagement des carrefours. On demande aux gens de traverser non plus une rue, mais deux, trois rues, avec des gens qui s'en viennent et qui savent qu'ils peuvent tourner sans arrêt parce que la bretelle est faite et qui s'enlignent là-dedans. Alors que le piéton, lui, qui est là, la personne âgée ou la personne handicapée, doit traverser sur l'îlot, comme vous le dites, traverser la rue, se retrouver sur l'autre îlot, traverser probablement l'autre bretelle qui est de l'autre côté. Alors, de fait, ça devient excessivement dangereux.

On a essayé d'améliorer, mais je pense qu'on a possiblement rendu ça plus dangereux que c'était à un carrefour régulier. On complique la compréhension de ces carrefours-là aussi pour les gens qui viennent de l'extérieur ou qui ne sont pas familiers avec un carrefour. Ça devient un peu du charabia qu'il faut comprendre avec toutes sortes d'indications pour essayer de saisir: On a-tu le droit? On n'a pas le droit? Est-ce qu'on doit arrêter quand même sur la bretelle parce que la lumière est rouge dans la voie où on était enligné? Est-ce que ça nous donne la permission de passer? Effectivement, je pense que le point que vous soulevez est important.

(14 h 30)

L'autre point sur lequel j'aimerais que vous reveniez, que vous avez mentionné rapidement – et on a eu l'occasion d'en discuter avant et je pense que c'est important aussi de peut-être le signaler de façon plus explicite – c'est quand on parle du danger du virage à droite sur feu rouge. Vous nous dites: C'est le virage à droite sur feu vert qui est le plus dangereux. Et je pense que vous avez raison. J'aimerais ça, peut-être, que vous décriviez un petit peu plus ce que vous avez en tête quand vous nous dites ça.

M. Gratton (Georges O.): Merci, monsieur. Effectivement, c'est une question intéressante. En lisant la littérature, on se rend compte d'une chose: il y a près de 8 % des accidents aux intersections qui se déroulent au virage à droite; il y a moins de 1 % des accidents aux intersections qui surviennent lors du virage à droite au feu rouge. En fait, lorsqu'on introduit le virage à droite au feu rouge, on augmente le nombre d'accidents parce que, bon, on n'a pas le droit de virer à droite au feu rouge, donc on ne fera pas d'accident. Mais, si maintenant on a le droit de tourner à droite au feu rouge, on va bien faire quelques accidents. Donc, là, on s'élève contre le fait qu'il va y avoir des accidents si on tourne à droite au feu rouge.

Mais, en fait, l'introduction du virage à droite au feu rouge a pour effet de changer toute la dynamique des mouvements d'intersection en privilégiant de vider l'intersection au préalable. Et la conséquence, les études américaines nous le démontrent, particulièrement au niveau de la STO, c'est de dire: Oui, il y a des augmentations d'accidents au virage à droite au feu rouge, mais elles sont compensées par une réduction de plus de 5 % des accidents aux mêmes intersections. C'est-à-dire que les quelques accidents qu'occasionne le virage à droite au feu rouge, cela occasionne l'élimination de 13 fois plus d'accidents aux mêmes intersections. Donc, le virage à droite au feu rouge, tout pénalisant qu'il puisse être, est très positif, puisqu'il permet de rendre l'intersection sécuritaire.

Je vais faire un parallèle. On a introduit, au Québec, le port de la ceinture de sécurité. Parfait, tout le monde est d'accord. Le port de la ceinture de sécurité, c'est obligatoire puis ça nous protège la vie. Tout le monde le sait, hein, puis je pense que les gens du ministère sont bien au courant, il y a des accidents qui surviennent avec le port de la ceinture de sécurité, qui ont pour effet d'occasionner le décès de celui qui la porte. Est-ce qu'on va oser éliminer le port de la ceinture de sécurité pour autant? Jamais de la vie, parce qu'on sait que, globalement, le résultat est énormément positif.

Un autre exemple qu'on a eu dans la littérature dernièrement, c'est la question des ballons gonflables. Oh! les ballons gonflables, quand ça gonfle, cette affaire-là, ça nous pète dans la face, on peut avoir des brisures de thorax, on peut avoir... C'est épouvantable, ce que ça fait, comme dommages. Mais qui aujourd'hui oserait enlever les ballons gonflables dans les automobiles? Au contraire, on les ajoute en arrière puis on met des ballons gonflables latéraux. Donc, il y a une contrepartie à ce qu'il y ait des ballons gonflables: il y en a quelques-uns qui vont être blessés puis qui vont peut-être avoir des grosses séquelles de ça, mais, pour tous ceux qu'on aura sauvés, la mesure est bonne. C'est la même chose, le virage à droite au feu rouge.

M. Bordeleau: Vous êtes un service de transport, au fond, essentiellement. C'est la STO qui présente le mémoire, appuyée par une grande quantité de municipalités, de villes. Et j'étais un petit peu surpris, au départ, de voir que le leadership de cette présentation-là, qui est un problème, disons, qu'on voit comme généralement municipal, était piloté par la Société de transport de l'Outaouais. Et, bon, j'aimerais ça peut-être que vous nous expliquiez rapidement pourquoi c'est vous autres. Mais j'aimerais aussi que vous nous expliquiez les avantages que vous voyez à permettre le virage à droite, pour la qualité du service d'autobus qui est fourni aux citoyens.

M. Gratton (Georges O.): Pourquoi c'est nous autres? Ça, c'est simple. La STO a été mandatée dans la région, avant même que j'arrive, à mettre sur pied, à faire une étude de plan intégré pour le transport des personnes et des marchandises. C'était un mandat qu'on a eu, qui a été fait, qui a donné des résultats et qui a été adopté en 1995. Ce plan intégré de transport des personnes et de marchandises est, en fait, une première au Québec, et il a été incorporé intégralement au schéma d'aménagement de notre région. Donc, dans notre région, on conçoit que la notion de transport fait partie des critères visant à améliorer le schéma d'aménagement, l'aménagement du territoire.

Mais non seulement ça, ce même plan intégré là, il fait partie intégrale du plan de transport du ministère des Transports du Québec, qui est le premier plan de transport au Québec puis qui est encore le seul plan de transport au Québec en opération. Alors, c'est nous autres qui avons fait ça. C'était notre mandat, on l'a fait, on l'a réussi, et, depuis le temps que ce plan-là existe, on l'applique.

Puis on a découvert des choses en l'appliquant. C'est que les quelques minutes qu'on va chercher à gauche puis à droite dans le réseau, par l'introduction de mesures privilégiées, par l'introduction d'un pont avec les voies réservées, par l'introduction de feux de circulation spéciaux, par l'introduction de stationnements incitatifs judicieusement placés, qu'est-ce qui arrive avec ça? Ces quelques minutes qu'on va chercher là, on est capable de les transformer en qualité de service, on les transforme en diminution de temps de parcours, on les transforme en amélioration de régularité.

Ce faisant, on est plus attrayant pour notre clientèle, on augmente la clientèle. En augmentant la clientèle, on diminue le nombre d'autos. En diminuant le nombre d'autos, on rencontre notre vocation qui est le principe de base du schéma d'aménagement: le développement durable. Donc, on ferme la boucle. Les quelques minutes qu'on va chercher dans une voie réservée, on les transforme en gestion de l'horaire, en gestion de l'assignation, en gestion de qualité de service.

Donc, les quelques petites minutes que je viens chercher dans le virage à droite au feu rouge, pour nous autres, c'est important, les quelques petites minutes qu'on va aller chercher sur une ligne d'autobus, parce qu'on a x feux, où on va aller chercher cinq, six, sept, 10 secondes par feu, bien, ça, on va transformer ça en temps horaire, on va le transformer en régularité, puis on va le réaliser.

Puis ceux qui doutent que c'est réalisable: depuis cinq ans, depuis qu'on applique ce plan intégré là, on a augmenté l'achalandage de la Société de transport de l'Outaouais de 23 %, le plus grand achalandage au Canada. Puis ça, ça n'a pas été inventé, ça a été fait avec des mesures. Puis ces mesures-là, elles viennent du plan intégré, elles viennent d'aller chercher des secondes, des minutes, pour s'en servir avec notre main-d'oeuvre, aller chercher des équipements appropriés puis transformer ça en gains.

M. Bordeleau: L'élément aussi que vous nous aviez mentionné, qui était intéressant, c'est qu'il faut être conscient que le fait qu'on permette le virage à droite fait en sorte souvent que l'autobus peut arriver beaucoup plus rapidement au coin de la rue pour donner le service au citoyen qui attend. Alors que, s'il y a trois, quatre voitures qui attendent puis qui veulent tourner, qui se sont mises dans cette voie-là pour tourner à droite mais qui n'ont pas le droit de le faire, donc qui attendent là que la lumière change, à ce moment-là l'autobus est cinq véhicules plus loin, donc pas capable d'ouvrir sa porte pour laisser entrer et débarquer les gens, il y a une attente qui se fait. Alors que ces gens-là vont libérer plus rapidement et ensuite vous permettre d'arriver plus vite au citoyen qui attend pour prendre l'autobus.

M. Gratton (Georges O.): Vous touchez du doigt. C'est ça, la notion de gain de temps, puis cette notion-là se transforme en régularité. C'est comme la saucisse: plus de gens en mangent, plus elle est fraîche; plus elle est fraîche, plus on en mange.

M. Bordeleau: Il y a un autre point que j'aimerais...

Une voix: C'est de la Taillefer?

M. Gratton (Georges O.): Non, c'est chez Fédéral, à Magog.

Une voix: ...

M. Gratton (Georges O.): À l'époque.

M. Bordeleau: Il y a un point sur lequel j'aimerais revenir, parce que souvent ça nous est mentionné. Il y avait deux points sur les gens qui ont des résistances. C'est la sécurité des piétons – on parlait des personnes âgées, des personnes handicapées – vous y avez fait référence. L'autre argument qui nous vient, comme ça, en résistance aux virages à droite, c'est: Ah! les gens ne respectent pas les lois, ils ne sont pas assez... on a même utilisé le mot «éduqués», là, au respect des lois, donc ça va devenir dangereux.

Alors, vous vivez dans une région où vous côtoyez les deux systèmes. Est-ce que les Québécois – vous faites référence au caractère latin – sont moins respectueux des lois que les Ontariens?

M. Gratton (Georges O.): Non.

M. Bordeleau: Est-ce qu'il faut empêcher ces changements-là parce que ça deviendrait énormément dangereux à cause de la mentalité ou du comportement des citoyens?

M. Bonhomme (Claude): Je ne sais pas d'où ça vient, cette affirmation-là, mais c'est de la foutaise, finalement. Les gens qui déménagent d'un côté et de l'autre de la rivière, ce sont les mêmes personnes respectueuses qui demeurent en Ontario ou qui demeurent au Québec, ce sont les mêmes personnes respectueuses des lois et des règlements.

M. Bordeleau: Ça faisait partie des...

M. Chevrette: ...

M. Bonhomme (Claude): Pardon?

M. Bordeleau: Ça faisait partie des arguments de l'UMQ, hier, entre autres.

M. Bonhomme (Claude): Bien, si je peux me permettre. Moi, si j'avais à faire... Je disais ça à la blague. On me posait la question dans des interviews médiatisées, dernièrement, et je disais que, si j'avais à faire un mémoire assez court, je paraphraserais le ministre des Transports: On est-u plus fou ou plus bête qu'ailleurs? Je ne me souviens pas exactement du terme que vous avez employé, mais ça se résumerait à ça.

(14 h 40)

Pour toutes ces mesures-là, l'achalandage a augmenté de 23 % depuis 1995, puis, en 1998, on a été proclamé la société de transport de l'année au Canada par là-dessus, et, tout récemment, on se voyait décerner le Prix orange par Transport 2000. Alors, on a le souci de toutes ces mesures-là, de les capitaliser, d'optimiser les ressources, c'est ce qui fait notre succès.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Au niveau du coût d'implantation, hier on a eu l'AQTR qui est venue nous faire une présentation. Puis elle nous disait que, parmi les 19 % des gens qui étaient contre, l'argumentation qui revenait souvent, c'était le coût d'implantation. Vous venez de nous démontrer, en quelque sorte, qu'il y a un coût à ne pas avoir le virage à droite, par l'ajout de bretelles, par l'ajout d'arbres de Noël, que vous appelez. Est-ce qu'en bout de ligne on peut penser que le coût d'implantation, s'il y en a un, sera compensé ou même peut-être que la résultante en bout de ligne peut être positive?

M. Gratton (Georges O.): C'est sûr. C'est sûr, sûr, sûr. Prenez une intersection la plus simple dans votre municipalité, où il y a un feu rouge, orange puis vert sans flèche, prenez cette intersection-là, puis demain matin vous dites à vos gens: Vous avez le droit de tourner à droite quand le feu est rouge, puis vous l'écrivez à la porte de votre municipalité, les gens vont arriver à cette intersection-là, ils vont regarder le même feu qu'aujourd'hui, puis ils vont dire: Ah! il est rouge, je peux tourner à droite. J'ai fait mon arrêt. Il n'y a personne qui est là, je tourne à droite. Le coût de l'implantation est nul.

Le coût d'implantation, ça va être le coût que le ministère des Transports ou la Société de l'assurance automobile va mettre comme campagne publicitaire, comme programmes de formation pour s'assurer que cette population-là, nos conducteurs, les piétons, les personnes handicapées, soit vraiment consciente de l'impact du virage à droite au feu rouge. Puis là-dessus on n'a pas de leçon à prendre de personne. Le port de la ceinture de sécurité, avec toutes ces campagnes, a été un succès. La question de l'alcool au volant, avec toutes les campagnes de sécurité, ça a été un succès. Je pense qu'on peut en faire, des campagnes de sécurité, des campagnes de publicité qui auront autant de résultats. Donc, ça ne coûtera pas un sou.

Deuxièmement, la récupération de toutes ces intersections-là où on a fait des îlots surdimensionnés va nous permettre de les vendre, c'est du terrain de première qualité. Puis, troisièmement, bien, on va arrêter probablement de mettre des feux de circulation avec la multiplication de flèches pour essayer de segmenter toute la clientèle. Je pense qu'à un moment donné il y a des abus de ce côté-là. Donc, ce n'est pas... Demain matin, là, vous voulez implanter, le coût de l'implantation, ça va être le coût de la décision: Comment allons-nous mettre ce produit-là en marché?

M. Whissell: Mais il y a quand même des intersections qui vont être problématiques, où on devra faire peut-être règle d'exception. Pensez-vous?

M. Gratton (Georges O.): Oui, oui. J'en connais une. On la voit régulièrement, on la fréquente régulièrement. C'est celle au coin de MacKenzie et Wellington. C'est une intersection irrégulière, avec énormément de piétons, un haut taux de circulation, et puis, en plein milieu de l'intersection, il y a un beau panneau, une flèche comme ça, rouge, puis il y a une barre dessus. Et puis ne vous avisez pas de tourner à droite au feu rouge, ça ne tourne pas à droite au feu rouge parce qu'on l'a indiqué. En fait, c'est une question, à mon avis, d'application de la réglementation.

Ce matin, je ne pouvais pas m'empêcher d'écouter M. Prud'Homme, puis, à un moment donné, on parlait de vitesse. L'automne passé, quand il y a eu l'espèce de «grévette» des policiers, j'ai eu à faire un voyage Hull–Montréal par la 417. Je fais ça d'habitude à 110 km/h, 112 km/h sur le régulateur de vitesse. Je l'ai fait à 102 km/h, 103 km/h sur le régulateur de vitesse, il n'y a pas un autobus qui m'a dépassé, il n'y a pas un char qui m'a dépassé, il n'y a pas un camion qui m'a dépassé.

Je pense que, quand on sait que la réglementation s'applique, qu'elle va être appliquée, les gens la respectent. Puis c'est ce qu'on voit quand on traverse de l'autre bord de la rivière. Cet exemple-là de MacKenzie et Wellington, je pense, témoigne bien. Allez-y, vous allez voir qu'il n'y a personne qui va oser tourner à droite sur le feu rouge. Le panneau, il est simple, il est là. Puis c'est une situation irrégulière.

M. Whissell: Il y a des groupes qui ont dit que ce serait peut-être important ou opportun de renforcer les sanctions au niveau de l'arrêt parce que, dans le fond, c'est un arrêt qu'on va faire au feu rouge, puis après ça on tourne à droite. Qu'est-ce que vous pensez de cette mesure que certains ont proposée?

M. Gratton (Georges O.): Ah! j'ai beaucoup de réflexions. Elles sont personnelles. Peut-être que M. Bonhomme, qui est au niveau municipal, aurait d'autres réflexions plus judicieuses.

M. Bonhomme (Claude): Non. Bien, allez-y, lâchez-vous.

M. Gratton (Georges O.): Bien, moi, je pense, écoutez, il n'y a pas de problème là. Qu'on mette la réglementation ou qu'on prenne les mesures nécessaires, je pense que, tant et aussi longtemps qu'on laisse les règlements puis les lois non respectés, on laisse tout simplement place à la négligence.

M. Whissell: Au niveau de votre Société, vous dites que ça va vous permettre d'opérer de façon plus efficace. Je pense que personne n'en doute. Au niveau des autobus, là, présentement vous avez combien d'autobus et vous pensez pouvoir récupérer, en termes d'autobus, combien?

M. Gratton (Georges O.): Écoutez, une minute, 60 autobus, c'est 100 000 $. Vous allez chercher 300 000 $, 350 000 $. Vous allez chercher les coûts d'infrastructures en relation avec ça, vous transformez ça en gain d'achalandage, ça va faire 500 000 $, 600 000 $. On va être capable d'aller récupérer l'équivalent en capacité de cinq, six autobus pointe sur un parc de 186 autobus, c'est le fun en ti-père. Avec ça, on est capable de bâtir de nouvelles lignes, de nouveaux réseaux, de nouveaux kilométrages, de nouveaux achalandages, puis ça n'a pas coûté une cenne.

M. Whissell: Au niveau de la capacité des intersections, vous dites: Augmentation de la capacité. Avez-vous des données que vous pouvez nous fournir?

M. Gratton (Georges O.): Non.

M. Whissell: C'est tout.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, tout ce qu'on peut dire, messieurs, c'est que vous nous avez fait part d'une plaidoirie très convaincante. Merci pour votre participation aux travaux de cette commission.

M. Chevrette: Je peux vous dire que je vais me servir de votre plaidoirie pour bien expliquer toute la cohérence du discours complet, exemple: les écolos et les gaz à effet de serre, les champions de l'économie d'énergie et la transposition en qualité de service.

Le Président (M. Lachance): Merci. J'invite les représentants de la Corporation des propriétaires de bars, brasseries, tavernes et restaurants du Québec à bien vouloir prendre place à la table.

Alors, nous allons suspendre quelques instants, en attendant que nos invités puissent se produire.

(Suspension de la séance à 14 h 48)

(Reprise à 14 h 51)

Le Président (M. Lachance): La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Nous allons maintenant entendre des représentants de la Corporation des propriétaires de bars, brasseries, tavernes et restaurants du Québec. Alors, je vous invite à vous identifier, que le porte-parole s'identifie avec les personnes qui l'accompagnent.


Corporation des propriétaires de bars, brasseries, tavernes et restaurants du Québec

M. St-Vincent (Nicolas): Bonjour, M. le Président. Nicolas St-Vincent, avocat. C'est moi qui vais présenter le mémoire. Je suis accompagné de M. Renaud Poulin, président de la Corporation des propriétaires de bars, à ma droite, et de M. Guy Lacasse, également de la même Corporation, qui est directeur pour l'Est du Québec.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, messieurs. Je vous rappelle que vous avez une période maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires et, par la suite, des échanges avec les parlementaires de chaque côté. Vous avez la parole.

M. St-Vincent (Nicolas): Merci, M. le Président. L'industrie des bars, au Québec, c'est plus de 8 000 établissements licenciés qui se partagent 13 000 permis d'alcool. C'est une industrie qui génère en moyenne 80 000 emplois par année et qui génère des revenus de plusieurs centaines de millions.

Quand on regarde ça, exactement, qu'est-ce que c'est, un bar, pour le gouvernement, c'est la TPS, la TVQ, des impôts, des redevances sur les appareils de loterie, de vidéopoker, et des achats à la SAQ. Dans cet esprit-là, les bars, les tavernes et les restaurants, tous les établissements licenciés du Québec sont les partenaires du gouvernement. Et c'est dans cet esprit de partenariat là que nous sommes ici, aujourd'hui, pour vous apporter nos commentaires sur le livre vert.

Le livre vert a été étudié avec minutie par M. Poulin, moi-même et M. Lacasse, et nous sommes d'accord avec la mission du gouvernement qui est de diminuer les accidents impliquant l'alcool au Québec. C'est certain que même un décès de trop causé par l'alcool, c'est un décès qu'on ne veut pas, mais il faut bien examiner les sanctions et les impacts des mesures qu'on va proposer dans un livre vert, dans un projet de loi comme celui qui pourrait venir. Notamment, il y a une mesure qui a été proposée par le gouvernement dans le livre vert, c'est l'abaissement de la limite d'alcoolémie de 0,08 à 0,04. C'est certain que c'est un point sur lequel la Corporation est sensible et même chatouilleuse et sur lequel on a des observations qui sont appuyées de statistiques, comme vous aurez pu le constater du mémoire.

Il faut bien garder à l'esprit que ce n'est pas l'alcool au volant qui est un problème, parce que tous les pays tolèrent une consommation d'alcool raisonnable et la conduite automobile, mais c'est bien l'abus d'alcool qui est un problème. Et c'est sur cet abus-là qu'on doit se pencher et sur lequel on doit élaborer une stratégie et un projet de loi. Est-ce qu'on a besoin au Québec, actuellement, de modifications à la loi? Est-ce qu'on a besoin de sanctions plus sévères, surtout suite aux récents amendements du Code criminel qui ont eu lieu l'été passé?

Quand on regarde les statistiques – et je vous invite à consulter la page 6 du mémoire, si vous voulez suivre exactement – je vous ai reproduit un graphique tiré de Statistique Canada qui démontre que, depuis les 20 dernières années, il y a une chute marquée du taux de conduite avec facultés affaiblies. On a réduit de plus de 50 % le taux de conduite. C'est donc un signe que les Québécois et Québécoises ont répondu de façon intelligente, de façon responsable aux campagnes de sensibilisation et aux dangers de la conduite avec facultés affaiblies.

De la sensibilisation, il y en a eu beaucoup, il y en a encore, et il y a encore un travail à ce niveau-là à faire. Il faut se rendre compte que depuis les dernières années – et c'est ce qu'on peut constater à la lecture du livre vert – il y a un essoufflement des campagnes de sensibilisation, il y a moins d'impact, et c'est peut-être parce qu'on ne cible plus les bons groupes à problèmes. On se rend compte, en regardant les statistiques, qu'il y a des individus qui sont responsables ou des groupes d'individus qui sont responsables de la conduite avec les facultés affaiblies.

On s'est inspiré d'une commission américaine qui s'appelle la NCADD, qui est la National Commission Against Drunk Driving. C'est une commission qui a été mise sur pied sous la présidence de M. Ronald Reagan. Et cette commission-là, qui travaille depuis plusieurs années sur le problème de l'alcool au volant, a dénoté trois groupes de conducteurs à problèmes. Premièrement, vous avez les 21-34 ans qui est un groupe d'âge qui est trop souvent impliqué dans des accidents mortels ou des accidents causant des lésions corporelles graves. Ces gens-là sont impliqués et sont représentés plus que tous les individus des autres groupes d'âge dans les accidents impliquant l'alcool.

À la page 9 du mémoire, je vous ai reproduit un tableau qui est tiré de Statistique Canada qui fait état du taux de conduite avec facultés affaiblies selon le groupe d'âge. Et on remarque bien qu'entre les groupes d'âge de 19 à 34 ans il y a trop de représentation des individus de ce groupe d'âge là, et notamment les individus entre 19 et 24 ans, où là il y a un sommet, ce qu'on appelle en anglais un «peak». Et il faut clairement établir une législation qui va toucher directement surtout les 19-24 ans. Et ce que la Corporation suggère à cet effet-là, c'est de renforcir les sanctions et surtout de renforcir les mesures pour les nouveaux conducteurs.

Ce qu'on suggère pour vraiment adapter la législation à ce groupe d'âge là, c'est que, pour les conducteurs qui ont en bas de 25 ans, bien, ces nouveaux conducteurs là aient la tolérance zéro pendant les cinq premières années où ils sont détenteurs d'un permis de conduire. De cette façon-là, on a un objectif qui est double. De cette façon-là, on s'assure qu'on va diminuer le taux d'accidents impliquant l'alcool pour les 19-24 ans et, deuxièmement, on va créer des bonnes habitudes de consommation pour ces jeunes-là. S'ils ont eu l'interdiction de boire et de conduire pendant les cinq premières années, il est raisonnable de croire que c'est des bonnes habitudes qui vont se conserver, qui vont se perpétuer avec l'avenir.

Le deuxième grand groupe de conducteurs à problèmes, ce sont les conducteurs qui ont un problème chronique d'alcool. Et ça, c'est des gens que jamais on ne pourra aller rejoindre avec les campagnes de sensibilisation traditionnelles, parce qu'ils ont un problème d'alcool et qu'ils conduisent peu importe leur taux d'alcoolémie et peu importe leur état d'ébriété. J'ai lu dans une étude qui a été effectuée à Charlotteville, aux États-Unis, que, même si, les soirs de fin de semaine, il y a seulement 1 % des conducteurs qui appartiennent à cette catégorie-là, ces gens-là sont impliqués dans plus de 50 % des accidents causant la mort.

C'est donc des gens qu'on n'atteint plus par les campagnes traditionnelles et qu'il faut sortir de la route, parce que souvent, même si on les prend une fois, c'est des récidivistes. C'est des gens qui, peu importent les sanctions, dès qu'ils vont ravoir leur permis, vont continuer à avoir ce comportement-là qui est dangereux pour la société.

La troisième catégorie, qui est moins importante que les deux précédentes, c'est les buveurs en bas âge, ce qu'on appelle en anglais les «inexperienced drivers» et les «inexperienced drinkers». Ces gens-là sont surtout victimes de leur jeunesse, ont de la misère à jauger leur taux d'alcoolémie et prennent des risques inutiles.

(15 heures)

À cette étape-ci, on a cerné les trois grands groupes sur lesquels on doit mettre l'emphase. Et, si on regarde les objectifs et les propositions faites dans le livre vert, on constate que ce n'est pas des objectifs qui vont nécessairement atteindre ces groupes d'âge ciblés là et ces catégories de personnes là. Exemple: descendre la limite de 0,08 à 0,04, ça va affecter 100 % de la population, tout le monde va être touché par cette mesure-là. Et ce qu'il est important de retenir, c'est que, pour la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec et pour l'ensemble de l'industrie, ça peut être très grave. Parce que 0,04, ça veut dire que je m'en vais au restaurant avec ma copine, on se commande un demi-litre et c'est certain qu'en sortant du restaurant, si on reste là moins d'une heure, les deux, on est au-dessus de 0,04 et on dépasse la limite.

Donc, la question que je vous pose ou qu'on se pose, nous, c'est: Est-ce que le fait de réduire de 0,08 à 0,04, ça va faire descendre de moitié le chiffre d'affaires des bars au Québec? On ne pense pas qu'à 0,04 on ait nécessairement un citoyen qui soit déraisonnable ou qu'il faille sanctionner. Puis c'est surtout une mesure qui est d'application trop générale pour les conducteurs à problèmes qu'on a ici.

Je vous ai sorti, à la page 10 de mon mémoire, des statistiques qui démontrent clairement qu'entre 0,01 et 0,079 vous avez seulement 8 % des gens qui sont impliqués dans des accidents avec de l'alcool dans le sang. Donc, est-ce que, pour 8 %, on va mettre sur pied une mesure législative qui va pénaliser l'ensemble de la population? Nous vous soumettons que non, que ce n'est pas la bonne solution. Puis, même si on regarde dans les pays comme la France, où il y a 0,05, ou la Suède, où la limite est de 0,02, bien ça n'empêche pas, dans ces pays-là, que le taux d'alcool moyen des conducteurs impliqués dans des accidents varie entre 0,14 et 0,16.

Donc, on se rend compte que le seul fait d'abaisser la limite, ça n'aura pas d'impact direct. Il faut accroître les mesures d'application législatives, il faut accroître les barrages routiers. Dans les barrages routiers on intercepte, entre 23 h 30 et 3 heures du matin, plus de conducteurs qui ont les facultés affaiblies, puis on se rend compte que 35 % des gens interceptés dans des barrages ont entre 19 et 25 ans. Donc, le barrage permet aux policiers d'intercepter plus de gens. Les conducteurs qui ont un problème d'alcool chronique sentent l'alcool, sont plus faciles à détecter. Donc, le barrage permet d'attraper cette catégorie-là. Et le barrage routier permet d'intervenir auprès de plus de jeunes et de faire de la sensibilisation directe.

Il y a des points évidemment sur lesquels on est tout à fait d'accord avec les propositions du gouvernement dans le livre vert, notamment pour les conducteurs professionnels. Les gens qui conduisent des taxis, des autobus, des trains, toutes sortes de véhicules routiers, ont la vie de leurs usagers entre leurs mains, et nous sommes tout à fait d'accord pour qu'une tolérance zéro soit appliquée à ces gens-là dans le cadre de leur fonction. Ça, il n'y a aucun problème là-dessus.

On est également d'accord pour augmenter la période de suspension administrative qui est actuellement de 15 jours pour une première infraction et de la mettre à trois mois. Et il faut bien se rappeler que ce qui nous porte à encenser le ministère et le gouvernement dans ce sens-là, c'est quand on regarde les statistiques judiciaires: plus de 80 % des accusations criminelles de conduite avec facultés affaiblies aboutissent sur un plaidoyer de culpabilité ou un jugement. Donc, il n'y a pas de crainte d'atteinte à la liberté ou aux droits des citoyens à mettre trois mois de suspension administrative. D'ailleurs, l'Ontario a eu une confirmation par ses tribunaux récemment sur le fait que c'est tout à fait légal. Donc, oui pour l'augmentation de la période suspensive.

Évidemment, on tombe sur la troisième option du gouvernement, qui était d'abaisser le taux de 0,08 à 0,04. On vous l'a dit, on vous le réaffirme, nous sommes tout à fait contre cette proposition parce que le seul fait de renforcer la loi n'est pas une solution en tant que telle. C'est l'application de la loi qui va donner des résultats efficaces. On vous soumet respectueusement que 10 des 12 autres provinces et territoires ont des législations administratives qui prévoient des suspensions de 24 heures à 48 heures pour des taux entre 0,04 et 0,08.

Malgré que les autres provinces ont ce système-là et que le Québec ne l'a pas, on constate – des statistiques canadiennes – que les Québécois et les Québécoises ont un taux de conduite avec facultés affaiblies plus faible. Je vous invite à consulter, si vous le voulez, la page 18 de notre mémoire qui démontre que le Québec a une meilleure moyenne que l'ensemble des provinces et territoires canadiens même si on n'a pas cette mesure administrative de sanction entre 0,04 et 0,08.

La dernière option qui est proposée par le gouvernement dans le livre vert, c'est de permettre aux policiers, lors de barrages routiers, d'exiger des échantillons d'haleine sans motif raisonnable. Le premier critère...

M. Chevrette: ...0,08 s'ils reniflaient tout ce qu'ils sentent.

M. St-Vincent (Nicolas): Je ne vous ai pas entendu, M. Chevrette.

M. Chevrette: Je vous le dirai tantôt.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. St-Vincent (Nicolas): O.K. C'est parce que je ne vous ai pas entendu comme il faut.

La Présidente (Mme Barbeau): ...souvent, mais continuez. Il va vous parler après.

M. St-Vincent (Nicolas): Ça marche, ça me fera plaisir. On est contre le fait que les policiers soient autorisés à faire ce genre d'intervention là sans motif raisonnable. O.K.? C'est la Charte canadienne des droits et libertés, c'est le Code criminel qui a prévu ce genre de mesure. Et on vous soumet que, juste pour la raison juridique qui est en place présentement, on est contre ce genre d'intrusion là parce que ça pourrait mener à d'autres genres d'abus. Je ne veux pas m'avancer sur ce sujet-là plus qu'il ne le faut, je veux juste vous dire qu'on ne pense pas que les policiers aient besoin nécessairement ou aient à avoir ce droit-là d'intervenir et d'exiger de tout le monde intercepté un échantillon d'haleine.

Finalement, les solutions que nous proposons sont simples et sont résumées à partir de la page 21 de notre mémoire. On demande au gouvernement de laisser la limite de l'alcoolémie à 0,08. Je pense que, pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises, c'est une mesure qui est amplement coercitive et c'est une mesure qui est bien ancrée dans les moeurs. Pour cette raison-là, il n'y a pas de raison de le descendre à 0,04 parce que, en plus, il y a juste 8 % des accidents qui sont causés entre 0,04 et 0,08. Il n'est pas là, le bobo.

La Corporation propose des conditions plus sévères pour les jeunes conducteurs de moins de 25 ans – ce dont je vous parlais tantôt: un cinq ans de tolérance zéro, où on atteindrait notre objectif double qui est de faire baisser ce sommet-là pour ces jeunes conducteurs et d'inculquer des bonnes habitudes de consommation.

Nous pensons également qu'on devrait peut-être réfléchir à instaurer un système de gradation pour les conducteurs interceptés avec un taux d'alcool déraisonnable. On ne voit pas pourquoi quelqu'un qui est intercepté à 0,09 aurait les mêmes sanctions que quelqu'un qui est intercepté à 0,16, 0,19 ou 0,20. Donc, peut-être penser à instaurer un système de sanction gradué au-dessus de 0,15, parce que, quand on intercepte quelqu'un à 0,15, on ne peut pas lui donner le bénéfice du doute comme quelqu'un qui est à 0,081 ou 0,085. Il faut absolument prendre cette personne-là et lui faire suivre un cheminement particulier.

On est d'accord avec l'allongement à trois mois de la période de suspension administrative, la tolérance zéro pour les conducteurs professionnels, et on veut sensibiliser le gouvernement sur la qualité et l'importance des interventions planifiées des barrages routiers. C'est vraiment l'élément qui va avoir le plus d'impact, beaucoup plus qu'un changement administratif ou qu'un changement législatif. Les policiers sur le terrain vont être capables de faire, un, de la sensibilisation, deux, de rejoindre les groupes cibles, et c'est ça qu'on veut.

Écoutez. C'est ce que j'avais comme essentiel à vous présenter. M. Lacasse a peut-être un petit dernier point sur la sensibilisation dont il voudrait traiter avec vous.

La Présidente (Mme Barbeau): M. Lacasse.

M. Lacasse (Guy): O.K. Moi, c'est au niveau économique que j'aimerais parler pour les membres de la Corporation. C'est qu'il y a présentement 13 000 permis d'alcool au Québec. Si jamais le gouvernement baisse la limite permise de 0,08 à 0,04, on s'attend à des diminutions du chiffre d'affaires entre 30 % et 50 % dans ces permis-là. Cela va être dû au fait qu'il va y avoir une diminution de l'achalandage, premièrement. Il va y avoir, deuxièmement, une diminution du taux de consommation par client. Ça va amener aussi une diminution des clients potentiels parce qu'un bar vide, des commerces qui sont peu remplis, ça n'attire pas.

C'est sûr que, quand on parle des pourcentages, 30 % à 50 %, ce ne sont que des chiffres, sauf que, lorsqu'on regarde le nombre de personnes qui travaillent dans cette industrie-là, ça va entraîner des dizaines de milliers d'emplois... autrement dit, des dizaines de milliers de chômeurs. Lorsque je regarde plusieurs gouvernements – pas juste le gouvernement du Québec, il y a bien des gouvernements qui vont gaspiller – qui sont prêts à investir des centaines de millions de dollars pour empêcher des grosses multinationales de s'en aller puis sauver 2 000 à 3 000 emplois, je demanderais au gouvernement de bien réfléchir avant de décider de passer de 0,08 à 0,04 parce que l'impact au niveau économique, ça va amener des dizaines de milliers de chômeurs au Québec.

(15 h 10)

Je dirais aussi qu'un des points peut-être qu'on pourrait regarder puis auquel on n'a jamais pensé, ça serait que le gouvernement envisage d'investir de l'argent dans une campagne de sensibilisation au niveau de notre industrie, soit au niveau de la clientèle, des employés puis des employeurs, pour mettre sur pied des services de raccompagnement. Il y a déjà plusieurs propriétaires de bar ou organisations qui font le service de raccompagnement, sauf qu'on pourrait mettre l'emphase là-dessus aussi.

Puis, dernier rappel: le niveau économique. C'est le plus important. Puis l'autre point, comme l'a dit mon confrère, c'est que de passer de 0,08 à 0,04, on ne croit pas que ça va toucher la clientèle visée qui fait vraiment les accidents. Puis je ne sais pas si c'est dans l'optique du gouvernement de vouloir changer le style de vie des Québécois, parce que, en passant à 0,04, ce que ça veut dire, c'est que, les gens qui vont aller au restaurant – M. Chevrette l'a mentionné – si tu prends un verre de vin au restaurant, bien, c'est fini, sur l'heure du dîner, oublie ça, tu ne rentres pas travailler, tu calles un taxi. Je veux dire, l'industrie des restaurants, de l'hôtellerie, des bars au Québec va être bouleversée par cette... C'est vraiment important, je vous demanderais de réfléchir à ça.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux échanges avec les membres de la commission. Alors, M. le ministre.

M. Chevrette: Je vous remercie. Je voudrais tout d'abord vous expliquer que le livre vert, ce n'est pas un livre blanc, donc ce n'est pas nécessairement des volontés arrêtées; c'est des propositions de scénarios. C'est peut-être aucun de ceux-là qui peuvent être retenus, ça peut être un mélange de deux scénarios. C'est peu connu, le jargon politique, mais un livre vert, au sens légal du terme, dans notre jargon politique, c'est un énoncé d'un ensemble de scénarios dont un peut être retenu, mais ça peut être aussi un compromis entre deux, aucun problème là-dessus. Donc, je voulais en profiter pour le dire parce que des gens pensent que c'est des volontés arrêtées sur chaque sujet.

On voit déjà, depuis le début de la commission, qu'il se dégage certains courants. Par exemple, sur les conducteurs professionnels, presque tous les groupes, en tout cas qui en parlent, puis j'ai vu les résumés, à date, c'est à peu près tout dans le sens que vous dites, sauf les conducteurs professionnels. Puis je suis sûr que les événements des deux dernières années jouent beaucoup. Parce que, quand on regarde, qu'on fait le moindrement d'information, de sondages, on se rend compte que, sur cet item-là, c'est le consensus très, très large, très généralisé. Donc, tant mieux s'il se dégage le plus de consensus. Quand on voit qu'il y a des consensus, c'est beaucoup plus facile pour nous autres de légiférer, à la suite de consensus, que si c'est 50-50, c'est évident.

D'autre part, sur l'alcool, au départ, ce n'était même pas un chapitre qui devait faire partie du livre vert. On s'en rappellera, on parlait de quatre points puis on a ajouté l'alcool, plus particulièrement à cause des indemnités que l'on payait à des individus qui avaient été reconnus coupables d'actes criminels parce qu'ils avaient tué quelqu'un. Imaginez-vous tout le processus de reconnaissance d'un acte criminel, si tu vas en appel, si tu vas à la Cour suprême. Ça va être un pouvoir rétroactif, parce qu'on opère, on transige dans un système de droit, puis on est présumé innocent jusqu'à la reconnaissance même de l'acte.

Donc, c'est tout un problème. Mais on a tout accepté ça, puis on vit dans une société de droit, puis c'est notre régime de droit qui est de même, puis je ne pense pas que quelqu'un veut remettre en cause ce système de droit là. D'où la recherche de formules assez originales. Parce que, si on ne trouve pas des formules originales, on peut se ramasser...

Moi, comme ministre des Transports, ma plus grande peur, savez-vous c'est quoi? C'est de me retrouver avec 500 000 conducteurs sans permis. Ce n'est pas mieux. On va arrêter les individus... On peut être sévère, mais, quand on dépasse une borne limite, rappelez-vous, on verse dans l'excès contraire.

Prenez les taxes sur les cigarettes, il y a quelques années. Elles étaient fortes, elles étaient fortes, ça a engendré un marché noir. Plus de contrôle. Ce n'est pas plus brillant. Il faut faire bien attention, à un moment donné, à un juste milieu à atteindre, parce que c'est extrêmement dangereux. Et c'étaient des millions et des centaines de millions de piastres qui échappaient au fisc, à part de ça, à l'époque. Puis c'est devenu un marché clandestin dans l'alcool, les parfums.

C'étaient des réalités, ça. Les gouvernements ont dû changer le champ de taxation en plein cours de l'année budgétaire. Puis c'était un marché noir, je m'excuse, mais c'était un marché noir, c'était clair, ça. Puis tout le monde disait: Il rentrait 1 000 000 000 $ de taxes; il n'en rentre plus rien que 500 000 000 $. Où est-ce qu'elles allaient, les autres? Parce qu'on fumait autant qu'avant. Il y en a qui peuvent s'obstiner à dire que ce n'est pas ça, mais c'est ça, la réalité des faits. Donc, à partir de la réalité des faits, on change notre fusil d'épaule.

Prenez les roues alignées. C'est marqué en toutes lettres: C'est défendu, défendu, défendu. Il n'y a pas une loi qui s'applique là-dessus. Les gens nous disent: Modifiez votre loi ou cantonnez-les à être obligés d'aller faire du patin à quelque part. Mais, actuellement, c'est inapplicable. Prenez un club de patins à roues alignées qui passerait coin Sainte-Catherine et Saint-Laurent, puis il y a un policier. Il y en a au moins 39 qui vont se sauver; et, qu'il y en ait 21, ça va être le top, hein.

Il y a un dosage entre le gros bon sens et l'application d'une loi qui est vraiment applicable. Sur le plan des principes, ça, n'importe qui... Tu vas avoir un député qui va te faire un beau discours angélique puis il serait le premier à ne pas être capable de l'appliquer, sa loi. Mais, dans les faits, je pense qu'il faut, comme législateur, arriver à avoir des choses un peu pragmatiques. C'est un peu ce qu'on vise par le livre vert, aller chercher les opinions, mais pour bâtir un système qui vise à une plus grande sécurité routière.

C'est-u gradué comme ça se fait ailleurs? C'est-u 0,02? J'ai déjà soupé avec un Suédois, moi, puis, après une coupe de vin, il a dit: Si je veux retourner avec mon auto, il faut que j'arrête. Ma capacité, je l'ai déjà testée, elle est à 0,02, c'est une coupe. Salut! Ça dépend de la grandeur de la personne. Il y a un de mes oncles qui peut prendre huit bières, je vais en prendre deux, puis je suis sûr qu'il a moins de taux d'alcool dans le sang que moi. Mais il est immense, puis il est gros, puis il est fort; moi, je suis grand, grand et mince, oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Donc, vous comprendrez que ça dépend des capacités mêmes de l'individu. Donc, comment tester ça? Je suis assez sensible à vos propos. Je ne suis pas encore décidé, loin de là. On l'a mis pour fin de discussion puis on veut vraiment le regarder très, très sérieusement. Il ne faut pas courir après les problèmes, mais il faut s'organiser pour avoir une meilleure sécurité, d'autre part. C'est tout le dilemme qu'on a comme parlementaires.

Donc, je comprends bien que vous demandez d'être plus sévères envers les jeunes. Vous avez commencé par ça. Je trouvais qu'un jeune, me demander ça, un jeune avocat comme vous... Je voudrais vous poser une question très précise parce que je ne suis pas certain non plus si je suis d'accord avec vous sur ce point-là, parce que déjà les jeunes qui rentrent sur le marché de la conduite automobile, qui demandent la façon graduelle, ils sont déjà contraints à la tolérance zéro.

En vertu des chartes – et vous êtes avocat, je vous pose la question, je ne le suis pas – est-ce que ça ne serait pas discriminatoire que de mettre additionnellement des contraintes plus sévères pour les jeunes? Je vous pose la question parce que je ne suis pas spécialiste en droit, et surtout pas nécessairement spécialiste des chartes.

M. St-Vincent (Nicolas): Bon. Écoutez. À ce niveau-ci, c'est la Charte canadienne qui s'appliquerait. C'est sûr qu'il y a une discrimination selon l'âge, mais l'article 1 de la Charte dit que, dans une société juste et démocratique, on peut faire entorse aux principes de la Charte si l'objectif qu'on a est raisonnable. C'est certain que, à la lumière des statistiques, on se rend compte qu'on a un problème et on prend des mesures raisonnables, et cette entorse-là aux droits et libertés, qui est basée sur une discrimination de l'âge, bien, elle est raisonnable dans ce contexte-là.

Actuellement, c'est trois ans. Bon. On a encore des problèmes graves puis, si on regarde le tableau, on a un sommet entre 19 et 25 ans. Ça veut dire que, si je passe mon permis à 16 ans – il y a beaucoup de jeunes qui passent leur permis à 16 ans – trois ans – 16, 17, 18, 19 – à 19 ans, je peux recommencer à boire. À 19 ans, M. le ministre – moi, je suis jeune, je connais beaucoup de jeunes – on est encore invincible, il n'y a rien qui nous affecte, puis je ne suis pas saoul à la fin de la soirée.

M. Chevrette: Mais c'est drôle, hein, j'ai eu l'impression – puis remarquez bien que je n'ai pas de certitude ni de preuve parce que je n'ai pas fait d'enquête là-dessus, ce n'est pas moi qui les fais – mais, moi, j'ai pris pour acquis... J'ai des jeunes qui ont grandi puis qui sont allés dans les bars avec leurs amis, puis je trouve que les jeunes sont pas mal mieux qu'on était. Quand on allait, nous autres, sept, huit à l'hôtel, après la partie de hockey, on retournait chez nous, on avait tous pris notre bière ou nos deux bières. On n'en prenait jamais plus que ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. St-Vincent (Nicolas): Bien oui!

M. Chevrette: Mais aujourd'hui il y a un jeune qui ne prend rien, puis c'est le conducteur attitré. Je trouve que c'est bien mieux que nous autres, je trouve qu'ils sont beaucoup plus disciplinés que, nous autres, on l'était à l'époque. Puis je considère que les irréductibles, ce n'est pas nos jeunes, c'est peut-être la personne de 40, 45 qui boit, comme vous disiez tantôt, qui est une habituée, puis qui a des récidives, puis elle ne se corrige pas. C'est pour ça que j'ai de la difficulté à suivre l'obligation de renchérir pour le jeune. Je ne sais pas, j'ai de la misère avec ça.

(15 h 20)

M. St-Vincent (Nicolas): Bon. Si je peux me permettre, juste pour terminer rapidement. Il faut mettre, pour les jeunes... À un moment donné, il faut arrêter de tordre la vis, là, parce que tout le monde a droit à sa jeunesse, mais il faut évidemment encadrer ça. Ce que les bars vous demandent – entre autres, les propos de M. Lacasse, ce qui ressort de ça – c'est que les bars sont obligés de prendre sur leurs bras de mettre sur pied du raccompagnement. Donc, Le Palace avait acheté, si je me rappelle bien, huit véhicules uniquement pour le raccompagnement. Donc, ça, c'est des frais additionnels pour le commerce et c'est la responsabilité du commerce. Il y a des commerces aussi qui donnent le jus d'orange, qui donnent le Coke, le Seven-Up à tous les gens qui se présentent au bar et qui disent: Je suis conducteur attitré. Donc, les bars ont fait beaucoup de travail du côté de la prévention puis du raccompagnement.

Pourquoi ne pas mettre sur pied un Nez rouge à l'année, exemple, qui serait financé en partie par le gouvernement? Parce qu'on ne sait jamais comment une soirée va finir. Et, si je me rends compte à la fin de la soirée ou en plein mois de juillet ou en juin, après la Saint-Jean, que je ne peux pas prendre mon auto, bon, il y aurait un Nez rouge qui serait là à l'année. Ça serait peut-être une mesure, pour les jeunes et pour tout le monde, qui ne coûterait pas très cher au gouvernement. Bon. Quelque chose comme ça. Parce que tordre la vis encore, ça fait mal.

M. Chevrette: Oui. Vous ne trouvez pas que c'est déresponsabilisant, ça?

M. St-Vincent (Nicolas): Bien...

M. Chevrette: Je vous donne mon opinion spontanée, là. Il y a un danger que, si l'État guide le citoyen par la main tout le temps, on devienne le grand responsable d'un laisser-aller. C'est très dangereux d'avoir une mesure toujours supplétive qui ne fait pas appel au comportement responsable d'une personne. Moi, c'est pour ça que je vous disais tantôt: Je trouve que les jeunes se sont améliorés en grand.

M. St-Vincent (Nicolas): Mais je pense que, si quelqu'un... Au contraire, à mon avis, si j'appelle le service de raccompagnement, c'est que je suis conscient de mon état, je suis conscient des sanctions et de la loi et que je ne veux pas créer de danger et que je ne veux pas me causer de conséquences négatives. Je fais appel au raccompagnement. Je pense que ce n'est pas déresponsabiliser le citoyen; c'est lui donner des moyens de ne pas être dangereux pour lui et pour les autres dans une situation où il est allé un peu trop loin, où il a une bière ou deux de trop. Il y a ça. M. Lacasse.

M. Lacasse (Guy): Oui. Parce qu'on en a parlé avant un petit peu puis, nous autres, on est dans le domaine, on les sert, les clients, puis on le voit. Il y a des statistiques, c'est bien beau. Mais, par contre, moi, je peux vous dire par expérience – puis Renaud aussi – que les gens dangereux au volant, vous l'avez dit, c'est les irréductibles conducteurs qui vont sortir à 0,20, 0,15, puis ça ne paraît même pas quand il est dans notre bar, le gars. Mais, quand il prend son char, il va le prendre à 0,20, 0,25. Ça, c'est définitif que ceux-là, on est d'accord que ce soit ceux-là que vous serriez.

M. Chevrette: Il y en a que c'est en se levant, le matin.

M. Lacasse (Guy): Les jeunes, O.K., on en a parlé. Mais je vais vous dire une affaire: Ce n'est pas tellement un point important. On est en train de discuter, je pense que ce n'est pas vraiment là qu'on veut frapper. Mais les gens dangereux au volant, on va vous le dire, c'est définitif, nous autres, on les voit, c'est ceux qui sont en haut de 0,15. Le problème est là et le danger est là. Il n'y a personne qui va se le cacher. On ne regardera pas autre chose. Le gros segment est là. Par contre, comme on dit, si vous baissez ça de 0,08 à 0,04, ce n'est pas vraiment les dangereux, là. C'est des secrétaires, c'est le caissier chez Provigo qui est arrêté prendre une bière, une grosse ou même pas. Il a pris rien qu'une bière, puis il pèse 120 lb, puis il emballe le banc. Il est fait, lui, là.

M. Chevrette: Qu'est-ce que vous avez contre les petits, vous?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lacasse (Guy): Hein? Écoutez, le gars qui travaille chez Provigo – moi, il y a un Provigo en face de chez nous – puis il prend une petite, il est emballeur, un jeudi soir avec sa paie, il est complètement fait. Il pèse 120 lb. Je le vois, je le sais déjà. Si on fait des tests, c'est sûr qu'il va péter 0,06. Puis pourtant...

M. Chevrette: D'autre part, tantôt – je me rappelle, là – vous disiez dans votre exposé de départ que vous vouliez que ce soit plus serré au niveau des jeunes, qu'il y avait les habitués, les irréductibles, vous en avez parlé. Mais je vous disais que ma grande crainte, moi, c'était de retrouver sur la route des gens sans permis. Vous savez qu'on a parlé à un moment donné du fait que le non-paiement des stationnements, le non-paiement d'amendes pouvaient aller jusqu'à la suspension du permis. Quelle est votre réaction, comme avocat en particulier – parce que je profite du fait que vous êtes avocat pour utiliser vos lumières, là?

M. St-Vincent (Nicolas): ...de l'Assemblée?

M. Chevrette: Bien, ça, vous facturerez les gens des bars.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. St-Vincent (Nicolas): Non. C'est une farce.

M. Chevrette: Est-ce que ce n'est pas un danger que – puis c'est toujours la démesure que je crains dans ça – si on «squeeze» trop, c'est qu'on n'atteigne même pas nos objectifs. Il y a des jeunes qui sans doute vont vous voir puis disent: Bien, moi, écoute, je leur dois 3 000 $ de tickets puis je ne suis pas capable de les payer puis, si je ne peux plus faire du temps pour compenser l'amende, je vais avoir une suspension de permis ou une suspension d'immatriculation, je ne sais pas. Est-ce que vous ne craignez pas l'effet inverse?

M. St-Vincent (Nicolas): Non. Puis, pour être franc avec vous, quand j'ai lu le livre vert, j'ai essayé de sentir ce que le gouvernement voulait régler comme problème. J'ai lu puis j'ai trouvé plusieurs passages que j'ai recités dans mon mémoire, et on voit souvent des phrases du genre: les citoyens nous demandent de sévir pour aller contre les récidivistes, les gens trouvent qu'il y a trop de gens qui frappent et que c'est la deuxième fois qu'ils sont interceptés avec les facultés affaiblies. Ça a des coups sociaux importants pour la SAAQ, d'indemniser des gens comme ça qui sont responsables, qui sont condamnés au criminel. On le sait bien qu'ils étaient en état d'ébriété et il faut quand même les payer pendant 15, 20 ans.

J'ai senti qu'il y avait une dimension sociale et économique au niveau de la SAAQ dans la rédaction du livre vert. Et ça m'a amené à traiter dans mon mémoire, dans la dernière partie... Est-ce qu'on ne devrait pas se mettre à repenser – je sais que ça se fait déjà – le système du «no fault», le système sans faute? Est-ce qu'on ne devrait pas, comme je le propose, dire: Vous, monsieur, vous avez été accusé au criminel à 0,16, vous avez frappé madame, ici, et puis c'est la deuxième fois, bien, on vous coupe vos indemnités, on ne pense pas que la société ait à payer pour vous. C'est certain qu'on a d'autres conséquences. Ce monsieur-là, il a peut-être une famille, s'il perd son emploi – c'est le pilier – là, il va se mettre sur l'assurance-emploi, il va tomber sur... Bon.

Je pense qu'il y aurait un débat à faire dans une autre commission ou à une autre place sur le régime du sans faute pour les conducteurs qui ont été condamnés au criminel à plus de 0,08. Et ça, je ne sais pas si ça se fait, mais c'est certain que c'est un point qui doit être discuté, à notre avis.

M. Chevrette: Je vais vous poser une autre question puis j'aurais un commentaire à faire après. Vous dites que les barrages policiers peuvent aller à l'encontre des libertés individuelles, si j'ai bien compris, ou qu'en vertu des chartes ça pourrait être dangereux de forcer tout le monde à...

M. St-Vincent (Nicolas): Souffler. C'est ça.

M. Chevrette: ...fournir, par exemple, à souffler ou à... Je comprends bien que ça peut être un point de vue de droit, mais, s'il est vrai que déjà 50 % nous échappent lors de ces barrages, qu'est-ce qu'on fait pour la sécurité? Est-ce que la liberté individuelle peut aller à l'encontre de la sécurité collective?

M. St-Vincent (Nicolas): Ça, c'est une question qui va se rendre en Cour suprême. Si vous voulez mon avis là-dessus: pour l'instant, on est pris avec les chartes et avec le Code criminel, qui exigent du policier d'avoir un motif raisonnable avant de demander un échantillon d'haleine. Bon. Dans le livre vert, on dit: Êtes-vous d'accord ou donnez-nous votre opinion sur la possibilité pour un policier de demander à n'importe qui d'intercepté de lui fournir un échantillon d'haleine.

M. Chevrette: Mais c'est quoi, un motif raisonnable de demander de souffler dans la balloune? Si tu m'empestes par ton haleine, est-ce que c'est un motif raisonnable?

M. St-Vincent (Nicolas): Oui, c'est un motif raisonnable. Il faut que le policier ait un motif objectif qui lui permet de croire qu'il a devant lui un conducteur intoxiqué. Il peut y avoir une odeur d'alcool – qui est le premier critère – le conducteur peut avoir un langage un peu débridé, il peut avoir de la difficulté à sortir ses papiers. Ça, c'est des indices raisonnables et des motifs qui permettent au policier de demander un échantillon d'haleine. Et ça, c'est la Charte et c'est le Code criminel qui exigent ça. Donc, de proposer que les policiers puissent prendre «at large» un échantillon, à mon avis et à notre avis, c'est quelque chose qui ne passerait pas devant les tribunaux et c'est quelque chose qui pourrait donner lieu à d'autres abus de droit.

M. Chevrette: Je vous remercie. Je vous dirai que, pour votre commentaire sur le «no fault» ou sur le système de non-responsabilité, personnellement, il n'est pas de mon intention de le changer comme trame de fond. C'est 7 000 000 000 $ d'indemnités qui ont été donnés à 650 000 citoyens québécois, et ce, sans procès, sans être sur l'aide sociale temporaire, sans attendre trois, quatre ans d'incertitude pour savoir combien on va gagner. Je ne vous dis pas que le système est parfait, il peut être amélioré. Mais, comme trame de fond, je ne crois pas. Au grand désespoir des avocats.

M. St-Vincent (Nicolas): C'est plus la génération de mon père qui faisait sa fortune avec les causes comme ça. Donc, moi, ça ne me dérange pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Merci beaucoup. Je n'en demandais pas tant.

Le Président (M. Lachance): C'est dit avec coeur et spontanéité.

M. Chevrette: On tiendra compte des propos que vous avez tenus.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition officielle.

(15 h 30)

M. Bordeleau: Oui. Alors, merci, M. le Président. Je voulais juste souligner que le ministre tout à l'heure vous a fait une longue explication pour distinguer ce qu'était un livre vert et un livre blanc. Je dois vous dire que le livre qu'il nous a présenté n'a de vert que les petits points blancs à l'ensemble du volume. Alors, ça ne nous aide pas à comprendre qu'est-ce que c'est, la différence entre un livre vert puis un livre blanc. Ha, ha, ha!

Une voix: ...

M. Bordeleau: Ha, ha, ha! Non, je veux revenir juste sur le dernier point qu'on vient de mentionner, là. Le ministre, au fond, nous dit c'est quoi, ses intentions par rapport au «no fault».

Dans votre mémoire, à la page 23, vous l'abordez, vous le mentionnez, comme beaucoup le font, qu'on devrait au moins avoir l'occasion de se repencher là-dessus puis d'en discuter. Vous nous dites: «Bien que le système d'indemnisation de la SAAQ soit basé sur le "no fault", l'État-providence doit trouver ses limites en matière d'accidentés intoxiqués responsables de leurs malheurs. Ainsi, la SAAQ pourrait diminuer ou refuser d'indemniser tout individu déclaré coupable d'une infraction avec facultés affaiblies par un tribunal criminel.»

Je trouve ça malheureux, je l'ai mentionné puis je vais le mentionner encore, que, au niveau du ministère et de la SAAQ, on refuse tout simplement qu'on aborde cette question-là dans un débat ouvert, un système qui est là depuis 20 ans. Je pense que ça serait tout à fait approprié, surtout avec l'ensemble des représentations qui ont été faites de citoyens qui paient pour le fonctionnement de la SAAQ, qui demandent qu'on ait l'occasion d'en parler.

Je faisais référence au fait qu'il y a eu des pétitions qui ont été déposées – de la part de 150 000 signataires – à l'Assemblée nationale, qui demandaient qu'on ait l'occasion de se pencher là-dessus. Quand on dit: Se pencher sur le système, ca ne veut pas dire être contre le «no fault»; ça veut dire: Il y a peut-être des choses là-dedans qui devraient être améliorées.

C'est toujours, en tout cas, difficilement compréhensible, actuellement, pour un grand nombre de citoyens, de voir que les parents des victimes sont moins indemnisés que certaines des personnes qui ont causé la mort et qui l'ont fait d'une façon criminelle, parce qu'ils n'étaient pas dans des conditions pour conduire, et que ces gens-là s'en tirent mieux parce qu'ils ont des indemnités plus grandes.

Je pense que c'est justifié que des gens se questionnent, et je trouve ça malheureux que le gouvernement ne veuille pas se questionner là-dessus sans se sentir, je ne sais pas pourquoi, mais attaqué comme si on venait de toucher... On l'a fait dans le cas de toutes sortes d'autres systèmes sociaux importants: je pense à l'aide sociale, il y a quoi, un an, un an et demi, la santé et la sécurité au travail, l'aide juridique, on l'a fait récemment. Des pièces législatives, sociales importantes, on les requestionne à l'occasion, on apporte les modifications, si on pense que c'est approprié d'apporter les modifications. Mais c'est comme si on avait une position et on refuse même de façon catégorique d'aborder une discussion ouverte là-dessus. C'est ça que j'ai de la misère à comprendre.

Je veux signaler que vous n'êtes pas les seuls qui le mentionnez là-dedans, en dépit du fait que le livre de consultation n'ait pas été fait justement pour favoriser ce genre d'expression là, parce qu'il n'y a aucune des propositions dans le dernier chapitre qui traite d'un questionnement autour du «no fault», aucune de ces propositions-là. Donc, on enligne les gens sur des aspects de la conduite en état d'ébriété bien spécifiques qu'on a déjà choisis et on élimine de l'autre côté...

Malgré ça, je dois vous dire que j'ai une trentaine de mémoires de lus à date et il y en a 50 d'entrés, et, sur les 30 qui sont entrés, il y en a au-delà de 10, 12 qui mentionnent qu'on devrait avoir une discussion là-dessus. Alors, j'abonde dans ce sens-là, et je trouve un peu malheureux que... Je ne comprends pas pourquoi, là, on résiste tant, de la part du gouvernement, à s'asseoir pour en discuter. Ça ne fait pas mourir personne, ça, et ce n'est pas farfelu de demander ça. Il y a 150 000 personnes qui ont signé des pétitions pour demander qu'on le discute.

Le ministre ramène ça souvent à la question des avocats, que c'est une question que les avocats veulent gagner, s'impliquer, avoir plus de travail là-dessus. Je pense que ce n'est pas seulement ça, le problème. C'est qu'on devrait avoir l'occasion d'en parler, essentiellement. C'est un commentaire que je voulais faire.

Sur les points plus spécifiques que vous abordez dans votre mémoire, la question des limites, c'est-à-dire de tolérance zéro pour les moins de 25 ans, je suis ambigu par rapport à ça aussi, dans le sens où ce n'est pas clair pour moi. On dit d'abord: Quelqu'un qui est nouveau, qui a un nouveau permis, qui a moins de 25 ans, il va y avoir une tolérance zéro durant trois ans. Une personne qui a plus de 25 ans qui va chercher un permis pour la première fois, elle, on n'a pas la même comportement. Vous allez me dire: Oui, mais c'est parce que le problème, c'est les jeunes. Vous l'avez identifié dans votre mémoire.

Quand on regarde le tableau de la page 9, d'abord, vous faites... Juste un petit détail. Je ne sais pas pourquoi, là, mais dans votre mémoire vous parlez de la catégorie d'âge 21-34; ensuite, quand on regarde le tableau, c'est à partir de 19 ans. Je ne sais pas pourquoi la différence entre le 21-34 et le 19, là. Mais, quand on regarde le tableau que vous avez à la page 9, si on regarde à partir de 25 jusqu'à 40 ans, au fond, on a une stabilité, à peu près, qui est quand même relativement importante. Et, si on n'en tient pas compte, on est sensibilisé à ça jusqu'à, vous dites, 21-34. Mais, par contre, prenons la section 25-34, puis c'est la même chose que la section 34-41, 42. Donc, pourquoi, là, on identifie une catégorie particulière qui est le 21-34, alors que ça ne me paraît relativement pas clair de ce côté-là, parce que, pour moi, ça va jusqu'à 40 à peu près?

Donc, ce problème-là, au fond, me chicote un peu. Je comprends très bien. Le ministre faisait référence tout à l'heure au fait que les jeunes sont plus disciplinés. C'est vrai. Moi, je serais porté à penser comme ça aussi. C'est vrai quand on regarde qu'est-ce qui se passe dans le concret. Mais, quand on regarde quand même le taux par âge de personnes accusées de conduite avec facultés affaiblies, il faut quand même reconnaître que, même si les jeunes se comportent comme ça, ils sont largement plus élevés en bas de 25 par rapport aux autres catégories d'âge, ceux qui sont arrêtés et qui ont... Alors, je ne sais pas si c'est une fausse impression ou quoi, là, mais effectivement il semblerait y avoir un problème, surtout pour les 19-25. Par contre, on a comme l'impression que c'est de moins en moins vrai parce qu'ils se disciplinent puis il y en a toujours un qui est le chauffeur attitré.

En tout cas, cet aspect-là, moi, je ne suis pas convaincu qu'on doit nécessairement augmenter et je ne suis pas convaincu non plus que la prudence qu'on doit avoir au niveau de la tolérance zéro, c'est relié à l'âge ou c'est relié au fait que c'est un premier permis. Si c'est relié au fait que c'est un premier permis, bien, on pourrait penser que, pour n'importe quelle catégorie d'âge, le premier permis, c'est une tolérance zéro pour trois ans. Alors, je ne sais pas si vous avez des réactions là-dessus, mais, pour moi, ce n'est pas clair, toute cette chose-là. Je ne sais pas si vous avez des commentaires pour nous éclairer.

M. St-Vincent (Nicolas): Bien, écoutez, rapidement, vous me demandez pourquoi nous mettons l'emphase sur le 21-34 ans quand, dans le tableau, on voit bien qu'on a un sommet entre 19 et 24. La catégorie d'âge 21-34 ans, elle est tirée directement de l'étude du NCADD, qui est l'association américaine. Donc, eux ont établi ça comme barème. Quand on regarde les statistiques canadiennes, on se rend compte que – c'est vrai, vous avez raison – entre 24 et 43, 44 ans, c'est un plateau, c'est stable, mais qu'on a un sommet entre 19 et 24. Donc, c'est vrai qu'on a un plateau. Essayons de légiférer ou d'adapter notre législation pour affecter ces jeunes-là.

Actuellement, c'est trois ans. Et, si vous regardez, la période actuelle est de trois ans. Donc, les jeunes qui obtiennent leur permis à 16 ans ont jusqu'à 19 ans de consommation tolérance zéro, et on est bien en bas du plateau, là; encore à 19 ans, on est bien en bas du plateau. Donc, c'est à partir de 20 ans, 19 ans et demi, 20 ans que, là, on tombe de façon tout à fait drastique, tout d'un coup, dans le sommet de la crête et on y reste jusqu'à 24 ans. C'est pour ça que je propose d'allonger le trois ans à cinq ans. C'est parce qu'on a encore beaucoup de travail à faire entre 19 et 23, 19 et 24, et la période de trois ans actuelle n'est pas susceptible d'aller chercher cette catégorie-là, cette espèce de flou juridique ou de gris qui est entre les 20 ans et les 23, 24 ans.

M. Bordeleau: Par contre, on va chercher les 22 à 25, alors qu'ils sont moins problématiques. Celui qui va chercher son permis à 22, lui, il serait couvert pour trois ans et possiblement cinq ans si on allait dans votre suggestion, alors qu'ils sont moins problématiques que ceux de 16 ans auxquels vous faites référence. De toute façon, là, je comprends un peu votre intention à ce niveau-là.

(15 h 40)

Je voudrais juste comprendre, à la page 20 du mémoire, à la cinquième option, on parle du dépistage systématique de l'alcoolémie. En tout cas, j'aimerais que vous m'éclairiez parce que, pour moi, il y a une espèce de contradiction.

À la fin du premier chapitre, vous dites: «Nous ne sommes pas en accord avec la proposition du ministère des Transports et de la SAAQ d'autoriser le dépistage systématique de l'alcoolémie dans le cadre des barrages routiers.» À la fin du troisième paragraphe, vous nous dites: «Les interventions planifiées semblent donc créer un fort impact de dissuasion sur la population.»

Alors, je ne le sais pas. J'ai comme l'impression que vous nous dites que vous êtes en désaccord et puis qu'ensuite vous nous dites que, oui, ça donne des bons résultats. Êtes-vous pour ou contre l'option, la cinquième option, qui est le dépistage systématique de l'alcoolémie?

M. St-Vincent (Nicolas): Voici notre position là-dessus. On est pour les barrages routiers et on veut qu'il y en ait plus. On veut une multiplication des barrages routiers parce que c'est là qu'on peut faire un travail de sensibilisation et c'est là qu'on intercepte les conducteurs qui ont un problème d'alcool sévère et c'est là qu'on rejoint le plus de jeunes, O.K.?

Ce à quoi on s'oppose, c'est à donner aux policiers la possibilité d'exiger de tous les conducteurs interceptés un échantillon d'haleine. Elle est là, la violation juridique. Elle est là, la contradiction avec les dispositions de la Charte. Donc, ce qu'on vous dit, c'est: Allez-y, multipliez les barrages routiers, ça va conscientiser les gens, ça va créer un effet, pas de crainte, mais de risque. Les gens vont être conscients du risque. Mais ne donnez pas aux policiers le pouvoir de s'immiscer comme ça dans la vie privée des gens en exigeant «at large» un échantillon d'haleine.

M. Bordeleau: O.K. Je saisis. La réserve que vous avez sur la diminution du 0,08 au 0,04, je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus. Je pense que c'est loin d'être démontré que c'est dans cette catégorie-là qu'on a des problèmes et il y a des conséquences négatives inutiles. Au fond, tant qu'on n'a pas démontré qu'il y a un problème dans cette catégorie-là et qu'on devrait diminuer le 0,08 au 0,04, à mon avis, on ne serait pas justifié de le faire et ça n'a pas été démontré à date, dans tous les cas, qu'il y a un problème particulier avec cette catégorie d'individus entre...

Maintenant, passé le 0,08, on suggère dans le document des sanctions graduées. Est-ce que vous seriez d'accord avec ça? C'est parce que je n'ai pas perçu que vous vous prononciez sur... Passé le 0,08, est-ce qu'il devrait y avoir, selon le niveau d'alcoolémie...

M. St-Vincent (Nicolas): Absolument.

M. Bordeleau: ...des sanctions de plus en plus importantes?

M. St-Vincent (Nicolas): Absolument. Ce qu'on lit dans le livre vert, c'est... On dit: On ne comprend pas que le système, en matière d'alcool, soit essentiellement binaire, donc une conduite socialement acceptée à 0,079 et une conduite criminelle sujette à opprobre à 0,081. Mais, avec respect pour l'opinion contraire, on a un système binaire dans l'alcool comme on en a un en matière de conduite sur les autoroutes. À 99, tout est beau puis à 101, on est en infraction.

Donc, ce qu'on se dit, c'est qu'il faut qu'il y ait un système de sanctions graduées mais à partir d'un taux raisonnable, et le taux raisonnable, on le met à 0,08. Et on ne peut pas le graduer aussi précisément qu'en kilomètres, mais on pourrait établir deux grandes catégories: les 0,08 à 0,14, 0,15 et les 0,15 et supérieurs où, là, vraiment, on a un conducteur à problèmes, où, dès la première infraction, on doit sévir et faire suivre à cet individu-là un cheminement particulier parce qu'il a un problème, lui.

M. Bordeleau: O.K. Ça va. Maintenant, une dernière question puis je vais laisser la parole à ma collègue. Dans les catégories de conducteurs, vous nous avez parlé des 21-34, vous êtes arrivé avec des propositions que vous avez mises sur la table. Vous avez parlé de deux autres catégories: les conducteurs avec un problème d'alcool chronique et les buveurs en bas âge.

Ce que j'ai retenu tout à l'heure quand vous avez fait votre présentation, vous dites: Les conducteurs avec un problème d'alcool chronique, on doit les sortir de la route. Dans le cas des autres – les buveurs en bas âge – vous avez mentionné que c'était un problème, mais vous n'avez pas mentionné de pistes de solution ou quoi.

La question que je voudrais vous poser: Dans ces deux catégories- là, les chroniques et les buveurs en bas âge, est-ce que vous avez des suggestions à faire sur qu'est-ce qu'on devrait faire pour régler les problèmes de ces deux catégories-là? Alors que vous avez développé la solution ou une solution que vous pensiez pour la catégorie des 21-34, dans ces deux catégories-là, je ne trouve pas d'éléments de suggestions précises.

M. St-Vincent (Nicolas): O.K. Pour commencer, avec les conducteurs qui ont un problème d'alcool chronique, eux, vraiment, le meilleur moyen de les intercepter, c'est le barrage routier. Parce que, là, le policier qui intercepte un individu comme ça qui a un problème d'alcool important, il a des motifs raisonnables d'exiger un échantillon d'haleine. Cette personne-là sent l'alcool fort, cette personne-là a les yeux rouges, cette personne-là a de la misère à sortir ses papiers, à parler aux policiers. À 0,15, 0,16, ça commence à être difficile de cacher son état d'ébriété, et, par des interventions comme des barrages routiers, ça va permettre aux policiers d'intercepter et de sortir de la route plus de conducteurs qui ont un problème d'alcool chronique.

M. Bordeleau: Ça, j'ai l'impression que... Ce n'est pas tellement à ce niveau-là que j'avais une interrogation à vous transmettre parce que je pense que les policiers doivent faire ces vérifications-là. Mais le problème, c'est qu'à partir du moment où on les sort de la route par une suspension de permis ou n'importe quoi il reste qu'on se retrouve dans des situations où souvent ces conducteurs-là se retrouvent sur la route en train de conduire sans permis, et ça, ça affecte la crédibilité du système.

Quand il y a un accident puis on retrouve une personne qui conduisait, puis on va dire: Le conducteur avait eu un permis suspendu et on le retrouve sur la route, ça, c'est un problème, je pense, pour le gouvernement. Souvent, en trop grand nombre, là, on se retrouve avec des gens qui, malgré une suspension de permis, se retrouvent sur les routes. Et c'est là-dessus que je voulais vous demander: Comment on les sort de la route, ces gens-là? Est-ce qu'il y a d'autres solutions ou d'autres suggestions que vous pouvez faire qui permettraient d'exercer peut-être un contrôle plus serré pour éviter ce genre de situations?

M. St-Vincent (Nicolas): Écoutez, c'est une question difficile parce que c'est d'essayer de contrôler les gens dans leur vie privée, presque de les surveiller pour ne pas qu'ils prennent le volant. La solution que je vois qui pourrait en être une, puis je vous réponds comme ça, là, à brûle-pourpoint: on intercepte quelqu'un qui a 0,20 d'alcoolémie dans le sang, on sait que c'est quelqu'un qui a un problème, tout de suite on lui fait suivre un cheminement particulier.

Exemple, je sais que, dans les Laurentides, il y a une maison qui s'appelle la maison Ivry qui s'occupe de gens qui ont un problème d'alcool chronique. Et là on s'assure que le conducteur... C'est une cure fermée qui peut durer deux semaines, qui peut durer trois semaines, où la personne couche là, est suivie par des psychologues, des psychothérapeutes, fait du cheminement personnel, a le temps de prendre conscience de son problème. Et on s'assure qu'elle ne pourra pas conduire pendant cette période-là. C'est évident qu'il y a des risques de rechute, mais on s'assure qu'on donne à cette personne-là la meilleure chance de ne pas retomber dans son problème d'alcool et on assure à la société, du moins, que cette personne-là ne reprendra pas le volant pendant cette période-là.

Mais, pour aller plus loin que ça, il faudrait que je m'y penche ou qu'on s'y penche tout le monde ensemble, sur qu'est-ce qu'on pourrait faire, parce que ce problème-là, il est difficile à résoudre. Si on a quelqu'un qui décide de prendre son auto malgré sa suspension, je veux dire, on ne peut pas le suivre chez lui, quand même, là.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jean-Talon, en vous signalant qu'il reste trois minutes.

Mme Delisle: Merci. Alors, j'avais quelques questions, je vais y aller avec une et un commentaire ou une suggestion, plutôt. Je voudrais revenir à la question de tolérance zéro qui est attachée ou liée au premier permis.

J'ai tendance à être un petit peu d'accord avec mon collègue qui, tout à l'heure, disait: Qu'est-ce qu'on fait des gens qui ont un premier permis à 25 ans, pour qui on n'exige pas évidemment la tolérance zéro? La réflexion que je voudrais faire, c'est que ces gens-là ont des habitudes de consommation. Je ne sais pas si vous avez des statistiques là-dessus, mais ces gens-là on pris l'habitude d'aller dans les bars. Supposons qu'ils boivent convenablement, raisonnablement, mais ça peut être plus que deux ou trois verres de bière, ils n'ont jamais conduit... ou du vin, ou peu importe ce qui se boit dans vos bars.

Qu'est-ce qu'on fait avec ces gens-là qui, eux, ont déjà des habitudes de consommation, alors que les jeunes de 16 ans, quand ils prennent leur permis, commencent à boire? Alors, si c'est pertinent pour un premier permis à 16 ans, d'exiger la tolérance zéro, pourquoi on ne l'exigerait pas d'un premier permis quel que soit l'âge?

M. St-Vincent (Nicolas): Écoutez...

Mme Delisle: C'est une réflexion à laquelle on ajoute la question.

M. St-Vincent (Nicolas): Oui, O.K. Voulez-vous que j'y réponde...

Mme Delisle: Oui, oui, oui.

M. St-Vincent (Nicolas): ...ou que j'y réfléchisse?

Mme Delisle: Non, non, non, vous pouvez répondre. Ha, ha, ha!

M. St-Vincent (Nicolas): Ha, ha, ha! O.K. Comme l'a dit votre confrère tantôt, c'est vrai qu'il y a un plateau entre 24 et 43 ans. Qu'est-ce qu'on fait avec quelqu'un qui a 30 ans, qui a 28 ans, qui obtient son premier permis de conduire? Premièrement, est-ce qu'on a beaucoup de personnes qui sont dans cette situation-là? Est-ce que ça représente 2 % de la population ou ça représente 50 %?

Mme Delisle: Vous n'avez pas de statistiques là-dessus.

M. St-Vincent (Nicolas): Je n'ai pas de statistiques là-dessus. Là, c'est juste un travail de sensibilisation par les médias, comme on les voit actuellement, qui serait efficace.

(15 h 50)

Mme Delisle: Il y aurait quand même lieu, à mon avis, qu'on fasse cette réflexion-là. Et je vous ferais une suggestion concernant Nez rouge payé par le gouvernement, si vous permettez. Je pense que, au niveau de la responsabilisation, ça ne serait pas une très bonne idée, je suis parfaitement d'accord avec le ministre. Et j'aurais une suggestion à faire aux propriétaires de bars, aux propriétaires de restaurants, et tout ça, si jamais on en venait à l'application du 0,04, peut-être que vos associations pourraient elles-mêmes mettre en place une association telle que Nez rouge à l'année. Donc, il y aurait peut-être moins de pertes au niveau économique, ce que vous craignez évidemment le plus, à la lecture de votre mémoire.

M. St-Vincent (Nicolas): Ça devient de plus en plus difficile, puis je peux vous parler en connaissance de cause, de demander à ces gens-là de se réunir et de cotiser encore. Parce que, de plus en plus, on demande aux gens qui ont des bars, des tavernes et des établissements comme ça... La plupart du temps, ce n'est pas des comptables, ce n'est pas des fiscalistes, ce sont des opérateurs qui sont bons avec le public. Et, de plus en plus, le gouvernement leur demande d'accroître leur fardeau administratif. Depuis les pourboires, il y a deux ans, ils doivent tenir un registre pour les pourboires. Là, ils ont eu une vague de vérification fiscale terrible, entre 1995 et 1998. Ça a affecté énormément l'industrie des bars. Le crédit d'impôt, dernièrement, qu'on avait traité...

Mme Delisle: Ça va avec le pourboire, ça.

M. St-Vincent (Nicolas): Ça va avec les pourboires. Donc, de plus en plus, la charge du tenancier s'alourdit avec la SOCAN, avec toutes sortes de facteurs; on en demande de plus en plus aux bars. Et là de leur demander encore de cotiser dans une association ou un mouvement de raccompagnement, ça va être difficile de leur demander ça.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. En fait, suite à la question qu'a posée ma collègue députée de Jean-Talon, est-ce que c'est possible d'avoir, de la part de la SAAQ, la distribution selon l'âge au moment de l'émission du premier permis? Oui? Parfait.

M. Chevrette: On vous le remettra à la prochaine séance.

M. Bordeleau: Oui. O.K. Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci messieurs, madame... En passant, est-ce qu'il y a des dames dans votre organisation?

M. St-Vincent (Nicolas): Elles ne sont pas ici, mais, oui, il y en a.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs de la Corporation des propriétaire de bars, brasseries et tavernes du Québec pour votre présentation. Nous allons suspendre les travaux pendant quelques minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 52)

(Reprise à 16 heures)

Le Président (M. Lachance): Nous allons reprendre les travaux de la commission.

J'invite les représentants de l'Association des restaurateurs du Québec à prendre place à la table.

Alors, bienvenue, messieurs. J'invite le porte-parole à s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent, en vous rappelant que vous avez aussi un maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur le livre vert.


Association des restaurateurs du Québec (ARQ)

M. Minguy (Bernard): Bonjour. Mon nom est Bernard Minguy. Je suis propriétaire du restaurant Papa Luigi à Saint-Sauveur-des-Monts dans les Laurentides. Je suis également vice-président de l'Association des restaurateurs du Québec. Je suis en compagnie de François Meunier, directeur des affaires publiques, et de Hans Brouillette, agent d'information, tous deux de l'ARQ.

Alors, j'aimerais d'abord remercier les membres de la commission des transports et de l'environnement de nous donner l'occasion de présenter le point de vue de l'industrie de la restauration dans le cadre de la consultation générale sur le livre vert. Notre regroupement tient à aborder, dans le mémoire qu'il présente, le chapitre V du livre vert, soit celui portant sur la conduite avec les capacités affaiblies par l'alcool. Plus particulièrement, nous souhaitons exprimer notre position concernant l'option d'abaisser de 80 mg à 40 mg le taux d'alcoolémie autorisé pour conduire une automobile.

Avant d'aborder le vif du sujet, nous croyons tout d'abord approprié de nous présenter brièvement. L'Association des restaurateurs du Québec est le plus ancien et le plus important regroupement de propriétaires de restaurants et de gestionnaires de services alimentaires au Québec. Organisme sans but lucratif fondé en 1938, l'ARQ compte 2 900 membres corporatifs qui exploitent plus de 4 500 établissements au Québec. L'ARQ représente toutes les gammes de restauration, du casse-croûte familial aux tables de renommée nationale, et ce, à travers l'ensemble du territoire québécois. Son mandat est, entre autres, de défendre les intérêts de l'industrie de la restauration, un secteur économique qui génère des recettes de 5 600 000 000 $ annuellement au Québec et qui procure de l'emploi à plus de 140 000 Québécoises et Québécois.

La préoccupation de l'ARQ concernant la conduite en état d'ébriété ne date pas d'hier. En effet, en 1991, l'ARQ lançait son programme de prévention de la conduite avec facultés affaiblies. Cette initiative qui a connu énormément de succès visait à conscientiser les détenteurs de permis d'alcool mais aussi les serveurs et serveuses quant à leur rôle important, voire indispensable, dans la prévention de la conduite avec les facultés affaiblies.

Plusieurs outils d'information et de formation ont été distribués à l'ensemble des membre de l'ARQ dans le cadre de ce programme. On y expliquait notamment comment déceler les symptômes et comment intervenir auprès des clients ivres. Le programme recommandait également de mettre à la disposition des clients un service de raccompagnement ou de favoriser la politique du conducteur désigné. Cette campagne, encore efficace aujourd'hui, aura sensibilisé les entrepreneurs à l'effet de se doter d'une politique permanente d'intervention en la matière.

C'est à la lumière des résultats très positifs de campagnes de sensibilisation comme celles initiées par l'ARQ que nous tenons aujourd'hui à remettre en perspective la pertinence d'abaisser à 40 mg le taux d'alcoolémie autorisé pour conduire une automobile, mesure qui ne serait pas sans conséquence pour notre industrie. Beaucoup de chemin a été parcouru depuis le début des années quatre-vingt en matière de lutte contre la conduite en état d'ébriété. L'opinion publique a grandement évolué, le comportement des consommateurs et des conducteurs a radicalement changé.

Encore vendredi dernier, la Société de l'assurance automobile du Québec rendait publics des chiffres très encourageants qui viennent confirmer une fois de plus les énormes progrès accomplis en matière de lutte contre la conduite avec les facultés affaiblies. En 1981, la proportion des conducteurs ivres interceptés sur nos route était de 5,9 %. Or, elle n'est plus maintenant que de 1,8 %. La SAAQ attribue cette tendance à un changement important d'attitude et de comportements en matière d'alcool au volant.

L'introduction des sanctions sévères pour les conducteurs ayant un taux d'alcoolémie trop élevé constitue probablement le principal facteur faisant réfléchir sur les conséquences d'associer alcool et conduite automobile. On doit aussi ces changements de mentalité et de comportements à l'introduction de nombreuses campagnes de sensibilisation et de prévention mises de l'avant pour prévenir la conduite avec les facultés affaiblies. Ces campagnes ont été initiées tant par le gouvernement que par le secteur privé.

Dans le secteur privé, l'un des meilleurs exemples est celui d'Opération Nez rouge, fondée en 1984, dont le succès est devenu considérable au fil des ans. Les détenteurs de permis d'alcool ont pour leur part pris conscience de leur rôle important pour prévenir la conduite avec les facultés affaiblies.

Comme nous l'avons déjà mentionné, l'ARQ a initié une vaste opération de sensibilisation et surtout de formation auprès de ses membres en lançant, en 1991, son programme de prévention de la conduite avec facultés affaiblies. Beaucoup d'autres campagnes de prévention ont vu le jour depuis les années quatre-vingt. Ensemble, toutes ces initiatives gouvernementales et privées ont porté fruit, et le constat est éloquent.

En 1998, le taux des personnes mises en accusation de conduite avec les facultés affaiblies a régressé pour une 15e année consécutive au pays. Depuis 1981, il a régressé de 65 % au Canada, et le Québec ne fait pas exception. La baisse du taux des personnes mises en accusation de conduite avec les facultés affaiblies en 1998 a été de 2,4 % au Québec et de 3,6 % au Canada, comparativement à l'année précédente. En 1998, le nombre d'accusations pour conduite avec les facultés affaiblies causant la mort a été le plus faible au Canada en 10 ans.

En regard de ces résultats qui s'observent sur plusieurs années, ce qui n'est donc pas le fruit du hasard, l'ARQ constate qu'un progrès considérable, voire phénoménal, a été accompli pour prévenir la conduite avec les facultés affaiblies. De fait, l'organisme bien connu Éduc'alcool révélait dans son rapport quinquennal publié en 1997 que le Québec était l'endroit où l'on observait le moins de problèmes liés à l'alcool. Déjà en 1994, Statistique Canada accordait aux Québécois la première place au Canada pour leur bon rapport en général avec l'alcool, bien que les lois sur la vente et la consommation y étaient les plus souples.

Les initiatives en matière de lutte contre la conduite en état d'ébriété a donc eu un impact indéniable sur le comportement des consommateurs et sur celui des conducteurs. Évidemment, vouloir réduire à zéro le nombre d'accidents impliquant l'alcool sur un territoire qui compte plus de 7 000 000 d'habitants relèverait de l'utopie. Malgré les énormes progrès accomplis, certains considèrent les bilans routiers encore trop lourds.

Alors, peut-on faire mieux, et comment? La question mérite vraiment d'être posée. Pour ce qui est du comment, il apparaît clair à l'ARQ que l'option de réduire de 80 mg à 40 mg la limite d'alcool permise pour conduire un véhicule entraînerait non seulement des effets négatifs, mais surtout elle passerait complètement à côté de l'objectif visé. Nous sommes toutefois heureux que ce point soit soulevé, puisqu'il nous permet d'en débattre et d'en effectuer une analyse un peu plus approfondie.

L'alcool est un élément de convivialité entre des personnes prenant un repas ensemble. Le vin est particulièrement devenu, au fil des ans, une source de découvertes, comme en témoigne la demande croissante pour des produits importés et recherchés. Si la quantité a déjà été un élément dominant, elle fait place à la qualité qu'exigent aujourd'hui les consommateurs. De plus en plus de clients sont en quête d'une expérience gastronomique à laquelle l'alcool est intimement lié. Cette tendance s'accentue, et les restaurateurs en savent quelque chose.

Un sondage réalisé en décembre 1998 auprès de 300 restaurateurs membres de l'ARQ révélait que le vin se situait presque à égalité avec le café au premier rang des breuvages les plus populaires auprès de la clientèle. La bière se classait au troisième rang. Nous sommes d'avis que la réduction de la limite d'alcool à 40 mg pour pouvoir conduire aurait des effets importants sur la consommation d'alcool. Nous l'avons déjà observé ces dernières années avec l'application sévère de la norme des 80 mg.

Selon l'organisme Éduc'alcool, dès la deuxième consommation d'une bière, d'un verre de vin ou d'un spiritueux, un homme dépasserait la limite permise pour conduire son automobile, si le taux d'alcool permis était de 40 mg. Actuellement, la limite de 80 l'autorise à deux consommations, même trois, si son poids atteint 80 kg. Vous pouvez le constater en consultant le tableau en page 13 de notre mémoire. La consommation peut être plus élevée si le client laisse le temps à son organisme d'éliminer l'alcool, ce qui s'effectue à un rythme de 15 mg par heure.

Pour une femme de moins de 57 kg, ou 125 lb, la réponse est très claire: elle ne pourrait prendre aucune consommation sans dépasser le taux de 40 mg. Les femmes d'un poids supérieur devraient se limiter à une seule consommation et pas davantage. Avec la norme actuelle de 80 mg, ces deux groupes de femmes peuvent boire une à deux consommations.

Ce sera la Saint-Valentin dans quelques jours. Eh bien, imaginez-vous un couple qui se rendrait au restaurant pour manger en tête-à-tête. Avec un taux d'alcool limité à 40 mg pour avoir le droit de conduire, le couple ne pourrait même pas se permettre de commander une bouteille de vin sans risquer de perdre leur permis de conduire, à moins qu'évidemment un seul des deux boive la bouteille et que l'autre conduise ou encore que les deux reviennent en taxi. Selon nous, il est clair que de fixer une limite quant au taux d'alcoolémie autorisé pour conduire entraîne inévitablement une baisse de consommation des individus respectueux des lois, soit la très grande majorité. Mais est-ce bien la catégorie de personnes qui constitue une menace sur nos routes?

(16 h 10)

On peut penser aussi aux jeunes qui se retrouvent sur nos routes après une soirée bien arrosée dans un bar. On sait qu'une forte proportion d'accidents de la route impliquant l'alcool mettent en cause des jeunes. Mais, encore là, la réduction de la limite d'alcool permis à 40 mg permet-elle d'atteindre le bon objectif et les véritables contrevenants? Nous nous permettons d'en douter, puisque la loi prévoit déjà la tolérance zéro pour les moins de 25 ans titulaires d'un permis d'apprenti conducteur et de permis probatoire.

On sait que la majorité des conducteurs décédés sur la route n'avaient pas consommé d'alcool avant leur accident. En ce qui concerne les autres, ceux qui avaient consommé de l'alcool, un rapport statistique de la Société de l'assurance automobile du Québec, qui couvre les années 1993 à 1997, révèle que 58 % des conducteurs décédés, soit la grande majorité, affichaient un taux d'alcoolémie supérieur à 150 mg, soit près de deux fois la limite permise. Nous avons d'ailleurs un tableau qui le démontre en page 15 du mémoire. Ces individus, qui constituaient un danger potentiel énorme au moment de prendre le volant, auraient difficilement pu invoquer l'ignorance d'avoir dépassé la limite. Aussi, s'ils se moquent d'une norme de 80 mg, on peut facilement déduire qu'il en aurait été de même pour une norme inférieure.

Le deuxième groupe en importance de conducteurs, sous l'effet de l'alcool, décédés au volant affichait un taux de 81 mg à 150 mg. De 1993 à 1997, leur proportion représentait en moyenne plus du quart des conducteurs décédés affichant un quelconque taux d'alcool.

Ce qui nous intéresse encore davantage, c'est de connaître la proportion des décès des conducteurs dont le taux d'alcool se situait entre 40 mg et 80 mg. Il n'en reste plus beaucoup sur le total initial. Toujours selon les chiffres de la Société de l'assurance automobile, le groupe de conducteurs décédés avec un taux d'alcoolémie se situant entre 50 mg et 80 mg – ce sont là les données disponibles – ne représente que 6 % des décès impliquant l'alcool, soit le groupe le plus faible. En nombre des décès, on parle ici de moins de 10 conducteurs en moyenne par année.

Lorsque nous avons affaire à des chauffards récidivistes et à des alcooliques chroniques, nous sommes d'avis qu'une limite d'alcool pour conduire n'a aucun effet sur leur comportement, quel qu'en soit le taux. D'autres options doivent donc être envisagées pour empêcher cette catégorie de conducteurs de prendre la route.

Nous souhaiterions maintenant aborder brièvement la question des conséquences économiques relatives à une baisse, de 80 mg à 40 mg, de la limite d'alcool permise pour conduire. Nous entendons déjà certains s'indigner sur le simple fait que cet aspect soit évoqué. Peut-être la rectitude politique exigerait-elle de nous taire, mais, pour l'ARQ, la question se pose de façon très pertinente pour une bonne raison. Compte tenu de tous les doutes sérieux que nous avons soulevés précédemment quant à l'efficacité d'une limite d'alcool à 40 mg pour réduire les accidents, et donc sa pertinence, il appert impératif d'aborder les conséquences de cette mesure sur notre industrie afin de bien faire comprendre que l'expression «ça ne coûte rien d'essayer» est ici irrecevable.

On compte, au Québec, 23 818 établissements différents qui possèdent un permis d'alcool. Ce chiffre inclut des restaurants, des hôtels, les bars, les brasseries, les clubs sportifs et les cabanes à sucre. Selon une étude réalisée par la Canadian Restaurant and Food Service Association, les ventes générées par l'alcool dans les établissements détenant un permis représentent en moyenne 19 % des recettes. Elles sont plus précisément de 23 % dans le cas de restaurants de fine cuisine, de 22 % dans les restaurants d'hôtels et de 43 % dans les bars, brasseries et tavernes offrant des repas. L'alcool constitue donc une source de revenus importante pour l'industrie de la restauration, et toute baisse de consommation attribuable à ces mesures restrictives ou à des tendances entraîne de sérieuses répercussions.

À titre d'exemple, la Confédération des brasseries de Belgique avait fait état, en 1995, d'une baisse de 12 % de ses ventes de bière dans les hôtels, restaurants et cafés, après que le gouvernement eût abaissé de 80 mg à 50 mg le taux d'alcoolémie pour conduire dans ce pays. Si les Québécois boivent mieux, ils boivent aussi moins d'alcool, beaucoup moins qu'avant. Depuis 25 ans, la consommation d'alcool par habitant a chuté de 26 %. Bien qu'on ne puisse attribuer à un seul facteur ce changement dans la consommation d'alcool, les sanctions pour ivresse au volant et les campagnes de prévention menées en ce sens depuis les années quatre-vingt y sont pour beaucoup.

Il n'est donc pas surprenant que l'éventualité d'une mesure encore plus restrictive sur la consommation d'alcool suscite des craintes au sein de l'industrie de la restauration. En 1998, le Québec a enregistré 43 % de toutes les faillites de restaurants au Canada qui détenaient un permis d'alcool. Pourtant, le Québec ne compte que pour le quart de tous les établissements de cette catégorie. À l'échelle canadienne, les restaurants avec permis d'alcool sont également ceux dont la marge bénéficiaire est la plus faible, soit 3,7 % comparativement à 5,2 % pour les restaurants sans permis d'alcool.

À la lumière de l'argumentation que nous venons d'exposer, trois constats se dégagement clairement selon nous. Le premier constat est à l'effet que de nombreuses campagnes de sensibilisation, programmes de formation et autres dispositions légales mises de l'avant pour dissuader les conducteurs de prendre la route avec un taux d'alcoolémie à 80 mg ont connu et connaissent encore un énorme succès. Des progrès remarquables ont été enregistrés depuis le début des années quatre-vingt, et le bilan routier ne cesse de s'améliorer à ce chapitre.

Le second constat est à l'effet que la majorité des conducteurs décédés avait pris de l'alcool affichant un taux d'alcoolémie supérieur à 150 mg, soit près de deux fois la limite permise. Par contre, les conducteurs décédés avec un taux d'alcoolémie se situant entre 50 mg et 80 mg ne représentent que 6 % des conducteurs ayant consommé de l'alcool avant leur décès. Enfin, considérant l'hypothèse qu'un taux d'alcool limité à 40 mg ne permet pas d'intercepter les véritables contrevenants à qui on attribue la majorité des accidents, l'industrie de la restauration s'inquiète fortement des conséquences, sociales pour les consommateurs, économiques pour les entreprises, qu'une telle mesure entraînerait.

Par conséquent, l'Association des restaurateurs du Québec recommande humblement à la commission des transports et de l'environnement les point suivants: de ne pas donner suite à l'option d'abaisser de 80 mg à 40 mg la limite légale du taux d'alcool autorisé pour conduire un véhicule au Québec et que le statu quo soit maintenu; d'encourager la poursuite et même l'intensification des campagnes de prévention de la conduite avec les facultés affaiblies par l'alcool – ces campagnes doivent plus particulièrement rejoindre les individus représentant un véritable danger sur les routes, notamment les chauffards récidivistes et les alcooliques chroniques; finalement, d'appuyer concrètement les initiatives déjà mises de l'avant par les différentes associations et autres organismes en assurant le maintien et même le développement de leurs programmes de prévention de la conduite avec les facultés affaiblies. Il serait également souhaitable que les autres regroupements concernés soient appelés à s'impliquer à leur tour activement dans la mise en place de tels programmes dans leur milieu respectif. Merci beaucoup de votre intérêt pour notre point de vue.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Minguy. Alors, M. le ministre.

M. Chevrette: Je voudrais vous remercier, moi aussi, et vous dire que vous développez, à toutes fins pratiques, le point de vue de ceux qui vous ont précédés, c'est-à-dire l'Association des bars – un instant, je vais vous donner le terme exact – la Corporation des propriétaires de bars, brasseries, tavernes et restaurants du Québec. Donc, vous avez développé exactement le même, même point. Vous étiez sans doute là, un peu, pour un certain temps, le temps qu'on les a questionnés?

M. Meunier (François): Brièvement, on est arrivé quelques minutes avant la fin de leur intervention. Et je peux vous dire qu'on ne s'est pas parlé avant. Alors, c'est la preuve que l'industrie a...

M. Chevrette: Ah! mais je n'ai pas laissé courir aucune insinuation.

M. Meunier (François): ...probablement le même point de vue sur le sujet.

M. Chevrette: J'ai tout simplement dit que je constatais que vous développiez le même point. Mais je peux peut-être vous poser quelques petites questions, en fait. Il me semble que les restaurants comme tels, vous êtes moins impliqués dans une consommation sévère que peuvent l'être les bars. Est-ce que je me trompe?

M. Minguy (Bernard): Certaines personnes peuvent aller au restaurant et aller au bar ensuite. Mais il y a certaines personnes qui vont passer la soirée au complet au restaurant, donc apéro, vin, digestif.

M. Chevrette: Mais il ne va pas là nécessairement pour boire. Il va là pour manger.

M. Minguy (Bernard): Effectivement.

M. Chevrette: Bien, j'espère, en tout cas, pour vous.

M. Minguy (Bernard): Effectivement. Ils ne vont pas là uniquement que pour boire. Effectivement.

(16 h 20)

M. Chevrette: Je comprends qu'on peut prendre un apéro ou qu'on peut prendre une bouteille de vin et un digestif, mais il est bien évident que, s'il y avait réduction à 0,04 par rapport à 0,08, c'est une marge que je reconnais très importante. C'est même basé sur les capacités, la grosseur de l'individu, etc. Même je me suis laissé dire par des Suédois que c'était, pour eux... Quand ils vont au restaurant, ils consomment une bouteille de vin – avec sa femme, sa conjointe – c'est fini, mais ils retournent en taxi, ils ne prennent pas l'auto ou ils ne viennent pas par des moyens autres que celui de leur propre automobile. Mais est-ce que ça diminue réellement vos commerces, le fait d'avoir des modifications sur les taux d'alcool?

M. Minguy (Bernard): Actuellement, ça représente un minimum de 20 % des ventes.

M. Chevrette: Bien oui, mais ça fait 20 ans, là, qu'on est à 0,08. Les restaurants, c'est plein, chez vous. Ça déborde.

M. Minguy (Bernard): Ils ne sont pas tous pleins. Si on fait le...

M. Chevrette: Toutes les chaînes sont installées dans toutes les petites villes, vous le savez. Moi, chez nous, je pense qu'il n'y a plus une chaîne qui n'est plus là, là.

M. Meunier (François): M. Chevrette, je peux vous mettre en relation, probablement, la situation de l'industrie... Vous savez que le Québec est en diminution de ses ventes, en 1999, de 5 %. Pourtant, ailleurs au Canada, on est en pleine croissance. Le nombre de faillites est ici supérieur de beaucoup à la moyenne canadienne. En fait, tout près de 50 % des faillites de restaurants au Canada ont lieu au Québec. Alors, oui, c'est sûr, vous avez une observation qui est normale du citoyen qui s'aperçoit qu'on fréquente les restaurants beaucoup le samedi, beaucoup le vendredi, mais il y a des journées où c'est beaucoup plus tranquille et où la facture moyenne est beaucoup plus faible.

Si je peux vous mentionner une petite chose: L'entrée en vigueur du 0,08 est probablement un des facteurs qui ont le plus affecté l'industrie à l'époque. Et, quand les gens font un peu un bilan, une rétrospective des 20 dernières années, on met la TPS là-dedans, on met l'entrée en vigueur de la loi sur les pourboires, je peux vous dire que, pour beaucoup des gens, les mesures entourant la diminution du taux d'alcoolémie, c'en est une autre.

Alors, si, là, on veut passer à 0,04, bien, pour nous, comme on tente de vous le démontrer, on pense que, effectivement, la mesure va probablement être assez difficile pour l'industrie. Parce que non seulement on s'inquiète de perdre des ventes d'alcool, on s'inquiète aussi du fait que les gens, pour beaucoup, dans une certaine part, vont rester chez eux. Parce qu'il y a de plus en plus d'offres de produits par des traiteurs, par des supermarchés, ou on préfère...

On parlait de la Saint-Valentin tout à l'heure, alors on peut très bien, comme couple, décider, si le taux d'alcoolémie est 0,04, de préférer rester à la maison, aller s'acheter des bons produits dans des épiceries fines ou faire affaire avec un traiteur, et à ce moment-là de ne pas se préoccuper du tout de cette question-là de perdre son permis de conduire. Alors, à toutes fins pratiques, c'est non seulement des ventes d'alcool qu'on s'inquiète de perdre, mais aussi des ventes de nourriture.

M. Chevrette: Mais, à Terre-Neuve, Île-du-Prince-Édouard, Nouveau-Brunswick, Ontario, c'est 50 à 80 mg. C'est plus faible que le Québec. Comment vous expliquez que le Québec serait plus en danger que ces quatre provinces-là?

M. Minguy (Bernard): La clientèle québécoise, on est une société distincte...

M. Chevrette: Oui, ça, on le sait.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Minguy (Bernard): ...on est des gens qui aiment beaucoup le vin. Contrairement aux gens qui peuvent être dans les Maritimes ou dans l'Ouest, ce sont des gens qui vont aimer mieux les spiritueux. Boire un seul spiritueux à la place d'en boire deux ou trois, c'est quelque chose qui se fait, mais boire un seul verre de vin... Ça se vend à la bouteille.

M. Chevrette: Je comprends, mais c'est parce qu'il m'apparaît que les faillites, par exemple... Vous reliez ça aux faillites, vous dites que le Québec, c'est le pire endroit. Vous avez parlé de TPS. La TPS, c'est la TPS du fédéral partout dans toutes les provinces. Le 0,08 ici est supérieur en permissibilité à toutes les provinces que je vous ai données. Je pense qu'il y a d'autres choses, moi. Il y a d'autres raisons que simplement le taux d'alcool ou la TPS qui est une taxe uniforme sur le plan du fédéral. On a une TVQ, nous autres.

M. Meunier (François): C'était uniquement pour vous mettre en relation le fait que vous indiquez que les restaurants étaient pleins, on voulait tout simplement relativiser en vous indiquant que ce n'est pas...

M. Chevrette: Oui, mais là vous êtes en train de les vider; moi, je les ai remplis. Ça serait pas mal plus favorable pour vous autres. Mais prenons un juste milieu. Ils sont à moitié pleins. Vous ne pensez pas que c'est plutôt un phénomène d'établissement de chaînes dans plusieurs endroits qui n'avaient peut-être pas la capacité d'avoir autant de restaurants. Moi, j'ai des rues, là, c'est plein de restaurants. Sur la même rue, vous allez trouver...

M. Meunier (François): Si on fait un débat sur le trop grand nombre de restaurants, on aurait préparé autrement le document. Effectivement, la question de l'alcoolémie est un seul facteur...

M. Chevrette: Oui, mais c'est parce que vous affirmez que le Québec... M. le directeur général, vous avez affirmé vous-même que c'était terrible au Québec.

M. Meunier (François): Oui, la situation de la restauration au Québec est assez difficile.

M. Chevrette: Puis vous m'avez donné deux exemples des causes: le 0,08 et puis la TPS. C'est vous qui m'avez dit ça. Donc, je pars de ces deux exemples-là.

M. Meunier (François): On peut poursuivre avec le trop grand nombre de restaurants.

M. Chevrette: Non, mais je prends vos deux exemples, M. le directeur général.

M. Meunier (François): Il y a d'autres mesures fiscales.

M. Chevrette: Laissez-moi finir ma phrase, je vais vous laisser finir après.

M. Meunier (François): Allez-y!

M. Chevrette: Je prends vos deux exemples. C'est deux mesures qui sont fausses parce que la TPS, c'est pour tout le monde et puis le 0,08, il est plus permissif ici que dans cinq ou six provinces canadiennes. Donc, ça ne marche pas, votre affaire.

M. Meunier (François): Non, je vous ai donné comme exemple, au début, quels étaient les facteurs qui avaient créé le plus de problèmes dans le secteur de la restauration ces dernières années. Et l'entrée en vigueur de la TPS a fait chuter les ventes en 1991 de 12 %.

M. Chevrette: Bien, partout!

M. Meunier (François): Ce n'est pas juste au Québec, c'est ailleurs aussi. Alors, dans ce sens-là, aujourd'hui évidemment l'impact de la TPS, c'est neutralisé. Ça fait tout près de 10 ans que c'est en vigueur. Mais, sur une certaine période de temps, il n'y a personne qui nie que l'entrée en vigueur de la TPS a été négatif. Il y avait uniquement une taxe de vente de 10 % au provincial, à l'époque, qu'on a diminuée d'un certain pourcentage, mais on a ajouté une autre taxe, aussi de 7 %, au fédéral. On se retrouve aujourd'hui avec un taux de taxation de 15,025 %. Il ne faut pas penser que le consommateur, lui, n'a pas préféré à ce moment-là modifier ses habitudes et ses comportements de consommation. C'était uniquement pour relativiser votre observation à l'effet que la restauration était florissante.

Ceci étant dit, la question du taux d'alcoolémie est un facteur parmi tant d'autres, et, pour nous, le fait de diminuer de 0,08 à 0,04 n'est pas justifié, dans le sens que les campagnes de prévention, le comportement des Québécois par rapport à l'alcool, autant au niveau de la conduite en état d'ébriété ou à d'autres facteurs, est extrêmement positif. Alors, qu'est-ce qui, pour nous, vient justifier de diminuer ce taux d'alcoolémie là? On se pose la question. Et, pour nous, ce n'est pas quelque chose qui apparaît comme justifié au moment où on se parle.

M. Chevrette: Pourquoi, dans ce cas-là... Donnez-moi donc les raisons pour lesquelles le Québec serait le pire, d'abord que les deux que vous m'avez données ne sont pas bonnes. Trouvez-moi donc celles qui seraient bonnes, les raisons.

M. Brouillette (Hans): Vous parlez au niveau de l'industrie en général, que ça va mal? C'est ça que vous voulez dire?

Une voix: Oui, oui.

M. Brouillette (Hans): Bien, écoutez, la première des choses, on l'observe bien, on a des données là-dessus: le nombre de restaurants par tranche de 10 000 habitants est plus élevé au Québec que nulle part ailleurs. Donc, c'est clair. On parle de 23, 24 restaurants par 10 000 habitants, alors que la moyenne canadienne est peut-être de 18 ou 19. Alors, c'est clair que plus on a de restaurants pour une même population, pour des groupes de population équivalents, on se retrouve avec une part de tarte très, très petite pour chaque restaurant. Donc, la survie devient plus difficile dans un contexte comme celui-là.

M. Meunier (François): C'est un autre facteur. Il peut y en avoir d'autres. La situation économique aussi a été moins...

M. Chevrette: Celui-là, il est très différent des autres. La TPS, c'était pour tout le monde. Le ratio n'est pas égal. Ça, c'est une raison fondamentale.

Une voix: C'est ça.

M. Chevrette: Probablement plus valable pour fins de faillite. Bien sûr, si tu as moins de... si t'as à te partager un bassin de population... Je ne sais pas, moi, si t'as 20 000 personnes – je prends un arrondissement comme chez nous, on a 40 et quelques milles si on compte les paroisses avoisinantes de Joliette, mettons 50 000, chiffre rond – qu'il arrive un Pizza Hut, St-Hubert, McDonald's, prenez toutes les chaînes, Harvey's, Subway, tout, c'est évident que la restauration traditionnelle est bouchée par ce transfert de clientèle vers les grandes chaînes, c'est évident. Mais ça, c'est le risque de la concurrence d'affaires, ça, vous savez très bien. Ou bien êtes-vous en train de me dire qu'il faudrait, comme gouvernement, réglementer le nombre de restaurants?

(16 h 30)

M. Meunier (François): Ça a déjà été proposé et je vous dirai que, à ce moment-ci, il y a eu une certaine évolution sur cette question-là. On ne parle plus maintenant de contingence au niveau de l'émission de permis, on parle davantage de qualifier les exploitants. Et, dans ce sens-là, oui, ça fait encore partie beaucoup des revendications puis des discussions qui ont lieu dans l'industrie. Mais, à moins que vous me disiez aujourd'hui que le gouvernement est disposé à entrevoir un contingentement dans l'émission de permis, je ne suis pas sûr que ça fait l'objet du débat.

M. Chevrette: Je suis convaincu que, si je m'en avisais, il y en a peut-être une couple qui viendraient me dire que ce n'est pas mon dossier. Non. Je voulais tout simplement essayer de comprendre, parce que ce n'est pas nécessairement le taux d'alcool, ici, qui fait que vous êtes nécessairement pénalisés par rapport à d'autres situations à l'intérieur du Canada.

M. Meunier (François): Non. Mais, d'ailleurs, si vous lisez bien notre mémoire, là, on ne remet pas en question le 0,08. C'est de le baisser à 0,04 qui est notre problème.

M. Chevrette: Oui, oui.

M. Meunier (François): Alors, pour l'instant, pour nous, on ne demande pas d'augmenter à 0,12.

M. Chevrette: Mais on le mettrait à 0,05, comme plusieurs provinces canadiennes, ou on le mettrait gradué, comme certaines provinces canadiennes, puis vous ne seriez pas pires à l'intérieur du Canada. C'est ça qui m'a agacé quand vous avez présenté votre mémoire. C'est comme si ici c'était un drame, alors qu'on est plus permissif qu'ailleurs. Ça me semblait accrocher un petit peu. C'est pour ça que je suis revenu et je considère que l'argument de monsieur...

M. Meunier (François): Mais je pense que M. Minguy vous l'a expliqué, on a un comportement puis on a des habitudes de consommation extrêmement différents par rapport à l'alcool. Ici, c'est le vin qui est le produit le plus vendu à la Société des alcools; à la Ontario Liquor Board, c'est du rye ou du whisky. Alors, il y a une très grosse différence.

Vous savez qu'il y a des perceptions extrêmement différentes selon les différentes provinces au niveau du dossier de la conduite en état d'ébriété. Il faut quand même admettre que Nez rouge ou toute autre initiative de ce type-là ont fait énormément avancer les choses. Nous, comme association, ça fait 10 ans qu'on a adopté une politique d'intervention en matière de prévention de la conduite en état d'ébriété. On a produit des vidéos, des guides pour les patrons, des guides pour les employés. On a suggéré aux gens d'adopter des politiques. Et, d'ailleurs, ça fait partie un peu de notre façon de voir les choses. C'est la sensibilisation et la formation plutôt que la coercition. Et on préfère toujours aller dans ce sens-là. On croit beaucoup plus à ça aussi.

M. Chevrette: Donnez-moi donc un exemple d'actions concrètes, là, qui ont été mises en vigueur ailleurs puis qui ont porté des fruits.

M. Meunier (François): Dans les autres provinces?

M. Chevrette: En dehors du Québec, oui.

M. Meunier (François): Écoutez, on n'est pas des spécialistes en sécurité routière. On s'est penché sur votre projet de livre vert et, dans ce sens-là, on n'a pas la prétention de vous dire aujourd'hui qu'on a fait une analyse internationale de la situation de la conduite en état d'ébriété. Absolument pas. Ce qu'on a regardé, c'est la situation du Québec. Nous, les propres initiatives qui existent ici, c'est certains constats qui ont été faits par Statistique Canada et même par Éduc'alcool qui était une organisation qui, vous le savez, a été créée par la Société des alcools il y a déjà un certain temps. Et ces gens-là font des analyses, font des sondages, produisent des rapports. Et, somme toute, tout le monde arrive au fait que la situation ici est quand même extrêmement positive. Alors, notre constat à nous: Qu'est-ce qui justifie aujourd'hui d'abaisser le taux d'alcoolémie? C'est la question qu'on pose.

Pour nous, somme toute, le niveau d'inattention de quelqu'un qui est dans une voiture, lorsqu'il est en conversation avec le passager, lorsqu'il est au téléphone avec son portable ou lorsqu'il tente de changer le poste de la radio, n'est probablement pas pire que celui de quelqu'un qui a pris... Une femme de 125 livres qui a pris un verre de vin rouge avec son sandwich pendant l'heure du lunch, elle risque, s'il y a un barrage, de perdre son permis, si on passe à 0,04.

M. Chevrette: Là, ce n'est plus un souci de la restauration, c'est un souci de l'individu.

M. Meunier (François): Bien, disons que ça fait partie de notre préoccupation. Je pense qu'il faut considérer aussi ce que la société là-dedans a à gagner versus ce que les individus ont à perdre. Et, somme toute, c'est un plaisir de la vie: bien boire, bien manger. Et là on ne parle pas de surconsommation d'alcool, on vous parle d'une ou deux consommations dans le cas des femmes. Les femmes, c'est terminé à 0,04. C'est la sobriété totale, sinon trouvez-vous un lift. Ce n'est pas compliqué. Alors, dans ce sens-là, il n'en demeure pas moins qu'il faut mettre les gens au courant de cet élément-là.

M. Minguy (Bernard): Le véritable problème, c'est que la majorité des gens qui ont causé des accidents et qui étaient en état d'ébriété, on le voit... Les gens qui étaient à 150 mg, 57 %; ceux qui étaient entre 80 et 150 mg, 26 %. Bon. On arrive à un ratio au-dessus de 80 %, là. Le problème est là. C'est bien plus eux, c'est ces gens-là qui sont dangereux, qu'il faut éliminer des routes.

M. Chevrette: Partagez-vous le point de vue de vos prédécesseurs? Là, je ne veux pas vous faire chicaner entre vous deux, mais j'essaie de voir si vous partagez au moins entièrement le point de vue de la corporation qui s'est présentée avant vous. Mais, sur les barrages routiers, êtes-vous pour qu'il y en ait plus ou moins? Première question.

M. Minguy (Bernard): Moi, je n'ai aucun problème avec les barrages routiers. En fait, une personne qui... Dans l'éventualité d'un 80 mg qui serait la loi, les gens sont déjà conscients de ça et ils vont faire leur consommation en fonction de 80 mg. Les gens vont s'arrêter à 80 mg. À 40 mg, ce qui m'inquiète, c'est que les gens vont dire: Je n'irai pas au resto, je ne peux même pas prendre de vin. Ça fait que, si je ne peux pas prendre de vin, je n'irai pas au resto, je n'irai pas manger.

Qu'il y ait des barrages routiers... Qu'il y en ait; il y en a, il y en a eu tout l'hiver. C'était parfait, c'est parfait. Si ça peut sortir des routes 82 % des gens qui ont un taux de 80 mg et plus qui ont causé des accidents, si ces gens-là, on peut les sortir, tant mieux, et surtout les gens qui conduisent sans permis parce qu'on leur a retiré. C'est ces gens-là qui sont dangereux.

M. Chevrette: Il ne me reste plus de temps, donc...

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Ça va être bref parce que je pense que, comme l'a mentionné le ministre, vous abordez le sujet de la même façon un peu que le groupe qui a présenté son mémoire avant vous autres.

Je pense que le ministre a exploré un peu avec vous les causes du nombre de faillites. Je n'entrerai pas dans ce domaine-là parce que c'est un autre débat. Mais ce que je comprends, au fond, ce que vous nous dites, c'est que, si on diminue de 0,08 à 0,04, évidemment, ça a une incidence sur les revenus et éventuellement sur la rentabilité de vos entreprises. Et la question fondamentale qu'il faut se poser d'abord, c'est: Dans quelle mesure ça serait justifié de le faire?

Je dois vous dire que vous nous arrivez avec des chiffres et, à date, personne dans ceux qui sont passés, dans les mémoires que j'ai lus à date, ne nous fait la démonstration claire qu'il y a des problèmes énormes entre le 0,08 et le 0,04. Alors, je suis plutôt porté à être d'accord avec votre point de vue et ça aurait évidemment des conséquences importantes.

Est-ce que ça ferait faire faillite? Je ne le sais pas, mais, chose certaine, c'est que ça enlève à peu près la moitié du chiffre d'affaires possible au niveau de la vente des boissons dans le cadre des activités de vos restaurants. Alors, si c'est inutile, si ça n'apporte pas d'améliorations sensibles – c'est toujours une question de coûts-bénéfices, les coûts économiques versus les bénéfices sociaux qu'on peut en retirer – bien je pense que le gouvernement n'est pas justifié de faire de telles modifications.

Dans les statistiques que vous nous apportez, au fond, vous mentionnez que les gens qui se situent entre 50 mg et 80 mg ne représentent que 6 % des décès et seulement 2,6 % de tous les décès de conducteurs, soit le groupe le plus faible. Je pense que ce qui n'est pas démontré non plus... Ce n'est pas parce qu'on dit qu'il y a 6 % des décès qu'on associe à des gens qui avaient un taux d'alcool entre 0,04 et 0,08 que c'est l'alcool qui était la cause non plus. Alors, il ne faut pas mettre deux réalités en parallèle puis faire des liens de cause à effet entre les deux. Et ça, comme je vous l'ai mentionné, ça ne nous a pas été démontré, qu'il y a un lien de cause à effet au niveau de l'alcool dans cette catégorie-là.

Je suppose aussi que, quand on a mis le 0,08, on avait un certain rationnel qui faisait que ça nous semblait raisonnable qu'une personne, passé ce taux-là, commence à avoir des facultés affaiblies au niveau de sa capacité de conduire et que, en deçà du 0,08, c'était quand même acceptable. Alors, je comprends bien votre message de ce côté-là.

(16 h 40)

En fait, le dernier commentaire que je voudrais faire, c'est sur le fait que, quand on regarde toutes les campagnes qui ont été faites sur l'alcool au volant et les campagnes de sensibilisation, évidemment je pense qu'on a obtenu des résultas intéressants. Et ma perception aussi, c'est que le milieu des gens qui vendent de l'alcool, je pense aux restaurants, aux bars, aux tavernes, les gens ont fait preuve d'un sens des responsabilités, à mon avis, de façon générale, assez exemplaire et se sont impliqués avec un sens des responsabilités intéressant dans ces campagnes-là.

On voit aujourd'hui que les gens qui vendent ces produits-là se donnent des moyens, en même temps, en faisant des services de raccompagnement, en produisant des documents, comme vous y avez fait référence. Je pense que c'est intéressant de voir que ce n'est pas des gens seulement qui veulent vendre de la boisson, mais qui assument aussi une certaine responsabilité sociale et qui s'impliquent activement dans les campagnes, en collaboration avec la SAAQ. Je pense que les résultats qu'on a obtenus – en tout cas que, moi, je trouve intéressants – sont probablement dus à ce fait-là, que ça a été fait en collaboration avec les gens du milieu.

Une question que j'aurais à vous poser seulement, c'est sur les statistiques, là, quand on parle du... Je fais référence ici aux données que vous avez eues de la SAAQ, le tableau qui est à la page 15, où on a le nombre de conducteurs décédés par taux d'alcoolémie. Quand j'ai vu ces données-là, je mettais ça en parallèle avec la présentation qui nous a été faite avant. Le groupe qui était venu avant nous faisait part du problème avec les jeunes surtout, on parlait d'une catégorie, 21-34, etc. Est-ce que vous avez des données – ou, si vous ne les avez pas, on pourrait demander à la SAAQ – sur la répartition du nombre de personnes, à l'intérieur de chacune de ces catégories-là, du taux d'alcoolémie en fonction de l'âge?

M. Brouillette (Hans): Je pense qu'on les a effectivement, mais on ne les a pas mises en valeur, ici, dans notre document. Donc, on ne les a pas sous la main, là.

M. Bordeleau: Est-ce que vous pourriez nous les faire parvenir? Parce que je pense ça nous permettrait peut-être de comprendre les autres éléments qu'on a eus avant où on nous dit que la proportion de jeunes qui sont arrêtés avec des facultés affaiblies est plus grande. Alors, on voit une courbe descendante avec l'âge. Et la question que je me pose, c'est que, dans le cas des conducteurs décédés, est-ce qu'on retrouve plus de jeunes, par exemple, qui ont des taux de 0,15 et plus? Ou comment ça se répartit, ça? De fait, quand on regarde le cas des conducteurs décédés avec un taux d'alcool, est-ce que c'est réparti également dans toutes les catégories d'âge ou si on retrouve – selon l'hypothèse qu'on émettait un peu avant – plus d'individus, par exemple jeunes, dans certaines de ces catégories-là?

M. Brouillette (Hans): Bien, écoutez, on n'a pas fait l'analyse encore, mais, oui, on peut la faire, et on peut vous la faire parvenir sans problème.

M. Bordeleau: À ce moment-là, vous pouvez la faire parvenir au secrétariat de la commission.

M. Chevrette: On peut vous la donner tout de suite, c'est l'annexe H du bilan 1998.

M. Bordeleau: O.K. Bien, à ce moment-là, on va la faire photocopier.

M. Chevrette: On les a par groupes d'âge.

M. Bordeleau: Par catégorie de... Le tableau 15 mais réparti par âges? O.K. Alors, on l'a ici, on va nous le transmettre par la suite. Alors, moi, je n'ai pas de question particulière à vous poser. Je pense qu'on comprend bien le message dont vous nous avez fait part.

M. Minguy (Bernard): J'aimerais juste rajouter un point important. On parle beaucoup des jeunes; ils sont déjà sensibilisés. Moi, je le vois – j'ai une clientèle variée – dans mon établissement puis dans les autres établissements de gens que je connais. Et, déjà, c'est entré dans l'éducation de ces gens-là, les 18 à 25 ans, les conducteurs désignés ou la limite qu'on s'impose. Mais il y a des gens aussi qui ont des 150 mg et plus d'alcool dans le sang, c'est récurrent, c'est d'année en année. Alors, c'est dans ce groupe-là qu'il faudrait vraiment aller les chercher, c'est ceux-là qu'il faut sortir de la route.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs de l'Association des restaurateurs du Québec, pour votre participation aux travaux de la commission.

J'invite les représentants de la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec à bien vouloir prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, messieurs, à cette commission. Je demande au porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent, en vous indiquant que vous avez un maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur le livre vert.


Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec inc. (CCAQ)

M. Drolet (J. A. Gérald): Alors, mesdames et messieurs, bonjour. Mon nom est Gérald Drolet, je suis le président du conseil d'administration des concessionnaires automobiles du Québec. Et laissez-moi vous présenter mes collègues: à ma droite, Me Jacques Béchard, qui est le P.D.G. de notre Corporation; Me Frédéric Morin, notre conseiller juridique; et, non pas le moindre, à ma gauche, M. Maurice Roy, qui est secrétaire-trésorier de notre Corporation et également propriétaire de la concession Maurice Roy Chevrolet-Oldsmobile, ici, à Beauport.

Alors, nous tenons d'abord à vous remercier de nous recevoir aujourd'hui, de nous avoir invités et de nous permettre de vous donner notre point face à ce problème. Alors, avant de céder la parole à notre P.D.G. qui vous parlera des aspects plus techniques de ce dossier, permettez-moi de vous dresser un petit portrait de notre Corporation.

La Corporation des concessionnaires automobiles rassemble quelque 880 concessionnaires d'automobiles et de camions lourds, tous détenteurs d'une franchise d'un constructeur pour la vente de véhicules neufs et également de la réparation et de l'entretien des véhicules. Nous sommes particulièrement fiers de notre représentativité, puisque 92 % des concessionnaires automobiles de la province de Québec font partie de notre Corporation, spécialement sachant que l'adhésion à notre Corporation est volontaire. D'abord, notre siège social de la Corporation est ici, à Québec. Il existe depuis 1945 et emploie présentement une quinzaine d'employés.

Je dois vous dire que notre Corporation a une double mission. La première est de dispenser à tous nos membres une représentativité auprès des gouvernements, des ministères et des différents organismes de notre secteur relativement aux diverses lois qui régissent le domaine de l'automobile. Et laissez-moi vous dire que des lois, dans l'automobile, il y en a plusieurs.

Notre Corporation est également responsable des contrats et des formulaires qu'utilisent nos membres dans leurs entreprises. En effet, la CCAQ produit une quinzaine de formulaires standards, notamment le contrat de vente qui doit respecter les différentes dispositions de la Loi sur la protection du consommateur et les différentes règles en matière de TVQ et TPS. En parlant de taxes, je vais faire une brève parenthèse pour vous dire que nos concessionnaires, collectivement, perçoivent pour vous 1 700 000 000 $ de taxes annuellement. Alors, je pense qu'on fait un peu notre part, au moins pour les collecter.

Nous verrons dans quelques secondes les impacts d'une éventuelle implantation du cinémomètre photographique, le photo-radar, sur les employés, les entreprises et également sur les clients de nos concessionnaires qui prêtent et louent des véhicules.

Comme vous le savez, lorsque vous vous rendez au service après-vente d'un concessionnaire et que la durée de la réparation dépasse une journée, nos concessionnaires ont soit des voitures de courtoisie soit des voitures de location. Retenez bien ces chiffres: l'ensemble de nos membres prêtent en moyenne à tous les jours cinq voitures à leurs clients; ils fournissent à leurs employés entre huit et 10 voitures qui sont immatriculées au nom du concessionnaire.

Bref, seulement pour nos membres, c'est plus de 10 000 véhicules qui circulent sur les routes du Québec et qui sont immatriculés au nom du concessionnaire et non au nom du chauffeur, également les compagnies de flottes de location journalière, telles Location Pelletier, Avis, Tilden, Budget, on peut parler aussi d'une autre dizaine de milliers de véhicules qui sont sur la route et qui n'appartiennent pas au conducteur, mais bien aux entreprises. Alors, je n'ai pas besoin de vous dire que la problématique, elle est là.

Alors, je cède maintenant la parole à Me Jacques Béchard, qui va vous élaborer les conséquences néfastes de l'introduction du photo-radar pour toutes les entreprises québécoises prêteuses ou loueuses de voitures à leurs clients. Merci.

M. Béchard (Jacques): Merci, M. Drolet. Bonjour, mesdames, messieurs. C'est toujours un plaisir de revenir vous saluer. Je pense qu'on doit aller dans le vif du sujet. Ça serait simple de vous dire que le photo-radar, on est contre ça. Probablement qu'individuellement vous êtes tous contre ça, sauf que, en tant que représentants du peuple, vous avez une décision importante à prendre: Est-ce que le Québec doit introduire une machine qui va donner des tickets? C'est aussi simple que cela.

Une voix: ...

M. Béchard (Jacques): Des billets d'infraction. Et voilà! Et la question que vous vous posez sûrement et celle dont on doit discuter, c'est: Est-ce que l'introduction d'une telle mesure, qui n'est pas populaire, aura un impact sur la réduction des accidents? Le point est là. Et, dans la préparation de notre mémoire, nous avons lu certaines études, notamment une qui avait été préparée pour le ministère des Transports en 1998, Synthèse des pratiques et des études recensées à travers le monde .

(16 h 50)

Écoutez. Ce que l'on retient, nous, comme Corporation – et c'est une observation non scientifique – c'est que, au niveau de la réduction des accidents, il y a certains États qui ont décidé que ce n'était pas significatif; il y en a d'autres qui ont dit qu'effectivement ça l'était. On n'est pas ici pour vous donner des informations qui ne sont pas exactes. Ce que je retiens, entre autres, c'est que le Koweit, au niveau de l'étude, est cité, puis le Koweit a décidé qu'il n'y avait aucun impact sur la réduction. Est-ce que c'est parce que les gens du Koweit ont beaucoup de sous pour payer leurs billets d'infraction avec des pétrodollars? On ne le sait pas. Sauf que ce que l'on retient à ce niveau-là – et il y aura sûrement des experts qui vous fourniront des données plus précises – c'est que c'est très difficile d'évaluer les impacts sur la réduction des accidents.

À partir de là, on sait qu'il y a des États ou pays qui l'ont aboli, entre autres l'Alaska. L'Alaska l'a aboli, Oakland en Californie, d'autres régions, l'Ontario, on connaît pourquoi. Ce n'est pas toujours bon de citer l'Ontario parce que souvent ce n'est pas nécessairement un bon exemple. Sauf que, en Ontario, on sait que ça a été retiré pour une raison possiblement électorale, hein, Bob Rae l'avait adopté, puis... Il faut dire les choses telles qu'elles sont. Mais le point que nous voulons souligner, c'est ceci: Il n'est absolument pas clair que le photo-radar a un impact suffisant pour l'implanter, compte tenu que la population est totalement contre.

Ceci étant dit, on aimerait insister sur le problème que les propriétaires auront. Vous le savez, lorsqu'on prête des véhicules, M. Drolet vous l'a mentionné... Prenez l'exemple que je donnais à TVA l'autre soir d'un touriste qui vient au Québec, qui loue un véhicule: photo-radar, infraction, propriétaire qui la reçoit, et ce touriste-là demeure, par exemple, à Washington ou, si on veut amplifier le problème, en Australie. Qu'est-ce qu'on fait? Essayons de récupérer l'amende. Et le message fondamental que nous voulons formuler aujourd'hui, M. le ministre et Mmes, MM. les députés, c'est: S'il vous plaît! Ne faites pas porter le fardeau ou l'odieux de collecter des amendes à des propriétaires qui gèrent leur entreprise et qui investissent – et là je parle de nos membres – des sommes considérables pour satisfaire leur clientèle.

Là, je vous donnais un exemple extrême qui va arriver souvent. Un exemple journalier: un concessionnaire prête un véhicule à un client qui laisse son véhicule au service. Le client, photo-radar – le client ne le sait même pas, hein, c'est ça qui est dramatique – le concessionnaire reçoit l'infraction, il appelle sont client, il dit: Écoute, tu t'es fait pincer, tu t'es fait prendre. Comment, je me suis fait prendre! Imaginez la difficulté. Tu parles à ton client, là, qui est ta raison d'être en affaires, puis tu lui dis: Écoute, il faut que tu me paies ce billet d'infraction là parce que c'est moi qui l'ai reçu.

Je pense qu'on n'a pas vraiment besoin d'élaborer longtemps sur ces difficultés-là, qui vont être quotidiennes pour des centaines et des centaines d'entreprises au Québec. Là, on vous parle de nos 900 concessionnaires, qui, en passant, vendent 350 000 véhicules neufs par année puis 250 000 usagés, et de 30 000 emplois. C'est considérable comme industrie, l'industrie automobile, c'est très considérable.

Donc, nous, ce qu'on vous dit, c'est: Un, le photo-radar ne devrait pas être introduit au Québec compte tenu qu'il n'y a pas d'étude significative en matière de réduction des accidents, et, deux, si malheureusement l'État décidait d'aller de l'avant, il est fondamental et essentiel que des mesures soient faites pour protéger les entreprises qui prêtent et qui louent des véhicules.

Nous avons soumis dans notre mémoire une solution fort simple, soit celle d'avoir une mesure administrative à la Société de l'assurance automobile où, si une entreprise qui est propriétaire, exemple un concessionnaire, reçoit une infraction, elle complète une formule standard émanant de la Société de l'assurance automobile en disant: Voici, c'était un véhicule qui était prêté, à telle heure, à tel client, veuillez nous libérer immédiatement de cette infraction-là pour ne pas avoir à suivre le processus des tribunaux ordinaires. Et là je suis obligé de vous dire, par déformation professionnelle – je suis avocat – souvent les clients nous disent que les avocats, ça coûte cher, mais, moi, je dis que la justice est longue et dispendieuse.

Une voix: ...

M. Béchard (Jacques): Hein?

M. Chevrette: ...avocat, nous autres.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard (Jacques): C'est ça. Oui. Elle est pas mal bonne, M. le ministre. Je vous relancerai mais plus tard.

Donc, ce que l'on vous dit: Nous ne souhaitons pas une telle mesure compte tenu que la population est contre. Deuxièmement, si fatalement elle était adoptée, nous voulons l'adoption des mesures préconisées dans notre mémoire qui sont finalement réalisables. Et, si nous pouvons nous permettre de vous remercier de nous avoir écoutés, vous avez constaté que notre point est très précis. Il est assez limpide et on a voulu effectivement centrer sur cet élément-là. Et ça nous fera plaisir de répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, Messieurs. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Nous aussi, on vous remercie. Ça va nous permettre de donner aussi notre point de vue sur le sujet. Tout d'abord, je vous dirai qu'en Australie – vous avez parlé d'Australie – c'est moins 30 %. Puis on est allé chercher sur place les informations. Est-ce que c'est tout vrai? Est-ce qu'ils nous ont emplis un petit peu, pas gros ou passablement? Je ne le sais pas. Je suis arrangé comme vous. Je n'ai pas la science infuse. Puis on prend ce qu'on nous donne, naturellement, à gauche et à droite, d'informations qu'on peut cueillir. Qu'est-ce qui arrive quand il y a un stationnement illégal avec une voiture louée? Première question.

M. Roy (Maurice): Effectivement, M. le ministre, on reçoit chez nous la contravention. On est obligé de faire des recherches à savoir à qui on avait prêté le véhicule. Lorsqu'il s'agit de notre véhicule démonstrateur, c'est assez facile. On va voir le gars à qui on l'a prêté puis, si c'est un de nos employés, c'est très facile de lui dire: Regarde telle date, tu nous paies, c'est toi le responsable. Mais, lorsque c'est un client, c'est tout autre chose.

M. Chevrette: Qu'est-ce que vous faites?

M. Roy (Maurice): On le paie, monsieur, puis on encaisse le coût parce que, bien souvent, le gars: Ah! ce n'est pas moi qui l'avais, puis ainsi de suite.

M. Chevrette: Vous payez le stationnement, là?

M. Roy (Maurice): Bien oui.

M. Chevrette: Vous n'avez pas une carte de crédit ouverte pour toutes les infractions qui se commettent avec un véhicule? Moi, j'ai loué des autos en Europe, j'en ai loué un peu partout à travers le monde puis j'ai...

M. Roy (Maurice): Non. Écoutez, là. Il faut faire la différence entre une voiture... Excusez si je vous coupe la parole. Un prêt de véhicule, ce n'est pas prêté avec une carte de crédit ouverte que le consommateur nous a laissée. C'est prêté à partir, bien souvent, d'une formule ou prêté, pour aller faire une commission, à un employé x. Alors, quand on reçoit la contravention, on peut la recevoir plusieurs jours plus tard.

M. Chevrette: Là, je comprends. Mais il y a trois dimensions là.

M. Roy (Maurice): Oui.

M. Chevrette: Il y a la location à long terme, vous le savez. L'enregistrement est à notre nom.

M. Roy (Maurice): Oui.

M. Chevrette: Je l'ai fait, donc je sais ce que c'est. Je loue pour une semaine ou 15 jours. Je m'engage à payer les stationnements, les infractions de vitesse, c'est une deuxième situation, donc une location encore. Qu'est-ce qui arrive avec une saisie d'auto, quand on vous saisit une auto, puis le bonhomme a loué? C'est la même affaire. Vous n'avez pas une formule d'engagement de payer l'ensemble, et le numéro de carte de crédit pour vous payer dès la réception de l'infraction?

M. Morin (Frédéric): Avec votre permission. Il y a également – juste pour faire une courte parenthèse – chez les concessionnaires une pratique à l'effet de prêter des véhicules par accommodation, c'est-à-dire un prêt à titre gratuit. Vous parliez de la location à court terme...

M. Chevrette: Ah! je comprends. Vous réparez une auto une journée, par exemple, vous laissez... C'est correct.

M. Morin (Frédéric): Exact. Donc, ça, ce phénomène-là, ça existe. Donc, à ce moment-là, on n'a pas de carte de crédit, pour reprendre votre expression. C'est un prêt qui est fait gratuitement au client pendant que son véhicule est à la réparation soit au service soit à la carrosserie. D'autre part, au niveau de l'application de la loi n° 12, on sait qu'on doit effectivement remplir une formule auprès de la Société de l'assurance automobile du Québec. On sait également que la Société est très, très rigoureuse dans l'application, de sorte que de temps à autre on a des refus de mainlevée, de saisie.

(17 heures)

Nous, ce qui est préconisé dans le mémoire, c'est qu'on ne désire pas que la Société ait une discrétion. À partir du moment où on fournit la preuve que ce n'est pas nous qui avons conduit le véhicule, ce n'est pas nous qui sommes responsables de l'infraction, nous, on ne souhaite pas que la SAAQ accorde une discrétion; c'est qu'automatiquement elle nous libère. Et on a proposé également de fournir une liste, comme on l'a fait au niveau de la loi n° 12, annuellement, qu'on fournit à la Société de l'assurance automobile du Québec pour dire: Nous, on est des gens qui prêtons ou louons des véhicules routiers.

M. Chevrette: Mais l'objectif des scénarios qu'il y a là, ce n'était pas de pénaliser des concessionnaires automobiles. N'est-il pas exact que les difficultés que vous avez dans les mainlevées, c'est plutôt quand c'est votre propre employé?

M. Morin (Frédéric): Non, pas du tout.

M. Chevrette: Moi, on m'informe que, dans le cas où c'est une personne à qui vous rendez... bien, des services, c'est une façon de faire du commerce, c'est un service additionnel que vous donnez. Il y a certains garagistes qui vont reconduire la personne au travail puis qui vont la rechercher. Il y en a d'autres qui font comme vous autres, qui prêtent une auto, puis surtout si c'est un gars qui gagne sa vie avec une auto, vous lui prêtez une auto. Ça, je reconnais ça.

L'objectif, ce n'est pas de pénaliser les concessionnaires, l'objectif, c'est vraiment de faire en sorte que... Que tu aies une auto prêtée ou que tu aies une auto louée pour une journée ou pour une semaine ou pour 15 jours ou bien que tu aies une auto louée pour trois ans puis avec une possibilité de rachat, tu es un instrument de danger public pareil.

M. Morin (Frédéric): M. le ministre, avec votre permission, la loi n° 12...

M. Chevrette: Vous n'avez aucune permission à me demander. C'est lui qui est boss, là.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Morin (Frédéric): Avec la loi n° 12, dans le fond, tout ce qu'il faut faire, c'est la démonstration qu'on ignorait que le conducteur à qui on avait confié le véhicule avait son permis révoqué, suspendu, n'était pas titulaire du permis de conduire. Donc, nous, effectivement, on s'est ménagé une clause dans nos contrats par laquelle le client atteste ou reconnaît que son permis est valide, etc.

Donc, on fournit les formulaires de mainlevée à la SAAQ et on fait tout simplement alléguer qu'on ignorait puis, preuve à l'appui, on a une signature du client qui vient reconnaître que son permis de conduire était valide. Lui, s'il nous a fait une fausse représentation, c'est évident que la Société va nous remettre notre véhicule. Mais ce dont vous parlez, c'est de percevoir les argents, ce qui est tout autre chose.

M. Chevrette: Non, mais vous prêtez une automobile à un client. Il s'en va à 150 km/heure, vous ne saviez pas qu'il roulerait à 140 ou à 150, vous. C'est normal que l'individu paie, c'est correct. On s'entend. Ce n'est pas à vous autres à payer pour une infraction d'un individu, sauf que, si on a une mesure de sécurité, je pense qu'il y a moyen de trouver des solutions à ce problème-là tout en gardant des éléments de sécurité, sinon on ne pourrait pas en avoir. Pour tout ce secteur-là, il n'y aurait pas d'éléments de sécurité possibles parce que...

Moi, je pense qu'en se parlant on peut trouver des formules assez facilement pour régler ces questions, non seulement celle d'une personne qui a son permis puis qui vous le montre mais que, dans le fond, il est révoqué. Puis, s'il y en a qui peuvent l'avoir dans leurs poches puis que ça soit révoqué... Je vous comprends, là, ce n'est pas à vous autres de faire enquête.

Le Président (M. Lachance): M. Drolet, je vois votre impatience d'ajouter, allez-y.

M. Drolet (J.A. Gérald): Non, c'est parce que tantôt M. le ministre nous parlait de parcomètre. Effectivement, lorsqu'un consommateur a un billet de stationnement, au moins il l'a, le billet, puis il sait qu'il l'a eu. Et je peux vous dire que c'est la minorité des gens qui ne paient pas leurs billets de stationnement, parce qu'ils savent qu'ils leur appartiennent. Et un billet de stationnement, ça varie de 15 $ à 30 $. Alors, ça ne sera pas tout à fait le même cas d'un photo-radar, alors que le client ne saura même pas qu'il a eu une contravention.

M. Chevrette: Ah! il y a des amendes impayées dans le cas des stationnements. Vous tomberiez sur le dos puis moi aussi.

M. Drolet (J.A. Gérald): O.K. Non, je vous parle de celles qui sont à notre nom, M. le ministre.

M. Chevrette: Ah! je comprends, puis qu'ils prennent sur leurs plaques d'immatriculation.

M. Drolet (J.A. Gérald): Sur les voitures prêtées. Parce que je dois vous dire que, si le consommateur ne paie pas, lorsque vous envoyez la contravention, c'est à nous que vous l'envoyez.

M. Chevrette: Mais ça sera la même chose s'il y a un photo-radar, effectivement.

M. Drolet (J.A. Gérald): Mais c'est plus facile parce que le consommateur, il le sait qu'il l'a eue dans son pare-brise.

Le Président (M. Lachance): Me Béchard.

M. Béchard (Jacques): Oui. M. le ministre vient d'émettre un commentaire assez intéressant. Il dit: Il y a des amendes impayées, vous tomberiez sur le dos. C'est précisément pour ça qu'on est ici devant vous aujourd'hui, on ne veut pas être les payeurs d'amendes pour des infractions que les propriétaires n'ont pas commises.

Je reviens à la mesure. On parlait de la loi n° 12, M. le ministre. Il faut mentionner que, si la procédure administrative de libération des véhicules saisis avec la SAAQ ne fonctionnait pas, on ne l'aurait pas citée en exemple. Et on peut dire que ça va bien avec la SAAQ au niveau de cette mesure-là. C'est vrai qu'avec la Corporation on a une excellente collaboration parce qu'ils savent qu'on est là, entre autres, pour que les commerçants respectent les lois.

Lorsque vous dites: Il y a sûrement une solution, effectivement, elle est là, elle est dans notre mémoire, c'est: à chaque année – puis nous autres, on va vous faire ça très simple – on vous envoie la liste, à la SAAQ, des 882 membres. Ces gens-là sont des prêteurs et des locateurs de véhicules qui sont susceptibles d'être visés par des excès de vitesse constatés par photo-radar. Ça, c'est simple, ça, là.

Ensuite, dans chaque cas, le propriétaire qui reçoit une infraction complète une formule standard que la SAAQ va nous faire très simplement: Nous, soussignés, concessionnaires X, confirmons que, à telle heure ce jour-là, tel que constaté par l'infraction x, c'est M. ou Mme X qui conduisait le véhicule. S'il vous plaît, c'est un conducteur, nous ne sommes pas responsables, libérez-nous immédiatement de l'infraction. C'est ça qu'on vous demande, sans avoir à passer par la voie des tribunaux, et c'est ce qu'on fait avec la formule de mainlevée de saisie administrative. Je pense qu'on a été créatif parce qu'on voulait être simple. Et ça, c'est, bien sûr, si vous alliez de l'avant avec le projet.

Le Président (M. Lachance): M. Roy.

M. Roy (Maurice): Non, ça va. Ce que je voulais ajouter, c'est: En tant que commerçants, ce qui nous préoccupe le plus, c'est d'être obligés de débourser des argents, avancer des fonds et faire la collection justement de gens qui ont fait des infractions. On n'est pas contre ce principe-là. Ce qu'on essaie d'éviter, c'est justement de débourser puis de courir après des gens qui ont commencé à nous amener des objections pour ne pas payer. On devient des percepteurs à ce moment-là.

M. Chevrette: Mais, à Beauport, c'est tout du bon monde.

M. Roy (Maurice): Oui, c'est tout du bon monde, mais je peux vous dire que...

M. Chevrette: Mais vous prêtez votre auto une journée, je ne sais pas, moi, à madame de Sillery...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: ...et puis elle a une infraction de vitesse sur radar, non arrêtée par un policier mais par photo-radar, elle ne vous le dit pas...

Une voix: Ça ne se peut pas, ça.

Une voix: Elle ne le sait pas encore.

M. Chevrette: Oui, elle doit s'en douter parce que, dans le contexte...

Une voix: ...

M. Chevrette: Non, non, un instant, on va s'expliquer. Oui, elle peut le savoir parce qu'on dit qu'on n'installera rien sans que ce ne soit indiqué même sur la route: Vous entrez dans une zone de radar.

Des voix: ...

M. Chevrette: Ah! écoutez, je pense que quelqu'un qui conduit de façon le moindrement alerte, il le sait. Surtout quand il y a une photo puis que c'est marqué «radar», on le sait.

M. Roy (Maurice): Prenons pour acquis qu'elle le sait.

M. Chevrette: Elle le sait, mais elle ne vous le dit pas. Je continue mon raisonnement, je finis mon raisonnement avant. Moi, j'en ai loué, des autos, et j'ai signé un papier comme quoi je m'engageais à tout payer: les stationnements, si j'avais une infraction... Il y a des pays, ils ont déjà adopté ça, les formules pour se faire payer automatiquement. Vous demandez la question? Non, elle est poursuivable et son numéro de carte de crédit est ouvert pour payer toutes ses redevances autres que celles de la location, s'il y a infraction puis que c'est rattaché à l'auto. Ça, on bâtira les formules légales pour vous fournir, mais je trouve que ça se règle, ça.

M. Drolet (J.A. Gérald): M. le ministre, le problème n'est pas là. Écoutez, nous, on va être obligés de payer le gouvernement pour une faute qu'on n'a pas commise.

M. Chevrette: Ce n'est pas ce que je vous ai dit. J'ai dit que, si on s'entend sur des formules légales où la carte de crédit est ouverte pour toute infraction...

M. Roy (Maurice): Il n'y a pas toujours, M. le ministre, une carte de crédit ouverte dans le cas de prêt de véhicule. Je vous donne...

M. Chevrette: Qu'est-ce qui vous empêche de le faire?

M. Roy (Maurice): Bien, je vous donne un exemple. Les manufacturiers automobiles, que ce soit... je veux parler pour GM parce que, dans le cas de GM, je connais la politique par coeur. Ils vont allouer un véhicule que nous allons faire en sorte de louer, le véhicule, pour le client. Le client, il remplit le véhicule, il va aller chez un dépositaire de voitures de location à court terme, il peut tout remplir ça là-bas. Il n'y a pas de carte de crédit à ce moment-là parce que la voiture est louée. C'est nous autres qui payons et nous faisons la réclamation à GM et GM va nous payer. C'est la même chose dans le cas de Ford ou de Chrysler. Donc, il n'y a pas eu de manipulation de carte de crédit dans ce cas-là.

Je pourrais prendre le même cas des voitures démonstrateurs qu'on prête: c'est des formules que nous remplissons, il n'y a pas de carte de crédit. Je pourrais prendre les formules, les plaques x...

(17 h 10)

M. Chevrette: C'est un élément de marketing pour vous autres.

M. Roy (Maurice): Pardon.

M. Chevrette: Les prêts, c'est un élément de marketing pour vous autres.

M. Roy (Maurice): Pas seulement...

M. Chevrette: Vous prêtez une auto parce que ça vous conserve un client. C'est votre façon de faire votre publicité. Je pense qu'il faut démêler deux choses. Quand vous louez dûment, en bonne et due forme, une automobile pour une journée, une semaine ou un mois, à long terme, c'est réglé: on a l'immatriculation au nom de l'individu. Mais, quand vous louez à du court terme, vous ne prenez jamais de chances, vous le prenez sur carte de crédit. Vous ne voulez même pas qu'on vous paie en argent sonnant. Je n'ai pas vu une place dans tout ce que j'ai loué à travers le monde qui ne veuille pas une carte de crédit, précisément pour se couvrir jusqu'à la dernière minute. Ça, c'est la première des choses.

La deuxième des choses, je ne vous dis pas qu'on n'est pas ouvert à quelqu'un, là. Vous n'êtes pas obligés d'avancer de l'argent au gouvernement, je comprends ça, là. Mais on pourrait être ouvert à des formules en autant qu'il y a déclaration d'individu. En tout cas, on parlera intelligemment sur les formules, ce n'est pas... Mais, quand vous arrivez à faire votre promotion en prêtant, vous faites une promotion à vos risques. Ne faites pas une promotion au détriment d'un tiers. Si c'est là votre marketing, si c'est là votre façon, vous autres, de vous faire connaître, de garder vos clients, de tout, pourquoi que ça serait la société en général qui paie?

M. Drolet (J.A. Gérald): Non, non. Écoutez, on ne demande pas à la société de payer pour nous, absolument pas. Mais on ne veut pas être obligé de payer pour quelqu'un qui est coupable. C'est juste ça qu'on dit.

M. Chevrette: Bien, vous le collecterez. C'est vous autres... C'est eux autres qui prêtent.

M. Drolet (J.A. Gérald): Alors, si vous nous sortez des formulaires, M. le ministre...

M. Chevrette: Ils ne louent pas dans ce cas-là, il faut bien se comprendre. Je vois bien les réactions, mais je pense que les gens mêlent deux concepts. Il y a une différence entre une location légale d'une auto pour laquelle l'individu paie puis il en a la responsabilité tant pour le stationnement que pour la vitesse que pour les infractions qu'il subit. Il paie même son assurance, le temps qu'il loue, ou il y a une partie de la location qui sert à payer l'assurance. Donc, pas de problème de ce côté-là.

Vous m'arrivez, vous plaidez devant nous un deuxième aspect. Et, surtout, c'est M. l'avocat qui l'a plaidé. Donc, je suis convaincu que c'était fait dans les règles et dans les normes. Il dit: Nous, on prête une auto. Quand vous prêtez une auto, c'est vous qui prenez des risques avec le prêt de votre auto. Pourquoi que ce serait un tiers qui assumerait les risques pour vous alors que c'est votre moyen de faire du marketing, de faire de la publicité pour votre business? C'est deux choses différentes entre la location puis le prêt. C'est ça que je veux dire.

M. Drolet (J.A. Gérald): J'ai le plaisir, moi, de vous vendre un véhicule et je vous dis: Écoutez, à chaque fois que vous allez venir au service, je vais vous prêter un véhicule. Vous venez chez moi, je vous prête un véhicule, vous partez et, pas vous, là, quelqu'un qui est avec vous passe sur un photo-radar. Vous, vous ne le feriez pas.

M. Chevrette: Non, jamais.

M. Drolet (J.A. Gérald): Ah! malheureusement, je reçois la contravention. Pourquoi que ce serait moi qui recevrais la contravention et qui serais obligé de vous appeler pour vous dire: M. le ministre, le 16 février, à 3 h 30, vous avez passé sur un photo-radar, vous me devez 65 $? C'est juste ça, notre point. C'est illogique.

Une voix: Moi, M. le ministre...

M. Drolet (J.A. Gérald): Si vous nous donnez un formulaire à l'effet que, effectivement, vous nous dégagez de ça parce qu'on vous a prouvé, on a prouvé à la SAAQ, que ce n'est pas nous autres qui conduisions le véhicule, c'était M. le ministre, ça, à ce moment-là, on n'a pas de problème. C'est juste ça qu'on veut.

M. Chevrette: Là, je serais un éteignoir pour votre propre plan de marketing si c'est moi qui cours après. Mais ils savent qu'il y a nécessairement une délation de votre part. Sur le plan du... du gros vécu quotidien, pour vous, la façon de prêter une auto, ça vous rapporte en marketing. Là, vous me dites...

M. Drolet (J.A. Gérald): On aimerait mieux ne pas en prêter parce que, en passant, on a 60 clients par jour...

M. Chevrette: Non, je comprends. Mais ce que vous faites, vous allez dire à la SAAQ: C'est Guy Chevrette qui conduisait le véhicule à 3 h 30 le 16. La SAAQ me dit: Suite à une information de M. Drolet, nous savons que vous chauffiez telle auto, telle marque, prêtée le 16, à 3 h 30. Ça ne vous servira plus bien, bien, dans votre plan de marketing, ça.

M. Béchard (Jacques): M. le ministre, vous avez un bon point. C'est un point intéressant et nous l'avons effectivement analysé. La question de délation, c'est délicat. Depuis la loi sur la protection sur les renseignements personnels – et nous avons été une corporation excessivement active dans le dossier pour faire en sorte que nos membres la respectent à la lettre – il serait très facile de corriger ce que vous venez de mentionner avec une petite phrase, dans la clause dans la protection des renseignements personnels, à l'effet que le client consent à ce que, si effectivement il y avait un photo-radar, le concessionnaire divulgue l'information. Comme ça, là, c'est transparent, ça va avec la philosophie du gouvernement actuel, etc. Je pense que ça répond à votre point.

M. Chevrette: Oui, oui. C'est correct. J'ai saisi.

M. Béchard (Jacques): Parce que je ne pense pas que la...

M. Chevrette: Quand on m'explique pas trop vite, je comprends. Ha, ha, ha! D'accord.

M. Béchard (Jacques): C'est important, ça, au niveau de la transparence...

M. Chevrette: Mais il faudrait que, au niveau de la législation, il y ait une obligation de donner le nom ou bien vous payez le risque, s'il n'y a pas cette obligation de faire. Parce que je ne verrais pas pourquoi... Je comprends que ce n'est peut-être pas intéressant pour vous, mais il faut bien comprendre que, pour des fins de sécurité, il faudrait au moins qu'il y ait identification du proprio.

Comme si, moi, je prête mon auto à mon fils et je reçois l'amende, je sais que c'est lui qui l'a, comprenez-vous? Sauf qu'on ne met pas de points de démérite parce que ce n'est pas nécessairement vous qui est êtes au volant ni moi. Donc, c'est pour ça que le système de cinémomètre ne constitue qu'un droit d'amender ou de poser des amendes, mais pas de points de démérite, précisément parce que ce n'est pas nécessairement l'individu qui est propriétaire du véhicule qui est le conducteur lui-même.

M. Drolet (J. A. Gérald): Mais, dans le cas où je vous ai prêté un véhicule, M. le ministre, est-ce que c'est vous qui devriez payer l'amende ou si c'est moi?

M. Chevrette: Moi, je pense que tout citoyen honnête qui pose un geste, c'est à lui à payer l'amende.

M. Drolet (J. A. Gérald): C'est juste ça, notre point.

Le Président (M. Lachance): Rapidement, s'il vous plaît, parce que le temps imparti aux députés ministériels est à toutes fins pratiques terminé. On va passer la parole aux députés de l'opposition. Si vous avez un message à passer, vous pourrez le faire à ce moment-là.

M. Béchard (Jacques): Ah oui! merci, monsieur. C'est beau.

Le Président (M. Lachance): Alors, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci. Je veux vous remercier pour la présentation de votre mémoire. En fait, c'est le premier groupe qui nous présente ce point de vue là et je pense qu'il est important. D'ailleurs, on a signalé à plusieurs reprises que l'idée du cinémomètre, des gens ont dit: Oui, mais il faudrait qu'on regarde d'abord, avant de penser à ça, de quelle façon ça pourrait fonctionner puis que ça pourrait s'implanter. Puis ça, ça n'a pas été fait.

Vous nous arrivez avec quelque chose, on l'apprend. Le ministre est probablement sensibilisé lui aussi en même temps que nous autres. Il y a une démarche qu'on a sautée dans cette... Et puis il y a des problèmes juridiques qui nous ont été mentionnés, il y a toutes sortes de problèmes reliés à cette application-là. Et je pense qu'on est en train de mettre la charrue avant les boeufs dans ce moyen-là. Je pense que c'est utile que vous nous arriviez avec les aspects que vous nous soulignez parce que, de fait, ils n'ont pas été vus et c'est quand même important. Si j'ai bien compris, il y a 10 000 véhicules, dans les concessionnaires, qui sont prêtés pour du service comme ça à la clientèle.

Le ministre mentionnait tout à l'heure que c'est votre forme de marketing, en voulant dire: Il faut que vous assumiez les conséquences de tout ça. Mais ça ne veut pas dire, parce que c'est du service à la clientèle, c'est un bon marketing, que les concessionnaires doivent être obligés d'assumer des situations qui n'ont pas de sens. L'autre élément aussi, je pense, qu'on devrait se poser, puis vous l'avez souligné tout à l'heure dans votre mémoire, mais vous êtes entrés rapidement sur le problème pratique que ça vous pose, si je me souviens bien, vous avez posé la question à savoir: Est-ce que c'est réellement utile? Puis ça, on n'a pas de réponse là-dessus.

C'est-à-dire qu'on a des points de vue; d'autres ont des points de vue différents. Il y a toute une question, disons, d'efficacité du moyen, vous savez, parce que celui qui va recevoir une infraction 10 jours après qu'il l'a commise, ça ne change pas, ça, le comportement, si on pense à la sécurité routière. Et le ministre nous dit que c'est ça, son objectif. Mais c'est beaucoup plus efficace quand un policier arrête quelqu'un sur le fait qui va 30 km de plus que la limite que de recevoir, 10 jours après, un avis qu'il est allé 30 km plus vite. Il y a 10 jours de passés et puis, durant cette période-là, bien, il a pu continuer à aller à la même vitesse puis représenter les mêmes dangers pour la société. Mais on ne l'a pas informé, puis, lui, il a continué à agir de la même façon. Alors, en termes d'efficacité, au niveau de la sécurité routière, c'est loin d'être évident que le moyen est efficace.

(17 h 20)

Le ministre nous disait ce matin: Oui, mais on pourrait utiliser ça dans des conditions bien particulières où on va utiliser le cinémomètre pour des tronçons, par exemple, de routes particulièrement meurtriers. Alors, on va utiliser ça dans ces conditions-là pour faire diminuer le taux de... Je pense que l'objectif est louable. Maintenant, le moyen... Quand on a très bien identifié un segment de route où les accidents sont plus fréquents, on peut très bien demander à la police de faire des patrouilles plus fréquentes. On n'est pas obligé de mettre un cinémomètre avec tout ce que ça a d'inefficace, quand on pense que ça arrive... puis à part des problèmes pratiques, dont celui que vous avez soulevé.

Donc, il ne faut pas perdre de vue... Parce qu'on a embarqué rapidement dans un problème particulier puis on cherche la solution à ce problème-là. Puis je pense que c'est correct, c'est le problème que vous anticipez dans l'éventualité où on l'appliquerait. Mais je pense qu'il ne faut pas perdre de vue la question, à savoir: Est-ce que c'est justifié, d'abord et avant tout, de penser à un moyen comme ça, en termes d'efficacité et en termes de nécessité? Parce qu'on n'aurait pas d'autres moyens, de nécessité, d'avoir recours au cinémomètre photographique. Et ça, ça n'est pas démontré à date, en tout cas à mon avis, et il y a quand même beaucoup de réserves par rapport à toute cette question-là.

Tout à l'heure, M. Roy faisait référence au fait que, par exemple, dans le cas du stationnement, vous recevez des amendes parce que le client n'a pas payé. Qu'est-ce qui arrive? Vous dites: On les paie. Puis j'ai compris qu'on les paie puis on absorbe.

M. Roy (Maurice): On essaie, bien sûr, de les collecter, comme on dit, de les récupérer, mais, si on ne peut pas, on n'a pas le choix, c'est à notre nom. Alors, on ne peut pas commencer...

M. Bordeleau: Quand on parle de petits montants...

M. Roy (Maurice): C'est ça, 17 $, 20 $, alors on va l'absorber.

M. Bordeleau: Alors que, dans le cas de vitesse, ça sera des montants quand même assez dispendieux?

M. Roy (Maurice): Voilà.

M. Bordeleau: Donc, je pense qu'il y a un problème pratique là, qui est très bien mis en évidence. Maintenant, vous avez fait référence tout à l'heure, M. Béchard, je pense, à une étude que vous avez consultée, de la SAAQ, qui a été faite en 1998. Est-ce que vous avez le nom de l'étude en question?

M. Béchard (Jacques): Oui, effectivement, le thème là, c'est Le cinémomètre en sécurité routière – Synthèse des pratiques et des études recensées à travers le monde, en regard de son implantation éventuelle au Québec . Ça a été commandé par le ministère des Transports en 1998 et c'est le groupe de recherche en sécurité routière de l'Université Laval. C'est assez complet comme informations, malgré que, M. le ministre l'a souligné, il y ait des informations qui ne peuvent pas toutes être confirmées, parce que, dépendamment des États... puis ça date de 1998. Ça va vite là, ça fait deux ans.

M. Chevrette: M. le député, M. Paquet qui est l'auteur de cette étude va venir témoigner devant nous.

M. Bordeleau: ...déposer copie de l'étude à la commission?

M. Chevrette: Oui, aucun problème. On vous en donnera des copies parce que même l'auteur de cette recherche va venir nous dire qu'il est favorable.

M. Bordeleau: O.K. Alors, on distribuera aux membres de la commission l'étude en question, ce qui nous permettra de voir de façon un peu plus précise toutes les dimensions de cette problématique-là. Alors, moi, je n'ai pas d'autres questions.

M. Chevrette: J'aurais juste une petite remarque. On n'a pas pris le monde à l'envers en faisant ça. Si on avait voulu mettre la charrue avant les boeufs, là, on ne vous aurait pas fait venir ici puis on ne vous aurait pas donné l'opportunité de vous exprimer. On ne vous aurait pas offert l'opportunité peut-être de nous faire des suggestions pour régler. Si on fait ça, c'est justement parce qu'on ne veut pas mettre la charrue devant les boeufs mais les boeufs devant la charrue.

M. Bordeleau: On aurait pu mettre dans le document toutes les réserves que les gens nous expliquent. Si on avait été les chercher avant, on aurait pu les inclure aussi dans le document, de sorte que tout le monde aurait pu...

M. Chevrette: Non, c'est le propre de demander aux gens de nous dire ce qu'ils pensent. Ce n'est pas à nous autres à aller le leur arracher dans les tripes.

M. Bordeleau: Non, non. Rien n'empêche la SAAQ de faire ses devoirs puis d'aller chercher l'information avant.

M. Chevrette: On leur a donné l'opportunité de venir nous rencontrer, avec des beaux sourires. M. le député, vous devriez vous réjouir de ça.

M. Bordeleau: Je m'en réjouis, mais je pense que le travail aurait pu être mieux fait de ce côté-là.

M. Chevrette: Je pense que c'est bien fait puis ils ont très bien fait ça. Je vous remercie, messieurs.

Le Président (M. Lachance): Alors, pour terminer la journée sur une note d'ouverture et de positivisme, je remercie les membres de la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec pour leur présentation. Alors, merci, messieurs.

Et, sur ce, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'au mardi 8 février, à 9 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

(Fin de la séance à 17 h 24)


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