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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 23 février 2000 - Vol. 36 N° 41

Consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec : un défi collectif


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Table des matières

Auditions


Autres intervenants
M. Claude Lachance, président
M. Guy Chevrette
M. Yvan Bordeleau
M. Christos Sirros
M. Norman MacMillan
M. André Pelletier
M. Michel Côté
*Mme Noushig Eloyan, ville de Montréal
*M. Robert Kahle, idem
*M. Carol Richard, idem
* M. Domenico Scalise, ARRL
*Mme Danielle Gauthier, idem
*Mme Lisa Lamarche, Chauffeur Sécur
*M. Robert Silverman, Le Monde à bicyclette
* M. Rodrigue Rouleau, Groupe conseil Techni-Data Management inc.
et Roadtronic Technologies International
*M. Réal Filiatreault, idem
*M. Michel Levert, idem
*M. Michel Fleury, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-deux minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre d'une consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec: un défi collectif .

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Sirros (Laurier-Dorion) remplace M. Benoit (Orford) et M. MacMillan (Papineau) remplace M. Middlemiss (Pontiac).

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, aujourd'hui, nous allons entendre les représentants de certains groupes comme, d'abord, la ville de Montréal; ensuite, la Fondation des accidentés de la route et Me Michel Cyr; à 11 h 30, l'Association des accidentés de la route de la région des Laurentides. Cet après-midi, Chauffeur Sécur; ensuite, Monde à bicyclette; pour terminer avec Groupe conseil Techni-Data Management et Roadtronic Technologies International.

J'indique que, jusqu'à la conclusion de nos travaux il y a deux semaines, le 10 février, la commission avait entendu au total 40 groupes ou individus lors de 39 auditions. Avant d'entreprendre nos travaux, je rappelle que l'utilisation des téléphones cellulaires est interdite dans cette salle. Alors, bienvenue, tout le monde.


Auditions

Immédiatement, je demande aux représentants de la ville de Montréal de bien vouloir s'identifier.


Ville de Montréal

Mme Eloyan (Noushig): Merci. M. le ministre, M. le Président, Mmes et MM. membres de la commission. Alors, je m'appelle Noushig Eloyan, je suis vice-présidente du comité exécutif de la ville de Montréal, responsable des dossiers, entre autres, qui touchent la circulation, l'environnement, la voirie, etc.

Je suis accompagnée aujourd'hui de deux membres du département de la circulation, M. Robert Kahle, qui est ingénieur de section, ici, à ma gauche, au Service de la circulation, division transport, circulation, géomatique. Il est aussi président du comité consultatif provincial sur la signalisation routière à l'AQTR, membre du comité ministériel sur la signalisation routière, à la table 5, membre de l'ATC dans différents comités, entre autres sur les feux sonores et les feux cyclistes. À ma droite, M. Carol Richard, qui est ingénieur de section à l'ingénierie de la circulation et de l'éclairage, aux travaux publics. Donc, ils m'accompagneront aujourd'hui pour vous apporter les informations nécessaires sur le livre vert.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, madame, messieurs, et je vous indique que vous avez un maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur le livre vert. Allez-y.

Mme Eloyan (Noushig): Merci, M. le Président. Le livre vert sur la sécurité routière au Québec déposé par le ministre des Transports du Québec est de premier intérêt pour la ville de Montréal. Dans ce domaine, nous avons fait des efforts importants, particulièrement dans les dernières années, ce qui a amélioré notre bilan routier, et nous en sommes très fiers. Nous sommes donc heureux de contribuer à la discussion amorcée par ce livre vert par la présentation de ce mémoire, qui se veut le partage de notre expérience et l'indication de nos orientations sur quatre des cinq sujets du livre vert.

Au chapitre du port de casque protecteur pour les cyclistes, la ville de Montréal est en faveur du port du casque et est convaincue que les moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir doivent davantage être axés sur la conscience et la responsabilité des cyclistes plutôt que sur la répression. Obliger le port du casque se traduirait sans doute par une augmentation de son utilisation, mais le système de contrôle serait inutilement complexe, lourd et répressif. L'application de la loi par les corps policiers, les procédures juridiques et pénales pour les contrevenants, les nombreux cas particuliers sujets à la jurisprudence ne sont que quelques exemples des difficultés qu'il faudrait rencontrer. Dans la société québécoise d'aujourd'hui, la ville de Montréal croit qu'une approche axée sur la conscience collective et la responsabilité des personnes donnerait de meilleurs résultats, en plus d'être socialement mieux acceptée. Porter le casque pour votre sécurité plutôt que le porter parce qu'on vous y oblige.

Par ailleurs, nous avons peu d'informations sur les causes des accidents. Les efforts doivent également porter sur l'identification de la source première de l'accident, telle que des fissures dans le revêtement, mauvaise conception de l'infrastructure, signalisation absente, etc., et les façons d'y remédier. Les normes de conception et d'aménagement des réseaux cyclables du Québec doivent être examinées en fonction de la sécurité et des récents changements qui caractérisent le paysage cycliste du Québec. Le suivi systématique de l'état des infrastructures cyclables au Québec ainsi que de leur utilisation est également fortement suggéré dans la recherche des solutions pour diminuer le nombre d'accidents à la tête.

De plus, les démarches visant la responsabilité pour le cycliste de se protéger avec le casque doivent être entreprises. Ces démarches seraient appuyées par différents mécanismes mis en place pour faciliter au cycliste l'acquisition d'un casque, tels que des subventions, commandites, promotions, etc. Ainsi, nous croyons que la problématique des accidents cyclistes occasionnant des blessures à la tête ne peut se traiter uniquement par l'obligation ou non du port du casque protecteur par le cycliste. Elle doit donner sur des mesures non coercitives et considérer l'ensemble des éléments en cause, comme je l'ai d'ailleurs mentionné: l'infrastructure, la signalisation, la conception, etc.

Au chapitre du patin à roues alignées. Bien que son apparition dans le paysage urbain soit toute récente par rapport aux autres modes, le patin à roues alignées a réussi à prendre sa place, est maintenant autorisé dans le réseau de voies cyclables de Montréal. Par contre, on constate que plusieurs utilisateurs débordent dans le réseau routier malgré la réglementation l'interdisant. En conséquence, la question qu'on se pose: Doit-on autoriser les patins à roues alignées dans le réseau routier?

(9 h 40)

En premier lieu, il faut prendre pour acquis que le comportement des patineurs à roues alignées se compare davantage à celui des piétons à la différence qu'ils se déplacent plus rapidement et qu'ils nécessitent un espace de déplacement plus grand. Les interventions aux niveaux législatif, réglementaire ou technique ne peuvent être suffisantes pour assurer la sécurité sans que le comportement des utilisateurs de ce mode change. Deuxièmement, la maîtrise des techniques de freinage pour le patin à roues alignées requiert des habilités plus grandes que pour le vélo, et le système de freinage est moins efficace. Il y a également tout l'aspect des équipements de visibilité du patineur et de protection physique qu'il faudrait également évaluer avant de penser à étendre cette pratique dans le réseau routier.

Plusieurs catégories de véhicules, différents par leur forme et par leur vitesse de déplacement, tels que les vélos, les autobus, les camions, les autos, etc., se partagent le réseau routier, et le défi des planificateurs consiste à intégrer harmonieusement tous ces modes. Et ces catégories de véhicules, si différentes soient-elles, ont par contre un point en commun: ce sont des véhicules routiers. Or, comme mentionné précédemment, le patineur n'est ni plus ni moins qu'un piéton à roulettes, et nous ne permettons pas au piéton de circuler dans les rues, encore moins un piéton qui se déplacerait rapidement, qui prendrait plus d'espace et qui nécessiterait une plus grande distance pour s'immobiliser. Il en va de la sécurité du patineur et des autres utilisateurs du réseau.

Le trottoir est dédié aux piétons, les voies cyclables aux cyclistes et aux patineurs, la chaussée aux véhicules, incluant le vélo. La problématique doit donc être examinée en fonction de cette logique: Est-ce que le réseau de voies cyclables permet d'intégrer adéquatement les patins à roues alignées? Est-ce qu'il répond à des critères de sécurité et d'accessibilité pour les patineurs à roues alignées? Et, à la lumière de ces réponses, le réseau pourra être ajusté et développé en conséquence.

Au chapitre du cinémomètre photographique. En matière de sécurité routière, il existe trois grands domaines d'intervention: le conducteur, le véhicule et la route. Les responsabilités qui incombent directement à la ville sur son territoire concernent principalement cette dernière, donc la route. Par ailleurs, l'évaluation globale du niveau de sécurité n'est pas évidente. Ainsi, tout réseau routier possède un seuil minimal d'accidents difficile à abaisser. Ce seuil est fonction des diverses caractéristiques propres au réseau routier, telles que la géométrie, les débits, etc., de ses caractéristiques environnementales, telles que climatiques, physiques, et des caractéristiques locales des conducteurs.

Les comparaisons effectuées en 1988 avec les autres grandes villes démontraient qu'à la ville de Montréal le nombre d'accidents mortels était le plus bas de toutes les villes d'envergure en Amérique du Nord. Malgré un bilan positif, la ville s'était engagée résolument dans la voie de la sécurité routière en se fixant pour objectif, entre autres, de diminuer le nombre d'accidents piétonniers de 25 % en cinq ans par rapport à 1990. Cet objectif a été à toutes fins pratiques atteint avec, entre autres, les différents programmes d'amélioration de la sécurité routière implantés par la ville. Ces programmes ont principalement porté sur les infrastructures routières qui sont de juridiction municipale.

Maintenant, pour abaisser le seuil minimal d'accidents, nous croyons que nous devons davantage nous attaquer au comportement des conducteurs de véhicule. C'est dans cette optique que la ville a procédé, conjointement avec le Service de la police de la Communauté urbaine de Montréal, à l'analyse des accidents où la vitesse est l'un des premiers éléments en cause. La ville de Montréal compile depuis nombre d'années les données contenues dans des rapports d'accidents fournis par le SPCUM sur son territoire. Entre autres, tous les accidents comportant des victimes tuées ou blessées sont codifiés. La ville de Montréal a procédé, au cours de 1999, à l'analyse de ces banques de données afin de déterminer l'incidence de la vitesse excessive des véhicules sur la sécurité des usagers de la route. La base de données informatiques des accidents a donc permis de recenser, entre 1989 et 1996, près de 3 000 accidents avec blessés ou tués alors que la vitesse était identifiée comme facteur déterminant.

Quant aux 62 rues identifiées – principalement des artères – comme rues sensibles où on pourrait retrouver justement ce type d'accidents, où les occurrences d'accidents sont les plus élevées, elles ont été classées en fonction de leur débit et de leur longueur respective. Ce classement a permis d'orienter les interventions à venir en signalant au Service de la police de la Communauté urbaine les tronçons de rues présentant les taux d'occurrences les plus élevés.

Ainsi, alors que le taux moyen d'accidents avec blessés dont la vitesse est un des deux premiers facteurs en cause est de sept accidents par kilomètre dans les principales rues artérielles de Montréal pendant la période de 1989 à 1996, les tronçons critiques présentent, pour le même type d'accidents et la même période, un taux moyen de 24 accidents par kilomètre. En outre, même en milieu urbain, comparativement à l'ensemble des accidents avec blessés ou tués, ceux dont la vitesse est le principal facteur causal comportent de 10 % à 15 % plus de blessés ou tués.

Pour réussir à modifier le comportement des conducteurs et ainsi diminuer le nombre d'accidents pour cause de vitesse, il est primordial de faire comprendre à la population que le contrôle de la vitesse permise sera resserré. C'est dans cette perspective que la ville de Montréal a acheté, en 1998, des radars laser qui ont été mis à la disposition de la police et qui permettent désormais de discriminer hors de tout doute les véhicules qui circulent trop rapidement à des endroits où il était autrefois difficile de le faire avec les appareils conventionnels.

Toutefois, plusieurs endroits nécessitent une présence soutenue, et seul un contrôle automatisé pourra contribuer à modifier le comportement des conducteurs. À notre avis, le cinémomètre photographique est un outil supplémentaire qui permettra de contrôler la vitesse aux endroits problématiques où l'occurrence des accidents pour cause de vitesse est élevée. Finalement, nous croyons qu'il serait opportun d'élargir le débat de façon à ce que d'autres types d'équipements, tels que les appareils de type feu rouge, par exemple, puissent être installés aux carrefours problématiques.

La vitesse a une incidence, donc, sur le nombre et la gravité des accidents. De nouvelles technologies ont été mises au point dans le but de contrôler la problématique reliée à la vitesse, et le cinémomètre photographique constitue l'un de ces outils privilégiés qui nous permettraient éventuellement de réussir à mettre en place un programme de contrôle de la vitesse. À notre avis, les règles du jeu doivent être modifiées pour faire comprendre aux conducteurs de véhicules que le risque de se faire prendre est maintenant plus élevé .

Dans le domaine du virage à droite sur feu rouge. La ville de Montréal s'est toujours préoccupée de la sécurité des usagers empruntant quotidiennement son réseau routier. Plus particulièrement au cours des dernières années, et bien que le bilan de sécurité était avantageusement comparable à celui des autres grandes villes canadiennes, Montréal s'est donné comme objectif – comme je l'ai mentionné – de réduire de 25 % le nombre et la gravité des accidents routiers sur son territoire.

Pour ce faire, la ville de Montréal a amorcé, au début des années quatre-vingt-dix, un programme d'amélioration de la sécurité des usagers comportant plusieurs volets. L'analyse des circonstances entourant ces accidents a démontré que les clientèles les plus vulnérables se concentraient principalement dans deux groupes d'âges, les cinq à neuf ans et les 10 à 14 ans. L'analyse des accidents a aussi révélé que les personnes âgées étaient surreprésentées dans les accidents par rapport à leur poids démographique. C'est ainsi que la ville de Montréal a implanté le volet amélioration de la sécurité aux abords des écoles en 1992, aux abords des parcs en 1993, aux abords des institutions en 1994 et aux 20 carrefours les plus accidentés en 1994 et 1995.

Parallèlement à ces interventions, soit entre 1992 et 1994, la ville de Montréal a implanté, aux intersections les plus achalandées, une priorité aux piétons par l'installation d'une flèche verte vers l'avant pendant les neuf premières secondes du feu vert. Et, de 1994 à 1997, la ville de Montréal a aussi implanté des dispositifs sonores à un groupe d'intersections fréquentées par des handicapés visuels.L'ensemble de ces interventions ont permis de réduire, entre 1991 et 1995, les accidents de 41 % pour les cinq à neuf ans, de 15 % pour les 10 à 14 ans, de 25 % pour les 65 ans et plus et donc de 23 % pour l'ensemble des piétons. À titre de comparaison pour les années 1991-1995, donc pour la même période, le taux d'accident piétons par 100 000 habitants était de 1,64 sur le territoire de la ville de Toronto et de 1,34 sur le territoire de la ville de Montréal, soit 18 % moins d'accidents. Concernant le taux d'accidents de la circulation impliquant toutes les catégories d'usagers de la route où l'on retrouve des victimes blessées ou tuées, le taux par 1 000 habitants était, pour la même période, de 4,9 % à Montréal, 5,7 % à Ottawa, 7,5 % à Edmonton, 8,5 % à Toronto, ainsi de suite.

(9 h 50)

Ce bilan plus que positif a d'ailleurs été reconnu par les experts en sécurité routière. En effet, la ville de Montréal s'est vu décerner par l'Association québécoise du transport et des routes, l'AQTR, le prix Sécurité routière 1992-1998 pour les villes de 30 000 habitants et plus. On en est très fier d'ailleurs et puis on vous montre ici notre trophée.

Non seulement Montréal ne permet pas le virage à droite sur feu rouge, mais elle ne permet pas non plus le virage à droite et le virage à gauche sur feu vert pendant les neuf premières secondes du mouvement aux intersections achalandées. Cette priorité est signifiée par l'affichage d'une flèche verte vers l'avant afin d'accroître la sécurité des piétons et des cyclistes à ces intersections. L'introduction du virage à droite sur feu vert compromettrait les acquis et irait à l'encontre de cette pratique qui s'avère très populaire et appréciée des piétons, et en particulier des personnes âgées qui forment une partie de plus en plus importante de la population.

Il a été démontré, dans le document intitulé Le virage à droite sur feu rouge – Examen critique de la documentation et analyses avantages/inconvénients , de Dussault, en 1992, que les économies de temps – entre trois et 15 secondes par opportunité de virage à droite sur feu rouge – et au niveau de l'essence – c'est environ de 2 $ par année par automobiliste – sont négligeables par rapport aux inconvénients découlant de l'introduction du virage à droite sur feu rouge.

Voici donc un bref rappel des conséquences sur la sécurité des usagers. L'intégration des données de neuf études originales sur des sites provenant de 17 états américains pour l'ensemble des accidents à virage à droite a produit les résultats suivants: augmentation de 44 % des accidents types virage à droite avec blessures pour les piétons; augmentation de 58,6 % des accidents types virage à droite avec blessures pour les cyclistes; augmentation de 9 % de l'ensemble des accidents pour tous les usagers.

Il n'est pas surprenant que le virage à droite sur feu rouge augmente le nombre d'accidents, car le simple fait de le permettre augmente le nombre de conflits potentiels aux intersections, notamment pour les piétons. Des études sur le respect du virage à droite sur feu rouge permettent d'expliquer la hausse observée dans le nombre d'accidents reliés aux virages à droite.

Il est étonnant de retrouver dans un livre vert visant l'amélioration de la sécurité routière que l'on étudie l'opportunité d'introduire le virage à droite sur feu vert. C'est d'autant plus inquiétant qu'une des conditions de succès soit une surveillance policière particulière lorsque l'on observe le désengagement progressif des corps policiers en matière de circulation et d'application de la réglementation. Globalement, ces comportements contradictoires, c'est-à-dire faire un virage à droite sur feu vert interdit et refuser d'en faire sur un virage à droite de feu vert permis, reflètent essentiellement l'illogisme intrinsèque du virage à droite.

En conclusion, compte tenu qu'il existe des moyens alternatifs au virage à droite pour réduire les temps de parcours et favoriser les économies d'essence, telles la coordination des feux, l'utilisation des détecteurs de véhicules pour opérer les feux sur demande, compte tenu également que ces moyens alternatifs n'ont pas les impacts négatifs sur la sécurité qu'ont les virages à droite sur feu rouge et le bilan de sécurité obtenu par la ville de Montréal suite à réalisation de son programme d'amélioration de la sécurité des usagers, la ville de Montréal recommande de maintenir le statu quo, c'est-à-dire de maintenir l'interdiction d'effectuer un virage à droite sur feu rouge. Merci pour votre patience.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme Eloyan. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Je voudrais vous remercier madame, messieurs. Je pense que je vais reprendre point par point avec quelques questions. Je pense qu'au niveau du casque en vélo vous vous inscrivez dans la lignée de la majorité qui ont déambulé devant nous, donc je n'en parlerai pas tellement.

Mais il y a les patins à roues alignées, parce que vous demandez de les placer sur un même pied que le vélo, si j'ai bien compris votre mémoire, alors que dans la loi actuelle les patins à roues alignées, c'est strictement interdit dans le Code de la route. Vous demanderiez donc d'assouplir, si j'interprète toujours votre mémoire, alors que, moi, je croyais véritablement que c'est vrai que c'est inapplicable pour la police. Ça passe à côté de toi puis: Bonjour, Luc!

Et puis, d'autre part, est-ce qu'on ne doit pas dans certains quartiers résidentiels ouvrir, dans le cas d'absence de pistes pour des jeunes, si on ne veut pas les voir sur les artères routières, sur les rues... Les grandes rues de Montréal, par exemple Sherbrooke à Notre-Dame, je ne sais pas, boulevard René-Lévesque, est-ce qu'on ne doit pas à ce moment-là donner au pouvoir municipal... Parce que vous semblez vouloir vous départir d'une responsabilité vis-à-vis les patins à roues alignées, en plus.

Donc, tout ça mis ensemble, vous ne pensez pas qu'on doit trouver une place au moins pour... Il s'en vend 100 000 paires par année, des nouveaux adeptes à chaque année. Ça va devenir un moyen fléau tantôt. On évalue à 500 000, 600 000 actuellement; si c'est 100 000 nouvelles paires par année qui se vendent, on va avoir des problèmes à... Surtout dans une ville comme Montréal, où il y a une densité dans la circulation énorme, vous ne croyez pas qu'on doive partager un peu une responsabilité pour identifier des corridors? Parce que c'est vrai que ce n'est pas applicable.

Mme Eloyan (Noushig): Ce que j'aimerais vous dire, M. le ministre, c'est que ce que nous faisons actuellement, c'est qu'on identifie l'utilisateur du patin à roues alignées à un piéton qui se déplace encore plus rapidement et qui prend beaucoup plus de place. Donc, si on ne permet pas aux piétons de circuler sur la voie routière, raison de plus pour ne pas permettre aux patineurs de le faire, parce qu'évidemment le danger est beaucoup plus fort, est présent. Donc, ce qu'on essaie de faire, c'est d'utiliser les corridors existants pour les cyclistes, donc les pistes cyclables. La ville de Montréal, soit dit en passant, a été reconnue pour la ville nord-américaine qui a très bien développé son réseau. Nous avons même reçu une attestation. Et la revue Bicycling en a fait mention.

Ce qu'on compte faire, d'ailleurs avec votre aide M. le ministre, c'est de compléter notre réseau de pistes cyclables. Actuellement, nous avons besoin de quelque 10 000 000 $ pour à la fois compléter les petits bouts qui nous manquent et développer le réseau de quartiers comme vous avez mentionné afin de permettre à la fois aux cyclistes et aux patineurs d'utiliser le même corridor et de ne pas encombrer la voie routière en multipliant les intervenants sur cette route-là.

Donc, les corridors existent. Nous avons fait un bon bout de chemin. On s'est engagé à compléter et donc on a hâte de pouvoir le faire. Je peux vous laisser aussi, si les membres de la commission le souhaitent, un plan détaillé de notre plan de développement du réseau de pistes cyclables.

M. Chevrette: Mais il demeure un fait. Je comprends que ça peut être difficile. On parlait des jeunes en bas de 14 ans pour l'identification en particulier, mais il n'y a jamais de leçon qui a été donnée. Quand on regarde, on demande des statistiques, j'en ai demandé – je ne sais pas si c'est à la Communauté urbaine de Montréal ou à la Fédération des policiers du Québec, on ne les a pas reçues encore à ce que je sache – comment il y avait eu d'infractions pour ce type d'activité, et pour le vélo aussi, pour voir si vraiment... C'est sûr que, s'il n'y a jamais une contravention, tu te promènes. Ça se promène dans les trois allées d'auto sur René-Lévesque, là, puis on passe tous pour des sauvages, ceux qui sont assis dans une automobile. Mais eux autres, ils coupent tout le monde, le vélo en coupe trois rangées.

Et ça a l'air à être tous du bon monde, gentils, très polis, très bien éduqués, sauf si tu es au volant d'une auto. Je n'aime pas cette comparaison-là, je trouve qu'on généralise trop rapidement. Parce que sur René-Lévesque, là, votre communauté urbaine, votre police à vous autres, là, ne sont pas à patins à roues alignées, mais ils pourraient de temps à autre donner une infraction, au moins à un adulte, ça donnerait un signal. Vous ne pensez pas qu'il y a ou bien un découragement de fait ou bien... Je dois vous avouer que... Quand c'est marqué dans la loi «strictement interdit» puis qu'il n'y a jamais une contravention, comment voulez-vous que les gens aient un incitatif à arrêter ça?

Mme Eloyan (Noushig): Parce que, M. le ministre, nous pensons qu'il faudrait davantage miser sur la sensibilisation et l'éducation avant d'arriver à des mesures plus coercitives. Peut-être un jour on va devoir y arriver...

M. Chevrette: Mais prenons le cycliste. Le vélo, on est à 26 % puis on plafonne, parce qu'on se rend compte que l'incitatif a, à un moment donné, des limites. La ceinture de sécurité, ça a plafonné à 35 %, ça ne dépassait jamais 40 %, sauf que le coercitif est arrivé. Oups! À un moment donné, est-ce que vous croyez que la douceur et la bonté, comme dit la chanson, sont les seuls maîtres à bord pour en arriver à développer des habitudes différentes? Moi, ma mère, quand j'étais petit gars disait: Tu ne traverses pas la rue; tu ne traverses pas la rue, c'est dangereux. Puis à un moment donné une tape sur une fesse, puis je n'ai pas retraversé la rue. Donc, à un moment donné il faut qu'il y ait un alliage de l'incitatif et du coercitif. Non?

Mme Eloyan (Noushig): Sans brûler les étapes, M. le ministre, parce qu'il me semble....

Des voix: ...

(10 heures)

M. Chevrette: C'est parce qu'ils trouvent que ça m'a pas fait grandir. Ce n'est pas grave. Allez, madame.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Eloyan (Noushig): Simplement que je disais, M. le ministre, qu'il ne faut pas brûler les étapes. Il me semble qu'il y a quand même une étape d'information, de sensibilisation, de campagne à faire. Et ce qu'on essaie de faire, c'est de diminuer les risques de conflit sur la route. C'est pour ça d'ailleurs qu'on dit que les cyclistes et en fait les patineurs doivent se comporter comme des piétons aux intersections, aux carrefours et se comporter comme des cyclistes sur la voie cyclable. Donc, la réglementation municipale encourage actuellement de les canaliser, ces deux types d'utilisateurs, vers un réseau qui est très bien développé, d'ailleurs, et qui réduirait énormément le nombre de conflits. Et il faudrait quand même une réglementation pour que ça soit efficace, soit applicable aussi. Éventuellement, on n'est pas contre, on n'est pas nécessairement pour la douceur, on en a donné d'ailleurs l'exemple dans d'autres dossiers où, après une certaine période de sensibilisation, etc., on a dû en arriver aussi à une forme de réglementation, d'application, etc. Et, compte tenu aussi des engagements du corps policier, ça ne nous aide pas nécessairement. D'ailleurs, on a une autre preuve dans le plan de camionnage dans lequel on a travaillé ensemble, c'est beau de mettre en place des règlements, une signalisation, il va falloir aussi pouvoir l'appliquer pour que ça donne des résultats efficaces. Je pense que M. Kahle avait juste un petit complément de réponse si vous permettez.

M. Kahle (Robert): Oui. Si vous permettez, M. le ministre et M. le Président, il faut regarder aussi quels sont les autres choix qui sont à notre disponibilité. L'ATC a déjà suggéré, par exemple, que les voies à deux sens pourraient permettre la circulation des patins à roues alignées, par exemple, avec des circulations de moins de 50 km/h. Le problème, à Montréal, vous avez beaucoup de ces rues-là comme Papineau. Ce sont des rues à deux sens et puis qui n'ont qu'une voie. À certaines heures, peut-être qu'il y a deux voies de dégagées, mais on permet le stationnement à d'autres heures. Donc, il y a un problème, là, comment le patineur va-t-il faire pour savoir qu'il peut ici à certaines heures, pas à d'autres? C'est très ambigu et complexe comme système.

Nous, ce qu'on préconise, en fait, c'est qu'on a déjà un bon réseau à Montréal... D'ailleurs, ça a été reconnu par des associations internationales, et ce qu'on veut, c'est de doubler même ce réseau-là pour permettre aux patins à roues alignées de pouvoir accéder au réseau majeur par des routes de quartier.

M. Chevrette: Photoradar. Photoradar, vous semblez être pour, mais vous savez que les policiers ne veulent pas que ce soient des machines à piastres, et je suis d'accord avec eux. Les policiers ne veulent pas que ce soit quelque chose qui remplace les policiers, et je suis d'accord avec eux, parce que l'objectif du photoradar – puis je veux savoir le vôtre – c'est vraiment exclusivement dans des zones extrêmement difficiles à contrôler, très dangereuses, où il y a des tueries régulièrement, et ça peut se faire en complémentarité avec la Sûreté. Mais est-ce que c'est le même esprit que vous avez dans votre mémoire que ce que les policiers, en général, nous ont dit ici?

Mme Eloyan (Noushig): Ce qu'on voudrait souligner, c'est que, effectivement, comme vous l'avez mentionné, M. le ministre, on ne veut pas que les policiers deviennent des percepteurs d'impôts ou d'impôts indirects, ce n'est pas là l'objectif. L'objectif, c'est de renforcer les mesures qui vont permettre d'assurer une meilleure sécurité à l'ensemble des utilisateurs. Donc, c'est en complément de ce qu'on a déjà mis en place. On a d'ailleurs mentionné qu'on avait acheté des outils pour les policiers, même si ce n'était pas du ressort municipal, mais pour leur permettre justement, avec les radars laser, de mieux contrôler ce problème-là de vitesse. Ça devient une sorte de complément à nos actions et ça doit absolument être utilisé d'une façon très intelligente. Il ne faut pas installer, évidemment, à droite et à gauche, en fait, des photomètres, mais sauf qu'il y a des endroits où c'est extrêmement difficile ou presque impossible, je dirais, d'avoir une présence policière ou d'utiliser d'autres outils pour contrôler la vitesse qui est une cause quand même assez importante au niveau du nombre d'accidents avec blessés ou décès.

M. Chevrette: Dernier volet: virage à droite.

Mme Eloyan (Noushig): Oui.

M. Chevrette: Le virage à droite, vous êtes contre. D'abord, il y a une première question, c'est: Est-ce que vous avez pris pour acquis qu'on enlèverait toute la signalisation qui est existante pour la sécurité des piétons? Deuxième chose: Dans Montréal, quand je me promène – je connais assez bien Montréal, ce n'est pas loin de Joliette – il y a des virages à gauche, dans la journée, qui sont permis jusqu'à 17 heures, puis, à 17 heures ça change, tu n'as plus le droit pendant deux, trois heures. Il y a des signalisations ponctuelles dans la ville, et je suis surpris que vous soyez catégoriquement contre le virage à droite, alors que, vous autres mêmes, vous utilisez des signalisations ponctuelles.

Pourquoi, par exemple, aux heures de pointe, le matin, ou aux heures de sortie d'école, en particulier dans les zones d'écoles... Aux États-Unis, dans les zones d'écoles, ils sont bien plus sévères qu'ici, à part de ça, puis ils ont droit au virage à droite. Puis virage à droite, ça veut dire arrêt puis passage. Puis, s'il y a une petite main blanche, tu arrêtes parce que c'est le piéton qui passe. Si tu as un petit bonhomme... Vous en avez. Il y en a même avec des chronomètres maintenant.

Avec tout ça, là, en pleine nuit, sur le coin de Sherbrooke puis l'Assomption, pourquoi j'attendrais trois minutes quand il n'y a pas un chat? On parle des gaz à effet de serre, et, sans doute, vous vous inscrivez dans ce discours-là, et on pollue sur le coin de la rue pendant trois minutes, on crache littéralement la pollution. Et 50 000 personnes, dans la région de notre ami de Papineau, là, quotidiennement, traversent de l'autre bord du pont. Ils sont très intelligents quand ils sont rendus du côté d'Ottawa, puis ils deviennent fous comme balai quand ils repassent du côté de Hull.

J'ai de la misère à concilier tout cela, moi, dans un contexte nord-américain. Même si on est latins, je ne pense pas qu'on vive dans un contexte réel européen, on vit dans un contexte nord-américain. Comment conciliez-vous tout ça? Puis pensez-vous qu'on va aller enlever la sécurité là où il en existe? J'aimerais ça vous entendre me décortiquer la logique de vos propos.

Mme Eloyan (Noushig): La logique veut qu'on améliore les programmes qui sont déjà en place pour assurer une meilleure sécurité aux piétons et non pas l'inverse. Donc, nous avons mis en place des programmes qui se sont avérés très efficaces, qui répondent à la fois à la préoccupation d'une meilleure fluidité au niveau de la circulation et, donc, réduction aussi des effets néfastes au niveau des émanations de gaz, etc.

D'ailleurs, comme je l'ai mentionné dans le mémoire, il y a certainement d'autres mesures comme, par exemple, la demande de feux par des détecteurs, des cycles plus courts au niveau des feux de circulation. Et, soit dit en passant, juste une petite parenthèse, à Montréal, vous allez trouver très rarement des périodes où vous allez devoir attendre devant un feu rouge quand il n'y a même pas un chat qui traverse la rue. C'est pas mal achalandé, les rues de Montréal, à n'importe quelle heure de la journée ou pratiquement à n'importe quelle heure de la journée, et donc, dans ces cas particuliers, on met en place ces mesures-là. Donc, ce n'est pas... parce que l'objectif premier de la ville de Montréal, c'est de faire de Montréal une ville de piétons et de cyclistes. Évidemment, on ne peut pas fermer la ville à l'automobiliste, mais il ne faut pas non plus faire en sorte qu'on l'encourage davantage au détriment des piétons et des cyclistes. Et, si c'est vrai que les automobilistes ont des associations pour défendre leurs causes, des clubs d'automobiles, etc., s'il y a des associations de cyclistes qui aussi défendent leurs causes, à ma connaissance, il n'y a pas d'association de piétons qui assure une sécurité aux piétons, et il me semble que c'est le devoir de la ville de le faire.

Donc, toutes les autres mesures comme la flèche verte, tant de secondes, etc., s'avèrent très, très efficaces, et ce que vous mentionnez, M. le ministre, c'est qu'il y a des endroits, effectivement... Et voilà la preuve qu'on est capable d'avoir peut-être une signalisation ponctuelle, qui est l'exception à la règle, à des endroits où c'est praticable afin de ne pas...

M. Chevrette: Comment vous conciliez, Mme Eloyan, le fait qu'il y a 26 décès par année de cyclistes au Québec puis que les statistiques quant au virage à droite prévoient maximum un, peut-être deux? Puis comment vous pouvez concilier, à ce moment-là, qu'on soit contre le port d'un casque qui pourrait éviter des traumatismes crâniens et des décès puis qu'on s'oppose à un virage à droite en respectant les signalisations actuelles?

Mme Eloyan (Noushig): Je pourrais peut-être vous informer qu'on a des statistiques récentes, justement, qui nous disent, si ma mémoire est bonne, qu'on a eu cinq accidents mortels au niveau des piétons l'année dernière. Et, ce n'est pas le fruit du hasard, c'est parce que...

M. Chevrette: Le cyclisme. Est-ce que vous en avez au niveau du cyclisme?

Mme Eloyan (Noushig): On parle de cinq piétons...

M. Kahle (Robert): Et trois cyclistes.

Mme Eloyan (Noushig): ...et trois cyclistes. On peut vous fournir, d'ailleurs, si vous le souhaitez...

M. Chevrette: Sans virage à droite, ça, le cinq piétons?

(10 h 10)

Mme Eloyan (Noushig): Oui. C'est parce que justement c'est la preuve que les mesures que nous avons mises en place pour assurer la sécurité des utilisateurs – donc je parle des cyclistes, des piétons et les gens qui sont en patins à roues alignées – donnent des bons résultats. Ce n'est pas par hasard qu'on a un nombre très bas d'accidents avec blessures ou mortels, donc...

M. Kahle (Robert): Si je peux me permettre, en 1965, on avait 118, 120 piétons qui étaient tués annuellement, et ça a progressivement descendu avec tous les programmes qui ont été mis en place. L'année dernière, c'était 15. Ça tournait autour de 15, 16 depuis quelques années, puis là c'est maintenant rendu à cinq piétons l'année dernière, seulement.

Mme Eloyan (Noushig): Parce qu'on mise beaucoup sur, évidemment, ce qu'on appelle les trois E: l'éducation, l'engineering, etc. Donc, c'est un ensemble de tout. C'est ce qu'on essaie de dire.

M. Chevrette: Au coin de Sainte-Catherine puis Saint-Laurent, là – ou Sanguinet, je ne sais pas trop – quand l'Université du Québec finit ses cours vers 16 h 30, là, êtes-vous capable de m'expliquer qui manque d'éducation? Parce que tu peux avoir trois lumières vertes, tu es la troisième auto puis tu ne passes pas. Puis là vous parlez d'éducation exclusivement des conducteurs. Ça m'agace un petit peu. On pourrait-u être capable de donner le pourcentage de responsabilité à chacune des clientèles?

Mme Eloyan (Noushig): M. le ministre, comme j'ai expliqué, la ville de Montréal ne se retire pas de sa responsabilité, mais faut-il encore définir la responsabilité de chacun des intervenants. On a dit carrément que le conducteur et le véhicule, c'est de responsabilité autre que le municipal. Le municipal a une responsabilité au niveau de la route, et j'ai essayé de vous démontrer qu'on a tout fait pour améliorer, que ce soit la géométrie, etc., la signalisation, et ça a porté fruit. Maintenant, il y a des limites à assumer des responsabilités, ce n'est pas de renvoyer la balle à quelqu'un d'autre.

M. Chevrette: Si je le fais, Mme Eloyan, c'est parce qu'il y a des gens qui sont venus très tranchants. C'est que nos conducteurs sont quasiment des barbares, ici, à écouter certains mémoires. Puis, moi, je vous dis, j'ai la chance de circuler à travers le Québec très régulièrement. Je vais à Hull, dans l'Outaouais québécois, puis, traversez de l'autre côté, il n'y a pas un comportement différent. Il n'y a pas de comportement différent. Quand tu arrives à Montréal, ce n'est pas exclusivement des conducteurs. Quand tu t'en vas sur René-Lévesque puis que tu as un cycliste qui coupe trois rangées d'autos, puis que le policier a son sifflet dans la bouche puis qu'il ne dit même pas... Il valse devant le policier puis il n'a même pas d'avertissement. Mais ce n'est pas grave. Moi, j'ai de la misère au jugement tranchant que c'est toujours une seule catégorie qui est responsable de tout. Pas sûr, moi. La route, ça se partage, je pense qu'il y a des panneaux qui disent ça. Puis, là il y en a qui ne partagent pas, ils ont entière liberté, sans aucune contravention de quelque nature que ce soit, et puis on taxe les automobilistes puis... Quand tu t'en vas sur la 20, bien là c'est les camionneurs qui deviennent les pires.

On a des jugements tranchants, alors qu'à mon point de vue il y a une éducation beaucoup plus globale, même pour le piéton qui emprunte les lumières vertes régulièrement puis qui se fout de toi. Puis, s'ils ont une chance de te frapper sur l'auto parce que tu es un peu avancé sur la verte, ils vont même frapper sur ton auto. Il doit y en avoir quelques-uns qui manquent d'éducation aussi.

Mme Eloyan (Noushig): M. le ministre, je pense que, a priori, l'analyse est bonne, mais peut-être pas nécessairement pour Montréal, parce que, si on a un nombre beaucoup moins élevé que d'autres villes américaines ou canadiennes au niveau des accidents mortels des piétons, c'est parce que, justement, peut-être à Montréal les automobilistes aussi ont développé une certaine vigilance. Donc, effectivement, on a des piétons délinquants, ça va de soi, mais, si on n'a pas eu un record au niveau des accidents, c'est justement parce que les automobilistes – à la défense des automobilistes un petit peu aussi – sont beaucoup plus vigilants et, deuxièmement, parce qu'on a donné tous les outils pour que les piétons soient bien sécurisés, donc les feux piétons, les flèches vertes en avant, les neuf secondes et quart, et tout, essayer de départager la route, les pistes cyclables. Donc, toutes les autres mesures ont été efficaces, et ce qui explique justement les statistiques qui sont très encourageantes pour Montréal. Ce qu'on dit, c'est: On a des alternatives au virage à droite si on regarde en bout de ligne les économies qui ne justifient pas nécessairement ce type de mode, puisqu'on a implanté d'autres modes qui s'avèrent être très, très encourageants pour Montréal.

Vous aviez quelque chose?

M. Kahle (Robert): Justement, c'était de souligner la vigilance, maintenant, des automobilistes. C'est ce qui nous distingue un peu de ce qui se passe ailleurs. Les piétons également. Ils prennent des risques, mais ils prennent des risques calculés en quelque part, et le contexte fait que, bon, bien, c'est peut-être un peu bizarre, mais c'est que c'est plus sécuritaire, ce concept-là.

Mme Eloyan (Noushig): Ce n'est pas, M. le ministre, à cause de notre caractère latin, c'est peut-être à cause de notre caractère multiethnique à cause de notre caractère multiethnique à Montréal, mais on est beaucoup plus vigilants, je pense, et... Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Ça, ne me sortez pas ça parce que... Vous êtes venue ailleurs dans le monde avec moi, vous, puis vous savez très, très bien que ce n'est pas...

Le Président (M. Lachance): En conclusion, M. le ministre.

M. Chevrette: Excusez.

Mme Eloyan (Noushig): Non, parce que je ne partage pas le fait qu'on soit différents des Nord-Américains, etc., c'est une question d'habitude, de respect mutuel.

Et l'autre volet que vous avez souligné et que peut-être les policiers ou les autres corps policiers sont venus nous dire, c'est que c'est difficile d'application, un règlement. Un véhicule en infraction, c'est facile, c'est l'automobiliste, et puis le ticket est donné. Tandis qu'un piéton ou un cycliste, ce n'est pas évident. Donc, il faut peut-être chercher d'autres mesures alternatives pour renforcer la réglementation et donner les outils pour que les policiers puissent l'appliquer.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je voudrais vous saluer et vous remercier pour la présentation de votre mémoire. Alors, je salue particulièrement Mme Eloyan qui, en plus d'être vice-présidente du comité exécutif, a le très beau titre d'être conseillère municipale du district de l'Acadie. Alors, je vais revenir sur...

Mme Eloyan (Noushig): M. le ministre est mon parrain au niveau provincial dans les dossiers de transports.

M. Bordeleau: Ah! Bien, ça, je ne suis pas certain que c'est une chance. Ha, ha, ha! Non, je vais revenir sur certains des points que vous avez abordés. La question du patin à roues alignées, si je comprends bien, actuellement la ville de Montréal, on le permet et on l'encourage. Bon, on le permet, en théorie, sur les pistes cyclables, mais, en réalité, c'est qu'ils sont partout, ils sont sur les rues. Alors, le problème existe, et la solution que la ville préconise, bien, disons, est plus ou moins efficace, dans le sens où les patins à roues alignées ne se promènent pas seulement sur les pistes cyclables, ils sont dans toutes les rues. Puis l'autre élément qu'on doit prendre en compte aussi, c'est que les policiers ne font pas respecter la loi qui existe actuellement qui dit que c'est défendu sur toutes les chaussées. Donc, on a beau dire à la ville: On va le permettre là, on va l'encourager là, mais la réalité des choses fait qu'ils sont partout.

Alors, est-ce que la solution, c'est de continuer à dire qu'on va continuer à faire comme on fait actuellement, c'est-à-dire de l'encourager sur les pistes cyclables, ou si ce n'est pas de trouver une autre formule qui serait peut-être plus applicable, en tout cas du côté policier, là? Parce qu'on voit bien que, malgré qu'il y ait une loi qui existe actuellement, c'est inapplicable. Alors, ça, il y a un problème d'application concrète du côté des corps policiers.

Et, du côté des pistes cyclables, bien c'est la situation actuelle, et ils ne se limitent pas à ces zones-là. Donc, est-ce que l'hypothèse de le permettre, mettons, dans des rues secondaires, dans certaines conditions, des critères qui pourraient être déterminés, dans quel genre de rues que ça pourrait être permis, ça ne serait pas là quand même une voie plus réaliste pour essayer d'en arriver à une situation applicable et qui puisse répondre, disons, un peu à la réalité des choses qu'on observe à tous les jours?

Mme Eloyan (Noushig): Je pense que, si la ville de Montréal n'avait pas développé un réseau cyclable important, ça aurait été peut-être la seule et unique façon de procéder, mais on mise davantage à offrir une infrastructure qui peut répondre à cette demande, donc les patineurs. On aimerait beaucoup maintenir le statu quo, par des moyens de campagne, ou autres, les canaliser vers le réseau cyclable et peut-être aussi les assujettir, comme c'est le cas des piétons et des cyclistes, au Code de la sécurité routière. Maintenant, c'est évident que peut-être les policiers ou les corps policiers vont dire: Oui, on n'est pas capables de l'appliquer. Si on n'est pas capables de l'appliquer aux piétons sur la route, même si on permet les patineurs sur la route, ils n'auront pas plus d'outils pour faire respecter la réglementation aux patineurs, et on augmenterait le conflit inutilement sur la voie routière. Donc, ça serait mieux de les garder sur les pistes, améliorer davantage et compléter notre réseau avec des meilleures signalisations, etc., et peut-être les assujettir au Code de la sécurité routière et demander aussi aux policiers de faire leur travail.

(10 h 20)

M. Bordeleau: Bien, c'est un peu ça, la situation actuelle, et ça ne marche pas. Ça ne marche pas. On dit les pistes cyclables, éventuellement, moi, je n'ai aucun problème avec ça. Si les gens pouvaient aller seulement sur des pistes cyclables dans... D'abord, il faudrait que ce soit complété, comme vous le mentionnez. Donc, ça peut prendre un certain nombre d'années. Il faudrait qu'il y ait des campagnes de promotion. Mais, quand vous dites: maintenir le statu quo, il faut bien se rendre compte que le statu quo actuellement, c'est que les patineurs à roues alignées se promènent sur la rue Saint-Denis, à travers le trafic, ils sont sur les autres artères. C'est ça, le statu quo qu'on observe présentement en dépit du fait que c'est formellement interdit dans la loi. Donc, il y a un problème, en quelque part, de rendre ça applicable.

Et la question que je me posais aussi – je ne sais pas si vous avez l'information de ce côté-là – c'est: Dans les autres grandes villes, comment on traite le problème des patins à roues alignées? Je pense à Toronto ou à d'autres villes importantes, quel genre de...

Mme Eloyan (Noushig): Avant de passer la parole à M. Kahle pour la deuxième partie de votre question, M. Bordeleau, pour l'instant, ce qu'on observe – parce que c'est un phénomène quand même relativement nouveau, hein, les patins à roues alignées – c'est que la cohabitation se fait très bien sur le réseau cyclable malgré qu'on dise, et on le répète, qu'il faut absolument améliorer notre infrastructure, compléter, et surtout la signalisation, pour assurer une meilleure cohabitation. Donc, il ne faut pas lâcher là-dessus. Ce n'est pas parce qu'il y a une certaine délinquance qu'il faut l'encourager actuellement. Ce n'est pas parce qu'il y a des patineurs qui circulent un peu partout parce que le réseau n'est pas encore complété, etc., qu'il faut ouvrir, tout en étant conscient qu'on augmente les risques de conflits et d'accidents.

Et il faut miser davantage sur l'éducation. Tantôt, quand on parlait de partage de responsabilités, effectivement il y a aussi d'autres instances qui doivent assumer leurs responsabilités pour faire respecter des règlements ou des lois.

Maintenant, peut-être que M. Kahle peut compléter en répondant à la deuxième partie de votre question.

M. Kahle (Robert): Oui. En ce qui concerne la pratique du patin à roues alignées dans les autres villes canadiennes, elles aussi sont prises au dépourvu. C'est un phénomène en explosion, évidemment elles aussi essaient de trouver un statut pour ces gens-là. Il y en a qui parlent d'un mode de transport, mais il faut être très prudent. Il faudrait, si ça devient un mode de transport, définir quels sont les équipements de sécurité. Est-ce que ça prendrait éventuellement des cartes de compétence? Vous voyez où ça peut aller. Ça fait que, pour l'instant, nous, ce qu'on dit, c'est que ça peut être assimilé davantage, cette pratique-là... être confiné dans les pistes cyclables. Autrement, on perd le contrôle. Ces gens-là qui font du patin à roues alignées... Je ne sais pas si vous en faites, mais il y a des gens qui ne sont pas trop habiles avec ça puis qui se lancent sur des rues, puis je me demande... Enfin, c'est très risqué pour ces gens-là. Il n'y a pas d'équipements... Bien, il y a des équipements de frein, mais personne n'en achète. Les gens pensent que le petit frein à l'arrière, c'est suffisant. Ça fait que, imaginez, dans des villes où il y a beaucoup de pentes, c'est très dangereux. Ça fait que, nous, on veut les confiner.

M. Bordeleau: Mais ce que vous nous dites... Excusez. Allez-y.

Mme Eloyan (Noushig): Je m'excuse. Ce qu'on souhaiterait faire aussi – on le fait d'ailleurs déjà – c'est de s'associer à nos différents partenaires dans le domaine dans différentes campagnes publicitaires, comme on le fait, par exemple, avec Vélo Québec, avec la SAAQ, etc., pour porter un message plutôt axé sur la sécurité. Donc, en quelque sorte, on va se mettre ensemble pour faire appel à la conscience des utilisateurs et donc les canaliser davantage vers des pistes beaucoup plus sécuritaires. C'est pour leur propre sécurité. C'est un peu dans la même logique du port de casque, si vous voulez.

M. Bordeleau: C'est ça. Là-dessus, je n'ai pas de problème. Concernant le port du casque, vous n'êtes pas en faveur d'une approche législative comme telle, mais je pense que tous ceux qui sont venus ici qui sont contre une approche réglementaire ou législative pour obliger le port du casque sont d'accord avec le fait qu'on devrait l'encourager, le port du casque, et prendre tous les moyens de sensibilisation pour faire la promotion du casque. Au niveau du patin à roues alignées, dans des pistes cyclables, je pense qu'il n'y a personne qui s'objecte à ça, et ceux qui veulent le faire, disons, dans un contexte plus sécuritaire, il peut y avoir des campagnes, il peut y avoir toutes sortes de moyens pour les encourager à aller là. Maintenant, est-ce que ça veut dire qu'il faut nécessairement maintenir la position qu'on a au niveau d'empêcher les gens d'aller sur des chaussées, en tout cas, qui seraient peut-être des chaussées secondaires? Il me semble que ce n'est pas nécessairement incompatible l'un l'autre. Qu'on fasse la promotion de l'utilisation des pistes cyclables, qu'on dise que c'est plus sécuritaire et qu'on développe ce réseau-là, c'est une chose. Qu'on puisse le permettre, mettons, dans des rues secondaires, ce n'est pas nécessairement incompatible comme tel, à mon avis.

L'autre question que je voulais vous poser, vous parlez des campagnes de sensibilisation, on sait que c'est quand même important, et la croissance est rapide, et ce que je comprends des propos de M. Kahle, c'est que le problème existe aussi dans les autres grandes villes, et on n'y a pas trouvé de solution, d'après ce que vous nous dites. Alors, comme le mentionnait le ministre tout à l'heure, on parle de 400 000, 500 000 gens qui pratiquent le patin à roues alignées, une progression assez fulgurante, 100 000 patins qui seraient vendus à chaque année. C'est déjà un gros problème, là, il faut des solutions quand même réalistes à court terme. Mais est-ce que, au niveau de la ville, vous avez fait des campagnes de promotion, à Montréal, pour orienter, par exemple, la pratique du patin à roues alignées vers les pistes cyclables?

Mme Eloyan (Noushig): Effectivement, nous, on s'associe beaucoup à nos partenaires, évidemment Vélo Québec, qui a une mission très louable à justement sensibiliser les cyclistes, et là on commence à le faire aussi... On veut profiter de toutes les campagnes de sensibilisation pour introduire ce nouveau mode là aussi, parce que, bon, comme c'est un phénomène nouveau, on va profiter de toutes les occasions pour parler non seulement de la sécurité routières, donc les voitures, etc., les cyclistes, mais aussi pour les patins à roues alignées. Et donc, si nos campagnes de sensibilisation au niveau, par exemple, du port du casque se sont avérées très efficaces malgré l'absence d'une réglementation – donc diminution du nombre de blessés ou de décès et augmentation du nombre de ports de casque – il va falloir continuer dans ce sens-là, continuer nos campagnes de sensibilisation pour les utilisateurs de patins à roues alignées aussi.

M. Bordeleau: Mais est-ce que vous en avez fait dans le passé des campagnes comme telles?

Mme Eloyan (Noushig): Avec Vélo Québec je pense que, on me dit, on a une subvention déjà pour s'associer...

M. Kahle (Robert): 85 000 $.

Mme Eloyan (Noushig): 85 000 $ avec Vélo Québec pour s'associer à leur campagne de sensibilisation.

M. Bordeleau: Mais qui porte peut-être plus sur le vélo que sur le patin à roues alignées.

Mme Eloyan (Noushig): Aussi le patin. Oui, les deux.

M. Bordeleau: Oui, mais je pense que Vélo Québec est venu ici, si je me souviens bien, de mémoire. Ils sont quand même beaucoup plus préoccupés par la pratique du vélo que...

Mme Eloyan (Noushig): Mais ils s'ajustent, eux aussi.

M. Bordeleau: Pardon?

Mme Eloyan (Noushig): Ils s'ajustent, eux aussi, parce que c'est un nouveau mode, et il va falloir que quelqu'un s'en occupe, justement, et toutes les occasions sont là pour qu'on le fasse.

M. Bordeleau: Oui. Je vais juste peut-être poser une autre question – parce que mon collègue voudrait aussi intervenir, je veux lui laisser du temps – concernant le virage à droite. En fait, c'est une question que je voudrais avoir. Les gens qui sont venus nous parler qui sont en faveur – je pense à des gens de la région de l'Outaouais – nous ont fait part d'un certain nombre de problèmes qui sont aussi des dangers.

Au niveau des chaussées, par exemple, à plusieurs endroits, on a créé des îlots. Vous savez qu'artificiellement, en faisant une voie pour permettre de tourner à droite, on se retrouve avec une courbe, un peu, qui permet de tourner à droite, un îlot, la rue principale. De l'autre côté de la rue, on a aussi un îlot, et là on a aussi une voie qui est en courbe, et ce, dans les quatre coins. Souvent, on voit ça dans des carrefours, et ça a justement pour objectif de faciliter une accélération de la circulation. Les gens qui s'en viennent, bien, qui n'ont pas à attendre parce qu'ils ne continuent pas tout droit sur la route, peuvent prendre cette voie de détournement et tourner pour s'en aller dans la voie transversale.

Alors, on nous a dit, dans la région de l'Outaouais, qu'on était rendu, par exemple – bien, je pense à Hull en particulier, dans cette région-là – à 30 % des intersections qui sont équipées avec ces équipements-là. Alors, ça coûte cher, et actuellement, à Hull, on est aussi en train de les enlever parce que ça crée d'autres problèmes de danger aussi énormes pour les piétons. Parce que, là, il faut bien réaliser que le piéton qui traverse, lui, il a à traverser trois rues, au fond, puis la première, là, indépendamment que sa lumière soit verte, s'il y a une auto qui s'en vient, lui, il peut tourner parce qu'il n'a pas à attendre. Si la lumière est verte ou rouge, le piéton, lui, qui arrive, peut essayer de traverser, l'autre n'a pas de lumière à attendre, il peut tourner à droite. Et on pense aux personnes handicapées, aux personnes âgées. Alors là, au lieu de traverser une rue, il en a trois rues à traverser. Il faut qu'il traverse la première rue, se retrouve sur l'îlot, traverse la deuxième, se retrouve sur l'îlot de l'autre côté et traverse ensuite une autre rue pour arriver complètement... Alors, il semblerait qu'il y a un certain nombre de problèmes de sécurité tout simplement à ce niveau-là, et on fait marche arrière, par exemple, dans la région de Hull sur ce genre d'équipements là, où on a payé pour les construire puis on est en train de les enlever.

(10 h 30)

J'aimerais savoir: Dans la région de Montréal, est-ce que vous avez une idée du pourcentage ou de l'importance, en tout cas, en termes de... Je parle du pourcentage. Je ne sais pas si vous avez une autre façon de nous sensibiliser, mais quel est le nombre de configurations qu'on retrouve, à peu près, comme ça dans la région de Montréal?

Mme Eloyan (Noushig): Peut-être que mes collègues vont pouvoir vous donner un peu plus de détails, mais je vous dirais que c'est très, très peu, justement à cause de la complexité. Quand un piéton doit traverser des pistes multiples, c'est évident qu'on multiplie aussi les risques de conflit. Compte tenu aussi du nombre de carrefours et d'intersections à Montréal, c'est quasiment impossible de penser à aménager des îlots de virage à toutes les intersections, quasiment impossible. Il y a d'autres façons de procéder. Là où c'est possible, où c'est intelligent de le faire, on le fait, mais c'est très, très peu.

Il faut tenir compte aussi du fait que... Si on dit qu'on est très sensible aux piétons, on est très sensible aussi aux personnes à mobilité réduite, les handicapés visuels. Il faut comprendre que, surtout, les handicapés visuels ont une autre façon de détecter le feu vert ou le feu rouge. Plus on multiplie ces signaux, plus c'est la cacophonie pour eux et on multiplie les risques, parce qu'il faut comprendre que pour les handicapés visuels, c'est des signaux. Donc, si on le fait à quatre carrefours, aux quatre coins de l'intersection, ça devient quasiment impossible pour la personne de détecter ces signaux. Ça complexifie le dossier. Raison de plus pour dire non au virage à droite et même pas pour les îlots dont vous parlez.

Bien, je vous donne l'exemple du rond-point l'Acadie, que vous connaissez très bien d'ailleurs. C'est très problématique à cause aussi de ses bretelles où on a des arrêts d'autobus en plus et des piétons qui doivent traverser trois pistes; ça devient certainement beaucoup plus dangereux. Et peut-être que M. Richard peut compléter la question.

M. Richard (Carol): Un élément d'information supplémentaire. À Montréal, il y a environ 8 200 intersections. Or, je dirais que c'est très, très inférieur à 5 %, le nombre d'intersections où il y a des bretelles. Il y en a très, très, très peu, là. Mme Eloyan a mentionné les ronds-points, on en a trois: le rond-point Papineau, le rond-point Saint-Michel, le rond-point de l'Acadie. Outre ça, il y a très, très peu d'autres endroits où il y a des bretelles justement, comme Mme Eloyan le mentionnait, compte tenu du risque que ça peut représenter pour les piétons et les usagers autres que les véhicules. Donc, il y en a très, très, très peu. Hull, 30 %, c'est un nombre important, et je comprends très bien qu'ils soient préoccupés par cette situation-là et qu'ils aient décidé de revoir peut-être leur stratégie d'intervention en milieu urbain.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Laurier-Dorion, en vous signalant qu'il reste trois minutes à l'enveloppe du côté de l'opposition.

M. Sirros: M. le Président, d'abord, permettez-moi aussi de souhaiter la bienvenue aux gens de la ville de Montréal, et à Mme Eloyan plus particulièrement qu'on croise souvent dans toutes sortes d'activités communes. Moi, je voulais profiter de l'occasion que j'ai pour m'inscrire en faux clairement sur la question du photoradar. Je trouve qu'on embarque sur un chemin qui nous mène dans ce que j'appelle des relations désincarnées entre l'État et le citoyen.

Le débat ne se fait pas du tout sur une base philosophique, et je pense qu'il y a véritablement un problème philosophique avec l'implantation des photoradars, qui va au coeur de ce que j'appelle la relation État-citoyen. Moi, je ne peux pas concevoir qu'on se crée des situations par notre engineering en quelque sorte, qui sont dangereuses pour les citoyens et que le moyen qu'on trouve pour les contrôler, c'est de mettre sur pied des photoradars où, de façon technologique, automatique et désincarnée, quelqu'un va recevoir chez lui un billet de contravention. Il me semble qu'on devrait donc agir beaucoup plus sur les causes que sur les conséquences. C'est un peu comme si on disait aux gens: Mangez, mangez, engraissez-vous, engraissez-vous, ce n'est pas grave, il y a des pilules après pour...

Une voix: ...

M. Sirros: Pas de problème. Non, mais en tout cas. Ha, ha, ha! En tout cas, il y a une logique là-dedans que je trouve... On escamote trop facilement, et je trouve que ça nous met sur une voie qui est dangereuse à la longue. Ça présuppose l'infaillibilité technologique, ça ne permet pas de tenir compte du fait, par exemple, que, si je passe ma voiture à quelqu'un qui la conduit, c'est moi qui vais recevoir le billet, etc. Si on a des situations particulières – et tout le monde parle de l'utiliser strictement sur certains endroits dangereux, etc. – corrigeons la dangerosité de ces endroits-là par de nouvelles constructions ou des changements autres que la voie facile de dire: On va mettre sur pied des photoradars.

Ça étant dit, je tiens à vous féliciter quand même pour l'idée de beaucoup plus assimiler les patins à roues alignées aux piétons. Il faudrait peut-être qu'on fasse comprendre aux gens que les patins à roues alignées, ce n'est pas un moyen de transport qu'on devrait avoir. C'est beaucoup plus une question de divertissement ou d'exercice, et dans ce contexte-là il faut le situer dans des endroits où on peut faire de l'exercice ou se divertir. Peut-être aussi tenir compte du fait qu'il y a des enfants qui font du patin à roues alignées, peut-être le permettre dans les zones strictement résidentielles comme on permet aux enfants de courir avec leur bicyclette, et permettre à la maman de donner des tapes sur les fesses des futurs ministres si c'est ça qu'il faut faire comme éducation, mais... d'éducation qui fait comprendre aux gens que ce n'est pas un moyen de transport, c'est un moyen de divertissement et dans ce sens-là agrandir les pistes cyclables, etc. Alors, ça étant dit, je pense que c'est à l'intérieur de mes trois minutes. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Alors, Mme Eloyan, M. Richard, M. Kahle, merci pour votre participation aux travaux de cette commission.

Mme Eloyan (Noushig): Merci de nous en avoir donné la chance.

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite immédiatement les représentants de la Fondation des accidentés de la route et Me Michel Cyr à bien vouloir prendre place à la table.

Nous allons suspendre les travaux pendant quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 38)

(Reprise à 10 h 39)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Nous allons reprendre nos travaux. J'invite le représentant à bien vouloir s'identifier, en lui indiquant qu'il a un maximum de 20 minutes pour nous faire part de ses commentaires.

M. Cyr (Michel): Alors, Michel Cyr, avocat représentant la Fondation des accidentés de la route.

Le Président (M. Lachance): Vous pouvez y aller, Me Cyr.


Fondation des accidentés de la route et M. Michel Cyr

M. Cyr (Michel): Merci. Alors, je remercie les membres de la commission de nous avoir invités, M. le ministre, M. le secrétaire et membres de cette commission.

Maintenant, personnellement, je crois que je devrais peut-être ajouter, suite à cette entrée en matière, que je représente les accidentés du travail depuis bientôt 25 ans et ceux de la route depuis bientôt 15 ans. Mme Denise Gauthier, la fondatrice de la Fondation des accidentés de la route, elle-même accidentée de la route, qui était représentante dans le domaine des assurances avant cet accident, a eu des démêlés avec la Société de l'assurance automobile du Québec et a décidé de fonder un organisme sans but lucratif, et ce, au milieu des années quatre-vint-dix. De là, elle a décidé d'approcher des avocats de pratique privée, dont moi-même, Me Janick Perreault, que vous verrez bientôt, Me Bellemare, que vous connaissez bien, et d'autres, pour la conseiller, à titre gratuit évidemment, dans la mesure où il s'agit d'un OSBL.

(10 h 40)

Dans le cadre du mémoire que nous avons préparé – vous l'avez constaté M. le ministre et membres de la commission – nous avons choisi de ne traiter qu'un seul des sujets, soit celui qui concerne les chauffards, pour le mettre en parallèle, si l'on veut, avec la situation qui est faite aux victimes d'accidents automobiles de façon générale. Nous aurions pu toucher un plus grand nombre de sujets, mais, devant les préoccupations constantes qui sont les nôtres par rapport aux gens que nous voyons et aux problèmes avec lesquels ils ont à traiter, nous avons choisi exclusivement de nous attarder à ces questions.

D'abord, nous nous devons de souligner l'idée généreuse de Mme Payette initialement et de cette volonté d'indemniser les gens sans égard à la faute commise. Donc, il n'est pas question de revenir pour nous sur ce principe. D'ailleurs, sur la question des chauffards, j'insisterai sur une seule chose. Comme vous le verrez dans notre mémoire, il porte sur deux recommandations bien précises. Quand il est question de lever l'immunité, il n'est jamais question d'autre chose finalement que d'établir une concordance par rapport, par exemple, à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la loi concernant le civisme, la Loi sur les victimes d'actes criminels. Ainsi, dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, on peut, lorsqu'il y a un acte criminel commis, pour l'excédent du moins, poursuivre la personne fautive.

Donc, s'il n'y avait que concordance à tout le moins, les victimes pourraient poursuivre civilement dans la mesure où l'immunité serait levée. C'est le premier volet. Et ce ne pourrait être qu'une question de concordance finalement avec d'autres lois d'application large et générale et en fait d'autres lois même d'ordre public telle la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, telle que mentionnée précédemment. Évidemment, les victimes conserveraient leur droit de toucher leurs prestations de la SAAQ, mais l'immunité serait levée de façon à leur permettre de poursuivre pour l'excédent seulement.

L'autre volet, également curieusement peut-être de concordance, serait de dire – on le sait, d'autres confrères et plusieurs intéressés se sont prononcés sur cette question: Est-ce que les indemnités doivent être maintenues pour les personnes qui se rendent coupables d'actes criminels au volant? Notre position serait à l'effet qu'elles devraient, ces indemnités, être abrogées ou du moins abolies, donc retirées ou du moins réduites.

Bien sûr, il y a un coût social à évaluer par rapport aux familles, mais encore une fois on peut faire le parallèle. Une personne qui se blesse volontairement au travail, un accidenté du travail qui déciderait volontairement de se blesser n'aurait pas droit aux prestations, par exemple.

Alors, il y a aussi ici une question de concordance où on pourrait prendre... la jurisprudence est constante sur les cas des gens qui sont victimes d'un acte criminel mais qui ont évidemment participé à la faute. Je ne nommerai pas de cas célèbres qui ont été tranchés par la jurisprudence. Lorsque l'on fait partie, par exemple, du crime organisé et que l'on est victime d'un acte criminel, on n'a pas droit aux prestations. Alors, peut-être que par concordance on pourrait croire que les gens qui volontairement posent un acte criminel au volant pourraient également soit ne pas avoir droit – emprisonnés ou non – ou voir leurs indemnités réduites.

Ce sont les seules remarques, et nous ne voulons pas aller plus loin sur ce terrain. Même, disons que ça a nécessité une réflexion importante quant à nous de se demander même jusqu'où nous pouvions aller, et la réponse nous est venue assez facilement dans l'examen des autres lois d'application générale au Québec en matière sociale telles celles que je vous ai mentionnées.

Ceci étant dit, même s'il s'agit là d'une question d'intérêt public qui a intéressé le ministre, le gouvernement et sûrement l'opposition et même si le livre vert, M. le ministre, portait sur d'autres questions également et en soulignant aussi le projet de loi n° 24, et la loi n° 24, qui se rapportait à certaines indemnités qu'on voulait voir haussées concernant la Loi sur l'assurance automobile, il nous est apparu criant, en dépit de certains problèmes d'actualité, tels celui des chauffards dont nous avons fait état et tels ceux qui sont contenus dans le livre vert et dont vous avez abondamment parlé tout à l'heure comme le virage à gauche ainsi que le port du casque.

Dans notre quotidien, nous constatons d'abord, même si l'on doit, comme gouvernement, s'intéresser également à ces questions, que l'urgence pour nous de faire le parallèle entre ce que vivent les accidentés de la route face au sort qui leur est souvent réservé à la SAAQ et celui des chauffards nous est venue naturellement. Alors, c'est la raison pour laquelle nous disons enchaîner sur cette question et faire voir, comme nous l'avons mentionné dans notre mémoire au ministre...

Et, curieusement, M. le ministre, après avoir produit notre mémoire, le Bâtonnier, dans un article qu'il signait dans l'éditorial du Journal du Barreau du mois de janvier, si ma mémoire est bonne – nous avons le document ici au besoin – témoignait également de la problématique globale la plus importante selon lui, qui est relative à toute la question de l'indemnisation des victimes d'accidents autos. À ce sujet-là, je me permets, à titre à tout le moins d'observateur ou de représentant devant les tribunaux, de vous souligner ceci, et je résumerai en ce sens notre mémoire: la problématique fondamentale que vivent les accidentés de la route, et même en présumant de la bonne foi de l'administration dans la problématique de l'exercice de ses droits, en est une de structure de cette loi.

Je pourrais faire des parallèles – et on les a faits dans notre mémoire – avec l'autre loi la plus importante au Québec qui couvre les accidentés du travail et les maladies professionnelles. Je ne vous referai pas ici le débat de la loi 79, ne craignez rien. Toutefois, même si cette loi contient des imperfections importantes – je fais référence à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles – la Loi sur l'assurance automobile est de loin inférieure de par sa structure à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles pour les raisons suivantes. Dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, un travailleur insatisfait pourra généralement se faire entendre sur toutes les questions qui le préoccupent, sa lésion, la reconnaissance de sa lésion, d'une aggravation, tous les diagnostics possibles, les soins, la réadaptation, et autres, en l'espace d'une année et demie, et j'y vais au maximum.

En matière d'assurance automobile... Et ce n'est pas la faute, je le répète, d'un fonctionnaire isolément qui examine à qui le dossier d'une personne est attribué ni d'un médecin en particulier des services médicaux ou des experts qui sont requis par la SAAQ, c'est la problématique, M. le ministre, et j'insiste là-dessus, c'est une observation constante depuis l'existence même de cette loi qui correspond finalement avec à peu près le début de ma pratique. Lorsqu'une personne subit un accident d'automobile, il peut s'écouler 10 ans, et je prends un cas d'espèce qui est survenu, 10 ans facilement, 10 ans, comme si sa vie n'existait pas pour qu'une décision finale soit rendue sur un dossier. Et je m'explique par une comparaison, puisque c'est très technique tout ça, et j'y reviendrai.

Une dame travailleuse à temps partiel en comptabilité, deux enfants, mère de famille, de la région de Joliette, subit un accident en 1984 et est indemnisée jusqu'en 1986. Et on lui dit: Madame, vous n'avez plus droit aux prestations, en 1986. En 1996, on dit: Puisque vous n'aviez plus droit aux prestations en 1986, nous considérons que vous pouvez refaire l'emploi qui était le vôtre en 1984. En 1996, 12 ans plus tard. Et finalement en 1997 on lui dit: Bien, madame, vous avez raison. Et en l'an 2000: Eh bien, on s'est battu encore contre vous pour ne pas vous verser vos intérêts. Je comprends qu'on ne peut pas demander au gouvernement ou au ministre d'apprécier les faits, mais le tribunal lui a donné raison, de toute façon.

Mais, indépendamment du fait qu'elle ait eu raison ou non, qu'il y ait une décision finale d'un tribunal, le processus a fait que cette femme-là – et vous verrez pourquoi – doit constamment s'adresser aux tribunaux, puisque la pratique est la suivante: on rend des décisions, on peut rendre des décisions sur des traitements, on peut rendre des décisions sur des parties de traitement, on peut rendre des décisions sur des diagnostics sans que ce soit sur tous les diagnostics, et finalement on n'a aucune obligation, dans la structure de la loi, dans un délai précis, de rendre toutes les décisions concernant tous les diagnostics, toutes les lésions, tous les droits qui visent une personne lui permettant de s'adresser au tribunal. Elle a deux choix: elle s'adresse au tribunal successivement dans une partie de ping-pong avec la révision qui doit être abolie ou modifiée, puisqu'elle est un simulacre de justice, ou encore la personne conserve ses argents pour être en mesure d'être entendue une fois devant le tribunal, et, à ce moment-là, il peut s'écouler 10 ou 12 ans.

(10 h 50)

Il est fréquent que l'on force les gens à se présenter sur des diagnostics qui sont banals, sur des périodes de prestations banales, devant le Tribunal administratif du Québec, avant d'accepter de se prononcer sur ce qui est important pour un individu. On peut le forcer à se présenter pour une fracture à la cheville alors qu'on refuse de rendre les diagnostics concernant un traumatisme crânien survenu à la même période.

Alors, les gens vivent dans cette situation. Il n'y a pas de structure précise. Et je mets en parallèle non pas quelque chose d'incroyable d'un autre État, M. le ministre et membres de la commission. Mais, en dépit de toutes ces lacunes, il y a une structure, en vertu de la Loi sur les accidents du travail – pour vous résumer et ne pas lire mon mémoire tout simplement – il existe une structure qui ferait qu'il y a une obligation de créée à l'administration de rendre toutes les décisions sur la base des rapports des médecins des victimes, auxquelles on prêterait davantage foi, pour s'assurer que les victimes puissent contester toutes les décisions, parce que l'administration aurait eu l'obligation de rendre toutes les décisions sur les questions qui la concerne, diagnostics, traitements, soins, entretien à domicile, frais de garde, et autres. Et, à tout le moins, l'exercice pourrait être complet. La personne pourrait avoir l'occasion de se défendre dans une année ou deux et non pas dans 10 ou 15 ans, ce que j'ai vu trop fréquemment.

Une autre problématique est celle de dire: Lorsque les gens se présentent, par ailleurs, M. le ministre – et ça, c'est fascinant, et c'est la raison pour laquelle nous n'avons pas d'objection à l'abrogation des prestations données ou versées durant deux ans pour en faire une période indéterminée en échange d'un véritable droit à la réadaptation – c'est que, de toute façon, les gens ne les obtiennent pas durant deux ans, leurs prestations, bien souvent. Elles sont contestées avant. Mais le pire, c'est que, devant le Tribunal administratif, lorsque les gens se présentent pour obtenir des prestations durant la période de deux ans et que le Tribunal leur donne raison cinq ans plus tard, la SAAQ à chaque fois va invoquer que les victimes n'auraient pas droit de recevoir leurs prestations rétroactives durant toute la période où elles ont été contestées, même si le Tribunal leur donne raison. C'est un premier sujet.

L'autre sujet sur lequel la SAAQ demande au Tribunal de ne pas verser rétroactivement aux victimes, pour leur faire supporter l'odieux d'une contestation qui était non justifiée, porte sur la détermination d'un emploi. Alors, de la même façon la SAAQ soumettra dans tous les cas, de façon constante, même si le Tribunal ne partage pas cette approche généralement, que la victime doive supporter elle-même la décision de la SAAQ de l'avoir contestée et qu'elle n'a pas droit de recevoir les prestations.

On en vient donc à la question du respect du médecin ayant charge, du médecin traitant. Le Barreau, en 1996, avait demandé, entre autres, justement le droit à la réadaptation, le droit au retour au travail, le respect de l'opinion du médecin ayant charge, et même que la SAAQ y soit liée, exactement comme dans la structure prévue à la Loi sur les accidents du travail. À ce sujet-là, je vous l'ai mentionné tout à l'heure, la distinction que je fais face à cette Loi sur les accidents du travail, c'est de dire: Dans la pratique, et ça, j'aimerais que tous les membres entendent, puisque ce n'est pas la première fois ni sûrement la dernière que vous allez l'entendre, si une victime d'accident du travail ne peut contester l'opinion de son médecin auquel elle est liée parce que la CSST doit respecter l'opinion du médecin traitant et qu'elle est liée à l'opinion du médecin traitant, la CSST et la SAAQ par extension – puisque souvent on se rend compte que les expériences vécues à la SAAQ et à la CSST sont communicantes et sont inspirantes – jamais, M. le ministre, membres de la commission, la SAAQ ne devrait obtenir le pouvoir – que la CSST ne devrait plus avoir d'ailleurs – d'entrer verbalement en communication avec les médecins et les travailleurs sans que le travailleur ne le sache et sans qu'il puisse contester l'opinion de son médecin. Parce que le Collège des médecins a bien dit que la relation entre un patient et un médecin, même pour une personne qui demande des prestations, doit être privilégiée.

Par conséquent, dans la mesure où la relation doit être privilégiée, il ne saurait être question de permettre à la SAAQ et même il saurait être question de finalement enlever à la CSST le pouvoir d'intervenir auprès d'un médecin d'une victime verbalement, à son insu, sachant que la victime ne peut pas contester l'opinion de son propre médecin.

C'est un problème de démocratie, c'est un problème d'exercice d'un droit, et, s'il doit y avoir une justice administrative, parce qu'on a fait en sorte que les gens puissent jouir d'une justice administrative pour éviter que le judiciaire soit la réponse, il ne faudrait pas que la justice administrative devienne une coquille vide, ce qui présente un problème démocratique qui est vécu actuellement, qui est aigu à la CSST et dont il ne faudrait pas que la SAAQ s'inspire. Or, c'est la seule distinction que je fais par rapport à la suggestion du Barreau en 1996, de faire en sorte que la SAAQ soit tenue au respect de l'opinion du médecin traitant. Oui, je n'ai pas d'objection à ce que la SAAQ soit liée à l'opinion du médecin traitant, mais la victime d'accident automobile doit avoir l'occasion, elle, si elle le veut, comme tout citoyen, de changer de médecin. Et surtout la SAAQ ne doit pas avoir le pouvoir éventuel d'intervenir auprès du médecin du travailleur.

Je fais une courte parenthèse ici. Je sais que c'est complexe et technique, cette question-là, je sais que c'était dans un but de favoriser le retour au travail et que ça avait été approuvé par les centrales syndicales que de permettre l'approche au médecin traitant, sauf que cette partie, de souhaiter le retour au travail en donnant des moyens de cette nature, même si c'est encouragé par les centrales syndicales, est tout à fait inadmissible et antidémocratique. Alors, il fallait que quelqu'un le dise. Il ne doit pas régner une charte corporatiste au-dessus de droits aussi importants. Il doit y avoir un droit administratif réel, les droits des victimes quant à leur vie, à leur santé, à ceux de leur famille sont trop importants pour qu'ils soient la chasse gardée corporatiste, ne serait-ce avec les meilleures intentions du monde, syndicale ou autre.

Alors, la SAAQ pourrait contester l'opinion du médecin des victimes assurément, mais il ne devrait pas non plus y avoir inutilement de services d'évaluation médicale, mais tout simplement une contestation qui permettrait à une personne d'être entendue dans un délai rapide sur toutes les questions qui sont d'intérêt.

Alors, c'est peut-être un détour long que l'on prend par rapport à votre livre vert, M. le ministre, où il n'était pas question de ceci, toutefois il était impérieux pour nous. Et nous référons pour le reste, étant donné le temps qui s'écoule, à notre mémoire pour expliquer la situation que vivent les victimes d'accidents de la route, mise en parallèle avec cet autre grand régime, et là-dessus je vous prierai tout simplement de croire au sérieux et au bien-fondé de chacune des situations d'espèce qui vous est décrite ici. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci, Me Cyr. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Je voudrais vous remercier de votre présentation. Vous dites que j'ai... Il y a un point en tout cas sur lequel on va se pencher très sérieusement et très rapidement, c'est quand vous dites, par ricochet, qu'il y a des victimes qui sont mal prises effectivement parce que la mère s'occupait d'une personne handicapée puis du jour au lendemain elle n'est plus là pour x temps, puis il n'y a personne pour s'en occuper, c'est plus ou moins éligible. C'est des problèmes majeurs même pour la Société de l'assurance automobile, et on va le regarder de très près dans les prochaines semaines, soyez assuré de ça.

Pour ce qui est des statistiques, je voudrais vous en donner quelques-unes, parce que, quand on lit votre mémoire, c'est comme s'il y avait une majorité de victimes des accidents de la route qui avaient des problèmes. Il se prend 270 000 décisions par année – 270 000 décisions par année; il y en a à peu près 2 000 qui se rendent au Tribunal administratif. Dans 90 % des cas des remises dont vous parlez, là, c'est les avocats des victimes qui demandent les remises. Donc, il ne faut pas noircir trop, trop le régime puis le système. On se comprend? Ce n'est pas tous des bons avocats comme vous, là. Il y en a qui demandent... Ils en prennent trop puis il les remettent. Imaginez-vous si on ouvrait ça, voyez-vous les remises qu'il y aurait? Ça serait épouvantable, vous le savez. On engorgerait les tribunaux... On reviendrait... Moi, ça fait 23 ans que je perdure ici, autour de la table, puis j'en ai fait, du bureau de comté, puis j'en ai reçu, des victimes, un joyeux paquet, je peux-tu vous dire ça. J'en ai reçu avant l'assurance automobile puis j'en ai reçu après.

(11 heures)

Il y a un professeur d'université qui est passé ici – M. Gardner, je crois – qui a dit qu'il avait pris 200 sentences au hasard, 200 jugements au hasard; ça a pris huit ans et demi de moyenne. Si on revenait à l'ancien système, là, c'est qui... Pour la plupart, parce qu'on regarde les accidentés dans bien des cas, là, on paierait l'aide conditionnelle sur la sécurité du revenu parce qu'il faut qu'ils mangent, puis ça prendrait à peu près huit ans et demi de moyenne. Qu'il y ait un cas de temps en temps... On en a un, cas de 10 ans, là. C'est vrai, on en a un, cas précis qui correspond à ce que vous dites, un cas. Mais son avocat remet, puis remet, puis, quand il n'est pas... Ça me fait penser à certaines personnes. Quand il y en a qui ne sont pas satisfaites de ce que l'avocat dit, elles changent d'avocat, puis elles se présentent à l'aide juridique, puis elles rechangent d'avocat. Vous le savez, ça. Il y a des dossiers qui vous glissent dans les doigts sans que vous vous en aperceviez, ou vous vous en apercevez et c'est fait.

Moi, en tout cas, j'apprécie le ton quand même que vous avez, mais je suis loin d'être certain, loin, loin d'être certain qu'il faut revenir avec un droit d'indemnité. M. Gardner me disait: L'indemnité ça sert à qui? Aux avocats. Puis c'était lui-même un avocat. Je veux vous donner l'opportunité de plaider parce que je ne suis pas convaincu qu'il faut revoir ce système-là en profondeur.

M. Cyr (Michel): Permettez-vous que j'y réponde, M. le ministre?

M. Chevrette: Oui, oui, bien sûr.

M. Cyr (Michel): Écoutez, toutes les administrations du monde répondent toujours la même réponse aux avocats. Et je vous répondrai ceci très facilement. Je n'ai jamais demandé et je ne demanderai jamais que nous en revenions au système d'action civile. Ce que je constate, c'est que toutes les administrations – celle-là n'y échappe pas, et la CSST nous sert les mêmes réponses – pour justifier leur façon d'être, on nous dit toujours que l'on accepte la majorité des réclamations, ce qui est tout à fait vrai, incontestable, sauf qu'à chaque fois qu'une victime est blessée lourdement, elle, elle est présumée mentir. Dans la culture de l'administration, elle est présumée être une personne qui est susceptible de mentir. Et on la conteste, et on la conteste, et on la conteste. Et elle fait les frais surtout, même pas d'un manque de sérieux d'opinion médicale, mais d'école de pensées médicales différentes, ce qui ne devrait pas exister, la médecine n'étant pas une science exacte. Et je vous le dis avec plaisir après 25 ans, la CSST m'a servi cette réponse de l'administration depuis toujours, 270 000 victimes, 2 000 refus. Les cas graves, les cas lourds sont toujours ceux qui posent problème, qui coûtent cher et qui sont contestés.

M. Chevrette: Je ne fais pas de règle générale, M. Cyr, moi non plus.

M. Cyr (Michel): Mais je vous donne cette réponse-là...

M. Chevrette: Parce que j'ai vu, un lundi matin, dans mon bureau de comté, une personne arriver avec un collier puis une canne, puis elle a dit: Chevrette, je ne suis plus capable de marcher. J'ai trouvé ça épouvantable. J'ai fait venir ma secrétaire puis je t'ai dicté tout une lettre à ces messieurs-là, là, une puissante lettre, assez dure. Le gars avait de la misère à parler. Une heure après, je sautais dans mon auto pour aller dans une paroisse, il était en train d'embarquer sa chaloupe sur le toit de son quatre-par-quatre. Est-ce que j'ai fait une règle générale pour dire: C'est tous des gars de même? Non. Je me suis fait emplir correct. Donc, oublions les règles générales, regardons plutôt correctement... Puis ça, je l'ai vécu, de mes yeux vu, ce que je vous dis là. Il n'est jamais revenu au bureau parce que j'ai arrêté pour qu'il me voie comme il faut. Mais ça, là, on va-t-u dire que c'est tous des pas bons parce qu'il y en a un qui a fait ça?

M. Cyr (Michel): Non.

M. Chevrette: Autant, sur le contraire, on ne peut pas dire que les cas sont tous mal réglés parce qu'il y en a un qui a de la difficulté.

M. Cyr (Michel): La fraude et l'abus constituent le prétexte et l'alibi de l'administration. C'est un constat. Des abuseurs, il en existe dans tous les régimes. Mais, dans tous les régimes publics, CSST, SAAQ, Régie des rentes, IVAC, tous les cas lourds font les frais d'écoles de pensée divergentes médicales, et ça, la jurisprudence est constante. Or, l'administration n'a pas le monopole de la science médicale. Mais ils sont tous finalisés exactement de la même façon, sous ce couvert, entre autres raisons.

Les remises, oui, il y en a. J'en demande énormément. Mais je vous ai expliqué une chose tout à l'heure, M. le ministre. Il existe, dans des dossiers d'accidents d'automobile, dans plusieurs dossiers lourds évidemment, 300 à 400 décisions. Sur les 300 à 400 décisions qui sont rendues, dû à l'absence de structure totale de cette loi: 30, 40 décisions qui vont constituer quatre ou cinq dossiers sur des sujets importants, sur une base de 12 ans. Et là vous avez un choix à faire. Ou vous allez représenter la personne dans un seul dossier et vous allez la représenter six fois en 10 ans, ou vous tentez de cumuler les dossiers que provoque l'administration pour essayer d'y aller une fois ou deux seulement. Et ça, je suis fier, comme avocat, de vous le dire, M. le ministre, tous les dossiers, même s'il y en a sur quatre dossiers constitués de 12 sous-dossiers, je tente de les joindre toujours depuis 15 ans à tout le moins et je ne me présente jamais devant le service de la révision. Jamais. Inutile. Par conséquent, les remises, oui, j'en demande une somme folle, oui, pour des motifs d'être occupé, mais surtout pour éviter que les gens ne se présentent dans la partie de ping-pong dans laquelle, comme moyen de gestion de la loi, malheureusement, les gens sont impliqués, ce qui fait que leur vie, après 10 ou 12 ou 15 ans, peut être tout à fait réduite à néant parce qu'ils constituent un cas lourd et qu'ils auront fait les frais souvent...

M. Chevrette: Les cas lourds...

M. Cyr (Michel): ...d'écoles de pensée différentes et du fait que l'administration s'entête à refuser de rendre des décisions sur l'ensemble de leurs blessures et de leurs séquelles.

M. Chevrette: On m'indique, M. Cyr, que les cas lourds, vraiment lourds sont les plus faciles à régler.

M. Cyr (Michel): Oui. M. le ministre...

M. Chevrette: À cause du programme V.I.P., on les prend en considération...

M. Cyr (Michel): Oui, tous les décès.

M. Chevrette: Les plus difficiles, là, c'est le genre de cas que... Les maux de dos, si vous faites de la CSST, vous savez très, très bien que ce sont les cas les plus durs, ça aussi, autant à la CSST qu'à l'automobile, les cas de colonne cervicale, les cas de vertèbres soudées, puis là il y a rechute. Écoutez, j'ai probablement autant de dossiers que vous en avez sur l'assurance automobile, moi, en 20 ans, 22 ans, puis j'en ai probablement un joyeux paquet de CSST. Trois cas sur cinq, entre nous autres, quand on fait du bureau de comté, c'est soit de la CSST ou soit de la SAAQ. Puis là tu dis: Quel médecin...

Il y a des médecins qui se spécialisent dans les expertises des accidentés. Vous le savez, ça? D'ailleurs, vous autres, vous les envoyez tous là quand vous en avez un qui se spécialise dans ça. Il y a des médecins qui vont recevoir 80 % des accidentés d'un ville ou de... Puis là souvent ça se monte un bureau, puis c'est des témoignages longs. Puis je connais ça un petit peu, moi aussi, là. Puis ce n'est pas par bravade que je vous dis ça.

Je vous dis que le système comme tel, si on devait modifier en profondeur, en substance la question de la non-responsabilité, je pense que, socialement, on serait des grands perdants. On serait des grands perdants parce que l'État – et j'insiste là-dessus – subventionnerait le salaire même temporaire de ces individus-là. Et certains procès qui prennent huit ans, M. Cyr, il n'y aurait même pas assez d'argent pour rembourser l'aide sociale. Ils auraient probablement reçu, je ne sais pas... Ceux qui reçoivent 800 $ ou 900 $ par mois, c'est des pitances de rien. Puis, s'il y a un verdict devant les tribunaux d'une pitance, ils devront 24 000 $ puis ils vont retirer 20 000 $, puis ils ne pourront même pas vous payer. D'ailleurs, comme avocat, vous ne recommanderiez pas à un de vos clients, j'en suis sûr, de poursuivre quelqu'un qui n'a pas une cenne.

M. Cyr (Michel): Exactement.

M. Chevrette: Bon. À ce moment-là, ce n'est pas... un système qui ne servirait qu'à souhaiter et à prier le petit Jésus pour qu'un riche me frappe. Voyons!

M. Cyr (Michel): M. le ministre, si vous permettez, à votre question ou intervention, évidemment, encore une fois, c'est un constat, toutes les administrations du monde aiment la fracture ouverte ou le décès immédiat. C'est facile. Ce genre de cas lourds là...

M. Chevrette: ...pas des décès, je m'excuse. On se comprend, là. Respectons-nous, là. Ce n'est pas ça que j'ai dit.

M. Cyr (Michel): Non, non, mais la fracture ouverte, la personne qui a des lésions multiples immédiates et qui est hospitalisée trois mois, on a le temps de... Ça, je comprends. Les cas de dos dont vous parlez, je pense, outre les cas d'abus, qui sont toujours en nombre infime, on peut assez bien le savoir, font tous généralement les frais d'écoles de pensée différentes. Vous parliez des médecins qui se spécialisent dans ce type d'expertise. Alors, la partie adverse existe aussi chez ces médecins. Et on peut se questionner sur le genre, particulièrement, de médecine qui est pratiquée lorsque la gestion est en cause exclusivement dans le cadre d'écoles de pensée, puisque c'est souvent ce sur quoi l'opinion est basée.

Mais je termine là-dessus, peut-être, ma réponse. Encore une fois, s'il doit y avoir, en droit administratif, un régime qui est maintenu – ce que je souhaite – d'aucune façon cela ne justifie l'administration de se comporter comme elle le fait. Et surtout il faudrait peut-être lui donner les moyens pour s'assurer qu'elle le fait davantage – et c'est pour ça que je faisais le parallèle avec cette autre loi – de façon à ce qu'il n'y ait plus 300 ou 400 décisions rendues durant 10 ans mais peut-être 30 ou 40 sur deux ans, un an, ce qui ferait en sorte que les gens puissent se défendre. Donc, il ne faudrait pas que certains puissent être tentés de me faire passer pour quelqu'un qui voudrait poursuivre civilement. Ce n'est pas du tout le cas.

(11 h 10)

Alors, je pense que l'administration a, et c'est normal, la partie facile de se dire: Là, on sait bien, les avocats! Mais, une chance, il s'agit encore d'un État de droit par rapport souvent à une tentation totalitaire, qui existe dans toute administration, de remettre en question ce droit et l'exercice des droits ou le sens de ces droits. Et, dans ce sens, ce ne serait pas priver l'administration de la saine administration qu'elle doit faire que de dire: Nous pouvons rendre les décisions qui permettront aux gens de se défendre, le cas échéant, s'il y a lieu, devant les tribunaux, ce qui n'est pas le cas à la SAAQ, du moins dans un délai acceptable actuellement, comparativement même, dans le même État, au même lieu physique, à cette Loi sur les accidents du travail qui, bien qu'imparfaite, permet aux gens d'être entendus infiniment plus rapidement et d'éviter de devenir les victimes de l'administration après avoir été victimes d'un accident de la route.

M. Chevrette: Vous êtes au courant qu'on a adopté dernièrement un nouveau programme pour couper les délais de 80 % puis de 58 %.

M. Cyr (Michel): Oui.

M. Chevrette: Vous êtes d'accord avec ça?

M. Cyr (Michel): Tout à fait, sauf une chose qui m'a inquiété au plus haut point. À chaque fois, M. le ministre, que nous nous retrouvons devant les tribunaux avec la SAAQ, c'est pour nous dire: Écoutez, vous êtes arrivé à l'hôpital, vous n'avez jamais parlé de votre traumatisme crânien et vous n'avez jamais parlé de votre problème de dos, alors que vous avez des fractures multiples, que vous avez un éclatement de la rate, alors qu'on doit vous faire une laparotomie, alors que vous avez un problème au niveau pulmonaire, alors que vous avez un problème respiratoire. Et, à ce moment-là, à chaque fois – et puisque vous ouvrez cette porte-là, c'est très intéressant – on tente – j'y fais état dans le mémoire – de réduire la médecine, on donne des guides d'information à ses propres médecins. Quand je demande une expertise médicale à un médecin, je ne lui envoie pas le guide d'emploi; ce que fait la SAAQ.

M. Chevrette: Avec le nouveau programme, demain matin, 80 % des gens vont être directement informés à l'hôpital par une infirmière qui a accès au dossier médical, qui va marquer tous les traumatismes qu'il y a, et ça n'arrivera pas, ce que vous dites. C'est exactement ce qu'on vient de corriger.

M. Cyr (Michel): M. le ministre, j'en profite pour vous dire – c'est au bon moment, c'est une très bonne occasion – nous verrons. Puis vous vous rappellerez notre discussion d'aujourd'hui. Je n'ai pas raison, étant donné ce que nous vivons, d'avoir confiance au fait que la SAAQ ne nous dira plus devant les tribunaux: Écoutez, si, dans les 24 heures ou 48 heures, vous n'avez pas fait état de votre traumatisme crânien ou de l'hernie discale au dos que vous aviez alors que vous étiez alité parce que vous avez été opéré pour fractures aux côtes...

M. Chevrette: Oui, M. Cyr, il va y avoir des cas...

M. Cyr (Michel): C'est un constant.

M. Chevrette: Dimanche dernier, moi, j'ai eu un accident grave d'une de mes proches, ma nièce, puis je ne sais pas si elle a repris connaissance au moment où on se parle. Pensez-vous qu'elle est capable de dire à une infirmière, 24 heures... Ça fait au moins quatre jours, là. Puis, quand je suis allé lundi, elle ne m'a même pas reconnu. Donc, n'essayons pas de... Il y aura toujours des cas d'exception de même, ça, c'est clair. Mais, règle générale, dès que la personne est en mesure... Parce qu'il ne faut pas aller importuner, non plus, une personne qui est très malade, là: Où tu as mal? Je pense qu'il faut que la personne soit en pleine possession de ses facultés pour pouvoir aider l'infirmière à l'aider.

M. Cyr (Michel): Voilà. Si on veut déjudiciariser, M. le ministre, dans ce sens-là, il faudra que la personne, lorsqu'elle en aura la possibilité, consciemment, à l'hôpital, soit non seulement informée de ses droits, mais qu'on puisse vraiment tenter de savoir par un ensemble... Exemple. Je comprends qu'un neuropsychologue n'ira pas voir une personne... mais, s'il y a eu un traumatisme à la tête, même mineur, mais que l'on a dû s'occuper d'abord d'un éclatement de la rate et d'une fracture ouverte, il serait bon qu'avant que la personne quitte l'hôpital on s'interroge sur son traumatisme crânien plutôt que de le nier, comme je viens de le voir dans une décision récente que j'ai reçue. Alors, c'est ce qu'on invoque, à la SAAQ. Et, si ce système-là permet aux gens d'être indemnisés mais que l'on connaisse mieux l'ensemble des sièges de lésion, j'en suis. Autrement, on devra malheureusement se reparler de cette question dans...

M. Chevrette: Je vous remercie, parce que mon temps est écoulé. Mais je vous dirai, M. Cyr, que j'ai eu des personnes à mon bureau qui ont été indemnisées pour une perte de 112 % de capacité.

M. Cyr (Michel): Oui, c'est vrai. Je le sais.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais vous remercier, Me Cyr, pour la présentation de votre mémoire. J'ai eu l'occasion de rencontrer à quelques reprises Mme Gauthier, de la Fondation, alors je suis bien au fait du travail qui se fait de ce côté-là.

Je vais d'abord faire quelques commentaires et ensuite j'aurais peut-être certaines questions. Je pense que, dans le mémoire que vous nous présentez aujourd'hui, vous abordez, disons, un certain nombre de points excessivement importants sur le système de la Société de l'assurance automobile du Québec, et je dirais que vous l'abordez malgré le livre vert. Et, on l'a déploré... Vous n'êtes pas sans savoir que, depuis au moins un an pratiquement, on demande qu'il y ait une réflexion sérieuse qui se fasse sur le système d'assurance automobile du Québec, et on se bute à un refus systématique, à la fois du ministre et de la Société de l'assurance automobile du Québec, d'aborder cette question-là.

Dans les commentaires que vous nous apportez, il y a énormément de ces points-là qui sont soulevés. Vous parlez des indemnités. Vous avez parlé de la question de la poursuite au civil. Vous avez fait référence aussi à d'autres éléments qui sont aussi importants parce qu'on en entend parler régulièrement, c'est-à-dire le système du bureau de révision, des tribunaux administratifs, la question du médecin traitant et puis d'autres éléments qu'on retrouve dans votre mémoire.

Alors, je pense que le système d'assurance automobile du Québec n'est pas parfait. Et j'écoutais le ministre tout à l'heure, dans ses commentaires, il nous disait: Est-ce que vous pensez qu'on va revenir à l'ancien système? Il n'y a jamais personne qui a dit qu'il fallait revenir à l'ancien système. Mais je ne comprends pas... En fait, ça simplifie bien. On divise les gens. Ceux qui prétendent vouloir avoir une réflexion sérieuse sur le système d'assurance automobile du Québec, le système du «no fault», pour l'améliorer, on leur dit: Il n'est pas question qu'on retourne à l'ancien système. Mais je pense que je l'ai dit plusieurs fois depuis le début de la commission et je le redis encore aujourd'hui, il n'y a jamais personne... et vous-même, vous ne demandez pas qu'on abolisse le système du «no fault». Et il n'y a personne qui est venu, à date, faire des représentations qui a demandé ça aussi. Alors, qu'on cesse de nous rabâcher les oreilles avec ça et de nous dire que, si on veut une réflexion sur le système, ça veut dire qu'on veut revenir en arrière et que, là, ça va être des poursuites à n'en plus finir et puis les gens vont se retrouver sur le bien-être social et puis, bon, etc. Ça, c'est caricaturé. Et je pense que ça fait l'affaire du gouvernement de se comporter comme ça, dans sa stratégie de ne pas vouloir ouvrir un débat, de mettre en marge, si on veut, les gens qui voudraient une réflexion sérieuse. Un premier point.

Deuxième point. Encore là, c'est une tactique qui est utilisée souvent, c'est qu'à chaque fois qu'on aborde cette question-là on met en cause les avocats. Je comprends, les avocats, eux autres, ils ont intérêt à remettre en cause le système parce que ça va leur donner du travail, et tout ça. Bon. Et ça, ça fait partie du discours de division qu'on essaie de créer autour de ça. Mais je n'ai pas entendu souvent le ministre parler des 175 000 personnes qui avaient signé des pétitions qui ont été déposées à l'Assemblée nationale, qui demandaient qu'on fasse une réflexion de cet ordre-là. 175 000 personnes, des citoyens du Québec, de toutes les régions du Québec, ça, on n'en parle pas. On parle des avocats qui auraient un intérêt, soi-disant, à revoir le système pour se donner du travail. On a eu des avocats qui sont venus nous dire ici qu'il y avait un bon nombre de causes qu'ils faisaient, ils n'étaient même pas payés pour les faire. Alors, c'est facile de diviser les gens comme ça et d'essayer d'enterrer, au fond, une discussion comme celle qu'on souhaiterait avoir sur le système du «no fault».

On fait référence au caractère dramatique un peu du système en cause en disant: Oui, mais, s'il fallait, ces gens-là... Effectivement, les gens qui sont des accidentés de la route sont dans une situation très pénible, très difficile, et c'est leur survie qui est en cause souvent en plus de leur vie, mais c'est même comment survivre, à l'avenir, avec les séquelles qu'ils vont avoir suite à un accident. Alors, on laisse entendre qu'il ne faudrait pas toucher à ça parce qu'on toucherait une catégorie de gens très vulnérables. C'est tout à fait vrai. Mais c'est tout à fait vrai aussi dans le domaine de l'aide sociale. Pourtant, on a revu l'aide sociale. Le même gouvernement a fait une commission, il y a un an, un an et demi, pour rediscuter de l'aide sociale puis apporter des modifications. On n'a pas remis en cause le système d'aide sociale au Québec. Il y a eu des modifications que le gouvernement a apportées par la suite.

(11 h 20)

Alors, je ne comprends pas le mur qu'on frappe au niveau d'une discussion ouverte sur cette question-là, sur réfléchir sur le... Et il n'est pas question juste... il y a plusieurs points qui sont en suspend, et, dans votre mémoire, vous y faites référence. Et puis je pense qu'il y a un groupe qui l'a dit, ce n'est pas à l'intérieur de cette commission-ci qu'on va faire le débat sur la SAAQ parce que ce n'était pas ça, l'objectif et tout a été fait pour qu'on n'en parle pas. Hein? Regardez le chapitre 5, vous allez voir que, dans les quatre propositions qu'on a soumises pour avoir l'avis des gens, il n'y en a aucune qui concerne le système d'assurance automobile de la SAAQ. On a bien intégré de façon marginale – parce qu'on l'a même mis en italique – un petit extrait qui justifie le système, mais, dans les solutions qu'on a retenues, il n'y en a aucune qui touche à la SAAQ comme telle. Alors, c'est bien clair qu'on ne voulait pas qu'on en parle.

Et, malgré ce fait-là – c'est pour ça que je disais malgré le livre vert – vous venez nous apporter des points importants. Et c'est aussi vrai que, malgré ce fait-là, il y a au-delà d'une quinzaine de mémoires qui traitent des préoccupations que vous avez aujourd'hui, qui viennent de citoyens, qui viennent d'autres avocats, qui viennent d'organismes dédiés à la défense des accidentés de la route. Alors, on demande ce débat-là. 175 000 personnes au Québec qui ont signé des pétitions, franchement, je ne comprends pas qu'un gouvernement mette ça de côté puis rejette ça du revers de la main. 175 000 personnes, c'est des citoyens de toutes les régions du Québec, ils doivent avoir le droit d'être entendus. On ne demande pas de scraper le système, on demande d'en discuter et, éventuellement, si on convainc le gouvernement, d'apporter des modifications. Il me semble que ce n'est pas sorcier, ça, on doit avoir le droit de demander ça à un gouvernement qu'on élit. Alors, en fait, c'étaient les commentaires que je voulais faire de ce côté-là.

Maintenant, j'aurais peut-être certaines questions plus particulières que je voudrais vous poser, et je vais en profiter parce que ça refait le débat qu'on aurait pu faire dans un autre forum, plus axé sur l'ensemble d'une réflexion sur la SAAQ. Vous faites référence, dans votre document, au bureau de révision, bon, toute la dynamique entre le bureau de révision, les tribunaux administratifs du Québec. Et vous nous dites que le bureau de révision devrait être aboli comme tel. J'aimerais là-dessus que vous nous expliquiez peut-être un peu plus votre point de vue par rapport à l'articulation qui existe entre le bureau de révision et le Tribunal administratif.

M. Cyr (Michel): Avec plaisir. Alors, encore une fois, heureusement on peut jouer des parallèles, et j'aimerais peut-être faire un commentaire bref sur votre intervention. Je tiens à le préciser, parce que c'est trop facile de casser du sucre sur le dos des avocats, ça doit être fait lorsque c'est mérité, mais, dans un État de droit, que voulez-vous, il est nécessaire qu'il y ait des avocats pour s'adresser aux tribunaux, autrement les citoyens s'y prendraient malheureusement d'une autre façon. Donc, le «no fault», je l'appuie, comme vous l'avez dit, je pense que personne ne le remet en question. Et c'est un épiphénomène, finalement, c'est un phénomène secondaire, celui des chauffards. Donc, ça existe dans d'autres lois, ce n'est pas la raison d'être majeure qui nous amène ici. Et, vous l'avez dit, c'est que nous voulions être entendus sur une question qui nous paraissait bien plus importante, qui concerne tous les citoyens au Québec, soit la gestion de la Loi sur l'assurance automobile.

Ce n'est pas parce qu'il existe une justice administrative qu'il doit s'agir d'une justice de pauvres, qu'il doit s'agir d'une coquille vide, qu'on doit permettre des moyens de gestion des droits sociaux qui appauvrissent les gens. L'administration ne doit pas se comporter en vase clos, comme si elle vivait en marge et en parallèle des citoyens pour lesquels elle rend une décision. Et, concernant le service de la révision, sous sa forme actuelle, il doit effectivement disparaître ou être remplacé par une véritable instance. Mais, encore une fois, pour ne pas être taxé de vouloir multiplier les instances, je n'ai pas d'objection – c'est pour ça que nous le demandions – à ce qu'il disparaisse.

Mais nous avons vu ce que ça entraînait. En matière d'accidents du travail, il existait un bureau de révision paritaire; la loi 79 l'a aboli. Il existe actuellement une révision administrative. Or, qu'est-ce qui se produit? Nous le savions, mais ça s'est produit, c'est que, contrairement au service de la révision de la SAAQ, qui ne donne rien aux victimes généralement dans au moins, selon les années, entre 88 % et 96 % des cas, eh bien, ce bureau de révision de la SAAQ tient une audience, à laquelle je ne vais jamais. Je suis allé trois fois en 1987, coup sur coup, avec médecins spécialistes, seul, pas d'adversaire. Ça ne peut rien donner, donc je n'y vais pas. Mais, même si je n'y vais pas, les délais passent, les délais que les gens doivent attendre pour que ce service de révision se saisisse des questions, même s'il va maintenir la décision du fonctionnaire prise initialement, leur font perdre un temps considérable.

Or, je fais le parallèle avec la Loi sur les accidents du travail. Ils ont enlevé les audiences au bureau de révision paritaire, qui finalement avait réussi à bien fonctionner parce qu'il y avait une véritable audience par des gens qui étaient qualifiés, selon la décision Mécano-soudure Drummond rendue en 1986 par la Commission d'appel comme étant au moins un tribunal hybride, où les gens étaient de la CSST mais à la fois considérés comme indépendants, ce qui n'est pas le cas de la révision de la SAAQ. Or, même si le bureau de révision paritaire de la CSST avait commencé à bien fonctionner, on l'a aboli pour des raisons de coûts, ce qui plaisait à tout le monde. Je lève aussi le voile sur cette situation-là. Mais, même si ça plaisait à tout le monde, qu'il soit aboli, ils ont remplacé ça par une révision administrative sans audience. Le problème pour les accidentés est le même: les décisions sont maintenues dans plus de 90 % des cas, pas d'audience, mais les délais sont les mêmes.

Or, on gère les lois avec le délai, et, parce que c'est la même chose avec audience au service de la révision, cette révision devrait être abolie et remplacée par un véritable tribunal ou encore faire en sorte de donner les moyens au TAQ d'entendre les gens immédiatement, de plano, de plein droit, en appel et, de façon large, avec le personnel requis à ce Tribunal, un peu comme on l'a fait pour la CLP, si toutefois ces tribunaux passent le test des tribunaux judiciaires, comme on l'a vu dans l'arrêt récent de la Cour supérieure invalidant le TAQ.

Alors, ce serait, si j'ai pu l'exprimer clairement, oui, ma réponse pour ou une modification pour un véritable tribunal ou, plus simplement, si on ne veut pas multiplier les instances, l'abolir, le service de révision, et avoir un appel de plein droit au TAQ mais dans un délai qui n'est pas le même que celui actuellement, donc beaucoup plus bref. Parce que ce qu'on y gagnerait par l'abolition du service de révision, il ne faudrait pas que ça soit multiplié par une révision bidon comme celle qui existe à la CSST, qui n'entend pas les gens, mais qui prend peut-être six mois, un an et demi, dans les premiers cas, pour maintenir la décision du fonctionnaire initiale. Alors, ça, c'est une hérésie absolue et c'est un non-sens.

M. Bordeleau: C'est ça. Et j'ajouterai peut-être à ce que vous mentionnez, au fond, qu'il faut en être bien conscient, on parle d'un système, mais il y a des personnes qui sont prises dans ce système-là, et ces personnes-là sont des personnes en situation très difficile et qui ne sont souvent généralement plus capables de travailler, qui doivent essayer de survivre, comme je le mentionnais tout à l'heure. Et ces gens-là sont pris, on le voit dans nos bureaux de comté, tout le monde, dans des délais, des contestations, ce qui fait en sorte que ces gens-là ont de la misère à passer à travers, alors qu'ils ne sont pas dans une situation où ils peuvent faire d'autre chose, le lendemain matin, pour compenser, ils sont incapables de le faire. Donc, je pense qu'il ne faudrait pas perdre ça de vue.

Dans vos représentations, vous avez attiré notre attention sur deux points: les poursuites au civil et la question des indemnisations aux coupables, reconnus coupables d'avoir conduit en état d'ébriété. Souvent, il y a des représentations qui nous sont faites par des gens aussi qui souhaiteraient qu'on regarde la question du droit de subrogation à la SAAQ. Est-ce que vous avez une position là-dessus? Vous n'en avez pas parlé.

M. Cyr (Michel): On n'en a pas fait état dans le mémoire, donc on n'a pas voulu, comme je le mentionnais initialement, aller aussi loin. On n'aurait pas d'objection de fond. Mais on a choisi délibérément de ne pas en parler mais sans non plus avoir une objection à ce qu'il y ait un droit de subrogation de la SAAQ face aux criminels de la route – pour les victimes mais face aux criminels de la route. Et, comme je vous l'ai dit, on a tenté de restreindre au minimum notre intervention sur cette question-là pour se dire: À tout le moins, soyons concordants avec les autres lois qui existent au Québec. En fait, c'est la seule chose qu'on a voulu plutôt asseoir clairement.

M. Bordeleau: Si on revient au livre vert comme tel, il y a les quatre propositions qui sont avancées par le ministère, et vous n'y avez pas fait état et vous l'avez très bien situé au départ, mais je ne sais pas si, comme représentants de la Fondation, vous avez peut-être un message à nous envoyer de ce côté-là aussi. On parle, au fond, de l'augmentation des sanctions, hein, d'augmenter la période de suspension, dans un cas, avoir un système de sanctions gradué, on parlait aussi de réduire du 0,08 à 0,04, zéro alcool pour les conducteurs professionnels. Alors, est-ce que vous avez des positions là-dessus ou vous avez...

M. Cyr (Michel): Non, nullement. Je préférerais, donc, ne pas faire de suggestions de ce niveau-là, personnel, aujourd'hui, puisque nous n'avions pas dans notre mémoire non plus d'opposition précise à cet effet.

Le Président (M. Lachance): En conclusion, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: O.K. Non, ça va, j'ai terminé. Je vous remercie, Me Cyr, pour votre présentation.

(11 h 30)

Le Président (M. Lachance): Merci pour votre participation aux travaux de cette commission, Me Cyr. Alors, j'invite immédiatement les porte-parole de l'Association des accidentés de la route de la région des Laurentides à prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, je vous invite à bien vouloir vous identifier, ainsi que la personne qui vous accompagne.


Association des accidentés de la route, région des Laurentides (ARRL)

M. Scalise (Domenico): Je me présente, Domenico Scalise, membre fondateur de l'Association des accidentés de la route, région des Laurentides et aussi de l'Association des accidentés de la route du Québec. Je remercie la commission de nous avoir invités au débat sur la sécurité routière. Je vous avise que notre charte, dans notre paragraphe 4c qui...

Le Président (M. Lachance): Vous êtes accompagné par madame...

Mme Gauthier (Danielle): Danielle Gauthier.

Le Président (M. Lachance): Mme Gauthier.

Mme Gauthier (Danielle): Mais pas la Mme Gauthier d'avant, une autre Mme Gauthier.

Le Président (M. Lachance): Très bien. Mme Danielle Gauthier.

Mme Gauthier (Danielle): Pas de parenté. Ha, ha, ha!

M. Scalise (Domenico): Secrétaire de l'Association.

Le Président (M. Lachance): Je vous indique immédiatement que vous avez un maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires avant d'aborder la période d'échanges avec les parlementaires.

M. Scalise (Domenico): D'accord. Alors, selon notre charte nous avons une activité permanente d'information et de prévention pour mieux faire comprendre les conséquences d'un accident de la route. Ces activités sont: la relation avec les médias et les groupes communautaires; la relation auprès des ministères des Transports, de l'Éducation et de la Santé; la participation aux programmes de prévention et de sécurité routière, tout en dénonçant les abus et les problématiques. Donc, notre charte nous permet de parler de la sécurité routière. Et un point qui nous tient beaucoup à coeur aujourd'hui même, c'est notre mémoire n° 1 où on parle des cours de conduite pour les jeunes conducteurs ou pour les plus vieux conducteurs aussi.

Je ne lirai pas mot à mot ici, vous l'avez tous, le mémoire, je crois. Alors, notre position à ce niveau-là est que nous croyons qu'il faut au départ bâtir sur du solide, avoir des conducteurs qui sont responsables et les former dès l'âge qu'ils ont la possibilité de toucher à un véhicule moteur. Je crois qu'on doit les informer de tout le mécanisme du véhicule moteur: C'est quoi? Qu'est-ce qu'il fait, un véhicule moteur? Quand vous mettez votre pied sur le frein, pourquoi ça arrête? Il faut qu'ils voient le mécanisme, et c'est de cette façon-là qu'on croit qu'un jeune conducteur qui décide de prendre la route devrait avoir une formation par des gens experts et non par le petit mon oncle ou la ma tante qui montre à conduire comme ça là. C'est un peu qu'est-ce qu'on décide de dire ici.

Dans certains endroits, on donne une formation. On donne une formation pour le maniement de port d'arme. On donne des cours de formation et on n'en donne pas pour la conduite. Je me pose des questions. Pourquoi on ne devrait pas les mettre obligatoires? Je crois que tout le monde devrait bien apprendre à conduire avant, et après on verra pour les sanctions, mais avant il faut leur montrer à bien apprendre. Alors, c'est pour ça qu'on a présenté ce mémoire-là. C'est très court.

J'aimerais qu'on rétablisse les cours de conduite obligatoires, de un, et, de deux, les faire donner par des personnes compétentes. Et à ce sujet nous sommes en train de développer un projet embryonnaire, un logiciel qui peut faire une simulation de conduite, comme on fait une simulation de vol, avec des partenaires. Alors, on verra si probablement ce logiciel pourrait se distribuer dans les écoles où les enfants ont l'intention de bien apprendre à conduire. Alors ça, c'est un petit projet embryonnaire qui s'en vient.

Dans le deuxième côté de notre mémoire sur la sécurité routière, ça ne touche pas nécessairement la sécurité routière, mais on doit en parler. Et encore je vous relate le cas qui est arrivé avant-hier, un jeune garçon de 22 ans, je crois, qui a tué un monsieur avec son véhicule automobile. Je voudrais que vous vous mettiez aujourd'hui dans les souliers des parents de ce monsieur-là – c'est peut-être votre frère, c'est peut-être votre père, c'est peut-être quelqu'un de proche – et voir comment vous vous sentiriez aujourd'hui qu'ils sont peut-être au salon funéraire de ce monsieur-là. C'est la problématique de ça.

Alors, ce petit jeune garçon là, qui est dans un régime «no-fault», présumément, sans égard à la faute, a décidé de prendre son véhicule. Et il a dit qu'il croyait qu'il avait frappé un animal. C'est ça, un être humain, je crois, pour ce petit garçon là, c'est un animal. C'est malheureux de voir ces conditions-là, c'est très malheureux. Nous, l'Association des accidentés de la route, nous voyons les victimes après l'accident. On ne les voit pas avant, parce qu'un accident, ça n'arrive jamais à nous autres, ça arrive toujours aux autres.

Et où je trouve que c'est un peu problématique, que ce soit un chauffard, que ce soit une personne négligente... Je vais vous donner un exemple, le ministère des Transports – je m'excuse, M. Chevrette, vous n'étiez pas là – à une certaine période donnée, avait été avisé qu'il y avait un danger sur le Métropolitain. Je m'excuse de vous parler de ça, mais c'est une négligence, la journée où on n'a pas nettoyé le Métropolitain, et cette voiture-là a fait un parapet pour tomber en bas et tuer un jeune enfant.

Ces négligences-là... Je crois que le Code civil nous dit clair que toute personne qui cause un dommage à autrui est tenue de réparer le dommage. Et c'est pour ça qu'on ne doit pas nécessairement emprisonner les criminels au volant ou les fauteurs d'accidents, les causeurs d'accidents, mais on devrait leur donner l'obligation de les poursuivre en matière d'indemnisation, si on veut, pour compenser, Même si la Société de l'assurance automobile ne... M. Giroux qui est ici, on en a discuté une fois.

Le régime est un régime de base. L'indemnisation, c'est un régime d'indemnisation de base, n'est pas un régime tout à fait complet. Et je crois, avec M. Giroux, on s'était mis d'accord sur ça, et on a accepté le régime de base. Par contre, il y a d'autres difficultés que vivent les victimes d'accidents de la route, et c'est pour ça que vous les trouvez en révision, vous les trouvez devant la Commission des affaires sociales. J'en suis une, moi, une personne accidentée, puis ça fait plus que 10 ans que ça dure, depuis 1989, et je n'ai pas réglé encore.

Je crois que toute personne fautive est tenue de réparer le dommage, pas nécessairement en faisant de la prison mais aussi monétairement. Alors, si vous me permettez, il y a peut-être une solution. Je ne la connais pas, je ne suis pas avocat comme mon prédécesseur. Nous sommes juste une association d'aide aux victimes d'accidents de la route, et tout ce qu'on sait, c'est qu'on vit avec les familles après leur accident puis on essaie de vivre leur épreuve puis d'accepter leur épreuve, parce que c'est une épreuve. La seule erreur qu'elles ont commise, les victimes d'accidents de la route, c'est d'être à la mauvaise place au mauvais moment. Deux minutes plus tôt ou deux minutes plus tard, il n'y aurait peut-être pas eu d'accident. Et on essaie de vivre leur accident, d'accepter les limites qu'elles ont reçues après cet accident-là.

Dans la majorité des cas, tous les gens qui viennent nous solliciter... Et d'ailleurs maintenant on en a de plus en plus qui viennent nous voir via l'Internet. Je vous dispenserai de tous les témoignages que j'ai ici depuis janvier. Je pense que j'ai une quarantaine de courriels de victimes d'accidents de la route qui aimeraient avoir une espèce de compassion, de leur expliquer... Et mon message est toujours identique, c'est d'essayer d'accepter les limites qu'on a parce qu'on était à la mauvaise place au mauvais moment. On essaie de les accepter et, une fois qu'on a essayé d'accepter ces limitations qu'on aura subies suite à un accident, bien on peut faire d'autres choses. On va se réadapter dans d'autres choses plus facilement.

D'ailleurs, j'en suis un, exemple de tout ça: je me suis réadapté dans d'autre chose, dans justement qu'est-ce que je fais là. Et ça, c'est une de nos préoccupations sur la sécurité routière, ces deux points-là.

(11 h 40)

Si vous voulez qu'on parle, comme M. Cyr tout à l'heure, sur l'indemnisation, on aurait long à en dire, mais je crois que ce n'est pas la place de parler du régime. Mais c'est vrai que le régime d'indemnisation pourrait être bonifié. Comme on a vu en Ontario dernièrement – pas dernièrement mais au moins trois ou quatre ans passées – on a instauré un double choix d'assurance aussi. Comme une personne à risque, un conducteur qui a déjà été condamné en état d'ébriété, il est à risque, c'est une personne à risque. On devrait lui donner la chance de s'assurer d'une autre police, comme les professionnels, tout professionnel a une assurance groupe.

Et on l'a vu quand on a instauré le régime d'assurance médicaments. On a fait des statistiques et on a vu que 60 % des gens au Québec ont une assurance groupe. Alors, ces 60 % de gens là ne sont jamais devant les tribunaux avec la Société de l'assurance automobile si jamais il arrive un accident parce que c'est leur assurance groupe qui fait la différence de leur indemnisation.

Et c'est pour ça que je disais que le régime d'assurance automobile est un régime de base, puis c'est tout à fait d'accord. Mais au moins qu'on dise à la population: C'est ça, c'est un régime de base. Mais on essaie de le cacher, là, cet aspect-là. J'espère de le mettre plus ouvert, qu'on... pour le respect au moins des victimes d'accidents de la route, pour leur expliquer, au moins leur donner l'heure juste. C'est ça que je demande, qu'on leur donne l'heure juste.

Parce que la raison que... M. Chevrette, vous avez parlé, avec tout le respect, qu'il y a 270 000 décisions rendues. Sans vous dire le contraire, sur ces 270 000 décisions, une pour le doigt, une pour le coude, une pour l'orteil, il y en a peut-être 10 sur la même personne. Alors, c'est peut-être un multiplicateur ici, là. Et ceux qui se trouvent devant les tribunaux administratifs, les 2 000 qu'on parle annuellement, c'est que le reste est ignorant de la Loi de l'assurance automobile.

Comme je vous disais, un accident, ça arrive toujours à quelqu'un d'autre, jamais à nous, donc on ne prend pas la peine de lire la Loi de l'assurance automobile quand on renouvelle notre permis de conduire, quand on paye notre prime. Par contre, quand on paye notre prime de notre compagnie d'assurances pour la maison, on fait attention, on regarde les petites lignes, mais pas à l'assurance automobile. Donc, malheureusement la clientèle accidentée que nous avons n'a pas lu la police d'assurance avant l'accident.

Je vous félicite, M. Chevrette, vous avez publié un livre sur la sécurité routière, qu'on a retrouvé par pur hasard dans un dépanneur du coin ou un peu partout. La seule place où je ne l'ai pas trouvé, M. Chevrette, c'est dans une école. Je travaille actuellement avec des écoles à ce niveau-là afin d'essayer de faire de la prévention en matière de sécurité routière, parce qu'un enfant est toujours, et surtout aujourd'hui avec les jeux informatiques qu'on a, avec la vitesse, Child Madness, et tout ça, là... Les enfants, ils aiment la vitesse. Alors, il faudrait commencer au début, à l'étape primaire. Ça ne coûterait pas cher, et, je pense, c'est le mandat de la Société de l'assurance automobile de parler de la sécurité routière, c'est dans son mandat de faire... les permis de conduire, tout ça, l'éducation.

Alors, par contre, il y a le ministère des Transports qui a... sa gouverne. Alors, j'ai vu que le livre a été publié par le ministère des Transports. C'est un beau petit livre. Et j'espère qu'on continuera avec cette idée-là mais que ça vienne plus ou moins des plus jeunes conducteurs qui sont à risque, parce que malheureusement ils n'ont pas d'expérience, hein? Le jeune conducteur, il ne sait pas, s'il va freiner, si la voiture va faire comme ça ou comme ça. C'est la première fois que ça lui arrive, surtout s'il n'a pas pris des cours de conduite préventive. Alors, je ne veux pas parler trop, trop longtemps de tout ça. Il y a beaucoup de choses à faire, il y a énormément, beaucoup de travail à faire.

Malheureusement, comme vous le savez tous, on était à une table de travail en 1994 concernant la relation entre les victimes d'accidents de la route et la Société de l'assurance automobile. On a eu 92 points qui, à cette époque-là – je crois que vous êtes au courant, M. Chevrette ou quelqu'un et dont le Protecteur du citoyen avait mentionné quelque chose... Malheureusement, ces 92 points ou ces 92 recommandations n'ont pas été, comment je peux dire, «implémentées» – je m'excuse du mot anglais, là – n'ont pas été continuées.

J'aimerais revoir que ces 92 points ou j'aimerais qu'on s'assoit avec la Société de l'assurance automobile pour essayer d'améliorer encore plus et ne pas avoir – sans trop vous rendre un peu... Parce que j'ai ici un cas d'un monsieur dans notre région qui... Je ne veux pas avoir des articles comme ça, c'est laid dans un journal, c'est très laid, une jambe coupée, là. Et il dit ici: 30 000 $ et 18 ans de guerre avec la SAAQ. Ce n'est pas vraiment quelque chose qu'on veut voir dans nos journaux, hein? On a assez de violence qui existe, là, on n'en veut pas plus que ça. Et, si on pouvait rouvrir une table vraiment de travail à ce niveau-là pour que...

Et un autre rôle que la Société de l'assurance automobile n'a pas en matière de sécurité routière aussi, c'est le rôle de compassion envers les victimes d'accidents de la route. Ce n'est pas son rôle, ça, une compagnie d'assurances, hein? Il faudrait peut-être différencier une compagnie d'assurances et un organisme gouvernemental, hein? On est tous d'accord ici que le gouvernement s'est servi un peu des sommes de la Société de l'assurance automobile. On est tous au courant de ça. On est tous non d'accord. Même vous, M. le ministre, vous n'êtes pas d'accord qu'on touche l'argent de la Société de l'assurance automobile, qui est fait pour les victimes d'accidents de la route et la sécurité routière. Alors, si aujourd'hui c'est trop tard, que ces sommes-là sont dépensées dans d'autres projets, au moins remettons-les sur la sécurité routière pour que dans cinq ans ou 10 ans on paie moins d'indemnisation. C'est une logique, je crois. Je m'excuse que je parle fort, c'est parce que je suis un peu sourd d'oreille aussi. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Scalise. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Les ponctions, on va partir de là – je vous remercie de votre témoignage – c'est 200 000 000 $ en 1988. Les ponctions au fonds de l'assurance automobile ont été les suivantes: la première de 200 000 000 $, en 1988; 625 000 000 $ en 1990; 275 000 000 $ en 1992; et 1 000 000 000 $ en 1994.

M. Scalise (Domenico): Nous connaissons qu'est-ce qui s'est passé. Nous sommes au courant de tout ça. Ce n'était pas sous votre gouverne.

M. Chevrette: Non, c'était surtout pour vous faire remarquer les dates. C'est pour ça que je vous les ai données.

M. Scalise (Domenico): Non, ce n'était pas sous votre gouverne, mais par contre les ponctions ont été prises, l'argent a été dépensé pour l'épicerie, hein? On comprend...

M. Chevrette: On a des statistiques plus fraîches, je voudrais vous en donner quelques-unes. Parce que c'était 270 000 décisions en 1998, mais c'est 291 541 en 1999.

C'est vrai que ce sont des décisions qui touchent combien d'individus? 70 000, environ, individus. Décisions rendues en révision: 82 % ont confirmé celle de la SAAQ. 82 %. Quant au Tribunal administratif: 74 % ont confirmé celle de la SAAQ. Donc, c'est important quand même...

M. Scalise (Domenico): Ça se peut-u que 74 % des gens se trompent, M. le ministre?

M. Chevrette: Non, au contraire.

M. Scalise (Domenico): Mais c'est qu'est-ce que vous me dites. 74 % des gens...

M. Chevrette: C'est l'inverse, c'est 74 %...

M. Scalise (Domenico): Non, c'est 74 % qui perd, l'appel est rejeté.

M. Chevrette: Non, non, mais, oui, mais je veux dire que les confirmations de la SAAQ... ça défait l'idée de dire que la SAAQ gère très mal le dossier, puisque 74 % sont confirmées.

(11 h 50)

M. Scalise (Domenico): Mais est-ce que ça se peut que 74 % de notre population au Québec se trompe?

M. Chevrette: Est-ce que ça se peut que 74 % de notre population désire avoir plus mais que dans les faits... Moi, je pourrais décider...

M. Scalise (Domenico): Est-ce que vous, M. Chevrette, vous savez combien ça vaut un bras? Est-ce que vous le savez? Pouvez-vous me dire combien ça vaut un bras?

M. Chevrette: Je n'ai pas d'idée ce que ça vaut.

M. Scalise (Domenico): Moi, je ne connais personne au monde, ici, qui peut nous dire la valeur d'un être humain.

M. Chevrette: Je comprends, mais...

M. Scalise (Domenico): Alors, vous, mettez-vous à la place d'une victime...

M. Chevrette: Ce n'est pas l'être humain tout seul dans une société qui décide ce que...

Le Président (M. Lachance): Excusez-moi, M. le ministre, on va se comprendre, là. Une période d'échanges est tout à fait correcte, on est là pour ça, mais il faudrait que chaque personne laisse l'autre terminer avant de continuer, ça va aller mieux dans nos travaux.

M. Chevrette: Je reviens à la charge. Je ne sais pas ce que ça vaut un bras, je ne suis pas spécialiste pour dire ce que ça vaut un bras, mais je suis convaincu que, si je parle du député de l'Acadie, lui, il va dire... S'il travaillait avec son bras, c'est évident que ça représente énormément, mais, s'il ne travaille pas nécessairement de ses bras, il n'a pas le même choc émotif puis la même privatisation d'un membre. Mais il y a des spécialistes pour ça.

Mais il y a des gens qui, dans leur tête, ils n'auront jamais assez. Moi, écoutez, là, je ne suis pas un spécialiste, mais je fais du confessionnal le lundi, puis il y en a, surtout sur la CSST, j'en ai vu, jamais, jamais, jamais, d'accord: 12 %, 10 % d'invalidité, 15 %, rechute. Je l'ai dit tantôt, il y en a un cas, là, c'est 112 % d'incapacité; je me demande comment ça se fait qu'il marche, je me demande comment ça se fait qu'il parle, je me demande comment ça se fait qu'il peut faire une vie sociale normale. 112 % d'incapacité!

Puis il y a beaucoup de dossiers qui ont été réglés par dépit, par désespoir, ils disent: Si ça peut fermer le dossier! Bien, croyez-le ou non, ça fermait le dossier. Engagement de non-recours. Ça recommence.

Il faut faire attention. Vous savez très, très bien que dans ça il ne faut pas juger l'exception. Règle générale, si la SAAQ devant le Tribunal administratif plaide puis que l'individu plaide devant le Tribunal administratif, puis 74 % sont confirmés, ça veut dire que la marge d'erreur dans le jugement de la SAAQ, c'est de 26 %. Si, en révision, 82 % des décisions de révision sont confirmées, ça veut dire qu'il y en a seulement 18 % qui sont nuancées? Ça veut dire que le système comme tel, ce n'est pas si mal.

Il ne faut pas juger... est-ce que vous jugeriez que la SAAQ n'est pas bonne parce que dans 18 cas sur 100 elle se trompe? Je dirais: Elle est pas pire. Elle a de la marge d'amélioration sur 18 %, mais elle a 82 % qui n'est pas si mal. Moi, je vous avoue que je vous trouve dur dans vos jugements. Vous êtes un gars carré des Laurentides, dans le nord, je comprends, mais vous ne pensez pas qu'on exagère un tout petit peu?

M. Scalise (Domenico): Non, écoutez, je vous ai parlé tout à l'heure de deux volets. Le premier volet, c'est l'indemnisation, ce qui dit qu'on a mis un barème pour dire combien ça vaut un bras. Bon, O.K., on a un barème, ça existe, ça, c'est écrit. L'accidenté, lui, là, il ne l'a pas lu, ce barème-là, il ne l'a pas lue, la loi, il ne le sait pas, lui, là. Malheureusement, il y a l'ignorance de l'accidenté. Dans certains cas, quand il se présente devant un tribunal administratif ou le bureau de révision, il ignore la loi ou elle ignore la loi. Alors, c'est normal que la société...

Il y a un point à ce niveau-là qui me chicote, et ça me fait très peur, ce point-là, un petit point. Vous savez, quand vous vous remplissez votre indemnisation, le petit formulaire de quatre, cinq pages, vous répondez à toutes les questions, hein, tout ça. Dans ces questions-là – et ça va être difficile qu'est-ce que je vous explique, parce que c'est lourd, je vais vous préparer à ça – il y a 60 % des gens, comme je vous ai dit tout à l'heure, qui ont un régime d'assurance collectif soit avec leur profession ou soit avec leur travail; ils ne se préoccupent pas, quand un accident arrive, de la Loi de l'assurance automobile parce qu'ils ont un régime qui les couvre.

Les 40 % qui n'ont pas ce régime-là, c'est là qu'il va falloir... C'est pour ça que je vous dis... Là, je vous dis: C'est lourd. Alors, c'est qui ce 40 %, là? Les étudiants, les travailleurs autonomes, les personnes âgées, les gens à faibles revenus et les gens qui vivent de prestations de revenu garanti.

Dans ces profils que je viens de vous mentionner, ils n'ont pas une formation académique bien, bien supérieure. Alors, lorsqu'ils ont une décision de la Société de l'assurance automobile – et je vous préviens, c'est lourd – l'agent d'indemnisation qui a lu la première réclamation écrite, manuscrite... Elle est manuscrite, la réclamation, hein, souvent mal écrite. Ça nous donne déjà le profil du caractère, votre écriture. On peut savoir quelle sorte de personne vous êtes avec l'écriture, hein? Aussi, on peut savoir votre degré d'instruction, on peut connaître vos habitudes. Vous êtes ciblé. La Société de l'assurance automobile, étant une compagnie d'assurances, peut... Et, si on se réfère à des assurances anciennes, avant le régime, combien de règlements ont été faits avec des ajusteurs d'assurances et la personne accidentée? Ils connaissaient le profil de l'accident, et ils savaient s'ils pouvaient lui donner et régler pour 2 000 $ ou 10 000 $, à l'époque.

Aujourd'hui, ce n'est plus les mêmes assureurs privés. On parle d'un assureur collectif qui est un organisme de l'État. Il faudrait que cet organisme de l'État, qui a le mandat aussi sur la sécurité routière – parce qu'il ne faut pas perdre ça, là – cet organisme de l'État là, oui... Et même, je dirais encore, M. Chevrette, que ça serait plus logique que ce serait le ministère des Transports qui prélèverait la prime d'assurance avec le permis de conduire et l'immatriculation, et donnez un budget à la Société de l'assurance automobile pour administrer l'indemnisation. Ça vous serait plus avantageux de faire le contraire, d'aller prélever. Je vous donne des indices.

On n'est pas là, nous, les victimes d'accidents de la route, pour faire de la confrontation. Nous voulons vous aviser de ce que nous vivons continuellement à cause des fois d'une personne. Et, si je vous citais des choses, là, il y a des gens, là, qui... Je ne le ferai pas, parce qu'il y a des gens qui vont vous dire des choses qui ont été dites par des agents d'indemnisation... Je ne les citerai pas ici parce que les histoires d'horreur, là, tout le monde en a entendu.

Si on pouvait humaniser le régime d'indemnisation et le garder dans l'état comme régime «no-fault», on l'humanise soit en créant une entité... Vous savez, même à la CSST on a un organisme qui s'appelle la conciliation, la médiation et la conciliation. On n'a même pas ça la Société de l'assurance automobile. Il faut le faire par M. Mathieu. Vous savez, je dois converser avec M. Mathieu quand il y a des cas d'urgence, une madame qui n'a peut-être pas son manteau et n'a pas d'argent pour s'acheter un manteau. On doit faire des cas d'urgence comme ça. Mais ça arrive. On est quand même dans une société où les gens, ils n'ont pas toujours les fonds nécessaires après un accident de survivre. Combien de temps peuvent-ils survivre? Alors, ces histoires d'horreur là, là, il y en a beaucoup.

Tout ce que je demande, si c'est une compagnie d'assurances, oui, qu'elle travaille très fort et fasse des photos si la personne change le pneu de sa voiture si elle est supposée être en accident, là. Mais je vais vous dire quelque chose à ce niveau-là, M. Chevrette, je vais ouvrir une parenthèse. Vous avez parlé tout à l'heure de votre ami qui avait dans le bateau, là, le carcan. Moi, je suis un accidenté de la route, M. Chevrette. J'ai découvert plus tard que j'avais la fibromyalgie. Moi, je pense...

Une voix: ...

(12 heures)

M. Scalise (Domenico): Fibromyalgie. Moi, je pensais que c'était un «tennis elbow». Ça s'en va dans trois semaines, ça. Excusez le mot anglais. Ça, là, j'ai découvert par moi-même comment me réadapter. J'ai été chanceux parce que j'ai eu une bonne famille, un bon entourage. Pas tout le monde n'a cette chance-là. Alors, si vous me voyez, même moi, en fibromyalgie, faire un travail une fois de temps en temps, bien, le peu de temps que je peux le faire, le travail, je suis productif.

M. Chevrette: Écoutez bien, là, vous ne prendriez pas, à 8 h 30, la canne et le carcan puis, à 10 h 45, embarquer une chaloupe sur un quatre-par-quatre.

M. Scalise (Domenico): Vous avez remarqué, je n'ai pas ma canne.

M. Chevrette: Non, c'est pour ça que je vous dis: Il y a faire un travail et faire un travail. Puis il y a faire semblant puis l'être. Correct?

M. Scalise (Domenico): Il y a aussi le fait... Ce que vous dites, c'est vrai, et, je crois, dans 10 % des régimes, nous avons des fraudeurs. 10 % à peu près. Est-ce que nous allons pénaliser 90 % des victimes pour 10 % de fraudeurs? Je pense qu'il faut quand même être... Et, là il faut comprendre quelque chose, il faut comprendre le mécanisme de «no fault» aussi, le mécanisme de «no fault» vis-à-vis d'une victime. Le camion qui m'a frappé, moi, là, je suis en maudit contre lui. Il m'a frappé à 80 km/h en arrière, je suis en maudit. Pourquoi il n'a pas fait attention? Mais ce n'est pas lui qui m'indemnise, c'est les gens de la SAAQ. Alors, quand j'ai besoin d'avoir mon indemnisation, je me retourne, puis avec qui je vais m'offusquer? Ce n'est pas avec le camionneur, c'est fini. Donc, il y a une petite psychologie qui change, là, tout d'un coup. On se chicane avec la SAAQ parce que c'est eux autres, le payeur, ce n'est plus le camionneur. Alors, il faut comprendre cette psychologie-là. Une victime, elle est poignée avec ça, elle est poignée avec cette psychologie d'accident là.

On a accepté le «no fault», on dit: Oui, c'est un bon régime. Mais aussi il faut dire: C'est un régime de base. Ça, c'est un, mais il ne faut pas oublier qu'on a quand même 50 000 accidents par année au Québec, hein? Des accidents avec blessés, là, corporels. On a plus que 50 000 accidents qui se touchent, mais il en y a 50 000 par année en moyenne. Je me trompe?

M. Chevrette: Non, c'est dans les proportions.

M. Scalise (Domenico): À peu près. Bon. Dans ça, il y a à peu près 1 000 ou 800 morts par année, 2 000, 3 000 accidents cas lourds. Vous ne trouvez pas que ça fait une grosse dette, des cas lourds puis des décès, à une société, que ça ne coûte pas beaucoup d'argent, ça?

M. Chevrette: Ce n'est pas ça qu'on dit.

M. Scalise (Domenico): Ça coûte beaucoup de sous. Si on peut essayer de réduire ce montant-là d'autres moyens... C'est pour ça qu'on est là aujourd'hui – je crois qu'on est là – la sécurité routière, puis la commencer à la place la plus importante, au départ, dans les écoles. Ça ne coûte pas cher pour le ministère d'implanter un programme sur la sécurité routière. Ça ne veut pas dire que tu as des cours tous les jours, là, on peut implanter un programme qui dure peut-être trois, quatre fois, cinq fois dans l'année. Ce n'est pas quelque chose qu'on demande... Et de former, vraiment, des conducteurs. Je ne sais pas si vous êtes sur les autoroutes souvent, M. Chevrette.

M. Chevrette: Je le suis très souvent.

M. Scalise (Domenico): Alors, quand vous voyez un conducteur à gauche, à 80 km/h, qui reste là...

M. Chevrette: Qui reste à gauche à 80 km/h?

M. Scalise (Domenico): Oui. Combien vous en voyez sur l'autoroute Montréal-Québec?

M. Chevrette: C'est ennuyant. Deux polices côte-à-côte aussi à 80 km/h, c'est long.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Scalise (Domenico): Mais, dans les cas d'urgence – le côté gauche est fait pour cas d'urgence et dépassements – c'est très important que la gauche soit libre. Très important. C'est de ça que je vous parle, une formation de conducteur discipliné. Ils en ont dans d'autres... Je ne voudrais pas dire dans d'autres pays, mais ils le font ailleurs. Pourquoi on ne pourrait pas le faire ici? Ça ne coûte pas plus cher, et là on parlerait vraiment de la sécurité routière. On était à une table de sécurité routière, M. Chevrette, il y a à peu près trois ans, avec les directeurs de la Sûreté du Québec, les directeurs des municipalités voisines de notre entourage, un coroner, le ministère des Transports. En tout cas, toute une panoplie, on a été à une table de travail pendant deux, trois ans. Une fois, un directeur de la Sûreté du Québec commence à dire que le gens le traitaient de... je ne dirais pas le mot, là, parce qu'il donnait des contraventions, ou bla bla bla, puis tout ça, parce que... Vous savez, dans notre région, il y a des bars un peu loin, là...

M. Chevrette: Oui, je connais les Laurentides.

M. Scalise (Domenico): ...alors c'est sûr que le monsieur de la Sûreté du Québec, il stationne puis il voit le monsieur sortir un peu éméché. Et je le leur ai dit, j'ai dit ça au monsieur de la Sûreté du Québec, le directeur: Écoutez, quand vous voyez ce monsieur-là sortir du bar éméché, vous, vous êtes un officier de droit, vous pourriez lui dire: Monsieur, vous avez trop bu, laissez votre voiture là, au lieu de le laisser partir puis de le faire intercepter par votre confrère trois coins de rue plus loin, il a le temps de blesser quelqu'un. Il m'a répondu, M. Chevrette, vous n'en reviendrez pas, il a dit: Tu écoutes trop La petite vie , toi.

Le Président (M. Lachance): M. Scalise, pour permettre les échanges, je vais céder la parole au député de l'Acadie.

M. Scalise (Domenico): C'est de la prévention, M. Chevrette, que je parle.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci. Merci, M. Scalise pour votre présentation. J'aimerais peut-être, juste au départ, avoir un peu d'information pour mieux comprendre votre organisme. Vous regroupez des membres, c'est ça? L'Association des accidentés de la route, région des Laurentides, vous regroupez un certain nombre de membres?

M. Scalise (Domenico): Il y a des gens qui viennent nous voir. On est comme le dernier espoir parce que c'est souvent des gens qui n'ont pas eu une satisfaction du régime d'assurance automobile.

M. Bordeleau: O.K. Ça existe depuis combien d'années, ça, à peu près?

M. Scalise (Domenico): Nous, on a fondé ça en 1993.

M. Bordeleau: Puis vous avez traité combien de cas, à peu près, depuis 1993?

M. Scalise (Domenico): Je n'ai jamais fait de statistiques. Je parle souvent avec... Tous ces gens-là de la Société me connaissent très bien, alors... On n'a jamais fait de statistiques parce que ce n'était pas notre but. Mais on a traité peut-être une centaine de cas, je crois. Peut-être plus, je ne le sais pas.

M. Bordeleau: Et puis votre organisme est relié à une association pour l'ensemble du Québec aussi? C'est ça, vous êtes membre fondateur?

M. Scalise (Domenico): Oui, nous avons formé dernièrement, il y a à peu près un an... Parce que nous avons créé un autre domaine, c'est-à-dire ARRL, accidentés de la route, région des Laurentides, qui est sur le site Web, et on avait des appels d'un peu partout. On a eu des appels de la Gaspésie. On est dans les Laurentides, je ne peux pas physiquement donner un support. Alors, on s'est dit: Bon, bien, on va y aller un peu plus nationalement puis aider par le biais de l'Internet des gens qui ont accès à l'Internet. On va leur donner du confort et un peu d'information.

M. Bordeleau: Et vous êtes membre... Il y a un organisme qui s'appelle l'Association des accidentés de la route du Québec. C'est ça?

M. Scalise (Domenico): Du Québec. C'est bien ça.

M. Bordeleau: Ça, ça regroupe des associations plus locales?

M. Scalise (Domenico): Sans élaborer... Non, c'est que l'Association des accidentés de la route pour les Laurentides s'est formée en elle-même avec les membres fondateurs, et tout ça, mais, plus tard, il y a eu un besoin ailleurs, alors on est en contact avec d'autres organismes d'aide aux victimes d'accidents de la route qui, eux autres, éventuellement feront partie... Parce que je n'aime pas l'idée d'avoir une fédération d'accidentés de la route, tu sais, ça paraît mal dans ma tête. Une victime a besoin de quelqu'un proche pour la compassionner, pour faire la compassion, hein? Ce n'est pas des McDonald qu'on veut faire, là. Ha, ha, ha! Excusez-moi.

M. Bordeleau: O.K. Alors, au fond, l'organisme provincial essaie d'être en contact avec différents organismes...

M. Scalise (Domenico): Différents organismes, oui.

M. Bordeleau: ...qui s'occupent des accidentés de la route dans différentes régions du Québec.

M. Scalise (Domenico): Différentes régions, parce que, s'il y a un problème, je le réfère à cet organisme-là.

M. Bordeleau: O.K. Tout à l'heure, vous faisiez référence... Au tout début de votre mémoire vous abordez la question des cours de conduite. Bon, effectivement, je pense qu'on sait qu'il y a quelques années les cours étaient obligatoires et ont été enlevés. J'ai demandé à l'occasion, ici, à des gens qui sont venus aussi s'ils avaient eu connaissance de certaines études qui pouvaient nous démontrer si ça avait été bien ou mal d'enlever les cours de conduite, on n'a pas pu me donner...

M. Scalise (Domenico): On n'a pas de statistiques.

M. Bordeleau: ...d'étude particulière. Est-ce que, de votre côté, vous avez eu connaissance que ça existe? Ou quelle est votre perception? Est-ce que le fait d'avoir enlevé les cours, ça a détérioré la situation, plus d'accidents chez les jeunes? Ou comment vous voyez ça?

M. Scalise (Domenico): Bien, je trouve... Premièrement, la logique... Moi, je suis un observateur – c'est ça que je peux faire le mieux aujourd'hui après – et mes observations, je lis les journaux, le courriel tous les jours et je regarde... Je ne compile pas comme la Société de l'assurance automobile, je ne suis pas équipé de cette façon-là, mais mon opinion à moi, c'est: oublions les statistiques pour l'instant puis pensons à des affaires logiques, la logique des choses. Comme je vous ai dit tout à l'heure, on donne des cours de maniement d'armes à feu qui sont obligatoires, alors c'est la même chose pour la conduite, un véhicule moteur, après une certaine vitesse, c'est un engin dangereux. Les bonnes manipulations, c'est important de les connaître.

(12 h 10)

Alors, le cours de conduite, ce n'est pas nécessairement le cours de conduite en tant que tel. On l'a appelé «cours de conduite» parce que c'est le nom qu'on donne, permis de conduire. Bon. Ce n'est pas nécessairement un cours de conduite, c'est un cours de connaissance d'un véhicule moteur plutôt, hein? Parce que, quand vous avez 40 ans puis que vous avez conduit pendant 25 ans, là, vous le savez, quand vous commencez à freiner, à quelle distance vous allez arrêter, mais le jeune conducteur, lui, il n'a pas encore appris ça, tu sais, ou la personne qui n'a jamais conduit. Ça peut être même une personne de 40 ans qui décide de prendre ces cours de conduite, hein? Il y a, des fois, des madames qui décident un peu plus tard dans le temps, ou des messieurs, et, si on n'a pas cette expérience-là de connaître, alors on est à risque. Est-ce qu'on peut se permettre le risque? Je ne crois pas.

M. Bordeleau: C'est parce qu'il y a deux façons de concevoir, sans me prononcer là-dessus... Parce que je me pose la question, moi aussi, sur la question des cours de conduite, est-ce que ça a été une bonne chose de les enlever ou non, mais il y a deux façons de vérifier si les gens ont même pas la connaissance, la capacité de conduire, c'est soit leur dire: Bien, vous allez suivre un cours pour apprendre ou bien donc c'est que vous allez venir nous voir puis vous allez passer un examen, puis on va voir si vous avez appris, peu importe le moyen que vous allez suivre. Actuellement, quand les gens vont à la SAAQ pour avoir leur permis, ils doivent passer un examen.

M. Scalise (Domenico): Moi, je vais vous donner mon opinion...

M. Bordeleau: Alors, s'ils contrôlent, à ce moment-là, que la personne a les connaissances, a l'habilité suffisante pour conduire, est-ce que ce n'est pas une autre façon de contrôler à ce moment-là, savoir si les gens ont...

M. Scalise (Domenico): Mon expérience à moi, ma propre fille a pris des cours de conduite. Ça a coûté quoi, 800 $, 900 $, 1 000 $? Je l'ai obligée à prendre des cours de conduite. Je n'aurais jamais laissé ma fille sur une route si elle n'avait pas pris de cours de conduite. Elle a fait un accrochage après son cours, après avoir réussi son examen. Alors, est-ce qu'on peut se permettre ce risque-là? Est-ce qu'on peut? Comprenez-vous? C'est un risque, là. Ce n'est pas un risque calculé, hein? Et à qui ça profite de ne pas donner les cours? À qui ça profite? Je ne le sais pas, je ne peux pas voir. Pourquoi? Parce que les écoles de conduite étaient peut-être abusives à une certaine époque, puis elles donnaient des cours «at large»? Je ne sais pas. Mais, si on donne des cours par des gens qualifiés et on les met entre les mains de gens qualifiés, je pense qu'on n'a rien à perdre. Je ne pense pas que les statistiques seraient importantes, c'est plus être sécurisés, nous, parce que c'est ça que ça veut dire, sécurité routière et de la prévention. La prévention est aussi importante. Alors, mieux prévenir que guérir.

M. Bordeleau: O.K. Vous avez des remarques. Entre autres, la deuxième partie de votre mémoire porte sur la question du «no fault», et vous avez fait certains commentaires tout à l'heure au ministre sur cette question-là. Je ne reprendrai pas, vous étiez ici, probablement, dans la salle tout à l'heure quand j'ai... Les gens qui sont passés avant...

M. Scalise (Domenico): Avec M. Cyr, oui, j'ai entendu. Tout à fait.

M. Bordeleau: Alors, je ne reprendrai pas la discussion qu'il y a eu à ce moment-là ou les remarques que j'ai faites, mais essentiellement, là-dessus, je suis dans le même sens que vous, on souhaiterait qu'il y ait une réflexion sérieuse.

J'aimerais revenir peut-être juste sur certains points. Vous n'y avez pas fait référence dans votre mémoire, mais, étant donné que vous vous préoccupez des accidentés de la route, j'aimerais savoir si vous avez une position là-dessus. Dans la cinquième partie du volume sur la sécurité routière, on traite des sanctions, au fond, pour les conducteurs en état d'ébriété. Il y a différents sujets, là, on traite du 0,00 d'alcool pour les conducteurs professionnels. Les conducteurs de taxis, conducteurs de camions, tout ça, devraient avoir 0,00 d'alcoolémie. On parle aussi de baisser la limite du 0,08 à 0,04. On parle également d'avoir un système de sanctions gradué, c'est-à-dire plus le taux d'alcoolémie serait élevé, plus la pénalité serait élevée aussi. On faisait référence aussi à la durée de suspension d'un permis dans le cas des conducteurs qui ont eu un accident en état d'ébriété. Est-ce que là-dessus vous avez une position? Sur ces points-là ou sur certains de ces points-là.

M. Scalise (Domenico): Oui. Notre position est très nette en plus. Vous mentionnez... Dans le point 5, vous parlez uniquement de conduite en état d'ébriété, il y a d'autres facteurs aussi, hein? La criminalité n'est pas nécessairement l'état d'ébriété, hein? Il y a d'autres facteurs. Ça fait que mon point à moi, là, c'est aussi la négligence. La négligence est aussi coupable qu'un conducteur en état d'ébriété. Quelqu'un qui va à une vitesse de, je ne sais pas, moi, 180 km/h sur la rue Saint-Denis, tu sais, c'est...

M. Bordeleau: Conduite dangereuse.

M. Scalise (Domenico): Oui. Je crois qu'on doit arriver... pas juste parler des cas d'état d'ébriété. L'état d'ébriété, c'est facile d'en parler parce qu'on le voit, tu sais. Même la drogue, là, il y a des gens qui sont avec des stupéfiants aussi. Ça aussi. Bon, ça, c'est plus facile. Mais on doit parler aussi des négligences. Ça, c'est un point, il va falloir en parler. Moi, je suis clair dans ma tête, il faut que les personnes négligentes et irresponsables... Puis, je m'excuse du mot, tout à l'heure, vous avez parlé de non responsables, moi, je parle d'irresponsables. C'est très important que les personnes irresponsables, quand elles causent un dommage... J'aimerais qu'on se réfère... O.K. On garde le «no fault», mais j'aimerais qu'on se réfère au Code civil. Le Code civil, c'est le Code qui nous régit tous, sauf dans le cas de la Société de l'assurance automobile à cause du «no fault».

Moi, je crois qu'on pourrait, au niveau de cet article-là, au niveau de l'article 5 dont vous parlez, introduire le Code civil qui gérerait cet aspect-là, parce que ça serait plus une logique de faire gérer le coupable payeur par lui-même que par la Société de l'assurance automobile qui est une tierce partie. S'il n'a pas d'argent – O.K. c'est là que vous voulez en venir, il n'a pas d'argent – c'est là que la Société de l'assurance automobile intervient, comme elle intervenait avant. Avant le régime, là, l'État prenait en charge, je crois, la responsabilité du fauteur et il avait 20 ans pour payer, hein? Je pense que c'est ça qui était le régime auparavant, quelque chose comme ça.

Alors, dans le cas qui nous concerne ici, on pourrait simultanément avoir le régime d'assurance automobile en tant que tel, sauf dans le cas où il y a une négligence. Mais la négligence, il faut qu'elle soit prouvée, hein? Entendons-nous, là, il faut que ça soit prouvé devant un tribunal. Là, on parle d'un tribunal de cour criminelle. Une fois que la négligence est prouvée... Bien, moi, je dirais que le petit jeune qui vient de tuer le monsieur, qui a fait un délit de fuite, de 40 ans, là, de dire à ce petit jeune là: Bien, monsieur, vous allez payer pendant 20 ans de votre vie pour réparer votre faute, je pense qu'on le responsabiliserait bien plus que de le mettre en prison.

M. Bordeleau: Je comprends vos commentaires à ce niveau-là, mais ce que je voulais savoir, c'est sur les propositions comme telles sur la conduite en état d'ébriété, les propositions que le ministre suggérait dans son volume, qui, essentiellement, visent à être plus sévères encore pour les conducteurs en état d'ébriété. Puis je faisais référence tout à l'heure à: conducteurs professionnels, 0,00 d'alcool; bon, baisser la limite de 0,08 à 0,04; augmenter les sanctions, les durées de suspension de permis. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette approche-là par rapport à ce problème-là particulier?

M. Scalise (Domenico): Mais, moi, je dis... La première chose: Pourquoi qu'on doit mettre sur la route – moi, c'est ça que je ne comprends pas encore, ça ne me revient pas, ça – un individu – ou une «individue», je ne le sais pas, là – qui a déjà causé un dommage? Vous parlez maintenant: en état d'ébriété, pourquoi on doit le remettre sur la route? Je ne vois pas pour quelle raison, cette personne-là nous a prouvé qu'elle ne savait pas manipuler un véhicule. Oui, il doit travailler avec sa voiture. Bien, il aurait dû penser à ça avant, il va travailler sans voiture, il va prendre un taxi à la place. Je m'excuse, un être humain, une vie humaine, là, ce n'est pas à sacrifier. On ne sacrifie même pas des animaux, pourquoi une vie humaine, la mettre à risque avec un individu qui nous a prouvé qu'il n'avait pas les facultés pour conduire un véhicule? Et là vous voulez réduire sa sentence, réduire son permis de conduire pour... Non, je ne suis pas d'accord, on ne lui donne plus son permis de conduire. Voyons donc...

M. Bordeleau: O.K. Je comprends.

M. Scalise (Domenico): Excusez-moi.

M. Bordeleau: Juste, en fait, une question que je voudrais poser au ministre suite à un commentaire que vous avez fait. J'aimerais savoir, est-ce que la SAAQ a investi dans des campagnes de publicité directement axées, au niveau des écoles, sur la sécurité routière?

M. Chevrette: On va vous dire ça tout de suite.

(Consultation)

M. Chevrette: Depuis 1982, on a un programme qui s'adresse de la maternelle à l'université.

M. Bordeleau: Est-ce que c'est possible d'avoir le détail, disons, des budgets qui ont été consacrés depuis le début...

M. Chevrette: Exact. On va le déposer ici.

M. Bordeleau: ...depuis 1982, à chaque année à ces programmes de sensibilisation, à tous les niveaux: primaire, secondaire, universitaire?

M. Chevrette: O.K.

M. Bordeleau: Parfait. Alors, moi, ça va, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Scalise, Mme Gauthier, pour votre participation aux travaux de la commission.

M. Scalise (Domenico): Merci à tout le monde.

Le Président (M. Lachance): Merci. Et, sur ce, je suspends les travaux de la commission jusqu'à cet après-midi, à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 20)

(Reprise à 14 h 8)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Je vous rappelle que le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec: un défi collectif .

Je demande aux personnes présentes dans la salle de bien vouloir fermer leur téléphone cellulaire pendant la séance. Et, cet après-midi, nous allons entendre des représentants des groupes suivants: ce qui était prévu, c'est, d'abord, Chauffeur Sécur; par la suite, Le Monde à bicyclette; et enfin, à 15 heures, Groupe conseil Techni-Data Management et Roadtronic Technologies International.

Est-ce que les représentants de Chauffeur Sécur sont arrivés? Oui. Alors, je vous invite, s'il vous plaît, à bien vouloir à prendre place à la table.

M. Chevrette: ...

Le Président (M. Lachance): M. le ministre...

M. Chevrette: Bien non, je leur ai indiqué où il fallait s'asseoir. C'est parce qu'ils s'en allaient s'asseoir à côté de MacMillan puis que ça ne me tentait pas de les voir là pantoute.

M. MacMillan: Ça aurait été très facile, son affaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, madame. Je vous demande d'abord de bien vouloir vous identifier. Est-ce que vous êtes seule?

Mme Lamarche (Lisa): Oui. L'autre, il est parti stationner le véhicule.

Le Président (M. Lachance): Très bien. Alors...

M. Chevrette: Soyez sécure, madame.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lamarche (Lisa): Oui. Je suis arrivée à la course chercher ma place puis...

Le Président (M. Lachance): Je vous souhaite la bienvenue à cette commission.

Mme Lamarche (Lisa): Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Et je vous indique que vous avez un maximum de 10 minutes pour nous faire part de vos commentaires. Par la suite, vous pourrez échanger avec les députés des deux côtés de la table.


Chauffeur Sécur

Mme Lamarche (Lisa): Bon, merci beaucoup. Je me présente, je m'appelle Lisa Lamarche, je suis la directrice générale de Chauffeur Sécur, un organisme sans but lucratif qui se spécialise dans le raccompagnement des véhicules dans toute la MRC de Drummondville. Chauffeur Sécur, c'est plein de bon sens...

(14 h 10)

Le Président (M. Lachance): Madame, vous pouvez...

M. Chevrette: Donnez-lui donc deux minutes, à madame. Ne soyez pas nerveuse, là.

Mme Lamarche (Lisa): Un petit verre d'eau avec ça? Ah! que vous êtes gentil! Je ne voulais tellement pas arriver en retard, hein?

M. Chevrette: ...

Mme Lamarche (Lisa): Ah oui! Vous l'avez... Pourquoi? C'est domptable, un homme?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Est-ce que vous parlez du député d'Abitibi-Est, qui vous a servi un verre d'eau?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lamarche (Lisa): Oui, c'est ça. Merci beaucoup. Le stress fait faire bien des choses. Excusez. Ouf! Bon, je pense que je vais être correcte. Merci beaucoup. Chauffeur Sécur, c'est plein de bon sang – s-a-n-g. Une majorité de citoyens reconnaît l'existence des risques associés à la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool. Grâce à vos campagnes de publicité et aux nouvelles mesures législatives du Code de la sécurité routière entrées en vigueur le 1er décembre 1997 et, plus récemment encore, aux modifications apportées au Code criminel le 1er juillet 1999, nous avons vécu l'impact avec vous, nous avons vu le changement des habitudes des gens qui, pour nous, s'est traduit en une grande augmentation de l'utilisation de nos services.

La population veut et est prête pour un service de raccompagnement disponible à l'année. La population a besoin et aime avoir un choix d'options, et nous sommes une option pleine de bon sens. Nous connaissons la complexité des questions et solutions vis-à-vis l'alcool au volant, nous la vivons à tous les jours. L'option que nous offrons est simple: un coup de téléphone, et un chauffeur Sécur vous reconduit à bon port avec votre propre véhicule. À ce jour, nous avons acheminé 3 600 transports sans accident, sans accrochage ni signe d'agressivité. L'augmentation de nos transports est de 108 % en 1999, comparé à l'année 1998. L'implication accrue des médias drummondvillois, des journaux et de la radio est phénoménale.

Notre clientèle est composée de 55 % d'hommes et femmes d'affaires, 44 % d'étudiants sans emploi puis 1 % de motocyclistes. À chaque transport que nous effectuons, nous prenons le nom, l'adresse de départ, l'arrivée, la description du véhicule, son état, le numéro de plaque, le montant du don ainsi que la signature du client. Le don est toujours ramassé par le raccompagnateur qui suit en arrière pour éviter les vols, comme en sont victimes trop souvent les chauffeurs de taxi. Aussi, nous avons pris une assurance de garagiste NFPQ-4 et nous offrons de payer les déductions, maximum 250 $, si nous sommes responsables d'un accident. Plusieurs récidivistes sont membres chez nous et utilisent notre service de façon régulière.

Notre service, à comparer au taxi. La politique de prix en ce qui a trait au service de raccompagnement est deux fois le prix du compteur, un montant très élevé pour les gens ordinaires. Et nous ne faisons pas de taxi, c'est-à-dire que nous ne prenons jamais un passager à bord de notre véhicule. Notre campagne de publicité pourrait facilement offrir un choix varié de raccompagnements, soit amis, taxi ou nous. Nous offrons une politique de dons volontaires à l'intérieur de la MRC de Drummond. Aucune industrie ou commerce connu ne peut exiger, non plus réclamer l'exclusivité de son service, encore moins quand la clientèle de ce dernier touche à peine à la sienne – les statistiques dont je vous parlerai tantôt, de 63 %.

De plus, nous faisons de la sensibilisation dans les bars. Nos visions de l'avenir, c'est une campagne de prévention directe dans les établissements détenteurs de permis d'alcool, des équipes disponibles directement dans les mêmes établissements, des équipes volantes pour fêtes et festivals à travers le Québec, une campagne de prévention et de sensibilisation à travers les écoles du Québec. Les politiques de prix. «Tu donnes ce que tu veux» devient notre politique à l'extérieur autant qu'à l'intérieur de la ville.

En conclusion, messieurs de la commission et madame, Chauffeur Sécur pense que la campagne actuelle de sensibilisation aide grandement à augmenter la sécurité des citoyens sur nos routes, ayant nous-mêmes remarqué des changements dans les habitudes de consommation ainsi que dans la perception de l'impact de l'alcool au volant. Mais nous avons surtout remarqué la facilité avec laquelle une personne peut dépasser la limite permise, ainsi prenant le risque de prendre le volant. Et c'est précisément là que notre présence devient importante.

Un sondage de Léger & Léger paru dans Le Journal de Montréal nous dit que 63 % des gens n'ont jamais utilisé un taxi. Il est clair que, pour ces gens, appeler le service de taxi est très peu probable. Et, de plus, le facteur prix devient un incitatif à prendre le volant, et cette raison ne cesse de croître avec l'augmentation de la distance à parcourir. Un autre facteur qui nécessite notre présence, c'est l'étudiant ou la personne à faibles revenus qui ne peut pas se prévaloir d'un raccompagnement avec le service de taxi et sa politique de prix.

Étant un service à but non lucratif, nous offrons un service plus accessible et, de ce fait, nous éliminons la plupart des éléments de résistance à l'utilisation de nos services. Le seul défi qui demeure pour nous hors d'atteinte, faute d'argent, est le délai d'attente. L'alcool, nous le savons, altère grandement la notion de temps. Aussi il n'est pas rare que des gens qui nous ont appelé dans la minute précédente croient dur comme fer qu'ils nous attendent depuis près d'une demi-heure. Devant ce fait, il devient donc important d'adopter une stratégie différente, soit de ne pas attendre les appels, mais bien de patrouiller dans les bars afin d'informer les gens et de leur répondre sur-le-champ, avec une présence immédiate, ce qui élimine les délais et personnalise le service, puisque les gens ont la chance de discuter avec leur chauffeur, car, après tout, cette personne s'apprête à confier son investissement, son auto, sa sécurité et celle de ses passagers. Donc, cette technique, jumelée à un coût minime, nous aide à maximiser les résultats positifs, ce qui diminue grandement le risque de circuler sur nos routes pour les autres usagers.

Mais, vous l'avez sans doute compris, pour arriver à ces fins, notre organisme fait face à un grave problème monétaire auquel il nous faut trouver solution, car nous croyons qu'un service comme le nôtre est la solution, pour plusieurs raisons. La principale est, bien entendu, la sauvegarde de la vie de la personne en état d'ébriété et des autres usagers de la route mais aussi la diminution significative des réclamations des victimes d'actes criminels, voire des indemnisations en dommages matériels.

Déjà, avec notre vécu et nos faibles moyens, nous sommes à même de constater dans notre région l'impact de notre présence, que ce soit au niveau des appels de raccompagnement, avec des augmentations de fréquentation de 108 %, mais aussi de la conscientisation des consommateurs et de leur souci de préserver leur prochain et eux-mêmes des conséquences de l'alcool au volant, ce résultat étant obtenu grâce aux actions simultanées de notre gouvernement en matière de législation sur l'alcool au volant et à la sensibilisation que notre présence dans les bars peut engendrer. Cette sensibilisation est maintenant appuyée en complément direct avec la stratégie adoptée, soit: Si vous buvez, confiez vos clefs.

De par nos expériences de ce qu'on pourrait qualifier de projets-pilotes, nous sommes donc à même d'affirmer que notre présence sur un plus grand territoire, voire même à la grandeur de la province, apporterait un complément de protection non négociable pour la communauté et une source non négociable d'économie matérielle et judiciaire. De plus, notre expérience nous a permis de développer des techniques de vérification continue de la qualité du service et de la discrétion de celui-ci, ainsi que de l'honnêteté de nos bénévoles.

Nous avons exploré différentes sources de financement, soit les programmes du gouvernement. Les responsables de ces programmes ont bien fait leur possible, mais le raccompagnement est un nouveau système et, par conséquent, n'est compris dans aucun programme existant. Puis nous nous sommes tournés vers des productions de spectacles, mais, encore là, le manque d'argent faisant cruellement défaut nous a empêchés de donner toute la dimension nécessaire afin de sensibiliser des gens à nos levées de fonds.

De plus, les gens ne cessent de nous mentionner que nous sommes subventionnés à haut niveau, ce qui est partiellement vrai, puisqu'une subvention de 5 000 $ nous est accordée par la SAAQ. Il nous apparaît clair que le fait de penser que nous sommes subventionnés semble diminuer à leurs yeux l'impact de leurs dons et de leur participation sur l'existence de ce service, d'où la nécessité pour l'État d'apporter une aide significative afin de consolider, voire même d'engendrer notre service. ...aucune raison majeure d'instaurer un système de raccompagnement officiellement reconnu, la prolifération, depuis notre arrivée, de groupes travaillant au noir sans assurance, de plus, dans bien des cas, effectuant carrément du taxi en transportant des gens qui n'ont pas de véhicule. Dans notre cas, il est notoire et même vérifiable que nous n'effectuons pas de taxi et que nous veillons au respect de la définition du service de raccompagnement, car, depuis l'ouverture, notre administration ne voit pas dans le raccompagnement un moyen de s'enrichir facilement mais plutôt un rôle social.

En terminant, ce dont Chauffeur Sécur a besoin, ce que nous sommes venu ici chercher, c'est l'appui d'un gouvernement qui désire partager le premier rang avec nous, car nous sommes le premier organisme à but non lucratif voué au raccompagnement à l'année, et le Québec, lui, deviendrait la première province à soutenir de façon officielle un tel service. Je vous remercie, messieurs.

M. Chevrette: Merci, madame.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme Lamarche. On va vous permettre de reprendre un peu votre souffle, et nous allons amorcer maintenant la période des échanges avec les parlementaires, en commençant par le ministre des Transports.

M. Chevrette: Vous êtes bien assise, bien calme? Ha, ha, ha!

Mme Lamarche (Lisa): Ha, ha, ha! Bien calme, je ne suis pas sûre, mais je suis bien assise, merci.

M. Chevrette: J'étais inquiet un petit bout de temps, je trouvais que vous aviez le souffle court. Est-ce que vous fumez?

Mme Lamarche (Lisa): Je fume, mais j'ai surtout couru, pour ne pas arriver en retard, un bon bout.

M. Chevrette: Ah! excusez.

Mme Lamarche (Lisa): Puis 41 ans hier, là, ça paraît, je pense.

(14 h 20)

M. Chevrette: Vous êtes arrivée juste avant le ministre. Ha, ha, ha!

Mme Lamarche (Lisa): Je l'ai suivi.

M. Chevrette: Je voudrais vous remercier de votre témoignage. Je voudrais vous entendre dire un peu, vous faire parler un peu plus sur votre type d'organisation. Ça semble être un Nez rouge permanent. Est-ce que je me trompe?

Mme Lamarche (Lisa): C'est bien ça. Disponible 24 heures par jour, sept sur sept.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez des ententes avec les bars, les hôtels?

Mme Lamarche (Lisa): Dans le moment, on a 35 bars, membres hôteliers. Pour devenir membre chez nous, ils paient une cotisation annuelle de 265 $, et ça, ils font de la sensibilisation à l'intérieur de leurs murs. On leur fournit une affiche en acrylique 18 X 24, on leur fournit des posters, on leur fournit des cartes d'affaires, on leur fournit les pamphlets aussi et on enseigne un petit peu aux barmaids comment référer à nos services, surtout ceux qui sont récalcitrants, qui ne sont pas prêts au service. Mais, jusqu'à ce jour, tous ceux qui s'en sont servi une fois rappellent, et, pour nous, c'est d'une grande importance.

M. Chevrette: Vous êtes répartis comment sur le territoire québécois, actuellement?

Mme Lamarche (Lisa): Bien, dans le moment, c'est toute la MRC de Drummond. Sauf que disons que, si des...

M. Chevrette: C'est plutôt là que je vous ai vue, je pense.

Mme Lamarche (Lisa): Oui, c'est bien ça, vous m'avez vue. C'est toute la MRC de Drummond. Mais ça n'empêche pas que la ville de Saint-Hyacinthe peut nous appeler et que nous allons là-bas envoyer des équipes sur des occasions spéciales. C'est sûr d'ailleurs qu'on rencontre les fêtes et festivals au mois de mars. Parce qu'il y a un projet justement en marche, nous espérons que... Nous pourrions fournir des équipes tout partout, pour toutes les fêtes et les festivals du Québec, surtout ceux de la Beauce. C'est ceux-là que je vise en premier parce que...

M. Chevrette: Quel est le budget annuel de votre organisme?

Mme Lamarche (Lisa): Nous travaillons avec ce que nous faisons à mesure. Parce que la seule aide que nous avons, c'est le 5 000 $ de la SAAQ. Tout l'autre argent qui est rentré, c'est moi qui ai fait des levées de fonds, des spectacles. Je m'essaie de toutes les façons. Puis c'est vraiment difficile. On en a fait un dernièrement avec François Léveillé, et ils annonçaient une tempête cette soirée-là et résultat: 60 personnes à l'événement, ça a coûté 5 000 $. Ça fait que Chauffeur Sécur a braillé pendant trois jours. C'est très, très difficile, dans le moment, monétairement. On se fait dire toujours non. La société, les personnes tout partout où on va: Lâche pas, c'est bon, on en a besoin. Si chaque personne qui nous a envoyé des félicitations puis des «lâchez pas» nous avait remis 0,50 $, on n'aurait pas besoin d'être ici.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lamarche (Lisa): C'est réellement ça qui nous encourage à continuer parce que, si quelqu'un regardait comment ça fonctionne... Ils nous traitent pratiquement de fous de continuer, de ne pas lâcher. Mais j'y crois énormément, j'y crois que c'est un système facilement applicable. D'autres organismes peuvent en profiter dans différentes villes. Mais c'est quelque chose qui est tellement bon et gros, que je ne peux pas le faire seule. Puis je suis au courant, puis je sais que j'ai des déficiences, je sais que j'ai besoin d'aide, puis j'ai besoin de regrouper, pas une seule classe de gens, c'est beaucoup de classes de gens. Toutes les sociétés ont une part dans l'alcool au volant. Moi, je dis qu'il y a autant de gens qui boivent qui nous félicitent qu'il y a de gens qui ne boivent aucune goutte d'alcool qui nous félicitent. C'est un jeu...

M. Chevrette: Est-ce que vous avez eu des plaintes... Parce que dans votre mémoire, vous parlez qu'on vous a refusé l'éligibilité à des programmes d'emploi en disant qu'il y avait concurrence avec l'entreprise privée et le taxi, si j'ai bien compris.

Mme Lamarche (Lisa): C'est bien ça, oui, une apparence de service déloyal.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez eu officiellement des plaintes, par exemple, de ligues de taxis ou d'associations de taxis?

Mme Lamarche (Lisa): Jamais. Moi, personnellement, je travaille aussi à enseigner l'anglais le soir et je prends souvent le service de taxi le soir, pour dire justement comme on dit en bon canadien-français, pour poigner les gars de nuit. Et justement, c'est eux autres qui nous disent: Ah! Mme Lamarche, c'est bon au bout, ce que tu fais là, je suis bien content. Nous autres, souvent sur l'heure de pointe, on n'a même pas de temps pour ça. Les gars sont plates, ils sont longs à sortir. C'est toutes les plaintes imaginables que j'entends de la part des chauffeurs de taxi.

Mais, lorsque je rappelle le président, complètement une autre histoire: C'est à nous autres à travers le Québec, le 1-800, c'est à nous autres, puis tu n'as pas le droit de faire ça, puis on paie notre 500 $ de permis. Puis je dis: Mon cher monsieur, qu'est-ce que tu fais de notre petite fille qui sort du box-office avec 5 $ dans ses poches puis elle reste au ras de l'aéroport de Drummond, une distance peut-être de 12 km? Ah! bien, il dit: La petite fille, elle avait rien qu'à ne pas sortir si elle n'avait pas d'argent. C'est ça que j'ai reçu comme réponse. Mais cette petite fille-là, elle reste sur le bord... Puis qu'est-ce qu'elle fait? Elle réveille papa? Elle réveille quelqu'un d'autre? Elle fait quoi? On est là. Son petit 5 $, on est bien content de le recevoir. Nous autres, on se dit qu'on va trouver d'autres façons pour arriver, pour que ça arrive. Puis ça se fait. Ça se fait, ça fait trois ans que je le fais. À mon expérience à moi, j'ai 6 500 transports d'effectués. Excusez, je pensais que c'était mon mari qui s'était trouvé un stationnement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: C'est un monsieur qui m'a salué, que je rencontre à 16 heures. Donc, moi, je voudrais vous remercier, madame, et vous féliciter pour le travail que vous faites.

Mme Lamarche (Lisa): Merci.

M. Chevrette: J'ai l'impression que, s'il y en avait plus à la grandeur du Québec, on aurait probablement un meilleur bilan encore. Merci.

Mme Lamarche (Lisa): Oui, je pense que oui, surtout avec les récidivistes parce que ça paraît... puis les gars me le disent souvent: Aie! ça fait trois fois que je pète, c'est à peu près temps que je me dompte, puis là, à cette heure, j'ai ton numéro, j'appelle tout le temps. C'est réellement... Je pense qu'il n'y avait pas d'autre solution. Les taxis, ce n'est pas un... on y pense tout de suite avec un accompagnement non plus.

Moi, j'ai déjà vu un soir où il me manquait des chauffeurs puis le suggérer à la personne: S'il vous plaît, voulez-vous appeler un taxi? Ils font la même chose que nous autres, à deux têtes: Es-tu folle! ils vont me vider les poches, mais je n'ai pas ça dans les poches. Mais réellement, ce n'est pas dans la logique de ça.

Puis qu'est-ce qui, nous, ne nous aide pas, c'est que Nez rouge est subventionné beaucoup, beaucoup, beaucoup. Ça fait que, si la personne donne 1 $, ce n'est pas grave. Sauf qu'ils s'imaginent que c'est la même chose pour nous. Ce n'est pas tout à fait pareil, c'est extrêmement le contraire. Il faudrait qu'on ait pratiquement le même roulement, la même notoriété que Nez rouge a acquise surtout en partant, eux autres. Parce qu'ils ont eu beaucoup d'aide les premières années. En partant, c'était nouveau puis... Mais, nous autres, c'est comme deuxième violon: C'est-u réellement bon? Est-ce qu'elle nuit à Nez rouge pendant le temps des fêtes? Est-ce qu'elle nuit aux taxis? C'est toujours: C'est bon, c'est bon, c'est bon, mais...

Puis c'est là qu'on a besoin de quelqu'un pour venir dire: Oui, c'est bon, oui, ça serait une bonne solution, c'est une solution adaptable à tout le monde. Ça pourrait même se financer directement sur le permis de conduire: Un don volontaire de 2 $ si vous êtes d'accord avec un service de Chauffeur Sécur chez vous. Il y a toutes sortes de façons qu'on pourrait faire, des ventes de porte-clés... Mais tout ça prend de l'argent au départ, puis c'est toujours là qu'on se bute à des difficultés.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition.

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Alors, je voudrais également vous féliciter pour la présentation de votre mémoire et vous féliciter aussi pour cette initiative-là. Je pense que c'est fort heureux que ça existe. Et la question que je me posais en vous écoutant, c'est: Est-ce que ce genre de service là existe ailleurs dans d'autres régions du Québec? Je fais abstraction de Nez rouge, là. Un service permanent comme ça, est-ce que ça existe ailleurs dans d'autres régions?

Mme Lamarche (Lisa): O.K. Moi, j'ai entendu que ça existe à Montréal, au nom de Point Zéro 8, sauf qu'il n'est pas à but non lucratif. C'est une entreprise privée qui fait cela. Mais à but non lucratif, je n'ai pas entendu parler d'autres...

M. Bordeleau: Juste pour bien comprendre. Les différentes catégories de membres paient un montant. Le membre particulier, on dit que c'est 20 $. Quand une personne est dans un bar puis elle n'est pas membre comme tel, est-ce qu'elle peut avoir accès à vos services quand même?

Mme Lamarche (Lisa): Oui, nous allons aussi... Quand vous êtes à l'intérieur de la ville qu'on dessert – comme, là, dans le moment, c'est Drummondville – la carte de membre sert seulement si vous allez nous appeler d'une autre ville, à l'extérieur. Disons que vous allez nous appeler de Saint-Hyacinthe, là vous êtes obligé d'être enregistré par votre carte de membre pour que nous nous déplacions à Saint-Hyacinthe, aller vous chercher pour vous ramener chez vous à Drummondville. C'est une façon pour nous d'éviter de faire des voyages en blanc. Disons, à Saint-Hyacinthe, il arrive là, le monsieur n'est plus là. On faisait des voyages en blanc. Là, il est enregistré, il est au courant que, si jamais il n'est pas là à notre arrivée, là on va lui facturer l'essence simplement.

M. Bordeleau: O.K. Et puis, quand c'est dans la ville même, tout le monde...

Mme Lamarche (Lisa): Tout le monde peut appeler.

M. Bordeleau: Et puis les gens donnent ce qu'ils veulent...

Mme Lamarche (Lisa): En tout temps.

M. Bordeleau: ...à la fin du voyage comme tel.

Mme Lamarche (Lisa): C'est bien ça. C'est lorsque nous partons de Drummondville. Disons que nous faisons un voyage à Montréal, nous allons discuter d'un prix avant le départ avec le monsieur. Et l'entente va se faire avant le départ, ça fait qu'il n'y a pas de surprise à l'autre bout. Mais nous essayons toujours de calculer ça à peu près à 1 $ du kilomètre, un aller, pour que ça équivaille à peu près à 0,50 $ du kilomètre à notre retour pour que ça couvre nos frais.

M. Bordeleau: O.K. Ce n'est pas des chauffeurs privés, hein, c'est toujours une clientèle de gens qui sont en état d'ébriété puis qui décident de ne pas conduire leur voiture.

Mme Lamarche (Lisa): Vous voulez dire les bénévoles ou les gens qu'on va chercher?

M. Bordeleau: Non, non, les gens que vous allez chercher.

Mme Lamarche (Lisa): Oui, les gens qu'on va chercher, c'est des gens qui appellent chez nous. Le numéro est distribué tout partout à travers la ville de Drummondville, puis ils nous appellent, puis c'est là qu'on envoie une équipe les chercher. Il y en a un qui prend le véhicule du client puis le ramène chez lui puis, après ça, ils rembarquent ensemble.

M. Bordeleau: Mais les clients sont toujours des gens qui sont, disons, dans un état où ils ne sont pas capables de conduire leur véhicule. Par exemple, une personne qui serait membre, là, chez vous, qui décide d'aller à l'extérieur, mais qui n'est pas... elle ne peut pas avoir un chauffeur pour se faire transporter tout simplement.

Mme Lamarche (Lisa): Non, pas dans nos véhicules, non. Il faut qu'elle ait un véhicule, elle, en partant, là. Mais, si disons qu'elle est fatiguée... Ce n'est pas juste les gens chauds qui nous appellent, là. On a des gens fatigués, ils ont fait une grosse journée, ils ont eu une rencontre le soir puis ils sont brûlés, brûlés, là ils nous appellent, puis on va, la même chose, les ramener chez eux. C'est toute situation où tu ne te sens pas apte à prendre le volant.

M. Bordeleau: C'est toujours des personnes qui ont une auto?

(14 h 30)

Mme Lamarche (Lisa): Oui, toujours, en tout temps.

M. Bordeleau: Votre système, vous fonctionnez toujours à deux, c'est-à-dire une personne qui ramène et l'autre personne qui ramène la voiture?

Mme Lamarche (Lisa): C'est bien ça.

M. Bordeleau: Puis, dans des cas de personnes qui sont en état de boisson, ou des personnes fatiguées, ou des... Est-ce qu'il y a des contraintes? À quel endroit vous arrêtez là-dedans, disons, au niveau des clientèles? Je parle au niveau des clientèles, vous faites référence à deux cas, mettons, des gens qui ont pris un verre de trop, des gens qui sont fatigués. Est-ce qu'il y a d'autres contraintes?

Mme Lamarche (Lisa): Non. Jusqu'à date, c'est pas mal dans cette clientèle-là que nous avons desservi.

M. Bordeleau: O.K. Est-ce que vous recevez de l'aide des municipalités comme telles que vous desservez? Je pense...

Mme Lamarche (Lisa): Non, pas du tout.

M. Bordeleau: Est-ce que vous avez fait des démarches de ce côté-là?

Mme Lamarche (Lisa): Oui. Ils nous disent tout le temps qu'il n'y a pas de fonds de disponibles.

M. Bordeleau: O.K. Moi, ça me va.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Papineau.

M. MacMillan: Bonjour, madame. Félicitations. Ça m'intéresse beaucoup, étant propriétaire d'un petit commerce de bar, là.

Mme Lamarche (Lisa): Bon, vous, vous me comprenez.

M. MacMillan: Chez nous, on y a pensé régulièrement, à pouvoir avoir ce service-là; pas seulement chez nous mais dans les autres places de la municipalité. On a toujours un problème avec les gens des taxis: soit qu'ils nous bloquent ou quoi que ce soit, là. Comment vous avez fait pour... Je sais qu'ils vous appellent puis qu'ils vous disent qu'ils ne sont pas intéressés, mais vous l'avez parti quand même puis ça...

Mme Lamarche (Lisa): Oui. Je pense qu'il n'y a pas eu de contact entre les taxis. Moi, dernièrement, quand j'ai appelé le président, c'était réellement quand j'ai reçu la réponse d'Emploi-Québec. Là, c'était comme assez. C'est comme qu'est-ce que j'entends et qu'est-ce qui se passe, c'est complètement deux. Mais, quand je l'ai appelé, lui, c'était comme: C'est à nous autres, ça. Ça a toujours été à nous autres, puis, nous autres, on paie un permis de 500 $ par année, puis, mais que tu paies ça, on verra. Je lui ai dit: Écoute, si tu continues à nous boucher, on ne pourra pas continuer. Il a dit: Ce n'est pas vrai, Chauffeur Sécur va toujours rester là. C'est comme si c'était réellement ancré.

M. MacMillan: Excusez-moi, madame, je comprends ça, mais comment vous faites pour les gens qui sont bénévoles chez vous, avec vous? Si vous faites ça 24 heures, est-ce que les gens demeurent avec vous, vous avez un endroit spécifique?

Mme Lamarche (Lisa): Oui. Bien, on dispatche de mon appartement. On a un bureau où on fait tous les dispatches de là.

M. MacMillan: Et les gens sont avec vous?

Mme Lamarche (Lisa): Ça dépend. Du dimanche au mardi, non. Ils sont tous sur appel, ils ont tous un système de «page» et, quand ils sont en équipe, ils ont un système de cellulaire pour nous rejoindre.

M. MacMillan: Ils font ça bénévole?

Mme Lamarche (Lisa): On rembourse leurs dépenses. Il y a 0,26 $ qui vont au chauffeur puis 0,14 $ qui vont au raccompagnateur.

M. MacMillan: Puis les compagnies d'assurances acceptent ça?

Mme Lamarche (Lisa): Oui. Jusqu'à date, oui, on est bien assurés. Ça nous coûte très cher, puis on a eu beaucoup de difficultés. Les compagnies d'assurances, là, sont...

M. MacMillan: Qui est assuré? Vous, Sécur ou la...

Mme Lamarche (Lisa): Sécur est assuré.

M. MacMillan: Qui couvre l'automobile de la personne qui fait le trajet, ou quoi que ce soit?

Mme Lamarche (Lisa): Oui, oui.

M. MacMillan: C'est votre compagnie qui couvre le véhicule qui appartient à mon collègue qui deviendrait bénévole?

Mme Lamarche (Lisa): C'est ça. Ils nous ont remis les mêmes assurances que des garagistes.

M. MacMillan: La même chose.

Mme Lamarche (Lisa): Parce qu'ils peuvent dire que le char nous est confié, pareil comme c'est confié à un garagiste. Ils appellent ça un FPQ 4.

M. MacMillan: Ça doit coûter assez cher.

Mme Lamarche (Lisa): Oui, il y a un autre coût. Oui, ça nous coûte...

M. Bordeleau: Avez-vous de la misère à avoir des bénévoles?

Mme Lamarche (Lisa): Si...

M. Bordeleau: Avez-vous de la misère à avoir des bénévoles?

Mme Lamarche (Lisa): Pas de la misère, c'est qu'ils ne toffent pas longtemps, longtemps. C'est trois, quatre mois, là. On est tellement à la cenne tout le temps, tu sais, ils travaillent à 0,26 $ du kilomètre, puis ça vaut facilement, de nuit, comme ça, 0,35 $ du kilomètre.

M. MacMillan: Si j'ai bien compris, la SAAQ vous donne 5 000 $ par année?

Mme Lamarche (Lisa): Oui, que nous ne pouvons pas utiliser pour autre raison que de la publicité. À part de ça, je n'ai pas le droit d'y toucher, aucuns frais administratifs. Moi, ça fait, personnellement, trois ans que je n'ai pas pris de salaire, qu'ils m'ont donné une petite, petite part, là, puis ce n'est pas beaucoup, sauf que, la situation, il faut qu'elle se remédie, puis ça marche, le système marche. Ça, c'est prouvé, c'est démontré. Surtout, comme j'ai dit, quand vous avez changé le Code criminel, ça a été flagrant. Et les gens, ils se plaignent justement qu'il n'y a pas assez de chauffeurs. Tu sais, à l'heure de pointe, je ne sais pas si... Bien, vous en avez un, bar, justement. L'heure de pointe, vous le savez, que, de 3 heures à 4 heures, tu peux recevoir 30 appels en l'espace de cinq minutes, sauf que c'est impossible de penser que, pour une heure d'ouvrage, tu vas avoir 30 bénévoles pour suffire à la tâche. Sauf que, si j'avais déjà des chauffeurs dans la place, peut-être que le gars, vers 2 h 15, il dirait: Aïe! moi, j'irais tout de suite. Puis, comme ça, ça...

M. MacMillan: Félicitations, madame.

Mme Lamarche (Lisa): Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, Mme Lamarche, pour avoir accepté de venir ici, en commission parlementaire, à Québec, aujourd'hui.

Mme Lamarche (Lisa): Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Et j'invite M. Silverman, pour Le Monde à bicyclette, à prendre place.

Alors, M. Silverman, vous avez 10 minutes aussi pour nous faire part de vos commentaires, et ensuite il y aura la période d'échanges qui suivra.


Le Monde à bicyclette

M. Silverman (Robert): Je m'appelle Robert Silverman. J'ai 66 ans, et j'ai fondé, et je suis président du groupe cycliste Le Monde à bicyclette, comme Pro-Vélo à Québec. Merci, M. le ministre. Je suis venu ici avec mon collègue Marc Beaugrand-Champagne. Ils ont fait une présentation devant le ministre Brassard qui est contre la loi sur le casque. Je vais parler là-dessus parce que je n'aime pas la redondance. Voilà.

Quand nous avons entendu que c'était une possibilité qu'on impose cette loi-là, j'ai dit... on s'est gratté la tête, est-ce que c'est possible que quelqu'un, vraiment, puisse considérer une loi de même? Ensuite, on a pensé: Pourquoi? On a pensé que c'était peut-être des raisons occultes, Louis Garneau, par exemple – ça, c'est dans notre mémoire de l'autre année – pour gagner de l'argent. Mais, cette année, M. Garneau et l'industrie sont contre la loi du casque pour l'obligation. Donc, qui est pour ça? Mais il y a quelques médecins spécialistes unidimensionnels. Parce que le comité médical... Par exemple, l'association des médecins britanniques a fait une étude de 30 pages où elle a conclu que les cyclistes vivent deux ans de plus que les non-cyclistes pour des raisons cardiovasculaires et elle a trouvé... Ils sont contre la loi parce qu'ils disent que... par l'usage de la bicyclette, et, s'il va y avoir une réduction de l'usage de la bicyclette à cause de la loi, ça va être contreproductif.

Facteur deux. Dans les pays riches comme la Hollande, 60 % des gens font de la bicyclette quotidiennement. Comme à Groningen, il n'y a pas d'usage du casque ni de la loi parce qu'ils font d'autres choses.

La troisième chose, comme je vous ai donné, c'est que, si vous êtes le moindrement sérieux sur la question de protéger les têtes des cyclistes et de tout le monde, il faut une loi qui impose cette même loi sur les automobilistes parce qu'il y a 50 000 blessures par année, et, pour un rapport de 10 à un, c'est plutôt eux qui ont leur tête cassée, et il va y avoir une réduction avec une loi de même de 20 % des morts.

Autre chose, je crois que nous sommes des boucs émissaires, et, au lieu de faire une loi si absurde et réactionnaire que ça, il faut faire des réseaux de pistes cyclables, donner le 5 000 000 $ à Montréal que vous avez promis pour l'extension de la piste cyclable à Montréal, obliger le transport en commun d'accepter la bicyclette. O.K., c'est assez pour ça.

L'autre chose, ici, je suis d'accord avec vous quand vous parlez de... tout ça. Je trouve que c'est flagrant qu'il y a des cyclistes délinquants et que la police les ignore. Je parle en priorité des cyclistes qui ne portent pas la lumière. Parce qu'il y a des morts, il y a des blessures disproportionnelles le soir parce que beaucoup de cyclistes, peut-être même la moitié, ne portent pas la lumière et les réflecteurs. Donc, je propose que la police saisisse les bicyclettes sans les lumières correctes pour le soir et que les cyclistes les prennent quand ils ont l'équipement.

Deuxièmement, il ne faut pas vendre les bicyclettes illégales. Toute bicyclette vendue au Québec doit être légale, avec l'équipement de réflexion. Il faut que chaque personne, chaque cycliste et chaque citoyen ait une carte d'identité. Ça, je pense que c'est important.

Les feux rouges aussi, c'est important, et aussi les sens uniques. C'est d'autres délits. Je sympathise avec vous quand vous parlez de la rue René-Lévesque et des messagers qui coupaient, qui allaient partout, partout. Pourquoi la police ne fait pas son devoir? C'est une autre chose.

Maintenant, je vais parler d'autre chose que vous pouvez faire. C'est peut-être un peu hors de contexte mais pas mal nécessaire. Ça veut dire de contourner l'automobile, de faire un peu de balance dans vos budgets. Au lieu de construire constamment des autoroutes comme l'autoroute proposée entre le tunnel Louis-Hippolyte-LaFontaine et Sanguinet, on peut peut-être mieux utiliser l'argent pour le train de Saint-Hilaire, pour le train léger entre Brossard et Montréal, faire une extension de train qui va maintenant à Sainte-Thérèse, jusqu'à Saint-Jérôme. Exiger du gouvernement fédéral que chaque auto soit légale, c'est-à-dire qu'elle ne peut pas aller au-delà de la limite permise. C'est des choses que nous devons faire.

J'ai été un peu attristé quand un des députés a parlé des patins à roulettes comme d'un problème. Le problème, c'est l'auto en ville. C'est l'auto, en ville, qui blesse les 140 000 Québécois. Je sais qu'il y a des gens qui ne viennent pas de Montréal, qui viennent des régions loin où l'auto est plus nécessaire, mais vraiment il faut mater l'auto pour sauver nos villes, pour sauver nos 50 blessures et aussi pour sauver notre planète à cause des effets de serre, d'autres choses. Même aujourd'hui, à Québec, on va avoir 7 °C, 10 °C à Montréal. C'est une chose réelle, c'est vraiment une menace.

(14 h 40)

Donc, en concluant, je propose qu'on n'introduise pas cette loi, et, deuxièmement, que votre ministre change de cap. Je sais qu'il y a des milliers de fonctionnaires, il y a des contracteurs, il y a tout ce monde des grandes compagnies comme Shell et Exxon, et toute cette industrie... Effectivement, M. le ministre, je vous dis que c'est l'idéologie de la cellule cancéreuse, c'est-à-dire la croissance pour la croissance.

Je vais finir avec un poème parce que je suis poète, vieillard, et ça va comme ça: Tué par une auto – ma femme a été tuée par une auto; je regrette ce qui est arrivé à votre nièce, ça affecte tout le monde et toutes les classes – rené par une bicyclette, c'est l'histoire de ma vie. Je vous remercie pour votre attention.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Silverman. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: M. Silverman, je voudrais vous remercier.

M. Silverman (Robert): Hein?

M. Chevrette: Je voudrais vous remercier, dans un premier temps.

M. Silverman (Robert): Ah! merci.

M. Chevrette: Ça vous surprend?

M. Silverman (Robert): Un peu, oui, parce que j'étais critique, mais on était dans le même syndicat. J'étais dans la CEQ.

M. Chevrette: Non, non, je vais vous remercier quand même, mais je vous dis que, un livre vert qui est présenté pour fins de discussion et qui permet à tout individu, y compris M. Silverman que vous êtes, de venir nous dire ce qu'il en pense, je ne crois pas que ce soit un document subversif. Vous avez dit que c'était une loi – j'essaie de me rappeler les termes que vous avez utilisés – ...

M. Silverman (Robert): ...et non nécessaire.

M. Chevrette: ...réactionnaire. Un livre vert, ce n'est jamais réactionnaire, ça permet...

M. Silverman (Robert): Non, non, pas le livre vert.

M. Chevrette: ...des réactions comme vous venez d'en faire une. Mais, quand vous venez nous dire candidement que, par exemple, les automobilistes sont des tueurs de patins à roues alignées, à ce que je sache, l'automobile au Québec existe depuis minimalement 1900 – on peut-u s'entendre pour 100 ans? – ...

M. Silverman (Robert): Oui, oui.

M. Chevrette: ...puis les patins à roues alignées existent à peu près depuis cinq ans. Est-ce qu'on va éliminer le parc automobile parce que les patins à roues alignées sont arrivés? Ça, ça m'apparaît être réactionnaire. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Silverman (Robert): Actuellement, comme Mme Eloyan a dit, je pense que c'est évident en soi, c'est qu'une ville à bicyclette, patins à roulettes, transport en commun serait infiniment mieux qu'une ville en automobile. Absolument. Les automobiles doivent être confiées aux endroits où il n'y a pas de grande densité, où il n'y a pas d'autres alternatives, par exemple à Sainte-Agathe ou Sainte-Adèle, un endroit de même. Mais, au plus haut de la densité, c'est une absurdité qu'on permette les automobiles au sud, par exemple, de l'avenue des Pins. C'est un non-sens. Il semble que le droit principal, c'est le droit de conduire une auto et que toutes les autres considérations, comme la santé, le bruit, la pollution, sont secondaires.

Ce que je propose, que beaucoup de villes commencent à faire, comme les villes italiennes, c'est de renverser les priorités et d'utiliser l'auto quand la densité est très... comme à Joliette, par exemple, où il n'y a pas beaucoup de trains. Mais, dans les grandes métropoles comme Montréal et Québec, c'est évidemment un véhicule antisocial, et évidemment le patin à roulettes, malgré ces problèmes d'hiver et de l'utilisation, est beaucoup mieux. Oui, je prends une position nette là-dessus. Oui, c'est ce que crois, l'automobile est grande, ça prend 1,2 personne dedans, et c'est coûteux, et avec le coût de l'essence et la fumée, le bruit, le monde ne peut pas dormir, il faut des madames comme Mme Lamarche pour aider les gens soûls, les gens meurent... Vraiment, ce que je crois, oui, je crois que le patin à roulettes et la bicyclette sont beaucoup plus conviviaux.

M. Chevrette: Oui, mais, tout en étant très convivial, ça peut constituer une entrave à la circulation aussi de l'automobile, et ça, je m'excuse, mais...

M. Silverman (Robert): M. Chevrette...

M. Chevrette: ...on a une certaine divergence de vue là-dessus.

M. Silverman (Robert): Mais c'est évident.

M. Chevrette: Vous allez me permettre, M. le Président, de déposer un petit mémoire ou un communiqué de presse d'un organisme qui ne viendra pas devant nous, Promo-Vélo. Je ne sais pas si on vous l'a transmis à vous autres aussi, mais, pour les membres de la commission, je voudrais lire ce que Promo-Vélo dit, deux petits extraits. D'abord, ils nous invitent, les députés, à une randonnée qui pourrait se faire le lendemain de la fermeture de la présente session, mais ils disent ceci: «Dans notre souci de voir les cyclistes protégés, dans notre volonté de travailler avec les organisations publiques pour l'amélioration des conditions de pratique du vélo, Promo-Vélo – je ne connais pas – accorde son appui à un projet de loi qui rendrait obligatoire le port du casque de vélo à tous les âges, dans toutes les circonstances et dans tous les endroits fréquentés par des cyclistes.»

Ce n'est pas la grande harmonie complète dans tout le domaine du vélo, et je ne les trouve pas réactionnaires, moi. On peut être pour puis on peut être contre, puis on peut se juger dans un très grand respect l'un de l'autre, non?

M. Silverman (Robert): Absolument, M. le ministre.

M. Chevrette: Pourquoi vous avez utilisé des mots comme vous avez utilisés, d'abord?

M. Silverman (Robert): Mais, d'abord, j'oublie les mots que j'ai utilisés, mais je veux dire peut-être... O.K. Je veux dire: Peut-être que j'ai charrié un peu, mais le fait est que ça va réduire... Vingt-cinq ans que je lutte pour la cause cycliste. On a fait des manifs, on fait un journal depuis 25 ans, Le monde à bicyclette , que je vais vous envoyer demain. On a mis notre vie, notre coeur là-dessus, et ce qui nous gêne un peu, nous blesse, c'est quand, après... Le Québec est le champion de la bicyclette en Amérique du Nord. Malgré notre climat froid, on a gagné, Montréal, le prix de la meilleure ville cycliste, et Québec, avec la route verte et d'autres choses, est absolument le meilleur endroit en Amérique du Nord. Donc, la loi, s'il va avoir une, va réduire l'usage de la bicyclette, et c'est pour ça que j'étais un peu triste de constater que c'est une possibilité.

M. Chevrette: Et votre tristesse vous a emmené sur une excessivité.

M. Silverman (Robert): O.K. Je conviens de ça. Ha, ha, ha! Ce n'est pas...

M. Chevrette: Je vous remercie, M. Silverman.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Bordeleau: Oui. Merci, M. Silverman, pour votre présentation. Je veux peut-être revenir sur certains des points que vous avez mentionnés. D'abord, le premier point, sur la question du port du casque protecteur, je pense que le ministre faisait référence à un mémoire qui a été déposé, mais je dois dire que, de façon générale, le milieu du vélo est largement contre une obligation légale de porter le casque protecteur. Les gens sont pour encourager le port du casque, faire la promotion, faire en sorte idéalement... que tout le monde le porte, ce serait l'idéal, sans nécessairement recourir comme tel à une obligation réglementaire avec des sanctions, et tout ça. Alors, sur ce point-là, on se rejoint, et ça nous a d'ailleurs été démontré que, dans le milieu du vélo, souvent les gens, par toutes sortes de campagnes internes de sensibilisation, arrivaient à augmenter... Je pense au tour de Montréal où on nous dit que 80 %, 90 % des gens qui font le tour de Montréal ont un casque protecteur, et il n'y a pas de loi actuellement. On nous a fait référence à d'autres groupes aussi. Donc, je pense qu'il y a lieu de travailler plus au niveau de la promotion et de la sensibilisation en concertation avec les gens du milieu du vélo qui peuvent donner un bon coup de main au gouvernement de ce côté-là aussi pour favoriser le plus grand port possible du casque protecteur.

L'autre point sur lequel je voulais vous questionner, c'est que vous disiez tout à l'heure... Parce qu'il y a un autre problème, c'est celui des équipements, là. On parlait des réflecteurs, des lumières pour le soir, vous dites: Il faudrait d'abord que les vélos qui sont vendus soient des vélos réglementaires. Est-ce que, actuellement, il y a des... On sait que les réflecteurs sont obligatoires, est-ce qu'il y a des vélos qui sont fabriqués et qui se vendent actuellement qui ne portent pas des réflecteurs?

(14 h 50)

M. Silverman (Robert): Non, généralement ils portent les réflecteurs. Mais parfois c'est une bicyclette importée, et elle ne vient pas avec les lumières, et c'est très, très important le soir. Et, à mon avis, il faut qu'on vende au Québec... C'est comme on ne peut pas vendre une auto où il n'y a pas de lumières. Donc, il faut que la loi exige que chaque bicyclette soit équipée avec les lumières, réflecteurs. Parfois, il n'y en a même pas de réflecteurs. C'est vraiment inacceptable, à mon avis. Et c'est là où il y a une haute proportion des accidents. C'est normal parce que les automobilistes ne voient pas les cyclistes, donc, dans une partie de la ville ou de la campagne où il n'y a pas de lumières. Je pense que c'est très important, et il serait très, très facile... En Angleterre, en Hollande, au Danemark, en Allemagne, la police est très, très rigide là-bas, et c'est rarement qu'on voit... Parce que j'ai pédalé dans ces pays, et j'étais bien, bien content de voir à Londres, par exemple, ou à Amsterdam, tous, tous sans exception avaient de la réflexion et de la lumière. Et, s'ils n'en avaient pas, la police agissait. Ils saisissent et...

Autre chose que j'ai oubliée aussi, dans les écoles, il faut vraiment introduire le sujet de comment utiliser une bicyclette avec tous les outils, avec les réflecteurs? Je pense que c'est très, très important que ce soit inclus dans les écoles. Peut-être, comme en Hollande, au début, 30 minutes par jour pour les enfants de sept, huit, neuf ans et moins, et après peut-être une heure par semaine. C'est quelque chose que je recommande aussi qui serait une autre façon de réduire les accidents.

Mais, comme la ville de Montréal a montré, avec les mesures concrètes, on a moins de morts à Montréal par la bicyclette. Au lieu de 80 il y a plusieurs années, maintenant c'est trois. Donc, ça c'est une question de volonté politique, c'est exactement ça, mais à tous les niveaux, tous, tous les niveaux. Pas juste le casque, mais à tous les niveaux. Moi, je porte un casque toujours et, moi, parce que j'en fais depuis 30 ans, je constate qu'à chaque année il y a plus de monde qui porte un casque. Les seuls endroits au Québec où ils ont posé une loi, c'est les villes ultra riches comme Westmount, Hamstead et Côte-Saint-Luc. C'est les seules villes. Aussi, les raisons, c'est que ça coûte cher. Au travail, vous êtes une femme, il faut mettre vos cheveux sous le casque. Et, lorsqu'on a des livres, des sacs, et tout ça... Je pense que c'est mieux maintenant où il y a une croissance arithmétique de l'usage du casque chaque année. Même, dans cinq ans, tout le monde le portera sans loi. Ha, ha, ha! Ça, ça va arriver, je suis sûr de ça.

M. Bordeleau: Je reviens sur la question de l'éclairage des vélos.

M. Silverman (Robert): De quoi?

M. Bordeleau: De l'éclairage des vélos. L'obligation, actuellement, la loi, c'est des réflecteurs seulement. Présentement.

M. Silverman (Robert): Ah non, une lumière aussi.

M. Bordeleau: Pardon?

M. Silverman (Robert): Une lumière aussi, les deux.

M. Bordeleau: Actuellement, la loi oblige les vélos à avoir des lumières?

M. Silverman (Robert): Ah oui, oui.

M. Chevrette: La nuit seulement.

M. Bordeleau: Oui, oui. O.K.

M. Silverman (Robert): Et c'est une très bonne loi, et probablement ce n'est pas de votre faute que la police ne fasse pas son devoir. C'est incroyable même, comme le monsieur des accidents de la route, le policier SQ a vu le chauffeur soûl et n'a rien fait. Même devant un policier. C'est aberrant, je ne comprends pas ce qu'elle fait, la police, vis-à-vis de la circulation. Je sais, ce n'est pas notre sujet, mais c'est incroyable parce que c'est une cause de nos morts et de nos blessures, l'inaction de la police. Et, même, ils l'admettent. La Sûreté du Québec admet qu'elle ne fait pas son devoir de protéger le peuple en contenant la vitesse pour raison corporatiste et syndicale, sa propre lutte.

M. Bordeleau: Je pense qu'on a eu l'occasion de discuter du problème, souvent, des gens qui font du vélo puis qui font des infractions et qui ne sont pas arrêtés par la police d'aucune façon. Bon, je pense...

M. Silverman (Robert): Je veux qu'ils soient arrêtés par la police.

M. Bordeleau: C'est ça, je pense que vous avez raison là-dessus et je pense, en tout cas pour les lumières, ça me paraît évident que, si des gens se promènent le soir en vélo sans lumière, sans aucune... ça représente un risque et que la police devrait sûrement, à ce moment-là, faire preuve de plus de vigilance et arrêter les gens en conséquence.

Un dernier point, c'est sur votre prise de position, disons, en faveur du vélo. Je suis un peu comme le ministre, j'ai un petit peu de réserve quand vous voulez éliminer d'une façon pratiquement complète les autos du centre-ville de Montréal. Je pense que le vélo, c'est sûrement un bon moyen pour... Puis, vous avez fait référence à des données où la durée de vie est plus longue pour les gens qui font du vélo, c'est sûrement un bon moyen de se tenir en forme. Maintenant, on vit dans une société aussi où on encourage les gens à prendre les moyens. D'ailleurs, vous-même, vous suggérez qu'on encourage les gens à porter le casque. On ne les obligera pas, on les encourage, et ça se fait sur une forme volontaire.

Alors qu'on encourage les gens à utiliser le vélo le plus possible comme moyen de transport, moi, je n'ai rien contre ça, je trouve que c'est tout à fait correct, mais qu'on arrive avec des solutions où on doit pratiquement éliminer l'automobile, je pense que là il y a peut-être un excès qui... Si la promotion est bonne dans certains aspects de la pratique du vélo, comme le port du casque, tout ça, je ne vois pas pourquoi on arriverait à imposer aux gens qu'ils ne doivent plus utiliser leur automobile, d'autant plus que ça me paraît assez irréaliste, dans le sens où, par exemple, au centre-ville de Montréal, bien il y aura des taxis qui vont voyager, c'est évident, bon, il y aura des camions qui vont y aller parce qu'ils font de la livraison.

Il y a des personnes qui, pour une raison ou pour une autre, ne peuvent pas voyager en vélo ou n'ont pas le goût de voyager en vélo tout simplement, ils veulent avoir la possibilité de prendre d'autres moyens de transport. On dit: Il y a les transports en commun. Oui, encourageons les transports en commun, je suis d'accord aussi, excepté que je pense qu'il y a une certaine liberté de choix que les gens doivent avoir, et il y a un équilibre à avoir entre tous les utilisateurs, si on veut, des moyens de transport, que ce soit... Il y a de la place pour un peu tout le monde, il y a des compromis à faire, je pense, pour essayer d'arriver à quelque chose qui est réaliste aussi de ce côté-là.

M. Silverman (Robert): Écoutez, d'abord ce n'est pas pour demain évidemment. Probablement, ce sera inévitable avec les journées sans auto en Europe, en France surtout, en Italie. Et il y a maintenant un questionnement sur l'auto qui n'existait pas, disons, il y a 10 ans. Et, bien sûr, si on élimine, comme on a fait sur la rue Prince-Arthur, immédiatement l'auto, le monde ne pourrait pas aller au travail. Donc, il fallait qu'on investisse plus dans le transport en commun. Il faut que le ministère des Transports, les municipalités donnent plus de subventions au CTCUM, des choses comme ça qui sont absolument nécessaires. Il faut que ce soit graduel, il faut qu'on donne la priorité aux automobilistes qui ont vraiment besoin, les ambulances, les camions. Et je suis pour les camions et je suis pour le taxi, c'est évident, mais graduellement de réduire notre dépendance et la domination de l'auto en ville.

À propos de Promo-Vélo, il y a une certaine erreur, parce que Promo-Vélo, je les connais bien, je suis membre de Promo-Vélo, et les membres, ils sont absolument divisés là-dessus, et même le conseil c'est cinq à quatre. Donc, ce n'est vraiment pas un bon argument. La plupart des groupes cyclistes sont contre l'imposition de la loi.

Mais à propos de... vraiment, la société doit... Et, ce n'est pas juste au Québec, c'est pire en Ontario avec les embouteillages au... C'est pire à Los Angeles. Mais il faut vraiment, franchement, remettre en question la domination de l'auto et introduire des alternatives comme le train, la bicyclette, le patin à roulettes, à pied, toutes ces choses. Et, comme Montréal a commencé à faire avec le stationnement incitatif, ils reconnaissent que c'est mieux d'avoir moins d'autos en ville, c'est mieux que les gens de basse densité à Brossard, qu'ils laissent leur auto... Disons, à Lacolle, qu'ils laissent leur auto là-bas et ensuite qu'ils prennent l'autobus. Et ça a du bon sens, et vraiment ce que le monde du bicycle veut, c'est un peu de bon sens, un peu de balance et pas la monopolisation de l'auto. Vous voyez les contradictions sur les grosses compagnies qui profitent, les producteurs de pétrole, et aussi il y a des camionneurs qui bloquent les routes, les taxis qui bloquent les routes, le monde qui est obligé de l'auto, et l'argent, tout l'argent va aux multinationales. Je sais que...

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Silverman, c'est tout le temps dont nous disposions. Alors, merci d'être venu à Québec cet après-midi pour nous faire part de vos commentaires.

M. Silverman (Robert): Merci beaucoup, M. le ministre.

Le Président (M. Lachance): J'invite maintenant les représentants du groupe suivant, Groupe conseil Techni-Data Management et Roadtronic Technologies International, à bien vouloir prendre place. C'est le dernier groupe que nous entendrons cet après-midi.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite le porte-parole à bien vouloir s'identifier, ainsi que les personnes qui l'accompagnent.


Groupe conseil Techni-Data Management inc. et Roadtronic Technologies International

M. Rouleau (Rodrigue): Oui. Alors, je suis le porte-parole, Rodrigue Rouleau. Je suis du groupe Techni-Data Management. Je suis accompagné du président de Roadtronic, M. Filiatreault...

M. Filiatreault (Réal): Bonjour.

(15 heures)

M. Rouleau (Rodrigue): ...du chef de direction de mon groupe à moi, Techni-Data Management, M. Michel Levert, et de celui qui est notre spécialiste en marketing et qui connaît bien la technologie, M. Michel Fleury.

Le Président (M. Lachance): Alors, nous allons attendre quelques instants la présence du ministre.

M. Rouleau (Rodrigue): D'accord.

(15 h 1 – 15 h 3)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Nous allons reprendre nos travaux. Alors, M. Rouleau, je vous indique que vous avez une présentation maximum de 20 minutes, et, par la suite, on va entreprendre la période d'échange avec les parlementaires.

M. Rouleau (Rodrigue): Je vous remercie beaucoup. Merci de nous offrir cette occasion de présenter un concept ou une idée qui concerne la sécurité des transports et en même temps l'environnement, par les gaz à effet de serre.

Le concept que nous vous présentons aujourd'hui est le fruit d'un partenariat et d'expériences que notre groupe, qui est spécialisé en management dans le transport, et Roadtronic, qui est un spécialiste dans la technologie de l'information... comment nous en sommes arrivés à développer ce concept.

Nous proposons la création d'un programme que nous appelons Performance 9000, programme qui serait géré par un centre de gestion en transport routier – entité à créer bien sûr – et qui aurait comme objectif la sécurité, l'efficacité énergétique et environnementale et la rentabilité des entreprises qui participent au programme.

Cet exercice est le fruit d'une réflexion, d'un constat. Les travaux préparatoires à la loi n° 430 – il y en a eu des travaux d'ailleurs, ici, dans cette salle – ont démontré que la très grande majorité des entreprises exploitantes de véhicules routiers ne sont pas des entreprises délinquantes, qu'elles ont le désir, le souhait et qu'elles mettent en marche des systèmes pour se conformer.

Le programme que nous proposons est un programme volontaire qui vise ces entreprises-là ou ces organisations-là et qui propose l'adhésion volontaire à un programme d'autorégulation et de gestion de nature comparable au programme PEP, programme d'entretien préventif. Le programme que nous proposons, c'est Performance 9000.

Le programme PEP est un programme qui a été développé par la Société de l'assurance automobile du Québec et qui permet aux entreprises qui ont des véhicules lourds d'assurer leur entretien selon des normes de conformité et des systèmes qui sont bien en place. Et l'entreprise est responsable de ce système-là.

Notre intention aussi est de reconnaître les entreprises participantes au programme volontaire par une procédure accélérée lors des contrôles, soit les contrôles routiers soit les contrôles en entreprise par la SAAQ, par la promotion des entreprises participantes et de leur conformité, l'entreprise qui se conforme, d'en faire la promotion et de proposer une stratégie d'incitation financière d'adhésion à la mesure volontaire de conformité, que nous verrons un petit peu plus en détail tout à l'heure.

Bien, parmi ces privilèges-là, il y aurait pour les entreprises qui se conforment: par la SAAQ, une réduction des frais d'immatriculation par véhicule inscrit, un suivi continu à distance des indicateurs de conformité de l'entreprise participante; par le fisc, des crédits d'impôt relatifs aux politiques de sécurité et d'efficacité énergétique des entreprises participantes; par le MTQ, la reconnaissance des entreprises exploitantes, participantes et conformes, reconnaître les bonnes entreprises qui sont correctes, les bons citoyens corporatifs; par la Commission des transports, par l'utilisation de ce programme comme mesure corrective des entreprises ou des exploitants délinquants.

Les conditions d'acceptation au programme pour les entreprises exploitantes seraient les suivantes: de participer à un système de gestion de l'information par informatique et télécommunications. À cette fin, juste pour vous montrer simplement un ordinateur de bord... dans ce système-là ça comprend l'obligation d'avoir des ordinateurs de bord dans des camions et des systèmes ordinés d'informatique dans les bureaux des gestionnaires. Vous voyez, ici, c'est un ordinateur de bord hyperperformant. Ce n'est pas plus gros que ça. Et, M. Filiatreault pourrait le confirmer, c'est du branchement de fils qui se fait comme un système de son de grande qualité dans les voitures qui font beaucoup de bruit. Ce n'est pas plus compliqué que ça. Pour les chauffeurs, c'est un exemple, l'identification, on appelle ça une pastille. Ça, c'est son code génétique, l'ADN. On sait tout sur un chauffeur à partir de ça, à partir des systèmes ordinés.

Donc, une condition pour les entreprises participantes: qu'elles se conforment à ce système-là, qu'elles aient des systèmes d'information comme celui-là, d'être conformes aux prescriptions de la loi n° 430 et respecter les engagements qu'elles ont pris auprès de la Commission des transports – c'est des choses qui se vérifient et qui se mesurent – et de s'engager à donner accès aux données pertinentes à la SAAQ et à la Commission des transports.

Le tout dans un but de sécurité routière, par les systèmes ordinés, nous pouvons avoir un contrôle de la vitesse selon toutes les situations. Le système – nous le verrons un petit peu plus tard, dans quelques minutes – nous permet de vérifier les excès de vitesse dans des tronçons de route où il y a des limitations de vitesse, les moyennes de vitesse, etc. Par l'application conforme des méthodes de travail et de conduite, on est capable de voir si le chauffeur fait sa ronde de sécurité. On appelle ça maintenant la vérification avant départ. Est-ce qu'il a fait ça correctement? Il y a des processus qui nous permettent de vérifier ça. Ça, c'est à titre d'exemple.

Par la compilation des infractions routières et des avis de la SAAQ – la SAAQ envoie des avis aux entreprises – une entreprise participante informerait le centre de gestion des mesures à apporter. Et, par la gestion des incidents et accidents, un ordinateur de bord comme ça, avec les systèmes d'information, permet de faire une autopsie des événements et des accidents routiers lorsque l'ordinateur est en marche, à la miniseconde: le freinage, l'événement, etc. Nous voyons ici sommairement la carte. On voit plus ou moins bien les couleurs ici, mais à partir de la segmentation des vitesses et par le tracé qu'a suivi un véhicule, la couleur du tracé de ce véhicule-là en fonction des paramètres qui lui ont été donnés, paramètres qui peuvent être adaptés pour chaque véhicule, pour chaque entreprise ou pour chaque situation.

Le système permet aussi d'avoir un contrôle des heures de conduite et de travail, problème épineux dans notre industrie, dans le transport et pour tous les exploitants, même dans le monde municipal. Ça nous permet de mettre en place un «logbook» électronique, peu importent les distances d'éloignement. Ça peut se faire aux États-Unis, au Canada, au Québec, dans une ville, avec les heures de conduite, les durées de travail, avec des identifications précises des conducteurs, avec l'ADN électronique que je vous ai montré tout à l'heure, avec lequel on a plein contrôle sur l'identité du conducteur qui opère ce véhicule. Le système permet de générer des données sur les heures de travail, en heures, en journées, etc. C'est sur des graphiques. Et ça permet aussi d'identifier, sur la même carte qu'on a vue tout à l'heure, des activités d'exception. Voyez ici – peut-être que vous ne les voyez pas bien – là on voit à quel moment, à quel endroit il a arrêté, il a ouvert la porte, il a chargé, déchargé, combien de temps il a pris, etc. On peut avoir un contrôle très, très précis des activités du conducteur.

(15 h 10)

Ça permet aussi de vérifier la vérification avant le départ, de vérifier la compétence du conducteur. Est-il autorisé à conduire? Est-ce qu'à part sa pastille on a vérifié si son permis de conduire était conforme? Est-ce que le conducteur a les bonne mentions sur son permis? Beaucoup de spécialistes dans cette industrie-là ne le savent même pas ça, qu'il y a des mentions M, F sur les permis de conduire, et ils se contentent qu'elles aient un permis de conduire sans avoir vérifié les compétence des personnes. De s'assurer que la vérification au départ soit faite, c'est la ronde de sécurité, et que, lors de la routine ou du trajet, les vérifications en route se sont faites. Après tant de temps, tant de kilomètres, le conducteur est tenu de faire une vérification, et avec ce système-là on peut le vérifier en tout temps.

Le système que nous connaissons bien, celui de Roadtronic, permet de recueillir des données quantitatives sur des tableaux qui nous donnent ici, à titre d'exemple – et vous en avez des copies sur ce domaine-là – des durées sur le ralenti excessif, les durées sur les arrêts, sur la vitesse, le nombre d'heures, l'endroit, le lieu, etc. Ça permet au gestionnaire de vérifier à quel endroit il perd du carburant par des ralentis excessifs, entre autres, et sur l'excès de vitesse. C'est sur ces deux éléments-là, surtout qu'on travaille pour les gaz et effets de serre.

L'efficacité énergétique est une autre retombée. Pour notre groupe, un véhicule opéré sécuritairement, selon les conformités des fabricants, est un véhicule aussi qui est efficace au plan énergétique. Le système permet d'assurer une gestion du carburant, de réduire substantiellement la consommation de carburant parce qu'il y a un contrôle de la vitesse, un contrôle du ralenti, un contrôle de pertes de temps. Ça nous permet d'avoir une connaissance de la consommation par véhicule et par conducteur. Ce sont des retombées qui ne touchent pas directement la sécurité dans les transports, mais ça touche directement le portefeuille du gestionnaire.

Ça permet d'avoir une réduction puis un allégement des coûts d'entretien, moins un véhicule va vite, moins il coûte cher. Ça permet d'avoir des vitesses moyennes contrôlées, d'éliminer les ralentis excessifs. Le ralenti, c'est le véhicule qui tourne quand il est arrêté, quand le conducteur s'en va déjeuner, etc., ou qu'il fait une livraison puis qu'il laisse continuer à tourner le véhicule, une source excessive de pollution et d'émission à gaz et effets de serre et une source d'économie importante. Le système permet de faire arrêter le camion après une minute, si c'est déterminé comme ça. Ça permet aussi une réduction sensible d'émission à gaz et effets de serre.

Un cas réel: une étude qui avait été patronnée par le ministère des Ressources naturelles du Canada et du Québec chez un transporteur, avec un ordinateur de bord qui a mesuré quelque chose. Pour la même masse transportée, c'était des produits forestiers, par le même camion, sur le même trajet, à température égale, c'était l'hiver à moins 6 °C, d'une durée et à vitesse moyenne équivalentes, sans limite exceptionnelle, sans limitation de vitesse, par le même conducteur, nous avons eu trois performances vérifiées.

Avant que le conducteur ne soit informé qu'il y avait un ordinateur, que c'était comme ça, il y avait une consommation de 4,5 milles au gallon. Le fait de mettre un ordinateur dans son camion, qu'il le sache, ça a amélioré la consommation de carburant à 5 milles au gallon, et par la suite supporté par un management qui savait qu'est-ce qu'il faisait, un programme de formation où on a travaillé sur ses compétences, performances, on a amélioré la consommation à 6,8 milles au gallon pour une amélioration de 2,3 milles au gallon pour la même situation. Une source d'économie substantielle pour l'entreprise et une source de réduction de gaz et effets de serre importante.

La vitesse, c'est véritablement l'endroit où il y a les plus grandes pertes. Ça, c'est une donnée qui provient de Écoflotte et de Ressources Naturelles Canada. Lorsqu'un camion circule à plus de 80 km/h, ses coûts de carburant, ses coûts d'entretien et ses dépenses de pneus montent de façon exponentielle. Un camion qui roule sur la 20 à 120 km/h, il perd de l'argent tout le temps – on en voit beaucoup – puis il dépense du carburant pas à peu près. Puis après ça on en a peur. J'arrive de Montréal ce matin, puis on en a vu. C'est Réal qui conduisait, une chance que c'est un bon pilote, c'était dangereux.

Les mesures. Parmi les plus prometteuses qui sont retenues dans la stratégie canadienne, et éventuellement, je pense, dans la stratégie québécoise, pour la réduction des gaz à effet de serre, parmi ces mesures-là, il y a l'éducation des conducteurs, éducation de base, sur les conséquences ou l'émission des gaz à effet de serre; il y a la gestion des incidents, les incidents routiers, ensuite les feux de circulation; la formation des conducteurs en efficacité énergétique; les systèmes avancés de contrôle des véhicules, c'est ce dont on vous parle; et la limitation de vitesse à 90 km/h pour les camions.

Le système. Le programme que nous vous proposons, géré par le centre de gestion de transport routier, et les données informationnelles dont nous disposerions à ce moment-là – parce que ces données-là recueillies par l'ordinateur seraient transmises à ce centre de gestion là, qui traiterait l'information pour le bénéfice de l'entreprise et pour le bénéfice de la SAAQ aussi – permettraient de vérifier les compétences des gestionnaires afin de les aider à traiter l'information – il y a des entreprises qui ont des ordinateurs, qui ont des systèmes présentement et qui ne les utilisent pas parce que les gestionnaires ne sont pas préparés ni formés à utiliser adéquatement cette information-là – à poser des diagnostics sur les disfonctionnements, puis ensuite à faire des choix et des applications de mesures correctives appropriées face à leurs opérations soit au niveau des conducteurs ou au niveau des processus opérationnels et méthodes de travail. Ça permet aussi de vérifier les compétences des conducteurs au plan de l'ensemble de leurs tâches, les profils de conduite, les processus administratifs, les méthodes et procédures de travail.

Ça permettrait aussi de consolider le contrôle routier. Par les opérations usuelles, les entreprises qui participent au programme, le contrôleur routier a accès à toute l'information rapidement par le centre sur des périodes données, sur des activités précises, etc. Ça permet aussi de prioriser la vérification des exploitants non participants. Un des postulats de ce programme-là, c'est que les entreprises qui y adhèrent sont des entreprises qui nécessairement veulent se conformer, elles ont une volonté de bon citoyen. Je ne présume pas que les personnes qui n'y adhéreront pas sont nécessairement des délinquants, mais elles pourraient constituer une piste ou un indicateur qu'il y aurait peut-être un peu plus de travail à faire auprès de ces organisations-là. Et, par la suite, par une validation périodique des données des systèmes informationnels, de faire des regroupements sur des tronçons de routes, etc. Les systèmes de cueillettes d'informations permettent de faire des croisements serrés et des recherches qui seraient fort profitables.

Ça permettrait un contrôle amélioré en entreprise par une production systématique de rapports normés par exception. J'explique rapidement. L'entreprise qui se donne une politique de sécurité et qui dit: Chez nous, le ralenti, ce n'est pas plus qu'une minute. Dès qu'il y en a eu plus qu'une minute, le rapport le ressortirait. Même chose sur la conformité d'une ronde de sécurité. Selon une procédure déterminée, une ronde de sécurité devrait se faire de telle façon; si elle ne se fait pas comme ça, l'entreprise en est informée immédiatement. Même chose pour les excès de vitesse, pour les charges et dimensions, etc. Donc, ça permet de faire ça.

Responsabiliser l'entreprise qui recueille l'information, et une information qui est disponible à l'organisme qui est la SAAQ. Ça permettrait de faire des vérifications à distance via Internet. Maintenant, par Internet, l'information, ça se traite sur un ordinateur comme celui-là, qui est sur la table, un ordinateur qui n'est pas hyperpuissant, qui est courant sur le marché, et l'information se traite, via Internet, sur des logiciels et des systèmes d'exploitation Windows qui sont maintenant une norme. Et ensuite une intervention d'une troisième partie spécialisée performante et autonome, qui est ce centre d'expertise, le centre de gestion contrôle routier.

(15 h 20)

C'est un exemple, ici, sur Excel – je vous parlais d'exploitation Windows – de données qu'une entreprise que nous connaissons veut avoir sur des chauffeurs particuliers, qui peuvent sortir automatiquement, sur les excès de vitesse, les ralentis, et c'en est un, rapport d'exception, ça. Alors, le système informationnel par Internet, courriel ou Intranet, qui nous fournit des données à jour hebdomadairement et qui produit des rapports documentés, et papier si utile, puis une contribution efficace du GPS.

Oui, deux minutes? Alors, rapidement, le GPS, Michel. J'aimerais que mon collègue Michel vous montre un peu qu'est-ce que ça réalise sur une situation en GPS. Qu'est-ce que ça fait le GPS? Le GPS, c'est un système de communication ou de positionnement des véhicules sur le territoire à partir de son positionnement géographique, et ça permet de recevoir énormément d'informations. Réal pourrait peut-être nous en parler un peu.

M. Filiatreault (Réal): Rapidement, ce que fait concerter le GPS avec le mode des cartes qui sont là présentement ça pourrait donner en temps réel une information à un gestionnaire. Exemple, le gestionnaire transporte des matières dangereuses et il doit se conformer à des routes qui sont déjà acceptées dans l'industrie. Dès qu'il va emprunter une route qui est non réglementée, il y aura immédiatement un signal envoyé du camion directement au gestionnaire et au conducteur, et en temps réel on pourrait voir sur la mappe à quel endroit il est. Et la mappe permettrait aussi, à certains endroits, d'avoir – exemple des gens qui transportent encore des matières dangereuses ou autres, la décélération du véhicule est extrêmement importante, l'endroit où on touche les freins – avoir la décélération à cause des matières qu'on transporte. À cet effet-là, en temps réel on pourrait avoir exactement l'endroit, le kilomètre précis où le freinage a été effectué et aussi la décélération en mètres, centimètres-seconde pour savoir quelle était la forgée de décélération puis est-ce que ça aurait pu causer un dommage. Alors, c'est l'utile à l'agréable.

M. Rouleau (Rodrigue): Nous pourrons y revenir, aux questions, si vous voulez bien, il me reste une minute.

Alors, tout ce système-là pourrait être supporté par un système d'audit annuel où on mettrait à contribution une firme de vérification. Ça permettrait de faire des recherches et de consolider l'ensemble des données auprès des entreprises participantes, toutes les questions relatives aux excès de vitesse, aux conformités, plein de questions. Et ça permettrait aussi de faire des recommandations sur des mesures correctives au plan du système, en tout temps bien sûr, puis au plan des opérations.

Pour réussir ce projet-là, ça nous prend deux partenaires importants, incontournables: la SAAQ et le ministère des Transports, et, l'autre, l'Agence d'efficacité énergétique, qui a un rôle important à y jouer, puisqu'il y a une relation directe entre la vitesse et l'efficacité énergétique et la sécurité.

Dernière, le résultat. Tout ça pour le renforcement et l'application de la loi et de la réglementation en matière de sécurité routière par des mesures volontaires supportées par des technologies informationnelles performantes. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Rouleau. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, messieurs, pour votre présentation. Moi, je suis un peu un choyé, un privilégié, puisque j'ai eu une pré-présentation vendredi dernier à Montréal et puis je vais donner la chance à mes collègues de poser plus de questions. J'ai eu la chance d'en avoir une personnelle, donc ça m'a permis de...

D'abord, dans un premier temps je voudrais vous féliciter, parce que je pense qu'il faut rentrer dans la modernité, qu'on le veuille ou pas. Et chacun y va de son petit bout, puis je pense que vous présentez une vision assez globale pour gérer les principaux problèmes qu'on a à gérer présentement. On est dans une économie ouverte, compétitivité effrénée, chaque sou compte. Je pense à tout le volet de l'économie d'énergie, contrôle, par exemple, de l'usure des camions même, de l'usure des pneus, tout ça fait partie des coûts de production. Et je vous avoue que c'est vraiment... Moi, en tout cas, personnellement, j'ai bien aimé la présentation que vous m'avez faite et je vais tenter, comme ministre, de favoriser la sensibilisation de l'industrie. Vous parlez d'abord d'un programme sur une base volontaire, il faudra sans doute en parler avec la SAAQ dans les meilleurs délais, peut-être avec le ministère des Transports aussi, mais viser à permettre à l'industrie d'être sensibilisée à cela.

Il y a déjà quelques entreprises, comme vous m'avez dit, et que je connais d'ailleurs, qui se dégagent des marges de profit précisément grâce à leur contrôle, et ça va être de plus en plus ça. Les marges de profit sont de plus en plus difficiles à aller chercher.

Puis moi, c'est la dimension sécurité aussi qui m'intéresse. Il y a l'économie d'énergie, il y a donc la pollution, il y a donc également l'efficacité énergétique, il y a tout le contrôle à distance qui est incorporé, la formation, le statut du conducteur. Parce qu'avec la loi n° 430, quand la SAAQ va allumer un feu orange ou rouge, c'est la Commission des transports qui devra agir. Et devra agir à partir de quoi? Avec un système comme le vôtre, ça constitue des preuves de facto. Donc, je pense qu'on n'a pas le choix que de rentrer dans la modernité. On comprend qu'il va falloir apprivoiser des gens, ça, j'en suis sûr. Il falloir donner certains délais, mais des bases volontaires au départ constituent une amorce.

Moi, je voudrais vous remercier d'avoir pris la peine de présenter ça devant nous. C'est dommage qu'on n'ait pas eu un temps où la presse aurait eu les yeux tournés un peu plus vers ce projet-là. On vous en offrira sans doute l'opportunité à brève échéance, parce qu'avec le Sommet de la jeunesse des fois des balles de billard qui circulent dans l'air, ça capte beaucoup plus l'imagination que des technologies d'avenir, ça. C'est à court terme. Donc, moi, je vous dis merci. Je ne vous questionnerai pas parce que j'ai eu l'ensemble de mes questions... Et je sais que, si j'en ai, je ne suis pas plus loin qu'à un téléphone près. Je vais laisser mes collègues vous questionner, et je vous remercie, d'entrée de jeu, d'avoir fait la présentation que vous avez faite.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Juste pour me familiariser un peu avec votre système, est-ce que ça ressemble ou est-ce que c'est ce que communément dans le métier les gens appellent un bavard?

M. Rouleau (Rodrigue): Je vais demander à M. Filiatreault de vous faire la distinction entre un ordinateur de bord et un bavard.

M. Filiatreault (Réal): Alors, effectivement il y a une portion de la technologie qui... Anciennement, si vous vous souvenez, les premiers bavards étaient le genre de bavards ronds qui étaient à bord d'un véhicule, avec une carte qui indiquait la vitesse et la révolution du moteur, et c'était tout. Les technologies qu'on a développées dans les années actuelles nous permettent d'avoir quatre technologies sous un couvert, c'est-à-dire qu'effectivement on peut avoir ce genre, entre guillemets, qu'on peut appeler bavard, mais est devenu beaucoup plus sophistiqué. Il ne se limite pas juste à la vitesse et au RPM, il va permettre aussi de reconnaître la ressource humaine qui a la ressource équipement. Donc, le véhicule est reconnu comme une ressource équipement, il est identifié. La ressource humaine, elle est identifiée. S'il y a une remorque, elle est identifiée, et le lieu géopositionnement où l'équipement ressource humaine et l'équipement sont positionnés est aussi enregistré.

Alors, cette technologie-là aussi permet d'être intelligente, c'est-à-dire que maintenant elle est capable de prendre des décisions et d'avertir les gestionnaires de certains comportements ou de certaines limitations quant aux normes qu'ils auront décidé d'appliquer pour leur entreprise.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Je comprends que ça, c'est un ordinateur, et l'autre en était moins. Maintenant, cet ordinateur-là qu'on vient de voir, est-ce que c'est quelque chose qui est présentement sur le marché, que vous vendez? Vous avez des clients?

M. Filiatreault (Réal): Oui. Présentement, ce genre de technologie là est utilisé par plusieurs clients. On a, entre autres, le corps de police de Mirabel qui utilise ces ordinateurs. On a aussi des grandes firmes comme Jean Coutu, Métro-Richelieu. Nous avons également Laurenco. On l'utilise aussi à Toronto, les ambulances. Alors, il y a plusieurs...

M. Pelletier (Abitibi-Est): Mais au Québec, ici, les compagnies de camionnage, les grosses, là, est-ce qu'elles sont déjà là-dessus?

M. Filiatreault (Réal): Elles commencent. Il y a des compagnies de camionnage qui sont là-dessus, entre autres Mégantic Transport. Nous avons aussi à Charlottetown, à Alma. Alors, il commence à y avoir des transporteurs qui utilisent ce genre de technologie.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Aujourd'hui, un ordinateur comme ça dans un camion – à peu près là, sans être bien précis – qu'est-ce que ça peut être comme coût?

M. Filiatreault (Réal): Alors, c'est quelque part entre 1 650 $ et 3 000 $. Le 3 000 $, c'est lorsqu'il y a le GPS et il y a aussi télécommunications.

M. Pelletier (Abitibi-Est): O.K. GPS, ce n'est pas attaché, ça, c'est un équipement qui peut s'additionner.

M. Filiatreault (Réal): C'est exact, oui.

(15 h 30)

M. Pelletier (Abitibi-Est): J'achève mes questions, M. le Président. Est-ce que le bureau-chef de la compagnie de camions, exemple, peut être en communication avec l'ordinateur ou c'est seulement lorsque le camion revient au bureau qu'il présente sa cassette?

M. Filiatreault (Réal): Non, c'est tout à fait autonome, sans aucune intervention humaine. Le véhicule pourrait être au Mexique, le gestionnaire à Montréal et le gestionnaire peut décider d'aller en quelques secondes vérifier des paramètres par télécommunication.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Si le camionneur part pour une semaine, son patron ou sa direction de transport peut vérifier s'il respecte ses limites, et des choses de même?

M. Filiatreault (Réal): Absolument, il peut aller demander à l'ordinateur directement, en temps réel, de lui donner toute l'information, ici, à Montréal.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Dernières questions. J'en ai deux qui ne sont pas tellement reliées directement à votre ordinateur, mais je pense que vous êtes peut-être capables de me donner une réponse. Tantôt, on a dit qu'il y avait énormément de différence entre un camion qui roule lentement ou normalement et un camion qui roule, comme sur la 20, à 120 km/h.

M. Filiatreault (Réal): Oui.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Dans une journée de travail, pour celui qui va à 120 km/h, ça peut coûter combien de plus? Dans une journée de travail, je pense à huit, 10 heures. Ça, c'est ma première question. Et ma deuxième, c'est: Est-ce que c'est possible, techniquement, de barrer tous le moteurs de gros camions à 90 km/h?

M. Filiatreault (Réal): Alors, pour la première question, vous aviez un petit tableau qui a été fait par Ressources et Énergie Canada – alors c'est le tableau qu'on vous a remis là-dedans, ici – qui montre que, pour le même véhicule, deux véhicules identiques qui vont rouler 100 000 mi, si l'un des véhicules se tient à 90 km/h et que l'autre sa vitesse est augmentée ne serait-ce que de 23 km/h, la différence entre les deux... le coût de pneus, de carburant et d'entretien est de 3 500 $, dans le cas d'un, et, dans l'autre, de 17 500 $. Alors, il y a une différence d'environ 13 000 $ à 14 000 $. Pour répondre à votre question, alors, oui, effectivement, entre celui qui se tient en bas de 90 et celui qui va à 120, il y a une différence énorme, le coût est quasiment quatre fois le coût.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Et, techniquement, est-ce que c'est faisable qu'on puisse, demain matin, barrer tous les camions à 90 km/h?

M. Filiatreault (Réal): C'est un peu délicat parce qu'il y a quand même des camionneurs qui travaillent ne serait-ce que... si on prend la Côte-Nord, où il y a énormément de côtes, etc., ce serait difficile. Quand il prend son erre d'aller pour monter l'autre, s'il n'avait pas son erre d'aller, ce serait délicat. Il faut s'en tenir au bon jugement du camionneur.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Je vais vous faire juste une remarque.

M. Filiatreault (Réal): Oui.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Bien, je n'ai pas d'affirmation technique parce que je ne suis pas compétent là-dedans. Mais je prends juste les voiturettes de golf.

M. Filiatreault (Réal): Oui.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Elles, elles sont d'une force totale en montant les côtes n'importe où, mais elles ont une limite de vitesse. Si on est capable faire ça avec une voiturette de golf, on devrait être capable de faire ça avec un camion.

M. Levert (Michel): Oui, effectivement, la technologie existe pour barrer la vitesse. Ça existe. Toutefois, pour chercher le maximum en sécurité et le maximum actuellement d'utilisation du carburant, il faut laisser un peu de liberté au routier professionnel pour qu'il prenne ses décisions. Parce que, si tu limites la vitesse à 90 km/h et que l'individu a besoin d'avoir plus de vitesse pour l'aider, par exemple, à monter une côte, bien là, à ce moment-là, ça coûte et ça peut être dangereux aussi. Mais la technique existe pour le faire.

M. Filiatreault (Réal): Et, si je peux juste rajouter également, c'est différemment aussi... En fonction de différents camions, la force des transmissions en fonction des moteurs qu'ils choisissent n'est pas toujours... les coupes ne sont pas toujours variantes, donc c'est délicat. Ce n'est pas comme une voiturette de golf, où c'est toujours standard, c'est toujours pareil, la relation force et transmission. Dans les camions, on peut les choisir différemment.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Merci, M. le Président. Merci, monsieur.

Le Président (M. Lachance): M. le député de La Peltrie.

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Il y a beaucoup d'entreprises aujourd'hui qui, afin d'assurer la qualité soit des services ou des produits, adhèrent au programme ISO, alors ISO 9000, 9002, 9003, ainsi de suite. Bon. Là, vous avez Performance 9000, peut-être que ça se rapproche un peu de la qualité, ça, j'imagine, avoir la plus grande qualité du service de transport.

Mais, là où je m'interroge... Vous êtes deux entreprises qui ont un consortium, puis des entreprises en matière de technologie. Comment vous avez fait pour que deux firmes spécialisées en matière de technologie, sans véritable partenariat avec les entreprises de transport proprement dites... Comment vous avez fait pour assurer toutes les exigences relativement à l'ensemble en matière de transport comme tel – exemple, les nombres d'arrimages de charges relatives au transport des matières dangereuses, ainsi de suite? Alors, où vous vous êtes basés, où ça part, tout ça, si vous n'êtes pas associés à des entreprises de transport?

M. Rouleau (Rodrigue): Bon. Je dois vous dire que notre groupe Techni-Data Management est une société qui regroupe des sociétés. Il y en a une, entre autres, qui est une école de conduite de camions lourds qui s'appelle L'École du routier professionnel du Québec et qui est reconnue par le ministère de l'Éducation et qui dispense des services et de l'expertise sur l'ensemble de toute la profession, du métier de routier professionnel, matières dangereuses, arrimage, etc. Nous avons ces ressources-là et nous dispensons des services.

Une autre société donne des services-conseils et de l'aide technique à des entreprises de transport, entre autres, Techni-Data Performance. Alors, nous avons cette expertise-là. Et nous appliquons des méthodes, des procédures de travail et des systèmes de gestion pour des entreprises de transport publiques et privées et pour d'autres organisations qui exploitent des véhicules lourds, des municipalités, entre autres.

M. Côté (La Peltrie): Comment vous avez expérimenté votre programme? J'imagine, avec des transporteurs quelconques, pour pouvoir sortir les statistiques que vous nous présentez en termes de contrôle de l'usure des pneus, de la consommation, et ainsi de suite. Alors, vous n'avez certainement pas fait ça juste au centre de formation, ou ainsi de suite, là.

M. Rouleau (Rodrigue): Non, mais il y a beaucoup d'informations que nous avons recueillies ailleurs que dans notre... Prenez comme le tableau que je vous ai montré tout à l'heure, qui vient de Ressources naturelles Canada, sur les analyses qui ont été faites sur la consommation de carburant, la vitesse, les pneus, ça, c'est selon des données relatives qui proviennent de recherches ou de secteurs. Dans la clientèle actuelle, nous avons, nous et Roadtronic, des clients conjoints où nous avons, nous, comme conseillers, mis en place des systèmes qui utilisent le système ordiné, le système d'informatique, ce qui nous permet de démontrer dès maintenant les avantages importants que les entreprises ont à utiliser ces systèmes-là.

M. Côté (La Peltrie): Dernière question, M. le Président. Pour les chauffeurs des camions qui seront équipés de ce genre de programmes, est-ce que ça va prendre une formation particulière pour l'utilisation de ces équipements-là?

M. Rouleau (Rodrigue): Pour l'utilisation des ordinateurs?

M. Côté (La Peltrie): Oui.

M. Rouleau (Rodrigue): Réal, si tu veux...

M. Filiatreault (Réal): Alors, pour l'utilisation des ordinateurs, la technologie a été faite qu'il n'y ait aucune intervention humaine. L'ordinateur est complètement indépendant de la ressource. Il est installé, il est complètement indépendant. La ressource humaine n'a pas besoin d'y toucher, de le configurer, il est complètement seul et il fait l'ouvrage seul. Maintenant, est-ce qu'il faut former, suite à l'acquisition de ces données-là, des rapports qui vont être faits et digérés? Il y a des mesures correctives à prendre. Et là l'expertise de ces gens-là de Techni-Data rentre en fonction pour justement former cette ressource-là.

M. Rouleau (Rodrigue): Nous lui apprenons à utiliser l'information que lui fournit le système. Tout à l'heure, M. Levert parlait que nous n'étions pas pour la limitation excessive des révoltions moteur ou de la vitesse des véhicules parce que, pour nous, un routier professionnel, c'est une personne qui gère son véhicule. Il gère ses révolutions moteur, son carburant, sa route. C'est un gestionnaire, pour nous.

M. Côté (La Peltrie): Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais également vous remercier pour votre présentation et vous dire aussi que, tout comme le ministre, j'ai pu bénéficier d'une présentation préliminaire. Lundi dernier, je pense, on s'est rencontrés?

M. MacMillan: Toi aussi? Vous êtes gâtés.

M. Bordeleau: Alors, on est déjà bien au fait du dossier.

Une voix: ...

M. MacMillan: Ah! je m'excuse.

M. Bordeleau: Parce qu'on s'intéresse à notre dossier.

M. MacMillan: C'est bien. Félicitations!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bordeleau: Alors, je voudrais vous remercier, effectivement, puis vous dire – je pense que j'ai eu l'occasion de le mentionner lundi – que ça me paraît très intéressant puis prometteur, le genre d'équipement que vous mettez en disponibilité. Il y a toutes sortes de volets. On a pu aller un petit peu plus loin au niveau de la présentation, parce qu'il y a des tableaux que vous nous avez montrés que je n'ai pas vus dans la présentation, compte tenu du temps limité.

(15 h 40)

Mais c'est un système qui est intéressant sous plusieurs aspects. D'abord, la question de la sécurité, sécurité si on pense aux vérifications qui doivent être faites, à la vitesse, à l'efficacité énergétique, à l'efficacité d'utilisation du camion lui-même, c'est-à-dire d'en tirer le maximum à l'intérieur de limites d'entretien qui sont correctes. Tout le développement de la compétence aussi des conducteurs est intéressant parce qu'il y a un volet de formation. Compte tenu de certaines difficultés qui peuvent survenir, bien, il y a un apprentissage à faire, changer des habitudes de conduite. Tout ça, dans l'esprit, encore là, je pense, d'assurer une meilleure sécurité, une meilleure efficacité au niveau énergétique et aussi une meilleure efficacité d'utilisation au niveau de la ressource, comme telle, mécanique.

Dans votre présentation, vous nous avez parlé un peu du centre comme tel, qui... Évidemment, et je pense que vous l'avez dit, les équipements sont là actuellement, ils sont disponibles, ils sont déjà utilisés par un certain nombre de compagnies. L'idée du centre où une information pourrait être acheminée au bénéfice, si on veut, d'abord des compagnies elles-mêmes qui utiliseraient ces équipements-là, de la SAAQ, du ministère des Transports, de la CTQ, et c'est des données... On l'a vu, là, mais c'est des données très, très raffinées, très pointues. On peut avoir à peu près toutes les informations qu'on veut avoir, en termes de vitesse.

Une chose aussi qui n'est pas ressortie, c'est un accident, par exemple, on peut le décortiquer en détail, savoir exactement s'il y a eu des problèmes de freinage, des problèmes mécaniques, des problèmes de vitesse. Alors, tout ça, c'est disponible. Alors, il y aurait une utilisation qui pourrait être faite, malheureusement, après coup, quand il y a des accidents qui arrivent, pour savoir comment ça a pu se produire et éventuellement apporter les améliorations. Alors, ça, ce sont des données qui sont intéressantes.

Mais le projet du centre comme tel... Parce que, actuellement, si je comprends bien, c'est des utilisations qui sont séparées. C'est-à-dire une compagnie installe ça dans ses camions. Vous leur fournissez l'information, je suppose. Je ne sais pas de quelle façon ça leur est fourni, parce que là il n'y a pas de centre comme tel. Donc, de quelle façon vous transmettez les rapports à la compagnie, présentement?

M. Rouleau (Rodrigue): Présentement, les entreprises ont leur propre système. L'information provenant des camions est transposée sur leur ordinateur à eux et ils gèrent l'information. Les rapports que vous avez vus sont générés par le système en soi.

M. Bordeleau: O.K. Alors, ça s'en va directement du camion à la compagnie, présentement.

M. Rouleau (Rodrigue): Oui. Ça peut se faire par télémétrie ou «downloadé» par câble à l'entrée.

M. Levert (Michel): Ce qui est intéressant aussi, c'est que, nous, actuellement, il y a certaines entreprises où on unit déjà notre compétence pour aider des entreprises à gérer ce système-là et à améliorer leur système de performance de gestion. Donc, ce n'est pas nouveau, on est déjà incorporés dans certaines entreprises pour faire le travail, un peu, qu'on vous propose.

M. Bordeleau: Puis, ça les... Oui, allez-y, monsieur.

M. Filiatreault (Réal): Excusez-moi. Juste physiquement, c'est que les compagnies présentement qui utilisent la technologie d'un côté, dans les camions, ils ont aussi un logiciel qu'ils utilisent. Donc, l'information qui est digérée à bord du véhicule, elle est transférée au logiciel qui est fourni avec la technologie, et c'est à partir de ce logiciel-là que présentement la clientèle peut gérer – c'est faxé – ces rapports que nous avons présentés. Et c'est à partir de ces rapports-là que l'expertise en formation de gestion pour les gestionnaires permet d'aller encore beaucoup plus loin que juste le logiciel qui est fourni avec la technologie.

M. Bordeleau: Alors, si je reviens à l'idée du projet de centre, comme tel, de gestion de l'information – parce que ça serait la prochaine étape, si on veut avoir un système intégré global au bénéfice du ministère, de la SAAQ et des compagnies qui participeraient à ça – j'essaie de voir quelles sont les conditions qu'il faudrait pour que ça puisse fonctionner.

Parce que, bon, actuellement, la compagnie considère qu'elle y retire un bénéfice, donc elle investit là-dedans, puis elle a ses rapports, tout ça. Dans la mesure où il y a un centre comme tel, évidemment il y aurait des avantages pour la SAAQ parce que l'information serait disponible. Il y aurait des avantages pour les compagnies, mais les compagnies continueraient évidemment à investir elles-mêmes, elles paieraient les équipements, tout ça.

C'est quoi, les conditions que vous verriez attachées à la mise en place de ce centre-là pour que ça soit réalisable, intéressant et que les gens embarquent dans un système comme ça? De la part des différents partenaires, là. Je pense à la compagnie elle-même, la SAAQ, ministère des Transports, CTQ et vous autres, comme organismes. Parce que ce serait un centre qui serait un centre privé, ça, qui serait géré par l'entreprise privée.

M. Rouleau (Rodrigue): Ce serait un centre privé qui aurait l'obligation de résultat d'abord envers son premier client, qui serait l'entreprise. L'entreprise qui se doterait de systèmes informationnels de cette nature-là paierait des royautés, investirait d'abord sur les équipements et des royautés pour faire traiter son information, recevoir des données informatives qui lui permettent d'améliorer l'efficacité de son organisation et par la suite d'avoir des reconnaissances lui permettant de jouir de certains privilèges dont je vous parlais tout à l'heure. Des privilèges qui pourraient être de la nature suivante: avoir des réductions sur l'immatriculation à cause de leur conformité, de leur système qu'ils ont mis en place; des crédits d'impôt liés à leur politique de sécurité. Parce que, pour mettre en place un système comme ça, il faut qu'il y ait une politique bien articulée en termes de sécurité et aussi en termes d'efficacité énergétique à l'intérieur de l'entreprise. Donc, notre premier client, c'est celui-là.

Les partenaires essentiels à l'intérieur de ça. La Société de l'assurance automobile investit beaucoup d'énergie pour faire en sorte de débusquer ou d'identifier des entreprises qui sont délinquantes. Et il y en a beaucoup, mais c'est juste une portion, une petite partie. La mesure volontaire ferait en sorte que, plutôt que de pousser sur les entreprises, les entreprises seraient induites, de cette façon-là, à se conformer, à mettre en place des politiques de sécurité pour atteindre l'objectif de cette façon-là et pouvoir consacrer leur énergie et leur temps à travailler pour améliorer la performance des entreprises qui ont plus besoin de la SAAQ, celles qui sont, en principe, un peu plus délinquantes. Ça, c'est l'intérêt de la SAAQ.

La loi n° 430 aussi avait comme objectif de faire en sorte que les entreprises se donnent des systèmes. On offre, de cette façon-là, un système de sécurité et des politiques où l'entreprise fait une relation directe entre la sécurité et la rentabilité. Parce qu'on fait cette jonction-là. La sécurité passe par le contrôle, la limitation de vitesse et, conséquemment, une réduction du risque, un risque qui est beaucoup mieux contrôlé.

Et le troisième acteur, l'Agence de l'efficacité énergétique, bien sûr c'est les émissions de gaz à effet de serre. Le transport a été pour une part importante, plus de 25 %, et le transport routier une certaine part sur les véhicules lourds, je crois que c'est autour de 10 % des émissions de gaz à effet de serre. Alors que là, avec une mesure comme celle-là, il y aurait une réduction sensible de consommation de carburant et de gaz à effet de serre.

Alors, ce sont ces trois acteurs-là qui trouveraient leur bénéfice ou leur profit en ayant une plage, un endroit où l'information serait traitée – confidentiellement, bien sûr – qui serait ce centre-là.

M. Bordeleau: Est-ce que vous avez eu l'occasion, dans les clients que vous avez présentement qui ont un certain nombre de camions, une flotte quand même de plusieurs camions, d'évaluer tout simplement au niveau de l'économie qu'ils peuvent réaliser compte tenu de l'investissement qu'ils doivent mettre dans les équipements, l'amortissement de ces équipements-là, les coûts que ça représente présentement et les économies qu'ils peuvent faire, disons, après un certain nombre d'années? Est-ce que vous avez des données là-dessus qui ont été calculées à partir de cas réels qui existent présentement?

M. Rouleau (Rodrigue): M. Fleury pourrait peut-être nous donner des cas précis parce qu'il est vraiment sur le terrain, de ce côté-là. Michel. Il va s'approcher d'un microphone. Il va nous donner des exemples. Je ne sais pas si tu peux dévoiler des secrets, là.

(15 h 50)

M. Fleury (Michel): Alors, bonjour. Sans parler de cas d'espèce, je peux dire que, dans tous les cas, le «payback», comme on appelle, se situe entre trois mois et un an. Quand on parle de trois mois, c'est parce qu'on fait intervenir l'efficacité de la main-d'oeuvre. C'est sûr que, si on a un contrôle sur la façon dont la journée se déroule, si quelqu'un dit qu'il va dîner, il va dîner. Tu sais, c'est des choses comme ça. Alors, on a eu un «payback» de trois mois, puis dans le plus long cas, ça a été aux alentours d'un an et un mois. Alors, c'est sûr que plus une entreprise est délinquante plus le «payback» est rapide. Ça, c'est évident. Mais ça se situe normalement aux alentours, une moyenne entre huit et neuf mois au niveau du «payback» suite à l'achat de ces équipements-là.

M. Bordeleau: Dans l'éventualité d'un centre de gestion de l'information avec les équipements, tout ça, est-ce que vous avez des estimés du temps que ça prendrait pour, mettons, à partir des données que vous nous avez présentées, évaluer la période d'amortissement et à quel moment on commencerait à économiser, compte tenu de l'investissement qui devrait être fait au départ, des coûts qui devraient être payés au centre de gestion éventuellement? Ça prendrait combien de temps avant que la compagnie puisse commencer à réellement sauver? Puis c'est quoi, les estimés – si vous avez des estimés même théoriques, là – de pourcentages d'économie qu'ils pourraient réaliser à la suite...

M. Rouleau (Rodrigue): Bon. Il est difficile de faire des estimations parce qu'il y a des opérations de transport puis de déplacement qui sont différentes d'une fois à l'autre. Mais je vais vous apporter l'exemple d'un camion remorque qui roule 3 000 km par semaine, qui a une opération courante – convoi traditionnel – qui consomme 50 litres aux 5 km. Une réduction de 10 % de cette consommation-là lui permet – puis ce n'est pas extraordinaire d'amener un camion à 45 litres aux 100 km – de faire une économie, dès la première année, juste en carburant, de plus de 5 000 $, au taux de 0,70 $ du litre. Et ça, c'est à part des autres économies.

Une économie liée directement aux coûts d'entretien et de réparation d'un véhicule. Un véhicule qui roule moins vite, ça coûte moins cher de pneus, beaucoup moins cher d'entretien. On peut apporter une économie d'au moins 4 000 $ par année uniquement sur le coût d'entretien, avec un contrôle, une réduction de coût de carburant. Un camion qui roule au ralenti ou «idle», en français, c'est un camion dont le moteur se détériore plus vite parce qu'il roule à froid, surtout au Québec, et c'est un camion dont la longévité est beaucoup moins grande. Il y a toute une série de facteurs qui font en sorte qu'un camion qui roule, dont c'est la principale activité, peut avoir des économies d'au moins de 10 000 $ dans une année, pour un investissement de 3 000 $.

M. Bordeleau: Juste une question d'information. Les systèmes que vous avez installés, disons, dans les compagnies qui utilisent ces équipements-là actuellement, ça a été quoi, l'acceptation de ces systèmes-là par les conducteurs et les compagnies comme telles? Il y a toujours deux personnes impliquées là-dedans. Il y a les patrons, il y a les conducteurs. Comment ça a été perçu?

M. Rouleau (Rodrigue): Je vais demander à Michel de répondre à ça. C'est une intervention terrain.

M. Fleury (Michel): Alors, c'est moi qui les vends et c'est aussi moi qui les explique aux conducteurs. Parce que, dans notre support, on intervient directement avec le chauffeur, en ce sens qu'il y a une rencontre qui se fait avec les chauffeurs où on explique le système. C'est sûr qu'il y a toujours un 5 % de la masse qui, lui, est contre tout; alors, ils sont contre ça aussi. Mais un employé qui normalement fait bien son travail, lui, il a intérêt à avoir un ordinateur de bord, premièrement, parce que, s'il y a un événement qui arrive, il va pouvoir prouver qu'il était dans son bon droit. S'il y a un accident, il va pouvoir prouver en seconde-seconde qu'il a fait exactement ce qu'il avait à faire. Celui qui déroge un petit peu, ça va un petit peu l'agacer, mais il va rentrer dans le rang comme les autres. C'est sûr qu'il y a, comme on dit, une partie, mettons, sur 20 camionneurs, il y en a peut-être deux qui vont me dire: Bien, tu ne me monteras pas comment conduire un camion. Bien, celui-là, avec de la formation, avec un formateur expérimenté, c'est sûr qu'on peut vraiment l'amener à se dire: Bien, regarde, tu le faisais de même, mais peut-être que, comme ça, ça serait plus facile.

Mais, en général, c'est assez bien perçu parce que l'outil qu'on a, ce n'est pas seulement, comme anciennement, un bavard, un stool, comme on l'appelait, c'est vraiment un outil de formation. On ne dit pas simplement: Bien, tu as 3 % de surrévolution, mais on va te les donner, puis on va te les prouver, puis on va te montrer comment faire pour les corriger, ce qui n'existait pas avant. Alors, au lieu d'être un outil de répression, c'est un outil qui va servir à faire d'eux de meilleurs chauffeurs. Puis ça, je pense que... dans plusieurs cas, je l'ai vécu, les patrons m'ont rappelé, surpris que les chauffeurs viennent les voir et leur disent: Écoute, au début on était plus ou moins sûrs, mais là, maintenant qu'on sait que tu sais ce qu'on fait, on est moins stressés quand on conduit à 100 km/h tout le temps; au lieu de se promener de la va gauche à la va droite puis de klaxonner, etc., on s'en va sur le «cruise» à 95 km/h, 98 km/h, on arrive, des fois, cinq minutes...

Montréal-Québec, il y a une différence de cinq minutes. Parce qu'on ne roule pas toujours à 120 km/h. C'est quand on roule à 120 km/h qu'on est plus passible d'avoir un accident. C'est toujours des points de vitesse. Mais on l'a souvent vérifié, il y a une façon de le calculer, là, entre Montréal et Québec, il y a peut-être un cinq ou six minutes de différence, ce qui n'est pas vraiment important au niveau du pécuniaire.

Mais même les chauffeurs se plaisent à dire que, finalement, ils sont contents parce que, quand ils font un bon travail, ça paraît et puis ils sont beaucoup moins stressés. Parce que, s'ils sont pris dans le trafic, ils peuvent le prouver: J'étais pris dans le trafic, regarde, j'étais sur les freins à toutes les 30 secondes, etc. Alors, c'est bien admis.

M. Filiatreault (Réal): Juste pour rajouter rapidement. De plus en plus, les compagnies, les gestionnaires d'une compagnie et les syndicats – pour en avoir régler un cas, dans le transport en commun, juste avant, sur la Rive-Nord – se mettent ensemble, ils ont besoin de réduire les coûts. Alors, la façon de le faire, c'est qu'ils assoient le syndicat ensemble, ils démontrent les coûts qu'ils pourraient sauver et il y a une négociation. Et, nous, on aide à ce niveau-là. Avant de faire la vente de cette technologie-là, on aide le syndicat et la partie patronale à s'asseoir ensemble et à voir les bénéfices qu'ils auraient d'accorder une chance à cette technologie-là d'entrer dans l'entreprise. Et je peux vous dire que, neuf fois sur 10, ça fonctionne très bien.

M. Bordeleau: O.K. Alors, peut-être une dernière question. On parle du centre comme tel, là, et c'est un gros morceau, ça, quand même, parce que, évidemment, on souhaiterait que tout le monde embarque dans un système comme ça. Est-ce que vous avez entrevu – ou dans vos contacts que vous avez pu avoir avec la SAAQ, si c'est le cas – une possibilité de faire peut-être une espèce de projet-pilote avec des compagnies qui sont déjà des clients, d'essayer de tester un système pour démontrer, au fond, à tous les intervenants impliqués les avantages qu'ils pourraient en tirer, avant de penser à mettre un système complet en place, de procéder un peu par un projet-pilote? Est-ce que ça a été envisagé, ça, de votre côté? Et est-ce qu'il y a eu des contacts à cet effet-là avec le ministère?

M. Rouleau (Rodrigue): Là, j'ai M. Levert qui veut vous répondre, je vais le laisser répondre.

M. Levert (Michel): C'est évident que c'est un projet qui demande des étapes. Et nous souhaitons actuellement qu'il y ait un projet comme vous suggérez, un projet-pilote, pour qu'on puisse actuellement valider avec les partenaires la validité de tout ce projet-là. Il faut voir aussi que ce projet-là est fait dans l'esprit où il y a beaucoup d'entreprises de transport qui actuellement sont des bons citoyens corporatifs, et le projet vise cette partie de population là pour qu'on reconnaisse qu'ils font leur travail ou qu'ils participent au projet et qu'ils montrent qu'ils font la bonne chose au bon moment. Ce projet-là devrait normalement aussi permettre à la SAAQ d'identifier plus facilement les opérateurs délinquants. Alors, oui, effectivement, nous souhaitons que ça soit un projet-pilote avec les partenaires pour qu'on puisse valider ce système-là.

M. Bordeleau: Juste en terminant, moi, je veux juste assurer que je trouve ça intéressant. Et, dans la mesure où le ministre tout à l'heure y démontrait un intérêt aussi, dans la mesure où il y aura des projets-pilotes ou des initiatives de cet ordre-là, je veux assurer le ministre qu'il aura la collaboration de l'opposition, parce que ça me paraît quelque chose quand même assez d'avant-garde et assez intéressant aux termes des répercussions que ça pourrait avoir sur des choses qui doivent nous interpeller comme parlementaires, c'est-à-dire toute la question de la sécurité des camionneurs, ce qui est quand même relativement important.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Transports, en vous indiquant qu'il reste un maximum de quatre minutes du côté ministériel.

(16 heures)

M. Chevrette: Oui, je vais être très bref. Vous savez qu'on a publié un rapport de la Table de concertation gouvernement-industrie sur la sécurité des véhicules lourds. Votre présentation s'inscrit très, très bien dans tout le volet expertise et recherche et mise en application de ce rapport, aux pages 19, 20, 21, et – on en parlait tantôt entre nous – il serait peut-être intéressant que vous soyez éventuellement invités à présenter à la Table que nous avons une table permanente. Les représentants du ministère vont en parler à la Table pour essayer de créer le contact nécessaire pour que ça se fasse.

Deuxièmement, en vous écoutant, je pensais à tout le mode de rémunération, cependant, dans le camionnage. La fameuse rémunération au kilomètre – et, bien souvent, donc, plus tu en fais dans une heure, plus c'est payant – est en train, peut-être, de dévier complètement de l'objectif de sécurité, de l'objectif d'efficacité énergétique, de l'objectif de tout. Je ne sais pas comment je m'y prendrai, mais ça a allumé quelque chose chez moi. Puis vendredi, j'ai une grosse rencontre avec le Forum du camionnage, je vais sûrement avoir votre présentation entre les deux oreilles au moment où je vais m'asseoir devant le Forum.

Et aussi je voudrais vous dire que ça a allumé d'autres lumières, dans le sens suivant, c'est qu'il va peut-être falloir... tout l'aspect incitation monétaire ou fiscale dont vous faites... dans votre présentation, ça peut être l'incitatif au changement, ça, le coup de pouce, en tout cas, de départ. Je pensais à toutes sortes de formules. Ça peut être une déduction fiscale due au peu d'accidents qu'une compagnie peut avoir, une déduction fiscale due à l'équipement technologique qu'ils mettent dans le camion, ça peut être une foule de choses. Mais je crois que l'incitatif fiscal deviendra quelque chose d'important si on veut véritablement amener des modifications.

Je voudrais vous souhaiter bonne chance également, comme groupe, parce que je pense que vous êtes rendus à la croisée, là. Maintenant, comme disent les Anglais, que le «thinking» est fait, je suppose que vous vous attendez à ce que ça connaisse des percées. Je vous souhaite bonne chance.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs, pour votre participation aux travaux de cette commission. Et, comme nous avons épuisé notre ordre du jour, j'ajourne les travaux jusqu'à demain, jeudi 24 février 2000, à 9 h 30, ici même, dans la salle du Conseil législatif.

(Fin de la séance à 16 h 2)


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