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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 1 février 2001 - Vol. 36 N° 72

Consultations particulières sur le projet de loi n° 149 - Loi sur les réserves naturelles en milieu privé


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures quarante et une minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Le mandat de la commission ce matin est de tenir des consultations particulières sur le projet de loi n° 149, Loi sur les réserves naturelles en milieu privé.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bergman (D'Arcy-McGee) remplace M. Gobé (LaFontaine).

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, j'indique aux personnes qui auraient des appareils de téléphonie cellulaire ouverts de bien vouloir les fermer durant la séance, s'il vous plaît.

Remarques préliminaires

Je souhaite la bienvenue à tous les membres de la commission et je convie le ministre de l'Environnement à nous faire part de ses remarques préliminaires. M. le ministre.

M. Bégin: J'ai combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Lachance): Vous avez 15 minutes, c'est un maximum.

M. Paul Bégin

M. Bégin: Alors, merci infiniment, M. le Président. Chers collègues et membres de la commission. Tout d'abord, M. le Président, nous nous sommes entendus avec l'opposition officielle pour entendre six organismes aujourd'hui. Il va sans dire que toutes les personnes invitées disposent d'une riche expérience dans le domaine de la conservation volontaire des milieux naturels au Québec. Elles ont gracieusement accepté de nous faire part de leurs commentaires sur le projet de loi sur les réserves naturelles en milieu privé et aussi, je présume, de partager avec nous le fruit de leur expérience.

Je vous rappelle que l'objectif fondamental du projet de loi sur les réserves naturelles vise spécifiquement la protection de sites naturels sur les terres du domaine privé. Fait important, ce projet de loi sur la conservation des milieux naturels est un outil juridique dont l'usage est laissé entièrement à la discrétion des propriétaires et des organismes de conservation. Jusqu'à ce jour, nous étions plutôt habitués à des lois touchant la conservation en milieu public. Ce projet de loi a donc pour but d'assurer la conservation des caractéristiques patrimoniales de la propriété privée qui présentent un intérêt sur le plan biologique, écologique ou paysager.

Par le projet de loi sur les réserves naturelles en milieu privé, j'entends répondre aux attentes exprimées par la population et les organismes voués à la conservation qui veulent être étroitement associés à la protection des milieux naturels sans forcer les propriétaires à renoncer à la propriété de leur terrain.

Ce projet de loi sur les réserves naturelles en milieu privé s'inscrit aussi dans le sens des décisions prises depuis quelque temps par notre gouvernement. À ce titre, je tiens à souligner tout d'abord qu'il est indiqué, dans le Plan d'action sur la diversité biologique, adopté en mai 1996, suite à la Convention internationale sur la diversité biologique, que le ministre de l'Environnement devra mettre en place un nouveau cadre légal sur les servitudes de conservation en vue de favoriser et de faciliter la conservation des milieux naturels sur les terres privées.

Je tiens aussi à préciser que ce projet de loi fait partie des mesures proposées par notre gouvernement en vue de l'élaboration d'une stratégie québécoise sur les aires protégées. En effet, le 21 juin 2000, le gouvernement québécois adoptait un cadre d'orientation pour l'élaboration d'une stratégie visant à atteindre une superficie en aires protégées de l'ordre de 8 % d'ici 2005 ainsi que la sauvegarde d'échantillons de toute la diversité biologique. Il s'agit là d'un engagement ferme témoignant de l'importance de la conservation des milieux naturels au Québec.

De plus, le projet de loi sur les réserves naturelles en milieu privé répond directement à deux des engagements écrits dans le cadre d'orientation stratégique de cette future stratégie sur les aires protégées. L'un d'eux demande l'adoption d'une législation en soutien aux efforts du secteur privé afin de faciliter la conservation d'aires protégées sur des terres privées. L'autre porte sur l'identification des moyens de mise en oeuvre de la future stratégie de manière à favoriser la participation de la population à la protection de sites naturels en milieu privé.

En somme, en proposant ce projet de loi, je souhaite que le secteur privé puisse contribuer et participer davantage à hausser à la fois le nombre et la superficie des aires protégées au Québec. Nous entendons donc appuyer la population en donnant les moyens actuels et en créant de nouveaux incitatifs.

Actuellement, divers mécanismes peuvent être utilisés en conservation sur les terres du domaine privé. En droit privé, par exemple, ils sont tous régis par le Code civil. Le Code civil contient des dispositions qui permettent déjà aux propriétaires fonciers de conserver, à diverses conditions, des milieux naturels sur leurs propriétés ou sur une partie de celles-ci. Il s'agit le plus souvent de la vente, de la donation, du bail, de la fiducie ou encore de la servitude.

En fait, bien que différentes options de conservation existent en vertu du Code civil, celles-ci ne sont pas toujours adaptées à toutes les situations qui se présentent en terre privée. Malgré tous les efforts faits depuis plusieurs années, on observe peu de progrès en matière de conservation en milieu naturel privé. Les citoyens et les partenaires concernés considèrent que, pour accroître les acquis en termes de conservation sur ces terres, il est essentiel de disposer d'un outil légal qui permettrait à un propriétaire de conserver la propriété de son terrain et de consacrer celui-ci à un usage de conservation à perpétuité ou, selon d'autres termes, pour le bénéfice des générations futures et pour l'ensemble de la collectivité québécoise.

Pour faciliter et renforcer leurs interventions et pour appuyer le gouvernement dans la conservation, les intervenants en conservation réclament depuis longtemps des mesures juridiques et fiscales adéquates. Notre gouvernement a été, je crois, très sensible à leurs besoins et a travaillé au cours des cinq dernières années à examiner avec eux de nouvelles façons d'y donner suite. Pourtant, ailleurs en Amérique du Nord, les propriétaires privés et les organismes de conservation disposent depuis longtemps d'un outil juridique appelé «conservation easement». Ce cadre légal a permis, en peu d'années, la création d'un très grand nombre d'aires protégées en milieu privé aux États-Unis et au Canada.

Les «conservation easements» s'avèrent des outils de conservation populaires, principalement à cause de la possibilité de protéger à perpétuité et à cause des incitatifs fiscaux qui y sont liés. En conséquence, en 1998, plus de 1 200 organismes de conservation gérant des aires protégées en terre privée opéraient à des échelles locales, régionales et nationales aux États-Unis. À lui seul, par exemple, l'organisme non gouvernemental de conservation The Nature Conservancy gère plus de 4 millions d'hectares de terre. Les résultats s'avèrent donc, là-bas, tangibles. En effet, le phénomène est tel que, dans certaines provinces canadiennes ou dans certains États américains, on compte, en nombre et en superficie, plus d'aires protégées sur des terres privées que sur les terres publiques. C'est donc dire l'importance que peut prendre la conservation volontaire et le potentiel qu'elle renferme.

Or, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, au Québec, les moyens juridiques inscrits dans le Code civil en matière de droit privé se sont avérés, avec le temps, insuffisants pour favoriser des actions de conservation volontaire significatives. En effet, même si les individus et les organismes de conservation utilisent au maximum les outils juridiques présentement en place, on ne dénombre au Québec que 50 sites en terre privée sur les 1 100 aires protégées répertoriées jusqu'à maintenant, soit seulement 5 000 ha. On attribue généralement cette carence aux raisons suivantes.

Plusieurs des dispositions du Code civil exigent qu'il y ait acquisition de droits ou de propriété, et le propriétaire ne veut généralement pas se départir de sa terre. De plus, l'acquisition s'avère dispendieuse, particulièrement dans le sud du Québec, et, par conséquent, ces acquisitions pour fins de conservation sont loin d'être à la portée de tous les organismes de conservation. Troisièmement, il est impossible d'assurer une protection perpétuelle à des propriétés privées par l'utilisation des dispositions du Code civil. Quatrièmement, la servitude pose, quant à elle, des difficultés à justifier ou à obtenir.

En somme, toutes les expériences réalisées au Québec ont montré la limite des outils juridiques actuels. Pourtant, je tiens à le souligner, les terres privées au Québec abritent un patrimoine faunique et floristique inestimable, des habitats sensibles et plusieurs milieux naturels de grande importance pour la collectivité québécoise. Une protection de ces sites naturels par leurs propriétaires contribuerait à préserver la qualité de vie de nos concitoyens et concitoyennes tant en campagne qu'en ville.

Pour augmenter sensiblement le nombre et la superficie des aires protégées sur les terres du domaine privé, nous nous devons donc de corriger la situation juridique actuelle. C'est pourquoi j'ai proposé de mettre de l'avant cette nouvelle législation visant à faciliter et à encourager la conservation volontaire au Québec. Cette nouvelle législation comporte deux objectifs principaux. D'une part, elle vise à créer un statut juridique de conservation visant spécifiquement le secteur privé, en complémentarité aux opportunités offertes par le Code civil. D'autre part, elle cherche à encourager et à aider les propriétaires fonciers et les organismes à prendre des mesures volontaires de conservation.

n (9 h 50) n

Voici, en résumé, en quoi consiste cette nouvelle législation. La loi permet au ministre de l'Environnement d'attribuer le statut juridique de réserve naturelle à une propriété privée, et ce, à la demande d'un propriétaire privé, qu'il soit seul ou en association avec un organisme de conservation. La reconnaissance d'une propriété comme réserve naturelle peut être soit perpétuelle ou soit accordée pour un terme minimal de 25 ans, le tout selon la volonté manifestée par le propriétaire. Cette possibilité de reconnaissance perpétuelle permettra d'atteindre des objectifs que les outils juridiques actuels ne permettent pas d'atteindre.

Avant de reconnaître la propriété comme réserve naturelle, le ministre conclut avec le propriétaire une entente qui fixe notamment la durée et le degré de protection de même que les conditions de gestion de la propriété, dont, si c'est le cas, l'identification de l'organisme de conservation qui pourrait agir comme gestionnaire.

Après conclusion de l'entente, le ministre fait publier à la Gazette officielle du Québec et dans un journal local où est située la propriété un avis confirmant la reconnaissance. La reconnaissance entre en vigueur à compter de la date de la publication de l'avis à la Gazette officielle du Québec. Le ministre demande l'inscription de l'entente sur le registre foncier et transmet un état certifié de cette inscription au propriétaire et à tout organisme municipal sur le territoire où est située la propriété. L'entente lie tous les acquéreurs subséquents de la propriété. Le ministre tient aussi un registre de toutes les réserves naturelles. La reconnaissance d'une propriété comme réserve naturelle prend fin soit par l'arrivée du terme pour lequel elle a été accordée soit par décision du ministre dans des circonstances exceptionnelles d'y mettre fin. La loi prévoit que le ministre peut élaborer et mettre en oeuvre des programmes d'aide et fournir une aide financière ou technique pour soutenir la création, la conservation, la surveillance ou la gestion des réserves naturelles par des propriétaires privés ou par des organismes de conservation.

En ce qui a trait à la mise en oeuvre de meilleures mesures fiscales, je vous signale que, dans le cadre de l'élaboration de la stratégie québécoise sur les aires protégées, un groupe de travail a été formé afin d'analyser les différents incitatifs fiscaux mais aussi financiers présentement en place, et ce, dans le but d'accroître les efforts de conservation sur les terres du domaine privé.

L'un des mandats du groupe de travail porte sur la formulation de recommandations de nouvelles mesures fiscales et de nouveaux programmes ou d'amélioration des programmes existants non seulement dans le cadre du projet de loi sur les réserves naturelles en milieu privé, mais aussi pour toute autre action de conservation volontaire. Ce projet de stratégie est attendu pour juin 2001.

Il est maintenant temps d'entendre les représentants des organismes de conservation. Avant cela, toutefois, je voudrais profiter de l'occasion pour remercier les organismes qui ont pris la peine de nous écrire pour nous suggérer des modifications au projet de loi. J'aurai à ce sujet, au cours de la commission parlementaire, l'occasion d'aborder ces questions.

M. le Président, je crois que nous abordons un projet de loi extrêmement important en matière environnementale. C'est un outil qui permettra à des groupes environnementaux, à des groupes écologistes, à des propriétaires de vraiment avoir l'outil pour réaliser leurs objectifs et faire en sorte que nous conservions pour les générations futures des endroits qui ont des caractéristiques particulières et qui font partie de la biodiversité que chacun des pays a à préserver au bénéfice bien sûr des gens d'ici, d'abord, mais aussi pour l'ensemble de la population. Et je crois que nous ferons oeuvre utile avec les améliorations qui seront apportées suite aux suggestions que les organismes voudront nous faire entendre ce matin. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre de l'Environnement. J'invite le porte-parole de l'opposition officielle et député d'Orford à nous faire part également de ses remarques préliminaires.

M. Robert Benoit

M. Benoit: Oui, juste une petite note, en commençant. Le ministre a parlé que nous entendrions six groupes ici aujourd'hui. Il a été mal informé. C'est effectivement cinq groupes que nous entendrons. Un des groupes s'est désisté. Nous sommes malheureux de ça, mais ce sont les faits.

M. le Président, au moment du dépôt du projet de loi à l'Assemblée nationale, il y a maintenant près d'un mois, le ministre avait parlé exactement une minute pour nous expliquer son projet de loi. Vous comprendrez que l'opposition était restée un peu abasourdie devant le peu d'enthousiasme que le ministre démontrait devant ce projet de loi. Et peut-être que c'était l'humilité qui... C'est peut-être le nouveau signe de ce nouveau gouvernement et peut-être que le ministre, à l'enseigne de son nouveau premier ministre, était pris de cette humilité et n'a pas voulu trop pavoiser devant ce nouveau projet de loi qu'il déposait.

De notre côté, c'est assez rare finalement que l'opposition est plus enthousiaste que le gouvernement quand le gouvernement dépose un projet de loi, et d'emblée nous avons dit au ministre que nous étions d'accord avec son projet de loi, qu'il y avait certaines améliorations à y apporter et que nous l'aiderions à faire de ce projet non pas un projet, mais une loi le plus rapidement possible. Je crois comprendre que nous serons ici jeudi prochain, et il peut être assuré que l'opposition... S'il est possible, dans la même journée ce projet de loi deviendra loi, et nous pourrons nous mettre à travailler sérieusement au Québec.

Pourquoi le ministre n'a peut-être pas pavoisé quand il a déposé ce projet de loi là? Il faut rappeler que le Québec, au moment où nous nous parlons, protège 2,75 % de son territoire, alors que l'Ontario protège plus de 8 % de son territoire. La norme mondiale est en ce moment, dans les petits pays comme la France, l'Allemagne, la Suisse, la Norvège, de 8 % et cette norme-là sera ajustée à 9,6 %, alors que le Québec est à 2,75 %.

La Colombie-Britannique, nous apprenions la semaine dernière, fera l'acquisition dans les prochaines journées d'un important territoire de 120 000 ha de terrain dans la vallée de l'Okanagan, ce qui lui permettra maintenant, dans le cas de la Colombie-Britannique, d'atteindre les 12 % de «protected land base». Et ils ont les mêmes problèmes que nous. Il faut bien se rappeler que les compagnies de bois sont là aussi. Et eux seront arrivés à protéger 12 % de leur territoire. Le Québec est encore à 2,75 %.

Un haut fonctionnaire disait d'ailleurs dans une entrevue ? M. Léopold Gaudreau, haut fonctionnaire du ministère ? que seulement 15 propriétés actuellement sont protégées par des fiducies foncières et qu'il y a une possibilité de 150, finalement, dans la prochaine année ou les prochaines années et qu'il ne croyait pas que ce projet de loi là... ? et, encore une fois, c'est M. Gaudreau qui parle ? ...que nous n'irions pas chercher plus de 1 % par l'intendance privée finalement. Donc, si nous ne prenions que cette mesure, nous passerions de 2,75 % à 3,75 %. C'est très loin d'être satisfaisant pour le Québec.

J'inviterais le ministre de l'Environnement à regarder avec le fédéral... Et ça me rappelle un vieux débat, le débat de la Révolution tranquille de 1960 où Jean Lesage, au Palais du commerce, disait: «Nous, nous laisserons passer la Transcanadienne sur le territoire du Québec; nous, nous permettrons au fédéral de faire des parcs au Québec», et de là le parc Forillon, de mémoire, a été bâti de toutes pièces. C'est un des beaux parcs au monde finalement. Alors, moi, j'invite le ministre de l'Environnement du Québec à travailler avec le fédéral.

Il y a des projets en ce moment. Dans le dernier discours du trône, il y a des approches pour les parcs. Le député de Brome-Missisquoi a un projet entre le mont Sutton et le mont Écho dans l'Estrie, un très grand parc fédéral. Alors, il y a des possibilités d'augmenter notre patrimoine collectif protégé, mais faudrait-il encore que ce gouvernement veuille travailler avec les gens qui ont les moyens et les possibilités de le faire.

Je finirai, M. le Président, en lisant un passage du Courrier parlementaire que nous recevons tous, députés. Et, quand le ministre nous dit que ça va bien, puis que ça va très bien, puis que ça va même mieux que ça, je lui lirai ce que Le Courrier parlementaire, lui, disait hier quand on parle de nos terres préservées ou protégées au Québec: «Le Courrier parlementaire ? je le cite au texte ? a appris que le ministre Paul Bégin a essuyé un revers qui pourrait être humiliant aux mains du ministre des Ressources naturelles, la semaine dernière. Le plan de M. Bégin pour porter d'ici cinq ans d'un peu plus de 2 % à au moins 8 % du territoire l'entente totale de zones naturelles protégées s'est heurté à Jacques Brassard et au lobby des forêts. Les zones protégées sont majoritairement en forêt. Pour l'instant, le plan Bégin est aux limbes et il est loin d'être certain qu'il pourra progresser plus loin. Le Québec traîne la patte derrière les autres juridictions sur la question des sanctuaires naturels.» Encore une fois, ce n'est pas l'opposition, c'est Le Courrier parlementaire, un journaliste qui passe sa vie ici, dans le Parlement, et qui rapporte ce qu'il voit, ce qu'il entend.

n (10 heures) n

Alors, M. le Président, je terminerai en disant que, grâce à l'opposition, nous entendons des groupes aujourd'hui. Le ministre voulait que ce projet de loi là soit passé avant Noël; nous étions d'accord avec lui. Mais nous voulions, nous de l'opposition, entendre des groupes. D'ailleurs, les groupes qui sont ici ont été proposés par l'opposition et, je regrette, un des groupes a dû se désister. Nous voulions comprendre de façon particulière ce qui s'est fait à travers le monde. Et il y a des gens ici, je pense à Canards Illimités Canada, qui ont une expertise extraordinaire, qui vont nous expliquer, entre autres, les avantages fiscaux, l'article 16 du projet de loi, ce qui s'est fait ailleurs et comment nous pouvons rapidement nous mettre à l'ouvrage et créer le plus possible de territoires protégés au Québec.

Alors, M. le Président, de notre côté de la Chambre, nous sommes prêts, de façon très positive, à entendre les groupes qui sont ici avec nous aujourd'hui. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député d'Orford. M. le député de Johnson, vous avez signalé votre intention d'intervenir. Il resterait trois minutes du côté de l'enveloppe ministérielle.

M. Claude Boucher

M. Boucher: Très brièvement, M. le Président. J'ai interpellé notre collègue le ministre de l'Environnement l'année passée sur un projet dans ma région, qui est extrêmement important, de créer un parc régional pour protéger la biodiversité d'un site humide dans le comté de Johnson, plus précisément sur le territoire de Kingsbury, petite municipalité de mon comté, où il y a une réserve qui a été créée par l'érection d'un barrage il y a des dizaines d'années et qui est devenue un site très important.

Je suis très fier de constater que le ministre de l'Environnement a accédé, par le biais de ce projet de loi là, à cette demande, puisqu'il était impossible, évidemment, pour le gouvernement d'exproprier les territoires qui sont détenus par la compagnie Bombardier, la Fondation Bombardier, ce qui aurait coûté une fortune à l'État. Et, par ce biais-là, nous allons avoir les instruments juridiques et financiers pour pouvoir protéger ce site qui est extraordinaire. D'ailleurs, un organisme qui est ici ce matin, le premier organisme que nous allons entendre, connaît bien ce dossier-là puisqu'il a contribué à financer des études sur le marais de Kingsbury, le projet du MAKI.

Alors, je tiens à remercier et féliciter le ministre de l'Environnement qui a eu cette ouverture d'esprit et cette vision de l'avenir et je le remercie aussi d'avoir permis, lui, après s'être entendu avec l'opposition officielle, que les groupes qui sont ici puissent être entendus. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Johnson. Alors, j'invite immédiatement les représentants du premier groupe, Canards Illimités, à bien vouloir prendre place à la table. Alors, bienvenue, monsieur, et je vous prierais d'abord de bien vouloir vous identifier, en vous indiquant que vous avez 15 minutes de présentation et, par la suite, des échanges pourront avoir lieu pendant une période de 30 minutes maximum.

Auditions

Canards Illimités Canada

M. Laniel (Jean-Pierre): Merci. Je me nomme Jean-Pierre Laniel. Je travaille comme biologiste pour Canards Illimités, ici, au Québec. Alors, bonjour, tout le monde, M. le ministre, M. le Président et les membres de la commission.

C'est avec beaucoup d'intérêt que Canards Illimités au Québec a accepté de partager avec vous son appréciation du projet de loi n° 149 sur les réserves naturelles en milieu privé. À cette fin, d'ailleurs, nous avons déposé un bref mémoire sur notre perception de la situation qui prévaut dans la protection des habitats sur les terres privées de l'Amérique du Nord et de chez nous, au Québec. Il ne s'agit pas d'un document technique ni d'un document juridique, mais plutôt d'un appel à l'action dans un domaine où l'inertie dure depuis beaucoup trop longtemps. C'est en toute humilité que nous espérons apporter une contribution à l'effort persistant de plusieurs groupes de conservation québécois afin de contrer partiellement la perte continue d'habitats pour la flore, la faune et les humains.

Pour ceux qui connaissent peu notre organisme, Canards Illimités est une société à but non lucratif dont la mission consiste à conserver les terres humides et les terres hautes qui y sont associées au bénéfice de la sauvagine nord-américaine et à promouvoir un environnement sain pour la faune et les humains. Actif au Canada depuis plus de 60 ans, Canards Illimités a établi des liens privilégiés avec les propriétaires privés, ce qui lui a permis de protéger quelque 7 millions d'hectares. C'est sans doute pour cette raison que nous sommes l'organisme de conservation qui s'est acquis le plus de respect et de confiance au pays.

C'est probablement aussi cette reconnaissance publique qui a motivé le gouvernement du Québec à nous inviter chez lui en 1976 pour protéger et restaurer les terres humides de la rivière des Outaouais. Ce partenariat n'a cessé de grandir depuis et a permis la protection de plus de 25 000 ha d'habitats et la réalisation de 180 aménagements fauniques. Nos 400 bénévoles et 7 000 membres québécois ont aussi grandement contribué à ce succès.

Comme vous le savez, la majorité des terres privées occupent 7 % de la superficie du Québec. Le droit à la propriété privée est au coeur des préoccupations de milliers de propriétaires, certains pour qui la subsistance de leurs familles en dépend. Dans le domaine privé, l'État n'a que certains moyens légaux pour assurer la conservation des milieux naturels sans pour autant brimer ce droit primaire. La grande partie de ces terres privées occupe le sud du Québec, là où la population s'est installée. Le climat plus clément, la grande richesse des terres et des eaux ainsi qu'une voie d'accès navigable majestueuse ont contribué à l'expansion humaine. L'exploitation des ressources naturelles s'est significativement intensifiée au fil des années et, aujourd'hui, les milieux naturels en bonne santé y sont de plus en plus rares.

Les terres humides ? notre préoccupation majeure ? qui filtrent les eaux et accueillent des centaines d'espèces floristiques et animales subissent des pertes continuelles qui menacent notre bien-être. Pensons à la qualité de l'eau. Plusieurs autres habitats sont dans une situation tout aussi précaire. Comment peut-on mettre un frein à cette dégradation? L'État peut-il à lui seul fournir les ressources humaines et financières pour protéger ces habitats qui sont soumis à une pression grandissante de la part d'une pléiade d'intérêts divergents? Où trouver le financement considérable qui résulte de la valeur élevée des terrains mis en cause?

Ces questions ont trouvé réponse un peu partout en Amérique du Nord. Ce sont les groupes privés de conservation qui mènent la charge et protègent quantité de milieux naturels menacés. Leur action cible les communautés locales et les propriétaires concernés avec lesquels ils créent des liens étroits et partagent leurs préoccupations. Ils échafaudent des solutions pratiques, trouvent du financement et protègent les milieux d'un commun accord. Cette relation de confiance est essentielle au succès des groupes de conservation et c'est également leur marque de commerce. Mais, bien que les groupes de conservation recueillent des fonds privés, les besoins sont grands et l'achat de terrains n'est pas une solution universelle. De plus, l'attachement à la terre patrimoniale ne se scinde pas à coups de dollars. Certains propriétaires désirent conserver leur propriété.

Comment alors protéger les milieux naturels dans ce type de situation? Aux États-Unis, cette solution a pris la forme de servitudes de conservation ou «conservation easements». Elles permettent à des organismes de conservation de s'entendre avec un propriétaire sur les activités que ce dernier peut faire ou ne pas faire dans un milieu naturel qu'ils protègent ensemble. Mais cette solution n'amènera pas les résultats escomptés, du moins jusqu'à ce que les gouvernements n'y attachent des incitatifs financiers. C'est en 1986, après l'adoption d'une loi accordant des incitatifs fiscaux aux signataires de servitudes de conservation, que la protection des milieux naturels en terres privées prend son envol. Depuis, la signature de servitudes de ce type a quadruplé au sein des «land trusts», comme décrit par la Land Trust Alliance, le regroupement national de quelque 1 400 groupes aux États-Unis.

Entre 1988 et 1998, ces groupes avaient signé plus de 7 000 servitudes et protégé 566 000 ha de milieux naturels. Citons également The Nature Conservancy, un leader national dans ce domaine, et le Wetlands America Trust qui, quant à lui, a protégé 59 000 ha d'habitats par 75 servitudes qui, à elles seules, représentent une valeur foncière de plus de 100 millions de dollars. Cette histoire à succès a fait boule de neige, une expression de circonstance en cette période du carnaval, et la plupart des provinces canadiennes ont légiféré en ce sens vers la fin des années quatre-vingt-dix. Aujourd'hui, on y compte plus de 300 servitudes de conservation qui protègent 30 000 ha de milieux naturels. Seules les provinces de Terre-Neuve et du Québec n'ont pas encore de législation à cet effet.

Au Québec, les groupes de conservation manifestent leur intérêt pour cet outil depuis plus de 10 ans. Ce n'est qu'au cours des deux dernières années qu'un intérêt réel du ministère de l'Environnement permet la formation d'un groupe de travail sur le sujet. Le fruit de ce travail fait aujourd'hui l'objet de la présente commission.

Passons maintenant au vif du sujet. Le projet de loi n° 149 propose un nouvel outil juridique aux Québécois et Québécoises qui souhaitent protéger les milieux naturels. Il ne s'agit pas d'une servitude de conservation qui, mentionnons-le, intervient entre un particulier et un organisme de conservation. La réserve naturelle lie, quant à elle, un propriétaire et le ministre de l'Environnement. C'est une différence majeure qui comporte certains avantages et inconvénients dont nous discuterons plus loin. Par contre, tout comme la servitude, elle offre la possibilité de protéger un habitat naturel d'une façon perpétuelle.

n (10 h 10) n

Canards Illimités appuie fortement cette initiative du ministre de l'Environnement qui, au cours de la dernière année, a fait de ce dossier une priorité de son ministère. Nous croyons que cet outil additionnel permettra de renouveler la flamme conservationniste de plusieurs propriétaires et groupes pour lesquels l'acquisition et la servitude réelles ne sont pas appropriées. Nous espérons que les réserves naturelles permettent l'atteinte de nouveaux sommets dans le domaine de la conservation des milieux naturels en sol québécois.

Quelques avantages. La simplicité des modalités du fonctionnement et la rapidité du processus semblent au centre des préoccupations du texte de loi. Cela nous apparaît essentiel à l'adhésion des futurs signataires. De même, nous considérons que la gestion des demandes, la signature des ententes, leur inscription au registre foncier et leur publication, à la charge du ministre de l'Environnement, sont des éléments qui faciliteront le traitement des dossiers. Par cette action, l'État fournit des ressources humaines et financières pour uniformiser la mise en réserve et offre un accès universel au citoyen qui désire protéger son patrimoine naturel. De même, la tenue d'un registre ajoutera à l'efficacité du système et permettra d'en évaluer le succès.

L'article 16 mérite une attention toute particulière. On réfère ici aux programmes d'aide. Il ne faut pas se bercer d'illusions. Tout projet de loi, aussi complet soit-il, ne sera efficace que si des programmes d'incitatifs monétaires et fiscaux sont mis en place à court terme. Comme le démontre clairement la situation américaine, ce sont les incitatifs gouvernementaux qui sont directement responsables des succès obtenus depuis 1986. Il serait utopique de croire que seule la reconnaissance de réserves naturelles amènera les résultats attendus. Nous sommes donc convaincus que le développement de programmes incitatifs sera déterminant.

Finalement, les chapitres IV et V répondent à des préoccupations souvent soulevées par les organismes à but non lucratif qui signent des servitudes de conservation ailleurs au pays. L'inspection des réserves naturelles et l'existence de mesures judiciaires pour assurer le respect des ententes aideront les organismes qui pourraient éprouver des difficultés financières pour le faire eux-mêmes, notamment lorsqu'ils détiennent plusieurs ententes à gérer. Ces chapitres apportent un élément de protection dont ne jouissent pas les organismes qui signent des servitudes de conservation ailleurs en Amérique du Nord.

Par son ensemble, le projet de loi n° 149 comporte donc des éléments qui, nous l'espérons, contribueront à la sauvegarde d'habitats dont la pérennité est menacée. Cependant, une composante majeure de la conservation des milieux naturels n'y trouve pas son compte. En effet, comment le ministère de l'Environnement compte-t-il sensibiliser les propriétaires si ce n'est que par l'entremise de groupes dévoués à cette cause? On voit mal les employés de l'État rendre visite aux particuliers, un peu partout dans la province, pour leur démontrer à quel point leur implication est nécessaire pour protéger un marais menacé de drainage ou un boisé exceptionnel. Seuls les groupes de conservation privés, constitués d'hommes et de femmes convaincus et surtout convaincants, peuvent endosser ce rôle essentiel. Le projet de loi doit donc illustrer le rôle prépondérant que jouent ces organismes au sein de la communauté. Comme mentionné en ouverture de ma présentation, ce sont des liens de confiance développés à force de rencontres et d'échanges mutuels qui permettent d'obtenir l'implication d'un propriétaire. Ces organismes sont les promoteurs de la conservation auprès des citoyens et ils doivent continuer de l'être.

Au moment de la signature d'une entente entre le propriétaire et l'organisme de conservation, il faudra, selon le texte de loi, inclure une troisième signature. Comme l'entente intervient entre le propriétaire et le ministre, la signature de ce dernier est requise. Pourquoi un organisme de conservation servirait de relayeur alors qu'il a fait tout le travail de négociation? Quelle sera la réaction du propriétaire qui voit l'État s'approprier un accord commun élaboré sur une base de confiance entre l'organisme et lui? À notre avis, ces interrogations suffisent à recommander la modification du projet de loi. Ainsi, l'article 4 devra reconnaître la contribution historique et future des organismes de conservation dans la protection des milieux naturels.

Nous proposons donc certaines recommandations. Nous faisons les recommandations suivantes dans un esprit constructif afin que les réserves naturelles deviennent un outil qui sera utilisé à sa juste valeur par les groupes de conservation québécois. Un outil qui n'est pas utilisé n'a pas sa raison d'être.

1° insérer dans le texte du projet de loi n° 149 une référence au rôle déterminant des organismes de conservation pour la protection des milieux naturels;

2° modifier le libellé de l'article 4 du projet de loi afin qu'il reconnaisse automatiquement les ententes entre les propriétaires et les organismes de conservation, donc sans la signature du ministre, du moins pour les groupes identifiés par le visa fiscal;

3° considérer la possibilité d'accréditer des organismes de conservation selon leur statut charitable et suite à une formation appropriée sur les réserves naturelles.

Nous revenons également à l'article 16 qui était très court. On aimerait que cet article inclue la mise en place d'incitatifs fiscaux pour les propriétaires de réserves naturelles, la mise en place de programmes d'aide s'adressant aux propriétaires et aux groupes de conservation qui désirent faire reconnaître leur propriété comme réserve naturelle, et la mise en place de programmes d'aide s'adressant spécifiquement aux organismes de conservation pour assurer leur formation ainsi que la promotion et la livraison des réserves naturelles. Finalement, il faudra impliquer les représentants des organismes de conservation pour définir les modalités d'application de la loi.

En conclusion, Canards Illimités croit que ce projet de loi comporte plusieurs aspects positifs et que, s'il est modifié selon nos recommandations, il permettra au Québec d'atteindre de nouveaux horizons dans la conservation des habitats. Nous sommes particulièrement heureux de constater le rôle du propriétaire privé en tant qu'intendant privilégié des ressources naturelles collectives; il y tient une place de choix. De plus, la possibilité de conserver des milieux naturels à perpétuité est une force majeure de la loi. Cette entente assurera un degré de protection aussi élevé que celui de l'acquisition des titres de propriété ou celui de servitudes réelles mais à un coût significativement moindre.

En terminant, nous remercions la commission de son invitation à présenter nos commentaires sur le projet de loi. Et nous désirons également manifester notre intérêt et offrir notre assistance au ministre de l'Environnement afin de poursuivre la démarche initiée avec son personnel et réaliser à court terme les toutes premières réserves naturelles en milieu privé du Québec. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Laniel, pour votre présentation. J'invite le ministre de l'Environnement pour amorcer cette période d'échanges. M. le ministre.

M. Bégin: Merci, M. le Président. M. Laniel, merci infiniment de votre présentation, elle est à la fois pondérée, elle va droit au but et elle a la qualité de faire ressortir l'amélioration qu'on pourrait apporter à ce projet de loi. Alors, je vous en remercie.

Vous dites, entre autres, et je vais vous citer, là, des choses qui vont dans le sens que le projet de loi répond essentiellement ou globalement à de fortes préoccupations des groupes environnementaux relativement au milieu naturel. Vous dites que même il y aurait, par rapport à ce qui existe ailleurs, une amélioration, surtout au niveau des chapitres IV et V. C'est des chapitres de contrôle, de poursuite de l'État dans des cas d'infraction à la réserve naturelle, soulageant d'autant les groupes environnementaux et/ou le propriétaire de devoir prendre des poursuites au cas où une personne agresserait d'une manière quelconque la réserve. Donc, c'est, à ce compte-là, une amélioration.

La vraie réserve que vous avez, si je vous ai bien compris, c'est qu'à l'article 4 on ne donne pas la place qui revient aux groupes environnementaux mais que l'État semble vouloir avoir une relation privilégiée entre lui et le propriétaire, laissant un peu de côté, ou mettant de côté, ou ne reconnaissant pas le travail des groupes environnementaux. Je pense que, là-dessus, vous avez misé juste parce que l'idée n'était pas d'avoir ce type de relation là. Mais le texte, quand on le relit, avec ce regard, laisse croire qu'effectivement il n'y a pas de place pour les groupes environnementaux. Vous le dites bien d'ailleurs dans votre première recommandation qu'on retrouve à la page 5, là, sous le poste 6: «Insérer dans le texte [...] une référence au rôle déterminant des organismes de conservation pour la protection des milieux naturels.» Et là vous dites maintenant, à l'article 4: Nous aimerions que, par exemple, un groupe puisse, avec et/ou au nom du propriétaire, déposer auprès du ministère de l'Environnement une demande comme celle-là plutôt que ce soit simplement le propriétaire.

Alors, là-dessus, vous n'êtes pas le seul groupe à l'avoir fait. Je pense que ça doit être une évidence, puisque à peu près tous ceux qui ont écrit ou parlé à ce sujet-là l'ont fait. Ça ne diminue pas l'importance de ce que vous venez de dire, mais ça appuie ce que vous dites. Effectivement, il va falloir qu'on modifie le texte pour prévoir que... une entente avec le propriétaire ou, selon le cas... approuve une entente conclue entre le propriétaire et un organisme de conservation. Je ne pourrais pas donner le libellé parfait, mais c'est le sens. Il va approuver une entente entre un organisme et le propriétaire. Et voilà, la reconnaissance, à mon point de vue, devrait se faire ipso facto puisqu'il n'y aura plus le lien à privilégier avec le propriétaire. Je crois que c'est important que l'on fasse ça, qu'on l'introduise, et ce sera introduit au moment où on fera l'étude du projet de loi article par article. Et on répondra, je pense, à votre demande et à celles des autres groupes.

n (10 h 20) n

Le deuxième point, et je pense aussi que ça va de soi, c'est beau, les oeuvres, mais il faut avoir un peu d'argent qui va avec. Et il faut être capable d'avoir des incitatifs qui vont permettre à cette mesure juridique d'avoir son plein effet, et c'est l'article 16 qui le prévoit. Vous voudriez peut-être que nous allions plus spécifiquement dans le texte. Je crois que c'est plus des questions administratives et que l'on doit garder plus de souplesse, plus de facilité de modifications rapides, avec l'évolution dans le temps, mettre ça plutôt dans un règlement et favoriser les mesures qui peuvent changer dans le temps.

Par exemple, le Québec a été le premier à faire le visa fiscal qui permet de faire des discussions sur des gains en capitaux. Ça a été extrêmement intéressant. Nous les mettions à 50 %, le gouvernement fédéral a emboîté le pas par la suite. Je suis informé que le gouvernement fédéral vient de bonifier cette mesure en réduisant ça à 33 %; le Québec va, je pense, devoir suivre. De sorte que, si on s'encarcane dans un texte de loi, c'est extrêmement complexe, alors que c'est plus des mesures, des fois, budgétaires ou réglementaires.

Mais je suis d'accord avec vous que, sans des apports financiers, des avantages qui sont rattachés à ça, le bénéfice qu'on pourra retirer de l'adoption du projet de loi sera nécessairement modifié. Alors, je crois que ceci répond, dans l'ensemble, à vos préoccupations. Je vous remercie de nous les avoir mises en évidence. Et nous tenterons, d'ici la semaine prochaine, de fignoler le texte parfait qui permettra de satisfaire à la fois vos représentations et celles des autres groupes qui vont vous suivre. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Oui, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Très bien. Quelques questions. D'abord, merci, M. Laniel, d'avoir été ici aujourd'hui. Je pense que c'est un honneur d'avoir un organisme comme le vôtre, avec la réputation que vous avez à travers le pays, pas juste une réputation sur le papier mais sur la réalisation. Vous avez fait tellement de choses un peu partout, à la grandeur du continent. Vous êtes un modèle en environnement que nous pouvons suivre. Et le fait que vous ayez été conseiller du ministre de l'Environnement dans ce projet de loi là nous démontre une certaine forme de sagesse dans le projet de loi. Il n'y a pas trop de taponnage, il n'y a pas trop de complications. Vous avez essayé de faire que le projet va être efficace. Je peux vous parler d'autres projets de loi où on aurait voulu compliquer les affaires puis on ne s'y serait pas pris autrement. Dans ce cas-là, je dois avouer qu'à la première lecture on semblait vouloir arriver à de l'action, et je reconnais là des gens comme vous, M. Laniel, qui avez travaillé sur le terrain toute votre vie et qui avez réalisé des choses finalement.

Mais, même à ça, vous arrivez, dans votre mémoire, à dire que l'article 4 pouvait peut-être être un peu trop compliqué, un peu trop de taponnage, et j'aimerais vous entendre sur l'article 4; et nous allons revenir sur l'article 16 éventuellement. Parce que, vous savez, on peut faire des beaux projets, mais, s'il n'y a pas d'argent... Et vous l'avez dit dans votre mémoire, vous dites dans la présentation: rapidité, simplicité et incitatifs monétaires et fiscaux. Ça a été bien clair, là. C'est les trois mots que j'ai retenus de votre présentation, grosso modo. Alors, j'aimerais d'abord qu'on parle de rapidité et simplicité, avec l'article 4, et on reviendra à 16, ensuite, sur les incitatifs monétaires et fiscaux.

M. Laniel (Jean-Pierre): En fait, ce qui est toujours déterminant, quand on est en négociation avec des gens sur le terrain, c'est d'être capable d'en venir à un accord dans les meilleurs délais. Et, quand ça arrive, il faut être prêt à signer une entente. Donc, c'est souvent l'opportunité qui se présente sur un coin de table où il faut que la personne qui rencontre un propriétaire puisse apposer sa signature et être d'accord avec un projet d'aménagement.

Dans le cas des réserves naturelles, la principale faille qu'on voyait dans le document, c'était justement ça, c'est qu'au moment où un organisme de conservation a établi des liens de confiance avec un propriétaire et lui a fait voir tout l'intérêt du milieu naturel qu'il possède, c'était de s'asseoir avec et de conclure une entente. Et, si on parle de perpétuité, c'est d'autant plus intéressant, surtout dans des endroits très menacés. On peut penser, un exemple... dans les régions urbaines. Le boisé de l'île des Soeurs est sans doute un exemple de ça qui est assez probant. Ça coûte extrêmement cher, donc c'est difficilement achetable par des groupes de conservation et, également, ça demande d'être au bon moment à la bonne place pour signer une entente.

C'est évident qu'on négocie pendant quelques semaines; quelquefois, c'est quelques mois. Quand le propriétaire est prêt, il faut être prêt aussi. Donc, si on signe une entente avec le propriétaire et qu'il voit, après plusieurs mois de négociation, qu'il faut faire signer en plus le ministre de l'Environnement dans ce dossier, sur sa terre privée, là il y a toutes sortes d'inquiétudes qui peuvent être mises sur la table: Les gens vont-ils avoir accès chez nous? Ça devient-u propriété de l'État? Les propriétaires sont très méfiants à l'endroit du gouvernement, et ça date depuis longtemps. Au Québec, c'est d'autant plus vrai que la propriété privée prend aux tripes les propriétaires.

Donc, ce qu'on demande précisément, c'est que, lorsqu'un propriétaire est assis avec un organisme de conservation, l'entente qui va intervenir entre les deux soit retenue automatiquement comme étant une réserve naturelle volontaire. Il y aura lieu sans doute d'avoir un format standard, de discuter quel genre d'entente ça devrait être pour recevoir une approbation immédiate ou une reconnaissance immédiate par le ministre, mais je pense que c'est des choses qui sont très possibles. Ça accélérerait beaucoup le dossier et ça conserverait ce lien de confiance qui est développé à force de rencontres.

M. Benoit: M. Laniel, dans le projet de loi, le ministre nous dit que ça devra se faire via un ou des organismes sans but lucratif. Est-ce qu'il y a des exemples, autant au Canada ou possiblement aux États-Unis, où ça se fait par des entreprises qui sont à but lucratif? Et la question me vient quand je pense à la présentation qu'a faite le député de Johnson, tantôt, où on a une entreprise qui est propriétaire d'un marais. Est-ce qu'il faut absolument qu'on le fasse? Est-ce qu'on ne se limite pas en disant que ça soit via une entreprise sans but lucratif, alors que souvent les terres du Québec sont détenues... Je pense à Domtar, qui détient des grandes parcelles de terrains, à Kruger, etc., qui pourraient, à l'occasion, être prêts à mettre en protection des parcelles de ces terrains-là sans passer via la filière, l'organisme sans but lucratif, etc.

M. Laniel (Jean-Pierre): Absolument. Je pense que c'est mentionné aussi dans notre mémoire. C'est que le propriétaire lui-même peut se prévaloir de ce droit-là auprès du ministre et même les organismes de conservation propriétaires de milieux naturels vont pouvoir le faire. Donc, il y a un intérêt certain à ce que ça soit gardé dans la loi. Le souhait d'avoir une place pour les organismes de conservation, c'est que, dans tous les endroits où les propriétaires, par exemple, de milieux naturels de 100 ha... ? bon, il y a 100 propriétaires ? ça va nécessiter beaucoup d'huile de bras, si on veut, pour aller négocier avec ces gens-là. Et, dans ce cas-là, il y a une relation de confiance qui s'établit avec les organismes, c'est dans ces cas-là où on trouve que ça sera important qu'il y ait un mécanisme de reconnaissance assez rapide via les groupes de conservation.

Il ne faut pas se leurrer, ça va arriver qu'il y a des grands propriétaires fonciers qui vont dire, comme Domtar: Bon, moi, je cède cette partie de territoire. Je peux vous dire, par exemple, qu'avant qu'ils fassent ça il y aura probablement eu quelques discussions avec des groupes de conservation pour valider l'endroit, pour voir s'il y a un intérêt, etc. Donc, c'est certain que les groupes de conservation doivent être impliqués dans ce processus-là.

M. Benoit: Dernière question. L'article 16, vous l'avez dit vous-même, où ça a fonctionné ? je pense aux Bermudes, où il y a des «land trusts» très importants, alors que les terrains ont des prix illimités ? ça a été, finalement, les incitatifs monétaires et fiscaux qui ont fait que les citoyens ont décidé d'aller de l'avant. Je pense bien que tous, tant que nous sommes, que ce soient les communautés religieuses, les entreprises ou les individus qui sont propriétaires de grandes parcelles de terrains, à un moment donné ou à un autre, ont pensé possiblement en faire un bien public. J'ai des exemples précis. Je pense au Pinacle à Baldwin Mills, où la famille Baldwin a décidé de donner une montagne. Mais, finalement, ça a été long, ça a été compliqué, il y a eu tellement d'intervenants là-dedans qu'on a failli échapper la transaction à plusieurs occasions.

Ce que vous dites, vous: Il faut être rapide, simple et offrir aussi l'incitatif monétaire et fiscal. J'aimerais vous entendre, parce que l'article 16 n'est pas très explicite, hein, on dit: «Le ministre peut élaborer et mettre en oeuvre des programmes en vue de soutenir la création, la conservation, la surveillance et la gestion de réserves naturelles. Il peut accorder, dans le cadre de ces programmes, une aide financière ou technique.» Vous comprendrez que ça ne dit pas grand-chose, hein, et ça dit tout en même temps.

J'aimerais vous entendre, vous. Où est-ce que ça a fonctionné, là, dans les États américains ou les provinces canadiennes? Quels sont ces incitatifs que nous avons donnés aux individus ou aux entreprises pour qu'ils aillent de l'avant?

n (10 h 30) n

M. Laniel (Jean-Pierre): C'est intéressant, parce que ça fait aussi partie des discussions sur un groupe de travail, dans le cadre de la stratégie sur les aires protégées du Québec, qui traite des terres privées. Il y a plusieurs mécanismes possibles, mais c'est évident que, entre autres, un programme qui viserait à compenser les propriétaires pour un certain montant de leurs taxes municipales ou le montant total de leurs taxes municipales est intéressant, certainement. Il y a aussi des incitatifs au niveau de l'impôt. Donc, on parlait, par exemple, d'avoir réduit, effectivement, le gain de capital dans plusieurs cas. Ça fait plusieurs années que les organismes de conservation demandent d'abolir le gain de capital dans le cas d'une donation de terre écosensible ou écologiquement sensible, ça va sans doute revenir à la table dans le futur également, ce sont des propos qui sont discutés continuellement. Donc, ça, c'est deux mesures.

Dans les programmes d'aide évidemment, c'est de donner un coup de main aux propriétaires. Tous les propriétaires qui veulent donner un brin de terre ou conserver un brin de terre ne sont pas intéressés à payer 5 000 $ pour avoir un rapport de préparé. C'est évident qu'ils peuvent passer par un groupe qui pourrait le faire pour eux, mais également le groupe doit défrayer un montant important d'argent pour décrire ce territoire-là. Ça serait important que quelqu'un qui veut utiliser ce processus ait une aide quelconque financière pour justement rédiger le rapport, faire des représentations, des choses comme ça. Et ce qui est très important, je pense ? et là je prêche pour ma paroisse, vous me direz ? comme les groupes de conservation sont sur le terrain, ils devront être formés adéquatement sur tous les aspects de cette loi-là et des réserves naturelles, donc les aspects techniques. Ils devront également être soutenus dans leurs efforts. Donc, si on prévoit protéger des endroits spécifiques au Québec et qu'il y a un groupe de conservation intéressé, il devrait pouvoir bénéficier d'une aide du gouvernement pour le faire.

Donc, essentiellement, nos propos, dans le cadre de l'article 16, ne sont pas tellement pour être certain qu'ils apparaissent au projet de loi, mais qu'ils soient pris en considération et que, en bout de compte, quand le processus sera terminé, les groupes qui veulent faire de la conservation avec cet outil-là soient équipés monétairement pour le faire.

M. Benoit: Est-ce qu'il me reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Lachance): Oui, très bien.

M. Benoit: L'aspect responsabilité. Je reviens avec le cas de la famille Baldwin qui a donné sa montagne éventuellement, un pinacle extraordinaire, et ce qui importait... La famille Baldwin était indépendante de fortune, elle ne voulait pas aller chercher de l'argent là-dedans, elle voulait protéger une montagne pour le bien commun, bien collectif éventuel. Mais leur grand problème, quand je leur parlais, c'était la responsabilité des gens qui allaient marcher sur leur montagne, qui pouvaient se blesser. Est-ce que, avec ce projet de loi là, votre compréhension, on répondra à cet aspect de la responsabilité?

M. Laniel (Jean-Pierre): Un propriétaire reste toujours responsable de ses terrains. Dans le projet de loi actuel ou même pour une servitude de conservation ailleurs en Amérique, c'est le propriétaire qui reste responsable du fonds de terre. Il reste propriétaire. Il a pu être dédommagé par un incitatif pour l'encourager, mais il reste propriétaire. C'est évident qu'il y aura toujours des propriétaires qui seront réticents à ce que le public ait accès à leur propriété. Ça, je pense qu'il faut... si on vise vraiment à protéger des milieux naturels, il faudra penser que ces propriétaires-là puissent conserver justement cette sécurité, être certain que ce n'est pas n'importe qui n'importe quand qui peut aller sur leur terrain. Cependant, il y a certainement des processus, que je ne connais pas précisément, qui existent pour qu'un organisme, par exemple, à but non lucratif ou le propriétaire lui-même puisse prendre une assurance un petit peu plus élevée pour couvrir les possibilités d'accidents qu'il pourrait y avoir.

M. Benoit: Je finirai juste en racontant un cas de comté, pour expliquer l'importance au ministre que ce soit simple pour que les gens acceptent de procéder avec le don de leur propriété. C'est un individu, dans le comté d'Orford, qui a voulu donner un magnifique tableau, qui avait une valeur de 10 000 $ à 15 000 $, un Adrien-Hébert, à un musée, et ce fut tellement compliqué que, après deux ans de démarches, il a décidé de tout simplement reprendre son tableau du musée en question, parce qu'il fallait qu'il y ait des évaluations, il fallait qu'il y ait tellement de taponnage que l'individu a dit: C'est tellement, d'abord, compliqué de gagner de l'argent, s'il faut que ça soit aussi compliqué que ça pour le donner, que le diable les emporte, je vais le garder, mon tableau. Et ce magnifique tableau ne fait pas partie du patrimoine collectif du Québec parce qu'on lui a compliqué la vie. L'individu avait pris la décision, le tableau était rendu au musée, et les gens du musée maintenant admettent que ça a été des erreurs, bon, etc.

J'invite le ministre... qu'on essaie de simplifier la vie aux citoyens qui veulent, avec une bonne intention, remettre un bien dans... qu'un bien puisse devenir un bien collectif s'il a une belle valeur, qu'on simplifie le plus possible le processus et qu'on ne lui complique pas la vie, comme cet individu qui a voulu donner un Adrien-Hébert à un musée et, finalement, ça n'a jamais pris lieu.

Alors, je veux vous remercier, M. Laniel, votre présentation était tout à fait au point. Votre mémoire, on l'a reçu seulement ce matin, on a eu le temps de le lire rapidement, mais soyez assuré qu'on va l'analyser avant d'arriver en commission parlementaire, jeudi prochain, pour étudier article par article le projet de loi. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député d'Orford. M. le député de Salaberry-Soulanges.

n (10 h 40) n

M. Deslières: Merci, M. le Président. M. Laniel, merci d'abord pour la présentation de votre mémoire. C'est un pas important, vous le mentionnez aujourd'hui, c'est un pas important dans le cadre de l'étude de ce projet de loi. Vous avez mentionné lors de votre présentation que votre groupe et l'ensemble des groupes reliés à cette question-là, vous étiez en attente depuis au moins une dizaine d'années; je vous cite dans votre présentation. Juste faire un commentaire. J'entendais le critique libéral et député d'Orford dans sa présentation décrire un peu la situation, sauf que je veux juste lui rappeler, puis je suis conscient que... je suis content qu'il soit enthousiaste pour l'action du gouvernement du Parti québécois, mais il a manqué une belle chance d'être enthousiaste lorsque son gouvernement était à l'action pour passer avec son... Nous autres, chez nous, ce qu'on dit, c'est: grand parleur, petit faiseur. Alors, M. Laniel... Bien, voilà, c'est la situation. Je pense qu'ils ont été au pouvoir longtemps, ils ont mentionné des faits, ils avaient la chance de corriger la situation, d'apporter des lois sur le plan environnemental pour augmenter la situation, passer de 2,75 % à 3 %, à 4 %, à 5 %, puis ils ne l'ont pas fait. Donc, il y a beaucoup d'enthousiasme dans l'opposition, mais, lorsqu'ils viennent au pouvoir, il n'y a à peu près, dans ce domaine-là comme dans d'autres, rien qui s'est fait. On le constate. De toute façon, ils ont été renvoyés dans l'opposition, et ça... C'est bien.

M. Laniel, vous mentionnez dans votre lettre du 23 novembre et vous faites une suggestion au ministère de l'Environnement, au ministre, en parlant de l'article 4, et vous nous dites que, pour ce faire, vous prévoyez un moyen, une suggestion, en disant: Accréditons des organismes. Ma question, deux, trois volets: Pourquoi? Comment? Est-ce nécessaire? Et sur quels critères on pourrait accréditer des organismes par rapport à d'autres?

M. Laniel (Jean-Pierre): Je répondrais que déjà le gouvernement, il n'y a pas si longtemps, a identifié des organismes bien précis dans l'élaboration des mesures fiscales. Donc, il y a une liste d'organismes qui peuvent donner des dons de charité et ainsi faire bénéficier un propriétaire lorsqu'il signe une servitude réelle ou perpétuelle... bénéficier d'un certain bénéfice au niveau de l'impôt.

Donc, comme dans le cas des réserves naturelles, il serait probablement difficile de simplement dire: On reconnaît toutes les ententes des organismes qui vont aller sur le terrain et rencontrer des propriétaires. Il devrait probablement y avoir un mécanisme quelconque ? et on ne va pas dans le détail ? qui permettrait à tout le moins de s'assurer que l'organisme est équipé pour émettre soit un reçu d'impôts, si jamais le besoin se fait sentir, au propriétaire qui donne sa terre ? un reçu d'impôts, très important ? et également éviter, si on veut, qu'un organisme qui n'a pas reçu une formation adéquate sur les réserves naturelles puisse en faire la promotion et probablement arriver à des ententes qui ne seront pas toujours facilement atténuables par le ministre quand il veut passer à l'acte de les rendre publiques. Ça fait que c'était essentiellement ça, le commentaire, c'était de se donner un format ou une forme de contrôle sur la qualité du produit.

M. Deslières: Une dernière question, M. le Président. Est-ce que cet aspect-là a été discuté dans vos rencontres de concertation au niveau de... ou si ça vient uniquement de Canards Illimités?

M. Laniel (Jean-Pierre): Pour l'instant, ça vient uniquement de Canards Illimités. C'était un peu une ouverture pour ne pas avoir à donner à tous les organismes la possibilité de le faire si on pensait qu'ils n'étaient pas suffisamment formés pour le faire.

M. Deslières: Une petite question, M. le Président, s'il vous plaît. Est-ce que vous êtes dans chacune des régions du Québec? Est-ce que Canards Illimités est dans chacune des régions du Québec?

M. Laniel (Jean-Pierre): Oui, on oeuvre au niveau du Québec en entier, on n'a pas des personnes dans chacune des régions.

M. Deslières: Vous êtes financés par le gouvernement?

M. Laniel (Jean-Pierre): On est financé principalement par la collecte de fonds au niveau privé ou corporatif. On reçoit des fonds également du Plan nord-américain de gestion de la sauvagine, qui est un plan international.

M. Deslières: Merci, M. Laniel. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre de l'Environnement.

M. Bégin: Oui. J'aimerais revenir un peu à partir de ce que vient de poser comme question mon collègue. Il a parlé de l'accréditation des organismes et, tout à l'heure, il a été question de formation des organismes. Vous savez que le Centre québécois du droit de l'environnement sera appelé effectivement à faire une formation. Liez-vous la question de la formation à l'accréditation dont vous parlez? Et je vais élargir la question. Lorsque le député d'Orford vous a demandé tout à l'heure s'il y aurait des tâtonnements, des taponnages qui seraient faits, voyez-vous dans le projet de loi l'élimination de ces tâtonnements entre les groupes et l'État ou vous les voyez plutôt entre le groupe environnemental qui travaille avec le propriétaire à le convaincre à trouver une formule? Est-ce que, autrement dit, vous pensez qu'il y aura du «red tape» à l'intérieur du processus ou bien s'il n'y en aura pas?

M. Laniel (Jean-Pierre): Si les modifications sont apportées, je pense qu'il n'y en aura pas, effectivement. C'est évident que le processus de certification n'a pas été défini dans notre lettre. Donc, on n'a pas été plus loin dans cette démarche-là. C'était pour ouvrir une porte, une suggestion, de fait, au ministère. Je pense qu'une formation sera nécessaire et, effectivement, que ce soit le Centre québécois du droit de l'environnement qui la donne, ce serait tout à fait adéquat également.

M. Bégin: Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, merci, M. Laniel, pour votre participation aux travaux de la commission.

M. Laniel (Jean-Pierre): Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Et là-dessus je vais suspendre les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 41)

 

(Reprise à 10 h 47)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux pour les consultations particulières sur le projet de loi n° 149, Loi sur les réserves naturelles en milieu privé. Alors, nous allons maintenant entendre les représentants du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec, et j'invite le porte-parole à bien vouloir se présenter et présenter la personne qui l'accompagne.

Regroupement national des conseils régionaux
de l'environnement du Québec (RNCREQ)

M. Turgeon (Alexandre): Alors, bonjour, M. le Président, M. le ministre, MM. les députés. Alexandre Turgeon, vice-président du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement. Je suis accompagné de M. Philippe Bourke, directeur général du Regroupement.

Le Président (M. Lachance): Bienvenue.

M. Turgeon (Alexandre): Je vais laisser Philippe faire la première partie de la présentation.

M. Bourke (Philippe): D'abord, je vais succinctement présenter l'organisme. Les conseils régionaux de l'environnement du Québec existent depuis plus de 25 ans. Ils ont le mandat fort important et pertinent de promouvoir le développement durable et la protection de l'environnement de chacune des régions du Québec. Le Regroupement national des CRE a, quant à lui, pour mission de contribuer au développement et à la promotion d'une vision nationale du développement durable au Québec, de représenter l'ensemble des conseils régionaux de l'environnement et d'émettre des opinions publiques en leurs noms.

On passe maintenant tout de suite aux considérations générales à l'égard du projet de loi n° 149. Les conseils régionaux de l'environnement et le Regroupement national des CRE ont toujours suivi avec grand intérêt le dossier des aires protégées au Québec. En effet, la majorité des CRE, tout comme plusieurs des groupes et organismes qui en sont membres, militent depuis longtemps pour que le Québec se donne les moyens d'augmenter la superficie de territoire québécois protégé. C'est d'ailleurs dans cet esprit que nous avons récemment entrepris de participer activement à l'importante démarche du gouvernement du Québec visant à mettre en place une stratégie québécoise sur les aires protégées.

Comme vous le savez, certaines activités humaines entraînent une importante dégradation des milieux et nuisent à la faune et à la flore par la segmentation, la destruction ou la modification de leurs habitats. Ceci est particulièrement vrai dans le domaine de l'exploitation des ressources naturelles et dans celui du développement urbain. Il s'avère donc important pour nous que le Québec se dote d'une telle stratégie. En ce sens, la Loi sur les réserves naturelles en milieu privé sera un outil fort apprécié, complémentaire aux actions réalisées ou en cours sur le territoire public pour encourager les initiatives volontaires d'individus, de groupes ou de compagnies en milieu privé. Il est important que des portions de territoire en milieu privé puissent être légalement désignées, réglementées, administrées et ainsi protégées par des moyens efficaces.

C'est donc avec grand intérêt que nous avons pris connaissance du projet de loi n° 149, soit la Loi sur les réserves naturelles en milieu privé, puisqu'il s'agit d'une mesure attendue depuis fort longtemps par les organismes voués ou préoccupés par la conservation et la protection de l'environnement. Lorsqu'il en a fait l'annonce en juin dernier devant nos membres, le ministre de l'Environnement a d'ailleurs pu mesurer la frénésie et l'enthousiasme provoqués chez certains de ceux-ci.

n (10 h 50) n

Nous accueillons donc avec une grande satisfaction le projet de loi sur les réserves naturelles. Tout en demeurant suffisamment simple et souple, il constitue à notre avis un très bon outil pour encourager la création de réserves naturelles en milieu privé. Nous sommes particulièrement satisfaits de voir que le ministre donne, à l'article 16, le pouvoir de mettre en place des outils fiscaux dans le but de favoriser et de soutenir la création, la conservation, la surveillance et la gestion de ces réserves naturelles. Le Regroupement national des CRE milite depuis longtemps en faveur du recours à la fiscalité et aux instruments économiques en complément des réglementations pour assurer la protection de l'environnement et le développement durable.

Je vais maintenant céder la parole à Alexandre qui va aborder les considérations spécifiques.

M. Turgeon (Alexandre): Alors, quelques considérations spécifiques en regard du projet de loi. L'article 1 du projet de loi n° 149 précise: «Toute propriété privée dont les caractéristiques sur le plan biologique, écologique, faunique, floristique, géologique, géomorphologique ou paysager présentent un intérêt qui justifie leur conservation peut, sur demande faite par son propriétaire dans les conditions établies ci-après, être reconnue comme réserve naturelle.» L'objectif étant d'encourager la conservation d'un maximum d'espaces, nous estimons que la notion d'intérêt qui est utilisée ici doit être comprise au sens large et non pas limitée à des caractéristiques dites exceptionnelles. Nous croyons, par exemple, que les caractéristiques d'une propriété qui présentent un intérêt pour un groupe, une famille ou même un seul individu peuvent s'avérer tout aussi intéressantes.

À la section II, le paragraphe 5° de l'article 4 précise:

«Avant de reconnaître la propriété comme réserve naturelle, le ministre conclut avec le propriétaire une entente qui prévoit entre autres:

«5° les activités permises et celles prohibées.»

Nous avons des interrogations quant aux moyens qui seront utilisés pour assurer l'harmonisation de ces dispositions avec les usages prévus au règlement de zonage des municipalités.

Au chapitre V, Dispositions pénales, l'article 19 précise enfin: «Quiconque endommage une propriété reconnue comme réserve naturelle ou endommage ou détruit un bien en faisant partie commet une infraction et est passible d'une amende d'au moins 500 $ et d'au plus 20 000 $.» Certains de nos membres ont exprimé leur inquiétude quant à la faiblesse de ces amendes en regard du potentiel de dommage ou de destruction qui pourrait survenir dans certains cas. Le ministre peut-il réclamer des montants supplémentaires lorsque la remise des lieux dans l'état où ils étaient avant la perpétration de l'infraction s'avère en tout ou en partie impossible? Notons que la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables prévoyait déjà, depuis 1990, des amendes similaires pour les individus, mais aussi des amendes de 1 000 $ à 40 000 $ pour les personnes morales. Nous croyons que les dispositions de ces articles devraient prévoir une fourchette plus large de pénalités, de 500 $ à 100 000 $, de façon à dissuader le plus possible toute personne de tenter de vouloir causer des dommages dans une réserve naturelle en milieu privé.

En terminant, le Regroupement national réitère sa pleine satisfaction à l'égard de l'adoption par le gouvernement du projet de loi n° 149 portant sur les réserves naturelles en milieu privé. Nous sommes d'avis que ce projet de loi permettra assurément la désignation de nouvelles réserves naturelles en milieu privé et qu'il deviendra une pièce majeure dans l'avenir du mouvement de conservation volontaire au Québec.

Donc, notre présentation se termine comme ça, c'est assez simple. Vous savez que c'est un projet de loi sur lequel on n'a entendu que des bons mots de la part de nos groupes, de même que par les différents lobbys. On le qualifie souvent de bijou et on en est pleinement satisfait. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, messieurs. M. le ministre de l'Environnement, pour amorcer les échanges.

M. Bégin: Merci, M. Bourke et M. Turgeon. Vous dites modestement que vous n'avez pas beaucoup de points, mais je crois, au contraire, que vous en avez soulevé plusieurs qui sont intéressants. Tout d'abord, celui qui concerne l'intérêt, à l'article 1. Vous mentionnez qu'il ne faudrait pas que ce soit nécessaire qu'il y ait des caractéristiques, et là vous mettez entre guillemets «exceptionnelles», mais que ce soit un intérêt plus général. Est-ce que la formulation que l'on retrouve dans 1, qui est un intérêt, mais qui est qualifié, c'est-à-dire un intérêt qui justifie leur conservation, est-ce que cette qualification-là ne contourne pas la difficulté que vous soulevez, en ce sens que, pour qu'on ait un intérêt, ce n'est pas exceptionnel... mais qui justifie leur conservation? Ça peut être très variable dans les circonstances. Si on a 50 milieux d'un tel type, on va peut-être moins se sentir justifié de le conserver que si on est devant un site peut-être pas extraordinaire, mais qu'on retrouve peu, et, à ce moment-là, les qualificatifs qui justifient leur conservation ne seraient pas suffisants.

M. Turgeon (Alexandre): Je dirais que ça dépend, parmi nos membres, du caractère craintif, prudent ou optimiste de la lecture qui est faite de cet article-là. Certains n'y voyaient pas de problème, d'autres avaient des craintes. Mais l'exemple que vous me donnez, je pense, exprime un peu les craintes. S'il y a 50 sites de 100 m par 400 m, d'une certaine nature, un boisé, qui sont protégés ailleurs, est-ce que ça veut dire que, pour quelqu'un qui est dans le Bas-Saint-Laurent, dans le comté de Témiscouata où il n'y en a pas de type de boisés comme ça qui ont été protégés, un individu qui présente un intérêt à conserver un espace, qui veut le préserver contre des développements potentiels ou futurs par fragmentation de sa propriété, peut le protéger? Alors, c'est dans ce sens-là qu'on souhaitait que la notion d'intérêt soit évaluée de façon assez large et qu'on se fie finalement aux communautés et aux individus qui soumettent des projets.

M. Bégin: Parce que je retrouvais dans l'article 2, au paragraphe 3° et dans le dernier alinéa, les mêmes éléments. On disait: «La demande [...] doit comprendre: 3° les caractéristiques de la propriété qui présentent un intérêt qui justifie leur conservation.» Et, dans le dernier alinéa: «La demande peut être accompagnée d'un rapport établi par une personne qualifiée faisant apparaître l'intérêt à reconnaître la propriété comme réserve naturelle.»

Donc, il y a évidemment un certain subjectivisme là-dedans, mais il y a quand même une indication qu'on n'en reconnaîtra pas arbitrairement. On n'en refusera pas non plus arbitrairement, mais on aura quand même à justifier que c'est quand même intéressant de le faire. Tout terrain, mettons une gravellière, si quelqu'un disait: Je veux la donner pour être capable d'avoir une exemption fiscale, en disant que c'est un intérêt particulier ou exceptionnel, il faut être capable de dire: Bien non, écoutez, là, une gravellière, on en a, mais on n'a pas besoin de la reconnaître comme un milieu intéressant. Donc, il faut qu'on soit capable de qualifier le lieu comme ayant un certain intérêt par rapport à ce que la loi vise à protéger. Est-ce que c'est trop sévère? Pas assez? C'est ce que je comprends mal.

M. Turgeon (Alexandre): En fait, la pratique et l'application de la loi va nous le montrer. Je dirais qu'une première lecture ne nous causait pas de problème, mais on nous a quand même demandé de soulever ce point-là et on va voir, dans les années à venir, s'il y a des cas de refus où on aurait considéré intéressante la protection de certains milieux. Mais, a priori, je pense que le texte de loi est suffisamment large pour embrasser les deux visions.

M. Bégin: Merci. Pour la section II, vous soulevez quelque chose de très intéressant: une possible non-harmonisation entre ce qui pourrait être réserve naturelle et les usages qui seraient permis sur le plan du zonage. Pouvez-vous expliquer les craintes que vous avez, par exemple, spécifiquement à l'égard de cette contradiction?

M. Turgeon (Alexandre): Je vais prendre un exemple que vous connaissez bien, le boisé des Compagnons-de-Cartier.

M. Bégin: Oui.

M. Turgeon (Alexandre): C'est un zonage résidentiel. Si le propriétaire de ce terrain-là n'avait pas été une commission scolaire ou une corporation... Mettons que c'est un individu. Il souhaite en faire une réserve naturelle. Il est en zonage résidentiel. Dans l'entente que vous devez conclure avec le propriétaire, on spécifie les usages qui vont être autorisés. Est-ce que ça force la municipalité à harmoniser son zonage avec les usages que vous autorisez dans la reconnaissance? Est-ce que, ce faisant, parce qu'on force l'harmonisation, on facilite... ce ne sera pas le même niveau de taxation sur le terrain au niveau municipal. Est-ce que ce ne sera pas le même... Si on favorise l'harmonisation et donc on dit à la municipalité: Bien là, ça ne peut plus être un usage résidentiel, je pense qu'on diminue la pression aussi au niveau des taxes foncières qui vont être exigées au propriétaire.

n(11 heures)n

M. Bégin: On connaît un cas, qui n'est pas loin du boisé auquel vous venez de faire référence, qui est celui qui s'appelle le boisé Marly, c'est quasiment même la continuité physique de l'autre, séparé par le boulevard Quatre-Bourgeois. Ce terrain, ce boisé Marly, est zoné résidentiel, mais le propriétaire, par hypothèse, ne veut pas y faire de la résidence, il veut plutôt... et il l'a destiné à être un boisé, une réserve écologique, et c'est le gouvernement, dans le cas présent, et le gouvernement dit: Moi, je veux que ce soit une réserve écologique. Donc, le zonage, dans un certain sens, ne l'affecte pas, parce que la volonté du propriétaire, c'est celle qui domine. Même si la municipalité dit: Je vais prévoir dans telle zone tel usage, le propriétaire peut dire: Oui, je vais faire cet usage-là. Mais il peut dire aussi: Cet usage-là ne m'intéresse pas et je n'utilise pas mon terrain. Alors, s'il a pris la peine de rencontrer un groupe environnemental pour dire: Je veux léguer, céder, transférer, peu importe le terme, ce bien-là au public en en faisant une réserve naturelle, quoi que le règlement de zonage dise, personne ne pourra interférer avec ça. Et, comme c'est une réserve pour au moins 25 ans et même, dans certains cas, perpétuelle, ça sera embêtant pour la municipalité de vouloir continuer à avoir un zonage qui va définitivement à l'encontre de la volonté du propriétaire.

M. Turgeon (Alexandre): Mais je reprendrai ma question ? vous avez plus d'expérience que moi en droit municipal: Si la municipalité change le zonage pour s'aligner sur la désignation qui est accordée par le ministère à un propriétaire qui fait reconnaître son terrain comme réserve naturelle, est-ce qu'il n'y a pas là un avantage fiscal? Parce que l'usage potentiel vient de changer, le niveau de taxation pour un usage résidentiel est certainement plus élevé dans une municipalité qu'un usage récréatif.

M. Bégin: Vous avez tout à fait raison qu'un terrain zoné parc, par exemple, n'a pas la même valeur commerciale qu'un terrain zoné résidentiel. Par contre, dans la valeur, on va tenir compte de ce zonage-là, mais, par hypothèse, on va tenir compte aussi de la volonté du propriétaire d'en faire une réserve volontaire et non simplement une question d'intention, mais par le biais d'une reconnaissance faite par l'État, par le ministère de l'Environnement. Alors là on est en face de deux volontés: une qui est municipale et l'autre qui est du propriétaire, reconnue par l'État. Alors, à ce moment-là, ça va certainement jouer dans l'esprit de l'évaluateur pour baisser la valeur de la propriété, donnant par le fait même un avantage au propriétaire sur le plan fiscal. C'est le but de l'opération.

Mais il est évident que l'idéal, c'est qu'à chaque fois que le propriétaire destine à une fin publique une partie ou la totalité de ses biens, bien, qu'on puisse avoir un zonage qui y correspond. Mais alors je vois mieux votre question et je trouve que c'est très percutant.

Troisième aspect, mais je pense que celle-ci, la réponse se trouve peut-être dans le texte de loi. Dans les page 4 et 5, vous parlez des amendes. Là, vous dites, dans un premier temps: C'est peut-être faible. Mais, dans la troisième ligne, vous dites: «Le ministre peut-il réclamer des montants supplémentaires lorsque la remise des lieux dans l'état où ils étaient avant la perpétration de l'infraction s'avère en tout ou en partie impossible?» Alors, dans le texte de l'article 22, il est prévu que non seulement on puisse demander une amende, mais, en donnant un avis approprié, on puisse demander la réhabilitation, la remise en état, par celui qui a commis une infraction, des lieux et, faute par lui de le faire, que l'État puisse faire faire, aux frais de l'infracteur, la remise en état des lieux. Est-ce que ça répond à votre question ou si c'est un autre angle que je ne vois pas, là, que vous voulez soulever?

M. Turgeon (Alexandre): En fait, la question, c'est: Comment on fait pour remettre en état, par exemple, un boisé où il y a des arbres cinquantenaires, centenaires? Et la remise en état ne compensera jamais, on pense, parce que ça va être des jeunes arbres, ça ne compensera jamais pour la perte du lieu, du paysage tel qu'il était avant l'infraction. Alors, la remise en état, à notre avis, plus l'amende, dans un cas, pourraient coûter moins cher que le dommage causé et...

M. Bégin: Et donc d'où votre idée de la faiblesse des amendes. C'est ça?

M. Turgeon (Alexandre): Oui. Et d'ailleurs, c'est pour ça qu'on référait à la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables qui prévoyait déjà, il y a 10 ans, le même type d'amende et qui avait aussi des dispositions pour les personnes morales qui étaient deux fois plus élevées que celles qu'on prévoit dans ce projet de loi ci.

M. Bégin: Bon, c'est parce que le texte de loi vise à regarder l'infraction pénale et comment aussi pallier à l'insuffisance de la pénalité par une remise en état des lieux qui, par hypothèse, coûte beaucoup plus cher. Mais il y a aussi cette possibilité qui existe entre les mains du propriétaire de réclamer le montant des dommages causés à sa propriété et, à ce moment-là, il y a au moins une compensation à l'égard du propriétaire.

Il est évident que même la remise en état ne peut pas tout refaire. On peut corriger, mettons, un cours d'eau qui aurait été endommagé par le passage de bulldozers. Par exemple, on peut réaménager et faire en sorte qu'on retrouve à peu près l'état naturel. C'est sûr qu'un arbre de 20 ou 30 pouces de diamètre qui a été abattu, bien, quand même qu'on le remettra sur la souche, ça ne repartira pas. Donc, on a une incapacité de le réaliser. Mais on peut au moins dire: Bien, cette partie-là, on va la réhabiliter le mieux et planter des arbres presque matures pour gagner sur le temps. Mais on ne compensera jamais, et je pense que c'est le volet du civil qui peut être la réponse à votre question.

Dernière question. Le groupe avant vous, qui s'appelle Canards Illimités, et d'autres ont fait une demande de modification de l'article 4 afin que non seulement le propriétaire puisse se faire accréditer, mais que le groupe environnemental ou le groupe qui a fait les démarches auprès du propriétaire avec ou sans le propriétaire puisse se faire accréditer ou faire reconnaître le lieu. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette demande-là ou si vous ne...

M. Turgeon (Alexandre): Avec l'accord du propriétaire évidemment?

M. Bégin: Pardon?

M. Turgeon (Alexandre): Avec l'accord du propriétaire?

M. Bégin: Oui, oui, bien sûr. Oui, parce que c'est une demande qui a été répétée par, je pense, tout le monde, ou à peu près, dans ce sens-là, et vous n'en parlez pas. Alors, vous êtes d'accord avec cette demande-là?

M. Turgeon (Alexandre): Oui, tout à fait.

M. Bégin: O.K. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député d'Orford et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Benoit: Oui. D'abord, M. Bourke, M. Turgeon, merci d'être avec nous aujourd'hui. Deux fois dans la même semaine, c'est agréable de vous avoir ici. On ne vous promet pas la même chose pour la semaine prochaine. Nous, on va y être, mais on ne vous promet pas que vous allez y être.

Quelques courtes questions suite à votre mémoire. D'abord, dans votre mémoire, et c'est à la lecture... M. Turgeon, quand vous avez lu l'article 1, j'ai réalisé que le mot «paysage» était dans cet article-là, et ce n'est pas d'aujourd'hui que, de notre côté de la Chambre, nous croyons qu'il n'y a pas de politique sur les panoramas et les paysages. Pour avoir fait la commission parlementaire sur la foresterie, qui a duré tout le mois de septembre, octobre et, je pense, une partie de novembre, on a écouté une centaine de mémoires, beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens sont venus nous parler de panoramas et de paysages, comment les forestiers y allaient allègrement.

La question: Certaines provinces, certains pays, certains continents se sont donné des politiques en ce qui a trait aux paysages et aux panoramas, ils se sont donné des lois. On n'a pas ça ici, au Québec, c'est un choix qu'on a fait. Mais est-ce que vous croyez que cette loi-là, elle est assez forte pour nous aider rapidement à arrêter un grand nombre des erreurs qu'on fait quand on parle de panoramas et de paysages?

M. Turgeon (Alexandre): C'est certainement...

Une voix: ...

M. Turgeon (Alexandre): C'est le premier projet de loi, je pense, où on parle spécifiquement de protection de paysages. Cependant, je pense que cet outil-là, tout en aidant la cause des paysages, ne pourra pas tout régler, parce que je pense qu'il y a des paysages qui vont recouper plusieurs propriétés et qu'ils vont dépasser les possibilités d'application de ce projet de loi là. Je pense que la stratégie sur les aires protégées qui est en cours va peut-être apporter un début de réponse à la question des paysages. Et je pense qu'au cours des prochaines années, des 10 prochaines années, il va falloir se doter d'outils plus spécifiques et se servir des exemples étrangers, notamment la France, en matière de protection des paysages. Donc, c'est un outil intéressant qui permet de le faire à peut-être des petites échelles, mais il va falloir certainement aller plus loin avec d'autres outils.

M. Benoit: Je sais que ce n'est pas le projet de loi et je ne veux pas non plus... Mais, pendant que je vous ai là, est-ce que les schémas d'aménagement seraient l'outil en ce qui a trait aux paysages et aux panoramas? Est-ce que les schémas d'aménagement dont... On en est à la deuxième génération. Est-ce que la troisième génération, on pourrait... On sait qu'on donne des missions à ces schémas d'aménagement là à l'intérieur de chacune des MRC. Est-ce que ça serait une des approches? Vous l'avez dit vous-même, on n'a peut-être pas tous les outils, Est-ce que le meilleur outil, ce ne serait pas finalement via la MRC, dans une prochaine génération de schémas, qu'on s'attaque à cette problématique-là?

M. Turgeon (Alexandre): J'aurais envie de dire oui. Cependant, il va falloir peut-être qu'au niveau des orientations gouvernementales le gouvernement, en matière d'aménagement et dans les demandes qu'il fait aux MRC dans l'élaboration de leur schéma d'aménagement, il soit peut-être un peu plus directif. Et je pense que, quand on a adopté la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, en 1979, avec une adoption d'un schéma d'aménagement et une révision aux cinq ans, on se serait attendu à ce qu'on ait davantage de schémas de deuxième génération d'adoptés en 2001, ce qui n'est vraiment pas la majorité des cas dans les MRC à travers le Québec. Et donc, quand vous me parlez de schémas de troisième génération, est-ce que ça veut dire qu'il va falloir attendre aussi loin qu'en 2020? Ça, c'est peut-être le côté qui me fait craindre qu'il faille attendre longtemps. Mais certainement que le schéma d'aménagement devrait identifier les paysages, au même titre que, par exemple, le schéma se doit d'identifier les actions que les différents ministères entendent faire au cours des prochaines années. Une MRC consulte le gouvernement pour savoir quelles actions il entend prendre. Notamment, en matière de transport, elle doit identifier ça dans son schéma d'aménagement. Donc, l'identification des paysages, ça pourrait être soit parce qu'elle le fait elle-même ou parce qu'une autorité gouvernementale désignant les paysages demanderait à la MRC de bien identifier ces paysages-là que cette autorité-là a identifiés elle-même. Donc, un ou l'autre.

n(11 h 10)n

M. Benoit: Très bien. Vous savez que le projet de loi s'intitule Loi sur les réserves naturelles en milieu privé. J'aurais aimé, nous aurions aimé, de notre côté de la Chambre, qu'on y ajoute aussi «privé et public». Il y a plein de cas au Québec où... Exemple, une commission scolaire dans la région de Québec est propriétaire d'un magnifique boisé, et beaucoup de gens pensent que cette commission scolaire n'en aura jamais besoin ? elle-même l'admet ? et qu'on devrait en faire un terrain public protégé. Je pense à la Caisse de dépôt qui acquiert toutes sortes de centres d'achats et avec des marais à l'arrière, avec des forêts. Je pense à un terrain, et là c'est un cas précis où le ministère de la Santé est poigné avec un immense terrain, un des plus beaux paysages du Québec qui a passé sur je ne sais pas combien de posters touristiques à travers le monde, et là on ne trouve pas le moyen de préserver ce terrain-là pour les générations futures, et ça va être vendu à des gars qui veulent faire des rodéos. Ou, enfin, il y a toutes sortes de rumeurs, peut-être un bunker, parce qu'il y a un édifice en ciment là-dessus, aux Hell's Angels. Alors, est-ce que ce projet de loi là ne devrait pas aussi toucher à l'aspect public, non pas seulement aux terrains privés, mais aussi aux terrains publics?

M. Turgeon (Alexandre): Bien, je pense que les exemples que vous donnez, que ce soit une municipalité ou une commission scolaire, nous, l'interrogation qu'on a eue par rapport... Ça demeure des terrains privés. Leurs propriétés qui sont dans des territoires municipaux, ça demeure des terrains privés. Donc, la loi s'applique. La question, c'est comment les programmes d'aide prévus à l'article 16 vont pouvoir s'appliquer pour une commission scolaire, quels types d'avantages fiscaux on va pouvoir donner à une commission scolaire pour pouvoir mettre en oeuvre de façon avantageuse pour elle cette loi-là. Et l'exemple qu'on donnait tantôt où une commission scolaire, justement à Sainte-Foy, est propriétaire d'un boisé jugé exceptionnel, moi, je pense que la loi s'applique. La question, c'est dans l'application de l'article 16, quels types d'avantages au niveau fiscal on peut donner pour que ça soit intéressant aussi pour la commission scolaire de le faire.

M. Benoit: La compréhension du ministre et la mienne ? hier, nous en avons discuté ? c'est que la loi ne s'appliquerait pas. Il faudrait effectivement que la commission scolaire se départisse de ces terrains aux dépens d'un organisme quelconque. Et la même chose pour la Caisse de dépôt, avec le marais en arrière du centre d'achats, ou le ministère de la Santé. Il faudrait que le ministère de la Santé se départisse aux dépens d'un groupe, et là il y a une étape de plus et une complication de plus. C'est pour ça que je vous posais la question; moi aussi, je pense, et nous pensons, de ce côté-ci de la Chambre, que le projet devrait s'adresser à toutes les terres du Québec et à tous les marais du Québec dans la mesure où on trouve des moyens d'y arriver.

Finalement, dernière question. Est-ce qu'il me reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Lachance): Oui, oui.

M. Benoit: Les CRE ? et, quand on regarde votre «crest», vous avez un haut-parleur ? vous êtes des grands promoteurs de l'environnement, vous faites de l'éducation sur le terrain, c'est tout à votre honneur. Comment arrivez-vous, vous qui êtes sur le terrain, à créer cette culture de donner un bien privé au public? On sait que la communauté anglophone dans certaines régions de l'Estrie a eu cette culture. Elle n'a pas hésité, à travers ces temps, à donner ses oeuvres d'art, à donner ses manoirs, à donner des terrains. Ils avaient ça. Ça venait un peu de leur culture, ça venait de leur religion souvent. Les communautés religieuses ont eu ça au Québec. Ça fait partie de notre patrimoine. Elles sont après redonner leurs collèges privés finalement, etc. Mais les individus, on n'a pas acquis encore cette culture ou, en tout cas, pas suffisamment. Comment vous et comment pourrions-nous arriver à promouvoir l'idée qu'un terrain qui est privé, qui a une grande valeur patrimoniale, une grande valeur environnementale... que nous puissions en faire un bien public au-delà de donner quelques petits avantages fiscaux?

M. Turgeon (Alexandre): Moi, je pense qu'il va falloir promouvoir, faire la promotion de cet outil-là. Qui? Je pense qu'il y a plusieurs acteurs qui pourraient le faire. Il va falloir s'assurer qu'un peu partout à travers le Québec on connaît cet outil-là, mais surtout qu'on connaît les bénéfices fiscaux qui vont y être attachés. Et, pour le moment, bien, ça, c'est dans l'application de l'article 16 qu'on va peut-être pouvoir le savoir plus tard. Et, à ce moment-là, au même titre que d'autres mesures fiscales qui peuvent être avantageuses pour des individus, bien, on s'organise pour les leur faire connaître, celle-là devra être publicisée, et je pense que les CRE vont pouvoir jouer un rôle là-dedans auprès des municipalités. Les municipalités elles-mêmes vont pouvoir être des... Je vois souvent des dépliants pas toujours... que je ne souhaiterais pas voir dans les municipalités. Je vois, par exemple, des municipalités qui font la promotion des firmes d'avocats qui vont aider leurs citoyens à dézoner le territoire agricole; je préférerais voir un dépliant qui explique le programme de mise en place de réserves naturelles en milieu privé.

M. Bourke (Philippe): Moi, j'ajouterais qu'au-delà des avantages fiscaux il va falloir aussi faire la promotion des avantages écologiques, donc tout ce qui est autour de l'avantage de protéger une aire, puis je pense qu'avec la stratégie québécoise des aires protégées qui s'en vient et qui prévoit déjà, de toute façon, une importante campagne de sensibilisation, ça va aider beaucoup à amener jusqu'à la population l'idée de l'importance pas nécessairement financière et économique, mais aussi écologique et durable de protéger des aires.

M. Benoit: Est-ce que j'ai compris que les CRE ? vous parlez au nom de tous les CRE, donc à peu près tout ce qu'il y a de mouvement environnemental au Québec ? vous seriez prêts à prendre le bâton de pèlerin et en faire la promotion de ce projet de loi là à la grandeur du Québec?

M. Turgeon (Alexandre): Je pense qu'on peut être un acteur, mais je ne veux surtout pas non plus enlever le mandat à d'autres groupes. J'ai entendu tantôt Canards Illimités parler du Centre québécois du droit de l'environnement. Ça dépend à quel niveau on fait la campagne, et je pense que le Centre québécois du droit de l'environnement, si on veut un organisme responsable au niveau national, il pourrait tout à fait être l'organisme responsable d'effectuer... de faire l'information et la formation sur cet outil-là et comment faire... procéder à une demande lorsqu'on a un terrain qu'on voudrait mettre en... avoir la désignation de réserve naturelle.

M. Benoit: Parce que, au-delà des bonnes intentions d'un projet de loi, et on en a trop vu, si on veut que quelque chose se réalise, il va falloir qu'on sorte ça des officines gouvernementales et que des citoyens comme vous, des citoyens comme Ducks Unlimited, eux, prennent leur bâton de pèlerin et fassent la promotion. Pour ce qui est de tout l'aspect technique de ça, effectivement, il y a Ducks Unlimited, il y a les gens qu'on va rencontrer cet après-midi, mais, pour faire la promotion, pour s'assurer qu'assez rapidement sur le terrain les gens sachent qu'il y a un outil, il est valable, il est simple, il est efficace, et puis, financièrement, ils pourraient y trouver leur compte, enfin, moi, je... on va espérer que des gens comme vous vont aller de l'avant et vont faire la promotion de ça et le plus rapidement possible. Nous devrions avoir cette loi-là dès le moment où nous allons revenir à l'Assemblée nationale, le 13 mars, je crois. Alors, le printemps est un bon temps pour faire la promotion de ces choses-là, M. le ministre.

Alors, les gens du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement, merci d'avoir été ici aujourd'hui, et vous êtes toujours les bienvenus deux fois par semaine.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député d'Orford. M. le député de Salaberry-Soulanges, en vous indiquant que le ministre voudrait aussi partager le solde de l'enveloppe de temps qu'il reste. Il reste huit minutes.

M. Deslières: Allez, M. le ministre.

M. Bégin: Non, non, vas-y... Après vous, M. le député.

M. Deslières: Rapidement. Merci, M. le Président. Juste pour faire une référence à la discussion que vous aviez avec le critique de l'opposition, le député d'Orford, concernant la protection, la mise en valeur du paysage, et le sujet est très pertinent. Les MRC, quelques MRC, je crois, ont déjà, dans la présentation de leur schéma de deuxième génération, inclus cette... Quelques-unes, Papineau... Quelques-unes, ça commence. Mais, effectivement, le député d'Orford a raison, là, il ne faudrait pas attendre trop longtemps pour inclure ça dans les politiques du schéma d'aménagement des MRC.

Juste une référence au chapitre V, vous mentionnez qu'une disposition pénale... C'est une question technique, mais quand même importante parce que ça sous-tend une philosophie, puis je veux vous entendre sur ça. Vous dites que présentement l'amende minimale est de 500 $... sera de 500 $ et d'au plus 20 000 $ et vous demandez une multiplication par cinq de l'amende maximale tout en gardant le minimum à 500 $ malgré que vous fassiez référence à une loi sur les espèces menacées ou vulnérables où elle fixe à 1 000 $... Qu'est-ce qui sous-entend la multiplication par cinq de l'amende maximale et du maintien à 500 $, même si vous faites référence à d'autres lois qui disent: Le minimum est à 1 000 $? Je veux juste vous entendre.

n(11 h 20)n

M. Turgeon (Alexandre): Dans le cas de la Loi sur les espèces menacées, quand il s'agit d'un individu, les amendes prévues, pour un individu, sont de 500 $ à 20 000 $. Pour une corporation, une entreprise, c'est de 1 000 $ à 40 000 $. Nous, ce qu'on souhaitait, c'est de laisser au procureur du gouvernement, du ministère de l'Environnement, le soin d'être capable de demander des peines qui correspondent aux dommages. Il ne faut pas oublier que la loi, elle va être encore en vigueur dans 25, dans 30 ans, et on risque de retrouver les mêmes montants pour les amendes. Qu'est-ce que ça va représente, 20 000 $, dans 25 années? Et d'où pour nous.. Et, par contre, on ne voulait pas... Quand le dommage est, somme toute, marginal, s'il y a une pénalité, s'il y a une amende, on ne voyait pas de problème à laisser un montant minime de 500 $. Par contre, on voulait laisser une plus grande marge de manoeuvre au procureur, tout simplement.

M. Deslières: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Bégin: Ça va aller un peu dans le sens premier de la question de mon collègue. Vous avez manifesté l'inquiétude qu'on doive attendre 20 ans, c'est-à-dire la troisième génération de schémas d'aménagement, pour qu'on s'occupe du paysage. Je vous rappelle qu'au mois de juin, le 20 juin 2000, j'ai fait adopter par le Conseil des ministres le cadre d'orientation concernant les aires protégées avec mandat de déposer au plus tard le 20 juin 2001, dans quelques mois, une stratégie sur les aires protégées. Et je dois vous dire que, dans le cadre d'orientation, il y a le désir de protéger la diversité biologique sous toutes ses formes, et cela inclut le paysage. Et il y aura, au moment du dépôt de la stratégie, au mois de juin, un élément très important portant sur le paysage parce que je considère que c'est nécessaire que nous ayons ça, et c'est plaisant de voir que tout le monde semble être préoccupé à cet égard-là. Et l'information que j'ai, c'est que nous serons en mesure de rencontrer l'échéance que le Conseil des ministres nous a donnée, c'est-à-dire avoir une stratégie au mois de juin 2001. Alors, on se donne un rendez-vous à ce moment-là pour rediscuter du paysage.

M. Turgeon (Alexandre): On le souhaite et on souhaite que l'échéancier concernant la stratégie sur les aires protégées soit maintenu. Et on souhaite que le ministère de l'Environnement continue d'assumer son leadership, comme il le fait depuis le début de la mise en place de la stratégie.

Le Président (M. Lachance): Alors, MM. Turgeon et Bourke, merci pour votre participation aux travaux de cette commission. Et, là-dessus, je suspends nos travaux jusqu'à 15 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 11 h 23)

 

(Reprise à 15 h 2)

Le Président (M. Bordeleau): Alors, la commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Alors, je vous rappelle que le mandat de la commission est de tenir des consultations particulières sur le projet de loi n° 149, Loi sur les réserves naturelles en milieu privé.

Alors, s'il y a des personnes dans la salle qui ont des téléphones cellulaires, on apprécierait que vous les fermiez durant la séance.

Alors, je demanderais maintenant au premier organisme qu'on doit entendre cet après-midi, c'est-à-dire le Centre québécois du droit de l'environnement, de prendre place, ce qui est déjà fait. Et je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour votre présentation et, ensuite, 15 minutes de discussions, d'échanges avec le ministre et le représentant de l'opposition officielle responsable du dossier, le député d'Orford.

Alors, je demanderais au porte-parole du Centre québécois du droit de l'environnement de se présenter et de présenter la personne qui l'accompagne.

Centre québécois du droit
de l'environnement (CQDE)

M. Valiquette (Pierre): Oui. Bonjour. Mon nom est Pierre Valiquette, je suis administrateur au Centre québécois du droit de l'environnement, et Jean-François Girard est un avocat du Centre qui m'accompagne présentement.

Alors, je voudrais profiter de l'occasion pour remercier les parlementaires de nous donner la chance de nous exprimer sur le projet de loi n° 149. Ça nous fait toujours plaisir de participer à ce type d'exercice là. Alors, je vais juste introduire qui nous sommes, le CQDE, et, ensuite, je vais donner la parole à Jean-François qui va vous expliquer notre mémoire, qui va vous le synthétiser rapidement.

Alors, nous sommes un organisme non gouvernemental, à but non lucratif, qui a été fondé en 1989. Notre mission, c'est de promouvoir le droit de l'environnement comme outil de protection de la santé publique et du patrimoine collectif. À ce titre, le CQDE participe aux consultations publiques relatives aux différentes réformes législatives ou réglementaires. Le CQDE a soumis plus de 20 mémoires depuis qu'il existe, des mémoires, des analyses juridiques, à l'attention de commissions parlementaires, du Sénat, ici, au Québec, ou à Ottawa, de différents ministères aussi.

En matière de conservation, le CQDE met son expertise au service des groupes de conservation et des organisations gouvernementales. En particulier, le CQDE a produit des guides, des cours de formation. Il organise des conférences pour aider les intervenants à mieux intervenir en matière de conservation. Alors, ça, ça vous indique un peu qu'est-ce qu'on fait.

À partir de là, bien, je vais demander à Jean-François de vous parler spécifiquement de nos commentaires sur le projet de loi sur les réserves naturelles en milieu privé.

Le Président (M. Bordeleau): M. Girard.

M. Girard (Jean-François): Merci. Sur la base de cette expertise en conservation et en critique législative et réglementaire, le CQDE proposait, en 1995, une proposition de projet de loi, qui avait été présentée par Me Benoît Longtin, qui était à l'époque à l'emploi du CQDE, et qui s'intitulait: Vers une nouvelle servitude de conservation et une réforme de la fiscalité des espaces naturels. Cette proposition de projet de loi reposait essentiellement sur la technique des «conservation easements», tel qu'on les connaît, on les retrouve dans les juridictions de «common law». Cette proposition de projet de loi voulait aussi répondre aux demandes des groupes de conservation qui, depuis le début des années quatre-vingt-dix, s'adressaient au gouvernement pour obtenir un nouvel outil qui leur faciliterait la conclusion d'ententes de conservation et la réalisation de projets de conservation.

Épurées à l'essentiel, ces demandes des groupes de conservation se résument à trois aspects importants. Premièrement, l'outil à créer doit permettre ou devrait permettre, lorsque désiré, de conserver des espaces naturels de façon perpétuelle en utilisant la technique juridique des servitudes, comme le permettent les «conservation easements» dans les juridictions de «common law», permettant ainsi au propriétaire du terrain de le demeurer. Deuxièmement, le gouvernement, par ce projet de loi là ou par la loi créée, devait faciliter la réalisation de projets de conservation par l'introduction d'incitatifs fiscaux adéquats et cohérents. Et le troisième point, le gouvernement doit reconnaître le rôle essentiel des groupes de conservation au sein de cette loi et prévoir des programmes d'aide pour appuyer l'action des groupes de conservation.

Mais qui sont ces groupes de conservation et que font-ils? Vous me permettrez de brosser brièvement un tableau de la situation et du mouvement d'intendance privée tel qu'il se vit actuellement au Québec.

Les groupes de conservation sont généralement des organismes sans but lucratif dont la mission est de conserver des milieux naturels et/ou des caractéristiques patrimoniales. La plupart du temps, ce sont les initiateurs des projets de conservation auprès des propriétaires fonciers. D'envergure locale, régionale, nationale et même internationale, ils agissent en complémentarité avec l'État.

Le mouvement d'intendance privée, c'est un mouvement autonome qui repose sur la capacité et l'habilité des groupes à conclure des ententes de conservation et à piloter des projets de conservation. À ce jour, les ententes de conservation reposent toutes sur des contrats tirés de notre Code civil. Que ce soient bail, vente, donation, servitude, ces ententes sont le reflet de la capacité de s'obliger des êtres humains les uns envers les autres et ces ententes reposent sur le principe de la liberté contractuelle qui prévaut dans notre droit civil.

Fait à noter et qui est important, jusqu'à présent, les ententes de conservation ont toujours été conclues sur une base volontaire et généralement sans que l'État n'y intervienne directement. Nous pensons qu'une nouvelle loi sur les réserves naturelles ou sur la conservation volontaire doit tenir compte de ces particularités pour être efficace et pertinente. Justement, le projet de loi n° 149, en tenant compte des demandes des groupes de conservation dont je viens de faire état, en tenant compte des caractéristiques inhérentes au mouvement de la conservation volontaire, on doit admettre que le projet de loi a de quoi surprendre au premier abord. Alors que les groupes de conservation avaient demandé au gouvernement une pelle pour faire leur travail ? et vous me permettrez d'utiliser cette image-là ? on leur a offert une fourche. Ça n'empêchera pas de faire le travail, mais ça va certainement les obliger à faire le travail autrement.

Une lecture attentive du projet de loi nous amène à conclure cependant que c'est un projet de loi intéressant, notamment en ce qu'il permet d'atteindre la perpétuité des ententes de conservation qui était un point important dans les demandes des groupes. Aussi, parce que le propriétaire conserve ses droits sur son terrain, et prima facie, parce que la procédure semble assez simple, la procédure de désignation à titre de réserve naturelle.

n(15 h 10)n

Cependant, on y voit des difficultés au projet de loi. En fait, il y a un problème, à notre avis, quant au rôle des groupes au sein du projet de loi. Tout simplement, on ne les y retrouve pas. Le rôle véritable des organismes de conservation est occulté à l'intérieur du projet de loi puis on les relègue à un simple rôle de gestionnaires des ententes conclues entre le propriétaire et le ministre. Pourtant, lorsqu'on a eu des discussions sur ce projet de loi là, on nous avait annoncé un projet de loi destiné à être utilisé par les organismes de conservation à travers lequel le gouvernement reconnaîtrait leur rôle essentiel en matière de conservation volontaire. Nier ce rôle fondamental des organismes de conservation au sein de la loi, c'est nier l'action de ces organismes. Or, la reconnaissance gouvernementale des actions des organismes de conservation est nécessaire pour asseoir leur légitimité. En fait, légitimité et crédibilité dans les actions des organismes de conservation sont des facteurs de succès du mouvement d'intendance privée.

En tenant compte de ce qui précède, nous vous suggérons bien humblement quelques modifications au projet de loi. Premièrement, à l'article premier du projet de loi, nous croyons que ça serait intéressant de pouvoir faire en sorte que les organismes de conservation puissent eux-mêmes à titre de mandataires du propriétaire adresser une demande de désignation de réserve naturelle au ministre.

Dans le même ordre d'idées, à l'article 4, il serait important de prévoir la possibilité, pour le ministre, de reconnaître une entente intervenue entre l'organisme de conservation et le propriétaire. Actuellement, l'article 4 parle d'une entente intervenue entre le propriétaire et le ministre. Nous soumettons que ça serait nécessaire que les ententes conclues entre les propriétaires et l'organisme de conservation puissent être reconnues et, par la suite, bénéficier du statut ou de la désignation de réserve naturelle.

En fait, à la lecture de l'article, tel que rédigé actuellement, on pose une question: Est-ce que, pour conclure des ententes entre les organismes et le ministre, on va mettre des fonctionnaires sur le terrain qui, eux, vont se charger de conclure ces ententes-là? Ce n'est pas ce qu'on avait compris du projet de loi et de ce qui nous en a été dit. On avait plutôt l'impression que ça serait les organismes de conservation qui, sur le terrain, seraient les premiers intervenants et, par la suite, le ministre intervient en matière de désignation.

Nous soumettons aussi que, à l'article 4, ça serait important d'inclure dans l'entente à conclure, que ce soit entre le ministre et le propriétaire ou entre l'organisme et le propriétaire, quel est l'intérêt de conservation dont on a déjà fait mention à l'article 3 de la loi, mais l'inclure à l'intérieur de l'entente pour que cet intérêt de conservation là, il soit clair qu'il perdure au fil des années.

Toujours en conséquence à ces modifications aux articles 1 et 4, on croit qu'il serait important de modifier l'article 8 pour reconnaître les deux types d'ententes qui seraient maintenant prévues à travers l'article 4. Nous croyons que ces simples modifications devraient permettre aux organismes de conservation de se reconnaître plus facilement à travers le projet de loi et, à ce moment-là, augmenter la pertinence et l'efficacité de cette loi-là.

Nous aimerions aussi soumettre à votre attention l'article 16 qui prévoit qu'il y aura la création de programmes d'aide reliés à la gestion, la création, etc., des réserves naturelles. Nous vous soumettons que ces programmes d'aide là doivent être applicables à toutes les options de conservation ou à toutes les ententes de conservation conclues avec les autres options de conservation existantes. Il est important que le projet de loi n° 149 ne serve pas à marginaliser les autres options de conservation qui existent et qui sont tirées du Code civil et que le projet de loi et la loi soient véritablement utilisés comme un outil supplémentaire à ajouter à la gamme des options déjà existantes. Alors, les programmes d'aide devraient être applicables à toutes les options de conservation et non seulement aux réserves naturelles.

Il y a un point important qui n'est pas abordé à travers la loi, mais nous pensons que cette loi-là doit nous servir de point de départ à une réflexion plus globale en matière de conservation des milieux naturels, et je veux ici parler de la fiscalité en matière de conservation. Il est important, à notre avis, dès aujourd'hui, de travailler à mettre en place une fiscalité de la conservation qui soit cohérente. Notamment, nous proposons deux éléments, soit, en matière de fiscalité des personnes, l'abolition de la taxe sur le gain en capital sur les immeubles qui sont donnés, qui font l'objet d'une donation, et, deuxièmement, en matière de fiscalité foncière, mettre en place des mesures reconnaissant, de manière temporaire ou permanente, l'engagement d'un propriétaire foncier à l'effort de conservation.

Enfin, un dernier point sur lequel le CQDE aimerait attirer votre attention. Nous avons fait, nous croyons, la preuve et la démonstration dans notre mémoire de l'existence de la servitude personnelle qui est ? appelez-le comme vous voulez ? un démembrement innommé du droit de propriété, et ce démembrement-là existe et est valide à l'intérieur de notre droit civil. Nous croyons que cet outil peut être une option intéressante pour certains groupes de conservation et qu'il est important que le gouvernement reconnaisse la validité de cet outil, donc de la servitude personnelle, parmi la gamme d'options de conservation existantes. Conséquemment à cette reconnaissance, on doit octroyer à cette option de conservation les mêmes avantages fiscaux que pour toute autre donation de droits réels, démembrés ou non.

Alors, vous me permettrez de conclure de la façon suivante. Soyons clairs, le projet de loi n° 149, c'est un bon projet de loi, puis on est très heureux, très satisfait de le voir ici à l'étude et à l'ordre du jour. Il répond certainement à des demandes ou des besoins qui avaient été exprimés par les groupes de conservation et les différents intervenants, qu'on pense à la perpétuité, d'une part, ou à la possibilité pour les propriétaires de demeurer propriétaires de leurs terrains.

Aussi, on aimerait souligner que le projet de loi permet la mise en place de programmes d'aide, encore une fois, je rappelle, pour autant que ces programmes d'aide soient d'une application large et souple. On croit que, pour améliorer l'efficacité et la pertinence du projet de loi, il faudrait faire une place plus grande aux organismes de conservation, et nous vous soumettons que c'est facile à faire en modifiant les articles 1, 4 et 8. Ce ne sont pas des modifications mineures, mais ce n'est quand même pas changer toute la facture de la loi.

Aussi, nous aimerions soumettre que le travail n'est pas terminé. Ce n'est pas parce qu'on a adopté ou on adoptera le projet de loi n° 149 que tout est terminé; au contraire, ça ne fait que commencer. Ainsi, nous espérons voir adopter une fiscalité cohérente en matière de conservation des milieux naturels et, encore une fois, nous insistons sur l'importance de reconnaître la validité et l'existence de la servitude personnelle en droit civil québécois.

Au-delà de tout débat ou de toute tergiversation, seul le résultat importe, et c'est ce qu'on doit se rappeler. Saurons-nous conserver notre patrimoine naturel aujourd'hui pour le bénéfice des générations de demain? Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci, M. Girard. Alors, je donne maintenant la parole au ministre de l'Environnement pour le 15 minutes qui lui est alloué.

M. Bégin: Alors, merci, messieurs. Vous avez abordé des questions que nous avons déjà entrepris de discuter un peu ce matin ? c'est ça, le lot de ceux qui viennent après par rapport à ceux qui viennent avant ? et vous avez abordé, entre autres, la question de l'article 4 qui concerne le rôle que les organismes devraient ou pourraient jouer par rapport aux simples propriétaires.

Je dois vous dire que, ce matin, j'ai fait état que le projet de loi serait modifié au moment de l'adoption article par article ? à l'article 4 ? pour prévoir justement ce rôle des organismes par un texte qui serait à peu près ceci: «Une entente avec le propriétaire, ou selon le cas, approuve une entente conclue entre le propriétaire et un organisme de conservation à but non lucratif.» Alors, c'est vraiment l'introduction du rôle des organismes, l'idée n'étant pas, justement comme vous le disiez tantôt, de faire en sorte que les fonctionnaires aillent sur le terrain faire le travail. C'était de laisser et de reconnaître aux groupes environnementaux le travail qu'il y a à faire pour arriver à une telle reconnaissance. Donc, je crois que ça devrait répondre assez bien à ce que vous venez de dire.

Vous avez soulevé un point qui m'a posé un problème; c'est l'article 6. J'ai bien compris que vous voudriez que le «transmet au propriétaire et à tout organisme [...] sur le territoire duquel est situé [...] un état certifié de cette inscription». Là, on fait état de l'organisme municipal. Si on introduit l'organisme à l'article 4, il faudrait mettre évidemment, à cet endroit-là, «à tout organisme, y compris les organismes municipaux». Sinon, l'organisme qu'on viendrait d'introduire dans l'article 4 ne recevrait pas un avis qui serait donné en vertu de l'article 6. Oui?

M. Girard (Jean-François): Je m'excuse, je n'ai pas traité de l'article 6. Alors, moi, j'ai...

M. Bégin: Ah! C'est le...

M. Girard (Jean-François): ...parlé de l'article 8...

M. Bégin: Oui.

M. Girard (Jean-François): ...qui, à notre avis, devait être modifié de façon à tenir compte des modifications à l'article 4, juste pour qu'il y ait une cohérence de un à l'autre. L'article 6, de mémoire, je ne m'en souviens pas.

M. Bégin: Bon, d'accord. Alors, j'ajoute à ce que vous avez dit, puisqu'il y aurait une concordance à faire avec l'article 6, qui prévoit que le ministre requiert l'inscription sur le registre foncier de l'entente et transmet au propriétaire et à tout organisme municipal sur le territoire... Alors, si on introduit à l'article 4 que l'organisme qui a négocié l'entente avec le propriétaire doit être partie et peut demander l'inscription, il m'apparaîtrait qu'on doive lui donner l'avis en vertu de l'article 6.

À l'article 8, là, j'arrive moins bien à saisir comment vous voulez introduire le rôle du propriétaire, peut-être tout en modifiant «de l'accord du ministre et du propriétaire», est-ce que ça doit être nécessairement avec l'organisme? Là, on a un problème.

n(15 h 20)n

M. Girard (Jean-François): Si c'est une entente qui a été conclue et qui est intervenue entre un propriétaire et l'organisme, il serait de juste mesure que l'organisme puisse avoir droit au chapitre s'il y avait des modifications à y avoir.

M. Bégin: Alors, ça veut dire que, si une entente est conclue et que le propriétaire, unilatéralement, parce qu'il ne serait plus en accord nécessairement avec l'organisme, ne pourrait pas modifier l'entente qui le concerne. Parce que c'est ça, la conséquence de ce que vous venez de dire.

M. Girard (Jean-François): J'assume bien les conséquences de ce que je dis. Mais c'est l'essence même des ententes de conservation.

M. Bégin: Je comprends.

M. Girard (Jean-François): À l'heure actuelle, lorsqu'il y a une entente qui est conclue entre un organisme et un propriétaire, aucune des deux parties ne peut, unilatéralement ? à moins que ça soit prévu déjà à l'intérieur de l'entente ? la modifier. Alors, ça a force de contrat synallagmatique, et les deux parties ont droit au chapitre s'il y a modification à y avoir.

M. Bégin: Je conviens, mais l'entente qui est prévue, elle peut être négociée, entendue, convenue. Mais, l'intérêt que l'on vise, ce n'est pas l'intérêt nécessairement des deux parties. C'est l'intérêt public, c'est-à-dire que l'on mette à la disposition du public un bien qui appartient au propriétaire, les organismes étant facilitateurs pour la conclusion d'une entente et aussi pouvant être des gens qui gèrent une partie.

Mais là vous posez carrément la question; je ne vous donne pas la réponse. Mais vous posez carrément la question: Advenant un litige entre le propriétaire et l'organisme, est-ce qu'il pourrait y avoir une demande de modification au ministre comme tel ou que le propriétaire puisse faire une dénonciation ou une affirmation qui n'irait pas à l'encontre de la loi mais qui pourrait peut-être être différente de l'entente qui a été conclue? C'est ça que vous posez comme question. Je ne donne pas de réponse, mais je vous soulève que ça pose tout ce problème-là qui n'est pas évident.

M. Girard (Jean-François): D'accord.

M. Bégin: C'est parce que vous comprenez que, le propriétaire, étant celui qui destine à l'intérêt public son bien, à un moment donné, se verrait nié, par l'entente qu'il a conclue avec l'organisme, la capacité d'orienter de manière différente la destination qu'il a faite, qui pourrait toujours être dans le sens de la loi. Par exemple, il ne pourrait pas dire: Je veux cesser d'être une entente, puisque l'entente est conclue pour 25 ans; mais peut-être sur des modalités avec l'organisme, pourrait avoir un litige, et à ce moment-là, toujours être inscrit dans la lignée de la loi mais pas nécessairement de l'entente, et ça pose une grosse question.

M. Girard (Jean-François): Mais, à notre avis, il est important que les organismes de conservation qui sont titulaires d'une entente et partie prenante à une entente comme celle-là puissent, à tout le moins, avoir leur mot à dire. Parce qu'on peut imaginer des ententes à travers lesquelles l'organisme de conservation assume des obligations, que ce soit de surveillance, d'entretien, etc., et ce serait peut-être lourd, pour certains organismes, de voir ces ententes-là modifiées unilatéralement sans qu'ils aient droit au chapitre, de telle sorte que l'entente soit plus lourde au niveau financier ou administratif pour les organismes.

M. Bégin: Mais je vous réfère à l'article 2, là, et la destination. Tout le sens de la loi, c'est de dire: Nous voulons qu'un propriétaire mette à la disposition du public un bien qui a un intérêt écologique ou un intérêt pour la société, et on veut faciliter ce passage-là.

Mais, tout à coup, quelqu'un qui est externe au propriétaire viendrait dire: Je ne veux pas qu'il y ait de modification dans ce qui se passe à l'égard de cette propriété, tout en respectant les caractéristiques qu'on demande à l'article 2.

Je n'ai pas une expertise. Vous posez un problème que je n'ai pas vu à date, là, mais je nous mets en garde, parce que ça pose des grosses, grosses questions. Je n'ai peut-être pas la réponse adéquate; mais, moi, ça me pose une grosse question.

M. Girard (Jean-François): Effectivement, vous soulevez une question qui nous est apparue mais qu'on n'a pas voulu explorer plus avant. C'est celle de la nature de l'entente qui est conclue entre l'organisme et le propriétaire, avant même de référer au ministre pour les fins de désignation. Et, cette entente-là, je ne me suis pas attaqué à la qualifier d'un point de vue juridique. Est-ce que ce sera une entente avant la désignation qui est basée sur les obligations personnelles de l'un et l'autre, auquel cas le propriétaire... Jusqu'à quelle mesure le propriétaire, entre la conclusion de l'entente et la désignation, pourrait revenir sur sa parole ou revenir sur l'entente qui est conclue? Qu'est-ce qui sera inclus à l'intérieur de ces ententes-là? En matière d'intendance privée, les ententes qui sont conclues actuellement, prenons, par exemple, le cas d'une servitude réelle, l'entente, par des obligations de ne pas faire ou de laisser faire, prévoit un code de gestion de la propriété auquel le propriétaire consent, à l'intérieur de son démembrement du droit de propriété. Et, par ces obligations-là, il y a certaines choses que le propriétaire consent à ne plus... des actes d'usage qu'il consent à ne plus poser sur sa propriété.

Est-ce qu'une entente prévue à l'article 2 selon cette loi-là permettra d'aller aussi loin dans le code de gestion de la propriété? Vous soulevez la question, je me l'étais soulevée, mais je ne me suis pas attaqué à le faire, parce que je pense que ça demandait encore plus de travail que le temps qu'on avait pour le faire.

M. Bégin: Et cela ramène d'ailleurs pour votre autre point, qui est la servitude personnelle, parce que la servitude personnelle, si je me rappelle bien de mes concepts juridiques, c'est le contraire d'une servitude réelle, hein, de terrain à terrain, alors que là, c'est de personne à personne. Et la valeur attachée à une servitude comme celle-là, elle est liée à la personne qui la reçoit, et encore là, elle n'a pas toutes les caractéristiques de la servitude réelle. Et là vous posez une question: Est-ce que, oui ou non, on doit donner à une telle entente la même caractéristique, les mêmes avantages, alors que, sur le plan juridique, il y a une très grande insécurité par opposition à une servitude réelle qui est imposable à tout le monde?

M. Girard (Jean-François): Avec égard, M. le ministre, ce n'est pas la lecture que je fais de notre droit civil. La servitude personnelle n'est pas une servitude de personne à personne. C'est une servitude qui grève le terrain sur lequel elle s'applique et qui est attribuée non pas en faveur d'un autre terrain mais en faveur effectivement d'une personne.

M. Bégin: Bien, oui.

M. Girard (Jean-François): Donc, c'est une servitude qui est réelle par son objet ? c'est-à-dire le terrain grevé ? et personnelle par son sujet ? le bénéficiaire de la servitude. Bon.

M. Bégin: Le bénéficiaire de la servitude est à une personne; seule cette personne bénéficie de cette servitude.

M. Girard (Jean-François): Pardon?

M. Bégin: La servitude étant donnée à une personne, seule cette personne est bénéficiaire de la servitude.

M. Girard (Jean-François): Tout à fait.

M. Bégin: Elle n'est pas opposable à des tiers.

M. Girard (Jean-François): Elle est opposable aux tiers dans la mesure où elle grève le terrain sur lequel elle s'applique, et elle peut faire l'objet d'une publicité. Encore une fois, M. le ministre...

M. Bégin: La publicité, on peut tout mettre dans un contrat. Ce n'est pas ça qui est l'objet, c'est de savoir si elle a un effet à l'égard des tiers.

M. Girard (Jean-François): Il est de la prétention du Centre québécois du droit de l'environnement de soutenir la validité de la servitude personnelle comme outil valide en droit civil québécois. À l'intérieur du mémoire, on a fait une argumentation succincte. Je peux l'appuyer encore plus en profondeur à l'aide, disons, d'une analyse historicojuridique de l'évolution du droit civil depuis le droit coutumier en France.

M. Bégin: Je vous avoue déjà avoir eu à faire cette appréciation-là dans des expropriations que je faisais à l'égard de servitudes personnelles données dans le sens que vous venez de mentionner, et en droit, ça ne vaut rien et ce n'est pas indemnisé. Disons que, ma propre expertise, expérience passée, je pourrais ressortir les opinions légales que j'ai déjà données là-dessus.

Alors, une servitude personnelle, pour moi, ne rencontre pas ce que l'on veut avoir comme assurance à long terme à l'égard d'un bien comme celui-là, avec l'orientation qu'on veut lui donner. La servitude réelle, aucun problème. Surtout qu'on rattache à la question de l'entente des bénéfices fiscaux et financiers. Il m'apparaît qu'à cet égard-là il faut qu'on ait plus que simplement une servitude personnelle. Que vous ayez raison ou que j'aie raison, dans les deux cas, ça ne m'apparaît pas être suffisamment solide pour qu'on offre ce bénéfice-là.

M. Girard (Jean-François): Je respecte votre opinion, M. le ministre. Cependant, je crois que ça serait possible de le faire. Mais, ceci étant dit...

M. Bégin: Ha, ha, ha! Il reste la question de... bien, qu'il faut vous poser maintenant: Si l'article 4 était modifié dans le sens que je viens de vous mentionner, est-ce que vous passeriez de votre fourche à votre pelle ou bien s'il resterait encore une fourche?

M. Girard (Jean-François): Je ne crois pas que ça transforme la fourche en pelle d'une façon aussi complète.

M. Bégin: Alors, où est-ce qu'est le trou qui fait que ça ne passe pas de l'un à l'autre? Parce qu'il faut dire: Si ce n'est pas ça, il doit y avoir une raison; je voudrais savoir laquelle.

n(15 h 30)n

M. Girard (Jean-François): J'expliquais que le Mouvement d'intendance privée, c'est un mouvement qui repose sur les actions autonomes, les organismes de conservation qui concluent des ententes de conservation sur la base des outils disponibles dans le Code civil, lesquels outils sont utilisables en vertu du principe de la liberté contractuelle. Ce n'est pas marqué dans le Code civil qu'un bail peut être utilisé à des fins de conservation. Cependant, cette liberté contractuelle nous permet d'imaginer des applications qui répondent aux besoins et qui évoluent à travers les époques.

Et, dans la mesure où le projet de loi n° 149 fait intervenir de façon plus active ? et ce n'est pas une critique négative, c'est une constatation ? l'État à travers le processus d'intendance privée, ça change la dynamique, ça change la façon de faire les choses. C'est ce que je disais, ça ne nous empêchera pas... quand je dis «nous», les organismes de conservation, ça ne les empêchera pas de faire le travail, mais ça va les obliger à inclure, à l'intérieur de leurs réflexes, de leurs façons de faire, de nouveaux réflexes. Et, nous le répétons, c'est un très bon projet de loi, même s'il nous a quelque peu surpris au départ. Plus on l'étudie, plus on le regarde, surtout si les quelques modifications que nous avons suggérées sont prises en compte, notamment à l'article 4, nous croyons que c'est un projet de loi qui va avoir une utilité certaine auprès de certains groupes de conservation qui vont y voir là un outil supplémentaire à la gamme déjà existante. Mais, encore une fois, j'insiste, il est important de ne pas marginaliser ce qui existe et ce qui se faisait déjà au profit strict de cette loi-là, la beauté résidant dans la diversité.

M. Bégin: Juste une remarque, ça va prendre deux secondes.

Le Président (M. Bordeleau): ...le temps qui était alloué. Rapidement, parce que votre temps alloué est terminé.

M. Bégin: Je voulais juste faire remarquer que, si ce projet de loi existe, c'est parce qu'on s'est plaint, beaucoup de gens se sont plaints de la limitation très grande de tous nos moyens existants, dans le Code civil entre autres. J'ai des études épaisses comme ça que j'ai demandées, qu'on m'a fournies, disant que le droit civil malheureusement n'était pas bien propice à atteindre des objectifs. Et c'est pour ça que cette loi-là est amenée.

Ce qui ne veut pas dire que, si quelqu'un veut convenir, comme anciennement, avec toutes les contraintes, par exemple, d'une servitude réelle ou d'une dépossession, libres à eux de le faire, sauf que cette loi-ci veut permettre de donner un outil qui va atteindre l'objectif de convaincre un propriétaire plus facilement de mettre à la disposition du public, sans se départir de cette propriété, et tout en bénéficiant d'avantages comme tels. Le reste, tout est là, mais ça ne contredit pas. Mais je pense que ça ajoute considérablement à la situation antérieure.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Je laisse maintenant la parole au député d'Orford, porte-parole de l'opposition en matière d'environnement.

M. Benoit: Merci, M. le Président. Je ne sais pas si c'est une déformation d'avocat que le ministre possède, mais, à chaque fois que nous avons des avocats qui sont des invités ici, il prend plus de temps qu'il a le droit. Alors, c'est peut-être une déformation de l'époque où il était en cour et chargeait à ses clients, je ne sais pas.

Bref, je suis heureux d'accueillir avec nos confrères, ici, le Centre québécois du droit de l'environnement. Vous étiez indéniablement des incontournables dans le débat. Et le ministre dit qu'il a, lui, reçu des piles de documents, bien lui soit fait. Nous, de l'opposition, n'avons malheureusement pas accès à ces piles de documents, mais nous avons eu accès à un document que vous avez écrit, Options de conservation, guide du propriétaire, et j'invite le ministre à oublier les documents ça d'épais qu'il a reçus. Il va être juste mélangé quand il va avoir fini de tout lire ça. Je l'invite, avant que nous lisions ce projet de loi article par article la semaine prochaine, à lire ce soir avec sa charmante épouse ce livre-là. C'est quelque chose d'extraordinaire, ça explique très bien et on retrouve finalement dans le projet de loi à peu près tout ce que nous y trouvons. Je pense que ça a été en grande partie inspiré de ce document qui fut écrit par le Centre québécois de l'environnement. Et, à la lecture de ça, je suis même à me demander pourquoi on fait un projet de loi comme ça parce qu'il semble qu'il y a tellement d'autres façons d'arriver à faire ce qu'on essaie de faire avec le projet de loi n° 149.

Ceci dit, dans votre mémoire, vous nous parlez: «De même en va-t-il de la fiscalité associée à la protection de nos caractéristiques patrimoniales.» Et vous dites plus loin qu'on ne retrouve pas cet aspect-là dans le projet de loi. J'aimerais vous entendre sur... surtout qu'on apprend ce matin dans Le Soleil de Québec que nous aurons peut-être un ministère du Patrimoine québécois avec le nouveau premier ministre. C'est dans Le Soleil de ce matin. Il y a même des rumeurs que ça serait vous qui en seriez le ministre, M. le ministre.

Une voix: ...

M. Benoit: Oui. Je ne voudrais pas partir des rumeurs ici, là. Bref, comment on arrive à donner un avantage fiscal à une caractéristique patrimoniale, j'aimerais ça que vous m'expliquiez ça un peu, à l'intérieur du projet de loi n° 149?

M. Girard (Jean-François): Bien, tout d'abord, je pense que c'est important de revenir à qu'est-ce qu'on qualifie être des caractéristiques patrimoniales à l'intérieur de notre mémoire, puis, pour ça, je vous invite à aller à la page 3. Et les caractéristiques patrimoniales, de l'avis du Centre québécois du droit de l'environnement, ce sont des caractéristiques archéologiques, architecturales, biologiques, culturelles, écologiques, esthétiques, fauniques, floristiques, géologiques, géomorphologiques, historiques, paysagères et topographiques.

Alors, à l'intérieur d'un... Les objectifs de conservation tels qu'ils existent sur le terrain et tels qu'ils sont vécus par les organismes de conservation, on peut avoir plusieurs objectifs en arrière de la conservation. On prend la peine de préciser que la conservation est un concept à ce point vaste qu'il permet d'y intégrer ? je ne referai pas la lecture ? toutes ces choses-là, qui sont écrites là. Et donc on peut faire la protection ou la préservation de caractéristiques architecturales. Aux États-Unis, c'est comme ça que ça se passe. On va avoir des valeurs architecturales que certains valorisent, que des groupes valorisent, parce qu'ils disent: On y trouve là un intérêt historique pour l'architecture, puis il faut le conserver. Ça va peut-être être juste une façade. Et, au moyen d'une entente de conservation, ou d'un «conservation easement», tel qu'ils sont utilisés là-bas, on va réussir à préserver ces caractéristiques-là. On le fait aussi pour des caractéristiques paysagères. À ce titre-là, la loi, le projet de loi n° 149 inclut les caractéristiques paysagères, et c'est un excellent coup de la loi, d'élargir. Il n'y a pas juste les caractéristiques naturelles. On ne veut pas juste faire la conservation de l'ail des bois ou des espèces menacées, mais on va être capable d'élargir nos objectifs de conservation parce que c'est ça la volonté des gens et des communautés sur le terrain et dans leur milieu.

Maintenant, je ne reprendrai pas l'ensemble des difficultés qui sont vécues d'un point de vue monétaire ou financier par les groupes qui désirent faire de la conservation et/ou par les propriétaires qui désirent s'impliquer dans un projet de conservation. Ne serait-ce que sur la question du gain en capital, lorsque vous faites le don d'une propriété qui vaut, disons, 100 000 $, vous êtes imposé sur un gain en capital fictif. Vous l'avez donné, et on vous impose en conséquence. Vous me direz qu'il y a des taux d'imposition qui sont variables, là. Je ne suis pas un fiscaliste, je tiens à le préciser, je suis plutôt un civiliste. Ce n'est pas là mon domaine d'expertise le plus pointu. Mais, cependant, sur la question du gain en capital, je pense que ça illustre bien le besoin d'une fiscalité cohérente.

Un autre exemple qui est vécu ici, peut-être de façon moins... avec moins d'acuité ici, mais que je sais qui est vécu, entre autres en Colombie-Britannique où il y a des espaces verts, des milieux naturels que les propriétaires fonciers ont à coeur de conserver tels quels, mais qui sont zonés pour du développement et sur lesquels s'appliquent des taxes, des taxes municipales et des taxes foncières, en fonction d'un éventuel développement. Et vous comprendrez que ça devient très lourd pour ces propriétaires-là d'assumer ces taxes-là sans justement lotir et développer. Alors, c'est ce que j'appelle une fiscalité qui n'est pas cohérente.

Il faudrait, si on a des objectifs de conservation, être en mesure de le dire, selon certains critères... et c'est important que le gouvernement et l'État interviennent à ce niveau-là pour faciliter, donc selon certains critères, la conservation des milieux naturels pour... Il y a des possibilités, là. Ça peut être de façon permanente ou temporaire. Il y a des mécanismes qui existent déjà à travers d'autres lois, mon collègue pourrait vous en entretenir plus longuement, qui existent pour permettre, même si c'est temporaire, certains avantages, certains incitatifs qui vont permettre la conservation ou l'affectation à une fin particulière d'un bien immobilier. Et tout ça, ça engendre, ça favorise l'émergence de projets, ce qui n'est pas le cas actuellement.

n(15 h 40)n

M. Benoit: Est-ce que je dois comprendre des propos que vous avez mentionnés à la question des caractéristiques patrimoniales, vous parlez immédiatement d'architectural, est-ce que je dois comprendre que le projet de loi n° 149, dans votre lecture, comme avocat, ne comprend pas les édifices ou tout l'aspect architectural effectivement? Nous savons, par exemple, que le fédéral a fait de très petits parcs au Québec ou je pense à Compton où ils ont ramassé le magasin général qui a appartenu à Louis Saint-Laurent, je crois, ou au père de Louis Saint-Laurent. Alors, eux avaient cette préoccupation architecturale. Je comprends que ce n'est pas des lois identiques, mais est-ce que je dois comprendre de votre lecture, comme avocat, que le projet de loi n° 149 ne comprend pas l'aspect édifice, résidence et architecture?

M. Girard (Jean-François): Effectivement, monsieur, je crois qu'il y a eu un choix qui a été fait par le législateur d'inclure à l'intérieur du projet de loi certaines caractéristiques patrimoniales sur lesquelles le législateur désire insister ou désire favoriser la conservation par le biais de cette loi-là, et ça, c'est un choix qu'en aucun temps je ne remets en cause et qui n'implique pas les caractéristiques architecturales. Enfin, je n'en retrouve pas le terme là et, si je vous l'ai donné en exemple, c'est parce que c'est, je crois, un exemple frappant de ce qui se fait aux États-Unis avec les «Conservation Movements».

M. Benoit: Ça ne l'inclut pas, mais est-ce que ça l'exclut, à votre lecture, comme avocat?

Une voix: ...

M. Benoit: Ah! là, j'ai un avis juridique ici, à ma droite: Si ce n'est pas inclus, c'est exclu. Excusez mon ignorance juridique. Mais je ne vous permettrai pas d'échanger tous les deux parce que je serais encore obligé de trancher, comme la dernière fois, là. Alors...

M. Girard (Jean-François): Je pense que je vais me ranger à cet avis.

M. Benoit: Très bien. Vous avez tantôt, et c'était le sens de ma question, le ministre y a pensé avant moi, les servitudes personnelles, il y a une très grande partie de votre mémoire, effectivement, qui porte là-dessus. J'aimerais que vous m'expliquiez, comme néophyte, je ne suis pas avocat, je ne suis pas notaire, les notaires sont assis en arrière de vous, ils viennent tout juste d'arriver, c'est tout du bien bon monde... Mais pourriez-vous m'expliquer rapidement ce que c'est, une servitude personnelle? Parce que, ce que vous dites dans votre mémoire, on aurait probablement pu arriver aux mêmes fins si nous avions donné les mêmes avantages fiscaux à une servitude personnelle. Le ministre semblait dire, lui, que ce n'est pas exact. Mais que ce soit exact ou pas, ce n'est pas ça. C'est quoi, une servitude personnelle et comment aurions-nous pu arriver aux mêmes fins?

M. Girard (Jean-François): Tout d'abord, je dois dire qu'il semble exister deux écoles de pensée plutôt irréconciliables en matière de l'existence d'une servitude personnelle en droit civil québécois. Certains prétendent que ça n'existe pas; d'autres prétendent que oui. Deuxième commentaire. J'ai une formation en biologie et une formation en droit, et, si j'ai étudié le droit, c'est parce que je crois que ça doit être un outil facilitant la réalisation d'activités humaines lorsque ça ne va pas à l'encontre de l'ordre public, et je ne pense pas qu'il soit question de ça ici, au contraire. Alors, si on est capable de trouver dans le droit qui existe, dans les institutions juridiques qui existent, des instruments qui nous permettent de réaliser des actions qui sont valables pour la collectivité ou même pour l'individu, je ne vois pas pourquoi il faudrait se restreindre et se réfréner.

Qu'est-ce que la servitude personnelle? C'est une charge que l'on fait peser sur un immeuble, un fond de terrain, en faveur d'une personne, contrairement à la servitude réelle où on a une servitude qui sert à l'utilité d'un autre terrain, d'un autre fond de terre. Celle-là, elle est conclue à la faveur d'une personne. C'est une institution qui existe depuis très longtemps. En fait, elle était en vigueur dans la coutume et les usages qui existaient lorsqu'on était sous l'emprise du droit coutumier, avant même le Code Napoléon en 1804. Et la prétention de ceux qui disent que la servitude personnelle est disparue, ils la tirent du Code civil français en disant: Le Code civil a voulu abolir cette forme d'asservissement d'un terrain en faveur d'une personne. Pourquoi? Rappelez-vous qu'on n'était pas loin des troupes de 1789, la Révolution française, c'était important d'abattre le régime féodal. Ici, on n'a pas vécu ce même passage de l'histoire, et j'ai pour prétention et le CQDE a pour prétention que la servitude personnelle a quand même continué à exister. Et en jurisprudence et en doctrine, on en retrouve plusieurs exemples de contrats qui sont un démembrement innommé du droit de propriété et qui sont de la nature d'une servitude personnelle. Ça devient un débat sémantique. Si on est prêt à admettre l'existence de cet outil-là à travers le Code civil, du démembrement d'un droit réel à travers le Code civil et un démembrement innommé, bien, appelons-le comme on veut, il en reste que l'institution juridique est là. Nous, au CQDE, on fait le pari de l'appeler «servitude personnelle».

M. Benoit: Je voudrais juste poser une dernière question avant que le temps soit terminé. À la page 15 de votre mémoire, vous dites: «Nous espérons que ces programmes d'aide ne favoriseront pas seulement les réserves naturelles à l'exclusion de toutes les autres options de conservation tirées...» Est-ce que vous allez nous donner la même réponse que le ministre m'a donnée tantôt: Si ce n'est pas inclus, c'est exclus? Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?

M. Girard (Jean-François): Je ne sais pas quelle sera l'intention du législateur, mais je crois que le législateur à l'intérieur... lorsqu'il base la création d'un programme d'aide en vertu de cette loi-là peut élargir ce programme d'aide là, et c'est ce qu'on a voulu faire à travers notre mémoire. C'est très clair que la beauté du Mouvement d'intendance privée repose sur sa diversité, sur l'ensemble, la gamme des options de conservation qui sont accessibles et utilisables par les groupes. Parce qu'on pourra vouloir conclure des ententes qui seront de moindre durée que 25 ans, pourtant on a besoin d'un soutien financier, d'une aide technique aussi et/ou scientifique pour réaliser ces ententes-là.

M. Benoit: Très bien. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, je vous remercie MM. Valiquette et Girard pour votre présentation. Je demanderais maintenant aux représentants de la Fiducie foncière de la Vallée Ruiter de s'approcher de la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bordeleau): Alors, je demanderais maintenant aux représentants de la Fiducie foncière de la Vallée Ruiter de se présenter et de procéder à leur présentation. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, ensuite 15 minutes d'échanges avec le ministre et ensuite 15 minutes d'échanges avec le représentant de l'opposition officielle.

Fiducie foncière de la Vallée Ruiter

Mme Monahan (Terri): Bonjour, je me présente, je suis Terri Monahan, directrice générale de la Fiducie foncière de la Vallée Ruiter.

Mme Gratton (Louise): Je suis Louise Gratton, je suis biologiste puis je suis consultante pur la Fiducie foncière de la Vallée Ruiter.

Mme Monahan (Terri): J'aimerais tout d'abord exprimer que je ne suis ni avocate ni fiscaliste et que l'expérience que nous avons sur le terrain avec les propriétaires fonciers en négociation d'entente de conservation, c'est la base de notre mémoire, dans le fond, sur la Fiducie.

Alors, nous sommes la première fiducie foncière au Québec, membre du Regroupement des organismes propriétaires de milieux naturels protégés du Québec. La Fiducie foncière de la Vallée Ruiter est un organisme charitable sans but lucratif qui est propriétaire de 185 hectares et qui travaille actuellement des servitudes sur près de 200 hectares de terrain dans la Vallée Ruiter. Cette première fiducie a inspiré la création d'autres fiducies et organismes de conservation dans la région des Cantons-de-l'Est, telles la Fiducie foncière d'Alder brook, la Fiducie foncière du mont Pinacle, la Fondation des terres du lac Brome et le parc d'environnement naturel de Sutton. Depuis près de deux décennies, les efforts ont été déployés par ces organismes pour promouvoir la conservation des milieux naturels dans la région naturelle du complexe appalachien de l'Estrie, notamment dans les monts Sutton et les régions périphériques.

n(15 h 50)n

D'importants gains sur le plan de la protection permanente et de la mise en valeur des sites naturels ont été faits dans cette région, notamment par des initiatives de la part de plusieurs organismes de conservation. Les actions posées par ces organismes n'auraient pu se réaliser sans un solide partenariat local et se poursuivent entre autres actuellement dans le cadre du Projet du corridor appalachien, une stratégie de conservation transfrontalière dont la mise en oeuvre propose de créer une synergie à l'échelle régionale qui incitera la participation des individus et des communautés à la préservation de la biodiversité sur les terres privées. Bien que les terres privées ne représentent que 6,4 % de l'ensemble du territoire québécois, elles sont considérées comme étant les terres les plus menacées. La forte prédominance des terres privées dans plusieurs régions du Québec méridional illustre toute la justesse et la pertinence de cibler les propriétaires privés dans toute stratégie de conservation de la biodiversité. Les organismes de conservation considèrent que l'engagement personnel et volontaire des propriétaires à gérer leurs terres de façon à conserver les écosystèmes, les divers habitats et les espèces qui s'y trouvent, pourrait constituer sur les terres privées la contribution la plus significative à la préservation de la biodiversité.

Le projet de loi n° 149 sur les réserves naturelles en milieu privé est donc favorablement accueilli par la FFVR. Nous croyons qu'il s'agit d'un dispositif très intéressant et complémentaire à ajouter au porte-folio d'outils de conservation volontaire qui existe déjà. Forts de notre expérience en matière d'intendance et malgré des efforts considérables consentis depuis des années dans notre région pour préserver quelques centaines d'hectares de terrain, nous croyons toutefois que le projet de loi sur les réserves naturelles en milieu privé tel que libellé coupe court en regard de nos attentes, notamment en ce qui a trait au rôle des groupes de conservation et aux incitatifs fiscaux offerts par les propriétaires.

La FFVR possède et protège actuellement 185 hectares, mais ne dispose d'aucune ressource financière pour acquérir les terrains d'une valeur écologique significative ou critique à la conservation de la biodiversité qu'elle souhaiterait protéger. Mais une négociation à l'acquisition de servitudes de conservation est une entreprise très coûteuse à la fois pour les ONG et les propriétaires, et constitue une entrave aux initiatives amorcées malgré la meilleure volonté des deux parties. La seule solution pour la FFVR à ce dilemme présentement est de rechercher un financement auprès de donateurs privés ou de fondations pour couvrir les frais associés à la concrétisation d'un projet de servitude. Les bénévoles de notre organisme consacrent de nombreuses heures à l'élaboration de projets de conservation et des stratégies de financement qui les accompagnent, sans garantie de succès. La FFVR est aussi responsable du suivi et de la défense de ses servitudes à perpétuité, une responsabilité qu'elle ne peut assumer sans les fonds de gestion nécessaires.

La FFVR croit que la RNMP pourrait être un outil extrêmement précieux pour les fiducies foncières, mais seulement s'il s'accompagne d'incitatifs fiscaux évidents et d'un encadrement conséquent avec les objectifs des ONG et s'il énonce clairement le rôle des principaux interlocuteurs. Nous croyons que ces éléments se démarquent par leur absence dans le projet de loi n° 149.

Les propriétaires doivent pouvoir bénéficier de nets avantages en échange des restrictions d'usage sur une partie ou l'ensemble de leurs terrains imposées au nom de la protection de la biodiversité, que ce soit pour 25 ans ou en perpétuité. Ces avantages pourraient prendre la forme de bénéfices fiscaux ou de remboursements de taxes foncières. Nous croyons, par exemple, que le Programme de remboursement des taxes foncières pour les producteurs forestiers reconnus, du MRN, pourrait être un modèle duquel la RNMP pourrait s'inspirer. Dans le cadre de ce programme, les producteurs forestiers accrédités peuvent bénéficier d'un remboursement via un crédit d'impôt sur le revenu équivalant à 85 % des taxes foncières, municipales et scolaires, payé pour une unité d'évaluation dont toute la superficie à vocation forestière a été enregistrée. Le crédit de taxe applicable se base sur la nature et étendue des interventions sylvicoles entreprises chaque année tel qu'attesté dans un rapport standard produit par un ingénieur forestier accrédité. Selon le règlement qui régit ce programme, un producteur forestier peut, en plus, être admissible à un remboursement de taxes foncières s'il ajoute à son plan d'aménagement forestier un volet pour connaître le potentiel faunique de sa propriété, un volet concernant les espèces fauniques en situation précaire ou encore un volet concernant les écosystèmes forestiers exceptionnels.

De la même manière, nous croyons qu'un incitatif pourrait être proposé aux propriétaires intéressés à la RNMP en fonction de la nature et de la durée des engagements de conservation pris avec un ONG ou le MENV. Par exemple, un crédit de base pourrait s'appliquer et s'accroître à des taux spécifiques en fonction de la superficie protégée, de la durée de l'engagement et/ou de la nature de la protection offerte.

Dans la mesure où le système établi demeure raisonnablement simple et que les critères d'éligibilité ne sont pas indûment restrictifs, nous croyons qu'il fournirait aux propriétaires des incitatifs suffisamment attrayants pour s'engager dans la RNMP et permettre de compenser la perte d'un partie des droits sur sa propriété. Ces incitatifs pourraient s'appliquer à tous les propriétaires, qu'ils soient fonciers, producteurs forestiers ou producteurs agricoles. En plus, dans le cadre de l'application du statut de réserve naturelle volontaire, on devrait s'assurer que les règles fiscales relatives au visa fiscal soient applicables sinon élargies dans ce contexte. Le gain en capital, personnellement, sur un don écologique devrait carrément être aboli si on considère que le propriétaire n'en fait aucun gain concret.

Le rôle des ONG. Le projet de loi n° 149 requiert que les propriétaires de RNMP concluent une entente avec le MENV. À notre avis, en matière de servitudes de conservation, les propriétaires se sentent confiants lorsqu'ils négocient avec les fiducies foncières locales parce que les membres du conseil d'administration des fiducies et leurs supporteurs, ceux qui doivent vendre l'option, sont des concitoyens ou des voisins, eux-mêmes propriétaires, qui ont choisi le même processus sur leur propriété et qui partagent une vision commune de la conservation. En toute circonstance, l'élément catalyseur qui permet de conclure une entente viable est la confiance. Notre expérience nous permet de constater que certains propriétaires seraient tout à fait inconfortables à l'idée de transiger directement avec le gouvernement.

Par ailleurs, nous croyons qu'il serait plus avantageux de confier les tâches reliées au suivi et à l'application des ententes négociées aux ONG locaux ou à leurs représentants plutôt que d'assumer que celles-ci pourront s'ajouter aux horaires déjà chargés des fonctionnaires du MENV. Nous croyons donc, pour rendre la Loi sur la RNMP effective, que les ONG devraient être accrédités pour jouer le rôle d'interlocuteur principal au nom de propriétaires dans les négociations avec le MENV. La loi devra prévoir un protocole d'accréditation ou simplement reconnaître les ONG présentement accrédités par le gouvernement pour recevoir les dons écologiques comme mandataires du propriétaire, si le propriétaire le désire.

L'article 4 devrait être modifié pour que les ententes de conservation déjà existantes entre un propriétaire et une NGO et qui respectent le critère de la RNMP puissent se qualifier comme RNMP avec tous les bénéfices, fiscaux ou autres, qui en résultent. Nous croyons en effet que le champ d'application de la loi devrait être suffisamment élargi pour englober tous les outils de conservation.

Les ONG accrédités et retenus en vertu de la nouvelle loi sur les RNMP entretiendront une connaissance et une expérience de toutes les étapes nécessaires à l'établissement de la servitude de conservation, de la phase initiale de la négociation, aux évaluations écologiques et foncières et finalement à la conclusion de l'entente. Ce travail exige une collaboration étroite entre les membres de la communauté locale, les autorités municipales et régionales. Cependant, pour remplir adéquatement ces tâches qui leur incomberont, les ONG auront besoin d'un solide soutien technique et financier du gouvernement.

Une banque de ressources doit être créée de manière à ce que tous les ONG puissent avoir accès sans frais aux avis légaux et fiscaux les plus à jour en ce qui a trait à tous les outils de conservation. Le personnel des ONG qui agira à titre de négociateur doit pouvoir accéder à une formation continue sur les options et les outils de conservation. Le gouvernement doit assumer les frais associés à la conclusion d'une entente de conservation menant à la RNMP et qui découleront de son suivi. Ces frais, en général, sont l'évaluation foncière, l'arpentage, les frais de notaire, les frais de négociation, les évaluations écologiques, le montage d'un dossier, la cartographie, la création d'un fonds de gestion.

Nous croyons qu'une collaboration entre le MENV et les organismes de conservation, qui ont des liens privilégiés avec les propriétaires fonciers, permettrait d'assurer le succès de la RNMP. Nous ne saurions trop insister sur le fait que le projet de loi n° 149 a suscité beaucoup d'attentes chez les membres de la communauté et les ONG qui se préoccupent de la conservation et de la biodiversité. Nous espérons, de plus, que la loi sera rapidement adoptée et que les mécanismes de mise en oeuvre le seront aussi.

Enfin, je tiens à remercier le ministère de l'Environnement pour le support financier qu'il a accordé au projet du corridor appalachien, une stratégie transfrontalière.

Mme Gratton (Louise): Ça, c'est dans le cadre du Programme des priorités environnementales.

Mme Monahan (Terri): De PAPE. J'étais pour le dire, dans le cadre de PAPE, P-A-P-E.

M. Bégin: ...priorités environnementales.

Mme Monahan (Terri): Des acronymes, toujours, toujours.

Le Président (M. Bordeleau): Je comprends que vous avez terminé votre présentation. Je laisse maintenant la parole au ministre pour ses questions.

M. Bégin: Merci. D'abord, merci pour votre mémoire. En référant à l'aide que vous avez reçue dans le cadre du programme PAPE, le 95 000 $, ça établit un peu les différentes catégories de problèmes que vous avez soulevés. Vous avez dit, entre autres: Comment peut-on aider les organismes sur le plan financier? Ce serait ça comme grande catégorie.

La deuxième, c'est: Comment peut-on aider le propriétaire par le biais de programmes fiscaux, d'incitatifs fiscaux? Là, on peut en élaborer plusieurs.

n(16 heures)n

Et vous avez parlé également de la reconnaissance, sur l'autre volet, des organismes. Mais vous avez été un petit peu plus loin que ce que nous avons entendu jusqu'à présent, et je vais reprendre ce dernier point. Vous avez mentionné que vous voudriez que les ententes conclues soient reconnues. Je comprends du projet de loi que, dans la mesure où vous présentez ce qui a déjà été convenu et que vous rencontrez les points de l'article 2, bien, c'est chose faite et c'est simplement une question de faire la démarche pour être reconnu. Je ne crois pas qu'il y ait d'obstacle, et s'il y en a un, j'aimerais ça que vous me l'indiquiez, parce que l'esprit est non pas de faire une liste mais plutôt de dire: Ceux et celles qui concluront, dans l'avenir, des ententes qui respecteront l'article de la loi comme celles qui ont été conclues dans le passé seront reconnus sans aucun problème. Il ne s'agit pas de priver personne des avantages de la loi, au contraire. Est-ce que vous voulez réagir là-dessus, peut-être?

Mme Monahan (Terri): Oui, j'ai une question justement à ce niveau-là, si je peux.

M. Bégin: Pardon?

Mme Monahan (Terri): Je peux poser une question à ce niveau-là?

M. Bégin: Bien, là... Ha, ha, ha!

Mme Monahan (Terri): Ou non? O.K., j'attends après. Ha, ha, ha!

M. Bégin: Ordinairement, c'est moi qui pose les questions, vous donnez les réponses, mais... Ha, ha, ha!

Mme Monahan (Terri): Oui. Bon, on change les choses. O.K., continuez. Ha, ha, ha!

M. Bégin: Non, mais je voudrais savoir, là: Est-ce que vous comprenez que vous ne pourriez pas être reconnus? Si vous déposiez votre entente qui est déjà conclue depuis longtemps, est-ce que vous pensez que vous ne pourriez pas être reconnus en vertu du projet de loi n° 149?

Mme Gratton (Louise): Non, je pense que...

M. Bégin: Moi, je pense que oui.

Mme Gratton (Louise): ...c'était seulement une assurance d'être reconnus...

M. Bégin: Oui, parce que je pense que oui, là.

Mme Gratton (Louise): C'est ça.

M. Bégin: Évidemment, il faut qu'on rencontre les critères qui sont là mais ils ne sont pas exigeants; vous les dépassez, j'en suis persuadé, compte tenu...

Mme Monahan (Terri): C'était d'ajouter à la chose, tout simplement. Renchérissez!

Mme Gratton (Louise): ...oui.

M. Bégin: Bon. Mais je dirais, en ce qui me concerne, que ça va de soi, parce que vous avez à déposer votre demande, puis ça va être respecté.

Mme Gratton (Louise): En fait, je pense que la raison pour laquelle Mme Monahan a mis ça dans son mémoire, c'est que, dans le cas du remboursement d'impôt foncier pour les producteurs forestiers, c'est un ingénieur forestier accrédité de l'Ordre des ingénieurs forestiers qui remplit le rapport standard pour que le propriétaire puisse être reconnu. Mais on n'a visiblement pas...

M. Bégin: Oui, mais le projet de loi ne... Non, on n'est pas rendu là. Il s'agit de dire: Est-ce que votre fiducie, qui a été conclue dans le passé, peut être considérée comme un organisme de conservation qui a une entente avec des propriétaires qui peuvent être reconnus en vertu de la loi? D'après moi, la réponse, c'est oui.

La deuxième étape, ce sera de dire: Est-ce que vous pouvez bénéficier des programmes qui vont être établis en vertu de l'article 16 de la loi qui permet justement de créer des programmes d'aide pour le propriétaire? Ça, je voudrais bien mentionner que, l'article 16, ce n'est pas pour aider le fonctionnement des organismes gouvernementaux. C'est d'aider le propriétaire qui fait don de sa propriété, et ça, je pense, c'est le but de la loi. C'est de favoriser le propriétaire, l'inciter, par des mesures fiscales, à céder plus facilement, à conclure une entente avec un organisme. L'esprit de la loi, c'est ça.

Par contre, ce que vous soulevez comme autre problème, le fonctionnement des organismes, bien là évidemment, ça n'est pas dans la loi, puis la loi ne vise pas à régler le problème de financement des organismes. Je vous dis honnêtement que, si j'avais tenté de régler ce problème-là par la loi, je n'aurais pas de loi, c'est clair et net. Alors, il faut faire les choses les unes après les autres. Là, on se donne le cadre juridique, on se donne des incitatifs fiscaux qui peuvent d'ailleurs être définis, améliorés, parce qu'il se découvre des moyens nouveaux; on constate aussi les limites de ceux qu'on a. Par exemple, l'avantage du visa fiscal qui est un avantage mais qui ne donne pas totalement satisfaction aux gens qui donnent leurs biens, hein? Il faut quand même payer de l'impôt sur un argent qu'on n'a pas touché, à toutes fins pratiques; c'est un peu difficile. Alors, il y a certainement des travaux à faire.

Mais, pour le travail du financement des organismes, nous n'en sommes pas là. Je suis heureux de dire... vous le savez aussi, vous avez reçu 75 000 $ dans le programme APG ? Programme d'aide aux priorités gouvernementales. C'est un montant substantiel qui va vous aider à fonctionner un certain temps, je l'espère. Mais c'est évident que ce n'est pas un programme universel qui va permettre de dire, pendant 10 ans ou 15 ans: Voici, les organismes peuvent se fier là-dessus. Je veux qu'on soit juste clair concernant les dispositions de la loi.

Mme Gratton (Louise): Non. Je pense que, ça, c'est peut-être une mésentente par rapport au mémoire qu'on a déposé. C'est que, évidemment, pour l'instant, je pense qu'il faut, de toute manière, que le travail des groupes, initialement, se fasse de façon bénévole.

C'est quand on commence à dire à un propriétaire: Bien, là, écoute, il faudrait faire évaluer ta propriété. Alors, c'est à ce moment-là que, effectivement, les frais vont au propriétaire. Mais il y a une partie du travail de négociation, et puis tout ça, qui va être reconnu. On sait qu'il faut aller chercher de l'argent ailleurs pour...

M. Bégin: Ça, je pense que c'est intéressant, ce que vous soulevez comme question, parce que, que couvriront les avantages fiscaux? C'est ça...

Mme Gratton (Louise): Oui.

M. Bégin: ...la question que vous posez. Et, là-dessus, je ne crois pas qu'on ait le monopole des idées. Vous avez certainement la capacité d'infléchir ce qu'on fera comme programme, et moi, je suis à l'écoute de toute proposition qui serait vendable, entre guillemets, au ministre des Finances pour dire: Voilà, c'est quelque chose qui peut être fait. On en connaît, des traditionnels. On en a parlé tantôt, du visa.. Il y a aussi l'exemption d'impôt foncier ou la limite ou la diminution des coûts compte tenu qu'il y a une servitude sur l'immeuble, il n'est plus destiné à des fins, mettons, résidentielles, mais plutôt à des fins de conservation, auquel cas il a une valeur fiscale municipale inférieure.

Donc, il y a différents mécanismes. Il y en a peut-être d'autres qui peuvent être créés, et je pense qu'on est à la recherche, là, et on travaille avec les groupes pour trouver les meilleures façons d'aider non seulement sur le plan unique fiscal comme tel, mais élargi au sens que vous venez de le mentionner. Si on doit payer, je ne sais pas, moi, 10 000 $ pour faire l'arpentage, s'il faut faire tel, tel, tel, tel... rencontrer telle exigence qui est un déboursé majeur, bien, on peut penser qu'on cherche à compenser le propriétaire dans ce sens-là. C'est l'objectif même de la loi.

Mme Monahan (Terri): Oui. Je veux juste clarifier quelque chose. On ne parle pas d'un soutien financier à l'organisme comme tel.

M. Bégin: C'est ce que j'avais compris, excusez-moi.

Mme Monahan (Terri): Mais ce n'est vraiment pas ça, parce que l'organisme de conservation fait déjà ce travail-là. On le fait depuis des années sans un sou et on va continuer de le faire. Mais qu'est-ce qu'on dit, c'est que, si on veut vendre, comme on dit, un outil de conservation du RNMP, à ce moment-là, il faut comprendre qu'il y a du déboursement.

Nous, les propriétaires, pour tout ce qui est nécessaire pour conclure une entente qui peut prendre un an à conclure puis des fois deux, c'est très long, c'est de très longue haleine. C'est le gouvernement qui nous demande justement d'avoir l'arpentage, que ce soit notarié, que ce soit ci, que ce soit ça, puis ça demande des coûts incroyables de la part des organismes et de la part des propriétaires.

Alors, moi, je me dis que, dans le contexte de qu'est-ce que vous voulez faire, nous sommes prêts à vous aider, mais il faudrait qu'il y ait du défraiement, à ce moment-là, de ce côté-là.

M. Bégin: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député d'Orford, s'il vous plaît.

M. Benoit: Oui, peut-être quelques commentaires. D'abord, quand l'opposition a demandé cette commission parlementaire là au ministre, le premier groupe qui travaille sur le terrain à qui nous avons pensé, dans la liste que nous avons remise au ministre, c'était effectivement la Vallée de Ruiter, et je pense que vous avez acquis vos lettres de noblesse au Québec comme ayant été des gens qui ont réussi à faire quelque chose, et ce n'était pas évident ? c'était loin d'être évident.

Deuxièmement, quand vous dites: Nous aimerions que la loi soit rapidement adoptée, nous avons assuré le ministre moult fois que l'opposition ne demande pas mieux que de voter cette loi-là; nous le ferons jeudi prochain, article par article. J'ai assuré le ministre qu'il n'y aurait pas d'accrochage, et nous revenons ici, à Québec, le mardi 13 mars, et si le ministre voulait adopter cette loi-là dès le 13 mars, de notre côté, nous n'avons aucun problème pour que nous puissions rapidement se mettre à l'oeuvre, et je le dis publiquement, je l'ai dit au ministre «privément» aussi.

Une fois ça dit, moi, j'aimerais entendre de vous... et c'est pour ça que je voulais que vous soyez ici aujourd'hui. Vous avez été des pionniers effectivement, et j'aimerais connaître les embûches que vous avez connues au moment où vous avez décidé de demander à des gens de mettre ensemble leurs terrains pour qu'ils deviennent territoires publics. Quelles sont les embûches que vous avez rencontrées? Parce que, au fur et à mesure qu'on sera sur le terrain avec les CRE, etc., puis qu'on invitera des gens à faire ce que la loi 149 nous permet maintenant de faire, il faudra non seulement leur parler des bons côtés de tout ça, mais il y a sûrement des embûches qu'ils devront rencontrer, et j'aimerais connaître, de votre part, quelles sont ces embûches-là, que vous avez connues et que vous continuez à connaître probablement.

Mme Monahan (Terri): Je peux commencer?

M. Benoit: Entre le moment où vous avez vu un beau...

Mme Monahan (Terri): Première des embûches, c'est vraiment un problème financier. C'est absolument... Parce que, premièrement, qu'est-ce qui se passe? C'est que nous approchons un propriétaire pour une servitude de conservation ou nous approchons... Ça ne commence pas comme ça. En général, c'est à partir d'une personne, une autre personne, c'est de longue haleine.

Mme Gratton (Louise): Ça commence sur le coin de la table avec un café. Ha, ha, ha!

Mme Monahan (Terri): Ça commence avec un café sur le coin de la table, des fois, exactement. C'est vraiment entre... Ce n'est pas quelqu'un qui arrive avec sa petite valise chez le voisin, chez le bonhomme, puis: Ah! est-ce que vous voulez donner une servitude de conservation? Pas du tout.

Mais, en tout cas, une fois qu'on aura passé cette étape-là puis qu'on est rendu qu'on discute, c'est un cas à cas pour chaque propriétaire: qu'est-ce qu'ils ont besoin, qu'est-ce qu'ils veulent faire en conservation, etc. La plupart des propriétaires à qui nous parlons, parce que, justement, s'ils nous parlent, c'est qu'ils sont intéressés, ils sont très intéressés à la conservation de leur territoire, et dans l'Estrie, c'est vraiment là.

À ce moment-là, qu'est-ce qui arrive? Premièrement, il y a presque aucun, présentement, incitatif fiscal pour le propriétaire. Même à ça, le propriétaire, s'il est intéressé, il dit: On va le faire pareil, il n'y a pas de problème. Mais là, il commence à dire: Ah, il faut que je fasse arpenter! ah, j'ai besoin d'aller chez le notaire! ah, j'ai besoin de l'évaluation foncière, l'évaluation écologique sur le terrain si on veut faire l'écoguide ou le...

Mme Gratton (Louise): ...l'évaluation écologique et le visa fiscal.

n(16 h 10)n

Mme Monahan (Terri): Excusez-moi, je suis un peu anglophone. Et puis après, là, il y a coût après coût, après coût, après coût. Premièrement, là, il dit: Mais je veux faire quelque chose de bien, je veux conserver le territoire, et puis, ça va me coûter une fortune pour le faire. Ça, c'est premièrement.

Deuxièmement, nous autres, quand on accepte une servitude ou une entente de conservation à perpétuité, on est très responsables; on n'est pas un petit organisme social. Il faut absolument s'assurer que ça va être géré en perpétuité. Il faut un fonds de gestion; il faut un fonds d'investissement. Ce qu'on fait, nous autres, présentement, c'est qu'on se dit que, par acre de territoire qu'on protège, on évalue ça à 30 $ qu'il faut qui rentrent dans un fonds d'investissement pour que, en général, à 4 %, ça nous donne à peu près 1,25 $ l'acre, par année. Et c'est ce qu'on se dit qu'on a besoin pour faire le monitoring et la défense du territoire.

Mme Gratton (Louise): Ce qui arrive, ce qu'on pense, c'est que, bon, il peut y avoir une servitude de conservation, que ce soit la réserve naturelle ou un autre statut. Mais, que, une fois que le propriétaire s'est entendu, par exemple, avec la Fiducie foncière de la Vallée de Ruiter pour que ça fasse partie de cette fiducie foncière là, c'est que, son terrain, il peut soit décider de le vendre; alors, il faut s'assurer que le prochain propriétaire respecte les engagements de la servitude de conservation. Les gens peuvent mourir, léguer ça en héritage à des héritiers, soit leurs enfants proches qui seraient peut-être au courant mais peut-être pas intéressés. Alors, il y a un suivi que la Fiducie doit assurer. Puis on pense que ce rôle-là ? qui se joue à un rôle local ? entre voisins, dans une communauté, est essentiel pour garantir que l'outil qu'on veut développer puis la réserve naturelle dans les milieux privés ne restent pas quelque chose qui est un peu sans surveillance ou qui n'atteint pas les buts qui sont fixés au départ puis pour lesquels vous allez payer, éventuellement, j'imagine, les incitatifs fiscaux. Alors, il faut avoir une certaine surveillance du territoire.

M. Benoit: Merci. Dans le cas où un citoyen vous donne le terrain, vous le gérez, vous en êtes légalement propriétaire. Mais, dans le projet de loi, le citoyen pourra aussi garder le terrain et vous pourrez en être le gestionnaire, si je comprends bien.

Ça m'amène au cas que j'ai souligné ce matin, et je vais vous poser la même question. C'est plus facile de poser la même question toute la journée finalement. Le Pinacle: quand la famille Baldwin a voulu remettre le Pinacle de Baldwin, dans les Cantons-de-l'Est, le problème de M. Baldwin n'était pas un problème de succession; ce n'était pas un problème de se départir de son terrain. C'était un problème de responsabilité civile devant tous ces gens qui allaient sur sa montagne et qui... Vous savez qu'il y a des murs très escarpés, il avait peur que des gens se blessent, et les assureurs ne voulaient plus l'assurer, à toutes fins pratiques.

Comment vous gérez, dans la mesure où le citoyen demeure propriétaire de son terrain mais que vous en avez la gestion, comment on va gérer cette responsabilité finalement devant la loi et devant l'assureur? Est-ce que vous comprenez ma question?

Mme Monahan (Terri): La question d'assurance?

Mme Gratton (Louise): D'assurance... une propriété passe à...

Mme Monahan (Terri): Bien, O.K. C'est parce que, premièrement, là. il faut se comprendre. Si ce n'est pas un don de terrain... Un don de terrain, nous autres, toute notre propriété, c'était des dons, au début. Alors...

M. Benoit: Il faut comprendre que, dans le projet de loi, vous pouvez garder la propriété du terrain, en être encore propriétaires pendant 25 ans, et après le 25 ans, là, ça deviendra la propriété d'un groupe en quelque part. D'accord? Mais, légalement, vous en êtes propriétaires. J'ai raison, M. le ministre?

Mme Monahan (Terri): Non. Ce n'est pas tout à fait ça.

M. Benoit: Non, je n'ai pas raison? Ça va être l'OGM qui va être propriétaire?

Mme Gratton (Louise): Le propriétaire demeure propriétaire.

M. Benoit: C'est ce que je dis.

Mme Gratton (Louise): Mais il peut... Donc, il doit assumer la responsabilité civile sur sa propriété.

M. Benoit: D'accord. Bon. Alors, ça renforce encore mon point. Alors, le grand problème de la famille Baldwin, et j'imagine que c'est le problème de tous ces gens-là, c'est l'aspect de la responsabilité. Comment on gère ça?

Mme Gratton (Louise): Oui. Bien, il y a une différence là, parce que, jusqu'à maintenant, le problème qu'on avait, c'est qu'on avait un problème de servitude réelle qui, avec un fonds... là, tu me corriges si je me trompe. Mais, pour pouvoir bénéficier de déductions de taxes foncières par la municipalité, il fallait que ces terrains-là soient accessibles au public pour pouvoir bénéficier d'une réduction de taxes foncières, alors que la réserve naturelle volontaire ne devrait pas imposer cette restriction-là d'accessibilité au public nécessairement; ça sera dans l'entente que le propriétaire fait.

Alors, il y a des propriétaires, eux, qui veulent avoir de la recherche scientifique sur leur terrain ou qui n'ont pas de problème absolument à ce qu'il y ait une servitude de passage sur leur terrain, mettons, qui serait en réserve naturelle volontaire pour les sentiers de l'Estrie ou pour encore les sentiers du Parc d'environnement naturel de Sutton. Mais il demeure propriétaire du terrain. La responsabilité demeure la sienne.

Mais, dans le cas d'une réserve naturelle volontaire où quelqu'un dirait: Moi, je ne veux pas que personne vienne sur mon terrain parce que c'est des escarpements ou j'ai des petits lacs et je ne veux pas avoir la responsabilité de gens qui se baignent puis qui risquent de se noyer, il pourrait, dans son entente, dire: Moi, voici, dans l'entente, je suis prêt à protéger mon milieu naturel, mais je ne veux pas nécessairement qu'il y ait une accessibilité au public.

Mme Monahan (Terri): Justement, une servitude que... Présentement, je veux dire, les fiducies, quand elles négocient une servitude avec la plupart des propriétaires terriens, il n'y a aucune accessibilité à leur terrain. La seule chose qu'ils négocient, c'est une entente avec le propriétaire.

Je vais vous donner un bon exemple. Présentement, il y a beaucoup de gens qui ont des grandes propriétés qui sont zonées blanches ou commerciales. Ces gens-là veulent garder leur terrain, surtout quand il y a des espèces intéressantes, etc., veulent conserver leur territoire. Ils ne veulent jamais subdiviser, ils veulent même donner une servitude de conservation pour que ce ne soit jamais subdivisé à perpétuité, disons.

Ces gens-là, ils se disent: Bien, non, mais je ne peux pas faire ça, parce que, si je fais ça... C'est quasiment comme s'ils rentraient dans la zone verte, puis ils n'ont pas la déduction fiscale pour. Alors, c'est comme s'ils se coupent le pied, quasiment.

Maintenant, c'est pour ça qu'on a proposé, dans le même genre ? c'est sûr qu'il faut adapter ? que le programme de remboursement de la MRN où il y a une grosse déduction si... C'est-à-dire, c'est eux autres qui protègent 200 acres de terrain sur quelque chose qui est zoné commercial puis qui pourrait être développé en condos, le lendemain, s'ils ne le faisaient pas. Je pense que ça vaut quelque chose, hein, ça vaut une grosse déduction.

M. Benoit: Un des points qui a été soulevé par tout le monde ? et c'est plus un commentaire ici qu'une question, et je terminerai avec ça, peut-être que mon confrère aura d'autres questions ? c'est celui de s'assurer que l'organisme puisse négocier avec le gouvernement et non pas nécessairement l'individu. Je pense que, depuis ce matin, à peu près tout le monde nous a dit ça.

Et le plus beau cas qui me vient en mémoire, c'est celui de Stewart Hopps, ce vieil environnementaliste de l'Estrie, qui vient d'être reçu de l'Ordre du Canada, qui, avec Marécages Memphrémagog, est arrivé à faire des transactions pas mal extraordinaires. Et, quand je regarde l'âge moyen des gens avec qui il est arrivé à faire ces transactions-là, et particulièrement souvent la barrière linguistique aussi, je suis convaincu que, jamais, ces individus-là n'auraient... nous aurions été capables de faire ces transactions-là avec le gouvernement. Stewart Hopps, sur le coin de la table, avec deux biscuits puis une tasse de thé, est arrivé effectivement à sécuriser ces marécages-là.

Mme Gratton (Louise): C'est de même que... Justement, pour revenir, on parlait de la stratégie du corridor appalachien, on s'est rendu compte, nous, que, en commençant à développer ce territoire-là puis en regardant les gens, qui étaient dévoués à la conservation, qui suivaient la Fiducie et puis qui étaient même donateurs à la Fiducie depuis plusieurs années, ça aussi, les propriétaires commencent à s'intéresser à peut-être mettre une servitude de conservation sur leur territoire.

Même s'ils supportent la Fiducie qui est de l'autre côté de la montagne, du côté de Mansonville, ils ne sont pas confortables parce qu'ils les trouvent loin. Ils aimeraient mieux travailler avec des voisins. Alors, on est en train de réaliser que, l'idéal, ce serait d'avoir une autre fiducie de ce côté-ci de la montagne, parce que c'est des personnes âgées, elles font confiance à leurs voisins, ou parce que, tout simplement, elles sentent que leur terrain serait mieux protégé par des gens qui sont près.

Puis cette philosophie-là, ce n'est pas nous qui l'avons inventée, on l'a vue d'expérience. Mais on se rend compte aussi que, dans des projets similaires aux États-Unis... Vous avez sûrement entendu parler déjà du projet «Y to Y», qui est Yukon to Yellowstone, pour garder des habitats tout le long de ce corridor naturel là pour le grizzli, pour le loup, pour le couguar. Ils se sont rendu compte que la seule façon d'arriver à leurs fins, c'était effectivement d'avoir des petites fiducies qui s'échelonnaient. Puis les fiducies, finalement, c'est des groupes de citoyens qui s'organisent entre eux pour protéger le territoire, puis c'est de cette façon-là que ça marche. La relation de confiance et de confort, c'est pour beaucoup dans le succès de ce genre de projet.

M. Benoit: Est-ce que, dans votre compréhension du projet de loi, la loi n° 149 pourrait s'appliquer dans le cas de sentiers? Je pense aux Sentiers de l'Estrie, qui partent de Glen Sutton, qui vont jusqu'à, enfin jusqu'à Valcourt, je crois, qui ont des problèmes de droit de passage à renouveler à tous les ans, etc. Est-ce que le projet de loi n° 149 pourrait rendre service ? et j'imagine que ce n'est pas un cas d'espèce, les Sentiers de l'Estrie, il doit y en avoir plein d'autres au Québec, je pense à ceux en Gaspésie, dans la Beauce, bon ? est-ce que ça pourrait les aider, votre compréhension, oui?

Mme Gratton (Louise): Moi, je vous dirais que, à ma lecture de ça, pour l'instant, non.

Mme Monahan (Terri): Je ne le vois pas, moi non plus.

n(16 h 20)n

Mme Gratton (Louise): À moins que le propriétaire, pour se décharger d'une responsabilité, en retour d'un incitatif fiscal, dise: Bon, bien, la portion de terrain où le sentier passe, je suis prêt à faire une réserve naturelle volontaire dessus; alors, là, j'aurai la paix, puis j'en fais don à l'organisme qui entretient les sentiers ou à une fiducie ou un autre organisme semblable du coin. Ça pourrait être, je dirais, par la bande.

Mme Monahan (Terri): On dit ça, puis le PENS était ici ? Parc d'environnement naturel de Sutton ? probablement qu'ils vous diraient autrement, parce que c'est eux autres qui font vraiment ça, les sentiers. Ils ont 120 kilomètres de sentiers, et probablement qu'ils vous expliqueraient autre chose. Ha, ha, ha!

M. Benoit: Très bien. Merci infiniment.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, vous aviez une autre question, je crois?

M. Bégin: J'avais quelque chose, mais je n'arrive... Je l'ai perdu. Je m'en excuse. Ha, ha, ha!

M. Deslières: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Oui?

M. Deslières: ...pour permettre à M. le ministre de reprendre...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Salaberry-Soulanges.

M. Deslières: Quelques questions, une question technique, M. le Président. Est-ce que vous pourriez déposer votre rapport, pour le bénéfice des... Parfait, merci.

Mme Monahan (Terri): Je croyais que vous l'aviez. O.K.

M. Deslières: Non, ça va, ça va, tout à l'heure; c'est correct. C'est juste pour le bénéfice des... On ne l'a pas, le rapport, hein?

Le Président (M. Bordeleau): Non. On n'a eu aucun document.

M. Deslières: Non, ça va, ça va.

Mme Gratton (Louise): C'est un concours de circonstances, parce qu'on l'a su tardivement qu'on déposait un mémoire. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bordeleau): Il a été déposé...

M. Deslières: Pas de problème, mesdames. Oui, ils vont le déposer. Merci, mesdames.

Une question de curiosité maintenant: d'où vient le nom de Vallée...

Mme Gratton (Louise): C'est le ruisseau Ruiter, en fait, qui a inspiré le nom. Alors, c'est une vallée, un petit bassin versant du ruisseau Ruiter.

M. Deslières: Très bien, merci.

Mme Gratton (Louise): Vous devriez allez le visiter, c'est très beau.

M. Deslières: J'en suis sûr. Ha, ha, ha! Pour faire suite aux questions du député d'Orford, vous avez mentionné que les coûts pour une transaction, vous êtes devenus propriétaires, c'est-à-dire fiduciaires, dans un cas 185 hectares, bon. Moi, je veux savoir d'une façon précise combien de temps ça vous a pris dans ce cas-là et combien ça vous a coûté, l'ensemble des démarches? Vous avez dit: Ça a coûté une petite fortune. Je comprends qu'il y a toutes sortes de cas...

Mme Monahan (Terri): Bien, non. Dans le cas du début, de la Fiducie foncière, il y a un bon morceau de propriété qui a été donné par la fondatrice de la Fiducie. Mais, remarquez qu'il y a eu beaucoup de dépenses...

M. Deslières: Donnez-moi un ordre de grandeur. Ça a pris combien de temps pour le faire, le compléter? Combien ça a coûté?

Mme Monahan (Terri): On va vous donner un exemple. Parmi les soutiens financiers qu'on a, on a été approchés par les propriétaires qui sont contigus à la Fiducie foncière de la Vallée Ruiter et de la Réserve écologique de la Vallée Ruiter également, qui est dans le même secteur, et ça représente 400 acres, donc c'est la moitié à peu près en hectares, ça veut dire 200 hectares, et puis l'évaluation des coûts, c'est une fondation privée ? la Fondation EGLB ? qui nous a financés pour ça. L'évaluation des coûts de réalisation de ça, c'est 50 000 $.

M. Deslières: C'est 50 000 $.

Mme Monahan (Terri): C'est 50 000 $, avec un fonds de gestion.

Mme Gratton (Louise): Avec un fonds de gestion, c'est-à-dire qu'il y a une partie de cet argent-là, l'équivalent d'à peu près 12 000 $, qui est détenue dans un fonds pour assurer le suivi de ces terrains-là. Dans le cas de cette entente-là, évidemment, on a dit aux donateurs, à l'organisme qui nous a subventionnés, qu'on ferait ça dans les meilleurs délais, mais c'est du cas à cas, c'est plusieurs propriétaires avec qui il faut aller s'asseoir, négocier, expliquer, ce qu'ils pourront, ce qu'ils ne pourront pas faire sur leur propriété. Mais ça vous donne un peu un ordre de grandeur, 200 hectares, à peu près 50 000 $.

Mme Monahan (Terri): C'est 400 acres...

Mme Gratton (Louise): C'est 400 acres, 200 hectares. Ha, ha, ha!

Mme Monahan (Terri): Excuse-moi. Ha, ha, ha!

M. Deslières: On a compris. Ha, ha, ha! Merci, mesdames. Ha, ha, ha! Merci, on va avoir les bons chiffres.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bégin: Merci. Tout à l'heure, en réponse à une question de mon collègue, vous avez mentionné un montant qui m'a étonné, là. J'ai compris que c'étaient des coûts de gestion qui remontaient à 30 $ et qui rapportaient l'équivalent de 1,28 $ ou 1,29 $ par année. Pouvez-vous m'expliquer de quoi il s'agissait, parce que j'ai cru...

Mme Gratton (Louise): O.K. Justement, ce fonds de gestion là, qu'on a mis dans un fonds, va être placé puis va nous rapporter de l'argent puis c'est de cet argent-là qu'on va se servir. On essaie de se bâtir un fonds d'opération pour le futur.

M. Bégin: Mais vous sembliez dire, puis je ne suis pas sûr d'avoir bien compris, là, que ça vous coûtait environ 30 $ par année par hectare ou acre, là, je ne le sais plus. Non? Pourriez-vous reprendre?

Mme Monahan (Terri): Je vais vous expliquer. Ce qu'on fait, premièrement, on s'est basé sur Land Trust Alliance, des États-Unis, quand on a commencé à faire ça, pour avoir une idée de comment ça se passe.

Mme Gratton (Louise): Comment eux fonctionnaient.

Mme Monahan (Terri): Comment eux fonctionnaient. Ça fait des années qu'ils font ça puis ils le font très bien, d'ailleurs. C'est devenu un «hot item», en tout cas. Alors, ce qu'on a fait, c'est qu'on a réalisé que ça prenait ? pour calculer à peu près ce que ça prenait ? à peu près 30 $ par acre investis à, disons, 4 % ou 5 %, dépendant de ce qu'on peut avoir ? peut-être 6 % ? pour être capables de générer assez de fonds pour protéger le terrain, pour faire le suivi de la protection du terrain.

M. Bégin: D'où votre 30 $, multiplié par 400, égale 12 000 $.

Mme Monahan (Terri): Exact. Vous avez compris.

M. Bégin: O.K. Merci. Là, j'ai compris.

Mme Gratton (Louise): Mais les chiffres, par contre, le choix de prendre 12 000 $ vient des expériences américaines. On a comparé, on a discuté avec eux, c'est ça.

M. Bégin: Je comprends, c'est la mécanique que je n'avais pas bien saisie.

Mme Gratton (Louise): O.K.

M. Bégin: Merci beaucoup, mesdames.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci mesdames Monahan et Gratton, pour votre présentation.

J'invite maintenant les représentants de la Chambre des notaires du Québec à s'avancer.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bordeleau): Alors, on va maintenant procéder à la présentation de la Chambre des notaires du Québec, et je demanderais au représentant de se présenter, présenter la personne qui l'accompagne. Comme vous le savez, vous avez 15 minutes pour votre présentation.

Chambre des notaires du Québec (CNQ)

M. Marsolais (Denis): Je vous remercie, M. le Président. D'abord, bonjour M. le ministre, bonjour aux représentants de la commission.

Mon nom est Denis Marsolais, je suis le président de la Chambre des notaires du Québec, et je suis accompagné de Claude Laurent, notaire, qui est directeur du développement de la profession à la Chambre des notaires du Québec.

Alors, c'est avec un immense intérêt que la Chambre des notaires du Québec a pris connaissance du projet de loi n° 149 portant sur la Loi sur les réserves naturelles en milieu privé. Ce projet de loi nous tient particulièrement à coeur, puisqu'il est l'aboutissement d'une proposition de réforme que la Chambre avait appuyée dans le cadre des travaux qu'a menés le Centre québécois du droit de l'environnement, en 1995.

Le document qui nous avait été alors soumis nous avait convaincus de l'opportunité de créer un mécanisme par lequel des citoyens pourraient être en mesure de pourvoir à la protection et à la conservation des milieux naturels dont ils sont propriétaires. Nous avions alors tout spécialement apprécié l'idée de leur conférer un nouvel outil juridique pour y parvenir. À cette époque, souvenez-vous, on parlait de «servitude de conservation» plutôt que de «réserve naturelle».

Mais, quelle que soit la terminologie utilisée, il demeure toujours opportun, quelques cinq années plus tard, de fournir aux citoyens préoccupés de cette question les moyens juridiques de participer à ce grand objectif de protection de l'environnement.

La protection des milieux naturels est plus urgente que jamais, alors que les pressions de développement s'intensifient, que l'on donne aux sols des vocations de toutes sortes, que ce soit résidentielle, commerciale, institutionnelle, agricole et routière, les terres écosensibles se raréfient. À cette réalité incontournable s'ajoutent les compressions budgétaires qui viennent diminuer d'autant les deniers disponibles pour conserver les milieux fragiles avec l'aide de l'État. Reste une solution, faire plus avec moins, et compter sur l'implication populaire.

Les informations qui nous ont été transmises démontrent que les terres privées représentent 6,4 % du territoire québécois. Elles abritent 66 % des aires de concentration d'oiseaux aquatiques, 58 % de la superficie totale, des héronnières, et 60 %, des ravages de cerfs de Virginie. Rappelons également que près de 60 % des plantes menacées ou vulnérables se trouvent là où se concentrent les populations. Or, il nous semble que c'est précisément là que se situe tout le problème.

L'État a, jusqu'à maintenant, consacré ses énergies à développer un réseau d'espaces protégés en faisant l'acquisition de portions du territoire et en leur donnant une affectation quelconque: parc ou réserve écologique.

En ce qui concerne le territoire privé, l'État peut difficilement accroître son implication d'une façon qui augmenterait ses responsabilités financières. Il doit, comme il est initié par le projet de loi n° 149, soutenir les organismes de conservation, puisqu'ils ont le mérite d'offrir une solution au problème de protection des terres du Québec faisant partie du domaine privé.

n(16 h 30)n

On compte aujourd'hui une trentaine d'organismes communautaires voués à la protection des milieux naturels ayant une valeur écologique significative. Vous avez d'ailleurs eu l'occasion d'entendre aujourd'hui les représentants de certains de ces organismes. Travaillant avec peu de moyens, ces groupes de conservation déploient jour après jour des trésors d'ingéniosité afin de protéger chaque parcelle de territoire qui mérite d'être préservée.

Les organismes de conservation sont, la plupart du temps, des organismes à but non lucratif qui, pour plusieurs d'entre eux, ont le statut d'organisme de charité. S'y impliquent des citoyens et des citoyennes dans une même région qui croient à la pertinence de protéger certains aspects naturels significatifs pour leur collectivité. Ces gens sont issus de tous les milieux: ils sont agriculteurs, agronomes, biologistes, commerçants, notaires ? pourquoi pas? ? ou encore élus municipaux. Bref, autant de gens qui témoignent du désir d'une communauté de se prendre en charge elle-même.

Ces organismes de conservation ont comme mission fondamentale de favoriser la protection et la mise en valeur des milieux naturels. Cela suppose dans plusieurs cas que les terrains protégés seront accessibles au public et qu'ils fourniront l'occasion d'établir des partenariats entre des alliés naturels. Nous entendons par là des citoyens, des propriétaires fonciers, les municipalités et l'État.

Ces organismes, vous le savez aussi, agissent de façon autonome, mais aussi en complémentarité avec les initiatives de l'État. Ils sont constitués de gens qui connaissent intimement le milieu, la dynamique locale et ils offrent aux propriétaires privés soucieux de protéger l'environnement des alternatives à la vente de leur propriété. Bref, le propriétaire peut s'engager à protéger sans pour autant se départir de son terrain.

Par ailleurs, ces organismes ne sont pas perçus par les propriétaires fonciers comme des représentants de l'État desquels ? et c'est fort important ? ils pourraient obtenir le fort prix avant de consentir quelque entente de conservation que ce soit. La conservation en milieu privé supposera toujours une collaboration entièrement volontaire de la part du propriétaire. En effet, nous devons constamment garder à l'esprit que, en matière de conservation volontaire, le propriétaire reste roi et maître et que rien ne peut le contraindre à faire quoi que ce soit s'il ne le désire pas. La perception qu'auront les propriétaires fonciers de leur interlocuteur et de ceux avec lesquels ils auront à négocier les modalités de l'entente de conservation qui s'appliqueront à son terrain sera, à notre avis, un élément déterminant dans l'issue des négociations.

La superficie des espaces que les organismes de conservation ont réussi à protéger pour le bénéfice de la collectivité est estimée à près de 34 000 ha. Malgré le mérite qui leur revient, on ne peut s'empêcher de constater que cela reste en très grande partie... puisque seulement 9 % de ces espaces protégés le sont à perpétuité. Les autres font l'objet d'ententes de conservation relevant de divers instruments juridiques dont le dénominateur commun est d'être nécessairement temporaire. On peut penser notamment aux déclarations d'intention, aux baux ou encore aux ententes de gestion d'aménagement.

Lorsque l'on pose un geste de conservation, on doit toujours le faire en s'assurant que l'entente conclue entre le propriétaire... aura la plus longue durée possible, idéalement qu'elle sera perpétuelle. Le système juridique actuel ne permet la perpétuité d'une entente que lorsqu'elle répond à des conditions bien strictes éditées par le Code civil. C'est ce qu'on appelle une servitude réelle. Or, les organismes de conservation ne sont que très rarement capables de rencontrer toutes ces conditions. Ils doivent donc se résoudre à conclure des ententes d'autres natures ne permettant qu'une durée limitée, et ce, même si le propriétaire foncier, à la base ou à prime abord, était prêt à s'engager à perpétuité.

Après cette mise en contexte qui nous apparaissait essentielle, voici nos commentaires portant plus spécifiquement sur cinq aspects du projet de loi qui nous préoccupent particulièrement.

Premièrement, l'implication active et autonome des organismes de conservation. La Chambre des notaires apprécie l'idée d'instaurer, par le projet de loi n° 149, la possibilité de créer des réserves naturelles en milieu privé ayant un effet perpétuel. Toutefois, nous déplorons que la mécanique mise en place par le projet de loi impose nécessairement l'obtention d'une autorisation de l'État. Nous pensons qu'il est probable qu'il en découlera des délais risquant de ralentir plusieurs dossiers, voire même de les empêcher de se concrétiser. Nous croyons en conséquence qu'il doit être possible pour des organismes à but non lucratif voués à la conservation de conclure des ententes directement avec les propriétaires fonciers afin d'assurer la protection de sites naturels significatifs.

Nous ne sommes pas d'avis que la création de réserves naturelles faite de façon totalement autonome par les citoyens et les organismes de conservation, sans implication quelconque de l'État, pourrait être nuisible vos projets. Nous sommes plutôt d'opinion que cela ne ferait qu'augmenter la superficie des espaces protégées pour le bénéfice, encore une fois, de l'ensemble de la collectivité. Nous proposons donc qu'il soit possible pour les propriétaires fonciers de conclure directement avec des organismes de conservation des ententes conférant le statut de réserve naturelle.

Deuxièmement, la protection des propriétaires fonciers. Par ailleurs, compte tenu de l'importance de la création d'une réserve naturelle en milieu privé, notamment en raison de son effet perpétuel, nous recommandons fortement qu'il soit mis en place tous les éléments visant à assurer la pleine et entière protection des propriétaires. Il serait, en effet, dommage que, suite à des pressions insistantes, l'un deux pose un geste généreux dont il ne mesure pas pleinement les conséquences.

Nous trouvons une forte similitude entre la création d'une réserve naturelle en milieu privé et la donation d'un immeuble telle que prévue par le Code civil du Québec. Dans ce dernier cas, le législateur a mis en place un ensemble de règles destinées à s'assurer du consentement éclairé du donateur. En fait, le geste de constituer une réserve naturelle pour un très long terme, voire à perpétuité, est tel qu'il commande que l'on prodigue aux propriétaires fonciers les conseils appropriés, et ce, en toute impartialité. La seule façon, à notre avis, de s'en assurer est de prévoir, comme cela était le cas dans le cas d'une donation d'immeuble ou de droits réels immobiliers, que les réserves naturelles volontaires devront impérativement être constituées par acte notarié en minutes. Le notaire, à titre d'officier public, a le devoir d'exposer aux parties, et ce, en toute impartialité, l'étendue de leurs droits et les conséquences de l'acte qu'ils s'apprêtent à poser.

Troisième commentaire, les conditions de modification à l'entente. Un autre aspect du projet de loi qui nous préoccupe est relié aux conditions de modification de l'entente. L'appréciation que l'on fait des milieux naturels peut évoluer, comme vous le savez, avec le passage du temps. Ainsi, il est fort probable qu'un terrain intéressant au niveau écologique devienne aussi très recherché au niveau du développement urbain, car il offre des caractéristiques appréciées par les consommateurs. Ce n'est là que la juste application du principe qui veut que la rareté fait la valeur. Dès lors que l'on est conscient de cette réalité, on peut légitimement se demander s'il est raisonnable de donner la possibilité à un propriétaire foncier de renégocier l'entente de conservation conclue plusieurs années avant lui par son aïeul ou encore par l'un de ses auteurs. Nous croyons que la modification de cette entente ne doit être possible que dans des circonstances exceptionnelles. Elle doit être motivée par le seul et unique intérêt de la conservation du milieu.

Nous pensons que cela devrait se refléter dans le projet de loi n° 149. Il serait, à notre avis, pertinent d'assortir la modification de l'entente au respect de trois conditions. Première condition: les objectifs initiaux de l'entente et l'intention du créateur de la réserve naturelle ne peuvent plus être réalisés. Deuxième condition: une modification de l'entente servirait mieux les objectifs initiaux de l'entente et l'intention du créateur de la réserve naturelle. Troisième condition: aucune conséquence fiscale néfaste ne résulte de cette modification pour le créateur de la réserve naturelle.

n(16 h 40)n

Quatrième commentaire, les causes de non-ouverture à la fin de la reconnaissance de la réserve naturelle par le ministre. Le projet de loi édicte les conditions dans lesquelles la reconnaissance d'un terrain comme réserve naturelle prend fin. Nous comprenons qu'il soit légitime de prévoir que cette reconnaissance peut notamment prendre fin suite à une décision du ministre. Toutefois, certains des motifs sur lesquels le ministre peut appuyer sa décision soulèvent, à notre avis, certaines interrogations. Il en est ainsi du non-respect de l'entente par le propriétaire. En effet, selon le projet de loi, il suffirait qu'un propriétaire ne respecte pas les termes de l'entente pour que le ministre puisse mettre fin à la reconnaissance du terrain. Or, il est possible justement que ça soit précisément ce que voudrait le propriétaire. De plus, comme nous l'avons signalé plus avant, il y a fort à parier que les propriétaires qui n'auront pas eux-mêmes créé les réserves naturelles seront plus portés que les autres à enfreindre l'entente à laquelle ils sont astreints parce qu'il faut comprendre que la réserve constitue un droit de suite. Ils le feront avec l'espoir que le ministre utilisera le pouvoir qui lui est conféré, soit de mettre fin à la réserve naturelle. Nous trouvons pour le moins particulier qu'un propriétaire qui renie l'engagement pris lors de la constitution de la réserve naturelle se trouve ainsi à initier possiblement la fin de la reconnaissance.

Concernant la disparition de l'intérêt, le projet de loi dispose que la reconnaissance prend fin si la conservation des caractéristiques du milieu naturel ne présente plus d'intérêt.

Le Président (M. Bordeleau): Me Marsolais, juste pour vérifier, est-ce qu'il vous reste encore... C'est parce que le temps qui vous était alloué est terminé, vous avez besoin de combien de...

M. Marsolais (Denis): Deux minutes. Deux, trois minutes.

Le Président (M. Bordeleau): Deux minutes, est-ce que ça convient? On a... Parfait. Alors, vous pouvez continuer.

M. Marsolais (Denis): Alors, le projet de loi dispose que la reconnaissance prend fin si la conservation des caractéristiques du milieu naturel ne présente plus d'intérêt. Nous croyons qu'il y aurait avantage à préciser qu'il s'agit ici de l'intérêt de la collectivité et non de celui du propriétaire à voir le site conservé.

Quant au préjudice en cas de maintien, selon le projet de loi, la reconnaissance peut être retirée par le ministre si son maintien entraînait pour la collectivité un préjudice plus grand que son retrait. Nous nous expliquons mal pourquoi le projet de loi doit contenir une telle disposition. Nous croyons que, si l'État a besoin d'un site pour le destiner à des fins autres que la conservation, et ce, dans l'intérêt de la collectivité, il lui suffit de se prévaloir de son droit d'exproprier ce terrain en vertu de la Loi sur l'expropriation.

Cinquième commentaire, le droit de contester par tous les intéressés. Le projet de loi confère un droit d'appel au propriétaire qui voit la reconnaissance de réserve naturelle supprimée. Pourquoi ce droit est-il limité uniquement au propriétaire? En fait, dans la plupart des cas, ceux qui auront intérêt à contester la décision du ministre seront les utilisateurs du milieu naturel, les organismes de conservation impliqués dans sa gestion et tous ceux qui ont à coeur la protection de cette parcelle de territoire. Il est fort possible que le propriétaire soit satisfait du retrait annoncé par le ministre. Un propriétaire ne crée pas une réserve naturelle dans son propre intérêt. Certes, il le fait parce que cela rejoint certaines de ses valeurs fondamentales, mais il pose son geste d'abord et avant tout dans l'intérêt de la collectivité. C'est d'ailleurs pourquoi l'entente de conservation qu'il conclut peut affecter son terrain à perpétuité. Limiter le droit de contester au seul propriétaire équivaut, à notre avis, à nier que la motivation véritable de ce dernier est le bien-être de l'ensemble de la population et qu'en définitive ce sont eux qui pourraient avoir intérêt à faire appel de la décision du ministre. Nous croyons donc que le projet de loi devrait être modifié afin d'étendre le droit de contester à tout intéressé.

En guise de conclusion, les organismes de conservation du Québec ont déjà démontré qu'ils peuvent être un apport véritable à la protection des milieux naturels. Il leur manquait toutefois jusqu'à ce jour un outil leur permettant de conclure des ententes avec des propriétaires fonciers pour protéger à perpétuité des terres ayant une valeur significative sur le plan de la conservation. Le projet de loi n° 149 remédie en partie à cette situation. Ainsi, sous réserve des quelques commentaires que nous avons formulés ci-dessus, nous ne pouvons que vous féliciter, M. le ministre, pour l'initiative que vous avez eue en rédigeant le projet de loi n° 149. Nous espérons sincèrement son adoption prochaine afin qu'il vienne enrichir la gamme de possibilités juridiques dont peuvent se prévaloir ceux et celles qui ont à coeur la protection des milieux naturels du Québec. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci, Me Marsolais. Alors, M. le ministre.

M. Bégin: Alors, merci, M. Marsolais, Me Laurent. Je pense qu'il y a des questions très importantes que vous avez soulevées. Je commencerais d'abord par celle qui vise à s'assurer qu'il n'y aurait pas modification de l'entente à moins d'un encadrement bien précis que vous avez énoncé: les objectifs initiaux de l'entente ne peuvent plus être réalisés; une modification à l'entente servirait mieux les objectifs initiaux de l'entente ? donc, on comprend une bonification et non pas une réduction; et, finalement, qu'il n'y ait pas de conséquences fiscales néfastes pour le propriétaire.

Ce que je comprends de votre message, c'est que, au moment où on fait une telle réserve, il y a un propriétaire, il y a un organisme, et, bon, les choses sont belles, ça va bien. Trente ans, 40 ans, 60 ans, 80 ans plus tard, les motifs qui animaient le propriétaire ont peut-être été oubliés par le fils, le petit-fils, un quelconque propriétaire, et vous dites: Comme le bien a été destiné à des fins de conservation non pas dans l'intérêt du propriétaire de ce terrain, mais dans l'intérêt commun, collectif, on ne devrait pas laisser la possibilité d'intervenir, à moins qu'on ne respecte ces critères-là. Je pense que ça décrit bien ce que vous pensez.

Je vous avoue que ça m'attire, ça me plaît, parce que, effectivement, il ne s'agit pas d'imputer à quiconque des motifs, là, incorrects, mais la nature humaine étant ce qu'elle est et l'histoire m'ayant appris que ça dure longtemps, les choses, et que, si on veut qu'elles durent longtemps, qu'elles soient bien faites, on est peut-être mieux de prévoir que de guérir, alors je vous avoue que j'apprécierais s'il y avait une formulation qui serait plus simple, parce que là c'est quand même toute une série de critères. Ça a l'avantage de bien préciser les choses, mais ça laisse aussi des trous quand on commence à spécifier l'un ou l'autre des motifs, ce qui est, je ne sais pas, le unius... exclusio... en tout cas, ce qui est inclus ne comprend pas ce qui a été exclu. Mais une formule qui dirait: Tout autre motif qui ne contrevient pas à l'objectif pour lequel la propriété a été désignée comme réserve naturelle volontaire, ce n'est peut-être pas une formulation parfaite, là, mais elle est plus simple pour couvrir l'ensemble des éléments que vous tentez de cerner. Et je pense que c'est un bel effort qui est fait.

Je vous avoue que je vais certainement regarder de près pour l'adoption du projet pour ? je vois que mon collègue de l'opposition opine dans ce sens-là ? trouver une formulation, parce que, effectivement, on veut travailler pour très loin. On demande minimum 25 ans. On ne pense pas à cinq ans ou à huit ans, on pense à loin. Alors, tant qu'à regarder loin, bien regardons comme il faut puis donnons tout de suite les balises pour éviter la tentation à des gens qui perdraient de vue les objectifs légitimes que nous avons aujourd'hui.

M. Marsolais (Denis): Si vous permettez, M. le ministre, ça nous oblige quand même à une chose par ailleurs. À cause du caractère perpétuel, comme je l'exprimais tantôt, il faut absolument que, lors de la conclusion d'une entente, le propriétaire soit au fait des tenants et aboutissants de ses engagements et de ses obligations. Et là vous allez me dire que je suis chauvin un peu, mais, bon...

M. Bégin: Vous en profitez pour replaider votre autre point. Ha, ha, ha!

M. Marsolais (Denis): Non, non. Non, mais c'est que ça demeure quand même une réalité, vous demandez à un propriétaire foncier de s'engager pas pour 10 ans, pas pour cinq ans...

M. Bégin: Je reviendrai là-dessus. Là, vous prêchez...

M. Marsolais (Denis): ...et ça, c'est fort important.

M. Bégin: Là, comme on dit, vous prêchez pour votre paroisse, mais...

M. Marsolais (Denis): ...

M. Bégin: Non, non, je comprends. L'idée est vraiment de s'assurer qu'il est là. Et, moi, je pense que... Vous prenez ce côté-là, mais je vais prendre un autre effet qui découle de ce que vous proposez, c'est qu'en quelque sorte il faudrait qu'il y ait un arbitre. Parce que qui va juger des motifs? Qui va juger des motifs? Est-ce que c'est le groupe environnemental? Admettons que le groupe environnemental ou le groupe de conservation de 2001 pète le feu, est tout feu tout flamme, mais que dans 30 ans il est disparu. Bon, l'auteur, l'animateur est mort, bon, puis le groupe est parti. Qui va être le gérant à ce moment-là? Moi, je crois que l'État a cette continuité assurée. À moins d'une révolution, mais on ne pensera pas à ça. Alors, il a cette continuité qui protégerait justement... qui permettrait de juger si effectivement on peut ou pas abandonner. Et, moi, ça me fait une réponse à votre question concernant le fait que des groupes pourraient conclure une entente avec un propriétaire et, de facto, être admissibles aux fins de la réserve naturelle. Je pense que ça met un terme à cette proposition-là.

Par contre, dans votre proposition, il y a deux volets. Il y a celui que je viens de mentionner, mais il y a l'autre aussi qui est de dire: Est-ce qu'un groupe peut être porteur auprès du ministre pour être autorisé à devenir une réserve naturelle plutôt que simplement le propriétaire? Et je pense que, là-dessus, il y a un gain dans le sens de ce que vous demandez. Mais, sincèrement, je crois que le ministre n'a pas voulu, dans cette loi-là, mettre des contraintes telles que ça soit administrativement complexe de se faire reconnaître. Les critères sont objectifs, et je pense que ça devient une mécanique simple, presque ? presque ? un automatisme. Pas tout à fait, mais presque.

n(16 h 50)n

Donc, moi, je n'ai pas crainte d'un caractère ampoulé de l'administration qu'on pourrait mettre autour de ça et empêcher la réalisation d'ententes souhaitées par les parties. En tout cas, c'est une question de perception, mais le projet de loi a été fait exprès pour ça, pour ne pas avoir une machine administrative, là, qui vienne empêcher la réalisation de l'entente. Et c'est pour ça que j'ai accepté facilement qu'on mette les organismes comme étant les gens qui peuvent faire la relation avec le gouvernement plutôt que simplement l'individu, justement pour faciliter les choses et ne pas mettre le propriétaire devant une tâche qui est, des fois, très lourde. Il peut avoir le coeur généreux mais ne pas être quelqu'un qui connaît bien comment travailler avec l'État. C'est deux choses qui peuvent être divergentes.

Alors là, on ramène votre question. Parmi la panoplie des obligations qui découlent de l'établissement d'une réserve, tout à l'heure, les gens de la Vallée Ruiter mentionnaient des choses comme, par exemple, faire faire un arpentage du terrain, faire faire une évaluation. Déjà, c'est une préparation à ce qui pourrait être un acte notarié, mais la question qui se pose, tout en étant bien conscient du rôle impartial que le notaire joue ? et je le prends tel que vous l'avez dit ? qui pourrait s'exercer au moment de la transaction, est-ce qu'on ne peut pas penser qu'une telle opération est extrêmement coûteuse et qui aussi pourrait exiger du temps? Parce qu'une description d'un immeuble situé en forêt ou éloigné des milieux, qui n'a pas fait l'objet de beaucoup d'opérations, de transactions, nécessiterait peut-être des recherches de titres, etc., extrêmement... en tout cas, plus complexes que simplement l'acte de donation sans qu'on se préoccupe de toutes ces questions-là. J'avoue là-dessus que, tout en comprenant bien le sens de votre message, j'ai des hésitations à mettre en plus cette exigence dans la loi. D'ailleurs, M. Bergman pourra intervenir, là. Ha, ha, ha!

M. Marsolais (Denis): Je pourrai continuer pour Me Bergman. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bordeleau): Me Marsolais.

M. Marsolais (Denis): Juste peut-être deux, trois précisions. Au niveau de la désignation cadastrale, alors, ce n'est pas parce qu'il y aura un notaire ou qu'il n'y aura pas de notaire dans le dossier que ça n'obligera pas le propriétaire foncier à obtenir une désignation précise pour que, éventuellement, le ministre puisse publier l'avis en question au Bureau de la publicité. Alors, si, par exemple, le site porte sur une partie de la terre d'un propriétaire... Je vous donne un exemple, j'ai une terre dans la région d'Orford, et ma résidence principale est située sur cette terre-là. Alors, probablement que, à titre de propriétaire, je ne voudrais pas affecter le terrain environnant ma résidence principale du site naturel. Alors, je devrai à ce moment-là obtenir d'un arpenteur-géomètre une description technique qui va établir les tenants et aboutissants des périmètres du terrain du site naturel.

M. Bégin: ...mais il n'y a pas de cession dans ce cas-ci. Le propriétaire reste propriétaire.

M. Marsolais (Denis): Il n'y a pas de cession, mais, lorsqu'il y a un avis qui va être déposé au Bureau de la publicité des droits, il faut que la désignation de l'immeuble soit certaine, comprenez-vous?

M. Bégin: Je ne connais pas la règle officiellement sur ça, là, mais j'imaginais que c'était possible qu'on ait, vu qu'il n'y avait pas de transfert de propriété... Et on n'a pas discuté de cette question-là avec des avocats là, alors je ne suis pas en mesure de dire que j'ai raison ou tort, mais je croyais qu'il serait possible d'avoir une inscription au registre foncier sans qu'on ait une description légale excluant ou incluant les parties comme telles, mais plutôt une désignation, disons, informelle parce qu'il n'y a pas de dépossession de la part du propriétaire.

M. Marsolais (Denis): Bien, je ne crois pas, parce qu'il ne faut pas oublier qu'on affecte le lot d'un droit réel, là. Un droit réel innommé, mais on affecte le lot d'un droit réel, et donc il faut que la désignation soit précise. Et, moi, si j'étais un propriétaire visé, je vous... et que ce propriétaire-là vient me consulter à titre de notaire, assurément que je vais lui conseiller de faire une description technique pour être certain que la partie de la résidence ne soit pas affectée par la reconnaissance du site naturel.

C'est au même titre, M. le ministre, que l'avis émis ou produit par... en vertu de la Loi sur les biens culturels. Alors, il y a un avis qui est déposé au Bureau de la publicité contre un certain nombre de lots lorsqu'il y a un bien culturel ou faisant partie du patrimoine et, dans tous les cas, il faut une désignation précise. Le directeur de la publicité des droits n'acceptera pas, sur une partie de lot... une désignation à vie sur la partie de lot une telle de tel cadastre, il va exiger une désignation cadastrale... Pas une désignation cadastrale, je m'excuse, mais une description technique. Êtes-vous d'accord avec moi Me...

M. Bégin: Je ne conteste pas du tout, là, je n'ai pas les connaissances pour le dire, mais prenons pour acquis que vous avez raison et qu'on doive effectivement préparer ce document-là pour être capable de procéder à l'enregistrement. Donc, il y aura un acte qui sera rédigé, mais on peut aller plus loin et demander que la description technique et l'acte notarié soient faits... l'acte soit fait par un notaire. Et sur quoi porterait à ce moment-là... Admettons qu'on se dise: Bon, il faut faire une description puis il faut que le notaire intervienne... Mais, revenant à votre rôle d'informateur impartial, est-ce que votre rôle jouerait sur le titre de propriété ou ce que vous venez de décrire ou encore sur le contenu de l'entente qui serait conclue entre le propriétaire et l'organisme de conservation? Alors, est-ce que vous voyez...

M. Marsolais (Denis): Oui, je comprends. Bien, en fait, notre rôle, il aurait plusieurs facettes, notamment de bien s'assurer que les dispositions sont respectées, notamment qu'au terme de la convention à être signée entre les parties on respecte les dispositions, les libellés de la loi, première chose. Et la chose la pus importante, à notre avis, c'est de s'assurer ? et c'est notre rôle premier, là ? que l'ensemble des parties à cette convention-là connaissent l'ampleur et la portée de leurs obligations et de leurs engagements. Écoutez, on crée ça, là, ce n'est pas, encore une fois, pour deux, ou trois, ou quatre ans, c'est à perpétuité, donc de s'assurer que les parties à cette transaction-là sont bien au fait de l'étendue de leurs obligations et de leurs droits pour éviter une chose fort importante, dans 20, 30, 40 ou 50 ans lorsque ce sera le petit-fils qui héritera de la terre en question, pour ne pas que ce petit-fils puisse être en mesure de dire: Ah! mon grand-père avait signé ça parce qu'on a insisté, il n'avait pas trop compris, là, puis... Il ne faut pas faire en sorte que cet avis-là puisse être contesté dans le temps. Et, comme un acte notarié, le contenu bénéficie de la force probante ? malheureusement pas encore de la force exécutoire, mais la force probante; une étape à la fois, hein? ? alors, le contenu fait preuve par lui-même. Alors, M. le ministre, à cause du caractère perpétuel de cette convention-là, je demeure encore convaincu qu'il faut absolument qu'il y ait une personne qui puisse être en mesure d'informer adéquatement toutes les parties à cette transaction-là, une personne dont les règles déontologiques l'obligent d'être impartial.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui, MM. Marsolais et Laurent, merci d'être ici avec nous aujourd'hui. À la lecture de votre mémoire, je suis convaincu maintenant que nous devrions toujours inviter la Chambre des notaires à venir nous rencontrer pour tous les projets de loi, surtout que dans le cas présent vous dites exactement comme l'opposition. Depuis le 8 novembre que j'invite le ministre partout où je le rencontre... Je ne vous dirai pas à quels endroits nous nous sommes rencontrés, je l'ai invité à peu près partout et à chaque fois à ce que ce projet de loi là... nous enlevions le mot «privé» du projet de loi. Alors, ça fait... c'est la première page de votre mémoire, et je suis très heureux. Je veux juste le relire pour être sûr que ce soit dans les galées. Alors, «...ceux-ci portent principalement sur la pertinence d'ajouter un mode de reconnaissance des réserves naturelles privées destinées exclusivement au secteur privé.» Plus loin à la page 3, vous direz: «Toutefois, force est de constater que nous trouvons aussi sur ce même territoire des espaces publics qui auraient avantage à être protégés à titre de réserves naturelles volontaires.» Et, plus loin, vous dites: «Les municipalités tant locales que régionales ? j'élimine quelque phrases vu que c'est un peu long ? sont parfois détentrices de milieux dont elles souhaitent assurer la conservation, qu'elles doivent se résoudre à le faire avec des montages juridiques périlleux, complexes et précaires. Ainsi, à défaut de supprimer le mot "privée" de l'article 1 et d'étendre ainsi son application indistinctement au domaine privé ou public, nous proposons qu'il soit spécifiquement mentionné qu'une municipalité locale ou régionale ou encore une communauté urbaine puisse créer des réserves naturelles.»

n(17 heures)n

Et j'ai donné moult exemples au ministre de commissions scolaires, de ministères au Québec, dont un en particulier auquel je pense, le ministère de la Santé, en ce moment, qui a des territoires, des terrains qui auraient avantage à devenir protégés. Je pense à la Caisse de dépôt qui se ramasse avec l'arrière de centres d'achats où il y a des marais, etc. Alors, moi, je suis un de ceux... Et depuis le 8 novembre que nous disons au ministre: Enlevez le mot «privé» de là, et tout le monde va y gagner. Mais, moi, j'aimerais vous entendre. À cette heure que j'ai fait mon pitch, j'aimerais ça que vous fassiez le vôtre. Et, comme on a le grand plaisir d'avoir un notaire parmi nous, il va vous poser la prochaine question. Alors, j'aimerais ça que vous expliquiez...

M. Marsolais (Denis): Alors, écoutez, tout...

M. Benoit: Tout a été dit.

M. Marsolais (Denis): ...est dans le mémoire. Je pense que, nous, on a cru essentiel d'élargir la possibilité non seulement des propriétaires fonciers privés, mais, comme vous l'avez si bien dit, il y a certains emplacements qui sont la propriété du domaine public et qui auraient tout avantage... Et ça, c'est dans l'intérêt de la collectivité, là. À partir du moment où il y a un intérêt écologique à le faire, que ça appartienne au privé ou au public, s'il y a entente entre les parties à cet effet-là, pourquoi pas?

M. Benoit: Et, même, j'en ajouterais, il me semble qu'il est plus facile, parce qu'il y a déjà un esprit de responsabilité dans une commission scolaire, un esprit public, il y a déjà... Que ce soit à la MRC, à la municipalité ou au ministère de la Santé, ces gens-là devraient déjà penser public. Alors, je ne comprends pas pourquoi le ministre ne veut pas soit enlever le mot «privé» ou rajouter le mot «public». Il fera comme il voudra, mais j'ai de la misère à comprendre. Le ministre ne veut pas témoigner là-dessus. Il est coupable, alors... Mais est-ce que vous y voyez des problèmes? Je comprends qu'on y voit des avantages, vous et moi, et c'est bien, ça, mais est-ce qu'il y aurait des problèmes que nous... Parce que, si le ministre est contre, il y a en quelque part que, lui, il voit des problèmes, j'imagine.

M. Marsolais (Denis): Écoutez, loin d'avoir la prétention d'être des spécialistes en environnement, là, ce n'est vraiment pas notre rôle. Juridiquement, nous, on n'en voit pas, au contraire, mais, bon, peut-être qu'on n'a pas fait tout le tour du dossier, on n'a pas toutes les considérations que le ministre a pu avoir l'opportunité d'étudier. Mais, nous, à prime abord, c'est juste dans l'intérêt de la collectivité. Alors, si c'était possible de le faire ? juridiquement, nous croyons que oui ? pourquoi ne pas donner l'opportunité autant aux propriétaires de terrains dans le domaine public? Encore là, toujours s'il y a entente. Écoutez, c'est une négociation entre deux parties. À partir du moment où il y a entente et que chacune des parties est bien au fait de ses obligations, parce que... Puis, habituellement, on souhaite qu'il y ait un notaire entre les deux pour s'assurer que chacun connaisse vraiment la portée de ses obligations. Pourquoi pas? Je...

M. Benoit: Très bien. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, je laisse maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee qui a une qualité qui fascine le député d'Orford, c'est celle d'être notaire. Alors, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, M. le Président. Me Marsolais, Me Laurent, merci pour votre présentation. Je tiens compte des remarques très complimentaires à votre part qui ont été faites par mon collègue le député d'Orford. Et le ministre a fait référence à la paroisse pour laquelle vous prêchez, et je suis d'accord que vous prêchez pour une bonne paroisse, la Chambre des notaires.

En référence des descriptions techniques que le ministre a fait référence dans la description du terrain qui serait affecté par une réserve naturelle, je pense que, si le terrain en question est situé dans un domaine où le terrain a été rénové, alors ça prendrait une nouvelle subdivision au lieu d'une description technique. Et ça, c'est quelque chose que la loi doit peut-être faire référence à ce sujet, car je suis d'accord avec vous que ça prendrait une question d'une nouvelle subdivision. Et l'examination du titre sera très importante, car ce n'est pas un accord de convention qui serait pour une année, mais pour 25 années, alors on doit s'assurer que le titre est bon. Maître...

M. Marsolais (Denis): ...Me Bergman, si vous me permettez, qu'on suggère à l'article 4, premièrement, de remplacer «la description de la propriété» par «la désignation de la propriété».

M. Bergman: Me Marsolais, en vertu de la Loi sur les mines, article 3, on apprend que le gouvernement a la propriété des droits miniers, qu'il peut octroyer à une tierce personne. En vertu du projet de loi devant nous, est-ce qu'il ne doit pas y avoir une obligation, de la part du gouvernement, sur la demande d'une création d'une réserve naturelle, un, de prendre information du ministère des Ressources naturelles du Québec qu'il n'y a pas un conflit dans la situation; deuxièmement, d'informer ceux qui ont des droits miniers dans le territoire qu'il va y avoir une réserve naturelle; et, troisièmement, une prohibition d'avoir une réserve naturelle sur le même terrain où il y a déjà des droits miniers qui étaient octroyés par le gouvernement à une tierce personne?

M. Marsolais (Denis): Écoutez, moi, je ne pourrais pas vous répondre à cette question-là, Me Bergman, c'est parce que je ne connais pas de façon très précise la loi sur les droits miniers. Mais tout ce que je peux vous dire, c'est qu'à partir du moment où l'avis est publié au Bureau de la publicité des droits cet avis est opposable aux tiers. Alors, tout le monde est au fait et au courant qu'il y a une réserve pour un site naturel qui est enregistrée. Mais je vais permettre à M. Laurent de vous répondre probablement plus précisément.

M. Laurent (Claude): Je rajouterais peut-être que la réserve sera créée compte tenu de toutes les charges qui grèvent déjà l'immeuble. Imaginons qu'on dépose une réserve comme celle-là et que le terrain est déjà hypothéqué et, déjà, souffre de servitudes en faveur de tiers, c'est sûr que ces droits-là continueront d'exister. Alors, sans connaître la Loi sur les mines, je dirais que ça suit le même principe.

M. Bergman: J'ai soulevé la question seulement pour qu'on prenne attention à cette question très importante, la différence entre le droit sur la superficie d'un terrain qui appartient au propriétaire et les droits miniers auxquels fait référence la Loi sur les mines. Mais je voulais juste être certain que vous prenez connaissance de ce problème et que le gouvernement prend connaissance de ce problème en étudiant les débats de cette commission parlementaire pour déposer un projet de loi final.

M. Marsolais (Denis): Le notaire au dossier pourra vérifier l'état de la situation du lot en question devant être affecté par la réserve et sera en mesure de faire en sorte, de dire: Bien, il y a des contradictions, il y a déjà une servitude ou un droit de superficie sur ce terrain-là qui a été accordé à une autre personne. Il y a déjà affecté... un droit d'usage qui va peut-être en contravention à l'avis du site naturel. Alors, le notaire sera en mesure de voir, après lecture au Bureau de la publicité des actes affectant l'immeuble, le terrain, s'il y a contradiction ou s'il y a complémentarité.

M. Bergman: C'était l'importance...

M. Marsolais (Denis): L'importance encore une fois que...

M. Bergman: ...de l'examination de titres à laquelle vous avez fait référence.

M. Marsolais (Denis): Voilà. Je ne veux pas nécessairement dire que c'est important qu'il y ait notaire au dossier, mais j'ai trop d'occasions, je m'excuse.

Le Président (M. Bordeleau): Oui. M. le ministre, je pense que vous aviez...

M. Bégin: Oui. Juste pour revenir sur cette question de privé-public, quel est l'intérêt qu'une municipalité ou une commission scolaire pourrait avoir de céder, pour fins de réserve naturelle, un immeuble qu'elle possède, puisque, pour prendre le cas d'une municipalité, elle a tout ce qu'il faut pour gérer correctement dans l'intérêt public? Vu qu'elle travaille toujours dans l'intérêt public, elle peut toujours gérer à ces fins-là. Et quel avantage verraient-ils? Une commission scolaire pareillement. Quant à l'État, si un bien est excédentaire, c'est-à-dire qu'il ne sert pas aux fins pour lesquelles le ministère l'a, il doit retourner, en vertu de nos règles, au ministère de qui, Transports?

Une voix: ...

M. Bégin: Au ministère des Transports qui, à ce moment-là, le redistribue selon les usages. Je cherche quel est l'intérêt qu'on aurait, une commission scolaire, une municipalité, à passer par ce canal-là plutôt que de gérer soi-même tel qu'on le désire, finalement?

M. Laurent (Claude): Écoutez, sans connaître les motivations profondes, le cas qu'on nous cite de la municipalité de Saint-Jean-sur-Richelieu qui a justement consenti une servitude de conservation, j'imagine qu'elle y a trouvé son compte. Et on nous cite d'autres cas de municipalités, mais on ne pourrait pas vous dire, là, quelles sont les motivations profondes de ces gens-là.

M. Bégin: Mais c'est à Compo-Richelieu qu'ils ont installé ça? À qui?

M. Laurent (Claude): Mouvement écologique du Haut-Richelieu.

M. Bégin: ...

M. Laurent (Claude): En fait, c'est peut-être juste de permettre un outil juridique supplémentaire autant dans le domaine privé que dans le domaine public. Je ne vous dis pas que dans tous les cas, dans le domaine public, ça sera pertinent d'utiliser la loi n° 149, mais il peut arriver dans certains cas que ça va peut-être être plus simple de procéder avec un avis contre le lot aux fins de la collectivité pour qu'il y ait un site naturel. Je comprends mieux votre question, mais ce que je ne comprends mal, c'est: Pourquoi l'empêcher par ailleurs?

M. Bégin: Pourquoi le permettre si ce n'est pas utile? Je cherche le pourquoi, je n'ai pas d'objection de principe.

n(17 h 10)n

M. Marsolais (Denis): Bien, nous, en fait, la recommandation qu'on a faite, c'est surtout pour donner l'opportunité d'accorder un outil supplémentaire autant dans le domaine public que dans le domaine privé. C'est parce qu'on trouvait que l'idée de base qui ressort de la loi n° 149 est excellente, et on dit: Pourquoi pas? Le public pourrait en profiter.

M. Bégin: Parce que la loi s'insère un peu... Même si ce n'est pas légalement, elle s'insère dans la politique des aires protégées. C'est un peu des aires protégées, des aires protégées s'appliquant au secteur public, ce que nous avons aujourd'hui s'appliquant plutôt au secteur privé. Je pense que c'est plutôt dans cette lignée-là qu'il faut voir le partage entre ce qui est privé et public. Je sais que nous n'avons pas devant nous un acte légal qui permet de dire: Voilà... si cela, exactement, on peut le faire dans telle chose, mais on est en processus, en évolution, et les aires publiques ? je l'ai dit ce matin, je ne sais pas si vous étiez présent ? vont faire l'objet d'une politique ou d'une stratégie d'ici le 20 juin 2001. Alors, c'est pour ça que je me questionne.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, le temps étant maintenant écoulé, je vous remercie de votre présentation, Me Marsolais et Me Laurent. Merci.

Remarques finales

Alors, comme la partie de la consultation est terminée, nous allons procéder à la dernière étape de nos travaux que sont les remarques finales. Alors, je vais demander au député d'Orford, responsable de l'opposition officielle en matière d'environnement, de procéder à ses remarques.

M. Robert Benoit

M. Benoit: Oui. Bien, très rapidement, M. le Président, d'abord vous remercier de la qualité des travaux que vous avez gérés aujourd'hui, ainsi que les confrères qui y ont assisté. Les citoyens qui nous ont écoutés comprennent que nous sommes après mettre en place un projet de loi qui fera que des individus pourront prêter ou, à toutes fins pratiques, donner leur propriété pour le bien public, et c'est souhaitable que de plus en plus des citoyens le fassent au Québec.

Ça n'excusera pas ce gouvernement de ne pas avoir atteint les objectifs nord-américains de 8 % de territoire protégé. Je rappelle que le Québec est à 2,75 %. Le projet de loi, au mieux, pourrait, à ce qu'on nous dit, nous faire augmenter, sur une période de temps, de 1 %. Donc, nous serions à 3,75 %. Nous savons que la Colombie-Britannique sera à 12 % prochainement. L'Europe regarde aussi une norme de 12 %. Alors, le Québec est très en arrière, et il n'y a rien à pavoiser du côté du gouvernement même si ce projet de loi est bon, même si c'est dans la bonne direction. Nous avons vu que l'ensemble des intervenants aujourd'hui donnent raison de la direction, mais la vitesse ne sera pas assez grande pour atteindre les objectifs que le reste du continent a atteints.

Je veux remercier nos confrères de l'opposition qui ont été ici aujourd'hui présents et je veux les remercier aussi d'avoir invité le gouvernement à faire une commission parlementaire, à écouter les groupes. Et je pense qu'autant le ministre que nous avons appris pas mal de choses, finalement, et je suis heureux que nous ayons entendu ces groupes-là.

Alors, nous sommes prêts à procéder dès jeudi prochain article par article, et, le 13 de mars, nous serons de retour, la session recommencera. De notre côté, nous sommes prêts à voter sur ce projet de loi là et j'assure le ministre que, particulièrement s'il mettait le mot «public» ou s'il enlevait le mot «privé», l'un ou l'autre, on aurait encore plus de facilité à voter dans le même sens qu'il désire. Alors, merci à tout le monde pour la magnifique collaboration.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. le ministre, pour vos remarques finales.

M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. Je voudrais dire au député d'Orford que ce que nous faisons aujourd'hui, c'est monter une marche d'un escalier, mais on ne peut pas monter l'escalier d'un seul coup. Alors, aujourd'hui, ce que nous faisons, c'est, dans le domaine privé, prévoir des réserves naturelles et faciliter le passage d'un propriétaire privé à un bien public destiné à être protégé. Et je pense que c'était essentiel, il l'admet, que nous le fassions pour donner aux générations futures le bénéfice de territoires qui, autrement, pourraient disparaître sous, je ne sais pas, moi, la botte de promoteurs ou autrement.

Donc, c'est une première législation. Je répète que l'an dernier, au mois de juin 2000, j'ai proposé au gouvernement, qui l'a adopté, un cadre de gestion pour les aires protégées avec des objectifs ambitieux, d'atteindre le 8 % d'ici 2005. J'ai également mentionné que nous pensons être capables de respecter l'échéancier, d'avoir cette stratégie au mois de juin 2001, donc dans à peu près quatre mois, ce qui est très, très rapproché. Alors, on sera en mesure d'avoir à la fois pour le domaine privé et pour le domaine public une stratégie pour permettre au Québec de rejoindre le peloton de ceux qui l'ont fait, c'est-à-dire rejoindre le standard international d'avoir au moins 8 % du territoire qui est protégé ou qui est sous l'appellation «aire protégée».

Alors, c'est un travail qu'il faut faire avec diligence, mais il faut le faire correctement. Il y a eu beaucoup de périodes où on aurait pu faire ça, ça n'a pas été fait. Alors, je pense qu'il faut maintenant prendre un peu les bouchées doubles, ce qui n'est pas évident, de partir de 2,5 %, qui s'est fait sur 40 ans, pour être capable de passer à 8 % sur quatre ans. Alors, il faut le faire, mais il faut le faire correctement, et nous allons réussir.

Alors, je remercie infiniment les groupes qui sont venus présenter un mémoire aujourd'hui. Ils ont été extrêmement utiles à nos travaux. Et, moi, je suis toujours impressionné de voir comment des personnes qui regardent un projet de loi à froid sont en mesure non seulement de le comprendre, bien sûr, mais de nous faire valoir les faiblesses qu'il peut receler et les améliorations qu'on peut y apporter. Et, encore une fois, à plusieurs reprises, les groupes ont donné ce regard neuf, ce regard différent et qui est extrêmement utile.

Je pense qu'aussi on verra, lors de l'étude article par article, que l'opposition pourra aussi apporter des amendements ou des propositions constructives. C'est généralement ce qui se passe lorsqu'elle est dans le mood d'être en faveur d'un projet, et je comprends que le député d'Orford est dans cette lignée-là. Donc, on devrait avoir la semaine prochaine un projet de loi qui sera vraiment très, très satisfaisant pour les fins que l'on vise, qui sont d'intérêt public.

Alors, merci aux collègues qui ont participé aux travaux de la commission, M. le Président, le personnel qui nous a accompagné. Et à bientôt. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci, M. le ministre. Je veux remercier également toutes les personnes qui se sont présentées devant la commission. Je veux remercier tous mes collègues pour leur collaboration.

Alors, la commission ayant accompli le présent mandat, j'ajourne les travaux à jeudi, le 8 février 2001, à 9 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, alors que la commission entreprendra un autre mandat, à savoir l'étude détaillée du projet de loi n° 149, Loi sur les réserves naturelles en milieu privé, et du projet de loi n° 156, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives relativement à la protection et à la réhabilitation des terrains. Alors, merci.

(Fin de la séance à 17 h 18)



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