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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 20 mai 1999 - Vol. 36 N° 6

Étude détaillée du projet de loi n° 24 - Loi modifiant la Loi sur l'assurance automobile et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats


(Quatorze heures cinquante-neuf minutes)

Le Président (M. Duguay): Bonjour. Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Alors, je tiens à vous rappeler le mandat de cette présente commission. Le mandat de la commission est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 24, Loi modifiant la Loi sur l'assurance automobile et d'autres dispositions législatives.

M. le secrétaire, est-ce que vous avez des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Boucher (Johnson) est remplacé par M. Duguay (Duplessis); et M. Benoit (Orford) est remplacé par M. Cholette (Hull).

(15 heures)

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le secrétaire. Alors, dans le cadre de l'étude du projet, est-ce qu'on peut s'entendre sur une façon de procéder ou on procède comme d'habitude, à l'effet qu'on se dote de, quoi, un 20 minutes de présentation?

M. Bordeleau: De remarques préliminaires.

Le Président (M. Duguay): Remarques préliminaires et, par la suite, autant que possible, l'échange avec les députés selon l'ordre d'alternance.

M. Bordeleau: M. le Président?

Le Président (M. Duguay): Oui.

M. Bordeleau: Il est bien entendu que tous les membres de la commission ont droit aux 20 minutes de remarques préliminaires aussi?

Le Président (M. Duguay): Absolument.

M. Chevrette: Avez-vous le goût de faire un filibuster?

Le Président (M. Duguay): O.K. Alors, M. le ministre.


Remarques préliminaires


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Tout d'abord, je voudrais faire un certain rappel historique ici, avant que ne débutent les travaux de cette commission, parce que je pense que nos amis d'en face sont partis sur une mauvaise track et je voudrais tout de suite essayer de les replacer sur le droit chemin, si c'est possible.

Le projet de loi qu'on dépose n'est pas une loi qui vise à transformer ou à revoir de fond en comble le projet de loi sur l'assurance automobile au Québec, comme le demandent des groupes, le présent projet de loi ne se veut absolument pas une révision ou une transformation en profondeur du système d'assurance automobile, il ne se veut qu'un projet de loi visant à améliorer le système d'indemnités court terme. C'est juste ça, le projet de loi.

Donc, quand le Barreau du Québec m'écrit puis qu'il me demande une révision de fond en comble, y allant jusque sur le «no fault», remettre en cause cela, ce n'est pas à ce stade-ci, avec ce présent projet de loi, que va se faire une analyse du projet de loi. Le jour où le gouvernement va déposer un projet de loi qui vise à réviser de fond en comble le projet de loi de l'assurance automobile, il y aura des consultations générales. Mais le présent projet de loi ne vise, et je le répète, qu'à améliorer le système des indemnités, qui est réclamé par une multitude d'assurés qui ont vécu des problèmes puis qui nous ont ramené des cas concrets qui nous permettent aujourd'hui de faire un constat, d'apporter des améliorations. Et je vais en plus, publiquement et de façon correcte, prendre un engagement devant vous aujourd'hui quant à ce régime pour la prochaine année.

Donc, je voudrais rappeler les faits. En 1978, vous vous rappelez quelle sorte de situation on vivait: des pauvres personnes, des gens de faibles revenus se promenaient sur nos routes sans assurance, bien souvent, frappaient des individus qui étaient trois ans, quatre ans sans aucune indemnité, dans des procès interminables, payaient des factures d'avocat de façon exagérée et, à court terme, n'avaient d'autre alternative que de se ramasser sur l'aide sociale ou la sécurité du revenu à l'époque.

Nous avons courageusement à l'époque, avec Mme Lise Payette, pris le taureau par les cornes et passé une législation, législation qui fut contestée par le Barreau de façon épouvantable à travers le Québec. Les avocats se mobilisaient partout à travers le Québec, charriaient littéralement, injuriaient même, et utilisaient envers Mme Payette des mots qu'il ne serait même pas parlementaire de donner ici. C'était dégueulasse et répugnant de la part d'une corporation professionnelle.

Il en reste des reliques de cela. À Québec, entre autres, un nommé Bellemare qui ne cesse d'injurier tout le monde puis de vouloir remettre en cause la question du «no fault». Le Barreau du Québec m'a également écrit, me demandant de remettre encore en cause tout le régime de l'assurance automobile, ce qui ne sera pas le cas. Je l'ai dit en Chambre et je vais le répéter ici pour ne pas avoir à le répéter mille et une fois: il n'est pas question de remettre en cause le régime actuellement, il est question de l'améliorer pour les victimes.

On se rappellera qu'avant 1978 il y avait seulement 60 % des gens qui avaient des dommages corporels qui étaient indemnisés. C'est pas des farces. Il y avait 28 % des personnes blessées qui ne touchaient aucune, aucune indemnité. On voudrait revenir à ça et s'amuser à faire des procès dans certains cas. Pensez-y pas! Pas de ce côté-ci de la Chambre. J'espère que c'est clair, j'espère que c'est sans équivoque, j'espère que ça ne prête pas à interprétation. J'espère que ça démontre une volonté politique de protéger du monde et de ne pas épouser la cause rien que des faiseux une fois de temps en temps dans la vie. Donc, ça, j'espère que c'est très clair de notre côté.

Donc, nous avons décidé d'agir, c'est vrai. Au cours des 21 dernières années, notre gouvernement, entre autres, quelle que soit d'ailleurs son allégeance, n'a remis en cause... Aucune formation politique, dis-je, quelle que soit son allégeance politique, n'a remis en cause ce régime-là, y compris les libéraux, pendant neuf ans, qui n'ont pas cru bon de changer les indemnités. Ils ont juste cru bon de mettre la main dans le sac puis d'aller chercher 2 000 000 000 $ pour les fins du fonds consolidé, mais au moins ils n'ont pas cru bon de faire disparaître le «no fault» et faire plaisir à une seule profession. Je pense que ça aussi, ç'a été clair, ce sont des faits qui ne mentent pas puis c'est la vérité totale.

Donc, en 21 ans, M. le Président, près de 575 000 victimes de la route ont été indemnisées et ont toutes reçu les soins nécessaires à leur réadaptation. Quelle que soit leur condition sociale, je le répète, quel que soit leur âge et le lieu de l'accident à travers le monde, ces 575 000 victimes de la route ont été indemnisées.

La Société de l'assurance automobile du Québec a versé au-delà de 7 220 000 000 $ en indemnités, sans procès, sans que ces personnes aient à se réfugier sur la sécurité du revenu pour manger leur croûte. Ça, c'est un passé extrêmement important de 21 ans de services à la collectivité d'une mutuelle d'assurance que se sont donnée, à toutes fins pratiques, les gens qui détenaient un permis de conduire ou un véhicule automobile. Donc, depuis 1978, M. le Président, le régime d'assurance automobile s'occupe des victimes, tandis que le Code de la sécurité routière, lui, se charge des coupables.

Et, M. le Président, je voudrais attirer l'attention des parlementaires, avant qu'ils ne sombrent dans un genre de procession à la queue leu leu pour dire qu'il faut inviter tel groupe et tel groupe, je voudrais dire quels sont les changements que nous apportons et leur demander de réfléchir avant de s'embarquer dans une procédure stupide de filibuster.

Qu'est-ce qu'on donne concrètement, M. le Président, présentement, à une personne dans un cas de décès? Lorsqu'un jeune enfant décède dans un accident d'automobile, l'indemnité de décès accordée aujourd'hui est de 18 420 $. Qu'est-ce qu'on fait? On propose de porter ça à 40 000 $. Est-ce que le Barreau serait contre ça? Non, il serait contre le «no fault», pour faire un procès. Mais est-ce que fondamentalement on peut décemment travailler contre ça, parler contre ça? Donner à une famille dont un enfant décède ou à une femme ou à un homme qui aurait un enfant à charge, passer de 18 420 $ à 40 000 $, est-ce qu'on peut être contre ça? À moins de jouer les jeux de qui? À moins de se faire les intermédiaires de quels intérêts? Il me semble que la réponse va de soi. On doit avoir hâte que ce soit appliqué. On doit avoir hâte qu'une famille, que les familles soient protégées en conséquence et qu'on voie cette indemnité de décès d'un enfant doubler, plus que doubler. Ça va représenter, M. le Président, une somme récurrente de 9 800 000 $ par année pour ces gens-là, pour ceux qui auront le malheur – puis je dis bien que c'est un malheur qu'ils auront – qui auront la malchance d'avoir un décès, mais au moins, c'est 9 800 000 $ qui leur seront donnés.

M. le Président, on continue. On sait très, très bien que, au niveau des indemnités maintenant d'invalidité de toute nature, on sait que ça touche environ 140 000 $. On peut toucher 140 000 $ maximum pour des indemnités de toute nature. Ça passera à 175 000 $. C'est une augmentation substantielle. Est-ce que le Barreau veut ça? Non, il voudrait une révision du «no fault» pour faire des procès. Qu'est-ce qu'on dit, nous? Ce sont des argents, des cotisations des usagers, des détenteurs de permis, ce sont des détenteurs de véhicules qui vont voir leurs indemnités passer de 140 000 $ à 175 000 $. Qui peut être contre ça, M. le Président? À moins de vouloir servir les intérêts d'une petite minorité ou d'un petit noyau qui s'est toujours gavé davantage au détriment des collectivités. Moi, je vous dis tout de suite, M. le Président, il n'en est pas question pour nous autres. C'est d'améliorer à même les cotisations, des cotisations de ces mêmes usagers. C'est une assurance, une mutuelle collective qu'on s'est donnée, c'est à eux à en bénéficier. Pas par une remise en question du «no fault», M. le Président.

(15 h 10)

Également, pour remédier à une situation, il est apparu équitable que le conjoint survivant, par exemple, reçoive une indemnité basée sur le montant du revenu brut qui aurait servi au calcul de l'indemnité de remplacement du revenu si la victime avait survécu. Ce montant serait toujours assujetti à l'attribution de l'indemnité minimale de 49 121 $. Mais, pour cette bonification, la SAAQ, la Société de l'assurance automobile du Québec, prévoit 1 000 000 $ pour la première année et 900 000 $ pour les années subséquentes. Encore améliorer une situation, M. le Président.

Donc, vous comprendrez qu'on est assez intéressé à faire en sorte que les usagers malchanceux reçoivent davantage d'indemnités. Qui peut être contre ça? Seulement ceux qui voudraient se regrouper derrière une minorité qui voudrait bien sûr changer le système pour pouvoir faire des procès à perpète et les multiplier. Je ne pense pas qu'il y en ait en cette Chambre, de toute façon, à l'Assemblée nationale, ça serait impossible.

M. le Président, il n'y a jamais eu d'indemnités pour les pertes de douleur, la jouissance de la vie, etc.; on arrive maintenant avec une bonification de 5 000 000 $. C'est qui qui le demande? Ce sont les usagers, ceux qui ont été victimes, qui nous ont dit: Ça n'a pas de bon sens qu'on n'ait pas la possibilité d'être indemnisé pour perte de jouissance, etc. Donc, nous avons décidé que, pour les séquelles temporaires qui sont relatives à la perte de jouissance de la vie, ou douleur, ou souffrance psychique et autres inconvénients subis en raison de blessures et de séquelles d'ordre fonctionnel ou esthétique, suivant un barème qui sera établi par règlement, nous avons décidé d'apporter une bonification de 5 000 000 $, encore là, au profit des usagers, au profit des assurés qui sont dans cette mutuelle qu'ils se sont donnée.

J'ai parlé donc du 138 000 $ pour ce qui est des séquelles permanentes versus 175 000 $ qui seront dorénavant versés, c'est une bonification qui est de l'ordre de 5 000 000 $ encore par année, M. le Président. Et je pourrais continuer longuement à dire qu'on vise tout simplement à améliorer notre système. Vous allez me dire: Oui, mais comment ça se fait que vous baissez pour ce qu'on appelle les «hit and run», en anglais, mais les...

Une voix: Les délits de fuite.

M. Chevrette: ...les délits de fuite? Les délits de fuite, ceux qui frappent un poteau d'une ville, par exemple, un poteau de Bell ou un poteau d'Hydro-Québec, c'est l'assurance, c'est les assurés du Québec qui paient pour les délits de fuite, alors que toutes les villes, toutes les grosses compagnies comme Hydro-Québec et Bell ont des assurances. Pourquoi ce n'est pas l'assurance de leur... On n'est pas plus au courant qui a brisé le poteau, pourquoi que ça serait les assureurs du Québec qui y verraient, à même leurs indemnités? Pourquoi pas les assurances de ces compagnies ou de ces villes, qui doivent payer cela? C'est la logique même qui le voulait, sauf qu'on a laissé les délits de fuite, si ça arrive sur un terrain d'un privé. Une personne, ici, son véhicule est dans la cour chez elle et, pour toutes sortes de raisons, l'autre traverse, recule, s'en retourne puis va frapper quelqu'un dans la cour chez lui. Les pertes dans le cas des délits de fuite sur des terrains privés, qui touchent les particuliers, continuent d'être protégées; on protège les individus. On demande aux villes de procéder par leur propre compagnie d'assurances.

Donc, M. le Président, le projet de loi, à toutes fins pratiques, il ne vient que bonifier un système. Ce n'est pas, je le répète, la remise en question de tout le système de l'assurance automobile. Le jour où on fera une révision du système de l'assurance automobile, il y aura des consultations très généralisées et tout le monde, autant les particuliers que les groupes, pourra venir. Mais ce n'est pas le cas du présent projet de loi, le présent projet de loi ne vise qu'à bonifier le régime actuel.

Compte tenu du fait que notre bilan routier s'améliore sans cesse, nous avons atteint nos objectifs deux ans avant l'échéance qu'on s'était fixée. On avait fixé à moins de 800 décès par année en l'an 2000, c'est à 722 cette année; c'est très bien, c'est encourageant. Également, je dois vous dire qu'on a des excédents sur les revenus des dépenses, en plus, de 33 500 000 $ pour l'année 1998, il y a une saine gestion à la SAAQ, ce qui me permet d'annoncer aujourd'hui que les assurés du Québec, pour la prochaine année, verront le gel de la tarification assuré. En d'autres mots, le 142 $ que l'on charge, à savoir 25 $ pour le permis et 117 $ pour l'immatriculation, il n'y aura aucune augmentation et on verra même... Après l'adoption, dès qu'on aura passé le projet de loi, M. le Président, on pourra arriver avec d'autres annonces encore plus intéressantes mais, pour aujourd'hui, c'est le gel.

Il y a une seule catégorie dans la loi pour laquelle on dit qu'on avait une augmentation...

Une voix: ...

M. Chevrette: Non, non. Vous grognerez à votre tour. Vous avez été ministre des Transports. Bon. Arrêtez de grogner et laissez-moi parler. On n'est pas dans une basse-cour ici.

M. Middlemiss: Non, non.

M. Chevrette: Donc, M. le Président...

M. Middlemiss: Il ne faut pas faire le coq, d'abord.

M. Chevrette: Non, non, mais ne faites pas de grognement.

Le Président (M. Duguay): Si on veut continuer la journée, je vous demanderais un peu de discipline. M. le ministre, si vous voulez continuer.

M. Chevrette: Oui, oui. Merci. Donc, M. le Président, il y a une seule catégorie qui va augmenter, c'est une catégorie de motocyclettes à 400 cc de style sport. C'est 2 000 véhicules, me dit-on. C'est le groupe qui a le plus d'accidents graves et qui ne fait pas ses frais, mais pour aucune considération. Il faudrait augmenter de quatre fois les barèmes actuels si on voulait atteindre la vérité des prix. Il faudrait l'augmenter de quatre fois.

Ce n'est pas tous les groupes de motocyclettes, contrairement à ce qui a été véhiculé, qui a été charrié par une certaine clientèle, encore, qui se sent appuyée un peu à l'intérieur du Parlement. Mais théoriquement il n'y a que 2 000 motocyclistes, de cette catégorie de motocyclettes, qui représentent un danger public réel et, en particulier, ce sont des jeunes, en plus, qui s'adonnent à ce sport-là, ce sont des jeunes pour qui la dissuasion par la tarification risque de porter ses fruits. C'est ça qu'on cherche. Il n'y a pas de cachette, c'est en toute transparence qu'on le fait, et on le dit, c'est à peu près 2 000 véhicules. Les styles de conduite couchée. Je pense que vous pouvez imaginer un peu ce qu'on peut dire et ce qu'on veut entendre par là. On s'en allait à 110 km/h puis on s'est fait doubler. En tout cas, moi, je me suis fait doubler par deux motocyclettes de ce genre qui devaient aller au minimum à 175 km/h. C'était une vitesse folle. Folle. Et imaginez-vous quand, à ce moment-là...

Une voix: À 110?

M. Chevrette: Oui. Il n'y a pas de scandale. Je suis assez transparent pour dire à quelle vitesse je roule, moi.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Il n'y a pas de cachette. Donc, on s'en va véritablement, on s'en va nettement vers une amélioration de notre bilan routier. Nous allons tout faire pour l'améliorer. Puis, quand je dis «tout faire pour l'améliorer», dès l'automne, sur le plan de la sécurité, il y aura un livre vert. Il sera lancé même avant l'automne, il est presque terminé. On va le lancer sur quatre sujets importants. Mais je pense que véritablement on va réussir à faire du Québec un endroit où la sécurité routière sera vraiment sauvegardée.

Donc, je suis heureux d'annoncer le gel, je suis heureux d'annoncer également les modifications de bonification, et je vous dis que je prends l'engagement, le jour où on travaillera sur la refonte globale du système, de faire des consultations générales. Mais, dans les cas de bonification, on n'est pas encore avide d'autocongratulation pour se faire dire que c'est bien. Mais je ne veux pas non plus offrir de tribune à ceux qui contestent le régime et le système depuis des mois et des ans. Ou bien on fait son lit dans une société où on accepte un régime qu'on a mis en pratique dans la contestation – je me souviens – mais qui aujourd'hui reçoit l'assentiment de 90 % puis de 95 % des citoyens. Puis les gens qui nous demandent de changer le «no fault» pour revenir à des procès qu'on a connus, ils sont peu nombreux dans notre société. Je vous remercie, M. le Président.

(15 h 20)

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre. M. le porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de l'Acadie.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je voudrais d'entrée de jeu peut-être établir certaines choses de façon très claire. D'abord, je veux assurer le gouvernement de la collaboration de l'opposition. On sait que c'est un projet de loi qui est important et on veut que le travail soit fait de façon correcte. On verra en cours de route les réponses qu'on pourra obtenir à certaines interrogations que nous avons actuellement. Et, dans ce sens-là, il n'est pas question pour nous de rejeter, comme semble le mentionner le ministre, en bloc le projet de loi. Il est bien évident que, dans le projet de loi, il y a des aspects qui sont positifs, il y a d'autres aspects qui sont moins clairs. Il y a des interrogations qu'on a, puis ce n'est pas seulement l'opposition qui a certaines interrogations. On verra en cours de débat qu'il y a de multiples groupes qui ont des interrogations et que ce n'est pas tous des gens qui ont des intérêts à sauver. Et je pense qu'il y a des questions qui doivent être posées. Alors, je veux bien que ce soit clair, qu'on aborde quand même l'étude du projet de loi n° 24 d'une façon constructive. Maintenant, il y a certaines choses qu'on va demander et on va le faire avec le plus de conviction possible, compte tenu des interrogations que nous avons actuellement.

Le ministre, disons, dans sa présentation simplifie un peu les choses, puis on sait que ça arrive fréquemment d'essayer d'arrondir les coins et de laisser croire que l'opposition se positionne de telle ou telle façon. À plusieurs reprises, le ministre a laissé entendre comment l'opposition peut être contre les hausses. Il n'a jamais été question d'être contre les hausses. L'opposition n'a jamais dit qu'elle était contre les hausses des indemnités. Ça n'a jamais été question. Ça, c'est l'interprétation du ministre.

Et, maintenant, on a des questions à poser au ministre concernant certaines hausses: Comment c'est calculé? Comment ça a été évalué? Est-ce que c'est suffisant? Est-ce que c'est insuffisant? Je pense que c'est des interrogations qui sont tout à fait justifiées et que nous allons poser. Mais il est loin d'être clair – je veux que ce soit compris par tout le monde – que l'opposition ne souhaite pas que les hausses soient apportées aux indemnisations actuelles. Ce n'est pas du tout ça le cas. Alors, ça, le ministre a tendance à laisser croire cette chose-là, alors que ça ne correspond à absolument rien dans la réalité. Jamais l'opposition ne s'est prononcée dans ce sens-là.

L'autre élément, c'est que le ministre nous dit souvent: Il n'est pas question qu'on revienne à avant 1977 et, si l'opposition veut le faire, bien, ils ont beau s'interroger, mais on ne le fera pas. Il n'a jamais été question, encore là, que l'opposition souhaite qu'on revienne au système antérieur. Le ministre interprète ça de cette façon-là mais ça n'a jamais été avancé.

Et le ministre fait souvent référence à des groupes. Il a fait référence, par exemple, au Barreau; il a fait référence à des avocats, en particulier, mais le Barreau n'a jamais demandé qu'on abolisse le «no fault». Non. Il y a certains éléments du fonctionnement actuel qui doivent être révisés mais, à ma connaissance, le Barreau n'a jamais demandé ça. Vouloir améliorer le système du «no fault», qui a été mis en place il y a 22 ans, ce n'est pas demander son abolition, ça. Alors, ça aussi, c'est un autre élément que je veux qui soit clair.

Le ministre a laissé entendre aussi, en parlant de l'opposition: On se fait l'intermédiaire de quels intérêts? On se fait l'intermédiaire de l'intérêt des concitoyens du Québec. On n'est pas là pour être l'intermédiaire de qui que ce soit. Et qu'on laisse entendre qu'on est là pour protéger les intérêts de Pierre, Jean, Jacques, ce n'est absolument pas le cas.

Maintenant, concernant le projet de loi comme tel, le ministre nous dit que le projet de loi ne vient que bonifier le régime actuel. Je pense que c'est peut-être encore là simplifier les choses. Le projet de loi vient bonifier certaines choses et vient, par contre, peut-être apporter des inconvénients et des désavantages sur certains autres points. Encore là, c'est dans cet esprit-là qu'on va questionner. Mais ce n'est pas vrai que le projet de loi ne vient que bonifier. Et, encore là, ce n'est pas seulement l'opposition qui le dit; les interrogations que nous avons, d'autres organismes les ont aussi. On y fera référence quand ce sera le temps. Et le ministre est bien informé à ce niveau-là aussi.

Alors, c'est un peu ça, M. le Président, la situation d'ensemble. Maintenant, sur le projet de loi comme tel, on a eu l'occasion de le mentionner au niveau de l'adoption du principe, le projet de loi est un projet important compte tenu de l'impact que le projet de loi a sur les concitoyens du Québec. C'est évident qu'on est sensible et qu'on est bien conscient des améliorations que ça a pu apporter. Quand on considère que, par exemple, trois Québécois sur 10, qui avaient des accidents avant 1977, ne recevaient aucune indemnité, suite à des procédures judiciaires à n'en plus finir, dans ce sens-là, ça a apporté une amélioration.

Et le ministre nous dit ici: Il ne s'agit pas de faire une révision du système d'indemnisation. Par contre, on lit les notes explicatives: «Ce projet de loi modifie la Loi sur l'assurance automobile dans le but principalement de réviser le régime d'indemnisation des victimes d'accidents de la route.» Alors, on est en train de faire une révision. Soit qu'on la fait d'une façon très étroite, sur certains points en particulier puis on laisse tomber tous les autres éléments qui pourraient être discutés en même temps, ou on le fait d'une façon plus large.

Et le ministre nous dit: Quand ce sera le temps, on fera des consultations puis on abordera une question d'une façon plus étendue. Je veux juste signaler au ministre que c'est exactement la position qu'avait son collègue le député de Lac-Saint-Jean quand, en 1997, à l'occasion, par exemple, du lancement de la campagne d'information sur le régime d'assurance automobile du Québec, le 8 avril 1997, le ministre nous disait: «Je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour vous confirmer ma volonté de réviser la Loi sur l'assurance automobile afin de bonifier encore davantage certaines indemnités prévues pour les accidentés de la route. Cette initiative est facilitée justement par la bonne gestion et la santé financière de la SAAQ. Un projet de loi modifiant cette loi devrait être déposé à l'Assemblée nationale en décembre prochain.» On parle de décembre 1997 puisqu'on était en avril 1997. «Ce projet, comme ce fut le cas pour les récentes modifications au Code de la sécurité routière, fera l'objet d'audiences publiques pour adoption en 1998.»

Ce dont le ministre parlait ici, c'était une révision des modifications qui devaient être apportées au régime d'indemnisation. Et ce qui s'en est suivi, immédiatement après, quand on regarde les échéances auxquelles il faisait référence, c'est le projet de loi n° 429, auquel on fait référence ici. C'était dans ce cadre-là que le ministre avait promis qu'il y aurait des audiences publiques. Et le projet de loi n° 429, c'est exactement, à peu de chose près, le projet de loi n° 24.

Alors, c'est dans ce cadre-là que le ministre avait promis qu'il y aurait des consultations publiques. C'est le même cadre qu'on a actuellement ici. Alors, il y a eu une promesse qui a été prise par le gouvernement du Parti québécois de tenir des audiences publiques et de faire un débat large. Le ministre a déposé son projet de loi n° 429, à ce moment-là, et n'a pas tenu compte de sa promesse, n'a pas respecté la promesse qu'il avait faite, qui était très claire, très, très claire – on parlait exactement de ce projet de loi là – et là on se retrouve avec le projet de loi n° 24, qui remplace le projet de loi n° 429 qui est mort au feuilleton à cause de l'élection de novembre 1998, et c'est dans cadre-là que le ministre continue, disons, en tout cas à date, de refuser d'avoir des consultations.

On parle d'un projet de loi que le ministre veut rétrécir à la modification de certains éléments financiers, ce qui serait tout simplement une bonification, mais le débat doit être plus large que ça. Et l'engagement qui avait été pris par le gouvernement, c'était d'avoir un débat large, à ce niveau-ci, au niveau du 429 et maintenant au niveau du projet de loi n° 24. Alors, c'est un peu la situation, M. le Président.

Maintenant, au niveau du projet de loi comme tel, le ministre a fait état dans sa présentation des améliorations au niveau des indemnités: on augmente de tant telle et telle indemnité, etc. Mais il y a d'autres questions qu'il faut se poser et d'autres interrogations auxquelles on devra avoir des réponses claires. Je n'entrerai pas dans le détail, on aura l'occasion de le faire. Quand on arrivera à l'article par article, quand un article sera favorable, l'opposition va l'appuyer. Quand l'article ne sera pas clair ou qu'on sera incertain des conséquences sur les concitoyens, on va poser des questions à ce moment-là au gouvernement.

Mais il y a des points qui nous laissent perplexes et qui laissent perplexes bien d'autres intervenants dans le milieu. Bon. Il y a certaines modifications, par exemple au niveau des indemnités, quelques-unes, où on a des baisses. On les verra, on les regardera plus en détail, on se fera expliquer pourquoi ça arrive comme ça. Il y a des améliorations qui sont données au niveau de certaines indemnités. On essaiera de se faire expliquer aussi pourquoi, quel est le raisonnement qui justifie ces augmentations-là.

De deux choses l'une: ça peut être tout à fait clair ou ça peut être même insuffisant, les augmentations auxquelles on a fait référence. Alors, on essaiera de mieux comprendre sur quoi c'est basé exactement, les bonifications qu'on apporte à certaines indemnisations. Évidemment, on ne sera pas contre, si on améliore. Excepté que, peut-être, il y aurait possibilité que ce soit différent de celles qui nous sont proposées dans le projet de loi. Alors, du côté des indemnités, c'est un peu les points qu'on va soulever.

(15 h 30)

Au niveau des conditions d'admissibilité, il y a des modifications; il y a des modifications dans certains articles du projet de loi. Maintenant, c'est difficile d'évaluer combien de personnes seront affectées par ces modifications au niveau des conditions d'admissibilité. Nous, on va vouloir le savoir. Le ministre nous a dit globalement: C'est 9 000 000 $ par année de plus, bon, qui vont être dépensés à telle et telle indemnité. Vous savez, on peut en donner plus à un nombre plus restreint – et puis, effectivement, le gouvernement va débourser 9 000 000 $ de plus – mais il y aura peut-être des gens qui auront zéro. Alors, il y a des changements à certains articles sur les conditions d'admissibilité. On verra à ce moment-là quelles sont les raisons et pourquoi on exclut certaines catégories de personnes en fonction de caractéristiques, de critères personnels. Je pense, par exemple, à l'âge, au statut des étudiants.

Et aussi il y a certaines autres modifications qui sont des modifications limitatives, c'est-à-dire qui ne viennent pas améliorer l'accès aux indemnités, qui viennent les limiter. Quand on change, par exemple, des périodes de temps pour faire une réclamation de 90 jours à 60 jours, à ma connaissance, moi, ça n'aide pas nécessairement, ça ne rend pas plus facile l'accès des concitoyens du Québec à la demande d'indemnités que si ça demeurait 90 jours. Alors, ça, ça existe aussi dans le projet de loi.

Alors, on va examiner ces choses-là et on va essayer de comprendre pourquoi on en arrive à vouloir apporter ces modifications. Certains articles, comme par exemple l'article 30, ajoutent à ce qui existe dans la loi actuelle des éléments où on exclut, ce qui n'existait pas avant... où, là, certaines personnes seront exclues. Alors, c'est dans une énumération, et là on a des éléments de plus. Donc, en quoi ça vient aider à faciliter l'accès? C'est le contraire, ça vient limiter l'accès. Alors, il faudra regarder à ce niveau-là, M. le Président, quels sont les effets que ces modifications aux conditions d'admissibilité vont avoir, de façon très concrète, sur les concitoyens.

D'autres interrogations concernent l'utilisation des excédents de la SAAQ. On parle d'une possibilité de récupérer des excédents qui seraient accumulés par la SAAQ et qui ne seraient pas employés pour diminuer les contributions d'assurance. Ce qu'on comprend dans le projet de loi, c'est qu'on peut prendre des surplus pour diminuer les contributions d'assurance, comme le gouvernement l'a fait pour une année – je pense que c'est l'an dernier – mais ici on parle de possibilités, on ouvre certaines possibilités, à ce moment-là, par entente entre la SAAQ et le gouvernement, d'utilisation des excédents. On parle d'entente entre le ministère des Finances, la SAAQ et la Régie de l'assurance-maladie aussi.

Puis, sur un autre des éléments, qui est la question de la compensation au ministère de la Santé et des Services sociaux pour les soins qui sont donnés à des accidentés de la route par le réseau de la santé et des services sociaux, actuellement, dans la loi, on transfère à chaque année 60 000 000 $ de la SAAQ vers le fonds consolidé, supposément pour être versés en compensation au ministère de la Santé pour les soins que le ministère de la Santé a donnés aux accidentés de la route. Alors, ce montant-là de 60 000 000 $, dans le projet de loi, passe à 88 000 000 $. Alors, sur quoi c'est basé, ça, 28 000 000 $ de plus? Bien, on va essayer de se le faire expliquer. Il y a sûrement des critères, là, c'est...

Et ce qu'on nous dit par la suite, c'est qu'à chaque année le montant qui sera transféré au fonds consolidé pour cette compensation des services donnés par le ministère de la Santé et des Services sociaux sera déterminé par entente entre le ministre des Finances, la Régie de l'assurance-maladie et la Société de l'assurance automobile du Québec. Alors, ce n'est pas très, très précis, là, «par entente». Est-ce qu'il y a des critères qui sont déjà déterminés, qu'on peut connaître et qui vont servir à déterminer l'entente ou si ça va être fait d'une façon plus ou moins secrète? Parce que, de toute façon, ça ne nous reviendra pas, mais on sait qu'il y a des montants qui vont être transférés, et, nous, on veut savoir exactement comment ça va se faire. Alors, il y a toute une série de questions qu'on doit se poser à ce niveau-là.

Au niveau de la confidentialité de certains renseignements nominatifs, on nous parle, à l'article 35 du projet de loi n° 24, du transfert d'informations entre le ministère de la Santé et la Société de l'assurance automobile du Québec et on mentionne, à ce niveau-là, qu'il y aura un avis qui sera demandé à la Commission d'accès à l'information, mais que, advenant que la Commission d'accès à l'information donne un avis défavorable, le gouvernement pourrait quand même décider, lui, de transférer les informations. Alors, peut-être que, dans le contexte actuel, on est plus sensible à ces éléments-là, mais c'est un peu large de nous dire: Bien, si le président de la Commission d'accès à l'information ne nous donne pas l'autorisation, le gouvernement pourra quand même le faire. Et il y a des obligations, là, de déposer en Chambre, au moment où l'Assemblée nationale siégera, les documents qui vont expliquer le rationnel de la décision du gouvernement. Il y a certains éléments qu'on va vouloir regarder à ce niveau-là.

Il y a des changements, aussi, importants, et je pense que tous les députés sont bien conscients des problèmes que ça pose dans la réalité de tous les jours, c'est la question des médecins et des professionnels. On sait que, actuellement, dans la Loi de l'assurance automobile, on parle des médecins traitants, et je pense que tous les députés ont eu des cas dans leur comté où les gens viennent au bureau et leur disent: On est allé voir notre médecin traitant, il nous dit qu'on n'est pas apte à travailler. La SAAQ nous envoie son médecin, et là le médecin de la SAAQ dit: Oui, vous allez travailler. Alors, là, dans ce projet de loi là, on fait disparaître la notion du médecin traitant et on la remplace par des médecins qui seront sur une liste établie par la Société de l'assurance automobile du Québec, et ce seront ces médecins-là que les gens devront aller voir. Le médecin traitant, son rôle est disparu à ce niveau-là.

Alors, on peut certainement se poser des questions sur l'autonomie et l'indépendance possible. Là, on a des médecins qui vont être mis sur une liste, que les gens vont devoir aller consulter, et, chose certaine, je ne veux pas présumer de ce qui pourrait se passer, mais c'est très clair qu'on va forcer les accidentés de la route à aller voir le médecin qui est sur la liste de la SAAQ, et puis, si à un moment donné le médecin qui est sur la liste donne peut-être raison trop souvent aux victimes des accidents de la route, bien, peut-être que son nom pourrait disparaître de la liste de la SAAQ aussi. Alors, ça ne nous semble pas très, très, très clair, et il y a à tout le moins une apparence de conflit d'intérêts possible, et on s'interroge beaucoup sur le fait qu'on veuille faire disparaître la notion du médecin traitant et la remplacer par cette liste de médecins déterminée par la SAAQ, avec tout le manque d'indépendance qui peut se produire à ce niveau-là. Et on n'est pas les seuls – encore là, on reviendra là-dessus – ce n'est pas seulement l'opposition qui se questionne à ce niveau-là, il y a aussi beaucoup d'autres intervenants de l'extérieur.

Il y a tout le Bureau de révision. On aura l'occasion d'en discuter aussi. Le Bureau de révision a été remis en cause à de très nombreuses reprises, et on sait que c'est ce qu'on appelle en anglais un «buffer», là, qui retarde de nombreux cas de règlement et qui a un rôle, en tout cas, qui mérite d'être questionné et qui aurait peut-être mérité d'être intégré... on n'en parle pas dans le projet de loi, mais qui aurait peut-être mérité d'être intégré dans ce projet de loi là. Et, dans ce sens-là, il y a des éléments qui ne sont pas là et qui auraient dû, peut-être, être intégrés dans le projet de loi.

Alors, nous, c'est les interrogations qu'on a, essentiellement, sur le projet de loi actuel, et, encore une fois, on n'a pas une position, a priori, qui est contre le projet de loi, excepté qu'on va vouloir questionner des choses et s'interroger avec le gouvernement sur les raisons de certaines modifications qu'on veut apporter. Alors, je termine sur ça, M. le Président, vous me faites signe que le temps est écoulé.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député. Mme la députée de Jean-Talon.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Je voudrais, d'entrée de jeu, m'adresser au ministre, si vous le permettez. Évidemment, j'ai été un peu surprise de sa réaction lorsque mon collègue porte-parole, le député de l'Acadie, vous a tout simplement demandé si on avait le droit de faire des remarques préliminaires. Moi, ça fait quatre ans que je suis ici – cinq ans, maintenant – je pense que ça fait partie du rôle du député, de quelque côté qu'il soit, de ne pas se sentir trop muselé, puis de pouvoir s'exprimer, puis de parler sur ce sujet-là et sur quelque sujet que ce soit. On ne vit pas dans une dictature, on vit dans une démocratie.

(15 h 40)

Deuxièmement, je ne vois pas pourquoi il a pris le mors aux dents. J'ai entendu le mot «filibuster», je n'ai jamais entendu qui que ce soit parler de ça ici. Je pense que mon collègue s'est bien exprimé en faisant valoir les questionnements qu'on peut avoir en regard de ce dossier-là qui, effectivement, est majeur, dans la mesure où les indemnités qui seront accordées aux victimes... Puis c'est vrai qu'il y a des bonifications, puis, moi, je pense qu'on ne peut pas être contre des bonifications en ce qui regarde les indemnités, par contre, c'est normal qu'on ait des questions.

Je voudrais aussi, si vous le permettez, M. le Président, lui signaler que je n'apprécie pas tellement de me sentir coincée entre l'arbre et l'écorce. Puis, lorsqu'il laisse entendre, finalement, qu'il y a un groupuscule ou des groupuscules, puis qu'il y a des gens, ici, dans cette enceinte, qui représentent des groupuscules, moi, je représente les citoyens de mon comté, je suis dans l'opposition, et puis mon devoir premier comme députée, c'est d'entendre ce que les gens ont à nous dire, comme vous le faites, j'en suis persuadée, dans votre propre comté. Et ce qui m'a toujours étonnée depuis que je suis ici, c'est de voir cette capacité qu'on a d'amender des lois, de les amender assez succinctement, sans jamais regarder l'ensemble du projet de loi puis sans peut-être même se poser la question de quelle manière on pourrait davantage bonifier certains projets de loi ou l'ensemble des projets de loi. Donc, moi, je suis assise ici, cet après-midi, j'ai bien l'intention de voter sur les articles qui ne causent pas de préjudice aux citoyens que je représente puis de voter contre ceux qui finalement m'apparaissent ou m'apparaîtront comme préjudiciables à ces citoyens-là.

Et je trouve vraiment pitoyable qu'on en soit rendu à catégoriser les députés de l'opposition en leur disant ou en leur faisant sentir, finalement, qu'ils représentent des gens qui, depuis des années, semblent déranger le Parti québécois ou semblent déranger le gouvernement. Moi, je regrette, je pense qu'on est là justement pour pouvoir représenter cette voix-là, puis, s'ils ne sont pas capables de s'asseoir pour les entendre, bien, ils auront une voix, de ce côté-ci, qui pourra évidemment exprimer ce qu'ils ont à dire. Puis ce n'est pas parce qu'on parle de bonifier un projet de loi que ça signifie que ce soient des critiques automatiques à l'égard d'un projet de loi. Moi, je viens d'un milieu – je pense que les gens le savent – où on a toujours eu les citoyens devant nous, en tout temps. Peu importe ce qu'on faisait et peu importe ce que je faisais dans ma vie antérieure, les citoyens ont toujours pu s'exprimer, ont toujours pu nous dire ce qu'ils aimaient puis ce qu'ils n'aimaient pas de ce qu'on faisait, ce avec quoi ils étaient d'accord ou en désaccord. Et je pense avoir apporté ici comme contribution, ces cinq dernières années, cette expérience-là et j'ai toujours eu comme leitmotiv que le citoyen était celui qui devait être représenté ici et non pas une cause... ou non pas le député qui pense qu'il a toujours raison. Alors, ça, c'est mon point de vue, M. le Président, et c'est ce que j'entends défendre.

Je souhaite bonne chance aussi au ministre avec son livre vert, parce que, s'il lui arrive la même chose qu'au livre vert sur la décentralisation qu'il a présenté en octobre 1995, le temps d'une course aux votes quelques jours avant un référendum, il ne lui arrivera pas grand-chose à son livre vert. Je lui souhaite meilleure chance pour ça. Je l'assure de ma collaboration et j'assure le gouvernement de ma très bonne volonté de vouloir faire avancer ce dossier-là, dans la mesure où ça servira les intérêts des citoyens, non pas des groupuscules, comme il dit, mais ça ne veut pas dire qu'on doive manquer de respect à l'égard de ceux qui croient, à tort ou à raison, mais qui croient qu'ils ont des choses à apporter. Alors, c'est ce que je voulais vous dire, M. le Président.

Le Président (M. Duguay): Merci, Mme la députée. M. le député de Pontiac.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Je me suis senti obligé d'intervenir, de faire des remarques préliminaires parce que le ministre, en partant, immédiatement – je ne sais pas pourquoi il est tellement sur la défensive – il a attaqué, il nous a accusés de toutes les possibilités. Sauf que, avant le projet de loi n° 24, il y avait eu le projet de loi n° 429, et, moi, je me souviens bien, parce que j'étais le porte-parole à ce moment-là, que le ministre, son prédécesseur – et mon collègue de l'Acadie l'a mentionné tantôt – avait indiqué qu'on était pour faire des changements à la Société de l'assurance automobile du Québec et que, à ce moment-là, on aurait une consultation. Ensuite est venu le projet de loi n° 12, les changements au Code de la sécurité routière, et, à ce moment-là, il y a des groupes qui sont venus se présenter ici, et le ministre a dit à ces gens-là: Ce n'est pas le bon projet de loi, on va faire des changements à la Société de l'assurance automobile du Québec, et vous viendrez à ce moment-là. Et je pense qu'il y a des collègues de l'autre côté, ils étaient là à ce moment-là, et les projets de loi n° 24 et n° 429, c'est presque identique. Presque identique. Je pense que j'ai vu une lettre, ici, que le ministre a adressée à MADD Canada, leur disant: Regardez, le projet de loi n° 429, on l'a amélioré et on va présenter un projet de loi n° 24. Donc, c'est le même projet de loi, celui dont votre prédécesseur avait dit: On va faire des consultations avant de faire les changements.

J'ai eu aussi, M. le Président, le privilège d'être aux crédits cette année avec le nouveau ministre des Transports, qui a indiqué cette ouverture: Je ne suis pas pour écouter des experts, je ne suis pas pour faire ça, je vais aller voir les gens qui sont affectés, les gens qui doivent vivre ça. Ah, il parlait, par exemple, de tourner à droite sur un feu rouge puis qu'il y avait des rapports d'experts qui disaient tous non, mais que, dans la réalité, le gros bons sens, comme il disait... Et le gros bon sens, il me semble que ça fait du sens, et on devrait le regarder dans ce sens-là. Est-ce que ce n'est pas la même chose?

On est tous d'accord pour augmenter les indemnisations de ces gens-là. On est tous d'accord, mais est-ce qu'on ne devrait pas les laisser venir ici nous le dire? C'est ça, c'est les accidentés qui veulent venir ici. Si, parmi ces groupes-là, il y a des groupes dont le ministre n'aime pas la position... Mais il me semble qu'on est dans une démocratie, on est dans une société, et, après 20 ans, peut-être que ça fait du sens de regarder d'autres possibilités, parce qu'il me semble que, dans le projet de loi, on va permettre à la Société de l'assurance automobile de prendre des sommes puis peut-être payer les enquêtes du coroner. Où est-ce qu'elle est, l'affaire de «no fault», là, si on dit que les accidentés de la route, ils vont prendre les argents dans la SAAQ pour faire faire les études des coroners lorsqu'il y a un accident d'auto? Où est-ce qu'il est, le «no fault», là? Où est-ce qu'il est, là? Est-ce que c'est une petite brèche qu'on est en train de faire, de faire payer... d'après moi, les enquêtes du coroner, là, si on veut être neutre, neutre, là, laissons... Ça, c'est un service pour toute la population, pas seulement les accidentés, les gens qui payent l'assurance ou l'immatriculation de leur auto.

Donc, M. le Président, c'est quoi, la réalité? Pourquoi on ne veut pas entendre ces gens-là? Et, surtout, je ne sais pas si le ministre a lu le rapport du Vérificateur de 1997, qui a été présenté il y a un an passé, quand il disait: «Nos travaux nous ont démontré que les agents d'indemnisation n'ont pas d'instructions suffisamment précises pour effectuer leur tâche et qu'ils manquent parfois de rigueur dans l'analyse et la gestion de l'information médicale des dossiers, et il s'ensuit des délais avant que les actions appropriées soient prises ou des décisions qui ne sont pas suffisamment appuyées par des éléments consignés au dossier.» Ça, M. le Président... Et c'est ça. Et, tous les collègues, on a dans nos bureaux de comté des gens qui ont eu des accidents, qui viennent nous voir, puis ils disent: Ça n'a pas de bon sens. Ça n'a pas de bon sens, là, tu sais.

Et il ajoutait aussi que «les recommandations des médecins évaluateurs de la Société sont déterminantes dans les décisions relatives à l'indemnisation. Nous avons observé que les médecins évaluateurs tardent parfois à faire les recommandations appropriées compte tenu de l'information dont ils disposent ou qu'ils font des recommandations à partir d'une information insuffisante. Aucun contrôle systématique de la qualité du travail des médecins évaluateurs n'a été effectué depuis 1993.»

(15 h 50)

Donc, c'est des choses comme ça, M. le Président. Et encore le Vérificateur général disait: «L'accumulation des dossiers en attente de traitement et les délais de traitement des demandes d'avis aux médecins évaluateurs qui en découlent sont une préoccupation de la Société depuis quelques années. Bien que des actions aient été prises, ce problème persiste. Il entraîne des coûts pour le régime d'assurance automobile et des désagréments pour les victimes, et l'absence d'objectifs précis et réalistes quant aux délais normaux pour chacune des étapes de traitement des demandes d'avis et le manque d'information – de la gestion pertinente – ne permettent pas à la Société de déterminer quels sont les secteurs problématiques et les moyens à prendre pour réduire les délais.»

Donc ça, M. le Président, c'en est des raisons pourquoi on demande au ministre, celui qui nous dit que c'est toujours le gros bon sens... Il veut faire affaire avec les gens qui sont affectés par les décisions, et c'est bien beau ça, c'est beau de... Et, je me souviens, le ministre, dans son discours sur le principe, qu'il a vanté – un des fleurons du Québec – il a dit: Regardez, on va augmenter tout ça. Sauf que, si les gens ne peuvent pas y toucher à ce montant-là, c'est encore de la poudre aux yeux. S'ils doivent vivre les problèmes que le Vérificateur général...

Une voix: ...

M. Middlemiss: Non, non, mais ça, c'est une réalité, ce n'est pas Robert Middlemiss qui dit ça, là, c'est le Vérificateur général qui est allé à la Société de l'assurance automobile, puis il a constaté que ça ne marchait pas, tu sais, ce n'était pas aussi efficace que ça devait l'être. Et qui sont les gens qui en subissent les conséquences? C'est les accidentés de la route. Donc, est-ce qu'on ne devrait pas leur donner l'occasion de venir ici, M. le ministre?

Et je suis convaincu que, chez vous, dans votre propre comté, vous avez été obligé de faire face à des cas comme ça, puis il me semble que de laisser ces gens-là venir ici puis vous le dire, là, pas nécessairement par l'entremise de gens... Puis, regarde, je ne veux pas du tout, du tout attaquer la Société de l'assurance automobile du Québec, ce n'est pas ça. Il me semble qu'on est là, nous autres, on a été élus par ces gens-là pour apporter le côté politique de la chose, et, si les citoyens paient des primes et ont des accidents et que, malheureusement, au moment où ils doivent être compensés, ils ne sont pas compensés ou bien qu'on leur rend la tâche plus difficile... Il me semble que, M. le Président, ce n'est pas quelques heures de plus, tu sais... Peut-être que les quelques heures nous permettraient de bonifier le projet de loi, et pour longtemps. Et, à ce moment-là, on ne prêterait pas des procès d'intention à qui que ce soit.

Donc, M. le Président, comment peut-on être en désaccord pour que les indemnisations soient portées de 138 445 $ à 175 000 $? Mais il me semble qu'il y a des choses qu'on devrait aller voir, des choses qu'on pourrait peut-être... Le problème, ça, c'est beau sur papier, mais est-ce que la personne, là, va être obligée d'avoir plus d'examens médicaux, plus de retards? Est-ce que c'est ça? Après 20 ans, il me semble qu'il est temps qu'on puisse regarder ça et vouloir le bonifier.

Quant à la partie, M. le Président, que la Société de l'assurance automobile puisse se départir des excédents, je l'ai mentionné tantôt, c'est qu'on va certainement s'en servir, là, pour payer les enquêtes du coroner. Bien, regardez...

Une voix: ...

M. Middlemiss: Non, non, mais... Ah bien, regardez, vous faites mieux de parler avec votre collègue le ministre de la Sécurité publique. Le projet de loi n° 19 – j'étais là, moi – il dit qu'il y a même une entente avec la SAAQ. M. le Président, il nous a dit, puis on le vérifiera, qu'il y a une entente avec la SAAQ, qu'il y a une partie des coûts des coroners... Pas seulement la SAAQ, il va y avoir aussi la CSST. Et, donc, ce qu'ils ont dit, c'est tout à fait normal... Et, allez voir les galées, vous allez voir que votre collègue a dit: La Société de l'assurance automobile, elle a un mandat, et, si, en payant une partie des enquêtes du coroner, ça va aider à améliorer le bilan routier...

M. Chevrette: ...permettez-vous? Les investigations conduisant à une enquête peuvent être payées par la Société de l'assurance automobile. Dès que ça conduit à une demande d'enquête, c'est fini. C'est faux ce que vous dites.

M. Middlemiss: Bien, là, regardez bien, vous faites mieux de regarder le projet de loi n° 19. J'étais là, moi, pour l'article par article.

M. Chevrette: Moi, je vous dis qu'est-ce que c'est.

M. Middlemiss: Non, bien, regardez...

M. Chevrette: C'est lui qui a rédigé la loi, voulez-vous lui demander?

M. Middlemiss: Non, non...

M. Chevrette: On va parler en toute transparence.

M. Middlemiss: Non, mais ça, on va avoir l'occasion, mais, regardez, ici... J'étais là en commission parlementaire sur le projet de loi n° 19...

M. Chevrette: On le sait, c'est notre loi, nous autres, là.

M. Middlemiss: Oui, oui, mais c'est que...

Le Président (M. Duguay): Alors, M. le député, vous pouvez continuer, puis on essaiera de le clarifier au cours de la journée.

M. Middlemiss: Non, c'est qu'on dit ici, c'est qu'on veut avoir le droit de disposer des excédents des besoins de la SAAQ. Et, moi, M. le Président, j'étais à une commission parlementaire, projet de loi n° 19, dans laquelle on disait que, dorénavant, on va demander une participation de la SAAQ dans le cas des accidents de la route et de la CSST dans le cas des accidents de travail, une partie. Et il me semble que c'était 440 000 $, quelque chose comme ça, puis le ministre avait même dit qu'il y avait une entente qui n'était pas signée encore avec la SAAQ pour ça. Et c'est le ministre de la Sécurité publique, c'est lui qui va signer l'entente avec la Société de l'assurance automobile du Québec.

Donc, ça, je me dis, c'est qu'il va faire un fonds, et chaque fois qu'il y aura un accident, une enquête du coroner, il va y avoir une somme qui va être payée. Donc, est-ce que ce n'est pas charger... Ça, ce n'est pas de dire aux gens: Vous avez eu un accident d'automobile, maintenant... Où est-ce qu'il est, le principe du «no fault»? C'est parce que c'est un accident d'automobile, on va payer pour. Bien oui, il me semble, regardez, c'est que, avant ça... Je sais que le but du gouvernement, c'est d'aller chercher de l'argent de n'importe quelle façon possible.

Donc, M. le Président, le Barreau, le Protecteur du citoyen, tous ces gens-là ont émis des réserves sur le projet de loi. Est-ce qu'on ne pourrait pas demander à ces gens-là de venir s'expliquer ici? Et il me semble que ça aiderait énormément à passer le projet de loi. Parce qu'on n'était pas en désaccord avec le projet de loi n° 429 et on n'est certainement pas en désaccord avec le projet de loi n° 24, mais on veut s'assurer, en bout de piste, que c'est bien fait. Parce que souvent, M. le Président, lorsqu'on passe un projet de loi, on va sur un projet de loi, aussitôt qu'il y a un pépin, on soulève ça, comme opposition, et on se fait dire par le côté ministériel: Mais vous avez voté pour la loi, vous avez fait ça. Là, on dit: Regarde, on veut s'assurer de la bonifier, pourquoi pas? Si, après les faits, on est prêt à nous pointer du doigt, qu'on a participé et qu'on a fait... Pourquoi on ne nous écoute pas lorsqu'on dit: Regardez, ça ne serait pas avantageux pour toute la société, pour la Société de l'assurance automobile du Québec, pour les accidentés de la route, d'être capables d'entendre ces gens-là dire c'est quoi, leurs préoccupations?

Quand le Vérificateur général a établi qu'il y avait au moins une trentaine de problèmes qu'il y avait là, est-ce qu'on les a corrigés? Est-ce qu'on les a corrigés, M. le Président? Je n'ai jamais entendu dire qu'ils étaient... Je l'espère – ça fait déjà un an – que ça a été corrigé. Et c'est de cette façon-là qu'on pourrait certainement réussir à avoir le meilleur projet de loi dans les circonstances. Mais on n'aura jamais un projet de loi qui pourrait satisfaire à 100 %, et je pense que c'est une des choses qu'il faut toujours être capable de changer au moment où le besoin se fait sentir dans le but...

Et, surtout, si on se souvient bien de la SAAQ, c'est quoi, la devise de la Société de l'assurance automobile du Québec? La personne avant toute chose . Puis, aujourd'hui, là, c'est des personnes, c'est des individus, des accidentés de la route qui demandent de se faire entendre pour exprimer leur point de vue, et on dit non. Pourquoi on dit non à ces gens-là? Est-ce que ces gens-là ont été consultés? Est-ce que ces groupes-là qui... C'est 4 800 victimes. Ou même les avocats... Il y a des avocats, peut-être qu'on n'aime pas leur point de vue, mais, si ces gens-là ont représenté les accidentés de la route devant la cour parce que la Société de l'assurance automobile ne rendait pas justice aux citoyens, donc ces gens-là doivent avoir une connaissance et doivent être capables de nous suggérer, de dire: Regardez, ça, là, cet article-là, vous devriez le changer parce que ça va causer problème, et voici pourquoi: J'ai eu une telle cause, voici le problème qui est survenu, et c'est comme ça qu'on l'a... On a été obligé d'aller en cour, donc on fait dépenser de l'argent, du temps pour être capable de dire à la Société de l'assurance automobile: Vous avez fait erreur, donc corrigez ça.

(16 heures)

Il y a un cas qui est arrivé il n'y a pas tellement longtemps, là, d'une personne qui a été obligée d'aller en cour pour avoir gain de cause. Puis, quand on dit La personne avant toute chose , il me semble qu'on devrait mettre ça en pratique, et l'action serait plus grande.

(Consultation)

M. Middlemiss: Ce qu'on nous disait, au projet de loi n° 19, l'autre jour, c'est qu'une enquête, une investigation du coroner...

Une voix: ...

M. Middlemiss: Oui, oui, c'est un rapport du coroner, aussi. D'accord.

Une voix: ...

M. Middlemiss: Bien oui. Bien, c'est le rapport du coroner, ça coûte 1 200 $...

Une voix: ...

M. Middlemiss: Non, non. C'est l'enquête du coroner puis des accidentés...

Une voix: ...

M. Middlemiss: Oui. Ça coûte 1 200 $, et la Société d'assurance va payer 434 $.

M. Chevrette: Non, non. Il va vous l'expliquer, la différence entre une investigation et une enquête, c'est deux choses distinctes.

M. Middlemiss: Bien oui, mais, quand c'est un accidenté de la route...

M. Chevrette: Une investigation, c'est pour connaître la cause du décès, alors que l'enquête, c'est le coroner qui s'assoit, de façon neutre, il cherche tout ce qui entoure le décès, l'événement. Il peut porter des accusations ou faire des recommandations. Et ça, on ne peut pas être impliqué, on est partie prenante. Il faudrait lui expliquer la différence entre une investigation pour connaître la cause d'un décès et une enquête menant à des recommandations ou à des accusations ou à des poursuites.

M. Middlemiss: O.K. Donc...

M. Chevrette: Je m'excuse, mais je m'évertue à le dire depuis tantôt, c'est deux choses distinctes. Puis c'est tarifé de façon officielle, ça, les investigations.

M. Middlemiss: Bien, ce n'est pas fait encore. Ça va se faire.

M. Chevrette: Bien oui, ça va l'être, tarifé. Si, nous autres, on est signataires de l'entente, on va le savoir, qui a signé.

M. Middlemiss: Ah! vous l'avez déjà signée, l'entente?

M. Chevrette: On est la partie négociante, c'est pour ça qu'on sait qu'est-ce qu'on signe.

M. Middlemiss: Oui, O.K. Donc, pour les coroners, dorénavant – dans le passé on payait ça à même le fonds général, tout le monde payait parce que ça rendait un service à la population – la SAAQ, parce que c'est un accidenté, parce que lui paie de l'assurance, on dit: Bien, lui, il faudrait le charger à la Société de l'assurance automobile du Québec. Ça, en soi, c'est une petite brèche dans le «no fault». On dit: Parce que tu as eu un accident de la route, c'est la Société de l'assurance automobile qui devrait payer pour l'investigation et non pas le fonds général, non pas les fonds de tout le monde. Pourtant, les investigations, c'est dans le but de vouloir améliorer et aider dans la société, parce que les recommandations qui sortent de ces investigations-là, c'est dans l'intérêt de tout le monde.

Et le ministre tantôt accusait un certain avocat de vouloir changer... Pourtant, c'est la SAAQ elle-même, c'est le gouvernement lui-même qui est en train de dire: Parce que c'est un accident de la route, on va aller chercher les sous au niveau de la Société de l'assurance automobile, comme on fait avec la CSST.

Donc, M. le Président, je ne peux pas réellement comprendre l'attitude du ministre quand son prédécesseur avait indiqué que, lui, il était pour faire des consultations parce qu'il apportait des changements. Il l'a dit au moment d'une conférence de presse, mais il l'a répété à ces mêmes personnes-là qui sont venues pour le projet de loi n° 12. Il leur a dit: Regardez, ce n'est pas le bon projet de loi. On va faire des changements à la Société de l'assurance automobile plus tard et, à ce moment-là, vous viendrez. On vous invitera pour venir exposer vos problèmes dans le but d'améliorer le projet de loi. Donc, j'espère que le ministre pourra y penser sérieusement et dans un but de vouloir réellement le bonifier, le projet de loi.

Et l'autre chose sur ça, c'est que vous avez indiqué que, oui, vous allez être cosignataire de l'entente qui pourrait coûter 434 $ par investigation. Puis ça, on pourra peut-être le savoir en posant des questions, article par article. Est-ce que ça se pourrait qu'après un moment donné, là, on réclame ce 434 $ là de l'indemnité que l'accidenté va avoir? Est-ce que ça se pourrait qu'on fasse ça?

Une voix: ...

M. Middlemiss: Non, non. Bien non, on pose la question parce qu'il semblerait que cette possibilité était déjà là. Donc, M. le Président, vous me faites signe que mon temps est écoulé et...

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député. M. le député de Hull.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Je vais particulièrement intervenir sur la question de l'accès à l'information mais je vais débuter en vous disant que, comme nouveau membre de l'Assemblée, j'ai été un petit peu étonné d'entendre les propos du ministre hier à une question de mon collègue qui est porte-parole en la matière, quand il nous a dit que, quand l'opposition soulevait des questions, dans le fond, on ne représentait que des groupuscules.

Je ne sais pas si la notion, pour le ministre, c'est de dire, aussitôt que quelqu'un veut se faire entendre auprès du gouvernement ou si quelqu'un est contre l'opinion du gouvernement, ça veut dire que ce n'est que des groupuscules, mais je pense que c'est important de lui rappeler que la majorité des Québécois ont quand même voté pour l'opposition officielle. Et, si majoritairement nous représentons la majorité des Québécois, ça doit vouloir dire que, quand on est assis dans les banquettes, on doit représenter la majorité des Québécois. Lorsque l'opposition est d'avis qu'une consultation devrait être tenue, se faire imputer des motifs à l'effet que nous représentons des groupuscules, c'est de mal comprendre la réalité politique du Québec des dernières élections. Je ne sais pas si on a oublié les chiffres de l'autre côté, mais il faut quand même réaliser que la majorité des Québécois ont voté sur notre côté.

La position gouvernementale sur le projet de loi me semble, particulièrement en termes d'accès à l'information, un peu la queue qui branle le chien.

Une voix: M. le Président!

Des voix: ...

Le Président (M. Duguay): S'il vous plaît!

M. Chevrette: Excusez, c'est parce qu'on parlait des votes à...

Le Président (M. Duguay): S'il vous plaît!

M. Chevrette: On s'excuse.

Le Président (M. Duguay): Allez. Et aussi j'inviterais les intervenants à s'adresser directement à la présidence. Ça va peut-être éviter des commentaires disgracieux.

Une voix: On s'excuse. On ne le fera plus.

M. Cholette: Je peux comprendre, M. le Président, que mes collègues d'en face ne sont pas très intéressés à mes propos, c'est à peu près l'attitude gouvernementale dans ce dossier-là, qu'ils ne sont pas vraiment intéressés aux propos de quelqu'un d'autre que son caucus.

Le Président (M. Duguay): S'il vous plaît!

M. Cholette: Pour revenir donc au projet de loi n° 24, je ne sais pas si mes collègues d'en face l'ont vraiment regardé, mais ce qu'on peut voir, il me semble que c'est plus la queue qui branle le chien. Ce qu'on peut voir là-dedans...

Des voix: ...

Le Président (M. Duguay): S'il vous plaît. M. le député de Hull, si vous voulez continuer, s'il vous plaît.

M. Cholette: Je suis très intéressé par les propos du ministre parce que, lorsqu'on regarde le projet de loi n° 429 qui est mort au feuilleton, il ne faisait pas état justement des propositions que le ministre fait aujourd'hui. D'ailleurs, dans le mémoire qui a été déposé au Conseil des ministres, on parle que les modifications additionnelles à 429 ont été insérées à l'article 155.4 qui parle notamment d'échange d'information.

Pourquoi je dis que c'est la queue qui branle le chien? C'est qu'il me semble que le fondement même de cet amendement vient du fait qu'il y a ou il devrait y avoir entente entre la Régie de l'assurance automobile du Québec et le ministère de la Santé, et cette entente-là devrait être sujette à des négociations; il n'y a pas de problème.

Par contre, qu'est-ce qu'on peut comprendre, c'est que, puisque l'entente ou les ententes ne sont pas négociées, on doit absolument aller voir dans la vie privée du monde pour pouvoir faire des transferts de fonds pour que, entre ministères, on se paie. Ce qu'on semble oublier, là, c'est que c'est la même poche qui paie et qu'il y aurait d'autres façons de réaliser cet objectif gouvernemental là que de faire des transferts internes. On n'a pas besoin de transmettre des informations nominatives entre ministères pour pouvoir atteindre ce but-là.

À l'article 155.4, lorsqu'on regarde le mémoire présenté au Conseil des ministres, on voit même que, puis je le lis: «Le projet de loi n° 429 contient des modifications relatives au coût des services de santé occasionnés par des accidents d'automobile. Afin de permettre l'évaluation des coûts, l'article 155.4 – et puis c'est dans le but de permettre l'évaluation des coûts uniquement – prévoit la possibilité d'échanger des renseignements nominatifs détenus par les parties concernées.»

Je vous rappellerai que 429 ne contenait pas cette disposition-là et, par magie, elle apparaît. Ça, c'est d'un gouvernement qui a toutes les misères du monde à protéger les renseignements personnels. Lorsqu'on continue, on voit que la modification législative, ça serait à la Régie de l'assurance-maladie qu'il faudrait le faire puisqu'elle n'a pas le pouvoir de transmettre à la SAAQ de tels renseignements.

Ce qu'on peut voir, c'est qu'on se ramasse avec 155.4 qui non seulement est en train de donner un pouvoir à la SAAQ, non seulement reste muet sur la Société d'assurance-maladie, mais va au-delà de ça en disant: S'il fallait que la Commission d'accès ne soit pas d'accord avec les propositions d'entente, bien, ce n'est pas grave parce qu'on va faire une bretelle par-dessus, on va passer par-dessus la Commission d'accès, puis on va aller légiférer de toute façon, peu importe l'avis de la Commission d'accès.

(16 h 10)

Alors, si le ministre est très certain que la Commission d'accès est d'accord avec ce qu'il fait, il n'a pas besoin de cette phrase-là qui dit qu'on va by-passer, qu'on va court-circuiter la Commission d'accès. Il n'en aurait pas besoin.

Et, deuxièmement, ce qu'on pourrait voir, comme dans les propos de mes collègues précédemment, pourquoi n'entend-on pas la Commission d'accès se prononcer sur ce projet de loi, sur cet article-là qui est nouveau par rapport à 429? Pourquoi est-ce que la Commission d'accès ne pourrait pas se prononcer? Pourquoi d'autres intervenants ne pourraient pas se prononcer là-dessus? En fait, je pense que l'objectif de l'opposition, c'est certainement d'améliorer ce projet de loi là, de l'améliorer en ayant l'éclairage d'un certain nombre d'intervenants. Et, habituellement, au choc des idées jaillit la lumière. Je ne sais pas pourquoi on s'obstine, de l'autre côté, à refuser ces consultations, refuser dans ce cas-ci d'entendre les personnes compétentes, et nous demander de faire un chèque en blanc pour croire que, effectivement, la Commission d'accès est d'accord avec ça. Et il est tellement peu certain de son coup qu'ils sont obligés, que le gouvernement est en train de mettre dans la loi une virgule qui permettrait au gouvernement de passer outre à la Commission d'accès et d'aller directement à l'Assemblée nationale avec une loi, avec une entente, un genre de péréquation qui ferait fi de l'avis de la Commission.

Alors, M. le Président, je peux vous dire que là-dedans il n'y a rien de rassurant pour les Québécois, rien de rassurant concernant la protection de la vie privée, rien de rassurant considérant que, depuis quelques semaines, on entend parler de transparence, de l'autre côté, alors que, de toute évidence, la pire chose qu'on veut entendre, de l'autre côté, c'est vraiment une réelle transparence en discutant des faits à la table, en ayant une discussion ouverte.

Pour les gens du Québec, de voir un projet de loi où est-ce que, si jamais tu as un accident, bien, ta vie privée pourrait être étalée entre des ministères, notamment un ministère qui n'a rien à faire là-dedans, qui ne devrait pas avoir accès à ça – c'est vraiment simplement pour échanger des dollars, en bout de compte, entre deux ministères – alors, je dois vous dire qu'on est très inquiet, M. le Président.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député. Alors, au niveau des remarques préliminaires, est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Il n'y a pas d'autres...

M. Chevrette: M. le Président, il me resterait deux minutes. Je pourrais peut-être corriger deux, trois faits.

Le Président (M. Duguay): M. le ministre, si vous me permettez, ça me prend l'accord...

M. Chevrette: C'est parce que je pourrais corriger des erreurs de faits là.

M. Bordeleau: M. le ministre aura le temps de corriger au fur et à mesure qu'on procédera article par article.

M. Chevrette: Ça me fera plaisir...

Le Président (M. Duguay): Parfait.

M. Chevrette: ...dans ce cas-là, de le faire avec encore plus de conviction.

Le Président (M. Duguay): Alors, merci. Nous en sommes rendus aux motions préliminaires.

M. Chevrette: Il y en a qui ne comprennent rien.

M. Bordeleau: Oui, M. le Président. J'aurais une motion.

Le Président (M. Duguay): Alors, par rapport aux motions préliminaires, la procédure, vous la connaissez autant que moi, c'est: celui qui dépose la motion a 30 minutes et, par la suite, le ministre aussi a 30 minutes et, par la suite, les participants ont 10 minutes chacun, s'ils le désirent.


Motion proposant de tenir des consultations particulières

M. Bordeleau: M. le Président, j'aimerais déposer la motion suivante:

«Que la commission des transports et de l'environnement, conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, tienne des consultations particulières et procède à des auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 24, Loi modifiant la Loi sur l'assurance automobile, et qu'à cette fin elle entende les organismes suivants: le Barreau du Québec; Bellemare, Anglehart, avocats; Comité Claudine-Anne Zamprelli; comité Clifford Fisher; Commission d'accès à l'information; Fondation des accidentés de la route; Groupe DAATAQ, les accidentés de la route et de l'automobile du Québec; le MADD Canada; Mercure, Miller, Blais, avocats; Plaidoyer-victimes; le Protecteur du citoyen; Proulx, Ménard, Milliard, avocats; et le Vérificateur général.»

Le Président (M. Duguay): Alors, M. le député de l'opposition officielle, cette motion est recevable.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Nous avons fait une motion de consultation publique et, contrairement à ce que laissait entendre le ministre, je veux faire comprendre quelque chose de façon très simple: Si on avait voulu faire un filibuster ici, pour le projet de loi n° 24, on n'aurait pas mis tous les groupes dans la même motion, on les aurait faits un par un.

Alors, ce n'est pas l'objet, ce n'est pas l'objectif de l'opposition de faire un filibuster sur le projet de loi. Alors, c'est clair. Le ministre peut laisser entendre filibuster depuis tout à l'heure, comme on le connaît, mais, si on avait voulu le faire, là, on aurait présenté des motions une par une. On a mis dans la même motion tous les groupes concernés. Et pourquoi on l'a fait? C'est une façon très transparente, c'est qu'on pense qu'il y aurait des avantages à procéder à des consultations publiques. Et, jusqu'à date, le ministre, à qui on a posé la question à quelques reprises, a semblé assez négatif face à cette possibilité-là. Mais, comme on est au tout début de l'étude article par article du projet de loi n° 24, je pense que c'est encore le temps de reconsidérer cette possibilité. Alors, je ne sais pas... Le ministre est absent, est-ce qu'on doit suspendre?

Le Président (M. Duguay): Oui. Alors, compte tenu de l'absence du ministre, on va suspendre quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 16)

(Reprise à 16 h 18)

Le Président (M. Duguay): M. le ministre, M. le représentant officiel de l'opposition, alors, si vous voulez, on va continuer.

M. Bordeleau: Je vais reprendre ce que je mentionnais au début de mon intervention, compte tenu que le ministre a dû s'absenter quelques minutes. Ce que je mentionnais, c'est que ce n'était pas l'intention du gouvernement de faire un filibuster, contrairement à ce qu'il laissait sous-entendre tout à l'heure. Parce que, si on avait voulu faire une filibuster, M. le ministre, on aurait fait des motions une par une, puis on en aurait fait pour chacun des groupes qui sont là. Alors, ce n'est pas l'intention du gouvernement et, malgré tout ce que vous laissez entendre concernant l'opposition, l'attitude de l'opposition par rapport au projet de loi n° 24, il n'est pas dans l'intention de l'opposition de faire un filibuster sur ce projet de loi.

Maintenant, on pense que c'est encore nécessaire, à cette étape-ci de l'étude du projet de loi n° 24, d'envisager la possibilité des consultations particulières malgré les réponses plutôt négatives qu'on a obtenues à venir jusqu'à date de votre part.

Alors, on l'a mentionné au début, le projet de loi n° 24 est important et est d'autant plus important qu'il a touché, comme vous l'avez vous-même signalé, 575 000 personnes depuis près de 22 ans, avec des montants quand même assez pharamineux d'indemnisation qui ont été payés, 7 200 000 000 $. Ça, ça veut dire qu'il y a beaucoup de monde qui est touché par un projet de loi comme ça. C'est une pièce législative qui est importante dans la vie de tous les Québécois, et c'est important encore plus parce qu'on a affaire à une clientèle qui est très pénalisée et qui a souvent pour seul revenu principal les indemnités qu'ils vont recevoir, alors qu'ils sont avec des incapacités permanentes ou des incapacités partielles, mais ils doivent compter sur les indemnités qu'ils ont pour pouvoir assurer leur survie.

(16 h 20)

Alors, quand on touche au régime d'indemnisation, on touche à quelque chose qui est important, un projet de loi technique, là. Il faut se placer à la place du monde qui demande des indemnités, qui les a, qui a de la misère à les avoir, qui se retrouve avec des indemnités qu'il considère qui ne sont pas justes et, dans certains cas, qui lui sont refusées par la SAAQ, comme ça a été le cas la semaine dernière, où on a vu dans les journaux une personne qui avait fait des réclamations au niveau d'indemnités à la Société de l'assurance automobile du Québec. La Société de l'assurance automobile l'a traînée en cour durant plusieurs années, prétextant que les incapacités qu'elle avait n'étaient pas reliées à son accident, et cette personne-là a vécu des années de difficultés, dans un contexte assez inhumain. Tout ça pour aboutir, au bout de la ligne, où la cour a dit à la SAAQ: Vous avez tort, vous devrez lui payer parce qu'il n'y a rien qui laisse entendre que les incapacités de la personne ne sont pas reliées à son accident.

Alors, c'est un projet de loi qui est important au niveau des conséquences et au niveau de la clientèle particulièrement touchée, qui est impliquée dans un projet de loi comme celui-là. Alors, quand on a des groupes comme j'ai indiqué ici, dans la motion: la Fondation des accidentés de la route et le groupe DAATAQ, d'accidentés de la route et de l'automobile, le Plaidoyer-victimes, et qu'on a aussi plusieurs... Je pense à d'autres groupes, le groupe Clifford Fisher, le groupe Claudine-Anne Zamprelli, ce ne sont pas des intermédiaires, ce ne sont pas des avocats, c'est des gens qui ont vécu et qui vivent quotidiennement les conséquences d'un projet de loi comme celui qu'on a devant nous.

Pour ce qui est des autres groupes, on a fait référence à trois bureaux d'avocats. Je pense qu'il y a des avocats qui défendent les droits des victimes, des accidentés de la route. On ne parle pas d'un avocat ici, on parle de plusieurs avocats qui défendent les intérêts des accidentés de la route et qui doivent être respectés. Ils le font en fonction de leur profession, en respectant des règles de déontologie, et ces gens-là ont le droit, quand ils assument la défense de victimes de la route auprès de la SAAQ, d'être respectés, alors que ça n'a pas toujours été le cas, comme on a pu en être témoin au cours du débat depuis le début de l'étude du projet de loi n° 24. Alors, je pense que ces gens-là, de par leur expertise, de par les multiples contacts qu'ils ont eus avec la SAAQ, ont des choses valables, intéressantes à dire. Et, contrairement à ce que laisse entendre le ministre, ce n'est pas seulement la remise en cause du «no fault» qui est impliquée là-dedans, ces gens-là ont des choses à dire sur d'autres éléments reliés à l'essentiel même du projet de loi n° 24.

On a le Barreau. Si le ministre a de la misère à accepter un avocat en particulier, le Barreau, je pense, se prononce au niveau de l'ensemble des avocats du Québec, et je pense qu'on ne peut pas remettre en cause, là, le sérieux des représentations que le Barreau fait ici, au niveau de différentes commissions parlementaires, sur des projets de loi que le gouvernement présente. Alors, ces gens-là ont quelque chose à dire aussi, et l'ont demandé, et ont à s'exprimer.

Le Protecteur du citoyen, je ne pense pas qu'il soit là, M. le Président, pour défendre qui que ce soit si ce n'est les intérêts des concitoyens du Québec. Et lui aussi considère qu'il y a des éléments qui ne sont pas clairs dans le projet de loi; j'y reviendrai tout à l'heure.

Le Vérificateur général, qui a encore là une position de neutralité, qui est respecté par l'ensemble des parlementaires de l'Assemblée nationale, s'est déjà prononcé, a déjà mis en évidence certaines lacunes au niveau du fonctionnement de la SAAQ, qui concernent directement la question des indemnisations. Quand mon collègue, tout à l'heure, le député de Pontiac, a fait référence à certains commentaires du Vérificateur général qui parlait des agents d'indemnisation, qu'ils n'avaient pas suffisamment d'information, tout ça avait pour résultat que les indemnités qui étaient fixées n'étaient pas nécessairement les indemnités appropriées; c'est ça que ça voulait dire. Et, si les indemnités qui sont fixées ne sont pas appropriées parce que les agents qui font l'étude des dossiers n'ont pas toutes les informations, bien, ça touche au projet de loi n° 24, parce que le projet de loi n° 24...

On a beau, vous savez, vouloir améliorer les indemnités, si les gens ont de la misère à y avoir accès ou que les indemnités sont fixées, malgré des maximums qui pourraient être augmentés, par des agents qui n'ont pas les informations pertinentes, selon ce que nous en dit le Vérificateur général, ça fait en sorte que les victimes à ce moment-là sont pénalisées parce que les indemnités ne représentent pas exactement ce que ça devrait représenter. Ça, ça fait partie aussi, M. le Président, de l'objet du projet de loi n° 24.

Alors, c'est essentiellement ces groupes-là qu'on a mis ici, dans la motion, et j'avoue que je comprends difficilement l'entêtement du gouvernement. On a ici, sur un projet de loi très important, très important par ses conséquences... Encore une fois, j'espère que les collègues d'en face s'en rendent compte. Vous savez, quand on touche à l'assurance-maladie, qu'on touche à des malades, dans notre société, comme parlementaire, on a un rôle important à jouer pour s'assurer que les personnes qui sont dans cette situation-là puissent recevoir les soins nécessaires. Quand on parle des gens qui ont des accidents du travail, encore là, c'est la même chose. Quand on parle des accidentés de la route, c'est aussi la même chose parce que ces gens-là se réveillent souvent, au lendemain d'un accident, avec des incapacités avec lesquelles ils devront vivre toute leur vie. Alors, on n'a pas un projet de loi, là, bénin.

Et, quoi qu'en dise le ministre, on est en train de faire un projet de loi qui révise le régime d'indemnisation. Alors, je ne pense pas que ce soit exagéré de demander à un gouvernement de s'asseoir puis de prendre une journée et demie, deux jours, puis on va tous les avoir entendus. On ne demande pas quelque chose d'exceptionnel, on ne demande pas de reporter le projet de loi à la prochaine session, on demande de s'asseoir deux jours, d'écouter ceux qui ont quelque chose à dire, puis ensuite le gouvernement pourra aviser et l'opposition pourra également tenir compte de l'ensemble des commentaires.

Et ce n'est pas toujours des commentaires, comme le mentionne le ministre ou comme le laisse entendre le ministre, qui visent à remettre en cause et à dire qu'on veut retourner avant 1977. Il n'en a jamais été question. Alors, il ne faudrait pas que le ministre continue à laisser traîner des choses comme ça dans le décor, ça n'a rien à voir avec la situation actuelle.

M. le Président, prendre deux jours pour écouter ces gens-là, est-ce que c'est exagéré, quand on sait qu'on va voter un projet de loi avec lequel des milliers de personnes... 30 000 personnes par année font des demandes, au niveau de la Société de l'assurance automobile du Québec, pour des indemnités; 30 000 par année. Et on n'est pas capable de s'asseoir, ici, au niveau de l'ensemble des parlementaires puis de passer une dizaine d'heures pour écouter une dizaine de groupes à peu près?

En tout cas, j'ai de la misère à m'expliquer cette attitude-là du gouvernement. Je la vois comme un entêtement que je ne comprends pas, en tout cas, certainement pas quelque chose que nos concitoyens peuvent comprendre non plus. Pourquoi refuser d'une façon aussi catégorique que l'a fait le ministre à quelques reprises, au moment où nous lui avons demandé de tenir des consultations publiques? C'est démesuré, comme attitude du gouvernement, par rapport à la demande qu'on fait et par rapport à l'impact que ça va avoir par la suite. Alors, M. le Président, c'est l'essentiel de la motion.

On demande... Vous demandez un ajournement?

Le Président (M. Duguay): Bien, il vous restait...

M. Chevrette: M. le Président, je suis attendu dans quatre ou cinq minutes...

M. Bordeleau: Oui, O.K. Moi, je n'ai pas d'objection, je peux continuer, puis je continuerai après, au moment où on reviendra. Alors, je poursuis mon intervention, M. le Président.

Et c'est d'autant plus justifié que j'ai clairement démontré à plusieurs reprises que le ministre qui était le prédécesseur du ministre actuel a pris l'engagement – puis il n'y a pas de faux-fuyant, là, le ministre qui était là avant a pris l'engagement – d'avoir des audiences publiques qui précéderaient le dépôt du projet de loi dont il parlait à ce moment-là, qui était le projet de loi n° 429 et qui est aujourd'hui le projet de loi n° 24. Est-ce que le gouvernement va, encore une fois, manquer à sa promesse? C'est une promesse qui a été faite et à laquelle réfèrent tous les intervenants du milieu qui se sont fiés de bonne foi que ce débat-là aurait lieu. Et là on en est là, actuellement. Alors, est-ce que ce n'est pas justifié qu'on retrouve, à ce niveau-ci de l'étude du projet de loi, la consultation dont il a été question?

M. le Président, je vais faire référence, dans les minutes qui me restent, à un certain nombre de représentations qui ont été faites par des groupes hier, en conférence de presse, et à de la correspondance qui a été envoyée au ministre ou au premier ministre au cours des dernières semaines.

(16 h 30)

Le 27 janvier, M. le Président, les Accidentés du travail et de l'automobile du Québec envoyaient une lettre au ministre des Transports, le ministre actuel, et je vais vous en lire un extrait. On nous dit: «Le Parti québécois ne l'a jamais révisé – en parlant du régime québécois d'assurance automobile – malgré l'engagement ferme de votre prédécesseur pris publiquement le 8 avril 1997, engagement qu'il n'a jamais tenu. Ainsi donc, la dernière consultation publique effectuée par le Parti québécois dans ce secteur a été menée par Mme Lise Payette il y a 22 ans. Dans ce contexte, nous croyons essentiel qu'une consultation générale soit tenue sur les fondements du régime de même que sur son application aux victimes de la route au quotidien.

«Votre prédécesseur, M. Jacques Brassard, a déposé, l'été dernier, le projet de loi n° 429 qui vise à majorer certaines prestations prévues à la loi. Nous vous demandons de consulter la population non seulement sur le contenu de ce projet de loi, mais bien sur d'autres questions relatives à l'assurance automobile qui font l'objet de beaucoup de mécontentement à l'heure actuelle. Nous vous rappelons que le Barreau du Québec, en mars 1996, proposait plusieurs amendements en qualifiant la SAAQ de "parent pauvre" lorsque comparée à d'autres régimes d'indemnisation.»

Alors, je reprendrai, M. le Président, après la suspension.

Le Président (M. Duguay): Merci. Alors, si vous voulez, on va suspendre à peu près pour une dizaine de minutes, le temps de permettre au ministre d'aller faire une présentation en Chambre. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 31)

(Reprise à 16 h 59)

Le Président (M. Duguay): Si vous voulez prendre place, on va continuer. Alors, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. Est-ce que vous pouvez m'indiquer, M. le Président, combien de temps...

Le Président (M. Duguay): Avec plaisir. Il vous restait autour de...

Une voix: Un peu plus de cinq minutes.

Le Président (M. Duguay): Un peu plus de cinq minutes.

M. Bordeleau: Cinq minutes? Non, non.

(Consultation)

Le Président (M. Duguay): Quinze minutes.

M. Bordeleau: Quinze minutes?

(17 heures)

Le Président (M. Duguay): Quinze minutes.

M. Bordeleau: O.K. Parfait.

Une voix: ...

M. Bordeleau: Trente minutes. Alors, M. le Président, je vous faisais part, au moment où on a suspendu, de la demande qui avait été formulée par les accidentés du travail et de l'automobile du Québec qui demandaient une consultation et qui faisaient référence, dans leur lettre, essentiellement, à l'engagement du ministre prédécesseur du ministre actuel, le ministre Brassard, et également aux commentaires que le Barreau du Québec avait faits en mars 1996 et qui proposaient des amendements au projet de loi en question et qui dépassaient de façon très large la question du «no fault». Là, c'était beaucoup plus diversifié que ça. Le même groupe a envoyé une lettre au premier ministre le 18 mai 1999, il y a deux jours. C'est une lettre qui est adressée au premier ministre, M. Bouchard, et je vais vous lire un extrait de la lettre.

«Nous demandons votre intervention dans ce dossier afin de surseoir à l'étude article par article du projet de loi n° 24 en commission parlementaire le jeudi 20 mai prochain. Contrairement à ce que prétend le ministre Chevrette, les demandes des associations de victimes ne touchent pas que l'application inacceptable du principe de la responsabilité sans faute aux criminels de la route impliqués dans des accidents avec morts ou blessés, elles touchent également la structure actuelle de la SAAQ, l'inutilité de son bureau de révision, l'absence de statut conféré aux proches des victimes, la piètre qualité des rapports qu'entretient la SAAQ avec sa clientèle accidentée, l'absence d'indemnisation pour les six jours suivant l'accident, la réadaptation professionnelle en tant que droit et non en tant que privilège et maintes autres propositions que les associations de victimes désespèrent de présenter et de débattre en commission parlementaire.

«Le refus du gouvernement de procéder à ces consultations est tout à fait inadmissible et même inexplicable. Depuis 1994, votre gouvernement a révisé le Régime des rentes après avoir procédé à des consultations publiques en commission parlementaire. Il a fait de même pour la révision de la Loi sur les accidents de travail. Il a procédé également à des consultations concernant la Loi sur la justice administrative. À trois reprises, dans le cadre de commissions parlementaires générales, votre gouvernement a fait la preuve qu'il était important de consulter les groupes et la population parce qu'il s'agissait de réviser les lois qui les touchaient directement. 30 000 Québécois sont victimes de la route chaque année. Depuis 1978, ils sont 600 000 à avoir été en contact avec la Société de l'assurance automobile du Québec. Vingt et un ans après l'entrée en vigueur du régime, rien de plus normal que d'ouvrir les discussions.» C'était une lettre qui était adressée au premier ministre.

Vous voyez très bien, là-dedans, que les gens qui veulent se faire entendre, ce n'est pas des gens qui sont contre le «no fault» et essentiellement qui veulent remettre en cause le système global actuel. Ici, on a énuméré de nombreux items qui touchent le projet de loi n° 24 et qui n'ont rien à voir avec une remise en cause fondamentale du système d'assurance automobile qui existe actuellement. Alors, quand le ministre dit: Il n'est pas question qu'on revoie le «no fault», ce n'est même pas de ça dont il est question, justement, il est question d'écouter des gens qui ont quelque chose à nous dire par rapport au projet de loi.

Le Barreau a envoyé une lettre au ministre aujourd'hui même, le 20 mai. Alors, le Barreau, ce n'est pas des partisans, là, ce n'est pas des avocats qui auraient leurs propres intérêts personnels à défendre, c'est des gens qui ont regardé l'ensemble du projet de loi, qui avaient regardé, d'ailleurs, le n° 479, et qui réagissent encore aujourd'hui au projet de loi n° 24. Je vais vous lire une partie de la lettre qui situe très bien la situation actuelle.

«Les commentaires généraux que nous avons formulés à l'époque sont toujours valides et méritent d'être réitérés. En particulier, nous croyons que des amendements doivent être apportés à la Loi sur l'assurance automobile de façon à permettre la parité de l'indemnisation des victimes de la route avec celle accordée aux victimes d'accidents du travail ou d'actes criminels.» Alors, un commentaire: ici, M. le Président, on parle d'indemnisation. Ça n'a rien à voir avec le «no fault», on parle d'indemnisation et de parité entre différents régimes d'indemnisation de victimes.

Je poursuis l'extrait de la lettre du Barreau: «Les notes explicatives du projet de loi n° 24 précisent que le projet de loi modifie la Loi sur l'assurance automobile dans le but, principalement, de réviser le régime d'indemnisation des victimes d'accidents de la route. À notre avis, il ne s'agit pas d'une véritable révision du régime d'indemnisation, mais plutôt d'une bonification de certaines indemnités. Le projet de loi n° 24 ne constitue pas la révision en profondeur attendue par le Barreau du Québec et les principaux concernés, à savoir les victimes de la route. Nous sommes d'avis que ces amendements législatifs sont insuffisants pour combler les principales lacunes de ce régime d'indemnisation. Compte tenu des enjeux sociaux et économiques de ce régime d'indemnisation et des redressements nécessaires, nous demandons qu'une consultation publique soit tenue à ce sujet. Nous sommes convaincus de l'opportunité de tenir un débat public sur cette question importante.»

Alors, ça, ce n'est pas un groupuscule, comme a qualifié le ministre les gens qui manifestaient un intérêt pour des consultations publiques. Ce n'est pas un groupuscule, ça, c'est le Barreau du Québec. Je pense que c'est respectable. Alors, encore là, on ne parle pas de remettre en cause le système du «no fault», on parle d'améliorer le projet de loi sur l'indemnisation des victimes d'accidents de la route.

Le Protecteur du citoyen, M. le Président, le 19 mai, hier, faisait parvenir une lettre au ministre des Transports concernant le projet de loi n° 24. Et un des extraits de sa lettre: «Bien que nous nous réjouissions notamment des dispositions qui visent à hausser l'indemnité maximale accordée pour l'indemnisation du préjudice non pécuniaire ainsi que l'indemnité de décès versée dans le cas d'une victime qui, à la suite d'un accident, décède sans personne à charge, nous devons malheureusement constater que ce projet de loi comporte, en contrepartie, des dispositions susceptibles de diminuer la protection qu'accorde actuellement la Loi sur l'assurance automobile à certaines catégories de victimes, notamment à celles qui, lors de l'accident, exerçaient un emploi temporaire ou un emploi à temps partiel ou n'exerçaient aucun emploi tout en étant capables de travailler et les victimes de moins de 16 ans et celles de 16 ans et plus qui fréquentaient à temps plein un établissement d'enseignement et qui, en raison de leur accident, sont privées de prestations d'assurance-emploi ou sont incapables d'exercer l'emploi qu'elles exerçaient à la date de l'accident.»

Quand je vous ai dit, M. le Président, dans mes remarques préliminaires qu'il y avait des limitations, qu'on faisait en sorte qu'il y avait des gens qui étaient admissibles sous l'ancienne loi qui ne le deviendront plus, admissibles, sous la loi actuelle avec les modifications qui sont prévues à l'article 24, en quoi on facilite, là, l'accessibilité des concitoyens qui ont droit à des indemnités au moment où on rétrécit les critères d'admissibilité, on les modifie et on les rétrécit? Ce n'est pas l'opposition qui parle, M. le Président, c'est le Protecteur du citoyen. Est-ce que le Protecteur du citoyen, c'est un groupuscule? Est-ce que c'est une personne qui est là pour...

M. Chevrette: ...

M. Bordeleau: Ah, le ministre dit: Il est «un». Mais il est celui qui représente les citoyens du Québec et puis qui doit prendre à coeur les intérêts des citoyens du Québec et qui le fait très bien depuis plusieurs années. C'est un peu insultant, la façon dont le ministre qualifie le Protecteur du citoyen. Il est «un», mais c'est le Protecteur du citoyen qui a été mandaté par tous les membres de l'Assemblée...

M. Chevrette: ...

M. Bordeleau: M. le ministre, vous parlerez quand ce sera votre temps.

M. Chevrette: Ah! Ce n'est pas toi qui va me donner d'ordres, c'est lui.

M. Bordeleau: C'est le Protecteur du citoyen qui est nommé par tous les membres de l'Assemblée nationale, puis on devrait avoir du respect...

M. Chevrette: C'est un Don Quichotte.

M. Bordeleau: Ne parlez pas de Don Quichotte, M. le ministre, vous êtes très mal placé.

M. Chevrette: Don Quichotte libéral.

M. Bordeleau: On devrait avoir le respect des citoyens ou, au moins, le respect de l'institution qu'on s'est nous-mêmes donnée, le Protecteur du citoyen qui est nommé par l'ensemble des parlementaires de l'Assemblée nationale. Alors, M. le Président, ce n'est pas un groupuscule. Quand le ministre nous parle que 90 % de la population du Québec veut les changements qu'on apporte, bien, il devrait peut-être aussi considérer un sondage de 1996, fait par Léger & Léger – firme de sondage habituellement crédible, je pense que le gouvernement va en convenir – et qui nous dit que, sur quatre questions, 80 % et plus – ça oscille entre 81 % et 85 % – des gens souhaitent que le cas des accidents où le responsable de l'accident est une personne qui était en état d'ébriété soit réévalué et qu'on évite actuellement des situations loufoques. Loufoques, en tout cas en apparence, mais pas loufoques pour les personnes qui les vivent, où il y a des gens qui sont...

Bon, il y a des cas, par exemple, où il y a des personnes qui ont été tuées dans des accidents d'automobile par un conducteur qui était en état d'ébriété, la famille de la personne qui a été tuée a récolté à peu près 7 000 $, 8 000 $, et celui qui était en ivresse, conducteur, lui, a eu une incapacité permanente et, lui, on lui donne plusieurs dizaines de milliers de dollars par année. Est-ce que c'est de remettre en cause le «no fault», ça, de se pencher là-dessus puis de regarder ça? Je pense que c'est important de le faire. Est-ce qu'on trouve ça raisonnable, que la victime en ait moins que celui qui est la cause? Et puis celui qui est la cause, ce n'est pas par inadvertance ou une malchance, il était en état d'ébriété. Alors, dans ce sondage-là, M. le Président, il y a quatre questions qui traitent de cette question-là, et 80 % et plus des répondants, un échantillon représentatif de l'ensemble de la population, demandent qu'on revoie cette question-là. Alors, je pense que c'est important de le dire puis que ça serait important d'entendre des gens là-dessus.

(17 h 10)

Puis là on parle d'indemnisation. Alors, M. le Président, hier, dans la même conférence de presse où on demande tout simplement, tout bonnement d'être entendu, il y a la Fondation des accidentés de la route qui a émis un communiqué de presse. La Fondation des accidentés de la route s'est occupée d'au-dessus de 7 000 personnes qui ont fait des réclamations à la Société de l'assurance automobile du Québec; 7 000 personnes. Ils ont de l'expérience, ils ont quelque chose à dire, ces gens-là. Puis je pense que les gens qui sont en contact avec la Société de l'assurance automobile du Québec, ils ont vécu la situation eux-mêmes, je pense que ça mériterait qu'on les écoute.

La même chose d'un groupe qui s'appelle Mothers Against Drinking Drivers qui dit: «Nous sommes en contact avec plusieurs associations de victimes de la route au Québec et nous sommes bien informés du fait qu'une commission parlementaire publique avait été promise avec l'ex-ministre des Transports, M. Jacques Brassard. Nous appuyons cette demande de consultation publique compte tenu des nombreuses injustices du système actuel.»

Le comité Clifford Fisher, dans une lettre adressée à M. Bouchard, le 17 mai 1999: «M. Brassard avait promis une consultation en 1997. Cette consultation n'a jamais eu lieu, et nous n'avons reçu aucune réponse à notre demande.»

Alors, M. le Président, je pense qu'en toute objectivité... Et je pense que mes collègues d'en face sont capables d'en convenir. En toute objectivité, est-ce que c'est exagéré de demander que, avant d'aborder l'étude article par article du projet de loi, on prenne une dizaine d'heures puis qu'on écoute ces gens-là? Et, si ça nous donne des indications, plus d'information au niveau du gouvernement ou au niveau de l'opposition pour apporter des bonifications au projet de loi, on pourra le faire. À mon avis, ce n'est pas exagéré de demander ça et ce serait, je pense, respectueux pour des milliers et des milliers de personnes qui ont eu des contacts avec la Société de l'assurance automobile du Québec et qui ont vécu toutes sortes de difficultés dont ils pourraient nous faire part. Et ce serait, d'une façon très constructive, susceptible d'amener des améliorations au projet de loi puis de faire en sorte que ces gens particulièrement démunis, dans des situations difficiles, soient traités d'une façon plus équitable au niveau des indemnités.

Et ça n'implique pas une mauvaise foi de la part de la SAAQ, il y a des améliorations à apporter, tout simplement, et je pense qu'il faut les envisager à l'intérieur d'un débat aussi large que celui qu'on aborde dans le projet de loi n° 24 où on parle d'un projet de loi qui a pour but principalement de réviser le régime d'indemnisation des victimes d'accidents de la route.

Alors, M. le Président, je l'ai demandé au ministre à plusieurs reprises, je lui demande encore, là, de ne pas s'entêter, de tout simplement écouter le bon sens. Le bon sens élémentaire, c'est de prendre 10 heures à peu près, l'équivalent d'une journée et demie, deux jours, puis, après ça, on va procéder article par article puis on essaiera d'améliorer le projet de loi au maximum. Pourquoi le ministre s'entête-t-il à vouloir refuser cette consultation-là? Ça ne fait de mal à personne, ça va tout simplement permettre à des gens qui ont des choses importantes à nous dire, de les entendre. Je suis convaincu que, de l'autre côté, les députés qui sont là et qui vivent des cas quotidiennement, dans leur bureau de comté, de gens qui ont eu différentes difficultés avec la Société de l'assurance automobile du Québec ou qui ont des difficultés à vivre avec les indemnisations qui ont été fixées, je pense qu'ils sont certainement d'accord que ce n'est pas exagéré de demander au ministre de se raviser et de faire des consultations avec les groupes qu'on a mentionnés dans notre motion. Alors, je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député. M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui, tout d'abord, M. le Président, je voudrais réitérer, moi, qu'une révision, ce n'est n'est pas une réforme. Et, selon Le Petit Robert , le mot «révision» signifie «modification de règles juridiques pour les mettre en harmonie avec les circonstances»; alors qu'une réforme, c'est «un changement profond apporté dans la forme d'une institution afin de l'améliorer et d'en obtenir de meilleurs résultats». J'ai bien dit que ce n'était pas une réforme; puis, si ça avait été une réforme, M. le Président, j'aurais permis une consultation générale.

Qui plus est, il me donne le Barreau du Québec. Le Barreau, ils m'écrivent puis ils parlent de deux aspects. Les indemnités, ils se réjouissent, mais, sur le fond, ils veulent une réforme. S'ils veulent une réforme, je m'excuse, ce n'est pas une réforme, c'est une révision qu'on fait. Et, qui plus est, le Barreau a la gentillesse de m'envoyer leur point de vue. Je le sais, ce qu'ils veulent, je ne sais pas pourquoi je les ferais revenir pour qu'ils me lisent leur point de vue.

Le Protecteur du citoyen, il vous les a envoyées, les lettres, en plus, pour s'assurer que vous feriez bien votre travail et que vous souligneriez qu'il vous avait écrit. Le Protecteur du citoyen, lui-même, il envoie tout son point de vue. Ça pourrait être intéressant de l'avoir une demi-heure, au bout, mais, pour me répéter ça, là... Je suis capable de lire, moi, je suis capable de comprendre, je suis capable de sauver du temps, surtout quand on veut une révision.

Puis ça n'empêche pas que j'ai tout le contenu du Protecteur du citoyen puis j'ai le contenu de ce que pense le Barreau. Puis je sais un peu ce que pense Bellemare, l'avocat, puis je sais qu'est-ce que d'autres groupes pensent. D'autant plus, M. le Président, que l'opposition, il leur manque précisément les papiers qu'ils devraient avoir, par exemple.

M. le Président, on ne consulte pas moins à travers le Québec, dans chacune des régions et, qui plus est, on paie même pour l'organisation des personnes qui s'occupent des accidentés, puis c'est quotidiennement qu'elles s'occupent des victimes, en plus: le Regroupement des personnes du Bas-Saint-Laurent, Ghislaine Michel, à Rimouski, à la tête du Regroupement des personnes du Bas-Saint-Laurent accidentées; l'association Renaissance des personnes traumatisées crâniennes, Caroline Boudreault, responsable à Jonquière, Saguenay; l'Association des traumatisés crâniens des deux rives Québec– Chaudière-Appalaches, Julie Poulin, de Québec, boulevard Wilfrid-Hamel, à la tête d'une association subventionnée par la SAAQ pour tout près de 2 000 000 $ pour l'ensemble. On est en contact avec eux régulièrement, là, pas à l'occasion d'une commission parlementaire, sur le terrain quotidien.

L'Association des traumatisés cranio-cérébraux de la Mauricie–Bois-Francs, Denise Pronovost, Trois-Rivières; l'Association des accidentés cérébrovasculaires et traumatisés crâniens de l'Estrie, Mado Cruvellier, de Sherbrooke; l'Association québécoise des traumatisés crâniens, Jasmine Godbout, de Montréal; l'Association des neurotraumatisés de la région de l'Outaouais, Martine Fecteau, Hull; Le Pilier, Association des traumatisés crâniens de la région de l'Abitibi-Témiscamingue, Francine Chalifoux, Rouyn-Noranda; l'Association des handicapés adultes de la Côte-Nord, Jacinthe Thériault, Baie-Comeau; l'Association des traumatisés crâniens de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, Marie-France Lake, à Maria.

Vous allez en avoir des groupes qu'on a consultés puis qu'on consulte régulièrement, et qu'on paie même pour leurs organisations, pour qu'ils nous donnent l'heure juste sur le terrain, quotidiennement: l'Association des personnes handicapées physiques et sensorielles du secteur de Joliette, Isabelle Boucher, rue Salaberry, Joliette; le Centre d'aide pour personnes handicapées physiques des Laurentides, Marie-Claude Léonard, à Saint-Jérôme. Ils représentent du monde, eux autres, ils représentent... Chaque accidenté qui est identifié dans leur milieu, là, ils l'aident, ils l'accompagnent, ils soutiennent l'individu dans la défense de ses droits comme dans l'acheminement de la personne au bon endroit. Association des traumatisés cranio-cérébraux de la Montérégie, Jeanine Turcotte, Saint-Hyacinthe; Association des paraplégiques du Québec, Monique Provost, à Montréal.

Il y en a beaucoup d'associations consultées, M. le Président, et je vais continuer pour le bénéfice de nos collègues qui n'ont pas ces associations-là, sans doute. Regroupement des personnes du Bas-Saint-Laurent, des personnes accidentées, là, on pourrait vous donner, même, les argents que je donne, en plus, maintenant. Là, je pourrais vous dire qu'on donne 1 346 666,72 $ d'avril 1997 à mars 1998, et ainsi de suite.

M. le Président, les gens, il faut qu'ils comprennent que l'objectif, lors d'une révision, c'est précisément parce que ces gens-là nous ont dit: Ce n'est pas suffisant ici. Ce n'est pas suffisant là. On a vécu tels problèmes. C'est quotidien, ça. Et c'est une révision que l'on fait, rapide, de la loi. Si on sent le besoin... D'ailleurs, vous avez affirmé des choses tout au long de vos 20 minutes d'ouverture; il y a un paquet de faussetés dans ça, ou peut-être d'inexactitudes, ou de manques de connaissance des faits.

Je vais vous en donner des exemples. Le député de l'Acadie a dit: Il n'y a rien eu depuis 20 ans. C'est faire même insulte et injure à Marc-Yvan Côté. En 1989, il y a eu une véritable réforme. Il y a eu une réécriture complète, en 1989, de votre propre formation politique sur la Loi de l'assurance automobile. Il y a eu quelques révisions en cours de route, effectivement, mais une des grandes réformes... Dix ans après – c'est à peu près aux 10 ans – il y a eu une réforme de Marc-Yvan Côté, puis la prochaine réforme qu'on fera, bien, on consultera de façon générale, mais on va se permettre, sans retarder les choses, de faire des révisions rapides pour les assurés, au profit des assurés.

(17 h 20)

Vous avez affirmé un paquet de choses, ça m'a fait rire un petit peu, surtout le député de Hull, qui est venu dire qu'au niveau de la Commission d'accès à l'information... Ce n'est pas des farces, M. le Président... Je vais vous lire l'article 70 de la loi d'accès à l'information, écoutez bien ça, là: «En cas d'avis défavorable de la Commission, cette entente peut être soumise au gouvernement pour approbation; elle entre en vigueur le jour de son approbation.» C'est la Commission d'accès à l'information, ça.

Prenez l'article qu'on propose juste pour vous montrer que, quand on veut charrier puis comprendre rien ou bien qu'on fait exprès... Je vais vous le trouver, là, l'article est identique, c'est l'article 154. Ça, ce n'est pas ça. C'est 429, bon. Dans 429, d'abord, je vais vous montrer ce qui était écrit. C'est intéressant de voir comment ils l'ont préparé très bien pour faire son intervention. Dans l'article 155.4, on mettait 30 jours, si vous vous rappelez. Dans 429, là, dans la loi de mon prédécesseur, on mettait 30 jours pour la réception de l'entente pour que la Commission d'accès fasse son avis. Ils ont commencé par l'accepter à part de ça. Appelez à la Commission d'accès, là... Mais ne faites pas appeler par M. le député de Chomedey, il n'a pas confiance. Il s'en sert toujours, mais il n'a pas confiance à ces gens-là. Mais la Commission d'accès, elle, avait accepté ça intégralement. Ils ont changé d'idée, ils nous ont appelés, ils ont dit: Le 30 jours, ça nous corse un peu. Qu'est-ce qu'on a fait, nous, à la loi? On a changé notre loi, puis on a décidé d'enlever le 30 jours, conformément à ce que nous demande la Commission d'accès.

Et lisez le petit paragraphe, là, 155.4: En cas d'avis défavorable, l'entente peut être soumise au gouvernement pour approbation; elle n'entre en vigueur que le jour de son approbation. Exactement le texte de la Commission d'accès à l'information. De grâce, un petit peu de rigueur. Renseignez-vous avant de venir faire perdre du temps à une commission, parce que c'est textuel puis c'est déjà entendu avec la Commission d'accès. On vient faire des sermons puis des discours sur la Commission d'accès à l'information. Il faudrait qu'ils viennent au bout nous le dire. On l'a préparé avec eux autres puis on a changé le texte parce qu'ils nous ont demandé de le changer, puis on met le texte intégral de la Commission d'accès, qu'est-ce que vous voulez de plus, faire un petit show? Non, non, on n'a pas de temps pour ça.

M. le Président, ils ont dit: Le Vérificateur général... Le vérificateur général de la Société de l'assurance automobile a passé un avant-midi ici avec le Vérificateur général à répondre à des questions du Vérificateur. Ensemble, on a répondu à une foule de choses. Ils voudraient avoir le Vérificateur. Ils parlent d'enquête, il n'est pas question d'enquête. La participation... Puis c'est déjà le principe dans la Loi de l'assurance automobile, il est là. C'est Marc-Yvan Côté qui était arrivé avec un chiffre, rappelez-vous: Vous paierez pour l'assurance-maladie, pour les ambulances sur nos routes. Marc-Yvan Côté avait dit: Sans mécanique. Il avait mis un montant puis il a dit: On paiera. Nous autres, on dit: C'est bien beau payer, mais on devrait peut-être payer ce que ça vaut. On essaie d'introduire une mécanique pour définir exactement ce que ça coûte. Ce n'est pas brillant, ça? Ce n'est pas porté à la protection des assurés? Voyons! Soyons sérieux un petit peu. On paie autant qu'on va payer pour l'assurance-maladie. Le même principe va prévaloir pour dans d'autres choses, mais on paiera ce que ça vaut, mais pas pour les enquêtes.

Il va falloir qu'on leur montre, que quelqu'un leur dise, sur leur bord, qu'il y a une différence entre une investigation pour connaître la cause du décès puis faire une enquête menant soit à des accusations soit à des recommandations. C'est différent dans notre système, et c'est justement pour que la neutralité au niveau de l'enquête, on n'en soit pas là du tout. C'est exclusivement au niveau de l'investigation qu'on est là. Je ne sais pas pourquoi on affirme des choses du genre. Puis je pourrais continuer, là, j'avais du fun à mort, mais je viens que je me décourage quasiment. C'est parce que je m'aperçois que les mots ont un sens: entendre, c'est une chose; comprendre, ç'en est une autre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Jean-Talon.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Si les mots ont un sens: entendre, c'est une chose et comprendre, c'en est une autre, j'aimerais qu'on m'explique, alors, qu'est-ce qui a bien pu se passer entre le dépôt du projet de loi n° 429, le discours du ministre, le prédécesseur de l'actuel ministre, et le dépôt du projet de loi actuel. Les mots ont un sens. On s'est fait rappeler à l'ordre entre révision et réforme. Bon. Alors, j'aimerais citer au texte ce que le ministre Brassard, qui était le titulaire du ministère des Transports à l'époque, a dit. Et je cite: «Je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour confirmer ma volonté de réviser la Loi sur l'assurance automobile afin de bonifier encore certaines indemnités prévues pour les accidentés de la route. Cette initiative est facilitée justement grâce à la bonne gestion et la santé financière de la Société.» Si les mots ont un sens, M. le Président, j'aimerais savoir pourquoi M. le ministre prédécesseur de l'actuel ministre parlait d'une révision et l'actuel ministre parlait d'une réforme et d'une révision.

Ce que je voudrais soulever, M. le Président, c'est que j'essaie de comprendre ce qui a bien pu se passer entre le dépôt du projet de loi n° 429, où le ministre Brassard, député du Lac-Saint-Jean, s'était engagé à entendre des groupes... Moi, j'arrive dans cette commission-là. Je comprends l'impatience du ministre, il veut passer son projet de loi, puis c'est vrai qu'il y a des choses qui méritent d'être approuvées, puis on doit les passer rapidement parce que ça fait assez longtemps qu'il y a des demandes qui sont faites dans le sens de certains articles qu'on retrouve dans le projet de loi, mais il y a aussi un autre fait qu'il faut réaliser, c'est que... Je ne sais pas, peut-être que je suis la seule à ne pas avoir la science infuse autour de cette table, à ne pas vraiment connaître l'ensemble des dossiers, mais je soumets bien humblement au ministre et à tous mes collègues, autant ministériels que de ce côté-ci, du côté du Parti libéral du Québec, que j'aurais aimé, moi aussi, malgré le fait que j'ai fait mes devoirs, entendre ce qu'avaient à dire et ce qu'ont à dire tous ces groupes, ces gens qui représentent les victimes et qui voudraient voir bonifier la Loi sur l'assurance automobile du Québec, et de un.

On n'est pas tout seul à penser que c'est important de revoir la Loi sur l'assurance automobile du Québec, il y a des gens qui nous ont envoyé copie de correspondance avec le prédécesseur du ministre actuel, et je cite ici les grands amis du ministre, Labrie, Bellemare, Anglehart & Associés: «Votre gouvernement ne peut priver la population d'une consultation générale sur notre régime d'assurance automobile en vigueur depuis 20 ans maintenant. La dernière consultation générale a été tenue les 13 et 14 octobre 1987 alors que M. Marc-Yvan Côté était ministre des Transports. Le Parti québécois – je cite toujours – pendant les 12 ans où il a été au pouvoir, depuis 1979, n'a jamais – et, je répète, n'a jamais – consulté la population depuis l'entrée en vigueur du régime. Nous croyons qu'il a maintenant l'obligation de le faire.» Fin de la citation.

Nous, là, pour rejoindre la motion de mon collègue le député de l'Acadie, ce qu'on demande, c'est une couple d'heures. Vous les entendez, M. le ministre... Écoutez, là, vous les entendez régulièrement. Je veux bien que le ministre nous fasse la liste de son support à l'action bénévole ou de son enveloppe discrétionnaire...

M. Chevrette: ...

Mme Delisle: Bien, il vient de nous dire qu'il avait donné 1 000 $, là, à un organisme.

M. Chevrette: Ce n'est pas ça du tout, c'est la SAAQ qui subventionne des groupes... Charriez pas!

Mme Delisle: En tout cas. Bon, alors, je corrige. Je le..

M. Chevrette: Un peu de rigueur, vous aussi.

Mme Delisle: Pardon?

M. Chevrette: Un peu de rigueur, vous aussi.

Mme Delisle: Alors, je reprends ce que j'ai dit, je croyais que ça faisait partie des gens...

Une voix: ...

Mme Delisle: Bon. Alors, M. le Président...

Une voix: ...

Mme Delisle: Mon Dieu! Mon Dieu, là, on est fatigué. Je pense que la chaleur lui monte à la tête.

Le Président (M. Duguay): M. le ministre, s'il vous plaît, un peu de tolérance.

Mme Delisle: Si vous permettez, M. le Président, je voudrais juste terminer en disant... Bon. M. le ministre, je croyais que vous faisiez référence à une liste de votre support à l'action bénévole, alors je retire ce que j'ai dit, je ne voudrais surtout pas induire les gens en erreur.

Mais ces gens-là, c'est vrai, si la SAAQ, si les... Et, si tous nos collègues, d'après ce que je peux comprendre, tous les collègues qui sont devant moi, du côté ministériel, ont rencontré ces gens-là, sont quotidiennement en rapport avec ces gens-là et savent de quoi ces gens-là parlent, vous êtes donc chanceux, parce que, moi, je n'ai jamais parlé à ce monde-là. Il y a des gens dans mon comté avec qui, oui, je suis en contact. Mais je suis contente pour vous autres, vous avez la science infuse.

(17 h 30)

Je reviens à mon propos. Je pense, M. le Président, qu'on passe à côté d'une belle occasion d'entendre ces groupes-là, peut-être même d'autres groupes qui auraient bien des choses à dire sur la façon dont ça fonctionne. Est-ce qu'on est rendu assez arrogant, du côté du Parti québécois, assez Jos Connaissant pour imposer sa façon de voir et sa façon de faire sans jamais tenir compte, dans ce cas-ci, des victimes ou de ce que la population veut? Je commence à croire que c'est l'arrogance du deuxième mandat. Honnêtement, là. Mais, si c'est ça, ce ne sera pas drôle pour les trois prochaines années. Je trouve ça dommage pour les victimes. Je trouve ça vraiment dommage parce qu'on aurait pu certainement contribuer, comme parlementaires, à améliorer le système actuel. Ça ne veut pas dire que ce qui est dans le projet de loi n'est pas bon, mais il y a plein d'organismes qui nous font savoir qu'ils ont des choses à dire pour bonifier le régime actuel.

Alors, je réitère la demande de ma formation politique au nom des gens qui ont bien des choses à dire: il aurait été fortement intéressant, pour nos deux formations politiques et pour la population du Québec, qu'on puisse travailler à bonifier la Loi sur l'assurance automobile du Québec.

Le Président (M. Duguay): Merci, Mme la députée. M. le député de Pontiac.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Avant de débuter, M. le Président, selon l'article 209, le chef de l'opposition peut avoir 30 minutes sur une motion de forme. Est-ce que ça peut être transmis à un membre de la commission?

Le Président (M. Duguay): Selon le Code de procédure, à moins que les deux parties en conviennent, ça ne se transmet pas.

M. Middlemiss: D'accord.

M. Chevrette: Ils n'en conviennent pas. Tu vas te contenter de ton 10 minutes!

Le Président (M. Duguay): Un bel essai. Ha, ha, ha!

M. Middlemiss: D'accord. Merci, M. le Président, c'est très clair! C'est très clair, M. le Président. On est en train de discuter de la motion:

«Que la commission des transports et de l'environnement, conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, tienne des consultations particulières et procède à des auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 24, Loi modifiant la Loi sur l'assurance automobile, et qu'à cette fin elle entende les organismes suivants.»

Le porte-parole l'a indiqué, M. le Président, si on avait voulu faire un filibuster, on aurait fait des motions pour chacun de ces groupes-là. Et c'est certain que le ministre ne peut pas invoquer l'urgence parce que, un an passé, on avait un projet de loi qui était le projet de loi n° 429 et on l'a laissé mourir... Si ça avait été urgent, on avait le temps. Et, on se souvient, on l'avait indiqué au ministre, on était prêt. Donc, on l'a laissé mourir au feuilleton puis on est allé en élection. On revient, M. le Président, on a eu même le temps de refaire un autre projet de loi. Donc, il n'y a pas urgence pour le projet de loi. Ce n'est certainement pas le menu législatif qu'on a présentement qui peut nous empêcher, qui peut créer un problème d'organiser les travaux parlementaires, M. le Président. Donc, pourquoi l'entêtement, pourquoi refuser?

On peut comprendre, le ministre nous a donné une liste de gens qui sont subventionnés, des groupes qui sont subventionnés et qui s'occupent des accidentés. C'est ça que j'aimerais, plus tard peut-être, que le ministre puisse nous donner spécifiquement c'est quoi le rôle de ces gens-là. Est-ce que c'est des gens qui suivent les gens qui ont eu des accidents? Mais ce n'est pas nécessairement ces gens-là, parce que, ceux-là, je suis convaincu qu'il n'y a peut-être pas de problèmes avec ces gens-là. Parce qu'on a fait des changements, on a voulu améliorer le traitement des gens qui subissaient ces blessures-là.

M. le Président, c'est peut-être le citoyen accidenté, qui n'a peut-être pas eu du tout... ce n'est peut-être pas ça du tout, mais c'est un citoyen qui a été blessé dans un accident, ça ne devrait certainement pas être relatif à l'importance des blessures occasionnées dans l'accident.

Lorsqu'on parle du Barreau du Québec, il me semble que le Barreau du Québec... Ça me fait penser, on vient juste de recevoir du président de l'Assemblée nationale une invitation pour souligner le 150e anniversaire du Barreau du Québec. Ça va avoir lieu ici, au parlement. Donc, c'est certainement une institution qui est reconnue puis qui a certainement une crédibilité. Ces gens-là ont envoyé une lettre, ils ont demandé au prédécesseur du présent ministre, ils lui ont demandé à lui aussi, puis le ministre a dit: Bien oui, ils sont satisfaits! Ils sont satisfaits, ils m'ont envoyé une lettre, ils ont soulevé les points qu'ils voulaient faire corriger. Mais il dit: Ces gens-là, même s'ils viennent ici puis me parlent pendant une demi-heure... j'ai compris. Il a compris!

M. le Président, pourquoi avons-nous des consultations publiques ou particulières? Parce qu'on pourrait toujours demander aux gens: Soumettez des mémoires. On va lire vos mémoires puis on va tous les comprendre. Il me semble que ce n'est pas ça, là. Et à quel moment dans le temps? Tu sais, le Barreau a probablement envoyé cette lettre-là il y a quelques semaines ou quelques jours passés.

Une voix: Aujourd'hui.

M. Middlemiss: Aujourd'hui, et déjà le ministre dit: Ah! j'en ai pris connaissance, je les comprends. Puis on est en train – imaginez-vous, M. le Président, la logique – d'étudier article par article et, si on se soumettait au voeu du ministre, on accepterait ce projet de loi là le plus tôt possible et, à ce moment-là, ça a donné quoi, la lettre du Barreau? Il a fait quoi avec, le ministre, hein? Il va la mettre sur la tablette, un peu comme le livre vert dont parlait ma collègue tantôt, sur les régions. C'est ça, M. le Président? Donc, c'est des beaux discours.

Et pourquoi pas? Est-ce qu'il y a une certaine crainte? Puis le temps, on l'a!

Une voix: ...

M. Middlemiss: Oui, oui, mais ça me surprend, M. le Président, surtout de ce ministre-là qui dit à tout bout de champ que, lui, c'est le gros bon sens. Surpris de prendre une attitude de cette nature-là. Je peux comprendre qu'il y en a d'autres qui sont plus intellectuels, plus théoriciens, mais lui, il veut se donner cette... du citoyen ordinaire, celui qui comprend, le gars du peuple.

Une voix: Le petit gars de Joliette.

M. Middlemiss: Oui, «le petit gars de Joliette», comme dit le... Non, mais c'est ça, M. le Président. Et il me semble qu'une personne qui veut donner cette impression-là, se donner une image d'une personne ras du sol, il devrait comprendre que c'est pour ces gens-là aujourd'hui que nous demandons... Laissez donc ces gens-là venir ici. Prenez, par exemple, le comité Clifford Fisher. Ça, c'est un jeune homme qui s'est fait tuer par un camion d'Hydro.

Une voix: Ah!

M. Middlemiss: Oui, il s'est fait tuer. Donc, vous voyez, ces gens-là pourraient venir nous le dire, les parents, qu'est-ce qu'ils ont vécu avec la Société de l'assurance automobile du Québec. Ça en est un des groupes, ça, le comité Clifford Fisher. Et, pour une fois, M. le Président, pour ce comité-là, il y a deux députés, un de chaque côté, qui ont présenté une pétition ici, à l'Assemblée nationale; c'étaient le député de Johnson et le député d'Orford, Robert Benoit et Claude Boucher. Les deux, conjointement, ont présenté ça. C'est des gens sérieux, c'est des gens qui ont perdu un enfant. Ils ont perdu un enfant par un camion qui a... O.K. Donc, est-ce que cette personne-là, ces gens-là ne pourraient pas venir ici nous expliquer pourquoi ils ont, eux, demandé... Ils l'avaient demandé à son prédécesseur, M. Brassard; ils le lui demandent, à lui aussi.

Prenez, par exemple, MADD, Mothers Against Drinking Drivers; ça, c'est des gens qui... Et j'ai participé, moi, avec ces gens-là, dans des écoles secondaires; ils vont là une fois par année. Ils font venir quelqu'un qui peut expliquer à ces jeunes-là les conséquences, les problèmes de conduire...

(17 h 40)

Il me reste une minute? Ah! M. le Président, vous êtes certain que je ne peux pas avoir le 30 minutes? Mais, regardez, vous voyez, hein, que l'expérience vécue... Moi, je suis allé, et il y avait toujours des conférenciers qui pouvaient sensibiliser les jeunes aux problèmes et aux conséquences de conduire en état d'ébriété. Je pense que ça va bien, M. le Président. S'il y a un groupe de gens qui peuvent être félicités concernant la consommation d'alcool, c'est les jeunes qui, soit qu'ils appellent les parents pour aller les chercher ou bien ont un conducteur désigné. Donc, il me semble que des groupes comme ça... Est-ce que ces gens-là ne pourraient pas venir nous éclairer, nous aider, nous autres aussi? S'ils ont réussi à convaincre les jeunes, tu sais, de ne pas conduire en condition d'ébriété, est-ce qu'ils ne pourraient pas venir ici, là, puis nous soulever des points qui seraient certainement dans l'intérêt supérieur de toute la collectivité québécoise? Et c'est ça, le but. Le but, là, on dit: On va changer l'indemnité. Mais il me semble que, si on pouvait encore l'améliorer, M. le Président, ça serait encore mieux.

Le Président (M. Duguay): Merci beaucoup, M. le député.

M. Chevrette: Peut-être quelques renseignements, si vous me permettez 30 secondes. Pour le jeune, je peux vous dire... Est-ce qu'il me permet, parce que j'ai un autre...

Le Président (M. Duguay): Est-ce que vous êtes d'accord?

Des voix: Oui, oui.

M. Chevrette: J'ai reçu les parents, au moment où j'étais ministre responsable d'Hydro-Québec. J'ai demandé à Hydro-Québec d'adopter un code de sécurité interne exactement comme ailleurs, et on a fait pression sur la SAAQ pour que les services psychologiques soient donnés aux parents. Ça, c'est bien plus efficace que d'arriver puis de dire ici: Venez vous asseoir pour réviser des primes. Les primes, là, c'est ce qu'on à prononcer. Il y a une révision de la loi, on n'est pas sur la... une simple réadaptation de la loi qu'on fait et non pas une réforme en profondeur. Le jour où on en fera une, réforme en profondeur, je réitère mon engagement d'ouvrir à une consultation générale. Entre-temps, par exemple, je sais lire et comprendre, puis je pense que j'ai compris le Barreau et j'ai compris également le Protecteur du citoyen.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre.

M. Middlemiss: Est-ce que je pourrais lui poser une question?

M. Chevrette: Bien sûr.

M. Middlemiss: S'il les a compris, est-ce qu'il va incorporer dans le projet de loi les suggestions du Barreau puis du Protecteur du citoyen?

M. Chevrette: Tous les points que je vais trouver corrects puis que... Mais on va partager ici... On mettra...

M. Middlemiss: Mais à quel moment?

M. Chevrette: On verra. On va commencer par l'article par article, puis vous allez nous dire sagement où est-ce que vous allez faire des amendements, puis on va les étudier, nous autres aussi.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député. Est-ce qu'il y en a qui ont d'autres remarques sur la motion?

M. Chevrette: Je demande le vote.


Mise aux voix

Le Président (M. Duguay): Alors, si vous voulez, on va se prononcer. Alors, je vais demander pour le vote.

Des voix: Vote nominal.

Le Président (M. Duguay): Le vote nominal? Alors, si vous voulez, on va y aller par ceux qui sont pour.

Le Secrétaire: Oui. M. Bordeleau (Acadie)?

M. Bordeleau: Pour.

Le Secrétaire: Mme Delisle (Jean-Talon)?

Mme Delisle: Pour.

Le Secrétaire: M. Middlemiss (Pontiac)?

M. Middlemiss: Pour.

Le Président (M. Duguay): Pas d'abstention? Ceux qui sont contre.

Le Secrétaire: M. le ministre des Transports?

M. Chevrette: Contre.

Le Secrétaire: M. Gagnon (Saguenay)?

M. Gagnon: Contre.

Le Secrétaire: M. Pelletier (Abitibi-Est)?

M. Pelletier (Abitibi-Est): Contre.

Le Secrétaire: M. Deslières (Salaberry-Soulanges)?

M. Deslières: Contre.

Le Secrétaire: M. Côté (La Peltrie)?

M. Côté (La Peltrie): Contre.

Le Secrétaire: M. le Président?

Le Président (M. Duguay): Contre. Alors, je déclare la motion rejetée. Est-ce qu'il y a d'autres motions préliminaires? Ça va? Merci.


Étude détaillée

Alors, en ce qui concerne l'étude détaillée, pour la procédure à suivre, est-ce que vous voulez qu'on fasse la lecture article par article ou on y va? Est-ce que vous voulez qu'on en fasse la lecture?

M. Chevrette: Bien, ça dépend de l'opposition, c'est comme ils veulent. Moi, ça ne me dérange pas. Étant donné qu'on commence l'article, est-ce qu'on a gardé ici, en réserve, les tableaux comparatifs de l'actuelle loi?

Des voix: Oui.

M. Chevrette: Vous l'avez? Parfait. Je voulais savoir s'ils avaient les deux...

Une voix: Non. On ne l'a pas, non.

M. Chevrette: O.K. C'est beau.

M. Bordeleau: Vous avez de l'information, des justifications, dans votre document?

M. Chevrette: Il y a un commentaire, oui. Il y a même mes commentaires.

(Consultation)

Le Président (M. Duguay): Est-ce qu'il en reste de disponibles?

(Consultation)

Le Président (M. Duguay): Merci. Alors, comme nous sommes tous équipés de la même façon, on convient qu'on ne fait pas la lecture au total, M. le ministre? M. le ministre, on convient qu'on ne fait pas la lecture au total, sauf que vous allez commenter?

M. Chevrette: Bien, ça dépend des questions de monsieur...

Le Président (M. Duguay): Des questions.

M. Bordeleau: On s'est mis d'accord sur votre proposition, M. le Président. Ce que je voudrais, au niveau du projet de loi, c'est qu'on l'aborde d'une façon flexible, qu'on pose des questions puis qu'on puisse intervenir sans avoir des blocs. On verra comment ça se déroulera, mais, en principe, je pense que ça va être plus intéressant, je pense.

M. Chevrette: Même s'il y a un article, des fois, qui provoquerait un amendement, avant qu'il soit préparé, on pourrait sauter par-dessus puis... Comme on a déjà fait dans des législations.

Le Président (M. Duguay): Et préférez-vous que le ministre donne un léger survol de chaque article ou vous allez y aller avec des questions?

M. Bordeleau: Oui. Bien, peut-être expliquer les raisons des modifications.

Le Président (M. Duguay): M. le ministre.


Dispositions générales

M. Chevrette: En fait, l'article 1, c'est une concordance avec la nouvelle Loi sur la justice administrative. Au lieu de fixer des mécaniques, on le met très large. Si vous remarquez, on ne dit plus, on ne rentre plus: «La Société peut permettre à la personne qui fait la demande d'indemnité»; on dit très, très simplement, pour la personne qui a été incapable d'agir en raison de circonstances exceptionnelles: «n'a pu, pour des motifs sérieux et légitimes...» On utilisera probablement le même vocabulaire dans l'ensemble des articles qui relèvent de cette nature-là au niveau des tribunaux administratifs.

M. Bordeleau: Oui. Une question.

Le Président (M. Duguay): Oui.

M. Bordeleau: La formulation «pour des motifs sérieux et légitimes», c'est une formulation qui est dans la Loi sur la justice administrative?

M. Chevrette: C'est ce qu'on comprend.

M. Bordeleau: Telle quelle?

M. Chevrette: Oui.

M. Bordeleau: Moi, le commentaire que je voudrais faire là-dessus, c'est que, dans la loi actuelle, quand on dit «La Société...» Essentiellement, c'est ça, la modification qui a été apportée. Ah! C'est ça. C'est qu'on dit de remplacer...

M. Chevrette: C'est le deuxième alinéa, exactement.

M. Bordeleau: On nous demande de remplacer, dans la loi actuelle, «a été incapable d'agir plus tôt en raison de circonstances exceptionnelles» par «n'a pu, pour des motifs sérieux et légitimes, agir plus tôt».

M. Chevrette: C'est ça.

M. Bordeleau: En tout cas, ma perception, c'est que, quand on dit que la personne n'a pas été capable d'agir en raison de circonstances exceptionnelles...

M. Chevrette: C'est plus restrictif.

M. Bordeleau: Oui, mais ça s'identifie beaucoup mieux que d'interpréter qu'elle «n'a pu, pour des motifs sérieux et légitimes». Qui va déterminer si c'est des motifs sérieux et légitimes?

M. Chevrette: Pour nous, très honnêtement, c'est exactement le contraire. C'est que la proposition «des motifs sérieux et légitimes» est moins contraignante que des motifs exceptionnels. Parce que ça peut être très sérieux sans être exceptionnel.

M. Bordeleau: Ça, je suis d'accord.

M. Chevrette: Parce que la notion d'«exceptionnel» faisait toujours débat, alors que «sérieux», ça peut être très sérieux même si ça ne sort pas de l'ordinaire.

M. Bordeleau: Non, ça, je suis d'accord là-dessus, que la formulation qui est là est plus large, excepté que, ce que je trouve, quand on parlait de circonstances exceptionnelles, de façon factuelle, ça s'identifiait plus facilement que des motifs sérieux et légitimes. Des motifs sérieux et légitimes, ça prête à interprétation. Il y a quelqu'un qui devra interpréter jusqu'à quel point c'était sérieux et légitime. Tandis qu'une circonstance exceptionnelle, je ne sais pas, moi... La personne, pour une raison x, elle était dans telle situation. C'est factuel, ça. Ça s'identifie. La personne, je ne sais pas, était à l'hôpital, était...

M. Chevrette: Bien, j'ai l'impression qu'il y avait une notion... L'élargissement qui est venu au niveau de la justice administrative... Je n'ai pas assisté au débat sur la loi mais je me souviens du comité de législation parce que j'avais posé la question que vous me posez. Puis les gens nous disaient: Les tribunaux administratifs, c'est une justice applicable de bonne foi, ça. Et la notion de sérieux est plus large que la notion d'exception. Donc, en marquant «du sérieux», on peut prouver plus le sérieux d'une chose que le côté exceptionnel d'une chose.

Parce que, si c'est très exceptionnel, ça devient aussi sérieux. Mais, si c'est sérieux, ce n'est pas nécessairement exceptionnel. Et, dans ce sens-là, c'est plus large et ça aide plus les individus. Qu'on nous dit. Moi, écoutez...

M. Bordeleau: Je suis d'accord...

M. Chevrette: C'est pour adopter par concordance qu'ils nous demandent ça. Nous, on n'avait pas nécessairement d'amendement à cet article-là, on prenait les articles traditionnels. Mais ils nous ont dit: Comme on veut unifier, harmoniser l'ensemble des lois en ce qui regarde la justice administrative, on veut l'élargir dans ce sens-là. Moi, je n'ai pas...

Le Président (M. Duguay): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Est-ce qu'on pourrait me donner des exemples de qu'est-ce qu'on considère comme des motifs sérieux et légitimes?

M. Chevrette: Comme quoi tu n'aurais pas été capable, par exemple, de...

Une voix: Le coma. Tu es dans le coma.

M. Chevrette: Par exemple, le coma. Ça, c'est assez sérieux mais aussi très exceptionnel. Mais un traitement en-dehors, par exemple. Par exemple, on prend le traitement présentement qui se donne à San Diego, je crois, dans des boîtes... pas des boîtes mais des cages d'oxygène... Comment on les appelle?

Une voix: Les cages hyperbares.

(17 h 50)

M. Chevrette: Hyperbares. Donc, ça là, tu pourrais avoir été sur un traitement de six semaines, six mois, je ne sais pas combien de temps que ça prend. C'est sérieux puis ce n'est pas nécessairement exceptionnel de se faire traiter où il y a une spécialité. Ça pourrait être des exemples. Moi, je pense qu'on n'a rien à perdre à élargir.

M. Middlemiss: Donc, en préparant ces changements-là, est-ce qu'on a fait une liste de choses qu'on considère sérieuses ou si ça va être du cas par cas?

M. Chevrette: Non, mais, devant les tribunaux administratifs, il se dégage à la longue des motifs de sérieux puis il y a une jurisprudence qui s'établit, comme elle doit être déjà établie, entre vous et moi. Ce n'est pas parce qu'on change le texte... Je suis certain qu'il doit y en avoir de la jurisprudence qui dit: Ça, ce n'est pas sérieux, ça c'est farfelu par rapport à ça, c'est très sérieux ou très exceptionnel. Mais on l'élargit pour démontrer même au justicier... au justiciable, celui qui fait la justice – en tout cas, arrangez ça comme vous voulez, j'ai de la misère ce soir, je suis fatigué. Celui qui a un jugement à porter, il doit être capable de se servir de son jugement pour le sérieux des choses. Ça donne un plus pour celui qui est jugé.

M. Middlemiss: Juste pour finir ça, tout ce qui était considéré comme circonstances exceptionnelles dans le passé, aujourd'hui, ça va tomber dans la catégorie de motifs sérieux et légitimes?

M. Chevrette: Oui. Automatiquement. Automatiquement, mais il pourrait s'en ajouter un peu en élargissant. Effectivement, vous avez raison.

Le Président (M. Duguay): Alors, sur l'article 1, oui? Commentaire.

M. Bordeleau: Je suis tout à fait d'accord avec vous, M. le ministre, quand vous dites que ça élargit. Comme vous le mentionnez, d'assouplir des motifs, tout ça, ça élargit. Excepté, ce qui est parallèle avec ça aussi, c'est qu'en même temps qu'on élargit, on rend – en tout cas, ma perception à moi – plus subjective l'évaluation de ce qui sera sérieux et légitime. C'est ça, «sérieux et légitimes», les termes?

M. Chevrette: Je ne suis pas certain, M. le député. Je vous donne un exemple. Quand on a à porter un jugement, pour moi, ça peut être exceptionnel, puis, pour vous, pas. Pour moi, ça peut être sérieux, pour vous, pas. Ça demeure l'objet d'un jugement, sauf qu'en termes de définition stricte le mot «exceptionnel» indique que ça sort de l'ordinaire, alors que le sérieux, ça peut être quelque chose d'ordinaire mais de très sérieux.

Moi, là, très honnêtement, si on veut discuter sur la terminologie, je suis prêt à le faire. C'est vraiment large. On ouvre la porte un peu plus large avec les mots «sérieux et légitimes» que les mots «circonstances exceptionnelles». À mon point de vue.

Le Président (M. Duguay): M. le député de La Peltrie.

M. Côté (La Peltrie): Oui. Moi, de la manière que je le comprends, cet article-là, pour le changement, si vous voulez, ça s'applique uniquement à une demande d'indemnité. Ça s'applique uniquement dans ces cas-là. Exemple, s'il y a un retard quelconque relatif à la demande d'indemnité, bon, il peut y avoir différentes raisons qui font que j'ai dépassé mon temps pour faire ma demande. Moi, je croirais que ça s'applique plus uniquement dans ces cas-là et non pas après qu'un accident est déclaré, en cours de route d'indemnisation. En cours d'indemnisation, là, il n'arrivera plus de cas nécessairement exceptionnels. En tout cas, j'aimerais peut-être qu'on me précise ça.

M. Chevrette: Il y a même un argument additionnel, c'est que le mot «exceptionnel» dans le Code civil du Québec maintenant parle d'incapacité d'agir. On l'associe aux mots «incapacité d'agir». Donc, c'est restrictif par rapport au mot «sérieux». Tu peux être en capacité mais tu as des circonstances qui ont fait que... Je ne sais pas, moi, ton délai de prescription s'en venait, ta mère est décédée. Ça ne te rend pas inapte à agir, mais ça explique pourquoi tu n'es pas là. On se comprend?

Une voix: C'est ça.

Le Président (M. Duguay): Oui, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Ce que je veux mentionner ici, c'est que c'est la Société...

M. Chevrette: Oui.

M. Bordeleau: ... – on parle de la SAAQ – qui peut permettre à la personne qui fait la demande d'indemnité d'agir après l'expiration du délai si celle-ci, selon la SAAQ, si la personne «a été incapable d'agir plus tôt en raison de circonstances exceptionnelles», qu'on modifie, là, par «des motifs sérieux et légitimes».

Ce qui m'agace, ce qui me met mal à l'aise plutôt, c'est qu'on sait qu'il y a beaucoup de cas qui viennent à nos bureaux, qui sont des cas de gens qui ont été en contact avec la Société de l'assurance automobile du Québec, qui viennent puis qui prétendent que, dans leurs démarches, ils sont arrivés avec des éléments démontrant le plus clairement possible qu'ils avaient le droit à certaines indemnités. Il y a des agents de la Société qui ont porté des jugements, des fois, défavorables, et là on se retrouve avec des cas qui rebondissent. Ça peut être sur la fixation d'indemnités, ça peut être... En tout cas, par exemple, les agents d'indemnisation ont à établir des niveaux d'indemnisation à partir des éléments d'information qu'ils ont. Bon, il y a toujours le commentaire que le Vérificateur général avait fait disant que les gens, peut-être, dans certains cas, manquent d'information pour évaluer avec le plus de justesse possible l'indemnité qui doit être donnée.

Là, c'est ces personnes-là qui vont avoir à décider ce que la victime va amener comme argument, comme raison, si c'est une raison sérieuse et légitime. Moi, je m'imagine que, si on a des problèmes déjà à certains niveaux, au niveau des jugements que portent certains agents d'indemnisation, on risque d'avoir des problèmes aussi. Le gars va dire, le gars ou la femme qui va arriver pour faire une réclamation va dire: Écoutez, j'ai des motifs sérieux. Et l'agent va dire: Bien, moi, je ne trouve pas ça si sérieux que ça. Alors, là, c'est vrai que ça ouvre la possibilité de considérer des choses qui pourraient être exclues si on tient seulement compte des circonstances exceptionnelles.

M. Chevrette: Ça ne serait pas par cet article-là, M. le député. Par cet article-là, il existe déjà un pouvoir à la Société, qui est dans les circonstances exceptionnelles, alors que là on conserve le même article. C'est encore la Société qui, dans des circonstances... Au lieu de dire «exceptionnelles» voulant dire «incapacité d'agir», on va parler plutôt de «sérieux et de légitimes». Ça veut dire qu'on ouvre au moins un peu plus la porte à celui qui a à faire une revendication. Ça ne change pas la nature du discrétionnaire de la SAAQ. Ça, vous avez raison. Le jugement, il va être porté par la SAAQ, mais en se basant sur des motifs sérieux. Il ne pourra plus dire: Ce n'est pas exceptionnel, votre affaire. Il va être obligé de dire: C'est sérieux ou ce n'est pas sérieux.

Puis je pense que, pour l'agent, ça va être plus facile de dire: Bon, bien, c'est sérieux, cette histoire-là, ou ça ne l'est pas. «Exceptionnelles», quand c'est rendu à vouloir dire «incapacité d'agir», je t'avoue que le corridor se rétrécit beaucoup. Puis c'est ça qu'il dit, le Code civil québécois. Mais, pour les délais de prescription et tout, pour ce qui est des droits, ça, on va les voir à l'autre article. C'est trois ans qu'on emmène, le délai de prescription?

Le Président (M. Duguay): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?

M. Bordeleau: Je suis d'accord avec ce que vous mentionnez, mais je veux juste que vous compreniez mon point de vue...

M. Chevrette: Ah, je comprends.

M. Bordeleau: ...qu'un agent qui doit déterminer jusqu'à quel point la raison pour laquelle la personne demande après l'expiration du délai, c'est quelque chose de sérieux et de légitime, c'est très subjectif. Maintenant, ça dépend peut-être comment on va les encadrer. Puis là je réfère peut-être au commentaire du Vérificateur général. Si on fait juste leur dire ça comme ça: Bien, t'as juste à juger si c'est sérieux et légitime, tu prends une décision que, oui, t'acceptes, malgré l'expiration du délai, que la personne fasse une réclamation, là, c'est important en termes de conséquences. Qu'on lui donne ça, puis aux différents agents, la même directive, j'ai l'impression que ça va varier beaucoup d'un cas à l'autre. Et, s'il n'y a pas de grille, de formation, de standardisation, d'uniformité au niveau de la façon de juger ces cas-là, on va se réveiller avec un paquet de problèmes où un agent va dire que c'est sérieux puis l'agent d'à côté, lui, dirait, pour la même raison qui lui serait présentée, bien, lui ne trouverait pas ça sérieux.

M. Chevrette: C'est évident qu'on ne changera pas le jugement des individus. Ça, c'est clair.

M. Bordeleau: Non, mais...

M. Chevrette: Mais au moins l'agent sait que dorénavant ce n'est pas l'interprétation du Code civil mais c'est un jugement de valeur qu'il porte sur le sérieux ou la légitimité de l'acte. C'est différent.

M. Bordeleau: Non, mais une chose que la Société peut faire, c'est d'encadrer ça et de déterminer, à partir d'exemples, de grilles, qu'est-ce qui est un cas sérieux, parce qu'il y en a quand même des milliers qui passent. À un moment donné, c'est...

M. Chevrette: On me dit qu'il se dégage des directives à partir de l'accumulation des faits...

M. Bordeleau: Oui, on sait ça.

M. Chevrette: ...puis que ça devient...

Le Président (M. Duguay): M. le député de Saguenay.

M. Gagnon: Moi, je comprends, par cette observation-là, que, de toute façon, avec les mécanismes de révision, il y a des balises qui se dégagent pour indiquer dans quel cadre les agents ont à déterminer ce type de motifs. De cette façon-là, on se trouve, en élargissant la protection, à augmenter, à bonifier davantage le régime d'indemnisation. On est aussi dans le contexte où on parle du délai de prescription qui est trois ans. Mais, là, comment excéder, pour quelles raisons on pourrait excéder ce délai de prescription là? On élargit ces possibilités-là. Moi, je dis: Il y a aussi le mécanisme de révision qui va venir en bout de piste baliser correctement les préoccupations que vous avez.

Le Président (M. Duguay): Merci.

M. Bordeleau: Je voudrais juste souligner que le mécanisme de révision, là, il ne faudrait pas... Bon, on reprendra là-dessus.

Le Président (M. Duguay): C'était tout le temps qu'on avait. Est-ce que les deux parties conviennent de continuer ou...

M. Bordeleau: Non, j'ai des engagements à 18 heures.

Le Président (M. Duguay): O.K. Alors, ajournement sine die, et merci beaucoup.

(Fin de la séance à 18 heures)


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