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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le jeudi 13 septembre 2001 - Vol. 37 N° 25

Consultation générale sur le document intitulé Le régime public d'assurance automobile du Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures cinquante et une minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le document de référence intitulé Le régime public d'assurance automobile du Québec.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Brodeur (Shefford) remplace M. Benoit (Orford) et M. Ouimet (Marquette) remplace M. Bordeleau (Acadie).

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, cet avant-midi, nous allons entendre les Accidentés de la route, région des Laurentides, et l'Association des accidentés de la route du Québec; par la suite, MADD Montréal; et finalement, nous allons terminer avec M. Robert Tétrault. Et je demande aux membres de la commission ainsi qu'aux autres personnes qui sont dans la salle de bien vouloir fermer leur téléphone cellulaire durant la séance.

Alors, M. le ministre, je crois que vous avez...

M. Chevrette: Je voudrais m'excuser de mon retard, j'étais avec le Conseil algonquin du lac Barrière pour solutionner un gros problème.

Auditions

Le Président (M. Lachance): Alors, voilà. Merci, M. le ministre, pour ces explications. Je vois que les représentants des Accidentés de la route sont déjà présents à la table. Alors, bienvenue, madame, monsieur. Je vous demande de bien vouloir vous identifier, en vous indiquant que vous avez une période de 20 minutes pour nous faire part de votre présentation.

Accidentés de la route,
région des Laurentides (ARRL)
et Association des accidentés
de la route du Québec (AARQ)

M. Scalise (Domenico): Bonjour, mon nom est Domenico Scalise, de l'Association des accidentés de la route, région des Laurentides, je suis le membre fondateur.

Mme Gauthier (Danielle): Danielle Gauthier, secrétaire de l'Association.

Le Président (M. Lachance): Vous pouvez y aller pour votre présentation.

M. Scalise (Domenico): Alors, je vais lire un tout petit peu la présentation, qui est pas très longue. En majorité, vous en avez tous une copie. Nous, qu'est-ce qu'on veut parler ici, c'est de trois points à améliorer: c'est d'éliminer les conflits d'intérêts, réinstaller l'impartialité et abolir la désinformation. Alors, je sais que c'est très brusque en vous présentant tout ça d'un coup sec, et on va en discuter plus tard.

Là, je parlerai pas des exemples non plus, ici. On peut parler qu'il devient donc primordial que les usagers soient informés de leur régime public d'assurance automobile avant l'accident. Alors, dès qu'un accident routier avec décès ou blessures survient, un mécanisme d'information se déclenche afin d'aider adéquatement les accidentés de la route et les membres de leur famille. Mais toujours le moins coûteux à une société, c'est la prévention, car moins d'accidents, plus de Québécois en santé et plus d'argent dans les coffres de l'État. Un moins qui fait deux plus.

Nous ne discuterons pas aujourd'hui, ici, des 92 recommandations qui ont fait partie d'une table de travail en 1994, on va laisser ça probablement à d'autres organismes. Peut-être on va utiliser une ou deux de ces recommandations-là, probablement.

Le fait que l'Assemblée nationale avait adopté un projet ou une... pas l'Assemblée nationale, je m'excuse, c'est le Conseil du PQ, du Parti québécois... avait adopté une résolution afin de pouvoir amener ou nommer un protecteur du citoyen en matière d'assurance automobile ? il y en a un en Ontario... Alors, je sais pas qu'est-ce qui est arrivé avec cette motion-là, on va en discuter plus tard.

Les solutions à ces problèmes ne seront pas tous réglés aujourd'hui. C'est une commission parlementaire. Il y aura beaucoup de travail à faire avec l'administration de la Société de l'assurance automobile afin de régler beaucoup d'irritants. On est prêt à continuer à faire ce travail, comme on avait fait en 1994, pour améliorer la relation de la Société de l'assurance automobile avec sa clientèle accidentée.

Alors, avant qu'on parle de ces points-là, nous devions avoir ici aujourd'hui une dame, une demoiselle qui a eu un accident en 1982 et, aujourd'hui, elle est amputée et paraplégique. Elle devait être présente, mais, à cause de sa maladie, et le matin... l'heure de notre présentation... elle a besoin de plus d'une heure ou deux de préparation avec des gens avant qu'elle puisse... elle ne sera pas présente. Elle nous a donné un document à vous présenter. Alors, je laisserais Mme Gauthier vous le lire.

Mme Gauthier (Danielle): «J'aimerais remercier les membres de la commission parlementaire ici présents qui entendront ce qui suit ainsi que la direction de l'Association...» C'est beau.

M. Chevrette: Peut-être le lire, parce que c'est pas nécessaire de le déposer, on va... c'est consigné au Journal des débats.

Le Président (M. Lachance): Vous pouvez très bien poursuivre, Mme Gauthier.

Mme Gauthier (Danielle): O.K., «...ainsi que la direction de l'Association des accidentés de la route qui prend parole devant vous aujourd'hui en mon nom, puisqu'un grave problème de santé me retient à mon domicile. Alors, c'est par mes écrits que je me présente ici aujourd'hui.

«Je me nomme Hélène Racicot, j'ai subi un grave accident de la route, dans la nuit du 11 juillet 1981, qui a eu pour conséquence une paraplégie à vie. Comme suite à cet accident, je suis retournée aux études grâce à un programme de la SAAQ et j'ai travaillé pendant plusieurs années comme conseillère en voyage et bénévole auprès d'associations de tourisme pour personnes à capacité physique restreinte.

«À partir de 1990, un long combat contre la maladie commençait. Suite à des plaies et des infections à répétition aux membres inférieurs, j'ai dû subir une première amputation, de la cheville droite, en février 1998 et une suivante, à la cheville gauche, en novembre 1999. Aujourd'hui, mon autonomie est de jour en jour plus limitée, puisque d'autres infections m'affectent régulièrement qui sont causées par un système immunitaire déficient. Je vous ferai gré des détails, mais je ne peux passer sous silence que, depuis les 20 dernières années j'ai subi 37 opérations et que, si on met ensemble les hospitalisations, on arrive à six ans de vie en milieu hospitalier.

«Une relation handicapante. Un changement important des relations entre les accidentés de la route et le personnel de la SAAQ doit être apporté le plus tôt possible. Il est, depuis quelques années, de plus en plus pénible et frustrant pour nous, les accidentés qui vivent avec des conséquences graves pour le reste de notre vie, de recevoir de l'aide ou des conseils quand notre situation se dégrade. Je cite votre brochure sur le régime public: "La SAAQ est une équipe au service des accidentés."

«Aujourd'hui, je demande des réponses. Comment une société gouvernementale créée pour aider les accidentés de la route et qui se dit l'un des meilleurs régimes d'assurance automobile au monde peut-elle abandonner ces mêmes personnes? Où est le service quand il n'y a pas de suivi de dossier lors de changements importants de situation médicale et qui survient toujours des suites de l'accident? Où est la personne qui représente la SAAQ et vient en aide aux accidentés? Personne, sauf encore des documents que l'on vous fait parvenir en espérant qu'un jour quelqu'un prendra le temps de les étudier. Pourquoi avoir à remplir encore et encore, année après année, des paperasses pour connaître l'évolution de cas ou obtenir le remboursement de produits ou de services auxquels les règlements de la SAAQ disent que nous avons droit? Surtout quand tous les rapports médicaux, prescriptions et autres notes médicales se trouvent déjà dans nos dossiers au bureau de la SAAQ. Pourquoi un sentiment de culpabilité nous habite à chaque fois que l'on demande un service ou le remboursement de produits et que, trop souvent, par manque de jugement ou de diplomatie, l'agent oublie de porter son attention sur l'être humain accidenté qui lui parle? Nous sommes en droit d'avoir des explications sur le refus d'une demande autant que sur un besoin qui pourrait nous aider et surtout accepté par la SAAQ, selon les différents règlements. Je ne dis pas qu'il n'y a aucune réponse, loin de moi cette idée. Nous avons droit, dans certains cas, à l'honneur de recevoir un autre document à remplir.

n (10 heures) n

«Cette situation, je l'avoue, n'a pas toujours existé au sein de la SAAQ. J'ai eu droit à seulement cinq agents d'indemnisation en 20 ans, ce qui représente le record du plus petit nombre de changements. Certains accidentés que je côtoie régulièrement, souvent rencontrés à l'époque où je travaillais ou dans les hôpitaux que je fréquente constamment, me parlent de 3 agents en cinq ans, sept ou huit en 15 ans. Comment, dans cette situation, un agent peut suivre l'évolution et connaître un peu la personne qui vit avec des séquelles permanentes surtout quand il arrive un nouveau problème médical?

«Tous ces malaises et le manque de relation un peu plus personnelle, c'est venu s'installer sournoisement et ça devient aujourd'hui inconcevable. Dernièrement, après avoir reçu une demande d'évaluation de produits d'urologie utilisés, j'ai contacté la personne que la SAAQ me demandait de rencontrer et, après discussion de mon état et la difficulté que j'ai à me déplacer, nous avons convenu d'un rendez-vous téléphonique. C'était d'autant plus logique, car il lui fallait tous les noms et numéros de produits utilisés qui sont chez moi. Pour une rare fois, j'ai eu droit à un appel de mon agent de Québec pour me rappeler que la date d'échéance pour remettre cette évaluation arrivait. Je lui ai répondu que, vu mon état physique, l'évaluation avait été faite la veille par téléphone. Je venais de commettre une grave erreur. J'ai eu droit à un ton menaçant qui m'exhortait de me rendre à l'Institut de réadaptation dans les plus brefs délais, sinon je serais coupée de mon dû. De plus, avec une méchanceté non feinte, elle me rappelle que je dois répondre à toute demande qui vient de la SAAQ, et ce, sans délai, et que j'aurai à recommencer ce même processus dans trois ans. Pour finir, même après que j'aie tenté d'expliquer ma situation, elle a eu le culot de me dire que je n'étais pas quadraplégique et que je pouvais donc me déplacer. Quelle diplomatie! Non, c'est vrai, je ne suis pas quadraplégique, mais bien seulement paraplégique et amputée et beaucoup moins autonome que plusieurs paraplégiques que je connais. Ceci est un cas, mon cas, mais des histoires d'horreurs, j'en entends trop souvent malheureusement.

«Après 20 ans de vie et de combats suite à mon accident, je dis aujourd'hui: Ça suffit. Nous n'avons pas à se sentir au banc des accusés quand, trop souvent, les chauffards qui sont responsables de ces conditions peuvent vivre tranquillement leur vie sans se soucier de quoi que ce soit. En général, nous ne sommes pas responsables du bouleversement que nous vivons à une certaine date de notre vie, mais c'est le sentiment que de plus en plus de personnes accidentées ressentent.

«En espérant que la commission parlementaire se penchera sur cette problématique, que le personnel de la SAAQ soit plus sensibilisé aux différents dossiers dont ils sont responsables et surtout qu'ils prennent le temps de les étudier avant d'expédier un autre formulaire. Un petit coup de téléphone ne fait pas de mal à personne et la relation ne peut qu'être améliorée. N'oubliez jamais que nous ne sommes pas des numéros accidentés, mais des être humains qui vivent des situations fréquemment très douloureuses, physiquement et mentalement. Respectueusement, une parmi tant d'autres, Hélène Racicot.»

M. Scalise (Domenico): Alors, on vous fera peut-être un commentaire, si vous voulez, plus tard à ce niveau-là. Hélène, le problème, c'est que sa condition, comme vous disait Me Blais hier... il parlait que, suite à un accident, beaucoup d'aggravations peuvent survenir suite à certaines complications. Dans son cas, elle a été amputée après de nombreuses années, mais l'amputation est due à l'accident d'automobile. S'il n'y avait pas eu d'accident d'automobile, elle n'aurait pas eu d'amputation. Tellement qu'elle a pris beaucoup de cortisone qui détériore beaucoup sa gencivité, les dents. Et actuellement, elle attend une réponse. Je crois que la SAAQ lui a répondu que c'était pas dû à l'accident, peut-être que c'est une condition personnelle. Alors, c'est compliqué pour cette pauvre madame là. Il y a beaucoup de cas comme ça. On va essayer d'en parler plus tard.

Parce que là on va essayer de parler... et je vous invite maintenant, nous avons sept points à la dernière page, je crois, à la page 4, et on va parler de chaque point, on va le débattre, si vous voulez. Au lieu de parler de tous les points et, à la fin, on va les débattre. Je vous inviterais de deux côtés de la Chambre à essayer de discuter de chaque point, et on va le finir. On va essayer de le régler, si on peut. Je ne dis pas qu'on va régler ça, tout ça, aujourd'hui, mais on va essayer d'arriver à un consensus, et si vous permettez. Est-ce que ça vous va?

Le Président (M. Lachance): Est-ce que vous avez terminé votre période de présentation ou si vous voulez que...

M. Scalise (Domenico): Bien, on voudrait probablement discuter de ces sept points-là, un par un, avec les deux côtés de la Chambre.

Le Président (M. Lachance): Bon. Si je comprends bien, vous êtes prêts à ce qu'on amorce la période d'échanges.

M. Scalise (Domenico): Ah oui! oui. J'ai aucune objection. On n'a aucune objection.

Le Président (M. Lachance): Alors, M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Moi, je veux faire une remarque d'abord suite au premier exposé que vous avez fait et la lettre de madame... Madame?

Une voix: Hélène Racicot.

M. Chevrette: Hélène Racicot. Je dois vous avouer que... je veux pas passer pour défendre les gens de la SAAQ dans mes propos, mais je vous dirai qu'ils ont un «caseload» de 564 dossiers chacun...

M. Scalise (Domenico): J'ai vu ça hier.

M. Chevrette: ...et qu'on est bien conscient que ça peut occasionner des... ça crée des conséquences. Et qu'on a un plan de redressement au niveau des effectifs, il faut baisser ça au moins de moitié, si possible. Ce serait déjà... ce serait déjà un grand pas.

Quant à la prise en charge des accidentés dans 23 hôpitaux du Québec, c'est 80 % de la clientèle maintenant qui recevra un soutien et un support d'une professionnelle non pas de la SAAQ, mais de la santé immédiatement, et je pense que ce sera... c'est déjà notable, l'amélioration qu'on a eue là-dessus.

Quant à la façon de répondre, c'est intolérable. Je vous le dirai très honnêtement, je peux pas concevoir qu'on enguirlande quelqu'un qui a eu deux amputations puis qui a eu 37 opérations. Ça, les directives seront formelles à la SAAQ, et vous nous ferez connaître les noms. Moi, comme ministre, je peux pas savoir ce que chaque employé peut faire. Mais, comme directive générale, on se doit, je pense, d'être compréhensif et d'être même à l'écoute des gens puis comprendre des situations. Si je suis à l'hôpital la veille, je peux pas remplir une obligation, c'est évident, ça. Mais je pense que, règle générale, par contre, quand on regarde les sondages scientifiques auprès des accidentés de la route... c'est sûr que, vous, vous recevez les cas qui sont plus difficiles, mais 85 % quand même de la clientèle et non pas des citoyens, de la clientèle visée, 85 % affiche une grande satisfaction. Donc, je peux comprendre que c'est pas... on s'assoit pas sur ses lauriers parce qu'on a un sondage scientifique de 85 % de satisfaction. Je voudrais pas non plus donner la perception qu'à la Société de l'assurance automobile, il y a pas de bons services qui se donnent ou il y a pas de compréhension non plus totale. Vous soulevez des cas pour attirer notre attention. Merci. Je pense qu'on va continuer à s'améliorer puis on va donner aussi des directives serrées sur la façon de répondre. Et je voudrais pas qu'on donne l'impression ce matin que tout le monde a une attitude à qui on peut reprocher des gestes, ou des paroles, ou des façons de faire.

Maintenant, votre point n° 1, vous dites que le gouvernement... Parce que vous...

M. Scalise (Domenico): On s'est rencontrés sur ça, M. Chevrette, il y a quelques mois, plusieurs mois.

M. Chevrette: Oui.

M. Scalise (Domenico): Alors, vous connaissez notre opinion. Nous croyons fortement encore que... Vous savez, vous êtes allé sur la bonne voie quand vous avez présenté, je crois, vendredi passé ou la semaine passée, vous avez présenté un projet pour les points de démérite. Vous étiez sur la bonne voie. On est d'accord avec tout ça. Le seul problème, moi, et je pense que je vous l'avais exposé à la dernière présentation sur la sécurité routière, c'est que, avant qu'on commence à donner des sanctions, il faut quand même apprendre à la personne ou aux individus c'est quoi, la discipline sur nos routes. Alors, je crois que, oui, on va donner des sanctions, je suis d'accord que vous augmentiez les sanctions, l'Association des accidentés de la route n'a aucune objection à ça. La seule chose: avant, montrons à nos jeunes conducteurs de pas faire du 160 km/h et dépasser à droite en même temps, là, hein. Il faut quand même leur dire que c'est à gauche qu'on dépasse.

Ça fait que c'est ça, c'est des choses... c'est ça, notre point. Et on parlera pas plus que ce qu'on a parlé sur la sécurité routière parce que ça fait partie de la sécurité routière, ici, mais c'est un point dont on aimerait que le... parce que ça dépend du ministère des Transports, je crois, hein, le permis de conduire? Alors, j'aimerais que le ministère se penche sur cette question-là. Même que... Moi, on m'a dit comme ça que la seule raison qu'on a aboli les cours de conduite, c'est qu'il y a quelqu'un à la SAAQ qui travaille à la recherche et développement, ils ont fait des études, et on nous a dit que c'est rien que le Québec qui avait des cours de conduite obligatoires. C'est pour ça qu'on les a abolis ici. C'est pas une raison.

n(10 h 10)n

M. Chevrette: Mais ils ont changé ça pour d'autres choses. Par exemple, la tolérance zéro pour... Il y a 70 %, en passant, des gens même sans obligation qui suivent le cours. Il y en a beaucoup qui apprennent à conduire chez eux, avec leurs parents, etc., et puis... Mais, dans les faits, il y en a 70 % qui les suivent. Et les résultats des accidents et des décès ou avec blessures graves sont positifs: 4,9 % de décès de moins, 14,4 % de blessures graves de moins. Les statistiques prêchent en faveur de ceux qui ont pris les décisions à l'époque. Moi, j'ai réintroduit le cours obligatoire pour la moto, mais on se rendait bien compte, les motocyclistes paient 276 $ de prime, puis il en coûte à la Régie 1 500 et quelque chose. Donc, automatiquement, on a voulu, parce que c'est un véhicule beaucoup plus à risque, on a voulu corriger notre tir là-dessus. Mais, vous, vous voyez la réintroduction du cours obligatoire.

M. Scalise (Domenico): Mais on croit fortement... vous savez, regardez, je vais vous donner un exemple ? et c'est malheureux de parler de ça ? je vais vous donner un exemple très concret. Je viens d'apprendre ça, je crois, aujourd'hui, par quelqu'un ici. Les pilotes qui se sont suicidés avant-hier, ils ont appris ça sur un simulateur de vols, apparemment, pour se suicider. C'est malheureux de parler de ça. Alors, quand un enfant ou une jeune personne veut apprendre à conduire, il va apprendre tout croche s'il est tout seul. Il va commettre des erreurs.

M. Chevrette: Comment vous expliquez que les statistiques disent le contraire?

M. Scalise (Domenico): Écoutez, c'est vous qui nous donnez des statistiques, sans aucune offense... vous nous donnez des statistiques, je vous écoute toujours. Vous donnez beaucoup de statistiques.

M. Chevrette: Mais l'accès graduel, l'accès graduel au permis permanent, permis temporaire, tolérance zéro, etc., ça donne des résultats. Écoutez, c'est pas moi qui les invente, moi, je suis pas un spécialiste, mais, statistiquement parlant, à la SAAQ, c'est mieux que c'était.

M. Scalise (Domenico): Mais quel coût, quel coût que ça vous engendre en plus d'émettre, de donner des cours de conduite? Quel est le surplus à débourser? Il n'y en a pas. C'est toujours l'individu qui va débourser. Nous, tout ce qu'on cherche, c'est que l'enfant qui décide de prendre des cours de conduite préventifs ? on parle pas des cours de conduite, tourne à gauche, tourne à droite, stationne; on parle d'un cours de conduite préventif ? qui n'a pas les fonds, et surtout c'est des familles à faibles revenus, qu'on lui donne la chance d'en avoir, des cours de conduite. C'est ça qu'on demande. Pourquoi que... c'est sûr, celui qui a de l'argent, il va prendre des cours, ça coûte 1 000 $, je crois, un cours de conduite, un bon cours de conduite. C'est sûr que cet enfant-là va faire plus attention que l'autre.

M. Chevrette: Qu'est-ce que vous répondez aux gens qui disent: Ce n'est pas les cours qui corrigent les infractions, c'est le comportement de l'individu? Généralement observé, ce n'est pas la question de connaissance en fait des règles qui est la cause d'accident, c'est le comportement...

M. Scalise (Domenico): C'est le comportement.

M. Chevrette: ...et ça, le comportement, là... Je connais des gens, moi, qui ont deux maîtrises puis un doctorat, puis vous irez voir leur comportement.

M. Scalise (Domenico): Non, mais le comportement...

M. Chevrette: L'ivresse du volant ou encore la rage du volant, c'est pas à l'école de conduite qu'ils apprennent ça.

M. Scalise (Domenico): Par contre, par contre, on peut expliquer à ce moment-là, on peut leur donner... pour que le comportement ait aussi un effet... dans le comportement. Écoutez, vous avez dit que vous avez mis les cours de conduite obligatoires pour les motocyclettes. Mais, écoutez, sur la 25, c'était quoi, dimanche après-midi, je roulais comme à 120 km/h... la ligne du milieu parce qu'elle était très, très... Puis, c'est pas la vitesse qui tue tout le temps. Un bon conducteur, O.K., un conducteur discipliné, à 160 km/h, il est moins dangereux qu'un conducteur indiscipliné à 60 km/h. Alors, ce n'est pas affaire... Alors, j'ai vu deux jeunes, deux motocyclistes, un avec une petite fille à l'arrière, à 160 km/h, me dépasser à la droite. Alors, vous avez donné un cours de conduite pour les motocyclistes puis il y a encore récidive. Alors, c'est pas nécessairement... c'est là qu'on veut en venir. C'est pas juste le cours de conduite mais une discipline.

Vous savez, en Europe, restez pas sur la ligne de gauche...

M. Chevrette: En Allemagne.

M. Scalise (Domenico): ...à 80 km/h, ça marche pas, là. hein. Je dis pas que l'Europe ait la meilleure, la meilleure discipline sur la route, mais ils ont beaucoup de monde sur les routes aussi puis les routes sont faites en conséquence. Vous savez, il y a ça aussi, il y a tout ce facteur-là.

Alors, nous, qu'est-ce qu'on demande... on s'éternisera pas sur ça, on va dire d'améliorer un peu le comportement des gens en leur expliquant c'est quoi, un véhicule moteur: Quel danger, quel potentiel y a-t-il? Si on le connaît, à un moment donné, oui, puis il a fait une erreur, bien là, oui, là il va payer pour, avant qu'il blesse ou tue quelqu'un d'autre. Hein, c'est juste ça qu'on demande, suivre les cours de conduite. C'est pas nécessairement... vos applications ou vos recommandations qui ont été faites, nous, on est d'accord avec tout ça, là. Tolérance zéro, tout ça, c'est très bien, là, on peut continuer tout ça. Vous savez ? je vais juste ouvrir une parenthèse ? nous, l'Association des accidentés de la route, on n'est pas là pour détruire la Société de l'assurance automobile ou le ministère. On est là pour... Parce que, vous savez, la SAAQ, elle a quoi? 21 ans, je crois, maintenant, hein, elle rentre dans son ère adulte. Alors, on est là pour aider à améliorer, puis elle devient un adulte mature. C'est tout ce qu'on essaye de faire. C'est grâce à observer les gens, à observer des comportements, à observer des conséquences de tout ça qu'on peut arriver à vous donner de l'information pour justement arriver à cette maturité-là. Alors, je vais fermer la parenthèse à ce niveau-là. Alors, c'est pour ça qu'on vous fait des recommandations à un niveau qui est pas un niveau contestataire. C'est pas pour contester qu'est-ce que vous faites. C'est pour vous donner nos observations dans le... on appelle ça dans le plancher des vaches, qu'est-ce qu'on voit autour de nous.

M. Chevrette: Votre point 2, ça s'adresse naturellement au gouvernement et non pas nécessairement à la SAAQ, parce que vous recommandez que les argents demeurent entièrement à la disposition de la SAAQ et non pas qu'il y ait des parties d'argent qui retournent aux sociétés... une partie de l'argent qui retourne au fonds consolidé. Donc, ça, là-dessus, on va acheminer à qui de droit. Mais les sociétés d'État relèvent toutes du gouvernement, vous le savez.

M. Scalise (Domenico): On est d'accord que l'accident... un accident de la route coûte très cher au système de santé. On est tous d'accord avec ça. Alors, c'est sûr qu'il est plus à risque. Alors, je suis... on est d'accord que certaines sommes sont prélevées, pas juste pour le système ambulancier, mais aussi pour améliorer le centre de traumatologie, comme vous le faites. Tout ça, là, on est tous d'accord à ce niveau-là.

Maintenant, je crois que, cette année, dans le rapport annuel, je n'ai pas vu le prélèvement qui a été fait, comme les autres années, au fonds consolidé. Puis ça s'est fait maintenant... Je crois que vous le faites d'une autre façon, alors je n'ai pas pu comprendre encore.

Alors, j'aimerais, si c'est possible, de pas le rentrer dans le portefeuille complet du gouvernement. On aimerait voir que ça va vers... Si c'est pour la sécurité routière, oui. Que ce soit pour une école, pour donner de la formation, pour améliorer certaines choses, que ce soit pour le trajet routier, que ce soit... tout ce qui touche la sécurité routière, c'est sûr, on fait de la prévention à ce moment-là. Alors, ces sommes-là, oui, on n'est pas... on n'a aucune objection. Mais de là à s'en aller au fonds consolidé ou dans un portefeuille, non. Je crois que c'est pas la place. La Société de l'assurance automobile avait pas été mise sur pied pour améliorer le sort du gouvernement du Québec. Je ne croirais pas.

M. Chevrette: Troisième point: «Que les indemnités versées aux victimes d'accidents d'automobile se comparent aux indemnités versées dans les autres compagnies d'assurances dans le reste du Canada.» Je suis content que vous me posiez cette question-là, parce que j'ai donné un exemple hier. Au Manitoba...

M. Scalise (Domenico): J'ai entendu. J'ai pris note.

M. Chevrette: ...Manitoba, 115 millions; Saskatchewan, 138; ici, 179. Et j'ajouterai: Vous connaissez le professeur Gardner, qui a fait des études comparatives des bénéfices et des avantages, et il dit clairement que, sans procès, d'aucune manière, les indemnités ou bien sont équivalentes ou bien supérieures à ce qu'elles auraient eu droit devant les tribunaux dans les régimes qu'on...

M. Scalise (Domenico): Vous parlez de... vous parlez quand même de l'Alberta et la Saskatchewan, hein.

M. Chevrette: Manitoba.

M. Scalise (Domenico): Manitoba. Excusez-moi. Mais vous parlez pas de l'Ontario.

M. Chevrette: Bien, l'Ontario, quand on compare le résultat des...

M. Scalise (Domenico): Il a les deux régimes.

M. Chevrette: C'est pas le même système, là. Il y a deux régimes. Puis vous irez voir ce qui retourne dans la poche des assurés. Excusez-moi l'expression, mais c'est 0,82 $ sur chaque dollar payé par l'assuré qui retourne dans les poches des assurés ici, alors que, dans tous les régimes, dans tous les régimes... 0,88 $...

M. Scalise (Domenico): 88 dans le...

M. Chevrette: Oui. Puis imaginez, c'est 64, 62, ça dépend des régimes...

M. Scalise (Domenico): Bon. Le 88, là, ça, c'est parce qu'on n'utilise pas de ? je vais être franc avec vous ? on n'utilise pas... parce que la plupart des accidentés de la route au Québec n'utilisent pas les services d'un procureur. Parce qu'ils ont le droit de se défendre tout seul. C'est pour ça que c'est 64, là.

M. Chevrette: Mais qu'est-ce que vous souhaitez, vous, là-dessus?

M. Scalise (Domenico): Bien, parce que je crois que, si l'accidenté reçoit pas... L'accidenté reçoit pas 88 % net pour lui, là.

M. Chevrette: Ce qui retourne...

n(10 h 20)n

M. Scalise (Domenico): Il y a les services connexes à côté, là. Il y a les services connexes, les services ambulanciers, toutes sortes de services. On parle de 80 %... 0,80 $ sur le dollar pour tous les services, l'ensemble des services, O.K. Mais on parle pas net-net pour l'accidenté, là. Faut s'entendre.

M. Chevrette: Mais oui, mais connaissez-vous un régime au monde qui est plus généreux que ça, vous?

M. Scalise (Domenico): Comme je vous ai expliqué tout à l'heure ? on rouvre la parenthèse ? on n'est pas là pour vous...

M. Chevrette: Non, non. On s'obstine pas, là.

M. Scalise (Domenico): O.K. La raison...

M. Chevrette: C'est pas parce que j'élève la voix. Mes convictions m'amènent des fois à des montées de voix.

M. Scalise (Domenico): Je voulais pas nommer... je voulais pas parler de cette phrase-là, mais je vais vous la nommer. Vous connaissez tous l'accident du Concorde qui est survenu en France. Il y avait quoi? 120 quelques morts. Vous savez qu'on a réglé, hors cour, 1 million par famille. Alors, on est loin du 175 000 ici. Alors, il faut pas...

M. Chevrette: Non, non, mais services connexes là, vous mêlez deux choses. Vous savez très bien qu'une indemnité peut atteindre puis dépasser même le million. Si j'ai 18 ans puis j'ai un accident, puis j'ai le maximum de revenu, puis que je vis jusqu'à 70 ans, ça peut être 2 millions, 3 millions.

M. Scalise (Domenico): Mais quel pourcentage, M. Gagnon?

M. Chevrette: Puis on me dit même qu'il y a du 8 et 9 millions que ça peut atteindre. Il faut comparer un chat avec un chat.

M. Scalise (Domenico): Et c'est la même chose. Vous m'avez comparé Alberta... Manitoba et Saskatchewan, et l'Ontario, vous n'en parlez pas.

M. Chevrette: Non, c'était seulement sur des séquelles, des indemnités, des forfaits, et tout ça là. On a jusqu'à des maximums de. C'est pas la même chose là qu'on parle. On parle... Si on veut parler du tout, vous savez très, très bien qu'ici ça peut aller... Sans procès, vous avez une indemnité mensuelle. Si vous êtes pas réhabilitable, vous avez une rente permanente, indexée.

M. Scalise (Domenico): Mais je vais vous expliquer. Hier, je crois que j'ai entendu soit c'était le Barreau ou d'autres personnes qui ont témoigné devant vous, les membres du Barreau, et j'ai écouté ça un peu. Nous...

M. Chevrette: C'était intéressant hier.

M. Scalise (Domenico): Pardon?

M. Chevrette: C'était intéressant aussi hier.

M. Scalise (Domenico): Oui. Et, nous, on croit... Il y a eu deux... Je crois que c'est M. Brodeur, hein, que vous avez mentionné ces faits-là?

M. Chevrette: Ah! ça lui arrive d'en sortir une pas pire. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Scalise (Domenico): On a mentionné ces deux faits-là: soit qu'on augmente les primes ou soit que... pour pas créer de brèche dans la loi, ou soit qu'on met des exclusions. Alors, si l'accidenté ou la famille de l'accidenté n'a pas reçu une pleine compensation parce que la Société de l'assurance automobile est une assurance de base, et vous connaissez notre opinion sur ça, c'est une assurance de base, c'est pas une assurance complète, alors soit qu'on choisit d'augmenter ou de bonifier, et vous étiez d'accord, vous en avez discuté de ça, que vous étiez d'accord à bonifier les primes parce que, de toute façon, il y a des surplus, hein... alors, soit qu'on bonifie les primes ou soit qu'on permet, dans certains cas, des exclusions. Vous permettrez, on va parler de ces exclusions-là.

Vous savez, une personne conduit à 180 km/h sur la rue Saint-Denis, à 6 heures ou à 6 heures du... de l'après-midi. C'est-u un accident, ça? Il faudrait que quelqu'un me réponde. Est-ce que c'est un accident de la route s'il blesse quelqu'un?

M. Chevrette: Quoi?

Une voix: Répète, il n'a pas compris.

M. Scalise (Domenico): Quelqu'un qui se promène sur la rue Saint-Denis avec sa voiture, à 160 km/h, à 6 heures de l'après-midi...

M. Chevrette: Il pourrait jamais faire ça d'abord parce que, quand t'es pare-chocs à pare-chocs...

M. Scalise (Domenico): J'ai vu quelqu'un, moi...

M. Chevrette: ...je vois pas comment tu peux faire ça.

M. Scalise (Domenico): Mais quelqu'un qui augmente son taux de... Ça, c'est un acte criminel. C'est pas un accident. O.K.? Alors, si on regarde, si on regarde l'indemnisation aux victimes d'actes criminels dans la loi même, dans la même loi, il est écrit, dans un des articles: «Nul ne peut être indemnisé s'il est en train de commettre un crime.» Alors, ça, c'est l'exception que je vous parle.

M. Chevrette: Je vous suis là-dessus. D'ailleurs, j'ai annoncé que j'étais en train de regarder ça très sérieusement, les indemnités.

M. Scalise (Domenico): Alors, nous, c'est ça qu'on parle. Si on va augmenter les primes pour améliorer le régime, c'est qu'on va atténuer les souffrances ou les besoins des personnes ou des individus restants ou même de la victime elle-même si elle a besoin des services. Alors, c'est qu'on a le choix. On a le choix; on peut ouvrir ces deux portes-là sans toucher, sans mettre de brèche. On peut mettre des exclusions. On n'a rien contre ça. Alors, c'est pour ça que nous avons parlé que les indemnités soient comparables ou... Mais c'est pour au moins... Parce que vous avez eu beaucoup de témoignages de gens qui étaient pas satisfaits, hein? Puis c'est pas des gens que nous avons convoqués, nous. C'est des gens qui sont venus comme ça de partout du Québec. Alors, c'est pour les aider à passer l'épreuve qu'ils ont subie.

M. Chevrette: Merci. Moi, j'ai malheureusement plus de temps, mais on pourrait continuer, on est pas loin...

M. Scalise (Domenico): Oui, monsieur.

M. Chevrette: C'est deux régions qui se côtoient, donc on pourra probablement se revoir.

M. Scalise (Domenico): Écoutez, en Ontario, ils ont deux régimes, ils ont même un protecteur du citoyen en matière de Société de l'assurance automobile.

M. Chevrette: Oui.

M. Scalise (Domenico): Alors, il y a beaucoup de choses que nous pourrons regarder. Ça, tout ça, ça se réglera pas demain matin. Nous sommes conscients de tout ça. Il faut qu'il y ait quand même encore une autre table vraiment de consultation et en arriver à un consensus. Non, nous, on est d'accord avec ça.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford et porte-parole de l'opposition en matière des transports.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Bienvenue à la commission parlementaire.

M. Scalise (Domenico): Merci.

M. Brodeur: Vos propos sont très intéressants; d'ailleurs, ils reprennent souvent de façon plus directe et plus dure les propos qu'on a entendus à date en commission parlementaire. Et je vais revenir sur les premiers... D'entrée de jeu, vous avez parlé d'éliminer les conflits d'intérêts, de réinstaller l'impartialité, d'abolir la désinformation, donc c'est des propos très durs envers la Société de l'assurance automobile du Québec. Vous ajoutez aussi, vous insinuez, vous dites clairement que vous vous questionnez sur la compétence des gens qui sont nommés à ces endroits-là, vous dénoncez aussi l'esprit de camaraderie entre les membres et les assesseurs du Tribunal administratif du Québec et les avocats de la SAAQ, donc ce sont des accusations très, très, très graves. Est-ce que...

M. Scalise (Domenico): Non, c'est pas... c'est des observations.

M. Brodeur: Des observations.

M. Scalise (Domenico): C'est des observations.

M. Brodeur: J'aimerais vous entendre là-dessus sur justement, là... étayer ces observations-là.

M. Scalise (Domenico): Alors, on va suspendre les autres points. J'allais en discuter vers la fin, c'est sûr. Alors, nous, notre premier point, vous savez tous que nous avons un site Web et nous avons beaucoup de gens qui nous écrivent, qui nous posent des questions ou nous envoient de l'information. Bon. Et vous savez que nous avons... nous lisons, nous avons beaucoup l'actualité, tout ça. Dernièrement, la Cour d'appel du Québec, je crois... Parce que c'est pas nécessairement la Société de l'assurance automobile du Québec, ici, qui est visée avec ces points-là, on parle aussi du gouvernement, hein, on parle aussi de... Le dernier jugement de la Cour d'appel, je pense qu'il s'est prononcé la semaine passée sur le Tribunal administratif du Québec. Alors, je crois que la Cour d'appel donne un an au Tribunal administratif du Québec de se réorganiser en matière d'impartialité, hein. On parle aussi, on croit, il y en a qui parlent de nommer un commissaire ou un assesseur plusieurs années au lieu d'être, là, nommé par un comité ministériel. Alors, c'est toutes des choses... Alors, nous, on est conscients parce qu'on a passé devant le Tribunal administratif soit personnellement, soit avec d'autres individus ou des accidentés, on voit toujours les mêmes avocats là à la... Alors, l'assesseur et l'avocat de la Société de l'assurance automobile développent une espèce de... Et c'est correct, parce que tout avocat devant un tribunal civil... c'est la même chose, s'il a étudié avec le juge avec qui il a fait affaire, c'est sûr qu'il y a une certaine flexibilité. Alors, actuellement... c'est parce que... Je m'excuse, M. Chevrette, ça va être pour vous là, parce que vous me parliez que 74 % des décisions étaient retenues par le Tribunal administratif du Québec, les décisions de la Société de l'assurance...

M. Chevrette: 82 %, c'est...

M. Scalise (Domenico): 82, c'est les révisions.

M. Chevrette: ...c'est 18 % qui ne sont pas maintenues.

M. Brodeur: C'est encore pire.

M. Scalise (Domenico): Non, 82 %, c'est la révision.

M. Chevrette: Bien non, on me dit qu'il y a 18 % des causes devant le TAQ qui sont pas maintenues. Ça veut dire donc 82 % sont...

M. Scalise (Domenico): Non, 74.

M. Brodeur: C'est en révision, ça.

M. Chevrette: C'est la révision. Ah! c'est possible qu'il y ait une erreur.

M. Scalise (Domenico): Ça fait plus longtemps que vous que je...

M. Chevrette: Je suis pas un statisticien.

n(10 h 30)n

M. Scalise (Domenico): Alors, vous savez, les 24 % là, 26 %, ces 26 % là, les décisions sont... c'est-à-dire ne sont pas retenues, hein. C'est des décisions qui ont été... Alors, on a quand même 26 %, qui est énorme, hein. C'est énorme, 26 %. Alors, l'impartialité ici et surtout... Voyez-vous, c'est le même gouvernement qui nomme les mêmes assesseurs. Soit qu'on enlève, comme disait le Barreau hier, qu'on enlève complètement le processus de révision et on le remplace par un processus de conciliation, et on laisse le Tribunal par la suite, le Tribunal administratif, rendre des décisions. Ça serait plus transparent. Alors, c'est à cette manière-là... Parce que, dans le moment ? c'est pas une accusation, c'est des observations ? nous avons remarqué que les décisions rendues au Tribunal administratif ou en révision sont presque toutes pareilles, elles ont toutes la même phraséologie, ça fait qu'il y a...

L'accidenté, lui, là, le problème de l'accidenté, il va une fois devant un tribunal administratif, hein. S'il est pas chanceux, il y va une fois, s'il est chanceux... parce que je dis: Un accident, ça arrive rien qu'une fois, j'espère qu'il y en aura pas d'autres, ça fait qu'il y va rien qu'une fois. Il est pas équipé avec... je m'excuse, M. Gélinas, avec... vous avez dans le contentieux, je pense, quoi, 50 avocats, 50...

M. Brodeur: Cinquante et un.

M. Scalise (Domenico): ...une cinquantaine de...

M. Brodeur: Cinquante et un.

M. Scalise (Domenico): Alors, comment voulez-vous qu'un accidenté non expert en droit corporel puisse affronter le médico-légal qui va se présenter au Tribunal administratif du Québec? Il a pas de chances. Il peut pas présenter adéquatement sa défense. Alors, c'est là notre problème, c'est d'essayer de mettre, de donner une opportunité... Écoutez, vous savez, pour vraiment avoir une bonne décision par le Tribunal administratif, il faut que les deux parties, à armes égales... Vous savez comment ça coûte, une évaluation médicale, hein, vous devez être au courant? On parle pas de celle que la SAAQ rembourse à 600 $ ? hein, c'est 600 $ qu'on rembourse? À 600 $, vous avez pas une bonne évaluation médicale. Puis j'aime pas le mot «expert». On a parlé d'experts hier, j'aime pas ce mot-là.

Je vais ouvrir une parenthèse ? je m'excuse de dire ça, le Collège des médecins peut-être vous dira ça, eux autres aussi. Ici, au Québec, on a juste une association, c'est l'Association des médecins experts du Québec. La Société de l'assurance automobile n'utilise pas toujours des médecins de la Société des médecins experts du Québec. On utilise des médecins comme ça, on nous envoie une liste, et tout ça, alors c'est très compliqué pour un accidenté, lui, d'avoir... Ça fait que c'est pour ça que vous trouvez 74 % des gens qui sont déboutés, alors c'est tout l'ensemble de tout ça. Nous, qu'est-ce qu'on dit: Donnons une chance à l'accidenté de se défendre. On veut éliminer les avocats dans le processus, mais donnons l'information à l'accidenté.

Le Président (M. Lachance): M. Scalise, je m'excuse, mais, si vous voulez permettre le plus grand nombre d'échanges possible avec les parlementaires, vous allez devoir parler un peu moins.

M. Scalise (Domenico): Ha, ha, ha! Je m'excuse.

Le Président (M. Lachance): Alors, M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci. J'ai au moins une deuxième question, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brodeur: À l'item 2, vous indiquiez que le gouvernement du Québec... en fin de compte, vous indiquez qu'il prélève des surplus de la SAAQ. J'ai juste un commentaire à apporter à la suite de ce qu'on entend depuis deux jours, particulièrement du ministre. On sait que... je pense que les surplus à la SAAQ ne sont plus là. Il semble, en tout cas, des rumeurs que j'entends, qu'il y aura le déficit le plus important, cette année, de l'histoire de la Société de l'assurance automobile du Québec.

M. Chevrette: C'est-à-dire qu'on pige dans la réserve de la SAAQ.

M. Brodeur: Donc, vous pigez dans la réserve, donc on s'attend à un déficit très, très important.

J'ai entendu aussi de la bouche du ministre, il y a quelques instants, qu'on va augmenter le personnel pour essayer, suite aux recommandations que les groupes ont données, d'augmenter le service. Donc, on peut plutôt s'attendre à une augmentation des primes, j'imagine, ou un investissement quelconque du gouvernement, mais souvent, par les temps qui courent, on s'attend plutôt à une augmentation des primes. Donc, est-ce que vous conseillez au gouvernement, dans la situation qu'on connaît là, parce qu'on entend une rumeur de 200 millions, cette année, de déficit à la Société de l'assurance automobile du Québec ? je sais pas si on peut me confirmer ça... Est-ce que vous dites, en fin de compte, le message... vous dites au gouvernement du Québec: Allez chercher de l'argent ailleurs, sur la taxe sur l'essence ou sur d'autres choses, mais il faut que l'argent que les automobilistes donnent revienne en services aux accidentés de la route?

M. Scalise (Domenico): Nous comprenons que ça va être difficile. Nous comprenons que, comme on dit, arrivé à maturité, il faut trouver des avenues. Alors, nous ne sommes pas des experts, nous sommes juste un observateur suite à des accidents de la route que les victimes... elles viennent nous voir.

Par contre, nous avons accès à de l'information, le rapport annuel, nous avons accès à votre livre, alors nous avons regardé tout ça, et il y a 6 milliards de dollars actuellement dans le fonds de stabilisation à la Caisse de dépôt et placement du Québec. J'espère que ça a pas servi à acheter Vidéotron, là, mais, de toute façon, il y a 6 milliards qui est là. Ce 6 milliards rapporte des dividendes, puis peut-être, cette année, un peu moins à cause du problème économique...

M. Chevrette: Je vais vous donner la réponse là-dessus.

M. Scalise (Domenico): Oui.

M. Chevrette: Peut-être 10 %, en moyenne, au cours des années antérieures. Cette année, ça risque d'être même en bas de 5.

M. Scalise (Domenico): 5 %.

M. Chevrette: En bas... même on peut être déficitaire.

M. Scalise (Domenico): Oui.

M. Chevrette: Parce que ça dépend où est-ce qu'ils font les placements avec l'argent.

M. Scalise (Domenico): Oui.

M. Chevrette: Et ça, c'est une des causes du déficit qui pourrait éventuellement aller jusqu'à 200, vous avez raison. Si l'observation actuelle se maintient ou la cote actuelle se maintient...

M. Scalise (Domenico): Bien, la Société de l'assurance automobile...

M. Chevrette: ...ça pourrait aller à 200 millions.

M. Scalise (Domenico): ...comme n'importe quelle entreprise, quand les conditions sont difficiles, hein, c'est sûr, n'importe quelle entreprise va aller dans le... si les conditions sont difficiles à la Caisse de dépôt, c'est sûr, toute entreprise subit les mêmes choses, alors c'est pour tout le monde, hein. C'est sûr que toute entreprise aussi, suite à ces déficits-là, doit se restructurer, hein. Ils ont des plans de restructuration, des plans de... On peut... Moi, là, je vais vous donner un exemple, là, un exemple que nous avons décelé. Quand un accidenté, à partir de la révision, à partir de la journée qu'il a demandé une révision de sa décision, à partir de ce moment-là jusqu'au temps qu'il se rend au Tribunal administratif du Québec, qui peut prendre trois, quatre, cinq ans, hein. O.K.? à partir de ce moment-là, là, on a fait le calcul, et j'ai demandé à M. Gélinas si c'était ça... Nous, on a évalué ça à 18 000 $ par accidenté. On parle avec le personnel, on parle du personnel qui est affecté...

M. Chevrette: Si vous le divisez par six, parce que, au TAQ, c'est 3 000 $ qu'on doit prévoir pour chaque cas qui est présenté là.

M. Scalise (Domenico): 3 000 $. Mais tout le personnel qui est affecté à la révision, à tout ça, là, on paye ce personnel-là, hein. Les évaluations médicales que vous faites, hein. Votre bureau médical, ça coûte des sous, ça, hein. Tout ça, là, c'est affecté à amener une décision, hein, soit en révision ou soit pour amener des preuves au Tribunal administratif, hein. Alors, moi, je dis là: Pour essayer d'éviter ce 18 000 $ de coût, par individu, par le personnel, parce que là, on augmente de personnel mais on peut aussi diminuer de personnel... Je ne suis pas un responsable de la Société de l'assurance automobile. J'ai déjà été administrateur. Je peux comprendre qu'on dise: Bien, au lieu de créer tout ce processus médico-légal avec tout ça, faisons de la conciliation, faisons de la... mettons sur pied un programme de conciliation et médiation. Et je sais que maintenant depuis six mois, je crois, M. Gélinas, que vous faites la conciliation avant le Tribunal administratif. Moi, je vous conseille ou... si on peut le faire en révision. Mettre sur pied... au lieu d'avoir des agents de révision, mettre sur pied un comité, hein, de conciliation ou de médiation. Pourquoi se battre pour, des fois, 2 000 $? Ça coûte 18 000 $ quand même à la SAAQ pour le 2 000 $, hein. C'est pas logique. Des fois, là, l'accidenté a pas plus que... les montants sont minimes. Quand on va au TAQ, les montants, c'est minime. Je sais pas si vous avez des statistiques, c'est quoi le plus, le plus... le montant le plus haut que vous étiez déboursé après le TAQ. Je parlerai pas des jugements en appel à la Cour suprême, là, parce que vous en avez amené à la Cour suprême, là, les plus gros que vous avez perdus. Mais c'est quoi, le montant, le maximum que vous avez été obligés de débourser après un jugement de la TAQ?

M. Chevrette: Je sais pas si je peux... j'ai pas les statistiques ici.

M. Scalise (Domenico): Bien, c'est ça...

M. Chevrette: Mais je dois vous dire...

M. Scalise (Domenico): On oublie le montant maintenant...

M. Chevrette: Mais, au-delà de tout cela, il y a un principe fondamental.

M. Scalise (Domenico): Pardon?

M. Chevrette: Une compagnie d'assurances, une société, une mutuelle, ça doit faire ses frais.

M. Scalise (Domenico): C'est une compagnie d'assurances.

M. Chevrette: Il faut arriver en équilibre. Oui, mais ça en est une, mutuelle qu'on se donne.

M. Scalise (Domenico): Mais, malheureusement, notre population, au Québec, ne voit pas la Société de l'assurance automobile comme une compagnie d'assurances. Mme Racicot, là, Mme Racicot était une personne qui a été très bien... mais la journée qu'elle a appris que son collègue, qui a presque la même chose qu'elle et a moins d'instruction qu'elle, reçoit plus, et là elle s'est posé la question. Elle avait jamais contesté sur ça, là.

Le Président (M. Lachance):...

M. Scalise (Domenico): Nous, qu'est-ce qu'on dit: Pourquoi pas créer... au lieu de la révision qui... tout le monde semble dire à la révision, tout le monde semble dire: Il faut la sortir, la mettre à l'externe. Moi, je parlerais plutôt de mettre un comité de conciliation et médiation.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Oui, je voudrais poser une troisième question, si vous permettez.

Des voix: Ha, ha, ha!

n(10 h 40)n

M. Brodeur: À l'item 6, on a entendu abondamment parler, là, les derniers mois, des criminels au volant qui, en fin de compte, ont fait des dommages corporels ou qui ont tué des gens, en état d'ébriété. On a entendu abondamment plusieurs groupes. D'ailleurs, presque l'entièreté des groupes disent clairement qu'il faut pénaliser ces criminels-là à partir des indemnités de la Société de l'assurance automobile du Québec. Vous dites, vous, également qu'il faut permettre un recours civil des victimes envers ces criminels-là. Est-ce que vous ne pensez pas ? et souvent, c'est la question que je pose à tous les gens qui nous mentionnent ça ? que c'est une faille dans le «no fault» où il faut absolument considérer ça comme une exception à l'article 10 comme les autres exceptions?

M. Scalise (Domenico): C'est ça, une exception, comme je... Maintenant, criminel, avant qu'on l'appelle criminel, il faut quand même que quelqu'un le déclare criminel. Il faut quand même un tribunal de haute instance qui le déclare. Puis qu'il épuise aussi ses recours, hein. Alors, à ce moment-là, maintenant, étant donné que, si on choisit cette avenue-là, alors nous savons, comme vous direz, mais anciennement, ça prenait 10 ans, et tout ça... Il y a rien qui empêche la Société de l'assurance automobile de remplir ses obligations primaires, la victime va quand même pouvoir survivre, se sustenir... Donc, le 10 ans, c'est pas grave. Au bout de 10 ans, ça sera comme gagner à la loto. Excusez, non, mais... Au bout de 10 ans, là, si ça réussit puis cet individu-là... O.K. L'individu a pas d'argent. Comme vous avez parlé hier, vous m'avez dit que 41 % font en bas de 30 000 $, annuel. Bien, dans l'ancien régime, là...

M. Chevrette: ...

M. Scalise (Domenico): Dans l'ancien régime, là, j'ai connu des gens, et madame a témoigné aussi hier, une mère d'une personne décédée qui a connu ça, puis, dans l'ancien régime, on prélevait toutes les semaines ou toutes les deux semaines un montant, même de l'individu qui travaillait pas, même un montant de 20 ou 40 $ par semaine pour remplir son... La raison de remplir son obligation ? si on va sur cette avenue-là, remarquez bien, si on ouvre cette porte-là... C'est que la raison qu'on demande à cet individu-là de payer le 20 $ ou 40 $ par semaine, c'est pour le responsabiliser. C'est pas nécessairement pour l'argent, c'est pour pas qu'il essaie d'en commettre un autre. Aujourd'hui, on en voit, là, en état d'ébriété, je pense que ça fait sept fois qu'on l'arrête, puis il en a tué peut-être trois. Ça fait que c'est uniquement pour en arriver à responsabiliser. La raison qu'il fait ça, c'est parce qu'il a pas été éduqué. S'il avait été éduqué, si on l'avait pris à temps, comme vous dites, on essaie de les prendre à temps, les personnes qui ont cette maladie-là, si c'est une maladie ? il y en a que c'est une maladie, d'autres que c'est du vice... Parce qu'il y a pas juste l'état d'ébriété là, il y a pas l'état d'ébriété là, il y a aussi les facultés affaiblies par d'autres stupéfiants. Il faut pas juste parler de l'alcool au volant. Vous êtes au courant, j'ai toujours dit ça. Mais il y a aussi d'autres sortes de, comment je peux dire? de crimes sur les routes. Il y a aussi d'autres sortes de crimes sur les routes, vous savez, la conduite excédant... C'est devant le coroner, le viaduc du souvenir. Moi, j'appelle ça une négligence; le coroner décidera. Alors, il y a d'autres sortes aussi de...

M. Chevrette: Même là, le jugement est prématuré.

M. Scalise (Domenico): Oui, mais je vous donne un exemple. Il y a d'autres sortes... je vous donne un exemple qu'il y a d'autres sortes de possibilités de criminels au volant. Mais là, le pont, c'est pas un criminel qui était au volant, mais c'est quelqu'un qui a été négligent à quelque part. Ça a pas tombé tout seul. Là, on me dit qu'il n'y a pas de paravent. Mais c'est pas la première fois qu'on faisait un pont. Je pense pas que, parce qu'il y a pas de paravent, ça tombe. Ça fait que là... En tout cas. C'est des manières que je vous dis qu'il y a d'autres moyens de faire. Si on va sur cette avenue-là, on a les deux choix. Moi, je vous donne des exemples comment l'implanter sans qu'il y ait de brèche au système sans égard à la faute. Parce que, et l'indemnité...

Le Président (M. Lachance): En conclusion, M. Scalise.

M. Scalise (Domenico): Oui, on a épuisé notre heure, hein?

Le Président (M. Lachance): Oui.

M. Scalise (Domenico): La conclusion, bien, sans parler... Nous, on croit aussi, en dernier lieu, parce que, à la dernière table de travail qu'on avait faite en 1994, on avait... on s'était mis d'accord qu'il y aurait deux choses qui étaient importantes, soit un protecteur du citoyen en matière d'assurance automobile, soit qu'on faisait la médiation dans certains cas pour essayer de rapprocher... À la CSST, on le fait. Alors, c'est pas quelque chose qui doit coûter très... Et, en dernier, on avait parlé en 1994 de mettre des gens au conseil d'administration, des accidentés au conseil d'administration de la Société de l'assurance automobile, qui avait été fait en 1994, qui avait été fait en 1994. Aujourd'hui, je regarde le nouveau conseil d'administration. Je vois: avocat, avocat, avocat. Alors, c'est correct. J'ai rien contre les avocats.

M. Chevrette: Vous êtes-vous rendu jusqu'à M. Frigon?

M. Scalise (Domenico): Pardon?

M. Chevrette: Vous êtes-vous rendu jusqu'à M. Frigon qui est paraplégique, qui siège au conseil?

M. Scalise (Domenico): Oui, M. Frigon, que vous avez nommé, M. Chevrette, je suis... Je ne comprends pas parce que, étant une association d'accidentés de la route qui connaît pas mal les autres associations au Québec depuis plusieurs années, je n'ai jamais rencontré M. Frigon.

M. Chevrette: Je le connais très bien, c'est mon électeur.

M. Scalise (Domenico): Oui, bien, c'est dans votre comté. Mais c'est tout à fait naturel.

M. Chevrette: Et il est paraplégique.

Le Président (M. Lachance): Si je comprends bien, M. Scalise, vous souhaiteriez être nommé au conseil d'administration. Si je lis entre les lignes.

M. Scalise (Domenico): Hein?

Le Président (M. Lachance): Si je lis entre les lignes, vous souhaiteriez être nommé au conseil d'administration.

M. Scalise (Domenico): D'élire une personne accidentée, on l'a déjà fait.

Une voix: ...toi.

M. Scalise (Domenico): Bien, non, j'ai peut-être d'autres choses à fouetter encore.

Le Président (M. Lachance): Alors, c'est tout le temps dont nous disposions, et je vous remercie, Mme Gauthier, M. Scalise, pour votre présentation ici aujourd'hui.

Alors, j'invite les représentantes de MADD Montréal, s'il vous plaît, à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, mesdames. Je vous indique que vous avez un maximum de 20 minutes pour votre présentation. Alors, si vous voulez bien vous identifier, s'il vous plaît.

MADD Montréal

Mme Kramer (Theresa-Anne): Theresa-Anne Kramer, présidente de MADD Montréal.

Mme Morin (Johanne): Johanne Morin, vice-présidente de MADD Montréal.

Alors, on aimerait remercier la commission tout d'abord de nous avoir invitées. Aujourd'hui, on est ici en tant que bénévoles, on n'est pas ici en tant qu'experts, en tant que... On ne veut pas faire de politique. On est ici pour présenter notre point de vue en tant qu'organisme qui donne soutien aux victimes et nous oeuvrons dans une sphère qui est bien spécifique, c'est celle de la conduite avec facultés affaiblies. Notre mandat, c'est de mettre fin à la conduite avec facultés affaiblies et de donner du soutien aux victimes de ce crime de violence. Alors, c'est ce que nous faisons dans notre organisme.

Et, pour en arriver à nos objectifs, alors, on fait... on a différentes sphères d'activité comme, par exemple, la sphère d'éducation. On partage les objectifs du gouvernement et l'opinion du gouvernement que... qui veut que l'éducation doit occuper une place très importante dans les objectifs qu'on veut rencontrer. Alors, on fait des présentations dans les écoles, des présentations aux corporations et aux corps policiers. On fait également de la formation, par exemple aux corps policiers pour l'avis de décès.

n(10 h 50)n

Une autre des sphères d'activité, c'est ce qu'on fait ici aujourd'hui, de la représentation auprès de nos gouvernements. Et, nous, on représente la section de Montréal, mais il y a une cinquantaine de sections comme la nôtre partout à travers le Canada qui font la même chose également. Alors, on aime avoir des discussions amicales et des discussions vraiment qui vont vers... toujours vers notre objectif de soutenir les victimes et de mettre fin à la conduite avec facultés affaiblies.

Je la garde en dernier, notre troisième sphère d'activité, mais c'est probablement la plus importante, c'est celle de donner du soutien aux victimes de ce crime de violence. Alors, on leur donne du soutien émotionnel, on essaie de les préparer lorsqu'elles sont plongées dans le drame dans lequel elles sont plongées. On essaie de les préparer à faire face au système de justice pénal qui... mais on n'est pas toujours tellement «friendly».

J'aimerais ensuite parler du rapport, trois points que je veux apporter. Premièrement, on supporte les... Mon Dieu! je m'excuse, j'ai le terme anglais en tête, «third-party liability». Qu'est-ce que c'est le nom?

Une voix: ...tierce partie.

Mme Morin (Johanne): Responsabilité tierce partie. D'accord, merci. On a, par exemple, des victimes qui ont été, bon, tuées par un chauffeur avec facultés affaiblies qui... ce gars-là sortait d'un bar. Alors, on serait très positif à l'idée du gouvernement pour faire des poursuites auprès des tierces parties comme, par exemple, les bars. Peut-être il y aurait un aspect dissuasif si les bars savaient que le gouvernement peut faire des poursuites, dans le cas de tierces parties, lorsqu'un chauffeur en état d'ébriété va tuer quelqu'un. Statistiquement, on dit que 6 % de toute la consommation d'alcool se fait dans les bars, mais que 18 % des fatalités sont causées par des gens qui quittent les bars.

Le deuxième point, c'est qu'on aimerait que le gouvernement regarde... c'est la définition d'une victime. Actuellement... bien, en fait, ce qu'on voudrait, c'est que ça soit étendu, la définition d'une victime, à tous les membres de la famille et les dépendants qui sont sous le même toit que la victime. Alors, ça, c'est quelque chose qui nous tient à coeur parce qu'on voit les exemples dans nos victimes, de gens qui n'ont aucune compensation psychologique surtout dans le cas... parce que c'est des ravages émotionnels et c'est le genre de soutien qu'on essaie de donner aux victimes.

Ensuite, on aimerait que la compensation soit limitée pour les conducteurs avec facultés affaiblies. Par exemple, on est d'avis qu'aucun conducteur avec facultés affaiblies ne devrait profiter après avoir commis un crime... Tout le monde est d'accord au fait que c'est un crime, et on n'est pas d'accord pour que les conducteurs avec facultés affaiblies soient compensés. On réalise que ça se fera pas aujourd'hui, ça, mais, entre-temps, il y aurait quelque chose que le gouvernement pourrait faire pour changer immédiatement, sans toutefois complètement révolutionner ça, ce serait d'éliminer le 25 % qui est accordé aux accusés qui sont sans dépendant. Alors, on comprend qu'il peut y avoir un besoin de compensation pour les familles lorsque le contrevenant a des dépendants, mais, lorsqu'il n'a pas de dépendant, il y a aucune raison de le faire, et ce 25 % devrait être éliminé.

Finalement, on supporte d'emblée le projet de loi que le gouvernement a proposé et on aimerait peut-être voir certaines petites améliorations. On aimerait que le gouvernement, par exemple, démontre autant de leadership qu'il le fait dans ce cas ici et pour étendre, par exemple, le programme de permis de conduire...

Mme Kramer (Theresa-Anne): Pour les jeunes conducteurs.

Mme Morin (Johanne): Oui, gradué, qu'on a actuellement au Québec, étendre ça aux jeunes conducteurs avec un BAC de 0 % pour tous les jeunes conducteurs en dessous de 21 ans.

M. Chevrette: Tolérance zéro?

Mme Kramer (Theresa-Anne): Oui, tolérance zéro...

Mme Morin (Johanne): Absolument.

Mme Kramer (Theresa-Anne): ...pour les jeunes conducteurs jusqu'à l'âge de 21 ans, oui. Parce que, justement, les projets de loi qui sont sortis le 21 juin, c'est des projets très avant-gardistes. Il y a beaucoup de recommandations là-dedans qui ne se font... Le Québec est vraiment le premier à sortir ces projets de loi là. Une des choses qu'on trouve extraordinaire, c'est l'évaluation des chauffeurs pris à 0,08. C'est vraiment la première au monde, je pense. Puis c'est fantastique parce que ça va chercher le problème où le problème débute, ça va voir: Est-ce que ça, c'est une personne qui... est-ce que c'est un étudiant au collège qui fête sa graduation une fois dans l'année, puis c'est un cas isolé que cette personne-là consomme puis est au-dessus de 0,08? Ou est-ce que c'est une personne qui, à tous les soirs, au «happy hour»... s'en va à la maison puis consomme ses quelques boissons, puis là embarque dans son auto? Ça fait que, ça, c'est un programme vraiment extraordinaire.

On trouve aussi que les programmes pour le système d'antidémarreur, c'est vraiment un autre point innovateur, ce serait que le système antidémarreur soit utilisé pour les récidivistes. On pense, dans le cas de Kevin Lavallée, que, si la personne, M. Sweeney, qui avait des antécédents judiciaires, avait eu son auto munie d'un antidémarreur, peut-être que Kevin jouerait avec son bicycle encore. Ça fait qu'on veut vraiment commander le gouvernement pour l'utilisation d'antidémarreur. Et l'utilisation d'antidémarreur d'une autre façon aussi pour aller chercher les gens qui ne seraient pas nécessairement des récidivistes, mais qui seraient deux fois la limite légale. Ça, c'est important aussi parce que ça va chercher... Comme tout le monde ici sait, le problème d'alcool au volant n'est pas situé au niveau d'un seul genre de personne. C'est pas juste les récidivistes comme Bertrand Gagné et Sweeney qui causent des décès. Il y a deux décès sur 10 causés par l'alcool au volant en dessous du 0,08 fédéral. Ça fait qu'on aurait des recommandations qui pourraient peut-être venir aller chercher ces chauffeurs-là. C'est deux décès sur 10 en dessous du 0,08.

Ce qu'on recommanderait dans ce temps-là, ça serait les suspensions de permis de 24 heures, que nos policiers auraient le droit de donner des suspensions de permis. J'ai participé à des barrages routiers avec nos policiers et nous sommes... nos policiers n'ont pas le droit... Quelqu'un souffle dans le «Proved Testing Device» et souffle jaune, «alert», et le policier ne peut pas donner une suspension de 24 heures à cette personne-là. Cette personne-là peut continuer, deux rues plus tard tuer quelqu'un, elle sera même pas accusée de facultés affaiblies causant la mort. Mais on sait que ces décès-là ont lieu à cause des autopsies sur les chauffeurs. Donc, on veut donner à nos policiers le permis de donner des suspensions de 24 heures.

n(11 heures)n

On veut donner aux policiers les permis d'utiliser le «Passive Alcohol Sensor». Je peux le sortir tantôt. Nous avons des prototypes que notre organisation demande à nos policiers d'essayer. Il y a des essais qui se font au Canada, avec une communauté particulière. Il y a des policiers qui aiment le «Passive Alcohol Sensor» muni d'une «flashlight», quasiment, parce qu'ils travaillent dans le Yukon et c'est noir. Il y en a d'autres qui veulent absolument que ce soit léger parce que, à un barrage routier, il faut que ça soit léger puis pratique parce que le policier, s'il a besoin de faire une intervention, il veut pas être pris avec quelque chose de pesant puis qui va l'empêcher de travailler. Mais ces détecteurs passifs d'alcool ont démontré, à des barrages qui ont été pris en dessous d'un autre barrage, qu'ils sont efficaces à repérer un autre 50 % de conducteurs qui avaient pas été pris par les policiers. Donc, nos policiers aimeraient utiliser ce genre d'outil. La technologie s'avance. L'outil que j'ai est un prototype. Il y a des outils qui sont plus avancés que celui-ci qu'ils utilisent. Puis, pourquoi pas donner à nos policiers tous les moyens d'aller chercher tous les conducteurs? Parce que personne veut qu'un policier arrête quelqu'un à un barrage... dans l'«alert», puis il s'en va chez lui, puis au coin de sa rue il tue un enfant qui traverse la rue. Il n'y a personne qui veut ça. Ça fait qu'on veut donner à nos policiers des outils pour faire leur travail.

On demande aussi que les policiers aient l'autorité de demander un test d'alcool... de «Breathalyzer», ou un test sanguin s'il y a des collisions où il y a des décès, des fatalités ou des blessés graves. Parce qu'on sait que 60 % de ces collisions impliquent des niveaux d'alcool à deux fois la limite légale. Donc, on pense que nos policiers auraient intérêt à pouvoir demander ces prises de sang. Nous, notre organisation travaille plein avec des victimes où, parce que les policiers avaient pas ce droit-là, les contrevenants ont échappé au système judiciaire. Puis c'est pas ça qu'on veut. On veut que ces gens-là soient amenés en justice. On a tout... Le système judiciaire est là pour nous servir, puis ces gens-là échappent à cause de certaines technicalités. Ça fait qu'on voudrait vraiment que les policiers aient plus... certains... aient ces pouvoirs-là sur les lieux. C'est les gens qui sont sur les lieux. Ils sont les premiers à entrer en contact avec l'accusé et les victimes. Et souvent ils s'affairent tellement avec les victimes qu'il y a des... C'est pas vrai qu'un policier va aller demander un test d'haleine quand il y a des enfants blessés dans l'auto. Il va s'occuper des gens blessés. Ça fait qu'on voudrait leur faciliter la tâche.

On voudrait aussi demander qu'il y ait des... Les professionnels... Ici, au Québec, les professionnels peuvent informer le gouvernement s'il y a des problèmes d'alcoolémie et de conduite avec facultés affaiblies chez leurs clients, mais ils ne sont pas obligés de le rapporter. Et ça, peut-être, c'est une obligation qu'on aimerait que nos professionnels de santé soient en mesure de faire ce rapport-là. Parce que, si, toi, tu suis un patient pendant diverses années puis tu sais que cette personne-là conduit régulièrement en état d'ébriété ou a des problèmes sévères de toxicomanie, d'alcoolémie... Ou même nous avons eu un cas où quelqu'un avait de la dégénération matriculaire, et cette personne-là conduisait avec l'alcool au volant, et le médecin, l'oculiste qui l'a vue, l'optométriste, n'a pas rapporté ce fait, ce phénomène. Donc, cette personne-là qui souffre de cette dégénérescence et aussi de problèmes graves d'alcoolémie, qui conduit régulièrement en état d'ébriété, ces choses-là n'ont pas été rapportées. Ça fait qu'on aimerait ça que nos professionnels soient dans l'obligation de le faire. On pense que cela pourrait vraiment énormément aider à réduire ce problème. Parce que c'est pas un problème juste de... Comme encore Bertrand Gagné et Sweeney, c'est un problème qui est beaucoup plus étendu. Il y a des personnes qui, dans notre section... où l'enfant a été tué par sa propre mère qui l'a mis dans l'auto. La mère était à 0,35 degré d'alcool, mais, à ces personnes-là... On ne voit pas, avec ces personnes-là, leur dépendance. On voit la dépendance quand ils sont privés d'alcool, mais personne avait un soupçon. Peut-être son médecin avait un soupçon que cette femme-là était dépendante d'alcool. Et, si ça avait été... il y avait eu une indication de ça, peut-être que l'enfant serait en vie. L'enfant peut pas refuser à sa mère d'embarquer dans l'auto. Un enfant de trois ans peut pas refuser à sa mère. Fait que c'est des choses comme ça qu'on considère.

On recommande... On voudrait encore vous indiquer comment les lois de... le projet de loi n° 38 nous a affectés. On a été très, très heureux. On a... L'année passée, on avait émis un rapport sur les provinces dans lequel beaucoup de ces recommandations avaient été faites et qu'on a... Le Québec se trouvait à un degré inférieur à ce moment-là, quand on a donné ce rapport, et, avec ces innovations, on a sauté vraiment en avant... vraiment, c'est extraordinaire. Puis je pense que les lois, une fois que, mises en place... On sait que ces lois, c'est pas pour demain, certaines choses, les recommandations qui sont faites quand une personne maintenant est prise à 0,08. Puis il va avoir besoin d'une évaluation. Pas tout est en place, on sait que l'évaluation peut-être peut peut-être pas se faire aujourd'hui, mais on voit que l'organisation commence à se mettre en place. Fait qu'on est très, très content de ça.

J'aimerais peut-être finir avec la lecture d'un poème. La petite fille s'appelait Sarah. Elle a écrit: Life is a big cotton ball. Life is beautiful. Thank you God for school and food, water, milk and juice, for toys, hazards and laughs and much more. Love, Sarah. Le poème a été écrit par Sarah deux jours avant qu'elle se fasse frapper dans une collision impliquant... le chauffeur avait consommé de l'alcool. Elle avait neuf ans. Et ce que je pense, c'est qu'ici nous oeuvrons tous ensemble pour que ces choses-là n'arrivent pas, pour que Sarah... Sarah aurait dû continuer, elle aurait dû entrer à l'école ce semestre, acheter ses petits souliers pour l'école puis acheter ses nouveaux livres... doit être toute contente. Le poème qu'elle a écrit: Love Sarah, thank you, life is beautiful, c'est fini pour elle.

Tout le monde ici, le gouvernement, les organisations comme nous, MADD, on travaille, la Société de l'assurance automobile du Québec, les gens, tous, ici, on travaille pour arrêter le fléau qu'est l'alcool au volant. Des fois, je pense qu'on est comme David contre Goliath parce que le problème d'alcool au volant semble si immense et si monstrueux qu'on ne peut même pas l'affronter, mais j'aimerais vous rappeler que c'est David qui a gagné et que je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme Kramer et monsieur... Mme Morin. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Oui. Merci, mesdames. Je sais que vous avez demandé en plus une rencontre, mon agenda me le permet pas, mais il y aura mon attaché politique et Mme Saint-Cyr ? elle était ici tantôt, là, elle est pas grande mais elle est toute là ? et puis vous aurez une rencontre demain.

Je voudrais relever certains de vos points. D'abord, je vous félicite, je trouve que c'est un mémoire constructif. Vous arrivez ici non pas avec des préjugés arrêtés. On progresse tous ensemble, comme vous dites, et je pense que c'est là une façon, je pense, intelligente d'aborder le dossier. Je suis content d'ailleurs que vous observiez... que vous soyez d'accord non pas parce que c'est nous, parce que c'est le Parlement unanimement... pour la loi de juin, qui va, je pense, servir la cause en termes de prévention. C'est là-dessus, je pense, qu'il faut miser, parce qu'il faut reconnaître que l'alcoolisme peut être une maladie, mais il faut aussi prendre les moyens pour contrer ce fléau.

Donc, vous avez souligné, par exemple, dans les bars. Ça existe déjà, vous savez ça, hein? À l'article 109, le paragraphe 3 de la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques, il est strictement défendu de vendre, de continuer à vendre de la boisson à quelqu'un qui est en état d'ivresse. Une première infraction est passible, si ma mémoire est fidèle, de 175 à 425 $ ? le juge a la possibilité entre ces deux limites ? en cas de première récidive, de 700 à 1 400 et les autres récidives de 1 400 à 2 800. Mais, jusqu'à quel point, c'est observé, jusqu'à quel point c'est appliqué, c'est une autre chose, ça, vous avez probablement raison. Mais il y avait déjà quelque chose de base là-dessus.

Mme Morin (Johanne): Oui, par contre, si je peux me permettre.

Le Président (M. Lachance): Allez-y, madame.

n(11 h 10)n

Mme Morin (Johanne): On regardait ça du côté de la compensation. Par exemple, si quelqu'un sort d'un bar et tue quelqu'un, bien, la SAAQ doit compenser cette personne-là selon le système actuel. Si, d'un autre côté, vous pouviez avoir un recours en loi contre le bar pour avoir fait ça, parce que au civil ça ne se fait pas, bien... étant donné que ça ne se fait pas au civil, si le gouvernement pouvait faire ça, ces argents-là pourraient retourner dans le système et continuer soit à aller aux victimes, ou soit aller vers l'éducation, ou retourner dans le système.

M. Chevrette: Bien, remarquez bien que je connais, à cause de mon âge, pas très avancé mais quand même assez... je suis convaincu qu'il y a certains serveurs, par exemple, qu'il leur est assez difficile de contacter. Il y a des gens qui... ils sont raides comme un piquet, vous le savez, puis qui peuvent être pleins comme un boudin, mais ça paraît pas.

Mme Morin (Johanne): On est conscient de ça.

M. Chevrette: Il y a une difficulté. Au niveau des procès, ce serait des procès interminables dans bien des cas.

Mme Morin (Johanne): Je pense qu'on est conscient de ça, puis on n'a pas peut-être la solution magique, mais, si... là où il y a une volonté, il y a peut-être justement quelque chose à faire, dans le sens que ça serait des enquêtes très rigoureuses, j'imagine, parce que c'est difficile... bon.

Moi, je suis dans une famille qui a travaillé dans l'hôtellerie, mon père a été «bartender» pendant 37 ans, il buvait pas, et je sais qu'est-ce que c'est de faire face à quelqu'un puis d'avoir à déterminer si je vais lui donner un verre ou pas. Alors, ça, c'est très difficile à faire, mais il y a des cas où, après une enquête poussée, je pense que ça serait possible de déterminer la responsabilité du bar. Si on n'a pas de loi qui nous permet d'aller chercher ce type de responsabilités là, bien, on pourra jamais le faire.

Mme Kramer (Theresa-Anne): ...les bars ou la surconsommation où les jeunes, c'est comme encourager les «chugalugs», où, donc, le jeune consomme une quantité énorme et son cadeau, c'est un pichet de bière. C'est vraiment...

M. Chevrette: Oui, oui. Bien, on a vu ce qui est arrivé à Québec là-dessus aussi. Il y a eu un concours...

Mme Kramer (Theresa-Anne): Oui, c'est ça.

M. Chevrette: ...celui qui buvait le plus d'alcool. Ça, je comprends que, dès... ce geste-là même devrait être défendu complètement, vous avez raison.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Oui.

M. Chevrette: Vous parlez d'une augmentation importante des primes, vous en n'avez pas... ou bien j'ai mal saisi, est-ce que c'est ce que vous voulez bien dire?

Mme Morin (Johanne): Non. Ce que je... augmentation des primes, non. J'ai fait allusion, moi...

M. Chevrette: Dans votre mémoire.

Mme Morin (Johanne): ...aux prestations qui sont données aux contrevenants actuellement. Vous savez, il y a un pourcentage décroissant si le contrevenant a des dépendants, c'est réduit de x nombre de pourcentage, 75 % s'il y a tel nombre de dépendants, 50 % s'il y a...

M. Chevrette: Ah, basées sur les points de démérite.

Mme Morin (Johanne): Basées... oui.

M. Chevrette: Ah, O.K. C'est parce que c'est marqué: Les primes d'assurance axées sur les points d'inaptitude et les suspensions inscrites au dossier du conducteur peuvent...

Mme Morin (Johanne): Ah, là vous lisez le rapport qui avait été... ah, O.K.

M. Chevrette: Les recommandations du MADD.

Mme Morin (Johanne): O.K. Ça, je dois vous avouer, M. Chevrette, que c'est notre exécutif qui a écrit ce rapport-là. Ce qu'ils ont fait, c'est que notre aviseur légal avec notre directeur national exécutif ont regardé votre rapport et ont passé à travers, puis ils ont regardé ça, eux autres, avec des yeux de... Bon, un est avocat et puis l'autre est un directeur exécutif, et ils ont passé à travers le rapport puis ils ont relevé les choses, les points qu'ils pensaient qui étaient peut-être... qui méritaient d'être soulevés, là, alors... C'est pas à ça que je faisais allusion, moi. Je faisais allusion à votre... dans le...

M. Chevrette: C'est parce que ça joue déjà. Je sais pas si vous avez vu ces petits dépliants d'information, mais ça joue déjà.

Une voix: Oui, oui. O.K.

M. Chevrette: Et deuxièmement il faut faire attention aussi, parce que c'est une mutuelle, une mutuelle d'assurances groupe d'une certaine façon, de sorte qu'on peut en tenir compte sur un certain... dans un certain ordre, mais pas nécessairement... Parce que ça ne devient plus un partage de risques. Le principe d'une assurance groupe, c'est partager les risques, c'est évident. Mais je comprends le contexte.

Mme Morin (Johanne): Oui. Mais, vous savez, les compensations qui sont données, l'argent que les...

M. Chevrette: Qui est remis, là?

Mme Morin (Johanne): Qui est remis...

M. Chevrette: O.K.

Mme Morin (Johanne): ...c'est ça, les remises, exactement, bon, nous, ce qu'on pense, c'est qu'aucun contrevenant, c'est-à-dire une personne qui a été reconnue coupable et est en prison,...

M. Chevrette: Ah, je comprends.

Mme Morin (Johanne): ...ne devrait recevoir de compensation. On est bien d'accord qu'il y a un besoin pour les dépendants, mais on considère que ce n'est pas le rôle de la SAAQ de subvenir à leurs besoins, c'est peut-être le rôle d'un autre organisme gouvernemental mais pas celui de la SAAQ.

M. Chevrette: Et à ce titre-là, sur le principe de si je paie une assurance collective, comment pouvez-vous m'empêcher de toucher à mes avantages?

Mme Kramer (Theresa-Anne): C'est vrai, c'est une question de... c'est des questions...

Mme Morin (Johanne): Peut-être en vous remboursant vos... vos... primes.

M. Chevrette: Vos primes.

Mme Morin (Johanne): ...primes.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Oui, ce serait...

Mme Morin (Johanne): Ce serait une façon de le regarder.

Mme Kramer (Theresa-Anne): ...des façons que les primes qui ont été payées...

Mme Morin (Johanne): Alors, si j'arrive puis je dis: Ah bien, je regrette, moi, ça fait 20 ans que je paie dans votre régime, alors donc le gouvernement va dire: O.K. voici. C'est ça que t'as payé, on te le remet.

M. Chevrette: Il faudra regarder... en tout cas, là, on va le regarder, parce que, effectivement vous savez que j'ai déjà annoncé que...

Mme Morin (Johanne): Ça peut avoir l'air simpliste là mais...

M. Chevrette: Non, mais j'ai déjà annoncé que j'étais prêt à regarder cela. Il y avait le bémol de la famille et des dépendants.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Ah, oui, absolument. On veut pas enlever ça. On pensait juste que là ça serait d'étudier où est-ce que cet argent pourrait aller... les dépendants pourraient recevoir l'argent. Parce qu'on ne veut absolument pas enlever aucune compensation.

M. Chevrette: Parce que je me disais: Si on coupe les primes, on enlève à ceux... aux dépendants qui sont complètement innocents. On n'a pas à demander... On pige toujours dans le fonds collectif des assurés, alors que, si on le transmet, le fardeau fiscal, à un autre fonds gouvernemental, on demande à des individus de participer financièrement à une action qui n'est pas propre à l'automobile.

Mme Kramer (Theresa-Anne): C'est comme on regarde deux côtés: du côté des victimes, c'est très... comme quand... Nous, notre fonction est de parler aux victimes. C'est très difficile pour les victimes d'accepter que celui qui a été...

M. Chevrette: Ah, oui, oui, vous avez raison.

Mme Kramer (Theresa-Anne): On sait que les criminels soient indemnisés, on sait que déjà les victimes sont lésinées par nos cours. Parce qu'on sait que, sur les quelque 100... disons, 180, environ, 200 décès au Québec dus à l'alcool au volant par année, en 1997 il y avait 27 accusations. Sur les 27 accusations, il y a eu 18 trouvés coupables. Sur les 18 trouvés coupables, il y a eu seulement 60 % qui ont eu des sentences de deux ans moins un jour. Et les autres sentences, c'est peut-être trois ans. Trois ans... c'est déjà un sixième de la sentence qu'ils sortent. Ça fait qu'on a des victimes comme la famille de Claudine-Anne Zambrelli où le mari est rentré dans un restaurant avant la fin de la sentence de l'homme qui a tué sa femme qui est morte calcinée dans l'auto puis il voit l'homme là. Ça fait qu'il est lésiné, il est blessé par notre système judiciaire. Notre système judiciaire n'a pas fourni pour Claudine-Anne Zambrelli et sa famille. Et, quand nos victimes ont droit... Moi, j'ai expliqué que notre régime compense le criminel. La première question, c'est toujours: Mais c'est un criminel, pourquoi?

M. Chevrette: ...ça se fait dans le privé de remettre les primes.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Ah, non, non, non! Non, on discute pas de ça. Non, non. On parle vraiment de juste ce qui est donné au criminel pendant qu'il est en prison.

M. Chevrette: Puis à plus forte raison, s'il a un accident alors que son permis est suspendu, donc il n'a pas payé puis s'ils peuvent pas conduire, il a pas payé l'immatriculation théoriquement. Donc, oui, en tout cas je comprends un peu mieux l'approche là.

Mme Morin (Johanne): Mais sans... Comme je disais tantôt, on réalise que c'est assez monstrueux comme implication, c'est quelque chose qui ne se changera pas tout de suite, là. Mais une chose qui pourrait être changée immédiatement, c'est le 25 % qui est donné aux criminels qui n'ont pas de dépendants. Sylvain Bois aujourd'hui, là, il est en prison, puis, selon le système actuel... il aurait été blessé, lui, je pense, lors de l'accident, alors...

Une voix: Oui.

M. Chevrette: D'abord, il est traité gratuitement, c'est le système de santé...

Mme Morin (Johanne): En plus de ça.

M. Chevrette: ...et il nous coûte probablement 80 000 $ par année.

Mme Morin (Johanne): Puis on lui donne 25 % de compensation et puis, s'il y a quelqu'un qui... En tout cas, n'importe qui dans sa position, on considère, ne mérite absolument pas ça.

M. Chevrette: Je vous remercie beaucoup, mesdames.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford et porte-parole de l'opposition.

M. Brodeur: Merci beaucoup. Bougez pas, mesdames.

M. Chevrette: Non, non, vous restez là, il vous questionne.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): C'est pas terminé.

M. Brodeur: Je serai pas méchant, je vous le promets, je serai pas méchant.

Mme Morin (Johanne): Je pensais qu'on nous avait donné notre congé, mais allez-y.

Une voix: ...

Mme Kramer (Theresa-Anne): C'est bien comme ça.

n(11 h 20)n

M. Brodeur: Bon, bien, merci. Bienvenue en commission parlementaire. Vous avez tantôt soulevé le point de la responsabilisation des tiers, en fin de compte. Vous nous avez parlé, par exemple, d'un «bartender» et qui sert quand même une consommation à quelqu'un qui est déjà pas mal avancé, est-ce que vous pensez qu'on devrait étendre, par exemple, dans un projet de loi à venir des clauses responsabilisant les tiers? On pense peut-être dans un cas comme ça. On peut penser dans un cas, par exemple, de grossière négligence où un tiers prête ses clés à quelqu'un qui voit de visu... qu'on voit qu'il est pas état de conduire, même s'il n'a pas permis de conduire. Est-ce que vous pensez qu'on doit apporter des clauses comme ça, claires, pour responsabiliser les tiers, dans la mesure du possible, parce que c'est pas toujours facile d'établir juridiquement devant les tribunaux, une grossière négligence? Mais est-ce que je vous suggérez qu'on établisse des clauses comme ça qui sont claires pour des tiers qui auraient contribué de façon tout à fait grossière à un accident comme ça?

Mme Morin (Johanne): Je pense qu'on est ouvert à cette possibilité-là, oui. Est-ce que vous parlez de quelqu'un d'autre? Un autre exemple, pas un bar. ce serait comme un...

M. Brodeur: Par exemple, monsieur X a une voiture; monsieur Y est à côté de lui dans un bar. Monsieur Y est soûl et puis il lui prête délibérément de façon consciente ses clés et même s'il voit qu'il est bien soûl. Il tue quelqu'un. À ce moment-là, est-ce qu'on doit responsabiliser le tiers qui a participé?

Mme Kramer (Theresa-Anne): Mais est-ce qu'il n'est pas déjà responsabilisé, dans le contexte de loi, qu'il a contribué. Son acte était un acte de grave négligence.

M. Brodeur: Dans la...

Mme Kramer (Theresa-Anne): Je m'excuse...

M. Brodeur: Non, dans la loi, il y a un «no fault» de A à Z.

Mme Kramer (Theresa-Anne): O.K.

M. Brodeur: Donc, on parlait tantôt de pénaliser justement le criminel lui-même et puis vous avez aussi évoqué le fait de pénaliser celui qui est un tiers, qui a participé de façon indirecte en le laissant partir, ça, c'est difficile à prouver, mais quelqu'un qui prête les clés de façon délibérée, par exemple.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Oui. Oui. C'est que tout ce qui peut... Est-ce qu'en faisant ça on peut diminuer les décès? Est-ce qu'on peut... est-ce qu'on peut... C'est sûr qu'on rentre dans les possibilités de... Si toi, quelqu'un donne un party, vous donnez un party et vous ne savez même qu'une personne est en état d'ébriété, comme cette femme-là à 0,35. C'est pas distinguable. Mais, quand il y a un acte délibéré, il faudrait regarder: Est-ce que ça va nous sauver des vies?

Notre but de notre organisation, c'est: allons dans la direction de qu'est-ce qui va nous sauver des vies. Ça fait qu'on veut que les gens soient responsabilisés au niveau de ce problème d'alcool au volant. Ce n'est plus assez de dire: Ah! c'est un bon gars, un bon père de famille. On sait que ça prend de 200 à 2 000 voyages en état d'ébriété pour avoir une arrestation. Donc, le bon gars est peut-être pas si bon gars que ça. Je dois avouer que dans toutes les victimes que je connais dans MADD Canada... on a des connaissances à travers le Canada, on se rencontre à chaque année à une convention, et je n'ai même pas connu une victime, une jeune victime... Parlons du jeune gars, ses amis l'incitent à boire, puis il n'a jamais bu de sa vie, ils lui donnent de la boisson. Là, lui, il n'a plus de responsabilité; il sort puis il tue quelqu'un. Je ne connais pas ce cas-là dans notre expérience de notre organisation. Même les jeunes, ils conduisent après avoir consommé beaucoup, beaucoup de fois. Ils ont fait beaucoup de voyages en état d'ébriété avant qu'il y ait la collision. Le problème est pas fini. Quand j'ai assisté à une école primaire... secondaire ? on donne des conférences dans les écoles ? j'ai parlé à un groupe d'enfants de 12 ans. L'école est dans un champ. Il y avait un enfant brillant, brillant. Le professeur, il dit: C'est mon élève le plus brillant. Il était soûl dans la classe.

M. Brodeur: À quel âge?

Mme Kramer (Theresa-Anne): Douze ans.

M. Brodeur: Douze ans.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Le professeur a dit que trois... elle m'a confié que trois de ses élèves se soûlent chaque soir et quatre autres de ses élèves se soûlent à tous les week-ends. Donc...

M. Brodeur: C'est à quel endroit ça?

Mme Kramer (Theresa-Anne): C'est à Châteauguay. Ça fait que c'est un professeur qui m'a confié ça.

Mme Morin (Johanne): Mais c'est commun, c'est partout.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Ça, c'est une école. Mais je connais beaucoup de professeurs d'école, ils me parlent de consommation de drogues et d'alcool chez les jeunes. Et la consommation est là et le potentiel d'utiliser le volant est là aussi parce qu'ils commencent à 16 ans. C'est pour ça qu'on demandait de hausser jusqu'à 21 ans. Parce qu'on sait la raison primaire de décès des jeunes, des jeunes mâles de 18 à 24 ans, c'est l'alcool au volant.

M. Brodeur: Oui.

Mme Morin (Johanne): Un point que j'aimerais ajouter aussi, c'est que dans le... On trouve que dans le contexte actuel, il y a pas assez de... il y a pas assez de dissuasion. Il y a... On assume que c'est la responsabilité du gouvernement et de la police de prendre soin de ce fléau-là. Et, nous, ce qu'on pense, c'est qu'il y aurait un effet beaucoup plus dissuasif si les individus, comme les commerçants, savaient qu'on irait les ramasser là où ça fait mal: le portefeuille.

Alors, on pense que ça c'est plus dissuasif que de mettre des lois. Puis on sait que bien des fois les lois ne sont pas aussi efficaces qu'on aimerait, qu'elles ne peuvent pas être appliquées toutes dans la force dans laquelle on les... on avait l'intention de les appliquer. Alors, on pense que l'effet dissuasif serait beaucoup important et marqué si ces gens-là étaient attrapés là où ça fait mal.

M. Brodeur: En terminant, dans un autre ordre d'idées, on a entendu abondamment parler hier des victimes par ricochet, là, des victimes d'accidents. On a entendu hier plusieurs parents, plusieurs parents dont les enfants ont été tués par des gens qui étaient au volant en état d'ébriété. Et puis, en tout cas... Juste comme commentaire, je pense... en tout cas, pour ma part, j'ai été convaincu puis je pense que le ministre aussi a été convaincu qu'on doit absolument étendre à la famille immédiate le sens du mot «victime». J'imagine que par votre organisation vous avez... vous pouvez témoigner de nombreux cas qui indiquent clairement que ces gens-là on besoin de soutien psychologique et...

Mme Morin (Johanne): Absolument.

M. Brodeur: ...et de soutien aussi financier.

Mme Morin (Johanne): Dans notre propre section, on a un membre, qui est directeur régional de MADD Canada aussi, et lui-même... son père subit encore les séquelles d'avoir perdu sa femme. C'est un homme de 75 ans environ, et il est complètement encore abasourdi, là, par la perte de sa femme. Il ne s'en remettra jamais cet homme-là. Et il a aucun appui ou soutien psychologique.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Oui, c'est vraiment... C'est primordial pour les familles. Comme regardez dans le cas de Marie-Pier et Mathieu Roy, qu'est-ce qu'il y a? La petite qui est là, sans ses deux... son frère puis sa soeur, cette enfant là a besoin de suivi et elle n'est pas considérée comme victime, la mère et le père non plus. Si un père ou une mère ne peut plus travailler à cause d'une immense dépression, qu'est-ce qui est... Ils ne sont même pas considérés comme des victimes. Quand ils arrivent en cour, ils ne sont même pas considérés comme des victimes. Ils ne sont même pas compensés pour leurs journées de travail qu'ils, peut-être, perdent. Donc, c'est un besoin psychologique très important et aussi un besoin matériel. Nous comprenons qu'ils doit y avoir un «cap». Ah oui, c'est... il n'y a pas des réserves illimitées, mais ça serait un commencement, de considérer que la famille immédiate ou les dépendants soient... ou des personnes demeurant dans la même maison soient considérés comme victimes.

M. Chevrette: Depuis... depuis juin on a émis une directive à l'interne, mais il nous faut modifier la loi puis on va le faire.

Mme Kramer (Theresa-Anne): O.K.

M. Chevrette: Merci beaucoup.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Merci, madame, pour votre...

Mme Kramer (Theresa-Anne): Merci.

Le Président (M. Lachance): ...excellente contribution aux travaux de cette commission.

n(11 h 30)n

J'invite maintenant M. Robert Tétrault à bien vouloir prendre place à la table. Ça sera notre dernière audition pour aujourd'hui.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Bienvenue, M. Tétrault, et vous avez... comme vous connaissez les règles du jeu, vous avez 20 minutes pour votre présentation.

M. Robert Tétrault

M. Tétrault (Robert): Je vous remercie, M. le Président. Je remercie les membres de la commission de me donner de nouveau l'occasion de présenter mon point de vue sur le régime d'assurance automobile.

J'ai soumis... Je suis, d'abord, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke. Je m'intéresse et je fais des recherches dans le domaine de l'indemnisation, des régimes publics d'indemnisation depuis quelques années déjà, et ça fait partie également de mes domaines d'enseignement.

Ça m'a donné l'occasion de voir le régime d'assurance automobile, mais également de le comparer à d'autres au niveau du Québec et de voir peut-être un point de vue... d'avoir un certain recul par rapport à ce régime-là. Et c'est une question de débat de société, entre autres, qui est soulevée à l'occasion du débat sur l'alcool à volant... au volant, encore une fois, et c'est une question très importante.

Alors, dans le mémoire que j'ai présenté à la commission, il y a deux aspects que j'ai identifiés, à savoir la question de l'alcool au volant et les rapports avec le régime d'indemnisation. Il y a également une autre dimension que j'estime importante de soulever dans le cadre d'une commission qui porte sur l'ensemble du régime, c'est la question plus générale de l'interprétation de la Loi sur l'assurance automobile.

Et je me permettrai, en souhaitant avoir le temps, de vous proposer ou d'évoquer une possibilité qui permettrait éventuellement, dans le cas des personnes qui ont été victimes alors que le conducteur était en état d'ébriété et qui vivent un drame épouvantable d'avoir une certaine mesure de justice, mais qui sera pas nécessairement dans le contexte de la Loi sur l'assurance automobile. Et je vous l'évoquerai brièvement, quitte à répondre ensuite à vos questions.

Donc, pour la question de l'alcool au volant, ma position sur cet aspect-là est la suivante et elle demeure. C'est qu'à mon sens les règles actuelles doivent demeurer. On a évoqué différentes possibilités pour réagir à la situation de l'alcool au volant et le cas des personnes qui continuent et persistent à conduire. C'est un fléau malgré tout, malgré toutes les mesures. Il y a beaucoup de choses qui sont faites, mais c'est malheureusement pas de nature encore à l'éliminer.

Et je reconnais tout à fait que l'application intégrale des principes d'assurance sans égard à la responsabilité, dans plusieurs circonstances, peut mener à des résultats qui peuvent choquer et qui font que les gens comprennent pas et perdent confiance dans le système. Ça, je comprends tout à fait ça et j'ai beaucoup de sympathie et compassion à l'égard des victimes, même si par ailleurs ce que je vais exposer ne va pas toujours nécessairement dans le sens de ce qu'ils souhaiteraient.

Donc, je demeure convaincu que les règles actuelles sont... doivent demeurer. Maintenant, je vais simplement rappeler brièvement les principales modifications qui sont proposées puis les commenter. Et par la suite j'aurai l'occasion peut-être de répondre à vos questions sur certains aspects.

Donc, pour ce qui est de priver de toute indemnité les conducteurs reconnus coupables de conduite en état d'ébriété, on évoque cette possibilité-là en disant que ça va avoir un effet dissuasif, que ça va permettre de faire des économies, que ça va permettre éventuellement de punir les gens davantage qu'ils ne le sont et qu'on pourrait souhaiter punir davantage.

Pour ce qui est de la dissuasion, j'ai de sérieux doutes. Les études en matière d'effets dissuasifs, de poursuites civiles, en général, me semblent pas à l'effet qu'il y a effectivement un effet dissuasif. C'est trop loin dans le temps et c'est... Quand une personne est en état d'ébriété, c'est une personne, jusqu'à un certain point, qui perd le sens des réalités. Or, la perspective très éloignée d'une poursuite civile ou de poursuite, sanction pénale... Même sanction pénale, on le constate, ça a pas d'effet souvent dissuasif, pas suffisamment chez une personne qui a perdu le sens des réalités et qui a pas conscience même de sa situation. Donc, l'effet dissuasif, je suis très sceptique.

Pour ce qui est des économies, bon, est-ce qu'on va faire des économies en privant ces gens-là de toute indemnité? On va peut-être économiser à sa face même une somme de x milliers de dollars qu'on ne versera pas, mais est-ce que pour autant ça générera pas d'autres contestations, d'autres litiges portant justement sur cette privation-là? Et l'argent qu'on aura retiré du conducteur ou dont on l'aura privé, on va le dépenser de toute façon en procès à propos du débat à savoir si la personne est responsable, quel est le lien de causalité, et ainsi de suite. Donc, ça va simplement être un déplacement d'argent. Ensuite, ça m'apparaît, à certains égards, excessif, arbitraire et, ultimement, injuste.

Excessif parce qu'il faut réaliser que, lorsqu'on parle d'une personne qui est blessée et qui demeure, par exemple, paraplégique ou quadraplégique, avec une espérance de vie et tout ce qu'on veut, ça peut se calculer en millions de dollars. Alors, quel que soit le comportement que cette personne-là a pu avoir, on se trouve à appliquer une forme d'amende qui est de plusieurs millions de dollars. Et je connais pas de crimes au Canada, dans le Code criminel, qui prévoit des sanctions de cet ordre-là pour les individus, même les crimes les plus crapuleux. Alors, il y a cet élément excessif là.

Il y a, d'autre part, le fait que c'est arbitraire parce que la sanction ne sera pas en regard de la gravité objective du comportement. Ce n'est pas parce qu'une personne aura été plus ou moins délinquante qu'il va être puni plus ou moins grand, d'une façon plus ou moins importante, ça va être en raison du fait qu'il aura été plus ou moins gravement blessé. Alors, vous avez des gens qui auront juste passé le seuil, qui vont être gravement blessés, qui vont être atrocement punis, et des gens qui se seront comportés de façon répétitive de façon irresponsable, parce qu'ils sont pas blessés ou le sont jamais, sont pas punis. Donc, il y a pas... En droit pénal, quand on parle de sanction, il faut que la sanction soit proportionnelle à la gravité des comportements, et c'est tout à fait l'inverse, ça devient arbitraire. Donc, on crée une autre forme d'injustice. Ceci dit, je pourrais ajouter d'autres commentaires plus tard en réponse sur la question de cette hypothèse-là.

Poursuites civiles pour les victimes, pour aller chercher quoi? Bien, aller chercher le surplus, mais le surplus par rapport à quoi? Bien, dans la mesure où il y a des études qui sont établies à l'effet que les indemnités versées par le régime sont quand même relativement importantes, et parfois même plus généreuses quand on compte tout, et le fait qu'il y ait pas de frais d'avocat, de procès, et ainsi de suite, il est pas garanti que les gens vont aller chercher davantage auprès des tribunaux de droit commun. Et ce que je crains en plus, c'est que les gens utilisent les indemnités que la SAAQ leur aura versées pour financer des procès qui sont aussi aléatoires, coûteux et imprévisibles. Donc, est-ce que les victimes vont être nécessairement mieux? Je suis loin d'être certain.

Maintenant... Bon. Il y a aussi la question de la solvabilité. Est-ce que le débiteur va être solvable? Puis, à ce moment-là, est-ce que les procès vont être strictement en fonction du fait que la personne est solvable ou non? Puis là ça devient une loterie. Donc, sur ce point-là, pour les poursuites civiles, je maintiens mon point de vue, c'est pas opportun.

Est-ce que la SAAQ devrait exercer un recours subrogatoire pour se faire rembourser? Encore là, ça peut être tout à fait aléatoire, coûteux et illusoire dans bien des cas, et, d'autre part, on peut créer d'autres injustices. Bon. Me vient à l'esprit l'idée... Par exemple, vous avez un père de famille, encore là on parle évidemment beaucoup de pères de famille, mais vous avez un conducteur qui a des enfants, une femme, qui est blessé, et ses enfants et sa femme également sont blessés. Lui se trouve avoir été en situation de facultés affaiblies, donc on le priverait, lui, de toute indemnité. Il fait face à des poursuites. La SAAQ cherche à se faire rembourser. Mais la SAAQ en même temps indemnise sa femme et ses enfants, et là on irait chercher les indemnités qu'on a versées à la femme et aux enfants pour le priver lui et se rembourser? Ça devient un peu absurde là, comment on fonctionne à ce niveau-là.

Donc, à mon sens, les modifications proposées ? puis j'élaborai pas davantage, quitte à fournir des précisions en réponse aux questions ? m'apparaissent pas de nature à atteindre les objectifs, causeront d'autres injustices. Et aussi ça va créer une situation d'insécurité pour tous ceux qui sont détenteurs d'un permis de conduire ou propriétaires d'une voiture, en ce sens que... Évidemment, on a à l'esprit les cas de récidivistes et les irrécupérables, mais, en ouvrant la brèche, on va se trouver à atteindre tout le monde, et là ça crée une situation d'insécurité pour tout le monde. On s'expose tous, jusqu'à un certain point, à subir cette situation-là et on aura pas d'assurance. Donc, c'est un problème à mon sens très sérieux, et, à ce niveau-là, le remède m'apparaît pire que le mal.

Je m'en tiens à ça pour ce qui est du premier point sur l'alcool au volant. L'autre point que je souhaite aborder, c'est la question de l'interprétation de la Loi d'assurance automobile. Nous, la Loi sur l'assurance automobile, il y a différentes dispositions. On dit que c'est une loi à caractère social, remédiatrice, qui doit être interprétée de façon large et libérale. Et effectivement, c'est reconnu dans la jurisprudence, que ce type de loi là doit être interprété d'une façon large et libérale. Et l'analyse que j'ai faite de la jurisprudence à ce niveau-là m'amène à réaliser qu'il y a deux situations: une où la loi est effectivement interprétée de façon large et libérale et une seconde où c'est tout à fait l'inverse, où de façon très stricte on interprète les dispositions de la loi.

n(11 h 40)n

Pour ce qui est de la partie large et libérale, c'est lorsqu'il s'agit de déterminer si un accident est un accident au sens de la loi ou non. Bon. Est-ce que, par exemple, un cycliste qui évite une voiture sans la toucher et qui subit des blessures va être considéré comme ayant été victime d'un accident d'auto ou non? Ça a été interprété comme l'englobant. Les gens qui descendent de voiture, se blessent le pied avec un trou dans la chaussée, ça a été inclus. Et différentes situations où les tribunaux de droit commun ont interprété la loi pour donner toute la portée à loi qu'elle doit avoir, et parfois même un peu plus loin que ce que les législateurs avaient pensé. J'ai mentionné dans mon mémoire le cas du café au service à l'auto chez McDonald's. La personne arrive au guichet, se voit servir un café, ça l'ébouillante. Il veut poursuivre le restaurant, et le juge de la Cour supérieure vient dire: Bien, c'est dans le cadre général de l'usage de l'automobile. Bon. Heureusement, la Cour d'appel est venue corriger le tir. Mais il y a eu un excès d'enthousiasme, disons, de ce côté-là. Mais tout ça pour vous démontrer que, pour cet aspect-là, l'esprit de la loi au niveau de l'interprétation est respecté. C'est une interprétation large et libérale.

Sauf qu'une fois qu'on a été reconnu victime d'accident d'automobile et que là il faut faire le lien entre nos blessures, et notre situation, et nos problèmes, et l'accident d'auto, c'est une autre paire de manches. C'est carrément une autre paire de manches. Et à ce niveau-là on a différentes situations et différents critères jurisprudentiels qui ont été élaborés, entre autres par le Tribunal administratif du Québec et la commission des affaires sociales qui l'a précédé.

Dans mon mémoire, j'ai donné des exemples. Je vous en rappelle quelques-uns brièvement. Bon. On insiste, semble-t-il, beaucoup pour voir un lien direct entre les blessures et l'accident. Par exemple, l'affaire des aspirines. Vous avez un jeune qui a à peu près 10... neuf, 10 ans, subit un accident d'auto très grave, traumatisme crânien. On le ramène à un état mental... ça le ramène à un état mental d'un enfant d'un an et demi qui met tout dans sa bouche. Bon. On le soigne, on le garde en institution. Au bout d'un certain temps, on considère qu'il n'y a plus rien à faire avec lui en institution, on le retourne dans sa famille avec un encadrement puis des directives. Manque d'attention, manque de chance, l'enfant ramasse une bouteille d'aspirines, la vide au complet. Intoxication aiguë, décès.

Il est évidemment très clair et incontestable que sa situation de déficit mental est attribuable à l'accident, mais la jurisprudence est à l'effet qu'il n'y a pas de lien direct. Et, donc, on ne l'indemnise pas... on n'indemnise pas les parents pour le décès. Et là, en vertu d'un critère qu'on... élaborer par la suite de consolidations, on va indemniser tout ce qui se passe avant... pendant que la personne est en traitement, pendant que sa situation est pas stabilisée. Et là il y a un mur qui s'élève après. Tout ce qui survient après n'est pas indemnisé. On dit que c'est un nouvel événement.

Donc, est-ce que c'est une interprétation large et libérale de la loi? Certainement pas. Et on dit que c'est la loi qui veut ça. Quand on donne des... Par exemple, si je fais des résumés de la jurisprudence, la loi ne permet pas d'indemniser tel dommage même si les lésions... et ainsi de suite ? des extraits de décisions. Sauf que, quand je lis le texte de la loi, je ne vois pas de lien direct. On n'emploie pas le mot «direct» dans la loi. On parle: En raison de l'accident, et ainsi de suite. On n'emploie jamais le mot «direct». C'est la jurisprudence qui a fini par l'amener, et ça, inspiré des principes de droit commun en responsabilité civile.

Bon. On s'est dit: On sait pas trop quoi faire avec ça, le «no fault». Au niveau des règles de responsabilité, qu'est-ce qu'on va faire? Bien, on va s'inspirer du modèle de droit commun. Et, dans un contexte de droit commun, il y a deux personnes éventuellement qui sont devant le tribunal, et, s'il y en a une qui gagne, l'autre perd. Et, dans ce contexte-là, le tribunal peut faire preuve de plus de circonspection quand il s'agit d'attribuer les torts parce que, éventuellement, il y en a un des deux qui va payer au complet. Éventuellement. Même s'il y a beaucoup de cas de 50-50. Donc, le lien direct, on peut comprendre dans ce cas-là qu'on insiste beaucoup là-dessus. Mais, dans un régime public universel d'assurance automobile sans égard à la responsabilité, il m'apparaît que ces éléments-là, inspirés du droit commun, n'ont pas leur place ou devraient, jusqu'à un certain point, être passablement atténués.

Un autre exemple récent, parce que je lisais la jurisprudence des dernières années. Vous avez une personne qui a eu un accident de voiture il y a quelques années ? bon, peut-être 15 ans ? demeurée paraplégique, paralysée du bas... du bas en descendant. Quelques années plus tard, il décide, comme loisir, de faire du quadrimoto. Réussit à organiser sa moto. Sauf que, paralysé du bas, il n'a pas de sensations. Il se colle les jambes sur le moteur brûlant, brûlures au troisième degré. Et là demande à la SAAQ d'être indemnisé pour les pansements, et autres, et on lui répond: Dommages indirects. Confirmé par le tribunal. Pourtant, sa situation paraplégique et d'absence de sensations est immédiatement en rapport avec sa situation d'accidenté au départ.

C'est sûr qu'on pourrait dire: Bien à ce moment-là, c'est ouvert à vie jusqu'à un certain point. Où est-ce qu'on arrête? C'est sûr, il y a un risque, et c'est une opération délicate et difficile. Et les gens de la Société de l'assurance auto comme ceux du tribunal ont la responsabilité très lourde de déterminer où est-ce qu'on arrête puis où est-ce qu'on tire la ligne. Et je ne les envie pas nécessairement à ce niveau-là. Mais à mon sens, si on interprète la loi de façon large et libérale pour ce qui est déterminer un accident d'auto, pourquoi c'est une loi différente quand il s'agit de déterminer le lien entre les blessures et l'accident?

J'aurais d'autres cas, je pourrais vous en fournir, là, mais simplement pour vous situer, exposer la situation. On parlait des victimes par ricochet. Bien, jusqu'à un certain point, l'exclusion des victimes par ricochet tient peut-être à une interprétation stricte de la loi. Une interprétation du texte tel qu'il est permettrait peut-être de les englober si on interprétait «victime» comme... de façon large et libérale.

Donc, sur la question de l'interprétation évidemment qu'est-ce qu'on fait? On peut pas et vous pouvez pas directement, comme législateurs, donner des directives aux gens du Tribunal administratif, c'est un tribunal, et il a sa propre jurisprudence et il l'a élaborée. Au niveau du Tribunal, on peut peut-être modifier la loi, préciser des règles d'exigence de preuves et de procédures, peut-être pour leur transmettre un signal puis peut-être corriger certains effets de la jurisprudence.

Un exemple de ça, et j'en parle dans mon mémoire, c'est lorsque j'ai vu certaines décisions, peut-être pas une légion de décisions, mais certaines décisions où on considérait qu'il y avait rupture du lien de causalité lorsque l'accidenté, après... Puis là-dessus ça peut varier parce qu'il y a la question des soins en cours, et ainsi de suite. Mais j'ai lu certaines décisions où l'accidenté, par exemple, avait eu des problèmes de nature lombaire ou autre et essayait de faire le lien entre ses problèmes et l'accident. Et on lui répliquait qu'il y avait à ce moment-là eu intervention et que c'étaient probablement les soins qui étaient en cause. Alors, si ce sont les soins qui étaient en cause, on devrait pas l'indemniser parce que c'est pas l'accident d'auto, c'est indirect, et ainsi de suite. Rupture du lien de causalité.

Maintenant, il y a d'autres cas du genre. Donc, à ce moment-là on pourrait, pour ce cas précis là, prévoir une modification à la loi de la nature de celles qu'on trouve en matière d'accident de travail, maladie professionnelle, où prévoir que, quand c'est dans... à l'occasion des soins, et indépendamment de consolidation ou non, subis... ou suivis à l'occasion du traitement de l'accidenté, que ce soit considéré relié à l'accident d'auto. Il y a d'autres possibilités. Évidemment, on peut inviter les gens de la Société à revoir leurs directives internes pour revoir dans quelle mesure leurs pratiques peuvent être davantage conformes à l'esprit d'interprétation de la loi. C'est des possibilités à ce niveau-là.

Il me reste peut-être une minute, M. le Président? Je vais simplement évoquer brièvement l'hypothèse dont je vous ai parlé au début pour ce qui est d'ouvrir une porte pour les gens qui sont victimes ou dont les enfants ou les parents ont été tués par un chauffard ivre. On a la Charte québécoise des droits et libertés qui prévoit à l'article 1: Droit fondamental à la vie et à l'intégrité de la personne. Donc, on peut considérer jusqu'à un certain point qu'un accident, dans ces circonstances-là, serait une atteinte à l'intégrité et la vie de la personne. En passant, cette hypothèse-là, je vous la présente aujourd'hui. C'est à la suite d'une discussion que j'ai eue avec mon collègue Robert Kouri, professeur de responsabilité à l'Université de Sherbrooke, et je me suis permis de vous la présenter. Et je le salue en passant.

Donc, le droit à la vie et à l'intégrité de la personne reconnu par la Charte, la Charte a des recours. Bon, pour ce qui est des recours pour les dommages, c'est déjà couvert par le régime, des dommages ordinaires, dommages moraux, dommages... et ainsi de suite. C'est déjà couvert pour le régime. Par contre, il y a une dimension que la Charte pourrait ajouter, c'est ce qu'on appelle les dommages punitifs exemplaires. Et l'article 49.2 de la Charte prévoit que, lorsqu'il y a une atteinte illicite et intentionnelle à un droit reconnu par la Charte, la personne a droit à exercer des recours pour dommages punitifs exemplaires. Évidemment, là on a un problème. Dans quelle mesure on peut prétendre qu'un conducteur ivre s'est comporté de façon délibérée pour tuer quelqu'un? Ça, c'est le problème.

Maintenant, l'avantage que j'y vois d'une certaine façon, c'est qu'on sortirait à ce moment-là du débat du régime, on ouvre une porte du côté de la Charte. Et surtout c'est que l'article 1621 du Code civil vient jusqu'à un certain point délimiter la nature de la réparation et donne des directives au juge dans l'appréciation des dommages exemplaires. Et, parmi ces critères-là, je vous en nomme très brièvement.

n(11 h 50)n

On prend en compte toutes les circonstances appropriées: la gravité de la faute du débiteur, sa situation patrimoniale, l'étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier ainsi que, le cas échéant, la prise en charge du paiement réparateur en tout ou en partie. Donc, ça serait une voie possible. Il y a des obstacles. Ça implique à ce moment-là qu'on revienne sur la décision de la Cour suprême dans l'affaire Béliveau?Saint-Jacques. Je m'arrête là-dessus et j'attends vos questions. Je vous remercie de m'avoir écouté.

Le Président (M. Lachance): Très intéressant. Merci, M. Tétrault. Alors, nous allons amorcer la période d'échange avec M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Je voudrais vous remercier, moi aussi. D'abord, vous remercier pour deux choses: d'avoir accepté de revenir alors que dans les circonstances qu'on connaît, il y a deux jours... vous avez accepté de revenir alors qu'on avait ajourné nos débats, donc un double merci: pour la présentation et pour également votre compréhension des situations.

Je vous écoutais religieusement. On se regardait, le député de Shefford et moi. Sur la stricte analyse logique, je vous avoue qu'il y a peu de gens qui peuvent contester vos propos, parce que même sur la dissuasion, dans les États où il y a la peine de mort, il y a plus de meurtres puis plus de... qu'à certains États. Donc, on est bien obligé de, à partir des constats réels, reconnaître que, la dissuasion a posteriori, que vous avez sans doute raison dans votre analyse.

Mais en fait, ce avec quoi on est souvent pris, c'est sur le plan émotif, c'est sur le plan des perceptions. Sur le plan émotif, moi-même, quand il arrive des accidents comme à Thetford Mines ou encore un dernier... un dernièrement dans ma région, à Saint-Gabriel-de-Brandon, sur le coup même on devient même agressif. Pour certains, il y a un degré... un niveau de compréhension ou encore il y a une affectation qui est moins grande sur le plan personnel que d'autres personnes. Il y en a qui effectivement s'en remettront difficilement, si je regarde le groupe qui s'est présenté devant nous avant puis qui donnait l'exemple d'un monsieur de 75 ans. Moi, j'ai aussi des exemples de dames qui subissent des dépressions nerveuses très fortes à la suite de tels actes et qui s'en remettent difficilement.

Mais il y a la question de la perception. C'est que... Puis je suis content que vous l'ayez abordée, parce que ça va nous permettre au moins de faire des nuances qui s'imposent, malgré tout ce qu'on peut ressentir. Je vous donne un exemple concret. Quelqu'un qui tue un autre, qui a aucune blessure, il a pas d'indemnité. Il est pas indemnisé. S'il a eu quelques traitements à l'hôpital, mais que ça ne l'empêche pas de travailler mais qu'il est condamné à la prison, il est pas indemnisé pour la prison. Il est indemnisé s'il a une incapacité de travail. Ça, il y a beaucoup de gens qui l'oublient. Je pense que par votre intermédiaire au moins on rappelle ces faits. Et les sommes que ça représentent à date, là, on m'a donné des chiffres, mais c'est tellement minime. C'est beaucoup plus la perception des gens qui sont victimes, qui en prennent pour leur rhume, parce qu'au niveau des coûts c'est minime, effectivement. L'incarcération d'une personne qui a zéro revenu, s'il y a pas de séquelles, il coûte rien à la société.

Mais comment expliquer aux gens... Parce que vous allez par contre pour dire: On lui crée un préjudice. Si vraiment il y a des séquelles par contre et qu'on ne l'indemnise pas, on peut créer des préjudices à des dépendants, mais il n'y a pas de préjudice à ne pas indemniser quelqu'un qui a des séquelles puis qui est incarcéré suite à un jugement ou à une reconnaissance de culpabilité. J'aimerais vous entendre sur cette dimension-là.

M. Tétrault (Robert): D'accord. Donc, ce que vous évoquez éventuellement ce serait le fait de priver la personne qui aurait été déclarée coupable dans une situation d'alcool au volant ou de comportement criminel éventuellement de l'indemnité forfaitaire pour préjudice non économique. Dans la loi, il y a ce qu'on verse en termes de remplacement de salaire, et, lorsque la personne, par exemple, perd l'usage d'une jambe, garde des séquelles, perd un oeil, perd... ainsi de suite, on lui remet un montant. Et ce que vous évoquez, c'est que les personnes qui seraient déclarées coupables dans ces circonstances-là se verraient privées éventuellement. Et là vous dites: On la prive pas vraiment parce qu'elle est en prison ou... Disons, il y a une privation.

M. Chevrette: Il y a une charge collective que de payer pour un prisonnier. Il nous coûte, me dit-on... un prisonnier qui est condamné à deux ans, trois ans, quatre ans, peut nous coûter jusqu'à 80 000 $ par année, si on compte toute la gestion, l'encadrement, la surveillance. Il peut nous coûter jusqu'à 80 000 $ par année, et c'est un geste reconnu coupable, là. Il a été jugé correctement, il a eu la présomption d'innocence, il a eu la chance de se faire défendre bien souvent par l'aide juridique, parce qu'il y en a 43 % qui ont aucun revenu puis il y en a d'autres qui devaient être éligibles parmi le 41 % qui suit, en plus. Donc, dans 84 % des cas, c'est quasiment la société qui paie.

M. Tétrault (Robert): Bon, effectivement, au départ cette personne-là a souscrit au régime d'assurance.

M. Chevrette: Oui.

M. Tétrault (Robert): A, jusqu'à un certain point eu un comportement qui, dans d'autres régimes d'assurance, nous amènerait à dire qu'on nie couverture, ou ainsi de suite. Et ce serait un peu l'équivalent que vous évoqueriez pour ce qui est de la perte d'intégrité physique.

M. Chevrette: Par exemple quelqu'un... Je m'assure ma maison, mais je mets le feu, puis je suis reconnu coupable. Pensez-vous que la compagnie d'assurances va me payer ma maison?

M. Tétrault (Robert): Oui, mais là ce moment-là vous faites le parallèle entre une personne qui délibérément décide de se blesser alors que l'autre a mis le feu pour vraiment tirer les profits de son crime, là. Bon. Évidemment, on peut faire de analogies à ce moment-là...

M. Chevrette: Oui, c'est vrai, il y a une différence. Je le reconnais, là.

M. Tétrault (Robert): Maintenant, par ailleurs si vous vous souciez d'économies et vous dites... Imaginons que cette personne-là recevrait 40 % du 175 000 ou 180 quelques mille que la loi accorde. Bon, 40 % de... on parle de 60 000, 80 000 $, par exemple? Bon, à ce moment-là ça implique quoi? Ça implique une décision qui va conclure au niveau du comportement qu'il y a eu responsabilité qui justifie d'appliquer cette mesure-là, mais cette mesure-là et cette décision-là, attendez-vous qu'elle soit débattue. Il y a de l'argent à la clé. Parce qu'un avocat demandera pas mieux que de représenter un client dans ce contexte-là dans l'espoir éventuel d'aller chercher un pourcentage de la discussion.

Et ensuite, dans la mesure où il y a effectivement des blessures sérieuses, au niveau du processus pénal ça va créer des tensions, des distorsions, parce que l'accusé va chercher à échapper et à éviter toute reconnaissance de culpabilité parce que la reconnaissance de culpabilité et la collaboration au niveau du procès ou avec le procureur vont se traduire éventuellement plus loin en une perte importante d'argent. Et là ça met des grains de sable dans l'engrenage, pas juste au niveau de la Société de l'assurance auto mais aussi au niveau du processus pénal. Et là on commence à additionner toutes les instances, tous les recours, toutes les interventions qu'ils vont faire pour éviter cette situation-là et éventuellement aller récupérer par d'autres procès l'indemnité. Votre 80 000, il va y passer vite. C'est mon impression.

M. Chevrette: Ah! c'est votre point de vue, et, sur le plan de la logique, je reconnais qu'il se tient. Là où je suis carrément d'accord avec vous, en tout cas à moins d'une preuve contraire qui sera faite ici, c'est, lorsqu'on indemnise une personne, une victime, qu'on lui donne, je ne sais pas, un montant appréciable, mettons 175 000 $, et qu'on lui offre l'opportunité d'aller en chercher plus, par une ouverture ou une brèche que l'on ferait au droit de poursuite, cette personne-là n'est plus éligible à l'aide juridique. Elle devra payer elle-même son avocat pour faire des preuves et de longs procès, et je suis pas sûr qu'on y mangera pas sa prime, en plus. Ça, c'est depuis le début...

Je me rappelle, parce que j'étais ici, moi, dans le long débat de 1977-1978, et, même pour ouvrir un dossier présentement ? ouvrir un dossier ? dans le cas du «no fault» complet, sans brèche, pour un recours additionnel, il y a des gens qui exigent 4 000 $ avant même de commencer à parler. Puis, ça, ça je le sais, ils viennent me le dire dans mon bureau. Et on a pas commencé à parler. Puis on est loin, on est loin, là, du procès civil, puis de l'appel, puis, etc. Ça, c'est ma grande crainte puis j'ai l'intention bien sûr de faire valoir, cette crainte-là, parce qu'elle est... elle n'est pas fondée exclusivement sur du théorique, elle est fondée dans le gros vécu quotidien, dans la pratique.

Je veux vous entendre sur un dernier point, c'est celui de... le dernier point où vous semblez vous faire une ouverture à un amendement. J'aimerais que vous me le réexpliquiez pour que je comprenne bien.

M. Tétrault (Robert): Sur la question de la Charte des droits?

M. Chevrette: Oui.

M. Tétrault (Robert): Bon. Actuellement, la Charte des droits prévoit qu'il y a, quand il y a une atteinte à un droit en vertu de la Charte, des recours. Il y a la personne qui, dans un contexte tout autre que l'assurance auto, les accidents de travail, peut subir des dommages matériels, des dommages physiques, des dommages moraux, et la Charte prévoit, quand il y a une atteinte à ces droits-là, des mesures de recours en vertu de l'article 49, donc...

M. Chevrette: ...le fardeau de la preuve est imputé complètement à la victime?

n(12 heures)n

M. Tétrault (Robert): C'est-à-dire qu'à ce moment-là la victime va faire la preuve de l'atteinte. Maintenant, elle a par ailleurs l'assistance de la Commission des droits dans ces contextes-là, et là il y a la mécanique aussi de la Commission des droits de la personne qui intervient. Et elle peut... par ailleurs, il y a d'autres recours. J'entrerai pas dans la mécanique. Mais il y a cette possibilité-là, de recours pour les dommages généraux, mais il y a aussi et surtout les dommages exemplaires, et là, bien, on parle de dommages punitifs

M. Chevrette: Donc, c'est pas la Loi de l'assurance automobile.

M. Tétrault (Robert): Ce serait pas la Loi de l'assurance automobile qui serait en cause à ce niveau-là, en ce sens que c'est pas le régime, sauf qu'il faudrait créer par contre une exception dans l'article 83.52 de la loi, qui dit que «les indemnités tiennent lieu de tout droit et recours», pour permettre à ce moment-là...

M. Chevrette: De créer...

M. Tétrault (Robert): ...l'exception de 49.2° pour les dommages exemplaires. Mais là évidemment on parle d'atteintes illicites et intentionnelles. La porte est étroite, la porte est étroite. Et je vous la présente aujourd'hui parce que l'hypothèse que mon collègue Kouri a soulevée m'apparaît une piste éventuelle, et, à la limite, je préfère cette piste-là que l'autre que vous avez évoquée, de priver les gens du pourcentage de dommages pour préjudices pécuniaires... non pécuniaires, les indemnités forfaitaires.

M. Chevrette: Je vous remercie beaucoup de votre témoignage.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Oui. Merci, M. le Président. Bienvenue, Me Tétrault. J'ai écouté avec grand intérêt et j'ai lu votre mémoire aussi avec grand intérêt, parce que ça fait différent un peu de ce qu'on a entendu, et vous avez un raisonnement juridique qui se tient. Puis d'ailleurs, tout comme le ministre, on se regardait puis on se disait: Oui, ça du bon sens ce qui se dit là.

Vous prônez le statu quo en ce qui concerne les criminels pris en état d'ébriété au volant. Je me posais la question aussi, parce que le rôle du législateur, c'est de, également, faire connaître au public, à la société qu'il y a aussi apparence de justice. Et donc c'est de voir que le citoyen soit certain que justice est faite et qu'il y a au moins apparence de justice. Je comprends le raisonnement légal.

Est-ce que vous pensez qu'on pourrait pas peut-être toujours donner apparence de justice en conservant le statu quo, sauf en modifiant peut-être le code criminel, ou s'il y aurait une loi qui pourrait faire en sorte qu'il y a une amende statutaire donnée à ces criminels-là de par la loi? Est-ce qu'à ce moment-là ce serait acceptable juridiquement, et il y aurait apparence de justice au moins?

M. Tétrault (Robert): Quand vous parlez d'amende statutaire, vous dites à ce moment-là une amende en sus des amendes, par ailleurs, prévues?

M. Brodeur: Une amende, en fin de compte, que le juge aurait, je veux dire, la discrétion de donner tout dépendant de la gravité, de la gravité... Par exemple, si un type en état d'ébriété tue de façon tout à fait grossière, fauche des enfants sur le trottoir, donc on pourrait dire: Il y a une amende dans ces cas-là, qui pourrait aller jusqu'à 100 000 $. Ou bien, si le même type frappe une personne à l'état d'ébriété et lui casse une jambe, ça pourrait aller, je sais pas, jusqu'à 5 000 $, le genre de fourchette comme ça qui pourrait faire en sorte au moins qu'il y a une punition, qu'il y a apparence de justice et que ces sommes-là pourraient être destinées à autre chose et sans toucher au système «no-fault».

M. Tétrault (Robert): Mais dans votre esprit est-ce que cette amende-là est versée au gouvernement ou est-ce qu'elle est versée aux victimes?

M. Brodeur: On peut la verser aux victimes, oui, surtout aux victimes, parce que c'est eux en fin de compte qui subissent les dommages. Ce serait une façon de leur donner des dommages punitifs peut-être.

M. Tétrault (Robert): Maintenant vous vous trouvez à procéder un peu comme ça a été discuté dans l'affaire Sigouin en Cour d'appel. Je vais vous situer.

M. Brodeur: J'ai pas pris connaissance de l'affaire Sigouin.

M. Tétrault (Robert): Je vous la résume très brièvement.

M. Brodeur: Oui.

M. Tétrault (Robert): C'est qu'il y a eu des modifications au Code criminel à l'échelle canadienne pour permettre au juge, dans le cadre d'une ordonnance de probation, de prévoir des mesures de réparation et parfois des mesures de réparation monétaire, donc justice réparatrice, et ainsi de suite.

Et au niveau du Québec, sur la Côte-Nord, il y avait une personne qui a été trouvée coupable et avait tué des personnes. Et cette personne-là, dans le cadre d'une ordonnance de probation, avait ? et ça avait été fait de suggestions communes, je pense, la défense et la couronne ? évoqué que le juge ordonnait de verser un montant d'argent aux victimes par tranches de 10 000 pour tenir lieu de réparation dans le cadre de l'ordonnance de probation. Et il y a eu discussions au niveau de la Cour d'appel, et la Cour d'appel en est venue à la conclusion, que je partage personnellement, qu'à ce moment-là c'est incompatible avec l'idée qu'on se fait de notre régime d'assurance automobile, de ne pas faire des catégories de victime à ce niveau-là. Et la Cour d'appel est intervenue pour déclarer, dans le contexte de la loi québécoise, au niveau de la cohérence de l'ensemble des lois, que c'était pas une mesure opportune.

M. Brodeur: Donc, une amende, pure et simple peut-être payable au ministère serait acceptable dans ce cas-là.

M. Tétrault (Robert): Bien, dans ce cas-là il y aurait peut-être pas la restriction du fait que ça créerait pas la distorsion au niveau de régime de l'assurance automobile puis la distinction entre victimes.

Mais l'autre question, c'est que, quand vous imposez une... 100 000 $ d'amende à un chauffard ivre, je vais dire, ça va se traduire quoi en bout de la ligne? En des peines d'emprisonnement additionnelles parce que, strictement, il va être lavé puis il aura pas les moyens de la payer?

M. Brodeur: On pourrait établir une fourchette. C'est une hypothèse que j'émets.

M. Tétrault (Robert): Oui, là-dessus, vous pourrez peut-être discuter...

M. Brodeur: J'essaie de trouver au moins une apparence de justice pour les gens qu'on a entendus depuis quelques jours ici, là.

M. Tétrault (Robert): En fait, ce serait de demander d'accroître les peines en matière de sanctions pénales pour les récidivistes et les irrécupérables. On peut peut-être penser que ça serait une situation, mais il faudrait que j'analyse davantage l'hypothèse que vous m'avez soulevez pour vraiment me prononcer, là, mais j'ai des réserves.

M. Brodeur: Oui. Comme deuxième question, vous avez d'entrée de jeu dit que... en fin de compte évoqué le statu quo en ce qui concerne l'alcool au volant, vous avez en terminant soulevé une suggestion d'un de vos collègues concernant peut-être l'ouverture de poursuites en dommages punitifs sous la base de la Charte des droits et libertés. Il y a pas en fin de compte une incohérence...

M. Tétrault (Robert): Il y a une certaine contradiction.

M. Brodeur: ...dans ces propos-là? Parce que là vous ouvrez carrément, par une technicalité juridique, vous ouvrez la porte à un recours civil contre justement ces criminels-là. Il y a peut-être incohérence d'un point à l'autre.

M. Tétrault (Robert): C'est-à-dire que là-dessus évidemment j'ai pas eu l'occasion ce matin de fournir tous les détails et tous les rapports qui doivent exister entre les régimes et les difficultés que ça pose, mais je me dis: Si vraiment le gouvernement en vient à conclure qu'il est absolument nécessaire pour répondre aux réactions que suscite l'application de la loi telle qu'elle est et qu'il avait à choisir une solution qui permettrait aux victimes d'avoir une prise directe jusqu'à un certain point, parce que ce sont eux qui vont réclamer ces indemnités pour dommages punitifs, qui éviterait de créer des distorsions au niveau de la Société de l'assurance auto au niveau des liens de causalité, et ainsi de suite ? on met pas ça dans le régime, c'est à côté ? qui éviterait des dérapages en termes d'indemnité à n'en plus finir pour des choses qui sont absurdes, parce qu'il y a des balises que le juge se voit imposer pour tenir compte du dommage punitif, et qui aurait peut-être à ce moment-là... fournirait une occasion à ces victimes-là d'être entendues et d'avoir moins l'impression d'être laissées pour compte, à tout prendre, s'il y avait une ouverture, ce serait celle-là.

M. Brodeur: Mais le résultat final est le même. Peut-être qu'il y a un exercice juridique, mais le résultat final est le même.

M. Tétrault (Robert): C'est-à-dire que le résultat est pas le même, en ce sens que ça ne prive pas la personne qui chauffait en état d'ébriété de ses indemnités. Bon, c'est sûr qu'on va dire: Il va prendre les montants éventuellement, s'il est condamné, de ses indemnités pour le payer. Peut-être. Ça n'ouvre pas des poursuites civiles pour le surplus pour, par exemple, déterminer que, bon, le plafond du régime, c'est à tel niveau, au niveau des salaires, on demande la différence. C'est pas à ce niveau-là. Ça ne crée pas de... Ça n'impose pas de devoir à la Société de l'assurance auto de récupérer ou de tenter de récupérer les sommes auprès du conducteur responsable. C'est vraiment à part, dans une ouverture très définie et très limitée.

M. Brodeur: Mais tout le monde prendrait l'ouverture.

M. Tétrault (Robert): Mais encore faudrait-il à ce moment-là déterminer quelles sont les circonstances. Il faut vraiment établir que c'est de la nature d'une atteinte illicite intentionnelle. Il va... On peut s'attendre effectivement à ce que la Commission des droits de la personne, si on crée cette ouverture-là... Et vraisemblablement vous serez invités, si vous y... vous analysez plus loin ou cherchez à pousser plus loin cette hypothèse-là, à soumettre la question aux gens de la Commission des droits de la personne comment ils réagiraient. Ils seront peut-être pas d'accord, là, parce qu'évidemment il y a le fardeau administratif qui va suivre. Mais à tout prendre, à tout prendre, si on cherche vraiment une porte de sortie pour répondre à l'indignation ou à la situation des personnes qui, à bien des égards, et je le conçois, sont laissées ou se sentent laissées pour compte, j'aime mieux celle-là.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Marquette.

n(12 h 10)n

M. Ouimet: Merci. M. Tétrault, faites-vous un lien direct entre la non-indemnisation des victimes et la culture administrative de la Société de l'assurance automobile du Québec? Parce que vous l'évoquez un petit peu dans votre mémoire, vous parlez beaucoup de l'interprétation large et libérale qui semblait être présente pour définir, par exemple, ce que constitue un accident, mais on ne retrouve pas la même interprétation lorsque vient le temps d'établir le lien entre l'accident et puis les victimes qui a subi... c'est-à-dire les blessures qu'a subi la victime, pour fins d'indemnité.

M. Tétrault (Robert): Bon, au niveau de la structure administrative de la Société de l'assurance auto... Je dois d'abord préciser que je ne suis pas en pratique, je suis essentiellement professeur, dans mon bureau. Je fais de l'enseignement et de la recherche. Je tire des conclusions à partir de la documentation que j'analyse et des commentaires que je peux recevoir, et ainsi de suite. J'ai par ailleurs des contacts avec les gens de la Société de l'assurance auto comme j'ai des contacts avec des procureurs dans le milieu qui défendent des gens devant l'assurance auto.

Ce que je peux dire, c'est que la Société de l'assurance auto a un contexte... vit dans un contexte un peu différent de celui qu'on connaît en matière d'accidents de travail. En matière d'accidents de travail, il y a la présence des syndicats qui est très importante. Et les victimes, de tout temps, ont été très soutenues. La Loi sur les accidents de travail, c'est le fruit de longues luttes. Il y a des traditions très ancrées et il y a beaucoup de pression ou un certain équilibre entre la CSST ou les employeurs et, jusqu'à un certain point, les travailleurs ? bon, il y a des représentants de travailleurs qui disent que l'équilibre est rompu maintenant, et ainsi de suite, mais ça, c'est autre chose ? alors que la Société de l'assurance auto, jusqu'à un certain point, a affaire à des victimes qui sont dans toutes les couches de la population, dans toutes les caractéristiques.

Et c'est très difficile de regrouper les victimes pour faire une pression efficacement peut-être à l'égard de la Société de l'assurance auto face à certaines pratiques qui peuvent être contestables ou critiquées. Bon, il y a le cas où le Protecteur du citoyen est arrivé, qui est intervenu à quelques reprises. Il y a différentes campagnes qui ont été menées pour mettre la lumière... ou mettre en lumière certaines pratiques qu'on pouvait juger discutables ou contestables.

Et, ce que je peux dire, ce que je perçois, c'est que, de la part de la Société de l'assurance auto, ils cherchent à faire un travail sérieux, de bonne foi, mais parfois la rigueur, c'est peut-être un peu sévère et très sévère. Je vous ai donné des exemples. Évidemment, il y a un jeu de... c'est un cycle à un moment donné, parce que les procureurs de la Société de l'assurance auto présentant le point de vue la Société de l'assurance auto devant le Tribunal administratif et étant présents de façon régulière et constante finissent par convaincre le Tribunal administratif de leur point de vue, et là ça devient une jurisprudence, et ensuite la SAAQ invoque la jurisprudence du Tribunal. Et on en sort pas.

M. Ouimet: Mais si je vous donne un exemple. Par exemple, ce qui m'a été rapporté il y a un an, je sais pas si les correctifs ont été apportés par la suite du point de vue de la SAAQ, mais au niveau du Tribunal administratif du Québec, il ne se faisait aucune conciliation et aucune médiation en ce qui concerne tous les dossiers relevant de la Société de l'assurance automobile du Québec. Ça, c'était une pratique qui existait, qui a été constatée. Je sais pas si ça a été corrigé depuis que ça m'a été...

M. Chevrette: ...c'est 500 cas de conciliation et de médiation.

M. Ouimet: 500. Ça a commencé?

M. Chevrette: Ça a commencé.

M. Ouimet: Ça a commencé. C'est parce que je voulais en venir à la question de la directive, où vous faites état à un moment donné dans votre mémoire, là, que le ministre des Transports pourrait donner une directive.

M. Tétrault (Robert): Ou amener la Société à revoir ses directives internes.

M. Ouimet: Est-ce qu'on va corriger par ailleurs, si on... Si la directive est donnée par le ministre et par la suite suivie par la SAAQ au niveau d'une interprétation large et libérale, est-ce que, ça, ça ne va pas corriger par la suite ce qui va se passer devant le Tribunal administratif du Québec? C'est-à-dire, si on applique la directive correctement, si elle est donnée cette directive, les dossiers n'iront pas devant le Tribunal administratif du Québec?

M. Tétrault (Robert): Bien, on peut penser, d'une part, qu'il y a moins de dossiers qui vont se présenter devant le Tribunal, au départ, et éventuellement il y a peut-être à l'occasion, face à certains dossiers, le mot se passant ou l'idée faisant son chemin, peut-être que le Tribunal, lui-même, pourra en venir à libéraliser son interprétation. Et à ce moment-là on peut peut-être aussi par le biais de directives administratives dans la loi même, mais là, c'est un instrument un peu difficile à manier, là, indiquer l'intention que la loi soit interprétée de façon large et libérale et l'écrire.

Il y a une disposition de cet ordre-là, mais assez exceptionnelle dans la Loi sur les pensions, qui vise l'indemnisation des anciens combattants qui subissent des invalidités, et la loi dit clairement que la loi doit être interprétée de façon large et libérale, reconnaissant le devoir du peuple canadien à l'égard des gens qui se sont battus pour lui. Et au niveau des règles de preuve et d'admissibilité de la preuve, on prévoit que tout élément crédible présenté et non contredit doit être accepté, qu'on doit donner le bénéfice du doute au réclamant. Mais ça, c'est des mesures extrêmes dans un contexte d'une clientèle très particulière. Mais c'est le législateur par le biais de règles d'interprétation dans la loi, qui donne un signal et à ce moment-là avise le Tribunal de revoir sa façon de voir les choses.

M. Ouimet: Est-ce que ça serait souhaitable au niveau de la Loi sur l'assurance automobile au Québec?

M. Tétrault (Robert): Bien, on...

M. Ouimet: De s'inspirer...

M. Tétrault (Robert): J'en suis peut-être pas là. Comme je vous dis, c'est un instrument, là, qui est difficile à manier. Ce qu'on pourrait peut-être voir, mais encore là il faut voir les impacts, on parlait tantôt de lien direct. La loi n'emploie pas «direct» dans le vocabulaire qui... «en raison de l'accident», «suite à l'accident», il y a pas le mot «direct». Est-ce qu'on devrait dire «direct» et «indirect»? Là je suis pas sûr nécessairement que c'est souhaitable, parce qu'il y a d'autres effets pervers quand on change à ce niveau-là. Il faut être prudent.

M. Ouimet: Alors, comme outil pour le législateur, pour venir modifier la jurisprudence actuelle, qui semble être beaucoup trop... beaucoup plus favorable à l'État et à la Société de l'assurance automobile du Québec par rapport à la victime d'accident, quel moyen avons-nous à notre disposition si on veut... si on veut tenter de redresser la situation?

M. Tétrault (Robert): Bon. Un des moyens que j'ai indiqués, c'est, dans des cas précis, comme la question des soins, indiquer que, lorsqu'une blessure résulte de soins prodigués en lien avec l'accident, à ce moment-là que ce soit considéré un accident d'automobile. Pour ce qui est des autres dispositions, comme j'ai dit, j'hésitais à entrer, à inclure le mot «direct» ou «indirect» au niveau des dommages, parce que, là, on peut créer plus de distorsion que d'autre chose à ce niveau-là.

On pourrait peut-être faire une disposition interprétative générale au début de la loi concernant le fait que, d'une part, c'est une loi qu'on dit remédiatrice à caractère social et que c'est une loi où les gens... pour laquelle les gens... qui constitue le seul recours finalement pour les gens, parce qu'il y en a pas d'autre une fois qu'on a reconnu que c'est un accident d'automobile, et on n'a pas la possibilité d'aller à l'extérieur. Compte tenu de cet élément-là, la loi doit être interprétée de façon large et libérale pour assurer l'indemnisation de toutes les victimes. Ça serait peut-être une disposition interprétative générale au début de la loi, qui pourrait avoir cet effet-là. Et là les membres du Tribunal administratif, se voyant donner un signal par le législateur, pourraient être amenés à peut-être revoir certains de leurs principes jurisprudentiels.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Tétrault, pour votre participation aux travaux de cette commission. Je signale que vous étiez le douzième groupe ou personne à se présenter devant la commission depuis le début de nos travaux. Ça se poursuivra la semaine prochaine.

Alors, j'annonce l'ajournement de la commission au mardi 25 septembre 2001, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 12 h 17)



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