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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 23 novembre 2005 - Vol. 38 N° 51

Consultations particulières sur le projet de loi n° 118 - Loi sur le développement durable


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Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Pinard): Maintenant que le secrétaire est parmi nous, on va pouvoir commencer. Alors, je faisais mention aux membres de la commission que la personne la plus importante ici, alentour de la table, c'est le secrétaire. Alors, M. le secrétaire, je constate le quorum. Et je déclare ouverte la Commission des transports et de l'environnement. Nous débutons nos travaux qui consisteront à recevoir 53 groupes, à entendre 53 groupes, et, cet après-midi déjà, immédiatement après les remarques préliminaires, nous allons débuter nos travaux en recevant le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec, suivi du Centre québécois de développement durable. C'est tout pour cet après-midi.

Remarques préliminaires

Alors, sans plus tarder, j'inviterais M. le ministre de l'Environnement à bien vouloir formuler ses remarques préliminaires.

M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Nous allons aborder, aujourd'hui, une étape très importante de l'adoption du projet de loi sur le développement durable: celle d'entendre divers groupes et organisations sur notre Plan de développement durable et plus particulièrement sur le projet de loi lui-même. Ça va nous conduire par la suite à une analyse de fond sur le contenu, article par article, de cette législation qui a provoqué un très grand intérêt. J'ai eu l'occasion un peu plus tôt de mentionner qu'on a reçu tout près de 600 mémoires. C'est quelque chose.

n (15 h 40) n

Pour ceux et celles qui l'auraient oublié, par ce projet de loi sur le développement durable, nous voulons institutionnaliser le concept de développement durable. Nous faisons le pari que cette institutionnalisation, comme ce fut le cas en 1972 avec l'adoption de la Loi sur la qualité de l'environnement, permettra de réaliser nos ambitieux engagements en développement durable.

C'est quoi, le développement durable, M. le Président? Bien, on peut dire que trois réalités doivent apprendre à coexister: d'abord l'environnement, mais aussi l'économie et le social. Ce sont trois dimensions sur lesquelles nous devons travailler pour une meilleure qualité de vie: le milieu de vie, le niveau de vie et le mode de vie. Et il nous faut aussi viser une intégration constante de trois types de responsabilités: des responsabilités sociales, environnementales et économiques. Je me permets une définition formelle: un développement durable qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. Cette définition va devenir une réalité, d'abord, lorsque les sphères de l'activité économique et de l'environnement rendront les milieux de plus en plus viables, ensuite, lorsque notre responsabilité sociale et notre responsabilité environnementale permettront le développement d'environnements viables et, finalement, lorsqu'une plus grande équité s'établira entre les diverses considérations économiques et sociales.

Le projet de loi donc garantit ce nécessaire encadrement juridique et constitue un nouveau cadre institutionnel pour la mise en oeuvre du développement durable. Il y a des principes de développement qui sont inscrits dans la loi. Ils sont là pour guider le sens à donner au développement durable et aussi pour assurer que toutes les dimensions que je viens de mentionner seront visées et prises en compte. Ça, évidemment, ça va rendre plus crédibles et plus sûrs la démarche et les résultats. Et c'est aussi pour exprimer toute la complexité et la diversité du concept.

Qu'est-ce que c'est donc, la loi? Bon. Ça institutionnalise le concept, mais aussi ça remplit l'engagement que le gouvernement doit prendre s'il veut vraiment rencontrer les objectifs tels qu'établis par les Nations unies. Ça prend quoi? Ça prend un engagement au plus haut niveau de l'État. Dans notre système, ça veut dire au niveau du Conseil des ministres présidé par le premier ministre. Je suis très fier de rappeler aux gens qui peut-être ne le savent pas que M. Charest, l'actuel premier ministre du Québec, était celui qui a présidé la délégation du Canada au Sommet de Rio, en 1992, qui a jeté les bases du développement durable. Pour moi, son appui a été d'une très grande importance à chaque étape, parce qu'on est en train de présenter, aujourd'hui, une des lois les plus complètes et les plus ambitieuses au monde et définitivement celle qui va aller le plus loin en Amérique du Nord dans cet important domaine.

Donc, on a une stratégie qui est basée sur des principes qu'on va avoir beaucoup de temps pour étudier et comprendre avec les gens qui vont se présenter devant nous. Mais en marge de ça... Je peux vous dire que j'ai rencontré quelques étudiants de votre comté tout à l'heure, M. le Président. J'imagine que, si on demandait aux étudiants de marquer leur propre copie, ils auraient spontanément tendance à se donner des bonnes notes. Je suis sûr que les politiciens en feraient autant. Mais, étant dans un domaine qui est d'un intérêt pour l'ensemble de la population et pour les générations futures, on ne se contentera pas de marquer notre propre copie.

Donc, on va avoir, en marge de ça, un oeil vigilant externe, hautement indépendant car rattaché au bureau du Vérificateur général, qui viendra, par un rapport régulièrement déposé devant l'Assemblée nationale, nous dire si, oui ou non, on est en train de remplir notre engagement. Cet engagement va être pris pas juste par le gouvernement sous forme de la stratégie, mais par la suite chaque ministère et organisme va être responsable de nous dire comment ils vont s'y prendre pour rencontrer leurs engagements.

Une des choses qui est d'un très grand intérêt dans le projet de loi, c'est le Fonds vert. Un des engagements de notre gouvernement est d'assurer un financement stable aux groupes environnementaux. Grâce au Fonds vert, on va y arriver. À termes, ce Fonds vert va être doté de plusieurs dizaines de millions de dollars par année qui vont pouvoir aller pour des activités liées à l'environnement, et notamment pour financer les groupes environnementaux et leurs activités.

Je donne un exemple, car le premier groupe qu'on va entendre, dans quelques minutes, est le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec. Les CRE, comme on les appelle, sont un phénomène qui reflète la modernité dans l'administration, en plus d'être des gens extrêmement dévoués, des bénévoles qui travaillent très proche du terrain avec très peu de structures.

Si vous voulez voir la différence entre la vieille façon d'envisager l'administration publique... je vous invite à mon bureau qui est dans la grande tour que tout le monde, à Québec, connaît sous le nom de l'édifice Marie-Guyart ou encore mieux l'édifice G. Nous, on est au trentième étage, et vous voyez un reflet de son époque. Cet édifice a été construit à la fin des années soixante, début des années soixante-dix. C'était l'oeil omniscient de l'État qui veillait à tout, le gouvernement qui disait aux régions qu'est-ce qu'il fallait faire ou qu'est-ce que le gouvernement allait faire.

Maintenant, avec des regroupements comme les conseils régionaux en environnement et un autre groupe très important pour nous, des interlocuteurs extrêmement importants qui sont les organismes de bassins versants, ce sont les milieux qui s'organisent, qui prennent centralement un certain nombre de ressources. On les dote de fonds, tout à fait insuffisants au moment où on se parle, mais qui vont être bonifiés avec le Fonds vert, et, eux, ils s'organisent, ils nous disent ce dont ils ont besoin.

Vous savez quoi? C'est en train de marcher. On a une gestion de l'eau par bassin versant aujourd'hui, au Québec, et, si je regarde ce qui se passe dans le coin de la baie Missisquoi où nous mettons toutes les forces vives du milieu à contribution, on est en train vraiment de réussir des prodiges. À l'été 2003, quand on est arrivés au pouvoir, l'eau a connu des épisodes de cyanobactéries tellement aigus dans ce cours d'eau là, dans la baie Missisquoi, qu'un chien qui buvait l'eau allait mourir. Il y a eu des cas de ça, littéralement.

On a mis à contribution le monde des associations qui travaillent pour la protection, par exemple Canards Illimités, Conservation de la nature, on a acquis ce qu'on pouvait comme marais filtrants, comme marécages. On a appliqué, avec les ressources municipales du coin, la bande protectrice. On a travaillé main dans la main avec le monde agricole. Parce qu'il y a une chose que vous ne m'entendrez jamais faire, c'est de blâmer le monde agricole. Je blâme plutôt une série de gouvernements, peu importe leur couleur politique, d'avoir fait défaut d'appliquer les lois. Et donc notre leitmotiv, notre marque de commerce, c'est une application rigoureuse de la loi d'une manière égale à tout le monde. En 2004, les gens qui tirent leur vie de la baie Missisquoi ont réussi à rester ouverts jusqu'à la fin des vacances de la construction, une vaste amélioration. 2005, malgré un été très chaud, c'est resté ouvert tout l'été. Je ne dis pas que c'est une garantie pour 2006, mais je dis qu'on est en train de travailler les résultats. Et la bonne nouvelle là-dedans, c'est que c'est réversible.

Donc, au cours des prochaines semaines, avec mon collègue du Lac-Saint-Jean, on va avoir l'occasion d'entendre des exemples comme ça, des exemples où, en appliquant la loi rigoureusement, on peut arriver à un résultat. Dans l'exemple que je viens de vous donner, j'ai aussi mentionné une activité économique. Il y a des gens de la place qui tirent leur vie de ça. Donc, l'économique, l'environnement et le social, c'est ça, le développement durable, les trois pôles qu'on doit regarder.

On a déjà fait une vaste consultation, mais on continue aujourd'hui parce que, si on veut avoir des bonnes assises pour ce projet de loi, il faut qu'il y ait un énorme appui dans le public. Je l'ai mentionné, 582 mémoires reçus et analysés, 370 mémoires entendus. J'étais là pour tous et chacun. On a reçu plus de 4 000 recommandations puis on a rencontré plus de 3 500 personnes lors de la tournée. Il y a un fort appui à la démarcher et au cadre législatif, un fort appui aussi à la modification à la Charte des droits et libertés de la personne, au Fonds vert, bien entendu, et au principe du commissaire.

Il y aurait des définitions qui risqueront de changer. On a certaines améliorations que, nous, on va proposer sur la base de ce qui a été entendu puis, pour nous, encore une fois, la participation de la population est particulièrement importante. D'une façon générale, les participants aux audiences s'entendent sur la nécessité d'entreprendre la démarche proposée et l'importance d'adopter une vision globale.

On a plusieurs citations, on a plusieurs groupes qui vont nous partager leurs constats, mais je peux vous dire ceci: Une des rares critiques que j'ai entendues du côté de l'opposition nous disait que c'était un peu long. Je leur donne raison là-dessus, c'est long. Mais c'est un gage du sérieux de la démarche. J'ai appris, parce que celui qui m'a précédé, André Boisclair, a fait énormément d'annonces en environnement. Beaucoup étaient pour l'image, mais le travail de fond que nous sommes en train de proposer pour les générations futures requiert du temps. Si on ne veut pas que ce soit juste une annonce, si on ne veut pas que ce soit juste pour l'image, si on veut que ce soit du réel, il va falloir qu'on réalise que ça va prendre du temps pour tout mettre la structure en place. Mais mon désir le plus... en terminant, M. le Président, c'est que le projet de loi puisse être adopté avant Noël pour toutes les bonnes raisons qui sont liées à la loi elle-même mais surtout pour fournir un financement stable aux groupes environnementaux grâce au Fonds vert. Merci, M. le Président.

n (15 h 50) n

Le Président (M. Pinard): Merci, merci, M. le ministre de l'environnement. Y a-t-il d'autres membres du côté gouvernemental qui veulent s'exprimer? Alors, maintenant je céderais la parole au critique officiel de l'opposition en matière d'environnement, M. le député du Lac-Saint-Jean. M. le député.

M. Stéphan Tremblay

M. Tremblay: Merci, M. le Président. C'est effectivement avec beaucoup d'enthousiasme que j'entame cette consultation d'une thématique qui à mon sens est extrêmement importante, soit le développement durable. J'ai eu la chance d'être nommé porte-parole en environnement il y a de ça deux ans et demi, et ça m'a forcé à explorer tout cet univers complètement fascinant et, je dirais, parfois inquiétant. Je dis «inquiétant» parce que, bon, il y a toutes sortes de chiffres qu'on entend en terme environnemental, et, moi, j'en ai un qui m'a sonné vraiment, c'est-à-dire que, si l'ensemble de la planète vivait comme nous vivons en Occident, c'est l'équivalent de cinq planète terre que ça prendrait en termes de ressources, en termes de matériaux, d'énergie, d'eau et de tout ce qu'on rejette dans l'environnement. Et, quand on regarde ce qui se passe en Chine, en Inde, mais particulièrement la Chine, où un humain sur cinq est Chinois et aspire à avoir notre niveau de vie, et que bien d'autres nations dans le monde cherchent à avoir notre niveau de vie, c'est inquiétant. On ne peut pas continuer dans la même voie. Il faut changer. À cet égard, le développement durable tente d'apporter une solution. Et le ministre en a fait souvent mention, peut-être pas aujourd'hui, mais dans le cadre de sa tournée où il a eu tout près de, bon, 500, 600 mémoires, d'exemples fascinants de ce que l'on peut faire avec le développement durable. C'est-à-dire, et là je peux parler de certains secteurs, je peux parler notamment du transport, où absolument une des grandes problématiques environnementales qu'on a dans ce monde, c'est la voiture et l'énergie qu'elle consomme et la pollution qu'elle rejette. À titre d'exemple, les nouvelles technologies, ces dernières années, nous permettent maintenant de diminuer considérablement notre consommation. Ma propre voiture, qui est une voiture hybride ? et hybride, ce n'est pas toujours la panacée à tout, mais bon ? fait en sorte que je consomme cinq litres aux 100 km. Et je souhaite, M. le Président, que d'ici quelques années ce sera trois litres aux 100 km et que mes enfants rouleront peut-être avec une voiture avec zéro litre aux 100 km, puisqu'on aura trouvé d'autres formes d'énergie qui feront en sorte que ce sera bon pour l'environnement.

Au niveau de l'habitation, des infrastructures, des bâtiments, je vois ici quelqu'un, dans cette salle, qui, cet été, s'est construit une maison écologique. Et je pense que c'est ça qui s'en vient, c'est ça vers où on devra se tourner, c'est-à-dire des édifices, et je pense que vous avez certainement dû entendre parler de l'édifice du Cirque du Soleil ou d'un des pavillons de l'École polytechnique, qui consomment beaucoup moins d'eau, beaucoup moins d'énergie, que la provenance des matériaux est faite de façon réfléchie. On analyse le cycle de vie des produits.

Et, M. le Président, j'en arrive à une conclusion, c'est qu'il y a vraiment plein de choses à faire en développement durable, plein de choses fascinantes. Et, même au niveau des entreprises, il y a plein d'entreprises au Québec qui se sont tournées vers des approches de développement durable. Et savez-vous quoi? C'est qu'ils réalisent qu'en faisant des gains environnementaux on arrive à faire des gains économiques. C'est qu'avec un investissement initial, hein, au niveau de la production de ces entreprises-là on arrive à diminuer l'impact sur l'environnement et de fait à sauver de l'argent. Et donc on s'aperçoit que l'environnement n'est plus une problématique, hein, ce n'est plus comme des règles qui font tout le temps en sorte que c'est un problème pour les entreprises, mais c'est une opportunité d'affaires. Et il y a plein d'exemples comme ça, et je pense que durant cette consultation on va avoir la chance d'en entendre.

Et, moi, je pense que nous pourrions, au Québec, faire une petite révolution, c'est-à-dire montrer l'exemple, à travers le monde, que l'on peut se servir de ces technologies et diminuer notre empreinte écologique et, en se servant de cette approche, réduire notre empreinte écologique et accroître notre produit intérieur brut, parce qu'on fera plus d'argent. Je vois des députés en face qui réagissent et qui n'y croient pas, mais on a trop d'exemples qui nous démontrent que c'est possible, d'autant plus qu'on pourrait aller encore plus loin, M. le Président. C'est que le Québec, par son ingéniosité, pourrait devenir un endroit privilégié au monde pour être l'inventeur, le producteur, le concepteur de ces technologies environnementales et développer une filière économique pour faire en sorte qu'on pourrait créer de l'emploi en recherche, en développement. Il y a tellement de choses à faire, M. le Président. C'est complètement emballant, et c'est pour ça que c'est avec beaucoup d'enthousiasme et beaucoup d'espoir aussi que j'entends des gens à travers le Québec qui veulent se tourner vers le développement durable.

Sauf qu'aujourd'hui, M. le Président, nous avons un projet de loi qui dit: Oui, au Québec, nous allons faire du développement durable... En fait, ce n'est pas le Québec, c'est l'appareil administratif. On dit, on demande, d'ici un an, à chaque ministère de développer un plan d'action, une stratégie, et, dans deux ans, on développera des indicateurs. Et donc déjà que ça fait deux ans et demi qu'on attend, ça veut donc dire qu'il ne se passera pas grand-chose en matière de développement durable dans ce mandat-là.

Et, moi, je vais vous dire sincèrement, là, je me sens comme avoir un gros carré de jardin devant moi puis de cultiver juste une petite rangée de carottes, finalement. C'est que je reste sincèrement sur mon appétit quand le ministre, hein, n'a pas arrêté de dire, et c'est vrai, parce que les fois que je suis allé en consultation à travers le Québec, lors de l'avant-projet de loi... il se fait plein d'exemples fascinants d'éco-efficacité, de saine gestion des matériaux, de saine gestion de l'énergie, de nouvelles techniques énergétiques propres, de gestion des déchets, de gestion de l'eau.

M. le Président, le Québec pourrait entamer un fantastique chantier, et, aujourd'hui, on a un projet de loi d'un gouvernement qui... Une chance qu'on a forcé la vis parce que, quand j'ai dit au gouvernement que l'opposition officielle souhaitait avoir 50 groupes, écouter 50 groupes, il a fallu négocier, d'autant plus qu'on aura juste 45 minutes pour un projet de loi qui est supposé être la pierre angulaire de ce gouvernement. J'ai dit: Écoute. J'ai dit au gouvernement: Au moins 10 % des mémoires, parce que, moi, je n'étais pas là, les parlementaires n'étaient pas là pour entendre ce que les groupes ont à nous dire.

Donc, M. le Président, nous allons écouter les groupes aujourd'hui, groupes environnementaux pour plusieurs, groupes environnementaux qui, hier, plusieurs ont dit qu'ils n'avaient plus confiance au ministre de l'Environnement. D'autres ne pourront même pas se présenter parce qu'ils n'ont plus de sources financières. Le ministre dit qu'avec son projet de loi sur le développement durable il va s'assurer le financement des groupes environnementaux, alors qu'il aurait pu très bien continuer de les financer. Mais là il va essayer de dire que l'opposition... hein, il faut aller vite pour ce projet de loi là parce que les groupes environnementaux attendent après nous autres, alors que c'est du chantage, à mon sens.

Et je vous rappellerais, M. le Président, que, la semaine prochaine, pendant qu'il y a une conférence internationale sur les changements climatiques chez nous, dans notre cour, bien le ministre, plutôt que d'aller développer des liens... de défendre des positions que le Québec a à coeur, bien a décidé de poursuivre le travail parlementaire. En tout cas, ça, c'est une chose que nous déplorons un peu. Il me semble que, en termes corrects pour le Québec, ça aurait été de recevoir notre visite internationale. Et donc, M. le Président, oui, il est possible que ce projet de loi soit un pas dans la bonne direction, mais, lorsque l'avant-projet de loi a été déposé, tout le monde a dit: Bah! C'est un avant-projet de loi, bravo, c'est un pas dans la bonne direction. Mais, après avoir eu 600 mémoires, avoir fait le tour du Québec, il nous revient avec un projet de loi pratiquement similaire, avec aucune vision supplémentaire. Moi, j'étais persuadé, M. le Président, que le ministre allait arriver et dire: Écoutez, j'ai tellement entendu des belles choses qui se font à travers le Québec que je vous ramène un projet de loi mais beaucoup plus consistant, qui ne concerne plus seulement l'appareil administratif du gouvernement, mais qui concerne l'ensemble de la société québécoise, qui amène le Québec dans un véritable projet de société. C'est ça que j'aurais aimé. Ce n'est pas ce qu'on aura, je ne pense pas. Et nous tenterons de convaincre le ministre qu'il faudrait prendre la balle au bond. Mais, compte tenu que ce dernier a même de la difficulté à déposer un plan de lutte aux changements climatiques, je me demande comment est-ce qu'il va réussir à faire un véritable projet de société avec son projet de loi de développement durable. Merci.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député du Lac-Saint-Jean. Maintenant, pour les remarques préliminaires, M. le député de Beauce-Nord et critique pour l'Action démocratique du Québec. M. le député.

M. Janvier Grondin

M. Grondin: Merci, M. le Président. C'est sûr que, nous, notre formation politique, on est d'accord avec le principe du développement durable, puis on comprend très bien que le développement durable, c'est la responsabilité de l'État, c'est la responsabilité des entreprises, c'est la responsabilité des citoyens.

Mais, par contre, il faut être capable de... Moi, je pense que, si on veut avoir une loi qui est responsable, je pense qu'on doit mettre une loi qu'on est capable de se payer aussi. Parce qu'on a vu, dans le passé, on eu une loi aussi, il y a quelques années, sur la qualité de l'eau, une loi très bonne mais qu'on n'a pas les moyens de se payer. Il y a peut-être 10 % des municipalités qui ont les moyens de la payer. Alors, moi, je pense que, si on veut avoir un projet de loi qui est responsable, il faut regarder tout ça et il faut être capable de se le payer.

n (16 heures) n

Le projet de loi... On devrait... Moi, je pense qu'on va avoir, selon ce qu'on va recevoir ici, comme les centres qui... tous les organismes qui vont venir déposer des mémoires, voir qu'est-ce qu'ils vont nous emmener, mais on devrait aussi regarder surtout les intrants qui rentrent au pays, tout ce qui rentre ici, au Québec. Il me semble que les compagnies qui emmènent un produit ici, au Québec, devraient avoir... c'est quoi que ça va donner à l'environnement, parce que c'est beau, emmener le produit, mais après ça, nous autres, il faut en disposer. Et puis on le vit en agriculture beaucoup. Ils nous emmènent des choses qui polluent énormément, mais, moi, il me semble que la compagnie qui produit devrait avoir une responsabilité sur son produit. Alors, c'est une chose qu'on devrait regarder.

Puis j'ai été dans... On a reçu des Allemands dernièrement ici, à l'Assemblée nationale, puis c'étaient des agriculteurs, puis ils nous disaient qu'en Allemagne en tout cas ils sont très avancés sur l'environnement. Tout ce qu'on discute présentement, autant des purins de porc, de bovin, tout ça, en Allemagne, c'est utilisé pour faire de l'énergie, pour faire toutes sortes de choses. Alors, je pense qu'on a intérêt à aller voir qu'est-ce qui se passe.

Et puis le beau, je pense, dans ce projet de loi là, là, si on veut que ça marche pour les générations... Il ne faut pas hypothéquer les générations futures. Il faut qu'ils embarquent avec nous autres. Puis je pense que le moyen de les embarquer, là, c'est l'éducation. C'est dans les écoles qu'il faut que ça commence à se passer. Il y a plusieurs commissions scolaires qui en parlent, du développement durable, puis je pense que c'est là qu'il faut mettre l'accent parce que c'est eux autres qui vont vivre avec ça plus tard.

Alors, ça va terminer mes remarques. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Beauce-Nord. Autres remarques préliminaires?

Auditions

Donc, j'inviterais, à ce stade-ci, le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec à s'approcher et prendre place.

Alors, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue à la Commission des transports et de l'environnement. Alors, j'apprécierais que vous vous présentiez pour les fins d'enregistrement, et je vous indique immédiatement que la façon dont nous allons procéder est la suivante: vous allez nous présenter votre mémoire, 15 minutes, et par la suite il y aura un échange de 15 minutes d'une part avec les députés gouvernementaux ainsi que le ministre de l'Environnement, et il y aura aussi un échange de 15 minutes avec les députés formant l'opposition. Alors, à vous, monsieur.

Regroupement national des conseils régionaux
de l'environnement du Québec (RNCREQ)

M. Lessard (Guy): Oui. Alors, M. le Président, M. Mulcair, M. Tremblay, les membres de la commission, mesdames, messieurs. Alors, nous avons le plaisir, cet après-midi, de continuer notre démarche pour le regroupement des conseils régionaux de l'environnement, une démarche qui a débuté il y a trois, quatre ans, de façon plus spécifique dans le cadre du projet de loi.

Le Président (M. Pinard): J'imagine que vous êtes M. Guy Lessard, président?

M. Lessard (Guy): Oui. J'ai deux jeunes collègues avec moi qui m'entourent: Philippe Bourke, qui est notre directeur général du Regroupement national; Mme Julie Boudreau, qui est la directrice générale du Conseil régional de l'environnement en Chaudière-Appalaches et qui agit également comme conseillère dans la préparation de notre avis.

Alors, écoutez, j'ai l'agréable plaisir de vous dire quelques mots sur notre organisme. Je vais y aller assez rapidement parce que déjà M. Mulcair a eu des bons mots. Il a parlé de nous autres tout à l'heure. Alors, vous savez qu'on existe dans certaines régions du Québec depuis plus de 25 ans. Présentement, on est présent partout sauf dans le Nord-du-Québec, et nous avons le mandat pertinent de promouvoir le développement durable et la protection de l'environnement dans chacune des régions. Alors, à chaque jour, les conseils régionaux de l'environnement, à quelque part au Québec, soit dénoncent une problématique, proposent des solutions ou accompagnent différents groupes dans une démarche de concertation.

Nous avons présentement plus de 1 700 membres, soit 310 organismes environnementaux, 300 gouvernements locaux, 195 organismes parapublics et 180 corporations privées ainsi que de nombreux membres individuels. Ça, c'est au niveau des conseils régionaux de l'environnement.

Pour le Regroupement national, évidemment, nous avons accentué notre démarche, au cours des dernières années, de promotion d'une vision globale du développement durable au Québec. Nous représentons l'ensemble des conseils régionaux de l'environnement et nous avons le mandat d'émettre des opinions publiques en leur nom.

En regroupant ainsi l'ensemble de ces intervenants-là des régions du Québec, il est plus facile pour nous autres de procéder à des échanges d'expertises entre les régions, d'assurer la vision particulière des conseils régionaux de l'environnement et de travailler en relation avec les différents intervenants politiques, socioéconomiques et environnementaux de nos régions.

Je voudrais surtout m'attarder, dans l'avant-propos du document qu'on vous a remis... de nous situer un peu par rapport à l'humeur que nous avons cet après-midi de nous présenter devant vous. Comme je le mentionnais tout à l'heure, on a suivi de très près l'évolution de la démarche du développement durable initiée par le gouvernement actuel du Québec, laquelle franchit, cet après-midi, une étape importante. L'automne dernier, par nos interventions lors du Forum des générations, le Regroupement national a contribué à faire de la mise en oeuvre du développement durable l'une des priorités pour l'avenir du Québec. Ça été quelque chose que nous avons trouvé relativement facile, bien qu'incroyable. On aura l'occasion peut-être d'en traiter lors de la période des questions.

Les conseils régionaux se sont ensuite impliqués directement en accompagnant le ministre Mulcair dans sa démarche de consultation publique. Alors, dans chaque municipalité où il y a eu une rencontre de consultation publique, les conseils régionaux de l'environnement accompagnaient le ministre Mulcair, et nous avons pu, à cette occasion-là, bien cerner les attentes, les besoins puis les préoccupations de la population. On a été témoins d'une très forte adhésion des Québécois envers le développement durable. Ça, ça ne nous a pas surpris. Nous, on le savait déjà. Ce qui nous a surpris en particulier, c'est, au niveau des interventions, un niveau de compréhension très élevé du concept et surtout un profond désir de s'impliquer dans la mise en oeuvre.

Je mentionnais tout à l'heure qu'on approche une des étapes les plus difficiles, c'est qu'une fois que la loi sera adoptée il faudra passer à l'action. Il y a un vieux proverbe chez nous, on se le répète souvent: Pas d'action, pas de développement durable. Alors, c'est pour ça que nous avons cru bon de nous présenter en commission parlementaire, parce qu'on a hâte de passer de la théorie à la pratique.

Il y a plusieurs dossiers d'actualité présentement qui témoignent de ce besoin d'intégration. On mentionnait tout à l'heure qu'il y avait des groupes qui critiquaient le déroulement de la commission parlementaire. Je dois vous dire que, nous aussi, on est inquiets du fait qu'au moment où on se parle il y a absence du plan québécois de la réduction des gaz à effet de serre, que, quand on parle de développement de transport, ça serait intéressant d'avoir une politique, une vision québécoise de la façon qu'on voit le transport des personnes puis des marchandises. Mais on ne peut pas tout faire en même temps. La proposition qui nous est faite à ce moment-ci, c'est de nous donner, à la base, une structure, une vision de nos processus de gouvernance tant au niveau de l'État central que par la suite au niveau des instances régionales. Et ça, ça nous semble vraiment plus important que de manifester des inquiétudes ponctuelles et de se détourner de l'effort de dernier droit qu'il nous reste à faire pour qu'on puisse adopter ce projet de loi là.

Bien sûr, puis on l'entend dire souvent de la part du ministre Mulcair, ça ne veut pas dire qu'il faut attendre la loi ou la stratégie de développement durable pour rehausser le niveau de cohérence des actions gouvernementales. Et déjà il se fait des choses. Nous aussi, on pense qu'il devrait s'en faire plus. Mais, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas atteint cet objectif de cohérence entre les différents intervenants ? on aura l'occasion d'en reparler un petit peu plus tard ? c'est extrêmement difficile de changer un mode de gouvernance axé sur une façon de voir le développement économique comme celui qu'on connaît depuis de nombreuses années puis d'en arriver à un nouveau mode de gouvernance qui est axé sur le développement durable. Ça ne se fera pas du jour au lendemain. D'ailleurs, dans les modifications qui ont été apportées à l'actuel texte, on pouvait constater, au début du deuxième paragraphe... où on dit que la présente loi concourt à réaliser le virage nécessaire au sein de la société. Je pense que c'est une modification importante par rapport à la première vision qu'on avait dans le premier texte. Ça aussi, on aura l'occasion d'en reparler un petit peu plus tard.

Alors, nous autres, au niveau du Regroupement national, on adhère presque entièrement au projet de loi n° 118. On a certaines suggestions à vous faire et on vous assure du soutien des 16 conseils régionaux de l'environnement dans sa mise en oeuvre. Alors, je vais laisser la parole à Philippe pour la poursuite de la présentation.

n (16 h 10) n

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup. Alors, M. Philippe Bourke.

M. Bourke (Philippe): Oui, c'est ça. Alors, donc je vais y aller rapidement avec les considérations générales juste pour rappeler ce que M. Lessard vient de dire, donc mentionner qu'on offre notre appui globalement au projet de loi n° 118 mais qu'on va avoir quelques remarques spécifiques qui concernent notamment l'assujettissement des organismes municipaux et scolaires, le rôle du ministre du Développement durable, les indicateurs de développement durable, le rôle des conseils régionaux de l'environnement et aussi le Fonds vert.

Donc, si j'y vais tout de suite avec les considérations spécifiques, à l'article 4, on prévoit que le gouvernement peut déterminer que les dispositions de la présente loi puissent s'appliquer aux organismes municipaux. Le regroupement des CRE considère que cette disposition doit être mise en place le plus rapidement possible considérant les impacts que peuvent avoir les actions, décisions et orientations des organismes municipaux en matière d'environnement et de développement durable. On n'a qu'à penser à toutes leurs responsabilités en matière d'adoption de schémas d'aménagement, de transport, de gestion de l'eau, gestion des matières résiduelles, c'est des responsabilités importantes qui ont évidemment des impacts sur l'environnement et le développement durable.

Au même article, au point 2°, on mentionne aussi que les organismes scolaires et les établissements de santé et de services sociaux pourraient être assujettis à la loi. Encore une fois, le regroupement considère que cette disposition doit être mise en place rapidement, notamment pour ce qui est des organismes scolaires, considérant l'importance d'impliquer les jeunes dans la démarche de développement durable. Le milieu de l'éducation est déjà un milieu où la sensibilisation aux enjeux environnementaux est très grande, notamment grâce à l'implication des Conseils régionaux de l'environnement, mais aussi des écoles vertes Brundtland, d'ENvironnement JEUnesse, de l'AQPERE. Donc, ce milieu est donc tout indiqué pour expérimenter la mise en pratique, avec l'implication du personnel, des étudiants et des élèves, des principes du développement durable.

Pour ce qui est de l'article 6 qui concerne tous les principes du développement durable, on fait juste souligner dans notre mémoire qu'on appuie ces principes-là, notamment les deux ou trois nouveaux, je pense, qui ont été ajoutés depuis l'avant-projet de loi.

Concernant l'article 7 maintenant, où on parle de la stratégie de développement durable du gouvernement, à cet effet on mentionne que c'est au ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs qu'on confie la responsabilité d'assurer la coordination de l'action du gouvernement en matière de développement durable. À cet égard-là, il faut souligner qu'il y a certains... et plusieurs personnes même ont critiqué que ce soit le ministre en fait qui soit responsable de cette coordination, en soulignant, entre autres, que le développement durable, c'est un concept très englobant et qui doit donc nécessairement relever du plus haut niveau hiérarchique, à savoir, dans le cas du Québec, directement du premier ministre. Je vous dirais que les conseils régionaux de façon générale vont partager cette réflexion mais considèrent que, dans le contexte actuel, le choix qui est fait ici est le plus approprié. Et on pourra en parler un peu, des différents pouvoirs qu'on voit justement dans la coordination, l'autorité et le contrôle de la loi. Par contre, le regroupement considère que cette responsabilité requiert une charge de travail importante et que conséquemment le ministère doit pouvoir compter sur des ressources humaines et financières adéquates.

Concernant toujours le même article, l'article 7, le RNCREQ considère que les indicateurs qui serviront à faire l'évaluation de la performance à l'égard de la mise en oeuvre du développement durable devraient faire l'objet d'une consultation. Cette consultation permettrait non seulement de valider le choix des indicateurs, mais aussi de faire en sorte d'assurer l'adhésion et l'appropriation du plus grand nombre d'intervenants possible.

Le regroupement est aussi d'avis que la stratégie de développement durable doit exiger des ministères et organismes assujettis qu'ils soumettent de façon systématique leurs politiques et programmes à une évaluation environnementale globale. En outre, ils devront entamer un processus de révision des lois et règlements dont ils ont la responsabilité, afin que ceux-ci s'adaptent aux objectifs de la Loi sur le développement durable. Enfin, le regroupement considère que le gouvernement devrait procéder à l'adoption d'une grille d'analyse en développement durable, basée sur les indicateurs qui seront retenus, afin de pouvoir faciliter l'ensemble des démarches d'évaluation, que ce soient les lois, les règlements, les politiques, programmes et projets.

Maintenant, l'article 11, qui concerne les éléments essentiels de la première version de la stratégie de développement durable, on y traite notamment des mesures d'information et d'éducation sur le développement durable qui devront être mises en place. Le regroupement est lui aussi d'avis que la réussite de la mise en oeuvre du développement durable nécessite d'abord des efforts importants en matière d'information et d'éducation, d'autant plus qu'il s'agit d'un concept qui peut facilement être mal utilisé. Ces efforts doivent être consentis non seulement envers ceux et celles qui sont directement visés au sein de l'administration, mais aussi auprès des citoyens et de tous les acteurs de la société, puisque l'implication de tous est nécessaire.

En ce sens, le regroupement offre la contribution des 16 conseils régionaux de l'environnement qui, considérant leur mission de promotion du développement durable, sont bien placés pour jouer un rôle en ce domaine. D'ailleurs, outre les activités d'information et de sensibilisation, les CRE réalisent de très nombreuses actions en lien avec la promotion du développement durable tout au cours de leur mandat, que ce soit l'organisation de colloques sur le développement durable, des projets comme le programme de suivi de la diversité biologique au Saguenay?Lac-Saint-Jean, l'intégration du développement durable dans la planification stratégique de plusieurs conférences régionales des élus, des démarches aussi pour l'adoption de plans de développement durable comme à la ville de Montréal, la charte des paysages dans les Laurentides, le soutien à la mise en oeuvre du développement durable dans les municipalités en Montérégie. Donc, tous des exemples concrets où les CRE s'impliquent dans le développement durable. Les CRE sont prêts à s'impliquer encore davantage pour assurer l'intégration de ce concept dans toutes les régions du Québec.

À l'article maintenant 15, on spécifie que l'administration devra mettre en oeuvre la stratégie directement ou en collaboration avec un ou plusieurs intervenants de la société civile. Le regroupement accueille favorablement cet ajout à l'effet d'impliquer les acteurs de la société civile à la mise en oeuvre du développement durable. Pour nous, c'est fondamental.

Enfin, à l'article 24, on parle de la mise en oeuvre du Fonds vert, la mise en place du Fonds vert. Le projet de loi identifie nommément les organismes sans but lucratif oeuvrant dans le domaine de l'environnement comme étant parmi les bénéficiaires de ce fonds. Bien évidemment, nous, on appuie cette initiative, considérant le faible niveau et l'instabilité de financement que reçoivent les organismes environnementaux du Québec en dépit du rôle important qu'ils jouent pour la société.

Dans le cas spécifique des CRE, le financement actuellement offert permet difficilement de maintenir une permanence efficace dans les organisations et de remplir la mission de promotion du développement durable et de protection de l'environnement. Souvent, il est difficile d'élaborer et de mettre en oeuvre des projets en raison du manque de ressources. Il est très ardu d'ailleurs de travailler au développement durable d'une région lorsqu'on est accaparé par la recherche de fonds.

Le Fonds vert doit donc permettre un financement adéquat des organismes voués à la promotion du développement durable et à la protection de l'environnement, et les ressources doivent être suffisantes pour réaliser des projets qui ont des retombées significatives pour le milieu au plan de la protection de l'environnement. Par ailleurs, il est important que le fonds ne serve pas à subventionner des activités de mise aux normes. On soulevait, par exemple, le cas où une municipalité aurait besoin d'argent pour mettre aux normes ses installations de traitement d'eau. Enfin, le regroupement se questionne sur l'utilisation des surplus du Fonds vert. En fait, notre question est la suivante: Est-ce qu'en vertu du projet de loi n° 118 ou encore des dispositions de la Loi sur l'administration financière de tels surplus doivent nécessairement être retournés au fonds consolidé? Si tel est le cas, le regroupement considère que ces sommes doivent plutôt être utilisées aux fins prévues, c'est-à-dire au financement d'activités et de projets de développement durable.

Je termine tout simplement... On a rajouté une petite note au mémoire pour un élément de concordance. Un des endroits, donc à l'article 24, on n'a pas mis le titre du ministre de l'Environnement au complet. On a tout simplement mis «ministre de l'Environnement», alors qu'ailleurs on a mis «Développement durable et Parcs».

Là-dessus, ça complète la présentation de notre mémoire. Je ne sais pas s'il y a d'autres remarques.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, MM. Bourke et Lessard. Sans plus tarder, M. le ministre, si vous voulez bien attaquer.

M. Mulcair: Je ne les attaquerai pas, surtout après une analyse aussi complète, et je tiens au contraire à les remercier. Merci effectivement pour cette présentation. Ce n'est pas pour rien que le Regroupement national des conseils régionaux en environnement du Québec a ouvert le bal pour l'analyse ici, en commission parlementaire.

Je tiens à rassurer mon collègue du Lac-Saint-Jean que ce que nous faisons, c'est d'un commun accord. On a attendu, puis on a eu une liste de sa part, puis c'est entendu que, nous, on veut continuer, puis je suis très disponible. Même, on avait du temps vendredi soir, mais il paraît qu'on avait un peu de difficultés à avoir des groupes, mais on va continuer. On va exprimer beaucoup de disponibilité. Je remarque que, même parmi certains groupes qui avaient exprimé des réserves hier, il y en a au moins un qui a déjà dit qu'ils allaient venir. Alors, c'est une bonne nouvelle, je crois.

Moi, je vais vous demander de commencer avec un point que vous avez soulevé, dont vous avez parlé, M. Lessard, notamment, de nous parler de... En fait, c'est M. Bourke qui en a parlé un petit peu plus. Mais ce rôle de coordination du ministre, donc, je vois l'évolution de votre vision là-dessus, et ça a toujours été mon point de vue, c'est-à-dire que ce que Brundtland nous dit, c'est qu'il faut un engagement au plus haut niveau de l'État. Chez nous, c'est le Conseil des ministres, présidé par le premier ministre, qui définit la stratégie sur la base des principes de développement durable. Donc, chaque ministère et organisme dit comment il va faire ça. Mais je crois qu'effectivement la coordination peut venir de l'intérieur. Pouvez-vous nous expliquer le cheminement de votre réflexion là-dessus?

n (16 h 20) n

M. Lessard (Guy): En fait, il y a deux volets, je pense, sur lesquels il faut s'attarder. Le premier, c'est bien sûr que, dans la mise en oeuvre d'un plan de développement durable au Québec, toute la stratégie va reposer sur la capacité d'assurer la cohérence dans les orientations, les actions et les investissements financiers des différents ministères, et, préalablement à ça, la compréhension de ce que c'est que le développement durable.

Il y a le premier volet qui est celui de la structure d'autorité. Est-ce qu'un ministre pourrait être investi en même temps de la responsabilité d'animer, de coordonner, de superviser toute une démarche gouvernementale puis en même temps avoir le mandat d'être celui qui va décider, à un moment donné ? parce qu'il y a toujours des décisions gouvernementales à prendre ? de l'action qu'il faut mener puis de la manière qu'il faut la mener? Ce que j'appelle la structure hiérarchique, la structure d'autorité. Un ministre ne pourrait pas se substituer à celui qui a le mandat comme chef du gouvernement, soit le premier ministre, de présider aux prises de décisions du gouvernement interministérielles. Alors, ça, c'est un des volets.

L'autre volet, c'est celui-là du pouvoir d'influence. Quand vous présidez une rencontre ou que vous présidez un organisme, c'est difficile de jouer à la fois le rôle de celui qui a le pouvoir d'influence puis le pouvoir décisionnel, si bien que, quand vous présidez une rencontre puis vous voulez être porteur d'un dossier, vous laissez votre chaise, vous faites présider quelqu'un d'autre, puis vous allez vous asseoir parmi les autres collègues, puis là vous défendez vos opinions.

Donc, je suis au niveau du pouvoir d'influence. À mon sens, il est extrêmement difficile, voire impossible, d'exercer en même temps le pouvoir d'influence et le pouvoir décisionnel, le pouvoir d'autorité. Alors, au moment où on enligne le Québec dans une démarche de développement durable avec tout ce que ça va impliquer comme effort au niveau de l'action concertée des ministères ? parce que, dans un premier temps, c'est de ça que le projet de loi traite ? il n'y a pas de questions pour nous à se poser, c'est très clair. Il faut que le ministre du Développement durable et de l'Environnement ait une fonction de coordination, de pouvoir d'influence et qu'à la toute fin il y ait une autre personne, qui est le premier ministre, qui a à prendre les décisions interministérielles et les décisions gouvernementales.

Alors, c'est un peu dans ce sens-là que, nous, on l'avait vu dès le départ lorsqu'on a commencé à parler de ce projet de loi là, et c'est par concordance avec les expériences vécues dans d'autres domaines, dans d'autres structures qu'on peut en arriver à cette vision-là. Alors, je ne sais pas si ça répond à votre question. Peut-être que mes collègues peuvent en ajouter, mais c'est l'essentiel de notre vision là-dessus.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Mulcair: C'était une réponse très complète, justement.

Et, en parlant avec notre nouveau sous-ministre, Léopold Gaudreau, je me rends compte que j'ai omis, outre mes collègues élus, de présenter les personnes qui m'accompagnent. Alors, je me permets de présenter, dans un premier temps, Me Françoise St-Martin, qui est avocate à la Direction des affaires juridiques du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs; aussi présenter M. Léopold Gaudreau, que je suis très fier de présenter comme le premier sous-ministre au Développement durable, au ministère. M. Gaudreau, comme j'aime bien le rappeler, a l'honneur, j'ose dire... du moins, c'est un simple fait qu'il a servi chaque ministre de l'Environnement depuis que le ministère a été créé. Bien, moi, je me considère extrêmement choyé de pouvoir l'avoir comme repositoire de la mémoire institutionnelle du ministère. En plus de toutes ses connaissances, il a été avec nous à toutes les étapes de la consultation à travers le Québec, et quel joyau, quelle aide! Ainsi que Guy Frève, qui est conseiller au Bureau de coordination du développement durable au sein du ministère. Du côté de mon personnel politique, je suis accompagné de Cody Barker-Greene, qui est attaché politique avec moi, au sein du ministère.

Pour ce qui est d'un sujet très particulier maintenant, je voulais vous sonder sur les indicateurs de développement durable qu'il va falloir bâtir. Il va falloir que... On parlait tantôt de la cadence de la mise en application. Ça, c'est une étape cruciale. Qu'est-ce que vous penserez si on visait la mise en place d'une structure légère, mais un comité de consultation d'experts externes qui pourraient nous donner un coup de main pour agir plus rapidement pour développer ces indicateurs de développement durable? C'est une des idées sur lesquelles on est en train de...

M. Lessard (Guy): Je vais demander à Mme Boudreau de répondre. Mais juste un petit commentaire. Je n'ai pas parlé tout à l'heure du pouvoir de contrôle qui est extrêmement important quand on parle de développement durable puis qu'on parle d'indicateurs de performance, ça veut dire qu'à quelque part on va vouloir mesurer, donc contrôler. Est-ce que ça doit être le premier ministre ou le ministre du Développement durable? Nous, on croit que ce devrait être un commissaire qui soit nommé spécifiquement pour cette fonction-là. Alors, je vais laisser à Mme Boudreau le soin de répondre à votre question.

Mme Boudreau (Julie): Pour répondre à votre question, M. le ministre, dans des représentations qui ont été faites au cours des consultations dans les régions concernant les indicateurs, on a indiqué, on a mentionné qu'il serait opportun de faire des consultations, premièrement, sur la portée de ces indicateurs-là et le fonctionnement de tout ça. Et, pour ce qui est de créer un comité d'experts externes, si on veut, pour travailler sur la question, on est tout à fait ouverts à ça, on est favorables, et puis je crois que l'expertise des CRE pourrait être mise à contribution dans un exercice comme ça.

M. Mulcair: Oui, parce que c'est effectivement le cas. Mme Boudreau effectivement est reconnue comme une experte dans un domaine tout à fait particulier, c'est une sommité dans le domaine de la production porcine, qui est un des sujets qui nous a donné le plus de fil à retordre ici, au Québec, pour développer une vision du développement durable au cours des dernières années, et on sait à quel point c'est difficile parfois de traiter objectivement de sujets qui soulèvent autant de passions. Et je pense qu'effectivement, si on veut avoir une démarche qui soit la plus neutre possible et la plus fiable et la plus crédible possible, il faut qu'on élargisse notre bassin de consultation puis bâtir quelque chose qui va... en anglais on dirait «a buy-in», ça veut dire un consensus. Ça veut dire que les gens vont adhérer, ils vont dire: Oui, c'est ça qu'il faut faire.

On va peut-être alterner à ce moment-ci, M. le Président. Est-ce qu'il y a quelqu'un de l'opposition qui veut...

Une voix: C'est sûr, c'est à notre tour.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député... Non, il leur reste encore...

M. Mulcair: C'est ça, on peut revenir après.

Le Président (M. Pinard): M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Tremblay: Oui, merci M. le Président. Alors, je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Je n'étais pas surpris de votre présence compte tenu que vous avez assisté... et vous étiez non pas juste assistants mais vous étiez sur la même tribune que le ministre dans chacune de vos régions. D'ailleurs, dans ma région, j'ai eu l'occasion récemment de travailler sur un projet avec mon conseil régional en environnement, sur la certification de commerces verts, et en tous cas je pense que c'est un projet qui a beaucoup d'avenir.

Comment voyez-vous la façon dont va s'opérer le Fonds vert? Puisque c'est sûr que le ministre, à chaque fois qu'il a parlé du Fonds vert, il a parlé de vous autres. Il ne parle pas des autres, comme par exemple Eau Secours, lesquels n'ont plus une cenne de financement, d'autres organismes à travers le Québec que vous devez sûrement représenter n'ont plus d'argent, et, vous l'avez dit dans votre présentation, les groupes environnementaux jouent un rôle extrêmement important. Donc, j'aurais le goût de poser la question au ministre, mais la formule ne me le permet pas. Mais, vous qui connaissez si bien le projet de loi, comment voyez-vous que va fonctionner l'attribution des sommes d'argent qui va permettre aux organismes que vous représentez de faire leur travail correctement?

M. Lessard (Guy): Je demanderais à Philippe de répondre à votre question. Je compléterai.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Bourke.

M. Bourke (Philippe): Oui, d'abord, dans notre remarque sur le Fonds vert, il y avait deux questions. Il y en avait une qui était sur le niveau de financement qui en est une, chose. Donc, là-dessus, on s'attend évidemment qu'il y ait un rehaussement du niveau de financement. L'autre, c'était sur l'instabilité, la normalité, puis je pense que là-dessus on a beaucoup d'attentes, que ce soit pour nous ou que ce soit pour les groupes. Ça va nous prendre des programmes parce que c'est de l'argent public quand même, hein, c'est important. On ne peut pas donner ça n'importe comment à n'importe qui. Va falloir qu'il y ait des programmes qui soient de reconnaissance, qui disent: On reconnaît tel type d'organisme, on s'attend à tels mandats qui sont rencontrés, puis il va falloir qu'il y ait des contrôles, etc. Puis on s'attend à ce que ça couvre le plus grand nombre possible de types d'organisations, de niveaux géographiques aussi, qu'on puisse couvrir tout le Québec, parce que partout il y a des enjeux environnementaux, partout on a besoin des groupes qui sont bien outillés pour travailler. Mais ça va être important aussi qu'il y ait une pérennité dans le financement. Donc, ça ne sera pas, d'une année à une autre: Cette année, bien oui, j'en ai, je t'en donne; l'année prochaine, on verra. Ce sont tous des éléments fondamentaux, puis ça, je pense que ça va falloir avoir une bonne discussion.

Là, actuellement, il n'y en a plus, de programme de financement, que ce soit pour des projets ou du soutien à la mission, à part pour celui des CRE. Mais je pense qu'il va y avoir une grande réflexion à faire puis je pense qu'en impliquant les groupes eux-mêmes sur leurs besoins, sur... jusqu'où ils sont prêts à aller pour la reddition de comptes, par exemple, ces choses-là, on va être capable de mettre des programmes en place qui sont adéquats. Mais, je dirais, stabilité et rehaussement des niveaux de financement, c'est la clé.

n (16 h 30) n

M. Tremblay: On n'a pas d'indication qui nous dit comment vont être attribuées ces sommes d'argent. Est-ce que c'est un chèque en blanc qu'on est en train de faire en disant... parce que là vous n'avez pas plus de détails que ça sur la façon dont seront attribuées les sommes d'argent. Vous me dites que vous souhaitez qu'il y ait des programmes précis et que tout le monde puisse en toucher, mais, pour le reste, on ne le sait pas plus?

Une voix: Oui.

M. Tremblay: O.K.

Le Président (M. Pinard): M. Lessard.

M. Lessard (Guy): Présentement, on ne reçoit pas de chèque en blanc. On a des mandats, on a des plans d'action qu'on dépose à chaque année puis des rapports annuels qu'on fait à chaque année. C'est fait de façon très rigoureuse à partir d'objectifs... d'actions concertées. Et il ne faut pas oublier que, dans nos organismes, dans nos milieux, on n'est pas un groupe environnemental, nous, c'est-à-dire qu'on est un conseil régional de concertation. Donc, on travaille avec les élus municipaux, les présidents de l'UPA, tout ce qui bouge sur notre territoire en matière de développement socioéconomique, nous, on travaille avec ces gens-là. Donc, notre plan d'action bien souvent doit être intégré avec les plans d'action d'autres groupes. Si bien que les argents qu'on peut recevoir pour faire ce travail-là sont basés non seulement sur un plan d'action d'une année, mais, comme on est souvent intégrés aux planifications stratégiques régionales des régions administratives, des conférences régionales des élus qu'on les appelle maintenant, on peut même voir l'évolution des actions que nos organismes mènent. Ça, c'est une chose.

L'autre dimension que j'aimerais apporter suite à votre question: Comment va se gérer le Fonds vert?, et la question a été soulevée par Philippe dans sa présentation de tout à l'heure, il y a des argents qui vont rentrer, on sait comment, dans le Fonds vert. Ce qu'on ne sait pas, c'est comment ils vont sortir. Et je pense que c'est ça, votre question. Si on peut prendre une décision là-dessus après-midi, j'aurais des suggestions à vous faire évidemment, mais je ne suis pas sûr que vous êtes prêts à prendre des décisions là-dessus après-midi.

Mais il y a un élément qui m'apparaît important puis qui est fondamental. Lorsqu'on adopte un projet de loi au gouvernement, ça peut être un projet de loi qui nous mène à des changements de structures, des changements administratifs ou, même, dans certains cas, par des règlements, à des changements technologiques. Alors, ce qu'il faut bien saisir, c'est qu'avec le projet de loi n° 118 on est dans le domaine de ce qu'on appelle, nous, les stratégies de changements planifiés. C'est-à-dire qu'on vise des changements d'attitudes et de comportements. Et ce n'est pas parce que la loi va être adoptée puis qu'elle va être en place à partir du mois de janvier que, demain matin, tout est réglé puis qu'on s'en va sur l'autoroute du développement durable. Ce n'est pas comme ça que ça va se passer.

Les efforts qui vont être faits vont amener les gens à se concerter sur des façons de modifier nos principes de gouvernance, de modifier nos plans d'action et d'en arriver à réaliser autrement nos activités. Et les efforts qu'on va pouvoir faire sur une période de deux, trois ans vont nous amener, à un moment donné, à pouvoir réaliser un projet. Et c'est pour ça que, nous, on pense que les surplus qui vont venir du financement rattaché au Fonds vert devraient demeurer spécifiquement pour le Fonds vert, c'est-à-dire pour la mise en oeuvre de la Loi sur le développement durable.

Ce n'est pas la première année qu'on va avoir plein de projets ponctuels à moyen puis à long terme exigeant des investissements. Peut-être qu'il va y en avoir, puis j'espère qu'il va y en avoir, mais ce n'est pas comme ça que ça se déroule lorsqu'on est dans le domaine de la concertation, surtout en région. Et je crois deviner, parce qu'à cause de mon âge ça fait longtemps que je côtoie les ministères, que ça ne se passe pas non plus comme ça au niveau des ministères. Il va y avoir des débats, il va y avoir des discussions, comment on va faire la gestion du développement de la production animale au Québec, comment on va faire le développement du transport des personnes puis des marchandises avec tout ce que ça implique, le dossier de l'énergie qui est tellement vaste, qui comprend tellement de dimensions différentes.

Donc, le fait d'arriver à la fin de chacune des années puis de verser les ressources financières qui vont être allées au plan vert au fonds consolidé, ça ne nous semble pas du tout la bonne façon de procéder. Je comprends que, sur le plan des lois, au niveau du gouvernement du Québec, ce n'est pas facile à réaliser, mais, s'il y a une volonté politique de le faire, je pense qu'on serait capable de trouver des moyens à l'intérieur des procédures juridiques et administratives de pouvoir faire ça.

Je ne sais pas si c'est clair, là, mais ça m'apparaît un des éléments importants. Je ne sais pas si ça répond à votre question, M. Tremblay.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Moi, j'aimerais... Vous en avez fait mention dans votre mémoire, puis, moi, ça m'accroche beaucoup, parce que je pense que, si on veut avancer, bien, sans avancer rapidement mais avancer solidement, pour ne pas être pris dans 10 ans et reprendre qu'est-ce qu'on n'a pas fait comme il faut aujourd'hui, ça va être par le milieu de l'éducation. Puis j'aimerais vous entendre: Est-ce que c'est possible de mettre des techniques de l'avant, dans le milieu de l'éducation, qui regarderaient toutes les possibilités de mieux gérer ou d'aller voir ailleurs qu'est-ce qui se passe?

Parce qu'on sait très bien que, même dans le domaine... Parce que j'ai travaillé dans le domaine de l'agriculture, c'est beaucoup souvent de l'ignorance qui nous fait prendre certains produits qui polluent énormément. On pourrait en prendre un autre à côté qui ne polluerait pas du tout, mais on ne le sait pas, ça fait qu'il faut... Et je pense qu'on a un grand pas à faire juste dans éduquer les gens. C'est quoi, vos visions là-dedans?

Le Président (M. Pinard): M. Lessard.

M. Lessard (Guy): Je vais laisser finir...

Le Président (M. Pinard): M. Bourke.

M. Bourke (Philippe): Oui, c'est ça. En fait, je voulais dire que la démarche est déjà entreprise dans plusieurs... Je sais qu'une de nos CRE, je pense, en région du Centre-du-Québec... qui sont en train de monter un programme pour faire adopter par les commissions scolaires une politique de développement durable. Donc, on est déjà rendus là, il y a une ouverture. Le groupe ENvironnement JEUnesse qui a un programme de certification des cégeps, cégeps verts, donc il y a une ouverture déjà. Puis là je ne nomme que ces deux-là, mais, avec les écoles vertes Brundtland, c'est un peu le même principe, c'est comme une certification environnementale des écoles, les jeunes s'impliquent.

Donc, le pas est là, je pense qu'il y a une ouverture. L'idée, c'est qu'on se disait: Bien, profitons du fait que c'est déjà inscrit pour généraliser la démarche. Les outils existent, il y a déjà des gens sur le milieu qui travaillent là-dessus. Puis effectivement c'est un moyen de vivre l'expérience sur le terrain, dans le milieu scolaire, chez des jeunes qui sont très sensibilisés, qui amènent ça ensuite dans leur famille, et ça fait boule de neige, toutes les expériences qu'ils vivent. Donc, c'est vraiment un milieu riche, là, pour développer ces concepts-là.

M. Grondin: Est-ce qu'il y a possibilité, dans ce domaine, là, d'éducation, d'aller chercher des informations, qu'est-ce qui se passe dans les autres pays? Parce qu'il reste que le Canada, le Québec, on est encore jeunes, là, quand on regarde qu'est-ce qui se passe en Europe, puis il y a plusieurs pays d'Europe qui sont beaucoup plus avancés que nous dans le développement durable. Est-ce que c'est possible d'aller chercher ces informations-là?

M. Lessard (Guy): M. le Président. M. le Président, oui?

Le Président (M. Pinard): M. Lessard.

M. Lessard (Guy): Oui. Alors, j'aurai l'occasion, justement durant les deux premières semaines de décembre, lors d'un voyage en France, de rencontrer des représentants d'universités et des réseaux scolaires pour discuter justement de développement durable et d'environnement. Alors, sûrement qu'à mon retour je serai en mesure de répondre davantage à votre question.

Mais je vous dirai que, pour avoir, dans une première vie, travaillé au niveau de l'éducation scolaire, je parlais tout à l'heure des objectifs de changements d'attitudes puis de comportements, dans les processus d'apprentissage, dans les grilles, là, d'objectifs, de taxonomie d'objectifs, le niveau le plus difficile d'atteinte de résultats, c'est au niveau des changements d'attitudes puis de comportements. Tu peux avoir un objectif de donner de l'information aux gens, c'est facile à aller vérifier s'ils l'ont reçue, mais, si tu as un objectif de compréhension, c'est plus difficile à aller vérifier, ça prend des spécialistes et des instruments de mesure. Mais, si tu veux aller vérifier s'ils ont compris, ils peuvent avoir compris puis ne rien changer dans les attitudes ou les comportements.

Mais, si tu veux aller vérifier des changements d'attitudes puis de comportements, ce que je veux dire par là, c'est que ça prend des moyens. Ça ne se fait pas... ça ne s'improvise pas. C'est une démarche plus systématique puis ça prend des moyens appropriés pour le faire. On sait déjà comment le faire. On peut aussi aller voir en dehors s'ils ont des bonnes idées, mais je peux vous dire qu'au Québec on connaît déjà les façons de procéder pour faire ces cheminements-là.

Mais ça ne peut pas être une activité ponctuelle, c'est une activité continue, qui doit être intégrée avec les gens du milieu scolaire. Puis, nous, on a souvent des rencontres avec des représentants de commissions scolaires. Et je vous dirai qu'il y a plusieurs commissions scolaires au Québec qui sont membres des conseils régionaux de l'environnement, avec qui ont a des relations continues, alors je pense que les portes sont ouvertes de ce côté-là. Il s'agit, par exemple, comme vous dites, de s'organiser sérieusement. Ce n'est pas une action d'une année qu'on improvise, c'est une action systématique de trois, quatre, cinq ans pour mettre en place puis s'assurer de la cohérence d'un programme d'éducation, là, qui tient compte du développement durable.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Masson.

n (16 h 40) n

M. Thériault: Alors, madame, messieurs, bienvenue. Deux questions, je vais essayer d'être très court, la première concernant le poste de commissaire au développement durable. Le commissaire ne devrait-il pas relever directement de l'Assemblée nationale, compte tenu du fait que, là, il est prévu qu'il relève du Bureau de l'Assemblée nationale? Le Bureau de l'Assemblée nationale, c'est une instance qui est contrôlée par le parti au pouvoir, alors en quelque part il serait peut-être bienvenu qu'un commissaire soit vraiment indépendant, d'une part.

Et, l'autre question, c'est au niveau des principes du développement durable. Si on ne veut pas galvauder le concept de développement durable, est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une hiérarchisation des principes, et c'est quoi, votre vision là-dessus?

Le Président (M. Pinard): M. Lessard.

M. Lessard (Guy): Sur la question de la hiérarchisation des principes, je vais laisser Mme Boudreau vous répondre.

Le Président (M. Pinard): Mme Boudreau.

Mme Boudreau (Julie): Si je comprends bien votre question, vous semblez être d'avis qu'il y a des principes de développement durable qui doivent avoir préséance sur d'autres, mais on n'est pas vraiment de cet avis-là. Je vous donne un exemple simple: Est-ce que la santé et qualité de vie est plus importante que la protection de l'environnement alors que c'est des éléments qui sont intimement liés? Et là je pourrais faire des démonstrations avec les 16 principes, là, qui sont énoncés dans le projet de loi, là. Mais, de ce point de vue là, on ne croit pas qu'il soit pertinent de donner un ordonnancement aux principes qui sont présentés en essayant de leur donner une pondération ou une importance pour les différencier les uns par rapport aux autres. Le développement durable repose sur ces principes-là, et ces principes-là doivent être, si on veut, menés de front pour réussir à avoir un équilibre, là, tout l'équilibre, là, qui est présenté dans le concept même du développement durable.

M. Thériault: Oui. Quand je faisais ma philosophie, on me disait qu'entre les quatre éléments l'équilibre, c'était la quintessence. Est-ce que vous pensez réellement que vous allez atteindre la quintessence? Et en quelque part est-ce que vous n'avez pas un peu de recul critique quant au fait que depuis toujours il y a du développement économique et depuis toujours on présuppose qu'on le fait pour le bien-être de l'humanité? Et en quelque part, si on ne fait pas, entre les vecteurs environnementaux, économiques et sociaux, en quelque part une priorisation, dans un premier temps, quand on dit qu'on veut passer à l'action, hein, de la théorie à l'action, est-ce que vous ne croyez pas qu'il risque d'y avoir de très, très longs débats sur ce que cela veut dire pour tel projet spécifique, être dans le développement durable?

Le Président (M. Pinard): Mme Boudreau.

Mme Boudreau (Julie): Si je peux répondre à votre question, dans le mémoire que nous présentons aujourd'hui, on fait la suggestion que le gouvernement adopte une grille d'analyse du développement durable et que cette grille réponde aussi aux indicateurs qui vont être mis sur pied, choisis ou en tout cas par lesquels la démarche va s'opérer. Et puis je crois que l'utilisation de cette grille-là avec ce que vous êtes en train de nous expliquer serait tout à fait pertinente parce qu'elle permettrait de coordonner les actions du gouvernement et de prioriser un peu, là, les actions et les choix qui sont faits pour mettre en marche le développement durable.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci.

M. Lessard (Guy): Le commissaire...

Le Président (M. Pinard): Vous avez un ajout, M. le président?

M. Lessard (Guy): Sur la deuxième question, monsieur, concernant le commissaire au développement durable. Pendant que Mme Boudreau parlait, ça me donnait envie de... On en a parlé à plusieurs reprises, on a consulté nos groupes là-dessus, et finalement ce qui ressort des discussions qu'on a pu avoir là-dessus, ce qui est important, c'est le choix de la personne, c'est les ressources qu'on va mettre à sa disposition. Et, avec l'intégration de tout ce qui s'appelle le développement durable dans les différents ministères, je pense que ça va être facile pour les gens de l'Assemblée nationale de porter un jugement sur les actions et les rapports que le commissaire au développement durable pourra faire et de la façon avec laquelle il exerce son jugement. Parce que n'oubliez pas qu'il y a un des principes du développement durable qui est la transparence, donc, à ce moment-là, ou il le respecte, ce principe-là, le commissaire, ou il ne le respecte pas. Et, étant donné qu'à l'intérieur des différents ministères les gens vont être formés, j'imagine, comme les membre de l'opposition, à ce que c'est... tous les parlementaires, à ce que c'est, le développement durable, je ne pense pas que ce soit un vrai débat, là, que de dire qu'il doit relever d'une instance plutôt que de l'autre.

Il faudrait aussi regarder dans les autres domaines. Je sais que, dans le domaine de l'éducation, ce n'est pas un commissaire, mais il y a une personne qui est mandatée aussi pour soumettre un rapport annuel. Alors, dans différents ministères, les ministères devront déposer un rapport annuel qui intègre le développement durable aussi. J'imagine que ça va être suffisamment transparent pour que, si on choisit une personne intègre, peut-être une personne qui ferait l'aval de tout le monde à l'Assemblée nationale, je pense, comme c'est prévu, à ce moment-là, on devrait solutionner les inquiétudes qu'on pourrait avoir, là, du fait qu'il relève d'une instance plutôt que de l'autre.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le ministre.

M. Mulcair: Dans un premier temps, M. le Président, je veux juste souligner, à propos du Fonds vert, que le paragraphe 15.9, qui était l'objet de beaucoup de commentaires dans la première mouture du document, c'est-à-dire dans l'avant-projet de loi, a été tout simplement retiré. Et rappelons aussi que ça prévoyait que «les surplus accumulés par le fonds sont versés au fonds consolidé du revenu aux dates et dans la mesure que détermine le gouvernement». Donc, ça, ça a été retiré. Je tenais à le montrer à mon collègue du Lac-Saint-Jean qui ne l'avait peut-être pas remarqué.

J'ai une question pour le CRE, en terminant, parce que je sais que le temps prend fin. À propos de la gestion du Fonds vert, est-ce que... C'est une question générale, je comprends, puis, si vous voulez prendre le temps d'y réfléchir puis nous revenir avec une réflexion que vous pourriez envoyer au secrétaire de la commission, qui serait distribuée, l'important, pour moi, c'est de connaître votre réflexion là-dessus. Est-ce qu'on aurait intérêt à aller plus vers une dotation, lorsqu'il s'agit de projets, d'y aller par groupes ou justement par la présentation du projet? Est-ce qu'on aurait intérêt à doter de fonds fixes les groupes ou aller plus projet par projet? Est-ce que vous avez un sentiment à cet égard-là, une impression à partager avec nous?

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le président.

M. Lessard (Guy): Je pense qu'on va vous revenir avec une opinion là-dessus.

Le Président (M. Pinard): D'accord.

M. Mulcair: Alors, je pense que notre temps est terminé, et je...

Le Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a d'autres questions de la part... du côté gouvernemental? Non.

Alors, je vous remercie infiniment, M. Lessard, M. Bourke et Mme Boudreau, d'avoir participé aux activités de la commission et d'avoir si bien défendu votre document. Je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 48)

 

(Reprise à 16 h 53)

Le Président (M. Pinard): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite la plus cordiale bienvenue à M. Rouleau et M. Régnier du Centre québécois de développement durable. Alors, excusez-nous du retard. Mais vous connaissez les règles: vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire aux membres de la commission; par la suite, les députés et ministre, côté gouvernemental, vont échanger avec vous pendant 15 minutes; et par la suite l'opposition officielle échangera également avec vous pour 15 minutes.

Alors, sans plus tarder, j'inviterais M. Régnier ou M. Rouleau...

Centre québécois de développement
durable (CQDD)

M. Rouleau (Raymond): Bonjour, mon nom est Raymond Rouleau...

Le Président (M. Pinard): Voilà.

M. Rouleau (Raymond): ...et j'agis aujourd'hui comme vice-président du Centre québécois de développement durable. Dans la vie de tous les jours, je suis un homme d'affaires qui est à la tête d'une petite PME d'une quinzaine d'emplois et qui a eu l'opportunité justement de mettre en application, dans son entreprise, différents principes du développement durable et d'en vérifier les gains au niveau économique, au niveau social et au niveau environnemental. Et, à ma droite, Jacques Régnier, Jacques Régnier qui est directeur général du Centre québécois de développement durable.

Alors, M. le Président...

Le Président (M. Pinard): Alors, bienvenue.

M. Régnier (Jacques): Merci.

M. Rouleau (Raymond): ...M. le ministre, M. le député de Lac-Saint-Jean, critique de l'opposition en matière d'environnement, M. le député de Beauce-Nord, M. Gaudreau, sous-ministre, personnel de soutien, alors nous sommes particulièrement heureux de l'invitation qui nous est faite aujourd'hui de justement présenter notre mémoire, et nous sommes aussi heureux de voir qu'il se parle de développement durable comme jamais. Je pense qu'il faut saluer l'initiative du gouvernement en la matière.

Alors, depuis 15 ans, le Centre québécois de développement durable milite afin de descendre au niveau de M. Tout-le-monde le fameux concept de développement durable dont on parle, qui a été mis de l'avant par le rapport Brundtland, et d'en développer des applications concrètes.

Alors, je pense qu'il faut d'abord se rappeler, quand on parle de développement durable, que c'est d'abord de développement dont on parle et que ce qui nous guette le plus... Parce que tout le monde en fait un peu, du développement durable. Et ce qui nous guette le plus, c'est la banalisation du discours et de faire en sorte que finalement on passe à côté d'une véritable démarche de fond. Alors, sans plus tarder, j'inviterais mon collègue, Jacques Régnier, à vous présenter l'essentiel du mémoire que nous vous déposons aujourd'hui.

M. Régnier (Jacques): Merci, M. le Président, M. le ministre, M. le leader de l'opposition pour l'environnement et le développement durable, MM. les députés. Alors, le Centre québécois est un organisme à but non lucratif voué au développement durable, qui possède un budget annuel d'environ 2 millions de dollars. Le CQDD est un organisme non subventionné qui a développé une expertise qui lui est propre et qu'il met à la disponibilité de ses clients intéressés à appliquer ce concept. Le CQDD se spécialise donc dans l'aide-conseil en développement durable. Ce créneau d'action est relativement unique au Québec et se distingue par une approche intégrée des dimensions sociales, environnementales et économiques du développement durable.

Cette expertise peut permettre, à titre d'exemple, de décliner l'application du développement durable dans un cadre de référence, de s'assurer d'une planification stratégique globale durable, d'analyser et de bonifier un projet, d'analyser le cycle de vie d'un produit, de diagnostiquer une entreprise en fonction du développement durable, d'établir une politique de développement durable, de réaliser un projet de développement durable et d'émettre un bilan de durabilité ou de responsabilité sociale des entreprises.

Fondé en 1991 dans la région du Saguenay? Lac-Saint-Jean, le CQDD réalise des mandats dans cinq autres régions du Québec. Notons Chaudière-Appalaches, Québec, Bas-Saint-Laurent, Côte-Nord et Montréal. Des projets sont en préparation en Mauricie, en Abitibi et à Québec même. L'organisme compte plus de 15 employés, et son conseil d'administration est composé de bénévoles spécialistes du développement régional et local. Une cinquantaine de bénévoles participent à ses travaux. Ses clients sont constitués de PME innovantes ou en développement de projets controversés, de grandes entreprises, de communautés urbaines, des institutions de santé et d'éducation.

De manière générale, le CQDD est d'avis que le projet de loi n° 118 constitue un réel pas en avant et qu'il tient à souligner et à encourager. Cependant, étant donné que la loi n'indique pas la nature et le contenu de la stratégie de développement durable qui sera proposée puis adoptée, il s'avère donc difficile de juger les résultats qui découleront de cette démarche.

Dans le cadre de cette commission parlementaire, le CQDD s'est penché sur: la définition et les principes définis par le projet de loi; la stratégie de développement durable, sa mise en oeuvre et la reddition de comptes; et des exemples de résultats suscités par l'application du développement durable.

La définition du développement durable doit exprimer le plus clairement possible les fondements mêmes du développement durable, car elle demeure la référence pour l'application de la loi. Le CQDD est satisfait de la définition du développement durable proposée dans le projet de loi, qui est somme toute différente de ce qui avait été amené dans l'avant-projet de loi. C'est celle du rapport Brundtland. Autant cette définition est très large, autant elle permet de rejoindre tous les groupes, entreprises et organismes intéressés à faire un meilleur développement.

Au niveau des principes proposés, les principes énoncés à l'article 5 de la loi couvrent globalement l'ensemble des préoccupations relatives au développement durable. Les principes suivants sont à notre avis au coeur du développement durable. C'est: le principe 1, santé et qualité de vie; le principe 2, équité sociale; le principe 5, participation et engagement; le principe 9, prévention; et le principe 10, précaution.

Au niveau maintenant de la stratégie de développement durable, sa mise en oeuvre et sa reddition de comptes, le CQDD émet cependant deux réserves importantes concernant la consultation des citoyens et des groupes qui est mentionnée dans le projet de loi. Premièrement, il est clair que la consultation publique du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs sur le Plan du développement durable du Québec a constitué un pas qui n'est pas suffisant en soi.

n (17 heures) n

Il semble essentiel qu'à la fois la stratégie de développement durable et le bassin d'indicateurs de développement durable fassent l'objet d'une consultation publique. Il est essentiel de mener une consultation, mais encore faut-il qu'elle porte sur l'ensemble des enjeux.

Le cadre d'une commission parlementaire, tel que stipulé dans la loi, n'est pas suffisant à une telle consultation. Le cadre formel qu'elle implique est de nature à éteindre toute velléité de participation citoyenne en dehors des grands groupes structurés et organisés. Le CQDD recommande donc que la stratégie de développement durable et l'élaboration du bassin d'indicateurs soient soumis à un BAPE générique avant leur élaboration ou à un BAPE de type projet après leur élaboration.

Deuxièmement, le CQDD se questionne aussi sur le rôle des collectivités locales et régionales dans l'élaboration de la stratégie nationale. En effet, comment seront prises en compte les priorités et spécificités régionales dans la stratégie de développement durable du Québec? On a trop souvent vu des processus de planification québécois se heurter à des priorités locales et régionales divergentes.

Au niveau de la législation maintenant. Portée du changement. Les ministères, les organismes publics se doivent également d'user de leurs pouvoirs pour entraîner un impact positif sur les autres secteurs de la société québécoise, soit les entreprises, les organismes non gouvernementaux et les institutions. Il est donc impératif que la stratégie nationale et les plans d'action de ces organismes visent des objectifs d'impact sur le territoire québécois et non seulement des objectifs d'action ou de gestion interne.

Au niveau maintenant de la reddition de comptes, l'existence et l'utilisation d'un bassin d'indicateurs sont extrêmement importantes dans la démarche de mise en oeuvre du développement durable. Mais, dans la démarche, outre le fait que le choix n'est soumis à aucune consultation publique, le CQDD se questionne donc sur plusieurs aspects touchant le bassin d'indicateurs.

Au niveau du Fonds vert, pour s'assurer du succès de la stratégie de développement durable, le CQDD suggère de créer un fonds de développement durable. Ce fonds serait dédié à l'expérimentation de projets, d'outils et de recherches spécifiques à la mise en oeuvre du développement durable, y compris les aspects sociaux. Ainsi, un réseau de ressources spécialisées pourrait conseiller le gouvernement, les entreprises et les organismes non gouvernementaux sur la manière d'atteindre les objectifs du développement durable. Il apparaît nécessaire d'inclure dans ce réseau des chaires de recherche, des organismes à but non lucratif, des centres de liaison et de transfert d'expertise à la grandeur de la province.

Au niveau du poste de commissaire, la nomination d'un commissaire apparaît comme un point fort de la législation. Celui-ci, chargé d'assister le Vérificateur général dans l'exercice de ses fonctions, veillera à l'application de la loi dans la reddition de ses comptes. À ce propos, le CQDD espère que le gouvernement québécois saura s'inspirer de l'expérience fédérale qui est en branle depuis déjà plusieurs années.

Au niveau de la promotion et de la sensibilisation, le CQDD est d'avis que le gouvernement du Québec doit s'engager à concevoir et à appliquer un plan de promotion et de sensibilisation au développement durable auprès de tout le Québec, ce qui apparaît essentiel pour atteindre les objectifs visés. Ce plan devrait être aussi réajusté aux couleurs régionales, et les régions devraient être impliquées dans leur élaboration et leur mise en oeuvre.

Le ministère de l'Environnement, du Développement et des Parcs comme coordonnateur du développement durable. Le CQDD félicite le ministère pour le projet d'implantation du développement durable au Québec. Il apparaît cependant qu'un ministère, quel qu'il soit, fera face à plusieurs contraintes. D'abord, le développement durable est une notion transversale à tous les secteurs d'activité. Le CQDD croit qu'il est difficile pour un ministère à la fois de défendre son mandat sectoriel et en même temps d'élargir sa mission et son mandat pour englober l'ensemble des activités de développement. Ajoutons que l'ensemble des connaissances relatives aux aspects sectoriels du développement durable sont difficilement maîtrisables pour un seul ministère. La situation de véhicule politique du développement durable étant inconfortable pour n'importe quel ministère face à un autre, ce sera un véritable défi de susciter l'adhésion de tous.

J'ai presque terminé. Renforcement des capacités. Après l'adoption de la stratégie, les organismes publics devront élaborer leur plan d'action. Or, l'expérience du CQDD indique que très peu de personnes savent ce que c'est, le développement durable. Pire encore, le développement durable est un concept équivoque qui est, à l'heure actuelle, utilisé sans égard à sa signification réelle. L'ignorance de notre ignorance nous apparaît encore plus dangereuse à l'ignorance elle-même du concept et de ses implications.

Les rapports du Vérificateur général du Canada quant au développement durable sont évocateurs. Celui-ci rapporte que le développement durable est mal compris ? puis ça, on parle de 10 ans, sur une période de 10 ans ? mal intégré, mal rendu dans les stratégies de développement durable ministérielles. Plus souvent qu'autrement, le développement durable est associé uniquement au soutien à certaines initiatives écologiques, ce qui est très réducteur. Le développement durable est encore loin de s'intégrer, après 10 ans donc d'application, aux activités normales des agences fédérales.

Pour accélérer le mouvement, le CQDD pense qu'il est essentiel que l'ensemble des acteurs en place et les organismes publics reçoivent une formation adéquate pour mener à bien leur tâche, que celle-ci soit de participer à l'élaboration du plan d'action ou qu'elle soit influencée d'une quelconque manière par ce plan d'action.

Il y a des exemples de résultats d'application du développement durable. Citons l'exemple de trois Enviroclubs, qui est un programme que le CQDD a réalisé... coordonné dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean et qu'il réalise maintenant dans plusieurs régions du Québec. Alors, à ce titre-là, les résultats économiques, environnementaux et sociaux sont très évocateurs.

Alors, quand on parle de développement durable, il faut éloigner le principe de contrainte au développement, alors que, quand on intègre bien les notions économiques, sociales et environnementales, on peut réaliser des gains importants, et c'est sur cette emprise-là que le CQDD offre ses services aux entreprises et que ces entreprises-là répondent.

En conclusion, malgré l'expérience du CQDD quant à l'application du développement durable, de nombreux outils ne sont pas encore conçus. La recherche et le développement est plus que nécessaire dans ce domaine vaste et complexe. En soutenant financièrement la recherche et développement du CQDD, ce besoin vital serait en partie comblé. Également, subventionner ses services auprès des entreprises et des institutions se solderait en davantage d'interventions de plus en plus efficaces de surcroît. Le gouvernement profiterait grandement d'un tel partenariat susceptible de contribuer de manière non négligeable à atteindre les objectifs de la loi n° 118 sur le développement durable.

Alors, fort de presque 15 ans d'expérience, le CQDD propose au ministère de le reconnaître en tant que centre d'expertise de développement durable au Québec. Le CQDD est prêt à agir en tant que partenaire dans la réalisation du Plan de développement durable du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci infiniment, M. Régnier, M. Rouleau. Alors, nous allons débuter immédiatement cet échange. Alors, M. le ministre.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. Rouleau, M. Régnier. On a déjà eu l'occasion d'échanger lors de la tournée, mais je suis ravi de vous avoir ici, aujourd'hui. Puis, comme ça, mon collègue du Lac-Saint-Jean peut voir qu'il n'y a pas de partisanerie, parce qu'on amène, dans les premiers groupes, une extraordinaire équipe de son coin du Québec. Je crois qu'on peut être extrêmement fiers du Centre québécois de développement durable puis de la qualité de la présentation. Toutes les bases ont été touchées. Et bravo pour votre présentation et pour son étendue!

Vous revenez sur un thème qui m'est très cher mais qui nous met au défi d'aboutir, qui est l'étendue de toute consultation. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus dans un premier temps. Vous êtes en train de nous dire qu'on peut procéder à l'adoption du projet de loi mais que, pour la phase qui consiste à consulter sur la stratégie en tant que telle et sur le bassin des indicateurs, là on doit refaire une autre consultation. Est-ce que je vous interprète bien?

M. Régnier (Jacques): C'est exactement ça. Je pense que plus vite le projet de loi serait adopté, plus vite les stratégies se mettraient en place. Parce que ce qui est intéressant, c'est que le projet de loi, l'avant-projet de loi, le projet de loi a créé beaucoup d'attentes dans le milieu, à tous les niveaux. Alors, ces attentes-là méritent, là, qu'on leur donne suite.

Et ça fait presque 15 ans, 20 ans qu'on parle de développement durable et qu'on parle de ses applications, et on est encore à des petits pas. Alors, dans ce sens-là, oui, parlons-en encore, puis, oui, peut-être impliquons les gens dès le départ au niveau des stratégies de façon plus particulière. Donc, dans le concret, là... on va parler de concret tantôt, et c'est ça que les gens veulent.

n (17 h 10) n

Alors, ce qu'on vous propose, ce qu'on souhaite, c'est que le gouvernement élargisse la consultation quand on va parler de stratégie, quand on va parler de plan d'action. Il y a les municipalités, il y a les CRE qui sont parties prenantes. Si tout ce monde-là ne travaille pas ensemble, alors ça va être un beau coup d'épée dans l'eau parce que, comme on le disait, quelquefois les priorités régionales et locales peuvent être différentes de ce qui se passe ici, au niveau national.

M. Mulcair: Ce qui m'amène à ma deuxième question en ce qui concerne les consultations. Il y a une nouvelle manière aussi de consulter aujourd'hui qui est électroniquement. On peut, avec les dispositions qui sont largement répandues aujourd'hui... Si on parlait d'il y a 10, 15 ans... Je pense que, chez nous, on a Internet depuis 1994 à la maison. Je pense qu'on doit être à peu près dans la moyenne. Ça fait une dizaine d'années que la plupart des gens sont... puis surtout au cours des cinq dernières années que ça s'est vraiment, vraiment très, très répandu. Est-ce qu'une consultation électronique peut faire partie d'une panoplie d'approches pour aller vers les gens et les laisser s'exprimer, ou vous privilégiez vraiment quelque chose de plus structuré comme un BAPE générique ou un BAPE projet?

M. Rouleau (Raymond): Enfin, nous, l'option que nous avons privilégiée, c'est parmi les options qui existent déjà. Maintenant, s'il y a d'autres façons de le faire, je pense qu'on est ouverts à ça. L'important à notre avis, c'est que le choix d'indicateurs, qui est la prochaine étape finalement, fasse l'objet d'une consultation en profondeur, je pense. C'est une étape clé dans le sens que, si on veut savoir d'où on part puis vers où on s'en va, quelque part il faut être capable de mesurer un certain nombre... se fier à un certain nombre d'indicateurs, et ces indicateurs-là, bien, on ne peut pas les choisir au hasard comme ça. Et c'est la raison pour laquelle je pense que l'étape de la consultation, à ce stade-là, est tout à fait essentielle.

M. Mulcair: Parce que ? je fais miens les commentaires du député de Masson de tantôt ? si on n'arrive pas avec quelque chose de suffisamment bien structuré, c'est comme discuter de la beauté. Chacun va prendre un ou des éléments et faire des publicités Familiprix: Ah! Ha! Ça, ce n'est pas du développement durable parce que, moi, je retiens tel ou tel élément, donc, ou ça, ça l'est pour des raisons similaires. Il faut absolument que ce soit structuré et qu'il y ait une compréhension commune. D'ailleurs, la consultation elle-même va servir à une partie de fins qui est strictement d'information auprès du public pour que les gens comprennent.

M. Rouleau (Raymond): Et ce n'est pas une chose facile. On a réalisé, nous, l'expérience au niveau d'une région. Vous avez d'ailleurs, dans votre pochette, là, un document important qui indique comment on a choisi 40 indicateurs pour le développement durable du Saguenay?Lac-Saint-Jean, et vous allez voir que c'est une démarche de fond. Et pourquoi on choisit tel indicateur ou tel autre? Bien, ça, il faut motiver son choix, il faut revenir devant les citoyens et dire: Bien, voici, nous, on pense que, par exemple, la santé, c'est un indicateur important; l'accès à la terre, ça peut en être un autre; etc. Alors, c'est une démarche... Puis en même temps il ne faut pas que ce soit trop lourd parce que, là, on va tomber dans la critique du député de Lac-Saint-Jean qui dit: Bien, il faut aboutir aussi, là, on a une obligation de résultat.

M. Mulcair: Mais je vais vous dire qu'il y a des choses qui, pour nous, lors de la tournée, étaient tout à fait prévisibles: on s'attendait à parler d'eau; on s'attendait à parler de sols contaminés. On s'attendait à un certain nombre de choses, mais il y a eu quelques surprises. Une des surprises, par exemple, c'était l'emphase sur les paysages, c'est sorti comme un thème fort en dehors de Montréal et de Québec. Et d'ailleurs c'est ça qui nous a amenés à inclure, dans nos principes qui vont nous guider, la notion de subsidiarité, de renvoyer un petit peu plus vers chaque région le devoir et la responsabilité ultime de décider ce qui est nécessaire pour eux, et vous donnez un exemple vital, vivant qui vient de votre coin. Parce que, si j'ose inventer un terme, les consultations, ici, ont tendance à être un peu urbicentriques, axées... ou même Montréalcentriques, parce que même il y a des gens qui se tapent les deux heures de pont à pont. Si on regarde, d'une manière générale, ceux qui ont tendance à être dans les médias, ça va être plus simplement quelqu'un qui a un accès à un hôtel au centre-ville pour venir dire: Bien, voici ce qui en est.

Alors que, lorsqu'on se promène à travers le Québec comme, nous, on a eu l'immense plaisir de le faire pendant trois mois, on réalise... Puis le député du Lac-Saint-Jean, il vient d'une région, le député de Masson, il vient de Lanaudière, ils sont... Bien, Lanaudière, un petit peu moins une région dans le sens où son comté couvre un peu les deux réalités mais un peu plus Grand Montréal. Mais, le Lac-Saint-Jean, on parle d'une vraie région en ce sens que bien en dehors des centres de la métropole et de la ville de Québec. Les réalités sont effectivement très différentes, très différentes, et il faut qu'on en tienne compte.

M. Régnier (Jacques): Juste pour compléter votre question sur la consultation publique, on a fait des enquêtes ? et puis je pense que ça a été fait au niveau du Québec ? et ce que les citoyens retiennent comme processus de consultation dans lequel ils s'identifient et ils y croient, c'est le processus du BAPE. Alors, c'est pour ça que, nous, on a relié tout ça. En termes de crédibilité, je pense qu'avoir un processus qui ressemblerait à ça au niveau de la consolidation, au niveau des stratégies et des indicateurs pourrait être une formule qui rejoindrait un maximum de personnes. Et, quant à la crédibilité de la formule, je pense qu'elle a déjà été éprouvée dans plusieurs régions du Québec. C'était juste un commentaire pour boucler la boucle.

M. Mulcair: ...temps pour après, M. le Président, on pourrait peut-être revenir.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Tremblay: Merci. Bienvenue. Écoutez, dans le projet de loi, il est écrit que, d'ici un an, le gouvernement devra établir une stratégie. J'aimerais, pour le bien de la commission, que... vous faites la différence entre stratégie et indicateurs. Vous nous avez fourni deux documents ici, un, c'est un peu la lunette... ou, quand, je crois, vous étudiez ce que fait une entreprise, vous passez à travers ces 22 questions. Donc, est-ce que le gouvernement pourrait s'influencer... ou dans quelle mesure le gouvernement pourrait s'influencer d'une grille d'analyse comme ça, et est-ce que c'est ça qui devient une stratégie?

Et, par la suite, le tableau de bord, les indicateurs, est-ce que ce que le gouvernement devra faire comme ouvrage devra ressembler à quelque chose comme ça? Parce qu'à date, de la part du ministre, on n'a pas eu... enfin, moi, je n'ai pas encore entendu à quoi ça pourrait ressembler, une stratégie à travers chaque ministère, et par la suite à quoi ça pourrait ressembler, des indicateurs de développement durable, parce qu'étant donné que vous avez fait tellement de travaux dans ça, est-ce qu'il faut réinventer la roue ou bien donc on peut s'inspirer beaucoup de ce que vous avez fait?

M. Régnier (Jacques): ...naturellement que le gouvernement du Québec, le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs s'inspire de ce qui a été fait à titre de projet pilote au Saguenay?Lac-Saint-Jean, projet pilote qui a duré quand même trois ans et qui a mis à contribution toute la région. Alors, ce projet-là a été réalisé grâce à une entente spécifique avec le ministère et cinq autres ministères du Québec, dont le ministère des Transports, de la Faune, etc., des Ressources naturelles ainsi que de l'Agriculture. Oui, il y a des choses intéressantes, il y a des choses qui pourraient s'appliquer à toutes les régions du Québec parce que le document que vous avez ici, le tableau de bord d'indicateurs, quand on se réfère ici à ce qui est indiqué en termes d'objectifs, bien c'est ça, le cadre de référence, c'est à partir du moment où tu fixes des objectifs à atteindre, c'est ça, tes stratégies en tant que telles. Ici, l'objectif, c'était: «Besoin physiologique: favoriser chez les individus une vie longue et en santé» ? c'est à la page 20 ? alors ça, c'était l'objectif à atteindre. L'indicateur qui va nous permettre de l'atteindre, c'est un moyen seulement, alors il faut distinguer l'objectif, qui est la stratégie, et le moyen pour la mesurer, cette stratégie-là, qui est l'indicateur en tant que tel. Et, à partir de ça, on a fait une grille d'analyse de projets.

Alors, tous les outils s'imbriquent les uns dans les autres pour être cohérents naturellement avec ce qu'on propose à l'ensemble des partenaires en tant que tels. Alors, c'est le travail qui était fait dans la région, comme je le disais, avec une foule de personnes consultées. Et ce sur quoi la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean s'est entendue, c'est sur 40 indicateurs, mais avec 40 objectifs très précis qui étaient derrière ces indicateurs-là.

M. Tremblay: Mais, étant donné que le projet de loi qu'on parle aujourd'hui ciblera les ministères... Parce que l'exercice que vous avez fait, c'est pour une région, c'est pour une vision globale. C'est d'ailleurs un peu ma critique que j'ai amenée en préliminaires, que c'est toute une société qui peut emboîter le pas dans le développement durable et qu'avec le projet de loi qu'on a aujourd'hui c'est simplement l'administration, donc c'est chaque ministère. À ce moment-là, est-ce que l'établissement de stratégie et d'indicateurs pour chaque ministère peut être comparable avec la globalité de toute une région? Par exemple, je ne suis pas sûr que le ministère de la Santé aura à juger de la vitalité culturelle de son ministère.

n (17 h 20) n

M. Régnier (Jacques): Effectivement, c'est un bon défi. À ce moment-ci, j'ai de la difficulté à l'exprimer en tant que tel. Mais ce qu'il faut, au départ, dans toute stratégie, c'est de faire un portrait de la situation, un état du Québec, si on parle du ministère, du gouvernement ici, de faire un état de ce qui se passe au Québec, par la suite de faire des stratégies qui vont nous mener à des objectifs bien précis qu'on veut atteindre. On va mettre les indicateurs en place par la suite pour mesurer cette stratégie-là et changer les choses.

C'est effectivement le cas que, si le Plan de développement durable se restreint aux façons de faire des ministères, ça va être long, les résultats seront difficilement palpables à court et à moyen terme, et on risque de s'ennuyer un peu quelque part dans tout ce processus-là. Effectivement, je pense qu'ici on a une belle occasion de mettre à contribution les CRE, les conseils régionaux des élus de chacune des régions du Québec, de mettre les MRC, les municipalités, parce que, dans les régions, c'est là que ça se passe, c'est là que l'action se passe et c'est là que les décisions se passent. Il est possible que ce plan-là puisse être l'amorce d'un véritable changement au Québec, mais l'ambition est très grande et les attentes sont très grandes aussi dans cette direction-là.

M. Tremblay: Mais vous qui vous spécialisez, par exemple... et une bonne partie de vos interventions se font au niveau du secteur économique, enfin, un endroit certainement où vous vous démarquez, là, lorsque, vous l'avez dit tout à l'heure... Plusieurs entreprises de plusieurs régions ont fait des démarches de développement durable et, au bout du compte, on s'aperçoit qu'il y a des gains sociaux, économiques et environnementaux, mais là on parle d'une entreprise. Mais là où je me pose des questions, c'est dans un ministère: Comment un ministère, qui va se doter d'une grille d'analyse, une grille stratégique d'objectifs à atteindre, parviendra à contaminer le reste de la société, compte tenu que les efforts, les changements sociaux, les changements environnementaux, c'est bien plus dans la population, dans les entreprises, dans la vie de tous les jours et non pas dans les tours à bureaux du ministère?

M. Régnier (Jacques): Poser la question, c'est un peu y répondre, hein? Je vais laisser le soin à Raymond pendant que je vais penser un peu.

M. Rouleau (Raymond): Je pense qu'au départ il faut commencer par un cadre. Et ce qu'on dit carrément, c'est que ce cadre-là, bien il va nous permettre d'aller un petit peu plus loin. Alors, si chaque ministère s'engage dans une démarche concrète, bien les programmes qui vont en découler, j'imagine, devraient traduire le même esprit. Alors, je pense que, moi, c'est déjà une bonne pierre d'assise qu'on pose avec ce projet de loi. C'est sûr qu'on est loin de la mise en oeuvre à la grandeur de la société québécoise, là.

Seulement dans le comté de Lac-Saint-Jean, il y a 85 agents de développement qui s'occupent de développement. Alors, comment on va arriver à contaminer ces 85 là de façon à ce que, lorsqu'ils acceptent un projet, ils utilisent la grille puis qu'ils le bonifient en fonction du développement durable, bien là il y a un travail de titan, hein, je pense, à faire et là il y a tout un travail de contamination qui doit se faire.

Alors, c'est bien sûr qu'on n'arrivera pas du jour au lendemain, là, à: tout le monde est beau, tout le monde est parfait, mais je pense que c'est une première brique. Et c'est peut-être ça qu'on ne voit pas bien. Parce que finalement le projet qui est déposé, c'est un cadre institutionnel où l'administration publique s'engage à intégrer le développement durable dans son administration, mais après ça il y a toute la mise en oeuvre et puis toute l'élaboration de programmes précis de chacun des ministères qui devra s'ensuivre, je pense.

M. Régnier (Jacques): Peut-être en complément, effectivement, c'est un grand défi, mais, à partir du moment où le ministre aura pu convaincre les autres ministres du gouvernement, par exemple, que le développement durable, ce n'est pas seulement la protection de l'environnement mais c'est aussi une nouvelle façon de faire les choses, une façon qui peut être même rentable de le faire, et puis là je pense aux ministères à vocation économique qui ont les gros budgets en tant que tels et qui influencent drôlement les régions et les divers centres et les entreprises, alors, si ces ministères-là sont convaincus, je pense que c'est une porte d'entrée dans l'application du développement durable intéressante.

Je fais juste un parallèle avec ce que le fédéral a fait, a réussi après 10 ans. Bien, c'est à partir du moment où Développement économique Canada qui a le gros budget... ses fonctionnaires ont été convaincus que c'était une voie intéressante à suivre parce que ça a un impact économique, bien là les portes se sont ouvertes, et puis là ça roule, les projets roulent, et les gens sont de plus en plus convaincus.

Qu'on parle du ministère de la Santé également qui pourrait, avec une approche du développement durable axée sur la prévention... On en fait, du développement durable, quand on parle de prévention, dans le domaine de la santé. Il y a plein de projets intéressants à faire. On est, chez nous, en discussion avec l'agence de la santé pour réaliser certaines choses très intéressantes.

Alors, le développement durable, ce n'est pas juste de l'environnement, et ça se décline de façons différentes, de façons horizontales et transversales, et tout le monde peut y trouver son compte. Je pense qu'il faut puncher le discours puis arrêter de penser que c'est seulement une façon de nous empêcher de se développer. C'est pour ça que le développement durable, pour nous, c'est du développement et ce n'est pas seulement de la protection de l'environnement.

Le Président (M. Pinard): M. le député d'Alma... du Lac-Saint-Jean.

M. Tremblay: Et c'est fascinant de vous entendre, puisque, hein, c'est le ministre de l'Environnement qui devient le ministre du Développement durable, alors que, vous, ce que vous dites... Et, hein, dans votre grille, il n'y a même pas le mot «environnement» ici, hein?

Une voix: ...

M. Tremblay: Vous parlez de gestion des ressources. Est-ce que cependant, bien que le développement durable n'est pas que l'environnement, est-ce que le développement durable doit considérer l'environnement ou l'environnement est une condition au développement durable?

M. Régnier (Jacques): Là-dessus, sur les... comment je pourrais dire ça, sur la façon de le décliner, je pense que le CQDD est assez large dans sa façon de justement décliner le développement durable. Pour nous, les trois aspects sont pris en compte, en considération à parts égales. Je pense qu'un développement ne peut pas se faire s'il n'est pas économique. Il ne se fera pas si, au niveau économique... Parce que, là, on ne pense pas, quand on s'adresse aux entreprises, que c'est seulement la bonne économie de l'entreprise, c'est l'économie d'une région, d'un pays, hein, d'un Québec. Et, dans ce sens-là, ça se décline de différentes façons. Mais je pense que les trois aspects doivent être pris en compte. Et on a beaucoup de difficultés à concrétiser cette application-là quand on n'a pas d'outils pour le faire.

Je pense que là-dessus on est très humbles là-dessus. On est aux balbutiements de différents outils à développer. On les expérimente, et je pense qu'il y a encore beaucoup à faire justement pour intégrer. Il y a beaucoup d'universités à travers le Québec qui travaillent sur l'élaboration d'outils, comme le fait le CQDD ? le CQDD est peut-être plus près du terrain. Mais somme toute, oui, que l'environnement peut être un moyen, mais, en tant que tel, on le considère sur le même pied que les deux autres aspects.

M. Rouleau (Raymond:) Et j'ajouterais que l'ambiguïté provient du fait que ce sont beaucoup des environnementalistes qui ont mis de l'avant le concept. Et ça, je pense qu'il faut leur rendre hommage là-dessus aussi. Mais, je le disais tantôt, quand on parle de développement durable, c'est d'abord de développement qu'on parle. Et là on parle justement de ce fameux mouvement de fond qui amène tout être humain à vouloir faire mieux les choses, améliorer l'utilisation des ressources. Parce qu'à mon avis ce n'est pas normal qu'avec le paquet de ressources dont on dispose on ne fasse pas mieux puis qu'on n'arrive pas à une meilleure équité entre les pauvres et les plus riches et à une meilleure utilisation, une meilleure justement utilisation de notre environnement.

M. Régnier (Jacques): Peut-être en complément aussi.

Le Président (M. Pinard): Oui, allez-y.

M. Régnier (Jacques): Ce que le gouvernement va faire avec le plan, c'est qu'il va peut-être accélérer les choses ou il va débloquer certaines choses. Le mouvement est déjà là, hein? Ce n'est pas pour rien que les entreprises viennent nous voir, puis pas la petite entreprise seulement, la grande entreprise vient nous voir, et qu'on travaille avec. Pourquoi? Parce qu'ils ont vu un côté de rentabilité. Tantôt, ils y voient un côté pour se péter les bretelles, on n'a rien contre. Et puis les indices Dow Jones sur le développement durable, ça existe, les fonds de dotation, ça existe aussi, les entreprises qui font leurs propres plans pour s'insérer dans la responsabilité sociale des entreprises, ça existe. Le mouvement est déjà là. Et, à notre grande surprise, depuis 10 ou 15 ans, c'est les entreprises qui ont pris ce virage-là parce qu'elles y trouvaient leur compte, hein? Ça, c'est intéressant.

n (17 h 30) n

Alors, travaillons dans la même direction, que les ministères débloquent ou aient des mesures dans lesquelles leurs programmes s'inspirent du développement durable. Quand une entreprise va les voir: Tu fais-tu du développement durable? Oui? Bien, on va te financer. Ou on va te financer à condition que. Ça, c'est des choses intéressantes.

On fait des diagnostics d'entreprises de développement durable, et Emploi-Québec subventionne une partie de ces diagnostics-là. Ils ne nous subventionnent pas, nous, mais ils subventionnent l'entreprise au même titre qu'un autre diagnostic qui se fait dans l'entreprise. Alors, les ministères commencent déjà à s'ouvrir, ce qui est fort intéressant. Il faut encore accélérer le mouvement pour aller encore plus vite parce que est-ce qu'on va avoir le temps de tout faire avant qu'on ait trop de problèmes?

Le Président (M. Pinard): M. le député de Masson.

M. Thériault: Une question tabou rapidement. Peut-être que vous ne pouvez pas répondre. Vous n'êtes pas obligés. Mais le prolongement de l'autoroute 25 lié à un pont sur la 25, est-ce que c'est du développement durable?

M. Régnier (Jacques): Je répondrais dans un autre sens. Peut-être que Raymond pourra penser aussi à la réponse, là. Écoutez, partout où on va, on nous demande: Est-ce que c'est du développement durable? C'est la fameuse question. Je pense que la question a déjà été posée à notre premier président, qui était Claude Villeneuve, le premier président, en 1991, sur le fameux dossier de l'Ashuapmushuan chez nous. Alors, Claude avait pris une demi-heure ou trois quarts d'heure pour répondre ce que je vais vous répondre en deux minutes.

C'est que le développement durable, on ne peut pas tout d'un coup dire comme ça, là, en regardant l'affaire, que: Ah oui! Ça, ça ressemble à du développement durable, et tout ça. Ça s'analyse. Il y a des grilles d'analyse pour le faire, il y a une partie importante de l'analyse de développement durable qui est liée à l'acceptabilité sociale. Donc, les populations doivent être consultées. Il y a tout un mécanisme qui fait que, en bout de piste, on est capable de dire à l'entreprise: Écoutez, si vous faites ça, ça et ça, vous allez être dans un processus de développement durable qui n'est pas une certification. Le développement durable, c'est un processus. On l'est un jour, on ne l'est pas le lendemain, là, dépendant de bien des conditions. Une porcherie en Beauce puis une porcherie au Saguenay? Lac-Saint-Jean, ça ne s'analyse pas de la même façon. Alors, c'est pour ça qu'il n'y a pas de mur-à-mur dans l'analyse de développement durable. Je ne sais pas si ça répond à votre question, là?

M. Thériault: Mais, avant de dire que ça en est, par exemple, j'imagine qu'il faut avoir les moyens d'analyser les choses?

Une voix: Oui.

M. Thériault: O.K. Mais vous n'avez pas analysé ce projet-là?

Une voix: Non.

M. Thériault: O.K. Malheureusement.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le ministre.

M. Mulcair: Quelle extraordinaire chance que nous avons, cet après-midi, de vous avoir avec nous. Je pense que l'alignement des astres ne pouvait pas être plus heureux que d'avoir vous ici avec nous cet après-midi ainsi que le regroupement des CRE. Vous avez vraiment donné plein d'informations qui vont servir comme fondation pour le reste de nos discussions. Ce n'est pas pour rien que vous êtes là par ailleurs, parce que, nous, on a rencontré beaucoup, beaucoup de groupes. Il fallait commencer à jeter ces bases-là, puis on connaissait votre expertise et la présentation puis les rencontres qu'on a déjà pu avoir.

Juste pour le bénéfice de mon collègue de Lac-Saint-Jean, s'il regarde l'article 4, on peut l'étendre aussi aux organismes municipaux puis à tout autre organisme visé par la Loi sur l'accès dans ce domaine-là, par exemple les conférences régionales des élus. On peut l'étendre aux organismes scolaires assez rapidement également. Mais il a raison. Il a utilisé le mot «contaminer», et je comprends le sens dans lequel il l'utilisait. Mais j'oserais lui répondre sur un ton un peu badin qu'on cherche plutôt à inspirer que contaminer.

Prenons un exemple concret, le palais de justice qui vient de s'ouvrir à Mont-Laurier, qui est sur la ligne de latitude à peu près comme chez lui, donc très froid, des bons hivers. On l'a fait avec du géothermique. Bon. Ça, pour moi, c'est un cas où le gouvernement est en train de donner un exemple, parce qu'on a un défi économique qui est de convaincre les gens qui prêtent de l'argent, qui consentent les hypothèques que, même si ça risque de coûter un petit peu plus cher, leur garantie ? parce que c'est ça qu'ils cherchent quand ils prêtent ? leur garantie est tout aussi bonne puis, à terme, c'est même un meilleur pari. Mais il faut y arriver. Il faut les convaincre. Alors, peut-être là le gouvernement peut donner le modèle avec des cas concrets comme celui-là.

L'exemple qui a été donné pour le choix des appels d'offres, le genre de chose que l'on va mettre là-dedans, l'écoconditionnalité, dire: Bien, avant de subventionner, on va s'assurer que... ça, c'est l'aspect un peu plus environnemental, mais faire les choses dans une perspective de développement durable.

La production porcine demeure le meilleur exemple. Moi, je rencontre des groupes puis je l'ai fait encore la semaine dernière: Zéro production porcine. Il ne devrait plus y en avoir aucune. Je ne peux pas commencer avec une base comme celle-là. Alors, je dis: Mais pourquoi? Parce que ce n'est pas bon, ce n'est pas du développement durable. Je dis: Attendez, là. On est capable de mesurer, d'y aller selon l'endroit où on se trouve et avoir donc des modèles. Donc, ça, c'est un schéma d'analyse qui émane de l'État.

Donc, chaque ministère et organisme va avoir ses obligations. Mais je donne raison au député sur une chose: c'est que, le travail dans les entreprises, il va falloir qu'on ait un «partnering», il va falloir ? si vous me passez l'horrible anglicisme que je viens d'inventer ? qu'on ait des partenaires. Mais, pour moi, le centre est le partenaire idéal, puis, moi, j'ai l'intention de les intégrer, dans la mesure où c'est possible, à chaque étape de notre démarche, notamment pour ce qui est de la définition des indicateurs. Peu importe le format que ça va prendre, mais, pour moi, cette expertise-là, on ne la recréera pas ailleurs, on ne la retrouvera pas ailleurs. Il faut absolument qu'on en tire profit. Et je tiens donc, en terminant, à remercier énormément nos partenaires du Centre québécois de développement durable, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Autres questions? Alors, messieurs, je veux tout simplement vous dire, à titre de président de la commission, que nous avons été très heureux de vous recevoir cet après-midi, et vous nous avez enrichi. Merci infiniment de vous être déplacés.

Alors, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 36)


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