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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 7 décembre 2005 - Vol. 38 N° 57

Consultations particulières sur le projet de loi n° 118 - Loi sur le développement durable


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Table des matières

Auditions (suite)

Intervenants

 

M. Claude Pinard, président

M. Thomas J. Mulcair

M. Stéphan Tremblay

M. Janvier Grondin

M. Luc Thériault

* Mme Anne-Marie Tellier, AQME

* M. Jean-Pierre Finet, idem

* M. Marc Sauvé, Barreau du Québec

* M. Jean Piette, idem

* M. Michel Yergeau, idem

* M. Jérôme Vaillancourt, Vivre en ville

* M. Léopold Gaudreau, ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs

* M. Anselme Gagné, ROBVQ

* Mme Marie-Claude Leclerc, idem

* Mme Andrée-Lise Méthot, FIDD

* M. Pierre Toth, idem

* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures vingt-quatre minutes)

Le Président (M. Pinard): Je constate le quorum. Je rappelle que le mandat de la commission pour cette séance est de poursuivre les consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 118, Loi sur le développement durable.

Alors, je vous donne lecture de l'ordre du jour: à 11 h 30, nous allons rencontrer l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie; à 12 h 15, le Barreau du Québec; à 13 heures, suspension de nos travaux; nous reprenons, cet après-midi, à 15 heures avec le groupe Vivre en ville; et, à 15 h 45, le Regroupement des organisations de bassin versant du Québec; 16 h 30, le Fonds d'investissement en développement durable; et nous ajournerons nos travaux à 17 h 15.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, j'invite les représentants de l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie de bien vouloir se présenter pour fins d'enregistrement et je vous rappelle que les règles sont les suivantes: vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire; ensuite de ça, il y aura un échange de 15 minutes avec le gouvernement et un échange également de 15 minutes avec l'opposition officielle. Alors, bienvenue.

Association québécoise pour la
maîtrise de l'énergie (AQME)

Mme Tellier (Anne-Marie): Merci. Alors, je tiens, au nom de l'AQME, à vous remercier de votre invitation.

Le Président (M. Pinard): Ça nous fait plaisir.

Mme Tellier (Anne-Marie): Mon nom est Anne-Marie Tellier, P.D.G. de l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie, et je suis avec Jean-Pierre Finet, qui est membre du conseil d'administration de l'AQME.

Alors, on vous présentera premièrement l'AQME brièvement, et ensuite Jean-Pierre vous entretiendra de l'efficacité énergétique et du développement durable, pour en arriver à notre appréciation du projet de loi n° 118. Et on se référera, au cours de notre présentation, au mémoire qui a été présenté par l'AQME en date du 14 février dernier.

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi, madame. Est-ce que vous avez un mémoire à déposer?

Mme Tellier (Anne-Marie): Non. On en a déposé un le 14 février.

Le Président (M. Pinard): Non. Alors, on vous écoute religieusement.

Mme Tellier (Anne-Marie): Alors, l'AQME brièvement. Depuis maintenant 20 ans, l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie a fait de l'efficacité énergétique l'enjeu principal, son cheval de bataille, en fait, dans une perspective de développement durable. L'AQME regroupe quelque 600 membres, et c'est un organisme neutre, indépendant et privé. Ça regroupe principalement... 44 % des membres proviennent du secteur public, tandis que 56 % des membres proviennent du secteur privé, et, dans ces membres-là, il y a des grands consommateurs d'énergie, évidemment, des fournisseurs de produits et services, des distributeurs d'énergie, différents paliers de gouvernement, etc.

Alors, l'AQME est un carrefour d'intervenants qui mettent en commun leur expérience, diffusent l'information et oeuvrent activement à la promotion, la recherche, le développement et l'innovation dans le domaine de l'efficacité énergétique.

Pour s'acquitter de sa mission, l'AQME organise plusieurs événements, dont un congrès annuel, des colloques, des ateliers de formation, une revue trimestrielle également, qui s'appelle La maîtrise de l'énergie, et elle tient une soirée gala une fois l'année pour le concours Énergia, et on a été honorés, le 9 novembre dernier, d'avoir le ministre Mulcair comme président d'honneur de ce gala, et le gala reconnaît certaines réalisations en matière d'efficacité énergétique, les meilleures pratiques et aussi de réduction de gaz à effet de serre.

Donc, le ministre a été à même, à cette soirée et, j'imagine, à travers ses pèlerinages à travers la province, de constater le lien privilégié qui relie l'efficacité énergétique au développement durable. Alors, l'AQME mène déjà plusieurs actions pour contribuer au développement durable du Québec, dont le projet GESEM avec les municipalités du Québec. Le projet permet d'établir leur bilan de consommation énergétique et leur bilan d'émission de gaz à effet de serre. On est à travailler à la phase 2 du projet avec l'UMQ et la FQM. Il y a aussi le Projet Transport, qui s'occupe d'efficacité énergétique et de réduction de consommation énergétique des grands parcs de véhicules institutionnels et privés.

D'autre part, pour les bâtiments, l'AQME oeuvre à informer, sensibiliser et former pour un rehaussement des normes de construction. Donc, ces actions ne représentent qu'une partie évidemment de ce que peut faire l'AQME, et on aimerait en faire davantage à la faveur d'une collaboration plus étroite avec le gouvernement. Et je passe la parole à Jean-Pierre.

M. Finet (Jean-Pierre): Bonjour. Premièrement, je voudrais simplement insister sur le lien très étroit qui devrait exister entre l'efficacité énergétique et le développement durable, puisqu'il est question ici de développement durable. Donc, dans la production, le transport, le stockage, la distribution, la consommation d'énergie, ça a un impact énorme sur le développement durable. Donc, l'énergie en tant que telle, mais l'efficacité énergétique aussi, les énergies renouvelables. D'ailleurs... C'est pour ça d'ailleurs aussi qu'on réglemente au Québec, entre autres, en matière d'efficacité énergétique, sur les nouveaux bâtiments et sur les produits et les équipements.

Il y a aussi, récemment, ce n'est pas si lointain que ça, il y a eu un avis de la Régie de l'énergie sur la production énergétique au Québec, en regard de la centrale du Suroît, où la Régie, clairement ce qui est indiqué, c'était de réétudier justement les alternatives, et l'efficacité énergétique en était une justement, dans une des trois alternatives, dans une perspective de développement durable.

n (11 h 30)n

Un autre exemple, si vous voulez: quand on construit un bâtiment certifié LEED, un des critères importants d'une certification d'un bâtiment durable, ce qu'on peut qualifier de bâtiment durable, c'est l'efficacité énergétique et l'énergie renouvelable, donc qui comptent pour 25 % des critères du développement durable. Et d'ailleurs, justement, le ministre Mulcair était à notre concours Énergia récemment, donc ce qui vient aussi confirmer le lien étroit qui devrait exister entre les deux.

Donc, maintenant, quant à notre appréciation du projet de loi n° 118, bien, tout d'abord, oui, comme on l'a indiqué dans notre mémoire en février, on est très favorable au projet de loi et surtout on souscrit à plusieurs des grands principes du projet, dont l'efficacité et l'économique, la prévention, la production en consommation responsable, qui justement, en matière d'efficacité énergétique, aussi est importante, partenariat et coopération gouvernementale, l'internalisation des coûts... Et ça, je voudrais insister là-dessus un peu, puis le Fonds vert aussi. Mais, sur l'internalisation des coûts, on a en, efficacité énergétique, ce qu'on appelle «life cycle costing analysis», l'analyse du coût du cycle de vie des mesures, c'est-à-dire, ce qu'on prend, c'est le coût de l'acquisition du produit, de l'équipement ou du bâtiment, plus le «second price tag», là, le coût de l'opérer, ce bâtiment-là, le coût de sa conservation, qui parfois peut être beaucoup plus grand même sur la durée de vie utile que le coût d'acquisition du bâtiment ou du produit lui-même. C'est un peu dans ce sens-là qu'on a développé, avec cet outil-là, qu'on a développé les codes modernes nationaux de l'énergie, d'ailleurs, au Canada. Donc, entre le produit le plus cheap qui va consumer le plus et le produit le plus cher qui va consommer le moins, quel est le niveau optimal, donc, de choix, là-dedans, à faire?

Et donc, à ce propos-là, ça m'amène à parler justement du fait que ce projet de loi là amène le gouvernement à prêcher par l'exemple beaucoup, le projet de développement durable. Et donc, dans cette perspective-là, nous, ça fait déjà plusieurs années qu'on encourage le gouvernement à donner l'exemple en matière d'efficacité énergétique et à suivre, entre autres, l'exemple du gouvernement canadien et du gouvernement de la Nouvelle-Écosse, par exemple, et à exiger que tous les nouveaux bâtiments publics soient construits de sorte à ce qu'ils soient au moins 25 % plus efficaces que s'ils avaient été construits selon soit la réglementation actuelle ou le Code modèle national de l'énergie pour les bâtiments. Je pense, il me semble, qu'il est grand temps que le gouvernement donne l'exemple, montre... et c'est rentable de toute façon et c'est dans une perspective de développement durable, donc, afin de ne pas hypothéquer les générations futures.

On reconnaît aussi le très grand besoin de coordination interministérielle dans l'appareil gouvernemental. On a besoin d'un leader pour porter le flambeau du développement durable au sein de l'appareil gouvernemental. Et on a justement vu... nous, on collabore beaucoup avec l'Agence de l'efficacité énergétique, au Québec, et l'agence a dans son mandat justement de favoriser l'efficacité énergétique au sein de l'appareil gouvernemental. Malgré des très bonnes intentions et des efforts soutenus, il y a eu des résultats, je dirais, plus ou moins satisfaisants, dans le sens qu'il n'y a pas eu d'engouement qui a été créé et de transformation complètement de l'appareil gouvernemental, en tous cas en matière d'efficacité énergétique, qui a été fait.

Il y a aussi la nouvelle réglementation, dans les nouveaux bâtiments. Le Québec s'apprête à rehausser les normes minimales d'efficacité énergétique dans la construction de nouveaux bâtiments, et ça, ça implique encore là une coordination interministérielle importante. Il y a l'agence, avec le ministère des Ressources naturelles, qui développe, qui prépare cette mise à jour là, mais c'est la Régie du bâtiment qui essentiellement, avec le Code de la construction, va l'implanter. Donc, il y a un très grand besoin, dans la planification jusqu'à l'implantation, de coordination.

Et enfin on est d'accord aussi avec le besoin de révision du cadre de gestion et du financement de projets, qui n'est pas optimal en ce moment et qui constitue un peu un frein, une barrière à l'adoption de mesures d'efficacité énergétique au sein de l'appareil gouvernemental.

On a quelques préoccupations, dont l'absence de la relation entre la politique énergétique en préparation puis le projet de loi sur le développement durable. Donc, il y aurait un besoin d'intégrer ces deux initiatives-là, à notre avis, à cause de l'incidence justement de la politique énergétique qu'il peut y avoir sur le développement durable.

Par rapport à la reddition de comptes, on se demande aussi un peu quelle va être la véritable portée du Commissaire au développement durable, c'est-à-dire, à l'interne. Comment on va faire pour vraiment s'assurer que ça va suivre, sans y avoir de pénalités, mais que ça ne sera pas seulement sur une base volontaire finalement.

On doit vous dire aussi que nos membres... Anne-Marie vous disait tout à l'heure que près de la moitié des membres de l'AQME viennent du secteur public. Le secteur public, en tout cas les membres de l'AQME, nos membres qui viennent de l'appareil gouvernemental ont fait déjà beaucoup en matière d'efficacité énergétique et peuvent constituer un exemple à suivre au sein de l'appareil gouvernemental. Donc, s'il y avait un objectif d'établi en termes de politique de développement durable ou d'objectifs d'économie d'énergie à l'interne, je pense qu'il ne devrait pas être dogmatique, en ce sens qu'on ne devrait pas nécessairement exiger un tel pourcentage de réduction par rapport à ce qu'on consomme actuellement mais bien d'aussi reconnaître ce qui a été fait auparavant et peut-être d'établir une cible énergétique en termes de gigajoules par pied carré ou par mètre carré de surface. Donc, c'est ça. Bon, en conclusion, vas-y, Anne-Marie, moi, j'ai terminé.

Mme Tellier (Anne-Marie): Donc, en conclusion, l'AQME accueille favorablement le projet de loi. L'objectif est louable. On a certaines préoccupations, Jean-Pierre vient de les exposer, je ne les répéterai pas. Et on offre, on réitère notre offre en fait de collaborer pour améliorer l'efficacité énergétique dans les bâtiments, mais aussi dans l'industrie, dans le transport, dans une perspective de développement durable. Merci.

Le Président (M. Pinard): Merci, madame. Merci, monsieur. Avant de procéder, je souhaite la plus cordiale bienvenue à la Commission de l'environnement, de l'agriculture et des questions territoriales de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Bienvenue aux travaux de cette commission. Et nous aurons l'occasion tout à l'heure de s'entretenir. Alors, M. le ministre, vous avez un temps de parole de 15 minutes.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. M. le Président, dans un premier temps, laissez-moi souhaiter la bienvenue et remercier Mme Tellier et M. Finet. Je sais qu'ils en ont parlé eux-mêmes, mais je tiens à réitérer: c'est quand on assiste aux prix qu'ils accordent, aux reconnaissances qu'on réalise toutes les choses extraordinaires qui se font au Québec en termes d'économie d'énergie. J'ai eu l'occasion, là, moi-même de constater, dans certains pays d'Europe et avec un climat similaire au nôtre, notamment en Autriche, il y a des choses qui se font qui démontrent à quel point on a du retard et des choses à rattraper, au Québec.

Je vais me permettre, M. le Président, avec l'accord de l'opposition, je vais vous donner une copie pour la commission, et je vais demander à mon proche collaborateur, M. Barker-Greene, de transmettre une copie à mon collègue du Lac-Saint-Jean, et je vais laisser une copie pour les gens de l'AQME. Oui, on va faire une copie pour tout le monde.

Je veux juste dire que l'AQME a raison lorsqu'ils nous parlent du rehaussement des normes de construction comme étant une des clés de voûte. Lors de la tournée sur le développement durable, on a reçu des observations, puis ça m'a surpris, c'était un des domaines où je ne m'attendais pas à avoir autant de réactions. Mais, pour ce qui est de cette question de rehaussement des normes de construction, 33 organismes nous ont fait des observations, 61 recommandations au total. Donc, on les a regroupées dans un document interne, mais ça me fait plaisir de le partager avec mon collègue. Il va voir, comme moi, à quel point c'est vraiment pour nous un filon riche à être exploité dans notre quête non seulement de nos objectifs de Kyoto, mais aussi de l'efficacité énergétique en soi pour notre économie.

On a énormément à faire. Même si on peut se féliciter à certains chapitres d'avoir pris les bons choix par le passé, le fait demeure que nous sommes des gloutons en termes énergétiques, ici. On est très énergivores, on est une des sociétés... en fait, le Canada est un des pays qui consomment le plus d'énergie au monde. Le Québec ne fait pas d'exception là-dessus, même si, par des bons choix historiques, on est rendus avec l'hydroélectricité puis maintenant avec l'éolienne. On en consomme beaucoup.

Alors, merci beaucoup pour tout ce que vous faites, l'AQME, les reconnaissances. Et, moi, j'ai vu qu'il y avait des choses, par exemple, il y avait une madame que j'ai rencontrée à une commission scolaire. Sauf erreur, elle venait du coin de l'Outaouais, c'était la commission scolaire des Draveurs, si ma mémoire est bonne, et elle m'a interpellé et a dit: Écoutez, il faut que vous ayez assez confiance pour nous laisser la marge de manoeuvre pour trouver ces solutions imaginatives, puis elle en avait trouvé.

n (11 h 40)n

Je vais vous demander d'aller un petit peu plus loin sur une de vos observations, c'est l'évaluation du temps que ça prend pour récupérer un investissement, qui peut être un peu plus lourd. Une des choses qui m'a impressionné quand j'ai rencontré la Société immobilière du Québec pour le nouveau palais de justice à Mont-Laurier, qui est déjà un climat assez rude, merci, c'est qu'ils font chauffer tout le bâtiment avec du géothermique. Mais le coût est le plus élevé. Mais, leur calcul, c'est que le prix de revient est plus intéressant. Donc, à l'intérieur de six, sept ans, on a récupéré ça. Si je veux étendre ça et appliquer ce principe dans le secteur privé, voire même dans le domaine résidentiel, une des embûches que je vais avoir, c'est de transiger avec des prêteurs hypothécaires institutionnels.

Alors, est-ce que vous avez réfléchi à cet aspect du problème? Est-ce que vous avez des choses que vous pouvez partager avec nous? Parce que, moi, un des défis que je vois là-dedans, c'est justement comment faire la sensibilisation, l'éducation, et peut-être plus, avec du monde qui doivent prêter pour un édifice qui va coûter plus cher au départ, qui va être plus respectueux de l'environnement, qui va consommer moins d'énergie, mais qui prendra un petit peu plus longtemps à se rembourser, mais qui à coup sûr, à long terme, sera plus rentable.

Le Président (M. Pinard): Mme Tellier, M. Finet?

M. Finet (Jean-Pierre): Je vais répondre, si vous voulez.

Le Président (M. Pinard): M. Finet.

M. Finet (Jean-Pierre): La question du coût de la géothermie, oui, c'est certes une des barrières à l'adoption de cette mesure-là dans le marché. Cependant, Hydro-Québec, qui pousse la géothermie et qui l'a identifiée dans le cadre de son plan global en efficacité énergétique, est membre d'une coalition canadienne qui s'appelle la Canadian GeoExchange Coalition, la Coalition canadienne de l'énergie géothermique, qui, elle, est en train de développer divers outils afin de favoriser une plus grande implantation de cette technologie-là dans le marché «mainstream», si on pourrait dire.

Le coût en est une, barrière à l'adoption de cette mesure-là dans le marché. Cependant, ce n'est pas la seule ni la plus importante barrière. La technologie en tant que telle est géniale. C'est l'industrie, et la discipline, et le manque d'infrastructures dans l'industrie qui fait plutôt mal. Ce que la coalition est en train de développer, parce que la coalition est aussi un partenaire de l'AQME, au même titre que ÉcoRoute Québec inc., la coalition est en train de développer différents outils, entre autres des programmes de formation, mais aussi un programme de certification, et éventuellement peut-être même un programme de financement qui pourrait faire en sorte qu'Hydro-Québec et/ou un autre acteur pourrait finalement faciliter l'implantation de cette mesure-là.

D'ailleurs, vous pouvez regarder, Manitoba Hydro, pour ce qui est du marché résidentiel, a un programme de financement à 0 % d'intérêt des systèmes géothermiques dans son marché, et il en utilise régulièrement. Manitoba Hydro fait partie de cette coalition. Là, ils font référence à leur propre formation, qui est livrée par un organisme international en ce moment, mais donc en font la promotion active. Et le financement fait partie, sur la facture d'électricité, fait partie des solutions qui sont envisagées, envisageables et qui sont même mises en application dans le marché.

Et il y a aussi différents mécanismes de financement, là. Il y a le Fonds en efficacité énergétique aussi qui fait du financement à 0 % d'intérêt. Donc, les économies d'énergie viennent rembourser le coût incrémental de cette technologie-là par rapport à une technologie conventionnelle. Donc, le financement est un outil, je pense, qui est assez attrayant, mais il faut d'abord et avant tout développer l'infrastructure du marché afin de donner confiance au marché justement. Parce qu'il y a eu quelques cas où la géothermie n'a pas donné les résultats escomptés parce que l'installation avait été mal faite, parce que le design avait été mal fait... parce qu'on doit «designer» la géothermie en fonction des zones d'un bâtiment; donc, si on n'a pas assez calculé de charge ou... donc, c'est ça, le système n'est pas capable de fournir par grand froid, donc ça prend un «backup» aussi, tout ça. Mais il y a des systèmes qui ont été mal installés. Ontario Hydro a eu des très, très, très mauvaises expériences, dans le début des années quatre-vingt, dans Bayview Hills, je pense, district, à Toronto.

Donc, ce n'est pas quelque chose... Il faut faire très attention, il faut s'assurer surtout de la crédibilité de la technologie dans le marché. Parce qu'on aura beau avoir le financement puis le «payback», la période de retour d'investissement qu'on voudra, s'il n'y a pas de... si le marché ne se sent pas rassuré justement par rapport à la technologie, bien ça ne fonctionnera pas. Mais il y a différents moyens de venir réduire cette problématique-là de la période de retour sur l'investissement.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le ministre.

M. Mulcair: Merci beaucoup. Je vais passer du temps à mon collègue de l'opposition, quitte à revenir.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Tremblay: Merci de votre présence, monsieur dame. Je suis personnellement un passionné des travaux que vous faites, au point où je me construis actuellement une maison et où je tente d'établir un bilan le plus près de zéro, notamment par géothermie, éolien, et tout ça. Mais la question que je voudrais vous poser est celle... Les travaux que vous faites, comment vont se refléter... quel est le lien qu'il y a à faire et où on peut penser que le Québec va emprunter la voie que vous souhaitez par le biais de ce projet de loi qui est... et où on... Est-ce qu'on a la certitude, avec ce projet de loi, que le Québec va se tourner vers ce que vous prônez à travers votre organisation?

Le Président (M. Pinard): Mme Tellier.

Mme Tellier (Anne-Marie): Je dirais que ça fait 20 ans que l'organisme prône l'efficacité énergétique, quand ce n'était même pas la mode, et tout ça. Là, il y a un engouement, on essaie d'en profiter, mais on essaie aussi de rassurer les gens à l'effet qu'on n'est pas des... on ne s'improvise pas spécialistes et que nos membres ne sont pas, du jour au lendemain, politiquement dans l'efficacité énergétique parce que c'est la mode mais bien parce qu'ils y croient, parce que c'est payant d'en faire, et en plus, bien... dans le fond, le côté économique est avantageux et le côté environnement est avantageux aussi, alors pourquoi pas en faire? Mais on croit beaucoup en la sensibilisation puis à donner l'exemple.

Parce qu'on parlait tantôt, le prêteur hypothécaire va peut-être accepter de prêter 20 000 $ de plus sur une maison quand on lui explique que les frais d'exploitation de cette même maison là vont être de beaucoup inférieurs, donc ça va augmenter la capacité de rembourser du client. Donc, il y a un balancement à faire, mais il faut sensibiliser les gens. Et c'est sûr que, quand on demande aux gens de faire quelque chose, ils nous regardent puis ils nous disent: Est-ce que, vous, vous le faites? Et, en ce sens-là, on croit que le projet de loi... que le gouvernement qui donnerait l'exemple, ça va faire des petits, comme on dit, ça va être suivi, mais on ne lâche jamais. C'est quelque chose qu'il faut répéter et répéter et répéter, et ça fait 20 ans qu'on le fait et on entend le continuer pour un autre 20 ans.

M. Fiset (Jean-Pierre): Si je peux compléter...

Le Président (M. Pinard): M. Fiset.

M. Fiset (Jean-Pierre): Si je peux compléter, je voulais simplement dire que le... vous vouliez savoir, la plus grande force de ce projet de loi là, je pense que c'est l'aspect de la coordination interministérielle. Cependant, il y a le défaut de la qualité aussi, dans le sens qu'il n'y a pas vraiment de dents à l'interne. Et donc, sans que ce soit coercitif, au moins ça a le potentiel de créer un engouement à l'interne. Il y a une coordination qu'on a grandement besoin afin justement que le gouvernement puisse prêcher par l'exemple. Donc, il y a un besoin que, d'après moi, ce projet de loi là vient remplir, et c'est leadership par, entre autres, la coordination ministérielle.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le critique officiel.

M. Tremblay: Lorsqu'on parle de Code du bâtiment, est-ce que le gouvernement... parce qu'il y a le Code du bâtiment qui pourrait, par exemple, être plus sévère, mais il y a le respect du Code du bâtiment. Comment voyez-vous que le gouvernement doit intervenir en la matière? Demain matin, on adopte la norme Novoclimat ou R-2000, mais, s'il n'y a pas plus de vérifications sur le terrain, qu'est-ce que ça donne?

Le Président (M. Pinard): M. Fiset.

M. Fiset (Jean-Pierre): Oui. Moi, je demeure dans l'Outaouais, où ils font la construction entre les deux rives, c'est assez particulier. Si tu achètes une maison en Ontario, tu vas payer peut-être 10 000 $ de frais d'inspection, tandis qu'au Québec l'inspection ne se fait pratiquement pas. C'est drôle un peu, parce qu'on a une loi n° 9, qui date de 1980, la loi et le règlement sur l'efficacité énergétique dans les nouvelles... sur l'économie de l'énergie dans les nouvelles constructions. Normalement, il y a un certificat de conformité qui devrait être remis par le constructeur à l'acheteur, qui dit que ce bâtiment-là se conforme au règlement, Mais, premièrement, le règlement est obsolète en ce moment, dorénavant, depuis l'arrivée du Code national du bâtiment, en 1995, qui, lui, amène une ventilation dans les bâtiments, donc il y a un apport d'air frais puis une évacuation d'air vicié, ce qui n'était pas prévu à l'époque puis ce qui fait en sorte que, bon.. il y a plein de dispositions qui ne s'appliquent pas là.

Donc, oui, c'est ça, on a un problème, au Québec, en termes de respect de la réglementation, sauf qu'il y a des moyens de faire en sorte que... même de privatiser, même, je dirais ça au pis aller. Il y avait un reportage qui a été fait dans le Protégez-vous en janvier, je crois, qui disait que, bon, au Québec, il y a bien des endroits où c'est des passoires, les maisons, où... parce que la maison, comparée à une maison Novoclimat, va coûter jusqu'à 500 $ et quelques de plus à chauffer par année.

Ce que, moi, j'ai suggéré à la ville de Gatineau quand ils ont adopté le CNB-95, par exemple, c'était de dire: Écoutez ? Gatineau, entre autres, ça fait partie des endroits au Québec où ce seraient les pires, selon cet échantillon-là, qui n'était pas nécessairement scientifique ? mais ce serait quoi d'exiger à tout le moins qu'avant qu'une maison soit remise à l'acheteur qu'on exige un test d'infiltrométrie et un minimum de taux de changement d'air à l'heure? Donc, dire: Écoutez, là, vous ne pouvez pas vendre une maison, à moins qu'elle ait un changement d'air à l'heure d'un maximum, mettons, 3, 3,5, on pourrait le déterminer. Ça pourrait coûter au client, là, 200 $, 250 $ de faire faire un test d'infiltrométrie. Au moins, il saurait que ce n'est pas une passoire, tu sais. En partant, il saurait qu'il aurait au moins une maison étanche. Ce n'est pas parfait comme inspection, mais à tout le moins... et ce serait rentable en dedans d'un an, sinon ce 200 $, 300 $ là, il le perdrait de toute façon en infiltration, là.

n (11 h 50)n

Donc, ce serait peut-être un moyen de remettre ça dans le marché, de responsabiliser le client. De toute façon, il va très heureux, tant qu'à moi ? c'est une présomption, là ? mais de payer 200 $, 300 $ pour s'assurer au moins que ça ne rentre pas de partout. Parce qu'il y a des constructeurs qui vont dire qu'une maison il faut que ça respire. Sauf qu' on ne respire pas des coudes, des genoux, et etc. Donc, il doit y avoir une entrée d'air frais, une évacuation d'air vicié, mais, si ça passe par les murs, partout, ça peut créer de l'humidité, et ensuite des moisissures, et ensuite des problèmes de santé pour les occupants. Donc, l'étanchéité, je pense que c'est d'une importance majeure.

Et, si on ne peut pas, si on n'a pas les moyens de payer des inspecteurs, un inspecteur par 10 maisons qui se construisent, on peut toujours au moins, comme on dit en anglais, «empower the client», celui qui achète la maison, en lui disant: Bien voici, à tout le moins, là, pour que tu puisses avoir ta maison, pour que l'entrepreneur puisse te la livrer, bien ça prend un test d'étanchéité. C'est une suggestion qu'on pourrait explorer, nous, l'AQME, avec vous, là, dans des méthodes de conformité à cette réglementation-là. Et il y en a d'autres probablement, mais c'est une, moi, que je pourrais préconiser.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Est-ce que vous avez regardé... comme, l'énergie solaire, à un moment donné c'est devenu assez populaire, on avait des petits capteurs solaires un peu partout. Est-ce qu'il n'y a pas une rentabilité vers l'énergie solaire? Et puis en même temps, moi, on a reçu ici une délégation de l'Allemagne à un moment donné qui venait nous voir pour l'hydrogène. C'est des... Ce n'est pas polluant. On a tout ici pour faire ça, au Québec. Est-ce que vous avez déjà regardé pour partir ce genre d'énergie là?

M. Finet (Jean-Pierre): Pour ce qui est de l'énergie solaire, je dois dire, ça devient de plus en plus rentable, même si ça ne l'est pas tout à fait. Malgré que ça l'est de plus en plus, puis je vais vous donner des exemples. Quand vous parlez de solaire, j'imagine que vous avez surtout en tête des capteurs solaires pour préchauffer l'eau, par exemple. Oui, ça se peut, c'est possible. Il y en a même qui veulent vendre de l'énergie thermique seulement et ne pas charger le prix des équipements, tout ça. C'est de plus en plus rentable, ça va dépendre surtout de ce qu'on appelle le facteur d'utilisation.

Si on prend, par exemple, si on consomme de l'eau chaude le soir, bien le solaire ne peut pas venir la réchauffer, donc ça va être le chauffe-eau conventionnel, par exemple, pour cette application-là.

Cependant, au Québec, là, au Canada, on est les inventeurs du mur solaire, le «solar wall». Et d'ailleurs, je pense que c'est au Québec où il y a le plus de «solar walls» au monde entier, de murs solaires qui viennent préchauffer l'air frais des bâtiments avec le soleil en hiver, qui se trouve de toute façon à l'horizon plus bas. Donc, on va faire des économies, là, très grandes avec le chauffage solaire. Et donc Hydro-Québec le reconnaît dans le cadre de ses programmes, Gaz Métro le font en efficacité énergétique aussi.

Donc, on s'en sert déjà beaucoup, du solaire, on est déjà des leaders, puis il y aurait moyen de le faire encore plus. N'importe lequel bâtiment qui a besoin d'un apport d'air frais puis d'évacuation d'air vicié peut venir préchauffer l'air frais. En hiver, quand il fait - 25°, rentrer de l'air frais dans les bâtiments puis le chauffer jusqu'à + 20°, + 22°, ça coûte un bras. Si on a une chance de lui donner une «ride» gratis jusqu'à - 5°, par exemple ? excusez mon expression ? bien, après, ça fait moins pire un peu à réchauffer.

Quant à l'hydrogène, je ne suis pas un expert en hydrogène, mais je peux vous dire que tout dépend de la manière dont on produit cette hydrogène-là, si on la produit à partir du gaz naturel ou autre. Donc, c'est ça. On n'est pas encore tout à fait rendus là. D'ailleurs, les bons... il en a été question dans les médias récemment par rapport aux automobiles, il y avait GM qui avait plus misé sur l'hydrogène, et les autres constructeurs qui avaient misé plus sur l'hybride, et là maintenant GM reviendrait vers l'hybride et délaisserait l'hydrogène un peu parce qu'on n'est pas encore technologiquement rendus là. Mais c'est une solution d'avenir qui va, oui, devenir plus applicable et plus rentable avec le temps, sans aucun doute.

Mme Tellier (Anne-Marie): Si je peux me permettre d'ajouter?

Le Président (M. Pinard): Mme la présidente.

Mme Tellier (Anne-Marie): Il y a aussi un exemple dans les projets Énergia qu'on a reçus cette année. Il y avait un exemple, à Valleyfield, de deux industries côte à côte, complètement différentes, une dans le zinc puis l'autre, je ne me souviens plus exactement. Mais, une, des produits secondaires de sa production principale étaient l'hydrogène, et ils se sont organisés pour renvoyer cet hydrogène-là à l'autre industrie, qui, elle, l'a utilisé pour des fins de chauffage et de production, comme combustible en fait. Alors, on a des exemples comme ça. Eux ont travaillé ensemble, puis on a reconnu cet effort-là. Alors, ça se fait, mais ce n'est pas à grande échelle encore, effectivement.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Écoutez, moi, ce que j'en connais, dans les parcs industriels, on voit beaucoup d'industries à un moment donné, de commerces qui pourraient très bien fournir de l'énergie à leurs voisins, que l'énergie s'en va dans les nuages. Puis je pense qu'on est rendus peut-être à une question à se poser aujourd'hui, là, on parle beaucoup d'énergie ces temps-ci, là. Si, les gens, on pourrait mettre tous ces commerces-là ensemble, là, on aurait des parcs industriels qui pourraient fonctionner avec zéro énergie. Parce qu'ils l'envoient dans les airs. Puis l'autre pourrait s'en servir pour chauffer. Puis, moi, ça se vit même dans mon propre village, ils font de l'énergie avec une bouilloire, ils pourraient chauffer le village au complet. Parce qu'ils utilisent à peu près à 30 % la bouilloire, ça fait qu'à 70 % la boucane, ça s'en va en haut. Alors, il y a plein de choses qu'on pourrait faire qui ne coûteraient pas énormément cher, il s'agit juste, je pense, soit de sensibiliser les gens ou leur proposer que ça peut se faire.

Mme Tellier (Anne-Marie): C'est l'une des raisons d'ailleurs pour laquelle on a souligné certains projets à Énergia, parce que justement on sait que ça se fait, mais, si les gens le voient, ça peut donner des idées aux autres, et il faut le diffuser, et c'est à ça qu'on essaie de s'appliquer. D'ailleurs, un exemple aussi, en Gaspésie, dans le temps que Smurfit-Stone fonctionnait encore à New Richmond, je sais que la chaleur dégagée s'en allait pour chauffer les serres de tomates pas loin. Alors, il y a vraiment des gens qui le font, il s'agit de diffuser ces exemples-là et d'en faire justement des exemples pour d'autres qui pourraient avoir l'idée de faire ça. C'est un peu l'exemple de Valleyfield avec l'hydrogène, aussi. On essaie de donner un coup de main à tout le monde en diffusant ces projets-là, mais ce n'est pas toujours facile, ça ne fait pas la une des journaux, mettons.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Mulcair: Ce qui fait, par contre, M. le Président, la une des journaux, c'est qu'on s'en va droit vers une crise de sources d'approvisionnement de certains types d'énergie, et on dirait que, dans notre société, on attend toujours d'être acculé au mur pour pouvoir réagir. Depuis les cinq dernières années, on tourne à un régime en moyenne de 50 000 à 60 000 nouvelles unités de logement par année au Québec. Et, en l'absence de normes plus contraignantes, on est en train de mettre sur le marché des centaines de milliers de cabanes qui vont exiger beaucoup plus à un moment qu'il y en aura moins. Et il ne nous manque pas d'imagination, il ne nous manque certainement pas d'expertise, mais on a une vive hésitation, typiquement nord-américaine, de s'immiscer dans les forces du marché.

Ici, ce qui est demandé au gouvernement, c'est ni plus ni moins comme dans une partie de roulette, de parier sur le bon numéro, donc une sorte... en anglais, on appelle ça un «oxymoron». On est en train de dire: Le gouvernement va déterminer les conditions du marché, et c'est une contradiction inhérente.

Mais, si vous deviez parier sur une chose, ce serait quoi, si vous étiez à notre place? Si on devait faire immédiatement ? «immédiatement», en termes gouvernementaux, c'est au cours des deux, trois, quatre prochaines années ? un geste important en efficacité d'énergie, en maîtrise, ce serait quoi, votre première mise, présumant que d'autres gestes viendraient?

Le Président (M. Pinard): Mme la présidente ou M. Fiset.

M. Finet (Jean-Pierre): Ça fait plusieurs années que l'AQME réclame la mise à jour de la réglementation en matière d'efficacité énergétique, dans la nouvelle construction au Québec, et que le gouvernement prêche par l'exemple. Donc, quant à nous, ce serait ça. Puis je vais vous dire, parlant d'incongruité justement, bon, on parlait de nouveaux logements qui s'additionnent chaque année, les logements sociaux que le gouvernement du Québec construit, on demande... dans le guide de la construction de la SHQ, on demande à ce que ça soit construit selon les normes actuelles et avec des plinthes électriques, donc pour aller de sorte à ce que ce soit le plus cheap possible. Mais c'est complètement contraire à une philosophie de développement durable, donc c'est de payer le moins possible là, mais avec des coûts opérationnels énormes, puis, en plus, pour une clientèle qui n'en pas les moyens nécessairement.

Donc, c'est un peu un cadeau de Grec, là, et ce n'est vraiment pas logique. Et je me rappelle ? puis là, je ne veux pas faire de guerre entre les sources d'énergie, électricité puis gaz ? mais j'ai dirigé le Fonds en efficacité énergétique pour les quatre dernières années, et j'avais sorti à l'époque, quand le programme de construction de logements sociaux arrivait, j'avais sorti un programme pour justement... le fonds était nouvellement créé, et sa mission était d'innover et de porter une attention particulière à la clientèle à faibles revenus. Donc, on a dit: On va proposer de construire des logements sociaux efficaces, puis on s'est barré au fait qu'il fallait aller à l'électricité au lieu d'aller à une autre source d'énergie, ce qui pose encore là une question propre au développement durable: est-ce que c'est un bon choix énergétique? Parce que le développement durable devrait aussi signifier planification intégrée des ressources, ce qu'on n'a pas en ce moment au Québec non plus.

Donc, c'est ça, il y a besoin d'une coordination majeure, il y a besoin d'un coup majeur dans le marché. Autant on doit demander à la société civile de contribuer en payant un peu plus cher pour des maisons qui sont plus efficaces mais qui vont léguer un meilleur avenir à nos enfants plus tard, mais aussi le gouvernement, en prêchant par l'exemple, en arrêtant de construire des bâtiments pour ses propres usages qui ne sont pas optimaux.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

n (12 heures)n

M. Mulcair: Merci. Et j'entends évidemment donner suite et à votre premier mémoire et à la rencontre d'aujourd'hui. Vous êtes pour nous des collaborateurs hors pair, le travail que vous faites est vraiment à l'avant-garde. Et, quand vous venez, ce n'est pas des théories, ce n'est pas des opinions, ce n'est pas des sentiments, c'est toujours très pratique, concret. Vous nous donnez des éléments que l'on peut utiliser pour faire avancer les choses.

Je vous remercie encore, parce que, la première fois qu'on avait eu l'occasion de se rencontrer, vous m'aviez beaucoup impressionné. Et je vous remercie pour l'invitation, cette année, pour ces reconnaissances qu'on a décernées. Ce sont ces cas-là qui me permettent, comme ministre, d'illustrer ce qu'il est tout à fait possible de faire, et sachez que, si vous acceptez, je vais solliciter votre aide pour la suite des choses. Merci beaucoup.

Le Président (M. Pinard): M. le critique officiel de l'opposition.

M. Tremblay: Pendant la commission de l'énergie, l'association des fabricants de bâtiments publics sont venus nous dire que le gouvernement devrait toujours inclure un 5 % de plus lorsqu'il fait une soumission pour un bâtiment public. Est-ce que... Puis, ce 5 % là serait réservé à des mesures d'écoefficacité. Est-ce qu'avoir une mesure précise comme ça est pour vous quelque chose de suffisant, d'une part?

Mais, d'autre part, puisqu'il reste très peu de temps, j'aimerais vous demander... Le ministre nous avait dit que vous étiez les donneurs de prix pour le programme ÉcoGESte, qui n'existe plus. Si vous pouvez nous parler de ça un peu.

Mme Tellier (Anne-Marie): Je vais prendre la deuxième partie de la question, je vais laisser Jean-Pierre répondre à la première. Pour ce qui est des prix ÉcoGESte, quand le programme ÉcoGESte a été aboli, on a décidé, l'AQME, d'aller voir le gouvernement en fait à Québec, M. Robert Noël de Tilly, entre autres, et lui demander à ce moment-là: Plutôt que de... on se disait: Une bonne habitude est difficile à prendre, un coup que les gens l'ont prise, il serait bon de continuer. Parce qu'il y a une force d'inertie; si on arrête, pour recommencer ça... et on trouvait ça dangereux en fait d'arrêter tout simplement ce programme-là, le signal que ça enverrait aux gens. Bon, la décision a été prise, pour une raison x qu'on n'a pas à connaître en détail, mais nous, tout ce qu'on voulait faire, c'était de continuer cette espèce de récompense des bonnes pratiques, et on a offert justement, dans le cadre d'Énergia où on remettait les prix ÉcoGESte, de les transformer en prix Énergia Geste durable, pour garder un peu le «g-e-s» et de récompenser en fait justement les entreprises ou les organismes qui s'organisaient pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Donc, ÉcoGESte avait quatre catégories avant, on en a repris deux à titre un peu d'essai pour la première année, et ça s'est avéré quand même un succès. Et on entend, nous, continuer l'an prochain et même peut-être demander au ministère de nous donner en fait les deux autres ou de reprendre les deux autres catégories qui n'avaient pas été incluses cette année. Donc, à cet effet-là, on trouve que c'est un succès.

Évidemment, les gens nous connaissaient moins, étant habitués de donner leur candidature ou leurs chiffres au ministère, et on a pu s'accorder avec eux pour que la confidentialité, qui était évidemment cruciale pour des entreprises comme Norsk Hydro, ou des choses comme ça, que, nous, on n'ait pas accès à ces chiffres-là, mais que le ministère nous dise que les chiffres qu'on a reçus étaient bel et bien vrais. Donc, nous, on se basait à partir de là, et ça a très bien fonctionné. Alors, pour la première partie, je laisse Jean-Pierre.

Le Président (M. Pinard): M. Fiset.

M. Finet (Jean-Pierre): Finet, parce que... Ce que je voulais vous dire, c'est que, j'imagine, c'est de la GPI dont vous parlez, les gestionnaires de parcs immobiliers en milieu institutionnel. Quand ils parlaient du 5 %, ce que je présume, c'est que, selon Ressources naturelles Canada, dans le cadre de leur programme d'encouragement des bâtiments commerciaux, qui encourage des bâtiments à être construits de sorte à ce qu'ils soient au moins 25 % plus efficaces que ceux qui se construisent en ce moment, eux, ils ont fait une étude à savoir: Quels sont les surcoûts de ces bâtiments-là par rapport à un bâtiment ordinaire? Et les surcoûts variaient de zéro à... bien, je ne sais pas combien de pour-cent exactement, mais en moyenne c'était 4,6 %. Donc, pour vous dire que, si on met 5 % de côté, il y a des grosses chances qu'on soit capable de construire un bâtiment efficace pour seulement 5 % du coût, qui va être de toute façon récupérable en dedans de trois, quatre ans, là, tu sais, donc une période de retour sur l'investissement intéressante.

C'est pour ça que ça ne coûterait pas cher au gouvernement, mais dans une perspective de développement durable, donc... juste à tout le moins l'exiger. Puis, il y a même des bâtiments efficaces qui se sont construits sans surcoût par rapport à un bâtiment ordinaire. Donc, c'est... Mais c'était peut-être le but de leur demande, puis c'était légitime. Ça va dans le même sens que nos recommandations.

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Mulcair: M. le Président, je tiens juste à dire, comme dernière intervention, à Mme Tellier qu'elle peut compter sur le fait qu'on va lui transférer les deux autres. Et je vais faire plus que ça. Ils sont pour nous des collaborateurs hors pair, le travail qu'ils font est si bon, c'est un niveau d'excellence que je trouve très rarement. Et on va être avec eux à chaque étape. Et je suis très... je me compte très chanceux de les avoir avec nous. Merci.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, M. le ministre. Merci, madame, merci, monsieur.

Je vais suspendre quelques instants afin de permettre aux membres du Barreau du Québec de bien vouloir s'approcher.

(Suspension de la séance à 12 h 6)

 

(Reprise à 12 h 9)

Le Président (M. Pinard): J'aimerais, à ce stade-ci, remercier la députée de Pontiac qui nous a offert le café. Je voudrais lui dire merci. Et je voudrais, à titre de président de la commission de l'environnement, vous dire que j'ai demandé à ce que le café nous soit servi dans une tasse et non pas dans un verre qui n'est pas biodégradable, et la réponse que j'ai eue de cette institution est à l'effet qu'il est impossible de nous servir du café dans une tasse. Alors, je pense que, nous, membres de la commission de l'environnement, on se doit de poursuivre le travail pour faire en sorte qu'un des gestes concrets qui pourrait être posé en cette assemblée serait, il me semble, qu'on soit servis dans de la vaisselle et dans des verres qui sont biodégradables. Sinon, qu'on nous serve tout simplement dans des... avec qu'un service qui va à la vaisselle et qui peut être réutilisé à tous les jours. Alors, j'espère que j'aurai l'appui de tous mes collègues, confrères de tous les côtés de la Chambre pour poursuivre cette initiative que de faire en sorte qu'on soit servis maintenant, en commission parlementaire et partout à l'Assemblée, dans ce qui peut être biodégradable.

n (12 h10 )n

Alors, messieurs du Barreau, je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues à ces travaux de la commission concernant le projet de loi sur le développement durable. Vous connaissez les règles: 15 minutes de présentation, par la suite il y aura un échange avec le côté ministériel, qui va durer 15 minutes, avec l'opposition officielle, un autre 15 minutes, et sans plus tarder je vous cède la parole et je vous demanderais de vous présenter pour les fins de l'enregistrement des travaux.

Barreau du Québec

M. Sauvé (Marc): Alors, merci, M. le Président. Mon nom est Marc Sauvé, je suis directeur du Service de recherche et de législation au Barreau du Québec. Et, pour la présentation du mémoire du Barreau, j'ai à ma droite, Jean Piette, qui est aussi président du comité du Barreau; ainsi que Michel Yergeau, qui est membre du comité du Barreau en droit de l'environnement.

Alors, je pense qu'il est important de signaler que le comité du Barreau est constitué d'avocats oeuvrant notamment dans le secteur public ou parapublic, en enseignement ou encore en pratique privée. Le Barreau croit utile de rappeler qu'il examine et évalue les projets de loi du gouvernement en matière d'environnement dans la perspective suivante: leur impact sur les droits et libertés des citoyens et des citoyennes, leur impact sur la cohérence du régime juridique qui assure la protection de l'environnement, ainsi que leur impact sur la primauté de la règle de droit dans une société libre et démocratique comme la nôtre.

Alors, les préoccupations du Barreau et les commentaires, les observations du Barreau gravitent essentiellement autour des thèmes suivants: la portée de la loi, la définition de «développement durable», les principes de développement durable, l'enchâssement du droit de vivre dans un environnement sain dans la Charte des droits et libertés, le Fonds vert et la définition du rôle et des fonctions du ministre.

Alors, sur le fond du mémoire du Barreau, qui est consigné dans la lettre, essentiellement, que vous adressait, M. le ministre, la bâtonnière en décembre, le 5 décembre. Alors, sur le fond de ce mémoire, je laisse la parole au président du comité, Jean Piette.

Le Président (M. Pinard): Me Piette.

M. Piette (Jean): M. le Président, messieurs dames membres de cette commission parlementaire. Nous sommes heureux de participer aujourd'hui aux travaux de cette commission parlementaire qui a été convoquée afin d'entendre les interventions des membres de la société civile au sujet du projet de loi n° 118.

Nous avons fait connaître nos observations concernant ce projet de loi dans une lettre qui a été transmise plus tôt cette semaine. Nous souhaitons maintenant les expliquer davantage. Comme nous l'avons dit lors de notre récente intervention au sujet du projet de loi n° 107, nos commentaires se veulent constructifs, et le Barreau souhaite, en vous les soumettant, contribuer utilement aux travaux de cette commission parlementaire.

Nous tenons d'abord à indiquer que le Barreau accueille favorablement l'initiative du gouvernement visant à doter le Québec d'une législation sur le développement durable. Comme nous le faisons remarquer dans notre lettre de commentaires, le projet de loi est un projet, cependant, d'un type bien particulier. Au lieu de régir les activités des citoyens, des entreprises et des municipalités ou d'accorder de nouveaux pouvoirs à l'administration lui permettant de régir tel ou tel aspect de la vie des citoyens, ce projet de loi a pour objet d'instaurer un nouveau régime de gouvernance pour l'État. Nous nous sommes donc intéressés tout particulièrement à la cohérence de cette législation.

Nous constatons tout d'abord que, contrairement à l'avant-projet de loi, le projet de loi n° 118 propose une définition du concept de développement durable qui respecte la définition universellement reconnue de ce concept depuis qu'il a été proposé et mis à l'ordre du jour de la communauté internationale par les travaux de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement, en 1987. Nous souscrivons à cette proposition.

Par ailleurs, nous avons pris acte de l'effort déployé par le législateur pour identifier des principes de développement durable qui soient susceptibles d'avoir une plus grande pertinence compte tenu du contexte social, culturel et économique du Québec, qui est différent de la dialectique économique et politique des rapports Nord-Sud. À cet égard, nous avons constaté que l'article 6 du projet de loi établit une règle à savoir qu'afin de mieux intégrer la recherche d'un développement durable dans ses sphères d'intervention, l'administration prend en compte, dans le cadre de ses différentes actions, l'ensemble des 16 principes de développement durable qui sont énumérés à cet article.

Malgré son caractère déclaratif, cet article établit les paramètres d'imputabilité politique du gouvernement en matière de développement durable. Il s'agit donc pour nous d'un article de la plus haute importance. La lecture de l'article 6 laisse croire que désormais le gouvernement prendra en compte l'ensemble de ces principes de développement durable pour l'exécution des différentes actions de l'État.

Par contre, l'article 7, lui, nous inquiète, puisque le libellé de cet article permet à l'administration, dans l'élaboration de sa stratégie de développement durable, de tenir compte d'autres principes de développement durable que nous ne connaissons pas et qui n'ont pas été entérinés par le législateur. Il y a lieu de s'inquiéter de cette disposition qui à la limite pourrait permettre d'ignorer bon nombre de ces principes de développement durable que le législateur a pourtant pris la peine d'identifier et de définir. Nous pensons que l'administration devrait tenir compte de tous les principes de développement durable, même si certains d'entre eux auront une pertinence plus forte selon les différentes missions que l'État doit assumer.

Plus loin, l'article 15 nous inspire les mêmes préoccupations. En effet, il nous paraît essentiel que les objectifs et les actions de chaque ministère assurent la mise en oeuvre de la stratégie de développement durable du gouvernement ainsi que des principes du développement durable prévus à l'article 6. Ainsi, nous suggérons qu'une référence expresse aux principes de développement durable prévus à l'article 6 soit inscrite au deuxième alinéa de l'article 15.

Par ailleurs, il nous semble essentiel que la mise en oeuvre de la stratégie de développement durable du gouvernement débouche sur une révision des lois, règlements, politiques et programmes existants. À cet égard, le libellé du deuxième alinéa nous inquiète, puisqu'il s'agit d'un libellé purement facultatif. Ainsi, au lieu d'être obligés de réviser les lois, règlements, programmes et politiques, les ministères peuvent tout simplement le faire, selon le texte proposé. En outre, si les lois sectorielles ne comportent pas de référence appropriée à la notion de développement durable, cette notion pourra être considérée comme non pertinente, au sens du droit administratif, pour la prise de décisions administratives ou quasi judiciaires en vertu de ces lois.

En ce qui concerne les principes de développement durable, le Barreau s'est interrogé sur la hiérarchisation de ces principes. L'ordre selon lequel ils sont énumérés ne permet pas de savoir si certains de ces principes sont plus importants que les autres. On y trouve en effet des principes de droit coutumier ou conventionnel international et d'autres qui reflètent des valeurs, des préoccupations ou des orientations qui interpellent les membres de la société civile et qui, pour bien des Québécois et Québécoises, constituent des objectifs ou des idéaux à atteindre. Devant l'impossibilité d'établir une hiérarchisation valable ou satisfaisante, nous suggérons au législateur une énumération alphabétique de ces principes.

n (12 h 20)n

Par ailleurs, nous désirons attirer l'attention du législateur sur l'absence du principe de consultation parmi les 16 principes énumérés. Or, ce principe est un des principes de base l'actuelle Loi sur la qualité de l'environnement, et le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement est l'instrument par excellence de consultation de la population sur les grands projets assujettis au régime d'évaluation environnementale. Même si on peut dire que la consultation vise à favoriser la participation de la population, nous croyons que ce mode participation est suffisamment important pour qu'il soit identifié tel quel à l'intérieur du principe de participation et engagement.

Nous constatons également que le gouvernement propose à l'Assemblée nationale de reconnaître un nouveau droit parmi les droits économiques et sociaux de la Charte des droits et libertés de la personne. Il s'agit d'un nouvel article, l'article 46.1, qui se lirait comme suit: «Toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité.»

La reconnaissance d'un tel droit au sein d'un projet de loi sur le développement durable est étonnante à plusieurs égards. Alors que le projet de loi vise à réconcilier les dimensions sociales, économiques et environnementales, ce nouveau droit est de nature purement environnementale, même s'il est inséré à l'intérieur des droits économiques et sociaux reconnus par la charte. Figurant parmi cette catégorie de droits, c'est-à-dire les droits économiques et sociaux, le nouveau droit ne jouit d'aucun caractère prépondérant ou quasi constitutionnel. Il a la même valeur qu'une loi ordinaire. Tout son contenu substantif est, par renvoi, dans les autres loi ordinaires qui touchent l'environnement. En fait, il a davantage une valeur symbolique ou éducative qu'une valeur juridique, même s'il permet de réclamer des dommages punitifs en cas d'atteinte intentionnelle, ce qui est peu fréquent dans le domaine des dommages environnementaux.

Il est d'ailleurs un peu étrange que nous nous retrouvions, au Québec, avec deux droits à l'environnement. Il y aura d'une part un droit de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité, dans la Charte des droits et libertés de la personne, et un droit à la qualité de l'environnement, à sa protection et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent, dans la Loi sur la qualité de l'environnement. Nous ne connaissons pas beaucoup d'États qui possèdent deux droits à l'environnement reconnus par la loi. Dans un cas, même s'il est inséré dans un texte législatif possédant une grande valeur juridique et évocative, il s'agira d'un droit plutôt symbolique, alors que dans l'autre cas il s'agit d'un droit assorti d'un recours judiciaire dont peuvent se prévaloir de simples citoyens, les municipalités et le Procureur général, avec un critère d'intérêt élargi pour les citoyens, un cautionnement plafonné à 500 $ et d'autres garanties procédurales.

Le libellé proposé pour ce nouveau droit à l'environnement est un droit de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi. Nous avons peine à déterminer ce que sera, sur le plan juridique, un environnement sain qui soit respectueux de la biodiversité. Quel sens juridique donner à l'expression «respectueux de la biodiversité»? L'expression «respecter une norme» est connue, mais il n'en est pas ainsi pour le respect de la biodiversité, qui est un concept à la fois vague et global. Cette expression possède des contours plutôt flous qui risquent d'empêcher sa juridicité

D'autre part, le concept de l'environnement sain réfère à une notion de santé, ce qui est limité. Ceci reflète la préoccupation des hygiénistes du milieu. On doit par contre comparer cette préoccupation restreinte à la santé avec la notion de qualité de l'environnement, qui, elle, réfère à toutes les qualités de l'environnement, qu'il s'agisse de ses qualités physiques, chimiques, naturelles ou esthétiques. Sans nier l'importance de la santé dans l'environnement, elle n'épuise pas toutes les qualités que les citoyens recherchent dans l'environnement, compte tenu des usages et des activités qu'on peut y mener. En somme, ce nouveau droit à l'environnement suscite beaucoup de questionnements, et ses avantages ne nous paraissent pas évidents sur le plan juridique.

Enfin, nous avons, dans nos commentaires, exprimé des préoccupations en ce qui concerne l'usage que le gouvernement compte faire du Fonds vert. Tel que libellé, l'article 15.1, qu'on propose d'insérer dans la Loi sur le ministère de l'Environnement, permettrait au Fonds vert d'être affecté au financement de n'importe quelle mesure ou activité que le ministre peut réaliser dans le cadre de ses fonctions. Cet article nous paraît trop large. S'il est affecté à la réalisation de n'importe quelle activité faisant partie du mandat du ministère, il y a un fort risque que les crédits annuels du ministère soient diminués en proportion.

Or, nous croyons que la protection de l'environnement est une responsabilité du gouvernement, qui doit être financée à même les crédits votés chaque année par l'Assemblée nationale, comme c'est le cas pour toutes les autres missions et responsabilités du gouvernement. Il y a là une question de responsabilité et d'imputabilité gouvernementale, à laquelle le gouvernement ne devrait pas pouvoir échapper en créant un fonds spécial aux revenus autonomes. Nous souhaitons que le Fonds vert soit un fonds davantage dédié à des activités ou à des fins spécifiques prévues par la loi, comme celles qui sont mentionnées au troisième alinéa de l'article 15.1 proposé dans ce projet de loi.

Nous désirons mentionner également la nécessité de préciser le cadre à l'intérieur duquel il pourra y avoir octroi d'aide financière aux municipalités et organismes sans but lucratif oeuvrant dans le domaine de l'environnement. Il serait souhaitable d'éviter les risques de favoritisme ou d'iniquité en établissant des paramètres connus pour l'octroi de ce financement.

Nous vous remercions de l'attention que vous avez accordée à nos propos. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions, le cas échéant.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Piette. Merci, messieurs. Alors, sans plus tarder, M. le ministre.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Me Sauvé, Me Piette, Me Yergeau, merci beaucoup pour votre présence ici aujourd'hui.

Je vais aller directement à une citation que j'ai retenue de la part de Me Piette lorsqu'il a fait sa présentation. Il a dit ceci: «Ce nouveau droit à l'environnement suscite beaucoup de questionnements». Les paroles s'envolent, les écrits restent, mais, nous, ici, on a la chance que les paroles sont transcrites, un peu comme devant un tribunal. Mais, celle-ci, je les ai transcrites moi-même. Mon collègue notaire, qui préside aujourd'hui, vous le donnerait en latin, c'est ce qu'il aime faire parfois.

Mais je vais vous demander de m'aider à comprendre cette phrase-là. Je recite, même si c'est moi qui ai agi comme sténographe, je n'ai pas peur que la version finale le contienne: «Ce nouveau droit à l'environnement suscite beaucoup de questionnements». Ça, c'est vos propos, verbatim, Me Piette. Un peu plus tôt, page 4 de votre document, vous dites ceci: «Le Barreau est d'avis que l'introduction de ce droit dans la charte n'accorde pas un droit nouveau aux citoyens.» Alors, c'est lequel? Est-ce que c'est un nouveau droit ou ce n'en est pas? Parce que vous avez dit une chose et son contraire.

Le Président (M. Pinard): Me Piette.

M. Piette (Jean): Bon. Alors, regardez, il y a, dans le texte qui est proposé, effectivement ce qui semble être une volonté d'accorder un nouveau droit à l'environnement, qui s'ajoute à celui qui est déjà prévu à l'article 19.1. Effectivement, on se retrouverait, si cette loi est adoptée, avec deux lois qui accordent un droit à l'environnement.

Nous avons cherché à voir s'il y avait un contenu autonome, un contenu nouveau dans ce nouveau droit à l'environnement qui serait ajouté à la Charte des droits et libertés, et c'est là où nous sommes venus à la conclusion que ça n'accordait pas véritablement un nouveau droit.

M. Mulcair: O.K. On va intervenir là-dessus. On va y aller bout par bout. Alors, l'article 19.1 de la loi se... (panne de son) ...je suis content de vous entendre confirmer qu'on n'enlève pas 19.1; les deux restent.

n (12 h 30)n

Mais je veux vous dire ceci, que le nouveau droit, parce qu'il y en a un ? vous aviez raison la deuxième fois ? le nouveau droit vise toutes les mesures à portée environnementale prévues par les diverses lois, et non seulement la protection mentionnée à la LQE. Plusieurs mesures législatives environnementales se retrouvent dans d'autres lois, par exemple: la Loi sur les pesticides, la loi sur la protection du patrimoine naturel, la Loi sur les forêts, dont le Règlement sur les normes d'intervention forestière, la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, la Loi sur l'aquaculture commerciale, les disposition sur la réhabilitation des sites miniers dans la Loi sur les mines, règlements municipaux d'urbanisme ou de la qualité de l'air. Le droit pourrait, à notre avis, être invoqué plus facilement par des groupements et non seulement des personnes physiques, comme le prévoit le 19.1 et suivants de la LQE. Le droit proposé, joint à l'article 49 de la charte, ouvrirait à notre sens la porte à des recours permettant d'obtenir le versement de certains dommages compensatoires et punitifs en cas de violation des lois et règlements protégeant l'environnement, alors que les articles 19.1 et suivants ne visent essentiellement qu'à faciliter le recours en injonction.

J'ai écouté attentivement votre présentation, vous avez effectivement admis... dans votre présentation verbale, tantôt, vous avez dit: Même si les dommages punitifs peuvent dorénavant être accordés, puis dans la même phrase, à la page 4, vous dites, le Barreau du Québec: Ce n'est pas un véritable progrès, sauf la possibilité d'obtenir des dommages punitifs. Alors, sur ce point, avant de continuer plus loin... je veux juste finir de lire: ...compensatoires et punitifs en cas de violation des lois et règlements protégeant l'environnement, alors que les articles 19.1 et suivants ne visent essentiellement qu'à faciliter les recours en injonction.

Moi, j'aimerais savoir si le fait de pouvoir obtenir des dommages punitifs ? parce que c'est le verbatim de ce que vous reconnaissez dans votre lettre du 5 décembre ? constitue, oui ou non, un progrès pour les justiciables.

Le Président (M. Pinard): Avant de répondre, est-ce que, ce que vous avez cité, est-ce que vous le déposez à la commission?

M. Mulcair: Ah, je ne peux malheureusement pas, M. le Président...

Le Président (M. Pinard): Ah! O.K.

M. Mulcair: ...il s'agit du même avis juridique en question.

Le Président (M. Pinard): Ah, bon, d'accord. C'est l'avis juridique, ça?

M. Mulcair: Oui.

Le Président (M. Pinard): O.K. Alors, Me Piette.

M. Yergeau (Michel): M. le ministre, on ne cherche pas à discréditer ce qui est inscrit dans le projet de loi. Ce que nous disons, c'est qu'il nous semble que la possibilité d'obtenir des dommages punitifs nous semble un acquis assez limité compte tenu de ce que dit la charte, puisque la charte prévoit qu'on ne peut obtenir des dommages punitifs que dans le cas où il s'agit d'une atteinte illicite et intentionnelle. Or, il nous semble que la possibilité de faire la preuve qu'une atteinte au droit à un environnement sain et respectueux de la biodiversité... pourra difficilement faire l'objet d'une atteinte illicite et intentionnelle. Ce qui fait que c'est vrai en théorie, mais les chances qu'on puisse vraiment progresser et que ce soit un levier pour assurer la protection du droit nous semblent assez limitées. C'est tout ce que nous disons.

Le Président (M. Pinard): Merci, Me Yergeau. M. le ministre.

M. Mulcair: Merci. Merci, M. Yergeau... Me Yergeau, pour ça. Mais je continue à avoir du mal à comprendre comment on peut, d'un côté, dire qu'il s'agit d'un nouveau droit, d'un autre côté, dire que ce n'est pas un nouveau droit. D'un côté, admettre qu'il y a un progrès, qui est un acquis assez limité selon Me Yergeau, c'est un point sur lequel je serais prêt à discuter et à débattre, mais c'est un acquis, c'est donc un progrès. Mais est-ce que le progrès est véritable? Si c'est un progrès, il me semble qu'il est véritable. Alors, j'ai du mal à comprendre comment le Barreau peut venir ici aujourd'hui et exprimer l'avis que l'introduction de ce droit-là dans la charte ne constitue pas un véritable progrès. J'aimerais que vous vous adressiez à ça.

Le Président (M. Pinard): Me Yergeau.

M. Yergeau (Michel): Ce que nous craignons, M. le ministre, c'est que la multiplication des concepts ne crée plus de confusion qu'elle ne fasse avancer la cause. L'idée... et nous ne reprochons pas au projet de loi de proposer un ajout à la charte québécoise, ce que nous disons, c'est que la notion d'«environnement sain et respectueux de l'environnement» est une notion qui va, de deux choses l'une, ou bien être ignorée ou bien être utilisée, et le balisage va en être très difficile. On en est dans la terminologie principalement. Il y a évidemment le positionnement dans la loi, mais il faut être réaliste, je ne crois pas qu'on puisse à ce moment-ci inscrire le droit à un environnement sain dans les articles 1 à 36 de la charte. Le positionnement peut être un problème. Toutefois, cette notion d'environnement sain et respectueux de la biodiversité... la biodiversité étant entre autres un des 16 principes de l'article 16 du projet de loi, pourquoi celui-là en particulier? Pourquoi pas un autre? Et qu'est-ce que ça va vouloir dire en réalité par rapport à un droit qui a été... qui a subi l'épreuve du temps, qui est le droit à la qualité de l'environnement? Et je vous fais grâce du reste du texte de l'article 19.1 et des articles suivants de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Nous ne pensons pas que l'introduction du nouvel article 46.1 va avoir pour effet de saper l'article 19.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement, mais, en droit, la multiplication des droits dans des termes différents, pour nous, est porteur ? est porteur, je ne dis pas que ça va se produire ? mais est porteur de difficultés d'interprétation devant les tribunaux, donc porteur de difficultés pour les justiciables.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Mulcair: Est-ce que l'un ou l'autre des gens qui ont présenté pour le Barreau peuvent nous dire ceci: est-ce qu'ils sont d'accord avec nous lorsque nous affirmons que 19.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement est beaucoup plus restreint que ce que, nous, on a ici? C'est-à-dire que 19.1, comme on peut le voir quand on le lit, c'est la présente loi qui est mentionnée deux fois, et il y a un «ainsi que» qui parle de matières d'odeurs agricoles. Est-ce qu'il est d'accord avec la nomenclature, la liste que j'ai lue tantôt, de lois qui pourraient être visées, qui sont des lois environnementales, qui ne sont pas comprises à 19.1? Est-ce que c'est oui ou non, que ça peut aller chercher ces autres lois là, contrairement à 19.1, qui n'a pas d'énumération et qui est fermé?

Le Président (M. Pinard): Me Piette, Me Yergeau? Me Piette.

M. Piette (Jean): Oui. M. le ministre, vous avez raison, que le nouveau droit qui est proposé fait référence à davantage de lois qu'à la Loi sur la qualité de l'environnement. Ceci dit, le droit qui est prévu à l'article 19.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement est un droit, comme je l'ai mentionné, un droit qui comporte un recours, un recours nouveau, un recours spécial qui permet à un plus grand nombre de citoyens d'avoir accès à la justice pour faire valoir et reconnaître ce droit à la qualité de l'environnement, à sa protection et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent, ce qui en couvre déjà pas mal large. Et le nouvel article 46.1 ne donne pas un nouveau recours aux citoyens, sauf en ce qui concerne l'obtention de dommages punitifs dans le cas d'une atteinte intentionnelle et illicite, ce qui est un cas très... des cas très, très, très restreints. C'est pour ça que le progrès que ça représente nous apparaît vraiment limité et peut être porteur de plus de confusion finalement à cause des mots qui sont utilisés dedans. On parle d'environnement sain, donc c'est la notion de santé qui est véhiculée là. On parle de la notion de biodiversité, qui est une notion que, à ma connaissance, on ne retrouve pas dans les autres lois ordinaires du Québec, de sorte qu'on voyait là, là, une source de problèmes et de confusion dans l'interprétation, de se retrouver avec deux droits à l'environnement. Et, comme je vous dis, on n'a pas vu beaucoup de gouvernements ou d'États qui ont deux droits à l'environnement reconnus dans leurs lois.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Yergeau (Michel): ...

Le Président (M. Pinard): Excusez, Me Yergeau a un complément? Me Yergeau a un complément.

M. Yergeau (Michel): Il aurait toujours été possible, M. le ministre, de reprendre à l'intérieur de la charte et de l'article 46.1, de reprendre une terminologie qui se rapproche plus de l'article 19.1, ce qui aurait assuré au moins l'adéquation des deux droits. On aurait parlé à toutes fins pratiques du même droit, mais ? et vous avez raison là-dessus ? qu'on pourrait invoquer dans plus de domaines que la loi spécifique à la Loi sur la qualité de l'environnement, qui demeure toutefois la loi clé en termes de protection de l'environnement, parce qu'on s'entend pour dire que l'article 46.1 n'est pas un droit au développement durable mais est un droit proprement environnemental, comme Me Piette le soulignait tantôt dans sa présentation.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le ministre.

n (12 h 40)n

M. Mulcair: En 1992, le Québec a signé la convention sur la biodiversité. En 2002, avec la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, on a défini la biodiversité et la référence à des espèces vivantes, donc qui se retrouve à 19.1, une version plus moderne avec la référence à la biodiversité. Et de un. Et de deux, même si vous dites que vous ne cherchez pas à diminuer, je me permets de suggérer au Barreau que, lorsqu'ils sont obligés d'admettre que c'est un droit nouveau, lorsqu'ils sont obligés d'admettre que ça accorde plus de droits, notamment au niveau des dommages punitifs, mais que dans une phrase laconique ils laissent glisser que «le Barreau du Québec est d'avis que l'introduction de ce droit à la charte ne constitue pas un véritable progrès», moi, je dis qu'il y a contradiction flagrante. Alors, j'aimerais la comprendre, la contradiction, parce que je ne la comprends toujours pas.

M. Yergeau (Michel): Je pense que nous nous sommes expliqués et je ne pense pas que nous n'ayons rien d'autre à ajouter que ce qui est écrit, M. le ministre.

M. Mulcair: Bien, moi, vous me trouvez navré, parce que je trouve que, puisque les paroles restent, moi, je vais, dans un an ou deux, ou trois, ou quatre, quand ce nouveau droit va être en train d'être appliqué... Et je suis d'accord sur une chose avec Me Yergeau, quand il dit qu'on ne pouvait pas le mettre dans les articles du début de la charte. Parce qu'on n'est pas en train de parler de quelque chose qui s'applique, au niveau des valeurs de notre société, de la même manière que la liberté d'expression, la liberté de religion, par exemple, mais on est en train, nous, de s'accorder avec la terminologie qui a été adoptée dans notre législation au cours des 15 dernières années et d'accorder un nouveau droit.

Mais, moi, je préfère prendre... La partie lue fait foi. Alors, je me vais me fier sur la partie lue par Me Piette, lorsqu'il fait la concession au moins que c'est un droit nouveau. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Merci. Alors, je cède maintenant la parole au critique de l'opposition en matière d'environnement, M. le député de Lac-Saint-Jean. M. le député.

M. Tremblay: Oui. Merci, M. le Président. Dans le projet de loi n° 118, on mentionne qu'il faut tenir compte de certains éléments, et ces éléments... Dans le cadre des différentes actions, l'administration prend en compte, et prend en compte des éléments environnementaux comme la protection de l'environnement, la préservation de la biodiversité, le respect de la capacité de support des écosystèmes.

Dans la loi québécoise sur l'environnement, l'article 19.1, il me semble que là c'est une loi qui rend obligatoire de s'assurer de la préservation, de la sauvegarde des espèces vivantes. Alors, est-ce que le fait d'avoir une loi qui prend en compte et que nous ayons déjà une loi qui oblige, est-ce que ça, ça crée une confusion, ou ce n'est absolument pas grave, ou ça n'a pas d'impact, dans un cas où il y aura un recours judiciaire ou... Je tente d'imaginer les circonstances futures qu'engendrera cette nouvelle loi.

Le Président (M. Pinard): Alors, Me Piette.

M. Piette (Jean): Nous voyons ces deux dispositions-là comme étant des dispositions assez différentes. Dans le cas de l'article 19.1 ? vous parlez bien de l'article 19.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement? ? on reconnaît un droit au citoyen et on lui accorde un recours judiciaire, un mécanisme particulier pour faire valoir ce droit devant les tribunaux. Ça, c'est 19.1.

Ici, on a une loi de gouvernance de l'État, et l'État dit, à l'article 6, qu'il entend tenir compte des 16 principes du développement durable dans les actions qu'il va exécuter dans ses sphères d'intervention. C'est ce que dit l'article 6. Ce sont deux choses différentes. L'article 6, on ne le voit pas à ce stade-ci comme un article qui a une valeur judiciaire particulière, c'est, comme je vous le dis, un article qui vise essentiellement la gouvernance interne de l'État. Normalement, l'article 6 devrait déboucher, avec l'article 7 et l'article 15, devrait déboucher de façon plus concrète dans sa mise en oeuvre au niveau des lois, règlements, programmes et politiques des différents ministères. Il faut à un moment donné que ça quitte le gouvernement et que ça pénètre dans la société civile. Cette voie de pénétration dans la société civile, c'est par l'entremise de ces quatre instruments qu'on a mentionnés: lois, règlements, politiques et programmes. Parce que, là, c'est ça qui rejoint les citoyens, c'est ça qui rejoint les intervenants économiques et sociaux.

Alors, il faut que ça descende à ce niveau-là. Et on ne voudrait pas que ce soit purement facultatif. Quand ce sera rendu au niveau des lois et que, par exemple, dans la Loi sur les forêts, ou la loi sur l'agriculture, ou la loi sur les pêches, la notion de développement durable va être présente, ce sera un des considérants qu'on devra prendre en compte quand on va administrer cette loi, ces lois-là. Quand on va octroyer des permis, octroyer des CAAF et autres choses semblables, bien à ce moment-là la notion de développement durable va devenir une notion pertinente et ça devra être pris en compte, ça aura une valeur juridique parce que ça va rejoindre les citoyens, rejoindre les intervenants sociaux et économiques dans la façon dont ils vont agir sur le terrain. Alors, c'est la distinction qu'on voit entre les deux.

Le Président (M. Pinard): Me Yergeau.

M. Yergeau (Michel): Nonobstant le petit différend avec M. le ministre sur l'article 46.1, qui n'est qu'un des aspects de la loi, le Barreau reconnaît que l'ensemble du projet de loi est certainement une initiative heureuse de la part du gouvernement, puisque, quand on connaît la force d'inertie de l'administration et la difficulté de mettre les troupes au pas lorsque vient le temps d'aller dans une direction, utiliser comme ordre de marche l'outil ultime qu'est la loi est une chose courageuse et probablement une chose nécessaire, parce que, si on ne fait pas ça, probable que l'administration ne réussira jamais à se mettre au diapason.

Évidemment, il y a 16 principes, mais la loi telle qu'elle est rédigée dit quand même à l'administration qu'à partir du moment où la loi est en vigueur l'administration doit satisfaire aux principes. L'administration ne doit pas attendre que la stratégie soit adoptée. D'ores et déjà, l'administration est liée par les principes. Évidemment, les principes constituent comme un catéchisme de la bonté, là, puisqu'il y a toutes les qualités qu'on doit attendre d'une société qui respecte le développement durable, mais l'énumération des principes et les inclure comme tels dans un article, ça, c'est innovateur. Peut-être qu'on se perdra un peu dans une avalanche de mots, mais il y a aussi bien des chances qu'on puisse tirer là de très bons éléments pour faire avancer l'État dans la bonne direction, et ça, c'est plus important, à notre avis, qu'un ajout à la charte.

Le Président (M. Pinard): M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Tremblay: Est-ce que l'expression «tenir compte» veut dire qu'il est obligatoire d'intégrer les principes dans les actions des ministres, ou est-ce qu'on peut tenir compte des principes sans nécessairement les intégrer?

M. Yergeau (Michel): Écoutez, c'est écrit... pas «tenir compte», «prend en compte».

M. Tremblay: Prend en compte.

M. Yergeau (Michel): L'administration prend en compte. Ce n'est pas «l'administration peut tenir compte», c'est «l'administration prend en compte les principes». Et, comme disait Me Piette, il est évident que, lorsque vient le temps pour le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation de poser des gestes, il ne va pas nécessairement prioriser les principes de la même façon que son collègue de l'Éducation.

C'est pour ça qu'à notre sens il y aurait intérêt, et c'est une modification tout à fait mineure, à remettre les principes en ordre alphabétique, parce qu'en matière d'interprétation juridique, quand on veut la neutralité des termes, on les met par ordre alphabétique, purement et simplement, sinon il y aura toujours un exégète pour dire que, si on a mis la santé et la qualité de vie avant l'équité et la solidarité sociale, c'est que c'était plus important, la santé et la qualité de vie, et là on va arriver à des équations à huit variables pour savoir: est-ce qu'on a tenu compte vraiment au bon degré de telle et telle chose.

Il faut tenir compte des principes, on ne va pas se mettre, en plus de ça, à avoir un degré d'importance accordé à chacun; on ne s'y comprendra plus. C'est déjà somme toute assez complexe comme ça. Mais, la notion de développement durable n'est pas une chose simple, non plus, là.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Moi, je vais aller vers le Fonds vert. Vous dites que cette disposition-là, du Fonds vert, vous inquiète. C'est comment... Je voudrais savoir c'est quoi, les inquiétudes que vous avez dans cette administration-là du Fonds vert. Nous, elle nous inquiète, remarquez, parce qu'on sait que le gouvernement va venir chercher de l'argent dans nos poches pour créer un fonds vert, mais j'imagine que ce n'est pas la même inquiétude que vous avez, vous autres, là.

Le Président (M. Pinard): Me Piette.

M. Piette (Jean): Non. L'inquiétude qu'on a, elle tient surtout au fait qu'avec le Fonds vert le ministre de l'Environnement peut faire à peu près n'importe quoi. Avec le libellé qu'on a devant nous, on dit que ça sert... les mots exacts qui sont utilisés sont les suivants, on dit: «Ce fonds est affecté au financement de mesures ou d'activités que le ministre peut réaliser dans le cadre de ses fonctions», ce qui veut dire que le ministre peut faire n'importe quelle mesure... prendre n'importe quelle mesure ou activité, avec cet argent-là, dans le cadre de ses fonctions.

n (12 h 50)n

Et ce que l'on craint avec ça, c'est qu'on garnisse un fonds vert, que ce soit une cagnotte qui soit garnie de façon autonome, et que le Conseil du trésor dise: Bien, écoutez, ils ont 60 millions là-dedans, bien on réduit leur budget de 60 millions parce qu'ils ont déjà 60 millions pour exécuter des choses, des projets qu'ils peuvent faire en vertu de la loi. Et il nous semble que la mission de l'environnement, c'est une mission qui doit être financée à même les crédits votés à l'Assemblée nationale, autrement l'affectation de ces crédits-là va échapper au contrôle de l'Assemblée nationale, et ça ne nous semble pas opportun qu'il en soit ainsi.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Tremblay: Je pense que vous l'avez dit tout à l'heure, mais je veux juste avoir l'assurance de votre part que l'enchâssement dans la charte ne restreint pas, aucunement, la portée de l'article 19.1 de la loi québécoise sur l'environnement.

M. Piette (Jean): Si vous me permettez de répondre, M. le député... M. le Président, pardon, je... Nous avons eu des inquiétudes là-dessus. Nous en avons discuté entre nous et nous en sommes venus à la conclusion que, non, normalement le nouvel article 46.1 ne devrait pas diminuer la portée et l'efficacité de l'article 19.1. Alors, là-dessus, ce n'est pas cet aspect-là qui nous inquiète, c'est les autres aspects que nous avons signalés: le fait qu'il y ait deux droits de niveau juridique comparable, il n'y en a pas un qui a une primauté sur l'autre. C'est la formulation également du nouveau droit qui nous semble quant à nous bien floue, et, comme il y a un renvoi à tout le corpus législatif existant, bien on ne voyait pas beaucoup la valeur ajoutée de ce nouveau droit là, même s'il va être là. Si la loi est adoptée, il va être dans nos lois effectivement. Mais, comme il renvoie, que tout son contenu substantif est dans les autres lois, on ne voyait pas l'ajout, sauf sur l'aspect des dommages punitifs, comme on l'a signalé et comme M. le ministre l'a relevé, à bon droit d'ailleurs.

Le Président (M. Pinard): M. le critique officiel.

M. Tremblay: Quand on dit qu'il faut tenir compte... Par exemple, le ministre de l'Environnement va demander au ministère des Transports d'établir une politique de développement durable, et dans l'action, par exemple lorsqu'on décidera de faire passer une route à quelque part et qu'il y aura, par exemple, un marais contenant une espèce vivante peut-être menacée, à ce moment-là, quelle est la portée de la loi n° 118, quand on dit qu'elle prend en compte, mais, si elle dit que, par exemple, que d'autres principes de l'article 6 ont été considérés aussi, faisant en sorte qu'on va passer la route peu importe la situation et au profit de la biodiversité? Alors, là où j'essaie de voir, c'est jusqu'où ça peut aller, «prendre en compte un élément» et dans quelle mesure ça le protège réellement.

Le Président (M. Pinard): Me Yergeau, Me Piette? Me Yergeau. Me Piette, allez-y.

M. Piette (Jean): Un commentaire là-dessus. De notre point de vue, l'article 6 est un article qui établit davantage des paramètres d'imputabilité politique et publique du gouvernement ? de l'administration, pour employer la terminologie du projet de loi ? que des dispositions qui pourraient être justiciables, en d'autres mots qui pourraient être invoquées devant un tribunal. Je ne vous dis pas que quelqu'un n'essaiera pas d'invoquer l'article 6 et de dire que, peut-être, une route que le ministère des Transports construit ne respecte pas un principe de développement durable. Peut-être. Mais, de la façon dont les principes sont rédigés, il y a tellement de vague là-dedans, d'une part; d'autre part, il y a le caractère déclaratif de l'article 6 qui, je pense, fera en sorte que les tribunaux ne verront pas là une source de droit qui puisse, je pense, par exemple, mener à l'émission d'une injonction pour stopper un projet routier.

Alors, c'est l'appréciation que nous en faisons à ce stade-ci. Ça ne veut pas dire qu'un tribunal ne pourrait pas penser autrement, mais, nous, on pense que la conception de l'article 6, son libellé, ne devrait pas normalement mener à de tels résultats. Alors, c'est mon point de vue à moi.

Le Président (M. Pinard): Me Yergeau.

M. Yergeau (Michel): Mais la loi pose un problème intéressant qui est celui de: Comment fait-on percoler dans les consciences individuelles une nouvelle valeur? Et le développement durable est l'exemple le plus actuel de ça, mais c'est continuellement la même chose. Regardez les campagnes de publicité qu'il a fallu faire pour transformer la conduite en état d'ébriété en crime, dans la conscience des gens. Comment est-ce qu'on rentre dans la tête de tout le monde un réflexe «développement durable»?

Et c'est pour ça qu'on pense que cette loi, même si elle n'a pas d'effet direct immédiat sur les justiciables, est une loi intéressante parce qu'elle fournit, au niveau le plus élevé qu'il est possible de le faire, c'est-à-dire par une loi, à l'administration, qui est constituée d'une série de personnes qui ont leurs préoccupations, leurs valeurs, leurs intérêts, leurs programmes à appliquer, leurs budgets à faire respecter, dit: Voici le code de valeurs que nous nous donnons, voici les valeurs que nous priorisons. C'est un outil qui est nécessairement didactique, parce qu'entre le moment où la commission Brundtland a développé et lancé, en 1987, le principe du développement durable et aujourd'hui ça demeure encore une chose qui est ambiguë pour beaucoup de monde, et tout le monde peut avoir son interprétation.

Et ça va prendre encore probablement une génération avant que la notion de développement durable se soit inscrite dans le mode de fonctionnement, le mode de réflexion de tout un chacun, un peu comme l'environnement, qui est apparue en 1972, a pris du temps avant de devenir une valeur dans les entreprises et une chose qu'il faut respecter, chez les individus, et tout ça. Donc, c'est un processus. C'est une loi qui normalement devrait devenir désuète dans 20 ans.

Le Président (M. Pinard): Nous terminerons avec M. le ministre.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Il y a une chose avec laquelle je suis d'accord dans les propos de M. Yergeau, c'est... Me Yergeau, c'est, à la toute fin, quand il a dit que c'est une affaire de changement de génération. Ça va prendre une génération. Je suis d'accord avec sa comparaison avec la loi sur l'environnement, ça a pris une génération. Mais la partie mesures, on l'a maintenant. Enlever des rejets industriels, on sait le faire. Il faut le consolider, il faut continuer. Mais ça, c'est la vision d'avenir.

C'est pour ça que je suis convaincu aussi que, dans une génération, il y a plus de gens qui vont être d'accord avec les experts en développement durable qui sont venus nous voir qu'avec le Barreau. Car en effet le Centre de droit international du développement durable est venu ici, la semaine dernière, nous féliciter pour notre rédaction de l'article 5, parce qu'ils disaient qu'effectivement il y avait deux choix, la vision du Barreau et la vision qui est dans le projet de loi, puis ils nous ont donné raison là-dessus. De le même manière que le Centre québécois de développement durable, d'Alma, Lac-Saint-Jean, est venu nous dire qu'on était sur la bonne voie.

Je remercie néanmoins le Barreau d'être ici aujourd'hui. Puis j'invite, dans 20 ans, Me Yergeau et Me Piette de regarder les progrès qu'on aura accomplis grâce à notre vision d'avenir. Merci.

Le Président (M. Pinard): Messieurs, merci infiniment, au nom des membres de la commission. Les propos ont été très, très enrichissants et vont nous permettre de faire évoluer grandement dans l'adoption du projet de loi. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

 

(Reprise à 15 h 9)

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le secrétaire, je constate que nous avons quorum. Et je souhaite à tous mes collègues bon après-midi. Nous recevons, cet après-midi, le premier groupe, Vivre en ville, qui sera suivi du groupe le Regroupement des organisations de bassin versant du Québec, et nous terminons nos travaux aujourd'hui par le Fonds d'investissement en développement durable.

Alors, je m'aperçois que le groupe Vivre en ville est déjà à la barre des témoins. Alors, j'aimerais que vous vous identifiiez pour les fins d'enregistrement. Et vous connaissez déjà les règles: 15 minutes pour présenter votre mémoire ? dont nous avons copie, j'imagine? ? et 15 minutes d'échange avec le côté gouvernemental et 15 minutes avec l'opposition officielle. Alors, s'il vous plaît.

Vivre en ville

M. Vaillancourt (Jérôme): Oui. Alors, c'est... Est-ce que j'ai besoin de me lever?

Le Président (M. Pinard): Non, non, non.

n (15 h 10)n

M. Vaillancourt (Jérôme): Non, parce que... la barre des témoins, je me disais que peut-être... Jérôme Vaillancourt, je suis directeur général de Vivre en ville, jusqu'à bientôt, puisque je devrai quitter mes fonctions étant donné que je suis maintenant un conseiller municipal à la ville de Québec; puis je suis accompagné de Mme Véronique Jampierre, qui est chargée de projet au sein de l'équipe de Vivre en ville.

Une voix: Félicitations pour... Nous vous écoutons.

M. Vaillancourt (Jérôme): Merci, M. le Président. Alors, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, ce qu'on présente aujourd'hui... bien d'abord on doit vous remercier, comme d'habitude, de nous donner l'occasion de nous faire entendre auprès de la commission parlementaire. Il faut aussi de toute façon féliciter l'ensemble du processus qui a accompagné l'adoption, pas l'adoption, mais en tout cas le processus de... voyons, de la Loi sur le développement durable, parce que ça a commencé par un plan, puis ensuite de ça il y a eu l'avant-projet de loi, mais là on est rendus au vrai projet de loi.

Ce que je dois d'abord vous dire ? c'est des détails techniques ? c'est qu'on a apporté, comme d'habitude, dans l'annexe de ce mémoire-là, on a la Trousse d'actions Vers des collectivités viables, qui est comme le document ultime, qui parle de développement durable au sein des municipalités, parce que notre mission, c'est ça, de parler de développement durable dans les municipalités. On n'a pas des copies pour tout le monde, on en a seulement... bien une copie complète puis six copies du livre ? ah! qui était derrière moi mais qui est rendu en avant, près de vous, M. le Président. Donc, c'est un document qui fait partie intégrale du mémoire qu'on vous présente aujourd'hui. Puis, c'est sûr, bon, on était... je suis content qu'on puisse présenter, parce qu'au départ on nous avait placés à un endroit qui était difficile, là, un vendredi soir, je crois. Donc, là on est heureux de pouvoir se présenter à vous aujourd'hui.

Vivre en ville, pour ceux qui ne nous connaissent pas, parce que c'est par là que je voulais commencer... Mon introduction, c'est un peu qui on est au juste. Notre mission, finalement c'est d'appliquer le développement durable de façon concrète dans le domaine des municipalités, que ce soit la planification du territoire ou même l'aménagement du territoire, ça se fait dans tous les domaines, tous les champs d'activité des municipalités. On l'a vu parce qu'on est allés étudier ce qui se faisait autant aux États-Unis, au Canada, en Europe, partout, c'est des éléments qui existent. On peut appliquer le développement durable à l'échelle de l'habitation, des espaces verts, du transport, même de la démocratie. La notion de développement durable, on le voit, là, ça peut s'intégrer dans tous les champs de compétence des municipalités, et c'est ce qui fait que c'est notre mission. C'est ce qu'on s'est donné comme mission. Donc, on représente les intérêts collectifs, mais on fait avancer le plus possible des projets sur le territoire qui intègrent le développement durable. Et c'est un peu ce que vous avez entre les mains, la Trousse d'actions, bien c'est un peu ça, là, ça présente 200 meilleurs cas, à travers le monde, de villes qui ont réussi à appliquer le développement durable, à différentes échelles, des quartiers jusqu'aux gouvernements provinciaux ou même des gouvernements nationaux. Ça, c'est la partie publicité.

On a un rôle quand même important au Québec, parce que c'est vrai qu'il n'y a aucun organisme comme nous qui travaillons sur les enjeux urbains en matière d'environnement et de développement durable; il y en a très, très peu. Puis, couvrir aussi large, j'avoue que c'est quand même assez compliqué, mais on réussit à le faire. Puis de toute façon on voit que c'est compliqué, avec la taille du volume, là; je ne sais pas si vous allez avoir le temps de lire l'ensemble des 700 pages, mais il y a un index, là, qui fait que les gens peuvent aller directement aux bonnes études de cas.

Alors, pour ce qui est du projet de loi, d'abord je vais rappeler le plan que je veux présenter. Développement durable et aménagement du territoire, ça consiste en quoi? Ensuite, le projet de loi, on va aller rapidement sur nos commentaires généraux puis les principes, puis on va juste centrer sur les éléments qui sont importants à nos yeux. Et ensuite bien la conclusion, bien la stratégie, c'est sûr que c'est un élément fondamental pour nous, mais on conclura, après ça, notre... ce qui va rester de notre 10 minutes finalement, presque, qui nous reste.

Alors, bien vous savez, les municipalités, là, au Québec, c'est 80 % de la population qui demeure dans les milieux urbains. Donc, si on ne fait rien pour améliorer l'empreinte écologique des municipalités et leurs répercussions sur l'environnement, bien c'est comme si on perd notre argent à essayer de sauver les marécages ou les grenouilles, parce que les répercussions se font sentir partout. Le meilleur exemple, c'est les gaz à effet de serre. On le sait, c'est dans les municipalités qu'on émet le plus de gaz à effet de serre, et ça a des répercussions pas juste au Québec, partout dans le monde. Puis même, on essuie aussi les problèmes des autres municipalités à travers le monde ou des autres agglomérations. Donc, pour Vivre en ville, ça a toujours été un élément fondateur. Et c'est important, étant donné l'étalement urbain aussi, qui consiste à finalement gaspiller notre territoire pour toujours développer davantage les municipalités, donc c'est comme une consommation irrationnelle du territoire qui a des répercussions, là, on le sait, en matière de transport, d'équipements publics. Puis même, économiquement, on en ressent les conséquences sur les pressions fiscales que ça implique auprès des gouvernements centraux.

Donc, la récréation est comme terminée. Puis, l'application du développement durable, pour nous, c'est comme un créneau intéressant pour développer de façon optimale le territoire. Et ça va probablement, j'imagine, vous allez voir, teinter l'ensemble des commentaires de notre mémoire, parce que, nous, on va surtout le centrer sur les enjeux des municipalités. Ça fait que, pour qu'une étude... En fait, pour que la société de demain, autant mes enfants que mes petits-enfants, puisse prospérer dans un environnement économique puis un environnement physique sain puis une solidarité sociale, j'ai l'impression que c'était le temps que le Québec prenne le virage, puis j'en suis très heureux. Qu'on prenne le virage du développement durable, c'est important pour l'avenir, et c'est pour ça qu'on ne peut pas être contre le projet de loi. Je veux dire, on a toujours appuyé l'avant-projet de loi, donc on appuie aussi le projet de loi actuellement.

Puis je dirais même que c'est un événement historique, puisque, depuis Rio, ils sont rares, les gouvernements qui sont allés jusqu'à légiférer pour s'assurer de respecter les principes de développement durable puis les appliquer dans l'ensemble de l'organisation d'un État ou de la gestion d'un État. La plupart du temps, on s'arrête à des livres blancs ou des politiques, mais là, au moins, on vient encadrer et on espère... C'est entendu que le fardeau de la preuve reste à faire. À date, on a un bon début, des consultations publiques, la prise en compte de nos commentaires, c'est un avant-goût très, très intéressant, parce que beaucoup de commentaires ont été pris en compte dans le projet de loi qui est à l'étude, puis maintenant le fardeau de la preuve, ça va être dans l'action, c'est-à-dire de s'assurer que les ministères concernés ? et, moi, je vais aussi aller plus loin dans l'article 4, avec les organismes qui devraient être intégrés dans le projet de loi, là, les municipalités puis les organismes scolaires ? bien, qu'on espère que tous ces gens-là vont respecter l'esprit de la loi, et incidemment le gouvernement du Québec.

Pour nous, c'est important que, si la loi est sur la table, bien, que l'esprit de la loi devrait être respecté dans les gestes que le gouvernement pose actuellement et pose depuis les dernières années. Parce que ça fait quand même presque plus d'un an qu'on travaille sur ce projet-là, que le ministère, que le cabinet, tout le monde travaille sur le projet de loi, ça fait qu'il faudrait déjà que l'ensemble des ministères puissent respecter le projet de loi qui est sur la table, sinon on va avoir travaillé pour rien, là. À moins qu'on veuille tout faire les projets puis, après ça, on parlera de développement durable, après la date de sanction de la loi. Donc, il faut respecter l'esprit de la loi, c'est important.

C'était un peu l'histoire du paradoxe personnel que je vivais et que Vivre en ville vivait à travers différents projets qu'on ne pourra peut-être pas énumérer ici aujourd'hui, mais il y a différents projets qui sont sur la table qui parfois... déjà, on pourrait dire que ça respecte le développement durable, d'autres fois, c'est vraiment limite en termes de développement durable.

Alors, c'est pour ça que ça prend une bonne grille d'analyse, qu'on soit un gouvernement municipal ou un gouvernement provincial, il faut avoir une grille d'analyse de développement durable ? ça fait partie d'une des recommandations de notre mémoire ? pour qu'on puisse être cohérents dans les gestes qu'on pose puis dans l'application de la loi.

Puis de toute façon je pense que c'est fondamental. Si le gouvernement lui-même ne respecte pas sa propre loi via ses ministères concernés puis les organismes influents, bien c'est quel signal qu'on va donner aux autres organismes qui sont soumis à l'article 4, ou encore même aux organisations privées qui pourraient être tentées de façon volontaire de mettre en oeuvre la Loi sur le développement durable dans leur organisation, si le gouvernement ne va pas lui-même appliquer ces éléments-là dans son action quotidienne?

En tout cas, j'espère qu'on... moi, je pense que... la mise en garde que je fais, c'est qu'on a un bon projet de loi sur la table, qui encadre l'ensemble des activités puis qui est vraiment très cohérent. Maintenant, faut s'assurer qu'on ne se raconte pas d'histoires dans le futur puis qu'on est certains que... bien moi, les histoires, je garde ça pour mes enfants, là. J'espère qu'on va être sûrs que le gouvernement va pouvoir respecter la légalité de la loi dans son application.

Sur les autres éléments, je suis rendu maintenant au point du... Autres commentaires généraux, c'est fait, les principes d'application, bon... La cohérence, j'en ai déjà assez parlé. Par contre, un élément qui est peut-être une petite fleur, c'est par rapport à l'intégration. Nous, on avait déjà fait le commentaire qu'on aimerait que la solidarité sociale, les autochtones soient davantage intégrés dans le projet de loi, puis maintenant ils le sont, par rapport à l'avant-projet de loi, et ça, on en est très heureux. C'est peut-être bref, dans la déclaration des principes, mais c'est quand même là puis c'est déjà un élément important.

Par contre, par rapport aux principes encore, bon, la notion d'utilisateur-pollueur-payeur, bon, on a fait disparaître le mot «utilisateur», mais on a encore des inquiétudes. On veut être certains, en tout cas, qu'il n'y aura pas de place à la privatisation par rapport à certaines ressources, comme l'eau, par exemple, l'eau potable, qu'on puisse s'assurer qu'il n'y aura pas de privatisation de l'eau. C'était une crainte qu'on avait déjà manifestée lors des premières consultations. Ça n'empêche pas qu'on puisse tarifer les routes, les ponts, mais n'empêche qu'il ne faut pas non plus que les ressources essentielles à la vie deviennent tarifables. Ça, c'est évident. Un pont, ce n'est pas essentiel à la vie, c'est un agrément.

Inquiétudes face à la privatisation, c'est fait. Maintenant, un point important, c'est toute la notion de l'implication des municipalités. Et là, je vais m'étendre un peu plus longtemps. Parce que les municipalités, c'est des acteurs importants. Je ne sais pas quelles représentations elles ont fait jusqu'à maintenant, mais dans la loi, bon, on a la possibilité, avec l'article 4, de les intégrer dans le processus.

Et on espère d'ailleurs que le gouvernement, dès que la loi sera entrée en vigueur, rapidement imposera, ira... parce que c'est comme un pouvoir de l'imposer, aux alinéas 1° et 2° de l'article 4, aux organismes concernés, que ce soient des organismes scolaires et les municipalités, mais on espère qu'ils vont le faire rapidement. Parce qu'actuellement trop souvent on se limite à des orientations qui sont générales, que ce soit au ministère des Affaires municipales et des Régions, puis on a toujours reproché que ça n'avait pas de dents, ces orientations-là, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de... ce n'est pas raccroché à des éléments légaux, donc c'est des recommandations qui sont envoyées aux municipalités. Puis là, bon, on a une occasion unique avec la Loi sur le développement durable, comme plusieurs ministères seraient concernés par l'application des principes, bon, on espérerait, entre autres, que les orientations qui sont envoyées aux municipalités, que ce soit pour leurs outils de planification, schémas d'aménagement ou plans d'urbanisme, pourraient être intégrées dans la stratégie de développement durable puis qu'on soit certains qu'il y ait des concepts qui se retrouvent dans les orientations qui seraient envoyées aux municipalités.

n (15 h 20)n

On peut penser, entre autres, à toute la question des avis ministériels qui sont déjà envoyés pour les schémas d'aménagement. Le gouvernement parle... au nom des avis ministériels, en disant: Bien, on n'est pas d'accord avec tel aspect de votre schéma d'aménagement ou plan d'urbanisme. Donc, il faut être certain qu'il y aura une connexion qui se fera avec la Loi sur le développement durable puis la stratégie de développement durable afin que les municipalités se voient imposer des critères de développement durable. Bon. C'est sûr qu'on peut parler de carotte et de bâton. On peut faire des contraintes, les imposer, mais il faut aussi faire des incitatifs, c'est-à-dire inciter, donner des cadeaux... en fait, conditionner les cadeaux. Quand on parle de carotte, on peut dire: Bien, oui, on peut vous donner telle subvention pour tel projet, dans la mesure où vous respectez tel critère de développement durable ou tels éléments des principes de développement durable. Donc, ce qu'on appelle souvent l'écoconditionnalité puis qu'on applique dans le monde agricole, bien pourquoi on ne commencerait pas à l'appliquer de façon très, très formelle dans l'aménagement du territoire, puis surtout dans le monde des municipalités?

Trop souvent, on a vu... Puis c'est presque du gaspillage dans le fond, parce qu'on finance majoritairement les équipements... l'approvisionnement, mais aussi l'assainissement des eaux usées des municipalités, puis les municipalités, parfois, par manque de temps ou par simple négligence, bien, quand c'est des puits artésiens parfois ils ont laissé des activités s'implanter le long des puits artésiens, trop près, ils n'ont pas suivi vraiment... Donc, là, les puits sont à refaire, les approvisionnements sont à revoir, puis c'est le gouvernement qui paie le nouvel approvisionnement en eau potable, parce que la municipalité s'est comme laissée aller un petit peu puis n'a pas vraiment surveillé son puits. Parfois, ce n'est pas de leur faute, là, mais des fois ça peut être en lien avec une certaine négligence. Donc encore là c'est les mêmes payeurs de taxes qui finissent par faire les contributions comme citoyens mais aussi comme citoyens de la province, via les impôts.

Donc, l'implication du monde municipal, c'est vraiment quelque chose d'important, puis la loi, c'est une opportunité à saisir pour s'assurer que les municipalités vont être intégrées dans le processus puis qu'ils vont mettre en place le développement durable au sein des outils de planification du territoire. Ensuite, sur les autres aspects du projet de loi, bien c'est sûr que la reddition de comptes, on est entièrement en faveur de ça, autant que les éléments qui s'associent à la reddition de comptes. Bon, on peut parler du commissaire, de la vérification qui pourrait être faite pour être certains que l'ensemble des ministères concernés puis les organismes puissent mettre en oeuvre la stratégie. Mais je pense que l'étape ultime ou l'outil ultime pour nous permettre de juger si on est en bonne reddition de comptes, ça va être la stratégie. Puis, en soi, c'est ça, le défi. C'est la stratégie du développement durable qui va probablement encadrer vraiment ce vers quoi on doit tendre en termes de développement durable, puis ma crainte, bien c'est que, si la stratégie arrive avec des objectifs trop faibles ou des défis un peu moins importants, bien ça ferait en sorte que les ministères, dans leur application, auraient des petits objectifs qui seraient tellement faciles à atteindre que ce ne serait plus valeureux, ce serait trop facile. Donc, une stratégie qui va être assez importante.

Pour ce qui est du Fonds vert, bien il n'y a pas grand monde qui pourrait être contre ça. Moi, je vous dis c'est important de le mettre en oeuvre rapidement, mais de prévoir des mesures transitoires, parce que là ça fait déjà deux ans que plusieurs groupes partenaires du ministère de l'Environnement puis même du gouvernement travaillent d'arrache-pied, vivent du mieux qu'ils peuvent. Mais il n'y a plus de financement de manière ponctuelle pour les projets ou même de financement statutaire pour le fonctionnement de certains organismes. Donc, ça fait en sorte que les groupes, ils peuvent être partenaires du développement durable, mais il faut qu'ils soient intégrés dans le Fonds vert. Puis à la limite on devrait même s'assurer que le Fonds vert va travailler en synergie avec les autres fonds qui existent, que ce soit en efficacité énergétique, le Fonds d'action québécois en développement durable, même le fonds... le FIDD, qui vient cet après-midi, qu'on puisse... pas entrer en compétition, mais s'assurer que tout ça forme une espèce de complémentarité pour s'assurer qu'on maximise les impacts sur le développement durable sur le territoire du Québec.

Ensuite, stratégie, bien là on a déjà... Comme je vous disais, on est très heureux parce qu'on est déjà en consultation sur le processus, puis on va de l'avant, puis on s'assure que la démarche... Il va falloir consulter sur la stratégie, puis c'est ça qui est annoncé dans le projet de loi. On en est très heureux. C'est évident.

Ensuite, pour ce qui est de la conclusion, parce qu'il me reste une minute. On le verra plus tard dans les questions. Bien, on est satisfait de l'ensemble du projet de loi parce qu'il y a une bonne évolution par rapport à l'avant-projet de loi, donc on peut juste féliciter le travail accompli. Mais, ce que je vous dirais en conclusion formelle, c'est que Vivre en ville sera toujours un partenaire, puis on va toujours s'engager, puis on prend l'engagement finalement formel à s'engager comme on l'a fait auprès du gouvernement du Québec pour être certain d'être un partenaire dans l'application du développement durable. On le fait déjà depuis des années à notre façon, en prenant ce qui est le théorique de l'application du développement durable dans les municipalités. Donc, ce qu'on veut maintenant, c'est dire au gouvernement du Québec, bien on va toujours être votre partenaire pour poursuivre cette démarche-là d'application du développement durable au sein des municipalités, pour qu'on puisse avoir un environnement, un avenir un peu plus intéressant pour nos collectivités.

Donc, on va défendre de part et d'autre le projet de loi sur le développement durable, mais c'est toute la question des collectivités viables, qui est un peu notre créneau, nous, chez nous, à Vivre en ville, là ? je n'ai pas expliqué c'était quoi ? on défend l'émergence des collectivités viables, au Québec. Donc, on va le faire via la Loi sur le développement durable, c'est certain. Donc, on va être très vigilants, mais on va être un partenaire actif aussi.

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup, M. Vaillancourt. Alors, immédiatement, M. le ministre, si vous voulez vous adresser à Mme Jampierre ou M. Vaillancourt.

M. Mulcair: Bonjour, Mme Jampierre. On espère vous entendre un peu justement en réponse à nos questions, mais, qu'est-ce que vous voulez, le gars présent, c'est la fin de son mandat, hein, alors il profitait un petit peu.

Une voix: ...

M. Mulcair: Ah, c'est bien. M. Vaillancourt, félicitations! Vaillancourt est un nom prédestiné en politique municipale, vous parlez avec quelqu'un de Laval. Alors, je vous souhaite longue vie dans vos nouvelles fonctions. C'est important, ce que vous avez choisi de faire, de vous présenter en politique. On ne le dit pas assez souvent, à quel point les gens qui acceptent cette charge-là se dévouent, sont souvent mal appréciés. Moi, j'apprécie ce que vous avez décidé de faire et j'espère que vous allez beaucoup vous plaire dans vos nouvelles fonctions et que vous allez pouvoir aider vos concitoyens.

Je prends la balle au bond et je vous dis que, de notre côté de la table, on partage votre préoccupation pour le Fonds vert. Nous aussi, on souhaite que ça puisse, avec le projet de loi, arriver avant Noël. L'argent peut déjà commencer à regarnir les coffres. Parce que c'est une de nos préoccupations majeures, qu'on partage avec vous, un financement stable non seulement des groupes, mais aussi des projets, et c'est ce qui est visé.

Avec l'accord de mon collègue de Lac-Saint-Jean ? je sollicite toujours ? j'allais demander à M. Gaudreau, qui m'accompagne, du ministère, d'entreprendre peut-être un aspect un peu plus technique, sur l'échéancier de la mise en application des plans de développement durable, peut-être pour répondre à certaines des préoccupations exprimées par Vivre en ville. Alors, merci beaucoup.

M. Gaudreau (Léopold): Oui. Alors, d'abord une première question...

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi, voulez-vous identifier, s'il vous plaît, pour fins d'enregistrement?

M. Gaudreau (Léopold): Excusez-moi. Léopold Gaudreau, sous-ministre au développement durable au ministère de l'Environnement. Ma question porte surtout sur la question touchant l'implication des municipalités. On a plusieurs, vous avez vu dans la loi, on a plusieurs façons de s'y prendre. On peut y aller de façon progressive, on peut y aller... on peut même décider, dans le cadre de la loi, de prendre certaines parties de la stratégie.

Nous, on avait comme intention de procéder d'abord par des projets pilotes. Il y a plusieurs municipalités qui nous ont dit dans le cadre de la consultation ? on en a consulté au moins une cinquantaine ? qu'il fallait d'abord avoir des projets qui étaient des succès. Il y a plusieurs municipalités qui se sont offertes pour devenir des projets pilotes. Qu'est-ce que vous penseriez de cette formule, plutôt que d'étendre immédiatement à l'ensemble des municipalités et ne pas avoir à leur offrir, je dirais, les outils d'accompagnement nécessaires?

Le Président (M. Pinard): Alors, monsieur ou madame.

M. Vaillancourt (Jérôme): Je vais y aller. Excuse-moi. Bien...

Le Président (M. Pinard): M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Jérôme): Bien, je ne suis pas en défaveur avec l'idée d'y aller progressivement. C'est certain que je comprends aussi que ce serait peut-être une patate chaude pour les municipalités d'arriver tout d'un coup puis d'avoir à appliquer les éléments du contenu de la loi dans le cadre de leurs fonctions puis de se dire: Bien, là, il vont probablement dire, bien on n'a pas les fonds non plus pour le faire; c'est comme si c'était une nouvelle compétence ou une nouvelle responsabilité, puis on n'a pas non plus d'outil de sensibilisation.

C'est sûr que, nous, Vivre en ville, on en fournit déjà aux municipalités, des outils de sensibilisation, pour qu'ils aillent de l'avant. Ça fait que je me dis... ça se pourrait que les municipalités qui se sont offertes pour faire des projets pilotes ou des projets de démonstration, ce soit grâce à la trousse d'actions, parce qu'ils ont peut-être acheté la trousse d'actions, puis ils se sont dit: Nous, on veut aller de l'avant. Ça fait qu'il en existe déjà, des outils de sensibilisation qui permettent d'outiller les municipalités pour aller de l'avant. Ce n'est peut-être pas dans le cadre très, très pointu de la loi qui est à l'étude actuellement, mais, quand même, il existe des outils.

Est-ce que ça peut excuser, oui, qu'on aille progressivement? Je pense que oui, on pourrait aller progressivement tout de même puis ne pas aller directement. Parce que c'est sûr que, nous, on disait: Allons-y directement, imposons-le directement aux municipalités via l'article 4. Mais, moi, je pense qu'on serait capable d'accepter, si le calendrier est assez... n'est pas sur 20 ans, là, on s'entend, si c'est un calendrier, un échéancier qui est sur un plus court terme, de prendre des municipalités, de faire un exemple avec ça, de même faire une analyse, voire... on peut même aller plus loin dans l'analyse. Nous, on avait déjà commencé à regarder avec Québec pour des années bénéfices-coûts dans l'application du développement durable, autant pour les promoteurs immobiliers que la municipalité, donc les payeurs de taxes, là, donc fiscalement.

Donc, c'est vrai qu'on ne peut pas être contre l'idée d'y aller progressivement puis d'accepter que des municipalités embarquent dans un projet pilote qui viendrait compléter en fait les outils que, nous, on fournit déjà, Vivre en ville, avec la trousse d'actions, avec des outils plus sur le terrain. Puis même, ça irait de l'avant avec un de nos projets qui était de faire lever des projets de développement durable, via la trousse d'actions, dans les municipalités, c'est-à-dire de prendre les réalités de certaines municipalités ? parce que la trousse, c'est un outil très général ? puis de mettre en oeuvre ces éléments-là à l'échelle des quartiers ou des villes.

Donc, ma réponse est donc... En gros, c'est oui, là, avec plusieurs arguments, là, mais c'est oui, dans le sens qu'on serait d'accord avec l'idée d'y aller progressivement.

Le Président (M. Pinard): M. Gaudreau.

n (15 h 30)n

M. Gaudreau (Léopold): Oui. Par rapport aux grilles d'analyse, c'est un dossier extrêmement important, c'est ce qui va faire la différence entre être capable et pas capable de mettre en place les outils, notamment les principes. Le ministre a annoncé, a indiqué, au cours de la commission parlementaire, qu'il pourrait peut-être essayer de voir si on peut mettre en place un comité externe, des comités externes d'experts qui aideraient finalement à la fois pour des indicateurs, à la fois pour la question touchant les grilles d'analyse et même d'autres questions de mise en oeuvre. Là-dessus... parce qu'on a d'autres formules possibles, mais cette formule, là, d'avoir des comités d'experts ? vous avez regardé à travers le monde tout ce qui pouvait se faire en termes d'expérience ? alors cette complicité entre la société et le gouvernement, est-ce que vous pourriez nous donner quelques pistes de réflexion, ou votre positionnement là-dessus, et votre contribution personnelle, comme organisme, à une aventure de cette nature?

Le Président (M. Pinard): M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Jérôme): O.K. Bien, sur les grilles d'analyse, je dirais que, dans certains cas, si on regarde, de mémoire, là, certaines municipalités, entre autres, ou des gouvernements sont allés via les indicateurs qui s'étaient développés. Donc, avec ces indicateurs-là, ils s'en sont fait des grilles d'analyse pour l'aide à la prise de décision, quoique, lorsqu'on regarde certains indicateurs, ça peut porter à confusion, mais n'empêche que ça peut partir des indicateurs. Ensuite de ça, une fois qu'ils ont pris leur grille d'analyse, leur cadre d'analyse, bien il y a des comités qui sont parfois créés avec les élus et des professionnels, c'est vrai. C'est une avenue qui est assez intéressante, là, de dire: On pourrait avoir un comité externe.

Ce comité-là pourrait soit lui-même déjà formuler la grille d'analyse, là, si on faisait un pour le Québec, mais, la grille d'analyse, il y en a existe aussi au Québec, qui sont déjà utilisées, qui avaient, bon, promues par... c'était Claude Villeneuve qui en avait parlé beaucoup à l'Université du Québec à Chicoutimi, les cadres d'analyse de développement durable qui respectent les différents critères, là, de son tétraèdre, ou je ne sais pas quoi. Peut-être même que l'ancienne Région laboratoire utilisait cette grille-là ? maintenant, c'est le Centre québécois de développement durable ? a ce genre de grille aussi pour analyser l'ensemble des projets.

Mais c'est sûr qu'il y a des États qui, outre la grille d'analyse, se sont fixés des critères, puis ce n'est plus une grille d'analyse, ça devient un cadre dans lequel les projets n'ont pas le choix de s'insérer. Je pense des fois aux politiques a b c, les politiques de localisation des grands équipements gouvernementaux et même privés, où là ce n'est plus une grille d'analyse, c'est qu'ils ont déjà pré-élaboré les éléments qui respectent les critères de développement durable, là, la délocalisation près du transport en commun, ou des bâtiments verts, ou quoi que ce soit.

Donc, les critères sont déjà élaborés et, à ce moment-là, il faut que le projet s'intègre là-dedans, puis la décision gouvernementale n'a presque pas le choix de respecter cette grille-là. Ça devient très contraignant par contre, parce que n'empêche que, quand on est élu, on est aussi là pour prendre des décisions puis ne pas laisser prendre les décisions par des grilles, là. Donc, c'est quand même intéressant d'aller en comité externe d'experts pour intégrer avec les élus. Ça, je trouve ça intéressant.

Le Président (M. Pinard): M. Gaudreau.

M. Gaudreau (Léopold): Alors, une dernière question, concernant le niveau d'intervention, soit au niveau régional, au niveau des conférences régionales des élus ou des municipalités. On sait que déjà les CRE ont comme mandat de faire des plans de développement qui vont s'inscrire dans le développement durable. Est-ce qu'on devrait commencer à ce niveau-là immédiatement et, plus tard, aller aux municipalités, étant donné qu'ils ont déjà un mandat? Et il y a aussi toute la question de la représentativité, au niveau des CRE, qui peut poser une difficulté. Mais j'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Pinard): M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Jérôme): C'est vrai que, là, c'est consistant comme question, parce que, dans certaines municipalités, est on dans la situation du conseil d'agglomération, en plus, là, ça fait qu'il y a comme une multitude d'instances, ce qui fait en sorte que, même moi, j'avoue, là, sincèrement que ce n'est pas évident. J'opterais à la base pour les municipalités, là, ou encore pour les municipalités régionales de comté, bon, puis les CMQ, les CMM, là, les communautés métropolitaines. Nous, en tout cas, c'est la vision qu'on partage, à Vivre en ville, c'est qu'il faut d'abord élaborer les stratégies sur un territoire assez vaste. Parce que, si on parle développement durable dans un quartier, c'est intéressant, mais ça n'a pas les impacts, là, que si on a un territoire très vaste. Donc, j'irais avec les instances régionales avant tout.

Mais, là, je ne sais qu'est-ce qui va arriver. On a vu ce qui se passe avec Montréal. Avec Québec, je ne sais pas, je n'ai pas vu de décret. Mais les conseils d'agglomération vont peut-être avoir un... Ça va être quoi, le contrepoids avec les communautés métropolitaines, je ne le sais pas, là. Mais j'irais d'abord avec les instances régionales.

Par contre, quand on entre dans, je pourrais dire, les stratégies plus efficaces sur le territoire, en tout cas quand on parle d'aménagement du territoire, bien là les municipalités, c'est des joueurs incontournables, étant donné que c'est elles qui ont le rôle du plan d'urbanisme. Puis on le voit pour Montréal et pour Québec, c'est déjà teinté de développement durable. Ils ont déjà intégré dans leur plan d'urbanisme les éléments que, nous, on défend, Vivre en ville. Donc, certains critères dans le plan de Montréal sont déjà là, c'est-à-dire la densification le long du corridor de transport en commun pour s'assurer qu'on va avoir des clientèles, bon, tous ces éléments-là se retrouvent. Même aussi à Québec, c'est-à-dire, on doit se restreindre sur un territoire. C'est fini, le temps où on doit étaler toujours plus loin puis développer sur le territoire agricole. Maintenant, il faut rentabiliser les équipements qu'on a déjà puis les terrains qui sont déjà dans les villes. Donc, on voit déjà que les plans d'urbanisme, pour ce qui est de l'application, là, en termes d'aménagement, sont le meilleur outil.

Mais, pour les grandes orientations, c'est certain que c'est les instances régionales qu'on devrait aller voir en premier. Ça fait qu'il y a comme un rôle. Mais là, ce qui arrive, c'est que les communautés métropolitaines ont déjà fait leur schéma, c'est déjà en processus d'adoption, donc il reste les plans d'urbanisme. Mais c'est sûr qu'il y a des outils de gestion réguliers aussi, là.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Mulcair: On va alterner.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le critique officiel de l'opposition, M. le député de Lac-Saint-Jean. Il y a 11 minutes d'utilisées.

M. Tremblay: Merci, M. le Président. D'abord, salut à vous deux, mes salutations à vous deux. Eh bien, bravo! Des gens qui militent en matière environnementale et qui se présentent aux élections, on est toujours fiers de ça. Vous avez parlé du Fonds vert. Est-ce que vous avez une idée de la façon dont ces sommes d'argent vont être distribuées, puisque vous avez semblé signifier un certain enthousiasme quant à cette mesure? Et j'aimerais savoir de votre part si vous avez des indications, que peut-être je n'ai pas, sur la façon dont seront distribuées ces sommes d'argent.

Le Président (M. Pinard): M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Jérôme): Non, je n'ai pas d'informations particulières. C'est que c'est un souhait qu'on mentionne, là, c'est-à-dire qu'on espère en fait que le Fonds vert ? c'est un peu ça, le signal qu'on avait à l'époque; que le Fonds vert ? allait pouvoir subvenir autant à des projets que, peut-être même de façon plus stable, à des organismes qui travaillent en environnement, puis en tout cas c'est la volonté que, nous, on aurait, que ce soit le cas, que le Fonds vert puisse faire ça.

C'est pour ça que... Ce que je n'ai pas dit dans la présentation, c'est qu'on est au moins très heureux, et on espère qu'on va rester vigilants là-dessus, parce qu'à un moment dans l'avant-projet de loi on était inquiets étant donné que les sommes non utilisées pouvaient retourner au fonds consolidé gouvernemental, alors que ça n'aurait pas de bon sens, là, parce qu'il faut que l'argent reste dans le Fonds vert, puis ça, c'est... À moins qu'il y ait une particularité que j'aie mal sentie dans le projet de loi, c'est déjà disparu du projet de loi, donc... Parce que, si jamais on est ouverts à des dons puis des legs, bien les dons, en tout cas pour ce qui est des dons, s'il fallait que ça retourne au fonds consolidé, ça ne serait pas drôle pour les gens qui ont fait leur don, parce que, s'ils font un don pour améliorer le développement durable, ce n'est pas pour réduire la dette. Donc, c'est important que ça reste là.

Puis c'est sûr que, nous, c'est notre souhait le plus cher que les groupes puissent être financés, que les groupes puissent être partenaires, puis partenaires reconnus, qu'il y ait une forme de reconnaissance avec le Fonds vert dans l'application du développement durable, de dire: Bien ça, oui, c'est vrai: ce groupe-là, vraiment il est actif en termes de développement durable. Que ce soit dans une thématique, comme les municipalités ou d'autres thématiques, parce qu'il y a d'autres groupes qui font d'autres choses aussi extraordinaires, bien, s'assurer qu'on reconnaît le travail passé de ces groupes-là. Nous, ça fait à peu près 10 ans qu'on travaille dans ce domaine-là, d'autres groupes aussi, ça fait des années. Donc, je pense que c'est fondamental. Mais je n'ai pas d'informations privilégiées, là.

Le Président (M. Pinard): M. le député.

M. Tremblay: Vous avez parlé tout à l'heure de mesures transitoires entre le moment... bien entre aujourd'hui et le moment où le Fonds vert serait actif. Ça voudrait dire que le ministère de l'Environnement verserait des sommes d'argent déjà là. Parce que vous n'êtes pas sans savoir que plusieurs groupes environnementaux actuellement n'ont plus de fonds, et ça m'amène un peu à vous poser... Bien, je veux que vous m'entreteniez sur cette question des mesures de transition. Mais actuellement le ministre nous dit: Il faut absolument que le projet de loi passe avant Noël, sans ça les groupes n'auront plus de fonds. Et là, moi, je veux dire, nous, de notre côté, on veut faire un travail parlementaire constructif, et puis, bon, si c'est avant les fêtes, ce sera tant mieux.

Mais est-ce que, là, si vous étiez à ma place, vous trouvez ça correct qu'on nous dise: Bien, juste sur l'aspect que, grâce au Fonds vert, les groupes environnementaux pourront avoir des sommes d'argent, il faut absolument qu'on accélère le processus législatif, et que donc le fait que le ministère de l'Environnement ait coupé les vivres à plusieurs groupes environnementaux nationaux, ça, ce n'est pas une décision du ministère de l'Environnement, là. Tu sais, on dirait que... En tout cas, je trouve qu'il y a comme une situation qui est... En tout cas, mettez-vous à ma place. Puis je vous pose la question: Trouvez-vous normal qu'on me mette le couteau sous la gorge pour que je doive faire mon travail parlementaire très rapidement?

n (15 h 40)n

Le Président (M. Pinard): M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Jérôme): Non, bien, moi, je ne le placerais pas en condition sine qua non, dans le sens où j'irais plus par rapport à la valeur du projet de loi puis de ses implications qu'uniquement sous l'angle du financement des groupes environnementaux, ou même du financement ponctuel.

En fait, je comprends que ça ne doit pas être une situation facile à vivre, autant pour nous qui sommes de l'autre côté que pour les élus, à savoir: il n'y a plus d'argent, donc on veut te couper toutes les vivres, autant en financement statutaire que les projets ponctuels. Puis il y a beaucoup de groupes qui ne vivaient que par les projets ponctuels, les subventions par projet, pour des petites enveloppes, puis qui élaboraient des projets sur leur territoire. Donc, je n'ai aucune idée si vraiment techniquement l'adoption du projet de loi ferait en sorte que tout à coup l'argent serait disponible, là, je ne peux pas me prononcer là-dessus.

Par contre, moi, je pense qu'il faut que ce soit sur la valeur du projet de loi. Puis, écoutez, ça fait presque deux ans... pas que c'est coupé, mais qu'on le sait que ça s'en venait comme ça, c'étaient déjà des ententes qui étaient faites, ce n'étaient pas uniquement des fonds qui venaient du ministère de l'Environnement pour ce qui est du financement des groupes nationaux, c'était aussi de l'argent qui venait du casino via le Secrétariat à l'action communautaire autonome. Donc, il y avait une espèce de jumelage de fonds ou d'argent qui faisait en sorte que ça te créait une enveloppe importante pour financer certains groupes. D'autres groupes sont demeurés dans l'enveloppe de financement sur les CRE, puis, c'est sûr, les comités de bassin, c'est évident.

Donc, ces instances-là sont déjà financées. Je ne sais pas si leur financement est remis en question, mais, au moins, cette mesure-là est restée. Puis, les autres groupes qui étaient sur la base du financement statutaire, bien il n'y a pas eu de mesure de transition, parce qu'on nous a toujours dit: Bien, écoutez, le Fonds vert s'en vient, puis, dans le Fonds vert, il va y avoir l'argent, puis tout ça. Bien, je comprends que c'est compliqué de garnir le fonds, de s'assurer qu'il y a de l'argent dans le fonds, des sommes importantes pour financer les groupes, mais c'est pour ça que, nous, on profite de la tribune pour dire: Bien, écoutez, ça commence à urger, parce que... Est-ce que c'est vraiment le cas, que l'adoption du projet tout à coup fait en sorte que le fonds est garni puis que les groupes vont être financés?

Alors que, pour financer les groupes, bien, moi, j'ai bien l'impression que, si j'étais un élu, il faudrait d'abord aussi que je me dote d'une espèce de programme... pas d'imputabilité, mais en tout cas de reddition de comptes, là, dans la mesure où il faut que les groupes... comme c'était le cas dans le passé, on avait certains critères à respecter, on n'avait pas de l'argent comme ça, là, haut la main, c'était quand même... Il y avait une reddition de comptes, à savoir quelles activités on menait sur le terrain, est-ce qu'on faisait une activité à la grandeur du Québec ou juste dans un petit coin du Québec. Donc, tout ça, ça fait partie des critères de financement. Donc, si les critères sont prêts puis que le fonds a de l'argent déjà puis on n'est pas au courant, bien je m'en réjouirai à ce moment-là, mais je ne peux pas... je ne suis pas au courant.

Ça fait que je ne peux dire... Comme parlementaire, je ne sais pas comment on peut gérer ça, parce qu'il doit y avoir d'autres éléments qui font en sorte que le projet de loi pourrait être adopté avant les fêtes, c'en était peut-être un, effectivement. Si l'argent est là, puis qu'on ne le sait pas, puis qu'il faut juste que le projet de loi soit sanctionné pour que le fonds puisse entrer en vigueur, tant mieux, mais, moi, je ne suis même pas au courant quels sont les critères pour qu'on ait le financement. Ça fait qu'il va y avoir encore un deux, trois mois avant que le projet soit... qu'on ait vraiment le chèque puis le financement chez nous, en tout cas, puis chez les autres organismes nationaux qui n'ont plus de financement. C'est une longue réponse, hein? Je ne sais pas si ça répond un peu à votre question, là?

Le Président (M. Pinard): M. le critique.

M. Tremblay: Bien, partiellement. C'est sûr que... En tout cas, je pense que vous comprenez la situation dans laquelle je suis, compte tenu qu'en adoptant ce projet de loi là on signe un chèque en blanc à bien des égards, et notamment à l'égard du Fonds vert, parce qu'on sait que le ministre a déjà dit, en Chambre ou en commission, qu'il ne ferait pas avec les organismes qui font dans le vent, qu'il ferait dans l'action concrète. Et ça, ça semble être les CRE et les organismes de bassin versant, mais, pour le reste, les autres, on ne sait pas si... Vivre en ville, est-ce que vous faites dans le vent ou si vous faites dans l'action? on ne sait pas c'est quoi, la grille d'évaluation du ministre.

Et donc, moi, je me sens dans une drôle de position... pas d'opposition, mais de position, à soutenir cette démarche-là et de sentir concrètement la pression que le ministre nous met à dire qu'il faut passer ce projet de loi là avant les fêtes juste sous prétexte que les groupes ont faim. Je suis conscient que les groupes ont faim, et je pense que le ministère aurait pu continuer de financer. Vous parlez de mesures de transition, moi, je trouve que c'est une excellente idée. Est-ce qu'on peut faire notre travail parlementaire correctement et qu'en attendant le ministère établisse des normes de transition? Je suis persuadé que le ministre va nous dire non et que, si le projet de loi ne passe pas avant les fêtes, bien ça va être notre faute si les groupes n'ont pas le droit à leur financement.

Donc, vous voyez la situation dans laquelle on est, là. Quand on sait que le développement durable, c'est censé être de la transparence, et où il y a de la démocratie, il y a des débats, c'est... en tout cas! Sans compter du fait qu'il y a plusieurs groupes environnementaux, aussi, qui ont boycotté cette commission, comme vous le savez, compte tenu que ça fait deux ans et demi qu'on attend le Plan vert. C'est devenu un plan de développement durable, puis, en ces deux ans et demi là, ça se trouve que la consultation tombe en plein sur la conférence de Montréal, ce qui fait qu'il y a d'autres personnes qui ont bien d'autres chats à fouetter que de venir dire ce qu'ils pensent sur le plan de développement durable. Donc, c'est une drôle de dynamique dans laquelle on est.

Bref, je reviendrai sur des éléments. Tout à l'heure, lorsqu'on parlait de projets pilotes ou... parce que, dans l'article 4, vous savez, hein, on parle que ça pourrait toucher les institutions scolaires et les organismes de santé. Encore une fois, est-ce que vous êtes en faveur davantage que ce soient des projets pilotes, même dans le secteur de la santé et de l'éducation? Ou bien donc qu'on y aille rapidement, de façon élargie?

Le Président (M. Pinard): M. Vaillancourt ou Mme Jampierre.

M. Tremblay: Si vous n'avez pas d'opinion...

M. Vaillancourt (Jérôme): Bien, je dirais sincèrement, là, on pourrait y aller progressivement aussi pour ces types d'organisations là, quoique, pour l'éducation, plusieurs institutions ont déjà... par exemple, les Écoles vertes Brundtland sont déjà en avance, là. Donc, il y a déjà, on pourrait dire, des projets pilotes qui ne sont plus des projets pilotes mais qui sont déjà amorcés. Donc, pour ces alinéas-là, on pourrait déjà... pourrait déjà demander qu'ils aillent de l'avant, là, selon moi, là, au risque que le milieu scolaire ne soit pas d'accord, mais je pense que ce ne serait pas une mauvaise chose. Puis le milieu de la santé, c'est la même chose, parce que c'est des équipements majeurs dans le paysage québécois, donc...

Pour ce qui est des municipalités, bien j'ai déjà répondu, mais je pense que les deux premiers, ça pourrait aller de l'avant rapidement.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Moi, je vais... Vous m'avez dit que vous êtes un élu, alors je vais vous demander une réflexion d'élu.

M. Vaillancourt (Jérôme): O.K.

M. Grondin: Parce que, moi, c'est la réflexion que les gens m'apportent dans mon comté concernant le Fonds vert. C'est que les gens disent: Nous, on s'est construit des sites d'enfouissement très performants, on a fait des programmes de récupération, que ce soient des matières recyclables, des matières toxiques, le compostage, on a fait de l'éducation dans les écoles, on a fait même des séminaires dans toutes les municipalités pour montrer aux gens comment composter. Alors, dans tout ce programme-là, on est assez avancés. Là, on arrive avec le Fonds vert. Alors, tous les... Même si, nous, on a fait beaucoup de... on a investi beaucoup, pour les vidanges, le recyclage, tout ce que tu voudras, on est obligés de payer la taxe sur le Fonds vert, qui va aller aider ceux-là qui n'ont jamais investi puis qui ont attendu. C'est la réflexion que les gens nous disent sur le terrain.

Mais, comme élus, c'est quoi qu'on... C'est comment est-ce que vous voyez ça?

Le Président (M. Pinard): M. Vaillancourt ou Mme Jampierre.

M. Grondin: Une question piège?

M. Vaillancourt (Jérôme): Hein?

M. Grondin: C'est une question piège?

M. Vaillancourt (Jérôme): Non, mais j'ai l'impression que c'est le principe d'équité et de partage, un peu comme le partage de la richesse, dans la mesure où... Je pourrais prendre l'exemple des automobilistes. Je veux dire, tout le monde paye... l'automobiliste paye un petit montant, minuscule, sur le droit d'immatriculation pour financer les transports en commun dans les grandes agglomérations, mais ce n'est pas tout le monde qui utilise l'autobus, dans ces automobilistes-là. C'est donc qu'ils participent collectivement à financer une part modeste du transport en commun, mais indirectement ils profitent parce que les routes sont moins achalandées, il y a moins de gens sur les routes, ils peuvent rouler plus rapidement, aller du point A au point B en auto. Puis, en plus, ils en profitent aussi, parce que, si on va plus loin, au plan environnemental, bien les villes sont moins polluées, donc ils ont moins de problèmes de santé, donc ça leur coûte moins cher en impôts, pour les frais de santé associés à l'asthme ou d'autres éléments. Donc, à un moment donné, on en revoit la couleur, de ces argents-là, c'est-à-dire l'investissement. Quand on parle de développement durable, bien ça finit que les investissements qu'on fait ou la taxe qui serait faite pour les projets que vous parlez tout à l'heure, bien ça va avoir un impact. Collectivement, tu sais, ça va permettre de faire démarrer des projets ailleurs, qui vont avoir des répercutions, qui peut-être un jour vont entraîner moins de pressions fiscales pour l'ensemble du gouvernement du Québec, pour décontaminer des rivières ou des ruisseaux.

Donc, c'est pour ça que je dis: C'est vraiment une notion d'interfinancement qui est reliée à l'équité.

Le Président (M. Pinard): Question rapide et une réponse brève. M. le député.

n (15 h 50)n

M. Tremblay: Oui, tout à l'heure, nous avons parlé de la mise en application de la stratégie et des indicateurs. Que ce soit au Canada, en Suisse ou en Belgique, on sait qu'il y a des groupes de travail, la société civile, bref, il y a des organes citoyens ou de la société civilequi surveillent, bonifient, améliorent ces indicateurs et ces stratégies. Or, dans notre projet de loi que nous étudions aujourd'hui, il n'y a rien. J'aimerais vous entendre sur: Qu'est-ce que nous devrions faire, à votre sens, sur ce genre d'élément?

Le Président (M. Pinard): Réponse en une minute, s'il vous plaît.

M. Vaillancourt (Jérôme): Oui. C'est vrai que ce n'est pas inintéressant, parce que dans le fond le projet de loi parle des mesures de suivi puis des indicateurs, mais c'est sûr que c'est peut-être une mesure d'application de l'intégrer à la société civile, à des experts. Comme, tout à l'heure, on parlait du comité d'experts, là, qui n'est pas non plus dans le comité externe expert, qui n'est pas dans le projet de loi. Mais j'ai l'impression que ça pourrait être pertinent soit de l'intégrer dans la législation ou bien de s'assurer que, dans la mise en oeuvre de la stratégie, ce sera prévu qu'on puisse aller le chercher. Parce qu'on fait déjà de la consultation, puis c'est prévu que les gens vont être consultés pour la stratégie. On espère que ça va continuer comme ça. Moi, j'espérais que ce soit mis en amont de la stratégie et non pas avec un document tout prêt, mais qu'on puisse en discuter un peu préalablement.

Ça fait que pourquoi pas un comité restreint, un comité de la société civile avec des experts qui pourraient déjà avoir une idée, lancer des pistes avec les ministères concernés aussi sur la stratégie, s'assurer qu'il y aura une bonne appropriation de la stratégie, puis que, quand on arrivera à l'application, bien il n'y aura pas de hauts cris ou de réactions négatives. Donc, cette idée-là est très pertinente, là, à savoir... je pense qu'on pourrait l'appliquer dans la législation, mais je ne suis pas un expert de la loi, là, mais ça pourrait être pertinent en tout cas de s'assurer que dans l'application ça se fait.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le ministre.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Bien, dans un premier temps, je tiens à rassurer, comme je le fais souvent, mon collègue le député de Lac-Saint-Jean: il n'y a aucune menace dans ce que je lui dis, il y a de l'information, c'est cartésien. Si la loi n'est pas adoptée là, cet automne, il n'y aura pas de Fonds vert avant la fin de l'exercice. Ce n'est pas une menace, c'est de l'information que je partage avec lui.

Mais il y a un bout... Moi, sous les faux airs d'antipoliticien, je crois, bat le coeur quand même d'un vrai politicien. Parce que, sur cette question des groupes à Montréal, d'abord, j'ai eu l'occasion d'en rencontrer une dizaine hier soir et d'échanger là-dessus avec eux, mais, je tiens à dire que ? ce n'est pas personnel, mais ça me dérange ? c'est à sa demande qu'on fait des rencontres et, dans beaucoup de cas, des rerencontres. C'est lui qui a mis beaucoup de temps à me fournir une liste. Il le sait. Je lui en ai déjà parlé privément, mais, puisqu'il le ramène ici, je me sens obligé de répondre, parce que qui ne dit mot consent. Je suis pas d'accord avec ce qu'il vient de dire. Ce n'est pas vrai que, ces groupes-là, on a fait exprès pour l'amener pendant Kyoto. Je leur ai reparlé hier soir. J'ai déjà leurs mémoires. Quand on va être avec notre plan, on va les reconsulter. Sur le développement durable, on a déjà leurs indications. Mais je trouve ça plate, honnêtement, M. le Président, qu'on ramène ça comme si, nous, on n'était pas corrects. On est en train de faire ça pour accommoder, justement parce que ce projet de loi lui-même, hormis toute autre considération, puis je ne parle même plus juste du Fonds vert, je parle du développement durable lui-même, du projet de loi...

Alors, l'opposition fera ce qu'il veut, il fera sa job comme bon lui semble, mais, moi, je peux donner de l'information, puis l'information, c'est que c'est un engagement clair de notre formation politique de pourvoir à un financement stable des groupes environnementaux, et de un, et de deux, oui, avoir un vrai fonds profond, avec beaucoup d'argent, pour des projets intéressants en développement durable.

Hier, j'étais avec notamment Henri Massé et d'autres qui vont être ici plus tard aujourd'hui, Mme Méthot, FIDD, pour parler d'un fonds qui va être, d'une manière, plus serré dorénavant pour les projets intéressants et porteurs pour la réduction des GES. Nous, on veut avoir quelque chose à portée plus large pour le développement durable. Je veux l'avoir. Je pense que c'est une bonne idée pour le Québec. Moi, je pense que, si on fait la somme des interventions de l'opposition sur le Fonds vert, depuis le début de cette commission, et la somme de nos interventions, on va voir lequel des deux fait de la politique avec ça. Moi, je veux juste dire ça à mon collègue de Lac-Saint-Jean. Il fera son travail son travail comme bon lui semble, mais, si la loi n'est pas adoptée avant les fêtes, il n'y aura pas de financement avant la fin de l'exercice. Ça, c'est sûr.

Mais je veux aussi dire à M. Vaillancourt que, sur la question, maintenant, de ce qu'il a soulevé lui-même, pour... Je le réfère... pour la privatisation, il n'y a aucun lien possible à faire entre ce qu'on propose ici en termes de principes de base de développement durable et la privatisation. Mais je tiens à aller plus loin. S'il prend les déclarations de Jean Charest, premier ministre du Québec, le 12 septembre 2003, il va voir qu'il a fait une déclaration on ne saurait plus claire: pas question non seulement de privatiser l'eau, même pas question de privatiser la gestion de l'eau. Deux phrases vraiment limpides prononcées par M. Charest en marge d'un colloque qui s'est tenu au Sheraton de Laval, 12 ou 13 septembre 2003. Je le réfère à ça.

Je le réfère aussi au mémoire présenté ici ? c'est disponible en ligne ? du Centre de droit international du développement durable, qui fait le tour de ce qui peut être fait pour l'eau et pour rendre applicable ce principe d'utilisateur-payeur. Il parle, par exemple, que ce n'est vraiment pas difficile d'avoir une réserve de base qui correspond aux besoins, puis tarifer. INRS-Eau a publié quelque chose. Ça a été repris surtout dans Le Soleil. Ça a été beaucoup plus porté ici, à Québec, qu'à Montréal, mais que le coût d'un mètre cube d'eau, un mille litres d'eau, se rapproche beaucoup plus de 3 $ le mètre cube que les 0,44 $ ou à peu près qu'on charge en moyenne. Mais ce n'est pas que les gens ne les paient pas, les gens les paient, c'est payé. Ça arrive, ça a été payé. La question, c'est: est-ce que c'est les gens qui l'utilisent qui le paient? Est-ce qu'on met en place un outil économique pour qu'il y ait un incitatif de rendre le système performant? Parce que le système qu'on a à l'heure actuelle, quand ce n'est pas payé selon l'utilisation, ça donne des résultats comme ce qu'on a connu à Montréal, qui est cité à travers le monde comme un des pires résultats possibles, c'est-à-dire près de 50 % de l'eau qui est perdue, en pure perte, d'un système pourri, plein de trous. Pourquoi il est plein de trous? Parce qu'il n'y avait pas d'incitatifs économiques pour le rendre plus performant.

Alors, une fois qu'on sait ça, on comprend ce qu'on est en train de faire ici, mais, de la même manière, qui ne dit mot consent, moi, je ne pouvais pas vous laisser exprimer cette crainte sur la privatisation sans fermer la porte là-dessus. Pas sur votre intervention, mais sur toute velléité que ça peut cacher. Il n'y en a pas. Il n'y en a jamais eu, mais il n'y en a pas, et je tiens à le dire ici formellement, comme on dit en anglais, «on the record».

Alors, il ne me reste qu'à remercier.

Le Président (M. Pinard): Oui. Vous avec pris le dernier cinq minutes qu'il vous restait.

M. Mulcair: Bien oui! Mme Jampierre et M. Vaillancourt...

Le Président (M. Pinard): Alors, je m'excuse de ne point vous céder votre parole.

M. Mulcair: ...pour une extraordinaire présentation. Merci.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci infiniment, M. Vaillancourt, Mme Jampierre. Vos propos ont su enrichir les membres de la commission en vue de l'adoption du projet de loi. Merci.

Alors, j'inviterais maintenant l'autre groupe, Regroupement des organisations de bassin versant du Québec, de bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît. Je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 57)

 

(Reprise à 15 h 59)

Le Président (M. Pinard): Alors, veuillez nous excuser. Je suis heureux de vous accueillir, madame monsieur. Alors, vous connaissez déjà les règles du jeu: vous nous exposez votre mémoire pendant 15 minutes, et ensuite de ça il y a un échange du côté ministériel avec vous deux pendant 15 minutes, et par la suite c'est l'opposition officielle. Alors, président, si vous voulez vous identifier pour fin d'enregistrement.

M. Gagné (Anselme): Merci.

n (16 heures)n

Le Président (M. Pinard): Et nous présenter la personne qui vous accompagne.

Regroupement des organisations
de bassin versant du Québec (ROBVQ)

M. Gagné (Anselme): Merci. Alors, Anselme Gagné, président du regroupement des organismes de bassin versant du Québec; la directrice générale du regroupement, Mme Marie-Claude Leclerc; ainsi que Mme Annie Ouellet, de la permanence; et deux administrateurs du regroupement, MM. Jean-Paul Raîche et Robin Doré, qui nous accompagnent.

Le Président (M. Pinard): Alors, bienvenue à cette commission. M. le président.

M. Gagné (Anselme): Alors, M. le ministre, M. le sous-ministre, M. le Président, Mmes, MM. les députés, tout d'abord, permettez-moi de vous remercier de l'opportunité que vous nous donnez de venir vous présenter nos commentaires et suggestions sur le projet de loi n° 118, développement durable. Je ne vous cacherai pas que c'est la gouvernance, c'est la gestion intégrée de l'eau par bassin versant au Québec dans une optique du développement durable qui a guidé notre travail de préparation du mémoire, et nous espérons que ces commentaires ou suggestions serviront à bonifier le projet de loi.

Je vous présente très rapidement l'organisme. C'est un organisme à but non lucratif créé en novembre 2001. Sa mission est de promouvoir la gouvernance et la gestion intégrée de l'eau par bassin versant sur l'ensemble du territoire québécois et de regrouper les organismes de bassin versant. Parmi les mandats, entre autres, celui de promouvoir les grands principes de la gouvernance et de la gestion intégrée et concertée de l'eau, soutenir la mise en place et le fonctionnement des organismes de bassin versant, représenter les organismes de bassin auprès des différents paliers du gouvernement et des autres partenaires.

Le ministère de l'Environnement du Québec a reconnu, avec l'annonce de la politique nationale de l'eau, en novembre 2002, le regroupement comme étant un interlocuteur privilégié pour la mise en place de la gestion intégrée de l'eau par bassin versant au Québec. Il y a présentement 38 organismes de bassin versant membres du regroupement, dispersés à la grandeur du Québec. Vous retrouverez les noms en annexe 2 du document de notre mémoire. Les OBV sont des organismes à but non lucratif qui agissent à titre de table de concertation entre les différents utilisateurs ou acteurs du milieu qui ont un impact ou un intérêt pour la ressource eau.

Je vous présenterai maintenant nos commentaires sur le projet de loi. Tout d'abord, je tiens à vous dire que le regroupement réagit favorablement à l'annonce du projet de loi n° 118 et que le regroupement, aussi, félicite le ministre Mulcair pour cette initiative. Maintenant, pour la suite de la présentation, je cède la parole à Mme Leclerc, car nous avons décidé, de façon à être moins ennuyeux pour vous, de le faire par alternance. Mme Leclerc.

Le Président (M. Pinard): Alors, bienvenue, Mme Leclerc.

Mme Leclerc (Marie-Claude): Merci. Il est important pour le ROBVQ que les principes de développement durable soient respectés et intégrés rapidement par l'administration publique. À cet effet, le ROBVQ aimerait présenter des commentaires sur certains sujets développés dans le projet de loi, notamment en ce qui concerne les dispositions préliminaires, les principes et stratégies de développement durable, les indicateurs de développement durable, les fonctions du ministre et le Fonds vert.

Comme premier commentaire, nous aimerions proposer un ajout à l'article 2. Nous pensons qu'il serait important de souligner la notion d'éthique, qui est intimement liée au développement durable et respecte les principes mentionnés dans l'article. Nous suggérons que l'article 2 soit libellé comme suit: «Le développement durable s'appuie sur une vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement dans une perspective éthique.»

Ensuite, dans les principes et stratégies du développement durable présentés dans le projet de loi à l'article 6, les principes qui sous-tendent le développement durable semblent prometteurs et révèlent une volonté d'intégration de différents champs de compétence. Par contre, certains principes, qui concernent de nombreux ministères et qui s'inscrivent parfaitement dans cette nécessité de moderniser l'administration publique, sont absents. Ces principes que nous aimerions voir présents sont: la concertation, la gouvernance de l'eau et le respect de capacité de support des bassins versants.

En ce qui concerne la concertation, dans le projet de loi, la notion de concertation n'est pas employée, alors que nous croyons qu'elle permet d'outiller la participation et l'engagement qui y sont énoncés. La concertation se définit par des actions visant à harmoniser les interventions de plusieurs intervenants en intégrant celles-ci dans une stratégie globale pour la réalisation d'objectifs communs. Il apparaît indispensable pour le ROBVQ d'offrir l'opportunité à tous les intervenants de s'exprimer sur les enjeux de la mise en oeuvre de la loi et sur les façons d'y arriver conjointement. Rappelons que la concertation suscite la participation, le débat, l'échange, en plus de favoriser la cohésion et de faire émerger de nouvelles idées.

Nous proposons donc que l'article 6 soit libellé de cette façon: «Afin de mieux intégrer la recherche d'un développement durable dans ses sphères d'intervention, l'administration prend en compte dans le cadres ses différentes actions l'ensemble des principes suivants:». Et, à l'alinéa 5°: «"participation, engagement et concertation": la participation et l'engagement de citoyens et de groupes qui les représentent sont nécessaires pour définir une vision concertée du développement et assurer sa durabilité sur les plans environnemental, social et économique.»

En ce qui concerne la gouvernance de l'eau, la gouvernance est mentionnée à l'article 15.2 du projet de loi, mais il serait intéressant de l'inclure dans les principes de façon à en donner une définition claire. Selon le ROBVQ, la gouvernance permet d'élaborer des mécanismes permanents d'échange et de dialogue, de négociation et d'accommodement mutuel. La gouvernance se situe à un niveau de planification et permet aux acteurs de la société civile de définir des objectifs et de résoudre des conflits pour l'atteinte d'un développement durable. Il nous apparaît donc qu'inscrire la gouvernance dans les principes de la loi permettrait de renforcer l'engagement citoyen et de donner à la mission des organisations de bassin versant une crédibilité qu'ils ont largement méritée auprès des ministères québécois.

Le ROBVQ insiste également pour que les organisations dédiées à la gouvernance de l'eau, donc les organisations de bassin versant, soient également indiquées dans le libellé sur la gouvernance de l'eau. Les organisations de bassin sont des forums de concertation et de conciliation des intérêts divergents sur des usages diversifiés de l'eau. Le ROBVQ propose donc d'ajouter dans les principes et stratégies de développement durable du projet de loi le principe de gouvernance de l'eau comme mode de planification et d'inclure les organisations de bassin versant dans ce nouvel énoncé.

Je cède la parole à M. Gagné pour le respect de la capacité de support des bassins versants.

Le Président (M. Pinard): Merci, Mme Leclerc.

M. Gagné (Anselme): Pour le respect de la capacité de support des bassins versants, le regroupement recommande qu'à l'article 6, paragraphe 13°, où l'on mentionne, parmi les principes et stratégies de développement durable, le respect de la capacité des supports des écosystèmes, que soit également incluse la notion de respect de la capacité de support des bassins versants pour tout ce qui concerne la gestion de l'eau. Le bassin versant est le territoire naturel d'écoulement des eaux, délimité par les crêtes de montagne. Il constitue le territoire le plus approprié pour prendre en considération l'ensemble des intrants et des extrants qui affectent la ressource eau d'un bassin donné.

Un bassin versant est constitué de plusieurs écosystèmes distincts, tels que les forêts, les milieux humides, les zones urbaines, les cours d'eau, etc. L'application du concept de capacité de support des écosystèmes peut s'avérer problématique, puisque plusieurs écosystèmes font partie du bassin versant et qu'à notre avis il faut tenir compte des impacts cumulatifs de ces différents écosystèmes sur la ressource eau. Le regroupement propose donc que soit ajouté dans le libellé de l'article 6 ce qui suit: Afin de mieux intégrer la recherche d'un développement durable dans ses sphères d'intervention, l'administration prend en compte, dans le cadre de ses différentes actions, l'ensemble des principes suivants: participation et engagement, respect de la capacité des supports des écosystèmes en utilisant l'échelle territoriale des bassins versants pour les paramètres affectant les ressources en eau.

Pour ce qui est des indicateurs de développement durable, il apparaît nécessaire pour le regroupement d'établir la liste des indicateurs de monitoring dès la mise en oeuvre de la loi. De plus, nous croyons que ces indicateurs devraient être développés conjointement par un comité de travail plurisectoriel regroupant des ministères et des organismes à but non lucratif concernés par le développement durable. Le regroupement est d'avis que la participation des ministères impliqués dans la mise en oeuvre de la loi et des OBNL au sein d'un comité de travail ne pourra que bonifier les réflexions et assurer une meilleure cohésion entre les politiques développées au sein des ministères et l'évaluation de celles-ci. À cet effet, le regroupement suggère de mettre sur pied un comité de travail plurisectoriel regroupant des ministères et des OBNL concernés par le développement durable, afin de dresser la liste des indicateurs de monitoring dès la mise en oeuvre de la loi.

Pour ce qui est des fonctions du ministre, dans le contexte actuel, nous trouvons intéressant d'offrir au ministre du Développement durable l'opportunité d'assurer un leadership important dans ce projet d'envergure. Selon le regroupement, il serait essentiel de prévoir un mécanisme d'arrimage entre les différents ministères afin de permettre la promotion et l'intégration du développement durable au sein de l'administration et d'assurer la coordination des travaux de tous les ministères par le MDDEP. Le regroupement est également d'avis que tous les fonctionnaires devront être formés afin de bien comprendre les nouvelles attentes et les changements apportés dans leur culture professionnelle. De plus, nous croyons que les ressources humaines et financières du MDDEP devront également être grandement bonifiées. Dans cet esprit, le regroupement suggère de prévoir un mécanisme d'arrimage entre les différents ministères afin de permettre la promotion du développement durable et la coordination des travaux de tous les ministères par le MDDEP. Le regroupement propose aussi de prévoir un programme de formation des employés de l'État afin de leur permettre d'atteindre les objectifs de leur ministère concernant l'application de la Loi sur le développement durable.

Quant au quatrième alinéa de l'article concernant les fonctions du ministre, le regroupement est heureux de constater que des efforts seront investis dans la recherche pour l'amélioration des connaissances et des pratiques relatives au développement durable. Et à cet effet mentionnons que plusieurs OBNL québécois ont analysé des expériences étrangères en matière de développement durable. Nous proposons donc que le «benchmarking» et/ou les voyages d'études nécessaires à une meilleure connaissance et compréhension des expériences étrangères soient réalisés en partenariat avec des OBNL qui possèdent une expertise dans ce domaine.

C'est avec plaisir que je demande à Mme Leclerc de poursuivre.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Gagné. Mme Leclerc.

n (16 h 10)n

Mme Leclerc (Marie-Claude): En ce qui concerne le Fonds vert, le ROBVQ trouve malheureux que le Fonds national de l'eau ait été abrogé et souhaite sa réintroduction dans la loi ou encore au sein du Fonds vert.

En effet, le Fonds national de l'eau était l'assurance que l'argent des redevances sur l'eau soit retourné pour la préservation et le développement durable de la ressource hydrique. Il nous apparaît que le Fonds vert tel que décrit dans le projet de loi permettra également de subventionner les organismes qui oeuvrent pour le développement durable. Cependant, l'utilisation des termes «dans le domaine de l'environnement» peut être questionnable puisque la loi s'applique autant à la sphère environnementale, économique que sociale. Les organisations de bassin versant, qui travaillent ardemment à la poursuite du développement durable et qui obtiendront probablement du financement de ce fonds, ne sont pas des organismes environnementaux, mais bien des tables de concertation et de sensibilisation.

Le Fonds vert devrait permettre de financer, outre des actions sur le terrain, des actions de planification, donc de gouvernance, qui permettent de développer une vision intégrée des besoins du milieu en lien avec le développement durable. Le ROBVQ propose donc que se soit ajouté «développement durable» dans l'article 15.1, à la fin, donc qui se terminerait par «aux organismes sans but lucratif oeuvrant dans les domaines de l'environnement et du développement durable». D'autres remarques sont énumérées dans notre mémoire, sur la mise en oeuvre d'un projet pilote au MDDEP et sur l'évaluation de la loi. M. Gagné.

M. Gagné (Anselme): Alors, ceci termine notre présentation du mémoire. Nous sommes maintenant disponibles pour répondre à vos questions. Merci de nous avoir écoutés.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. Gagné et Mme Leclerc. Alors, sans plus tarder, M. le ministre.

M. Mulcair: M. Gagné, Mme Leclerc, merci et bravo pour tout le travail que vous faites. Vous savez très bien que j'ai souvent l'occasion d'envoyer des bouquets aux organismes de bassin versant, et je m'empresse toujours d'ajouter que vous faites beaucoup avec des fonds qui sont tout à fait insuffisants.

À propos de fonds, laissez-moi vous dire deux choses. D'abord, je trouve très intéressante ? je vais la faire analyser ? l'idée de parler de développement durable un petit peu plus lorsqu'on parle du fonds, je pense qu'il devrait y avoir une manière d'arrimer ça. Vous connaissez tous l'historique du changement de nom du ministère cette année, donc ça exige un peu d'agilité, mais on va s'entendre que, nous, on va le regarder du mieux qu'on peut.

Nous, on croit qu'à 15.2 le Fonds national de l'eau est protégé avec l'article 25, on pense que toutes les sommes sont encore là, et ça va être protégé à ce titre-là. Mais, à propos de l'eau et du Fonds vert, je tiens à assurer, par votre entremise, M. le Président, mon collègue du Lac-Saint-Jean. Je peux lui dire qu'il y a une chose que je ne ferais jamais, c'est de prendre des millions de dollars pour faire de la pub et mousser, sans rester une cenne pour les OBV. Quand, moi, je suis arrivé comme ministre, dans le budget de Mme la députée de Taillon, il y avait zéro dollar et zéro cent pour les organismes de bassin versant.

Il y a une autre chose que je ne ferai pas, je ne prendrai pas des centaines de milliers de dollars de l'argent des payeurs de taxes pour faire un spectacle qui s'appelle le Gala de l'eau, où on peut voir des artistes chanter des chansons, comme de Charles Trenet et d'autres, sur l'eau et, par votre entremise toujours, M. le Président, avoir juste l'image de M. Boisclair qui s'émeut à chaque fois que quelqu'un lui chante une chanson dans le studio. Alors ça, c'est quelque chose que je ne ferai pas. Quand, moi, je suis arrivé, j'ai pris 2 millions de dollars par année environ pour les OBV, et je suis le premier à admettre que ce n'est pas suffisant.

Mais les OBV représentent l'avenir, ils représentent la nouvelle façon de gérer un dossier comme l'environnement au Québec, et le député de Lac-Saint-Jean vient d'une région, il connaît ça mieux que quiconque. Trop souvent, les groupes de Montréal se positionnent comme s'ils représentaient tout le Québec. J'ai eu l'occasion de le dire pas dans le micro, pas devant des salles, mais aux groupes eux-mêmes: qu'ils arrêtent de se prendre comme des représentants pour tout le Québec. Les défis sur le terrain à travers les régions sont archidifférents que les défis, tout à fait réels par ailleurs, de Montréal, mais que les gens de Montréal arrêtent de penser qu'ils représentent les 1,7 million de kilomètres du Québec, le million de lacs, les 5 000 rivières, tous les organismes et les villes à travers ce vaste territoire qui travaillent, comme les OBV, pour produire un résultat. Et, moi, je veux vous dire que, quand je parle du nouveau modèle de gestion, vous n'avez qu'à regarder la tour où est situé notre bureau, c'est le reflet de son époque. Moi, je suis au 30e étage, j'ai une très belle vue du Saint-Laurent, mais l'existence même de cette tour reflète la vision de l'administration publique de la fin des années soixante, début des années soixante-dix, c'est le gouvernement qui voyait tout puis qui allait dire aux régions quoi faire.

Maintenant, on dote les régions de fonds, à travers les organismes de bassin versant et les conseils régionaux en environnement notamment, puis, eux, ils s'organisent puis il nous disent ce dont ils ont besoin. On essaie de leur donner des services centralisés pour faire le mieux avec les ressources dont on dispose.

Mais je tiens à vous féliciter ici publiquement, «on the record», comme on dit, parce que j'ai eu l'occasion de le dire à chaque fois que je rencontrais votre groupe, mais c'est important que ce soit transcrit: les organismes de bassin versant sont en train de faire une oeuvre irremplaçable et cruciale pour l'avenir. Vous représentez le développement durable à son meilleur. Et, oui, le Fonds vert va nous permettre de vous doter de fonds beaucoup plus substantiels pour arriver au bout de l'important travail qu'on attend de vous.

Moi, j'aimerais me tourner, M. le Président, dans ma première partie de mon échange, sur cette notion de la mise sur pied d'un comité de travail plurisectoriel regroupant des ministères et des OBNL concernés par le développement durable afin de dresser la liste des indicateurs de monitoring dès la mise en oeuvre de la loi. J'aimerais vraiment simplement avoir votre impression: comment on va s'y prendre? Parce que, moi, je n'ai rien contre ça, je pense à une analyse rigoureuse de ce qu'on met sur la table, la capacité de le mettre en doute.

Il y a un avocat du Barreau, qui était ici aujourd'hui, Me Yergeau, qui a dit quelque chose qui m'a plu, il dit: Il faut réaliser que, tout comme la Loi sur la qualité de l'environnement qui, quand c'est venu, il y a 30 quelques années, c'était du nouveau, mais aujourd'hui c'est intégré, le développement durable, quand on parle d'internalisation des coûts, puis il y a des notions qui sont un peu difficile à saisir parce qu'on ne travaille pas encore généralement avec ça, mais, dans 20 ans, 25 ans, tout le monde va travailler avec ces notions-là. Moi, je pense que c'est une partie importante de notre boulot, dès le départ, d'écouter et de mettre en place des comités comme ça. Mais j'aimerais vous entendre sur comment vous pensez que ça peut marcher concrètement, cette idée-là.

Le Président (M. Pinard): M. le président? Mme Leclerc.

Mme Leclerc (Marie-Claude): On peut regarder... Pardon?

Le Président (M. Pinard): Mme Leclerc.

Mme Leclerc (Marie-Claude): Oui. Alors, on peut regarder, par exemple, il y a un exemple au Royaume-Uni où il y a des ministres verts qui sont chargés, dans chacun des ministères, d'assurer l'application de Loi sur le développement durable et qui font partie d'une table, d'un comité, et le comité est chargé de s'occuper justement du suivi, et tout ça. À ça s'ajoutent des gens de la société civile, des OBNL, et tout ça. Ça, les gens s'ajoutent. Ça, c'est un exemple en Suède. Alors, ça peut être deux exemples où il y a des gens qui sont responsables du comité, et c'est eux, pour le ministère, qui sont chargés de faire la représentation et d'assurer le suivi. Alors, c'est une façon qu'il nous semble facile de mettre en oeuvre et qui peut répondre à ce besoin-là d'avoir des indicateurs et d'avoir la participation des gens de la société civile.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Mulcair: Avec l'approbation de l'opposition, j'aimerais laisser M. Gaudreau échanger un petit peu davantage, parce que c'est une idée qui nous plaît beaucoup, mais on essaie de voir comment on peut y arriver.

Le Président (M. Pinard): ...

M. Mulcair: M. Léopold Gaudreau.

M. Gaudreau (Léopold): Oui, Léopold Gaudreau. Alors, par rapport justement...

Le Président (M. Pinard): M. Gaudreau.

M. Gaudreau (Léopold): Par rapport justement à cette question où vous avez surtout fait allusion à des comités de ministres. Moi, j'aimerais bien vous entendre surtout sur la question de l'implication de la société à travers soit des comités d'experts, ou soit sur des comités consultatifs, ou soit encore sur des thématiques particulières. Comme, par exemple, nous aurons l'occasion, là, au cours de l'année de débattre de la stratégie. Il y aura la question des indicateurs et il y aura également les grilles d'analyse. Déjà au niveau du gouvernement, nous avons un comité interministériel sur le développement durable qui existe, qui rejoint 22 ministères plus cinq organismes. Mais ce qui semble faire défaut et puis ce qu'on voit dans votre mémoire, c'est plutôt comment on va intégrer le reste de la société, et c'est ça qui est... On ne voudrait pas trouver des formules qui obligent à beaucoup de structures. Mais comment on peut trouver, je dirais, un mécanisme d'échange assez rapide, assez facile avec ceux qui vraiment détiennent l'information et qui sont proches également des préoccupations? C'est cette partie-là qu'on aimerait peut-être que vous développiez davantage.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Gagné.

n (16 h 20)n

M. Gagné (Anselme): Oui. Nous ne sommes pas trop avancés dans la réflexion. Cependant, nous croyons qu'il y a différents groupes, au niveau du Québec, qui travaillent dans l'environnement, qui travaillent l'eau, qui travaillent dans d'autres secteurs, qui ont des associations ou des regroupements, nous croyons que possiblement des représentants de ces associations-là ou regroupements pourraient être intégrés à l'intérieur d'un comité qui regroupe aussi des gens des différents ministères, parce qu'eux ont l'expérience terrain... Je ne veux par dire que les gens des ministères n'ont pas l'expérience terrain, ils l'ont par leurs employés aussi, mais c'est différent, dans le sens que ces gens-là sont continuellement impliqués dans leur milieu et qu'ils sont en mesure de voir les réalisations, de voir aussi comment on peut les valider ces réalisations-là: Est-ce qu'elles sont vraiment profitables? Est-ce qu'elles sont des éléments qui font en sorte qu'en tant que société on progresse dans l'application de la loi? C'est de cette façon-là que je verrais, moi, là...

Le Président (M. Pinard): M. le sous-ministre.

M. Gaudreau (Léopold): Par rapport aux indicateurs, vous faites état des indicateurs de monitoring et d'indicateurs de développement durable. Quelle nuance faites-vous entre les deux? Et est-ce que vous seriez d'accord pour qu'on parle plus de... pour éviter effectivement des confusions, là, qu'on parle plus de mesures de suivi par rapport, je dirais, aux objectifs puis qu'on garde plus la notion d'indicateurs de développement durable pour mesurer l'impact global de l'ensemble des mesures?

Le Président (M. Pinard): Mme Leclerc.

Mme Leclerc (Marie-Claude): Mais, quand vous parlez d'indicateurs de suivi, oui, je pense que, quand on parle de «benchmarking», c'est vraiment ce dont on parle, on parle des indicateurs de suivi, selon les expériences qui se font à l'étranger, de faire une analyse de ça va nous permettre d'établir justement les indicateurs, qui va nous permettre d'identifier des objectifs à atteindre, et tout ça. Alors, oui, «indicateurs de suivi» nous semble tout à fait pertinent comme traduction.

Le Président (M. Pinard): M. le sous-ministre.

M. Gagné (Anselme): Si je peux me permettre d'ajouter. Quand je pense monitoring, je pense que c'est une évaluation continuelle qui se fait, alors qu'au niveau suivi ça peut être une évaluation qui se fait, annuelle ou aux deux ans, pour voir la réalisation. Mais, au niveau monitoring, dans mon esprit, moi, c'est des choses continuelles et perpétuelles, là. Alors, il y aurait des indicateurs à développer qui feraient en sorte que de mois en mois on voit où on s'en va puis qu'est-ce qui se réalise. Dans ce sens-là, le monitoring.

Le Président (M. Pinard): M. le sous-ministre.

M. Gaudreau (Léopold): Un grand défi que nous avons, c'est que toutes les grilles d'analyse qui existent portent généralement sur des critères ou des paramètres qui intègrent... qui essaient d'intégrer les fonctions environnement, société et économie. Or, dans le projet de loi, nous, nous travaillons avec des principes et nous ne connaissons pas beaucoup de grilles qui utilisent les principes pour être capable de définir si un projet est dans un processus de développement durable, et donc j'aimerais avoir votre point de vue là-dessus, sur cette façon dont il faudra maintenant aborder peut-être davantage le développement durable au Québec, en utilisant bien sûr, à travers les principes d'être capable de réunir les trois fonctions, société, environnement et économie, mais de traiter davantage la question des principes dans les processus de développement durable.

Avez-vous vu déjà des travaux là-dessus ou avez-vous quelques idées sur cette capacité d'intégrer dans une grille d'analyse quelconque ou dans des critères de décision les principes?

Le Président (M. Pinard): M. Gagné.

M. Gagné (Anselme): Nous n'avons pas développé quoi que ce soit à ce niveau-là, quoique nous savons que les principes généralement précèdent l'action et précèdent aussi les orientations qu'on peut donner à des actions. Et, dans ce sens-là, je crois que les principes qui sont dans la loi sont d'une certaine façon des éléments qui nous assurent qu'on va aller de l'avant, mais on n'a rien développé, on n'a pas eu... De toute façon, vous savez, notre personnel est très restreint, et, déjà, là, on a préparé ce mémoire-là à la dernière minute, ça a été quelque chose. Ça fait qu'on n'a pas eu le temps d'analyser en profondeur quels sont les principes ou autres.

Le Président (M. Pinard): O.K. Alors, M. le député de Lac-Saint-Jean et critique officiel de l'opposition en matière d'environnement.

M. Tremblay: Bien, merci de votre présence et merci des travaux que vous faites à travers le Québec. C'est sûr que je trouve intéressant la réflexion que vous portez à l'égard de la participation de la société civile et également de la façon dont le développement durable pourra percoler à travers les différents ministères, et je trouve intéressantes vos suggestions puis je trouve intéressantes aussi les questions que pose la partie gouvernementale, en tout cas. Parce qu'au dire du ministre on n'aurait pas eu besoin de ces consultations, sauf que, là, je vois quand même que ça a un effet constructif, entre vous puis moi, et qu'il y a encore des bonifications à apporter à ce projet de loi là.

Quand on voit que, dans plusieurs législations à travers le monde, il y a une instance, il y a une organisation, là, qui s'intéresse à l'établissement de... il y a toujours... pour la plupart du temps, ce qu'on a vu, c'est qu'il y a une instance qui surveille ou qui réfléchit ou qui améliore les stratégies et les indicateurs de développement durable, et nombreux sont les organismes qui sont venus nous le dire pendant cette consultation-là.

Vous faites mention, par exemple, là, dans votre mémoire de l'expérience du Royaume-Uni, et je me demandais dans quelle mesure votre réflexion se situait par rapport au projet de loi et comment, dans quelle mesure elle pouvait être... elle pouvait s'appliquer à ce que nous faisons, nous sommes en train de faire, au Québec?

Le Président (M. Pinard): Alors, Mme Leclerc, peut-être? M. Gagné.

M. Gagné (Anselme): C'est parce que je ne suis pas allé au Royaume-Uni, alors je vais laisser ma directrice générale.

Le Président (M. Pinard): Alors, c'est madame qui voyage. Alors, madame.

Mme Leclerc (Marie-Claude): Ce n'est pas ça. Si ça vous fait plaisir de le penser! Alors, bon, pour ce qui est de l'expérience du Royaume-Uni, c'est un exemple. Donc, oui, on parle des ministres verts, oui, vous parlez d'une organisation qui chapeaute tout ça, puis, oui, on l'a beaucoup vu.

Le fait que le ministère veuille chapeauter ce qui se fait, est-ce que c'est moins bien, est-ce que... bon, parce que ça se fait moins? Ça, je ne suis pas certaine puis je ne suis pas certaine non plus que je veuille m'avancer là-dedans.

Cependant, je pense qu'avec ce qui est sur la table, si on apporte des bonifications ou des ajouts, comme, par exemple, d'avoir des chargés, des délégués par ministère, d'avoir l'implication de la société civile, et tout ça, je pense que ça vient bonifier et je pense que ça permet tout à fait au ministère de chapeauter le projet. Alors, bon, je ne sais pas si ça répond?

M. Tremblay: Mais, quand vous dites «une personne responsable par ministère»? et là, c'est sûr que je vous pose la question, mais je regarde un peu le ministre et le sous-ministre ? dans quelle mesure un responsable par ministère sera... aura assez d'influence ou... Bon. Dans le meilleur des mondes, hein, peut-être ce serait un sous-ministre par ministère que ça prendrait. Je ne sais pas si c'est applicable, je n'ai pas l'expérience ministérielle.

Mais voilà. C'est là notre inquiétude un peu, là, comment... Et d'ailleurs ça a été une grande critique de ce projet de loi là, le fait que ce soit le ministère de l'Environnement qui chapeaute ça. Et donc, bon, là, je veux bien croire que le ministre de l'Environnement actuel est le président du Comité des priorités... non, du Comité de législation? C'est lequel des deux? C'est...

Une voix: De législation.

M. Mulcair: C'est le premier ministre qui est président du Comité des priorités, et, moi, je préside le Comité de législation.

M. Tremblay: O.K., président du Comité de législation. Mais, normalement, quand on fait une législation, on la fait pour l'avenir, et peut-être qu'à ce moment... dans d'autres législatures... ou peut-être que si le ministre est muté à un autre ministère ou qu'il perd simplement son ministère, qu'il revient comme député, peut-être qu'à ce moment-là le ministre de l'Environnement ne sera plus président du Comité de législation. Et donc la question peut se poser justement sur la capacité du ministre de l'Environnement à contaminer partout, à travers les ministères, l'approche de développement durable. Donc ça, c'est une de nos inquiétudes. J'aimerais vous entendre sur cet aspect-là.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Gagné.

M. Gagné (Anselme): Nous, la façon que l'on voit ça ? merci, M. le Président; la façon que l'on voit ça ? oui, le ministre du Développement durable... de l'Environnement est aussi ministre du Développement durable. C'est le seul ministre qui occupe ce poste-là à l'intérieur de l'appareil gouvernemental. Alors, on croit que c'est la personne la plus habilitée à être responsable du déploiement de ce projet de loi là puis sa mise en oeuvre. Il y a un conseil des ministres, tout l'appareil gouvernemental, je ne le connais pas tout, là, mais il y a sûrement une possibilité, à l'intérieur du gouvernement, de coordonner, et ça prend naturellement, quand on parle de coordonner, ça prend au moins un coordonnateur ou un chef d'orchestre qui fait en sorte que la mise en oeuvre pourra s'effectuer. Et dans ce sens-là, nous, c'est là qu'on croit que le ministre de l'Environnement et du Développement durable est la personne appropriée.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Oui, j'aurais une petite question. Moi, ? merci, M. le Président ? j'ai déjà siégé sur un comité de bassin versant de la Chaudière, dans le temps de M. Pierre-Maurice Vachon, je ne sais pas si ça vous dit quelque chose? Est-ce que vous avez... Dans le temps, on faisait des... on essayait de savoir qu'est-ce qui se passait dans nos cours d'eau. Est-ce que vos analyses, là, nos lacs, nos rivières, là, dans quel état ils se situent présentement, au Québec?

Le Président (M. Pinard): M. le président.

n (16 h 30)n

M. Gagné (Anselme): Très bonne question. Il y a des rivières qui ne sont pas si mal en point que ça. Il y en a d'autres qu'on sait qui sont très contaminées. Vous donner le portrait global, moi, je vous dirais qu'on n'a pas tous les éléments présentement. Les organismes sont jeunes actuellement. Il y a des organismes qui sont là ça fait quelques années, il y en a que ça fait à peu près un an qu'ils sont en fonction, et toutes les analyses n'ont pas été faites.

Alors, c'est assez difficile de vous dresser un portrait, quoique je peux vous dire qu'au ministère de l'Environnement et Développement durable, ils ont quand même une assez bonne image de ça, parce que dans chaque occasion les gens ont analysé ou pris des prélèvements pour savoir un peu l'état de situation, et il y a des organismes aussi qui désinforment de telle situation ou telle situation. On sait qu'il y a des rivières qui sont extrêmement contaminées par l'exploitation agricole. Il y en a d'autres que c'est au niveau foresterie, il y a eu de la déforestation tout le long des berges, ça a créé des problèmes de pollution par l'érosion. Mais je ne pourrais vous donner un tableau, là, détaillé de l'état des rivières du Québec.

M. Grondin: C'est quoi, la plus grande contamination? Est-ce que c'est le phosphore, est-ce que c'est d'autres éléments?

M. Gagné (Anselme): Le phosphore est un élément important.

M. Grondin: Le phosphore est relié à l'agriculture ou s'il est relié à d'autre chose?

M. Gagné (Anselme): À l'agriculture, mais aussi à la déforestation.

Mme Leclerc (Marie-Claude): Je pourrais peut-être également en profiter pour souligner que les organismes de bassin versant sont d'abord des organismes de gouvernance de l'eau, et donc, par le fait même, oui, ils font un portrait de leurs bassins versants, à savoir qu'est-ce qui se passe, c'est quoi, la qualité des eaux, c'est quoi, les activités, et tout ça. Mais c'est d'abord et avant tout une table de concertation et de planification qui essaie de déterminer les problématiques et les enjeux majeurs afin de déterminer quelles sont les activités et où elles devraient avoir lieu prioritairement.

Le Président (M. Pinard): M. le député du Lac-Saint-Jean? Non. Alors, M. le ministre.

M. Mulcair: Pour ma part, pour rassurer mon collègue de Lac-Saint-Jean, qu'il ne s'inquiète pas, nous, on va travailler avec les organismes de bassin versant puis on va continuer à les financer correctement, sa préoccupation qu'il a exprimée. Et, pour ce qui est de la suite à donner, il y a des choses qui vont être dans le projet de loi puis des choses qui vont être dans la mise en oeuvre, et c'est pour ça que c'est important pour nous d'écouter vraiment les gens de terrain.

Je tiens aussi à corriger une perception qu'il avait, que j'aurais laissé, selon lui, entendre qu'on n'avait pas besoin de consultations. Je tiens à lui dire que depuis le début mes déclarations, depuis novembre 2004, sont constantes, j'ai toujours parlé du besoin de plutôt plus de consultations que pas assez. Ce que j'ai dit en 2004 se maintient aujourd'hui: avant-projet de loi, tournée, projet de loi, commission parlementaire. Ce n'était pas ça, la question. La question était de savoir le temps qu'on a mis pour avoir la liste, l'étendue de la liste. Il me reprochait de faire ça pendant Kyoto. Je veux juste essayer de mettre les pendules à l'heure avec lui là-dessus.

Mais c'est une évidence pour moi que depuis le début je voulais ces consultations. Je lui mets aussi devant une certaine contribution dans son approche. Parce que, d'un côté, il me dit qu'il n'a peut-être pas assez de temps, mais je lui rappelle ses propres interventions, je ne les citerai pas, mais je les ai toutes. Toutes ses interventions de 2004 portaient sur une chose, il trouvait que ça prenait trop de temps. Alors, moi, ce que j'essaie de lui dire, c'est ceci: Si, à cette époque-là, il trouvait que c'était trop élaboré, que ça allait prendre trop de temps, qu'il nous aide. Si son vrai but, c'est de travailler pour le développement durable, pour mettre le Québec à l'avant-plan, qu'il nous aide. Alors, moi, je suis plus que prêt à travailler avec lui. Je n'ai jamais, jamais laissé entendre que les consultations étaient inutiles; au contraire, je l'ai dit depuis le début, que le travail devant cette commission est une étape essentielle.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Tremblay: Puisque le ministre aime bien parler des verbatims, pas plus tard que ce matin, c'est lui-même qui l'a dit, que ces consultations, il les tenait pour moi, parce que je les avais demandées, d'une part. Alors, je veux juste que vous soyez, juste que vous soyez cohérent avec vos dires. Moi, je n'ai pas eu la chance de faire la tournée à travers le Québec, mais je pense que ça ne donne rien de ces choses-là devant la visite, on réglera ça en commission article par article, ne faisons pas de la petite politique.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre. Il vous reste une minute.

M. Mulcair: Moi, je dis toujours dans ce temps-là... je suis juste en train de compléter quelque chose que le député a commencé. Et il a raison ? en tout cas pas devant la visite ? mais j'aurai amplement l'occasion de lui citer chapitres et vers de ses propres déclarations sur la longueur du processus qui est prévu. Mais je tenais à lui dire, depuis le début, que la longueur du processus est un gage de sérieux de la démarche. On veut que ce soit du vrai et pas pour l'image, pas une annonce. Donc, moi, c'est Mulcair, ce n'est pas Boisclair.

Le Président (M. Pinard): M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Tremblay: Je me souviens, quand il était temps de discuter des invités que nous aurions dans cette commission... et le ministre dit que ça m'a pris du temps avant de lui soumettre une liste, mais c'est parce que je ne lui ai pas soumis de liste tant que je n'avais pas l'assurance du nombre d'intervenants qui allaient venir. Et je me disais: Il y a eu 500 mémoires pour cette consultation-là, et il me semble...

Une voix: ...

M. Tremblay: ... ? presque 600 ? il me semble que ce serait respecter les gens qu'au moins... et les législateurs, hein ? vous, M. le Président, qui avez un si grand respect pour les législateurs que nous sommes ? qu'au moins on puisse entendre 10 %. Ce n'est pas tant que ça, 10 %. Et il a fallu négocier pour avoir le 10 %, et, même à ça, avec la conjoncture de la conférence internationale, nous n'aurons pas ce 10 % là. C'était pour le verbatim.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Masson, vous avez demandé la parole. Combien il reste de temps? Cinq minutes.

M. Thériault: Oui. Alors, pour le verbatim justement, juste rappeler au ministre que les gens qui sont venus devant nous aujourd'hui ont introduit une nouvelle notion à l'intérieur du projet de loi, qui est la notion d'éthique, et je voudrais juste le rappeler à la conscience du ministre. Peut-être qu'il ne l'a pas lu comme il faut, parce qu'il me semble qu'il manque un peu d'éthique en faisant ce genre d'échanges que nous avons habituellement en privé, entre nous, article par article.

M. Mulcair: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Masson, je vous prierais de faire attention. Il faut maintenir également ici, en cette commission, l'article 35.

M. Mulcair: M. le Président, je vous demanderais d'aller un petit peu plus loin. Je suis obligé de vous demander d'insister, qu'il retire ses paroles. Il ne peut pas dire qu'un collègue manque d'éthique, surtout étant donné la qualité de l'échange que j'avais avec mon collègue de Lac-Saint-Jean, qui était très respectueux de part et d'autre.

Le Président (M. Pinard): Alors, je vous arrête tout de suite et je vous demande, M. le député de Masson, il est vrai, de retirer ces propos.

M. Thériault: Alors, M. le Président, je retire mes propos. Alors, je dirais que, plutôt que de dire qu'il y a manque d'éthique, je dirais que je questionne votre notion en fonction de ce que nous avons vécu cet après-midi.

Alors, vous dites, à la page 5: «L'éthique qui devrait être prônée par le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs dans ce dossier en est donc une qui permet d'aller au-delà des intérêts des employés et des ministères concernés pour se situer au-dessus; guider dans une vision globale la stratégie de développement durable pour les intérêts supérieurs de la société.» Alors, moi, c'est ce que j'entends.

Et là vous dites, à l'article 2: «Le développement durable s'appuie sur une vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement», dans une perspective éthique. Et vous avez défini, un peu plus en amont, ce que pourrait être une perspective éthique. Sauf que, lorsqu'on regarde ce que cela pourrait vouloir dire, il me semble que ça opacifie un peu la compréhension qu'on pourrait avoir éventuellement de l'avant-projet de loi. Mais néanmoins l'intention est louable, et je voulais vous entendre là-dessus. Pourquoi ajouter «dans une perspective éthique»? Est-ce que ce n'est pas d'entrée de jeu implicite qu'on ne peut pas se situer en dehors d'une perspective éthique? Et pourquoi votre volonté de le mettre là? Qu'est-ce qui justifie ça?

Le Président (M. Pinard): Alors, madame.

Mme Leclerc (Marie-Claude): Oui. Alors, la perspective éthique, ce qu'on voit, nous, c'est global. Donc, c'est la bulle dans laquelle devrait se situer le développement durable. Alors, tout dépendamment des politiques ou de la stratégie de développement durable qui va être développée dans les différents ministères, il pourrait être facile pour chacun des employés de laver sa conscience, dans le sens: je n'ai pas à, par exemple... Je peux envoyer une grande quantité d'impressions au photocopieur recto et non pas recto-verso ? je donne un exemple comme ça, là ? sous prétexte que de toute façon le ministère est engagé dans une stratégie de développement durable et que, bon, ça, ça ne me concerne pas.

Alors, ajouter la notion d'éthique, c'est faire en sorte que quotidiennement tous les employés se sentent concernés et essaient de développer... Quand on parle de changer leurs habitudes professionnelles, c'est ça. Donc, c'est d'avoir tout dans une perspective de développement durable. Donc, c'est ça que la notion d'éthique ajoute aux notions déjà présentées.

Le Président (M. Pinard): Une minute encore.

n (16 h 40)n

M. Thériault: Alors, si je comprends bien, au-delà des trois axes, des 16 principes, ce que vous dites, c'est qu'il y a un besoin d'englober ça à l'intérieur d'une vision éthique, d'une perspective éthique du développement durable. Est-ce que vous croyez qu'à ce stade-ci de nos discussions on est en mesure de bien s'entendre sur ce que cela veut vraiment dire?

En d'autres termes, moi, comme législateur, pour pouvoir livrer le projet de loi au ministre, dit-il, avant les Fêtes, j'ai besoin qu'une série de notions soient éclaircies. Parce qu'on fait la première loi, là. Ici, au Québec, c'est la première fois. Il y a eu au Canada, il ne faudrait peut-être pas faire les mêmes erreurs qui se sont faites ailleurs. Et, dans ce sens-là, je trouve que vous introduisez une perspective intéressante, mais qui demande peut-être effectivement qu'on définisse plus à fond ce qu'on veut dire par là.

Le Président (M. Pinard): En conclusion.

Mme Leclerc (Marie-Claude): Oui. Bon, c'est difficile de conclure avec cette question-là. Je vous dirais que je ne suis pas certaine que ce soit à moi de répondre à la question. Et que, bon, je suis contente que vous trouvez que la notion d'éthique est intéressante à être développée. Ceci dit, est-ce qu'on est capables de développer une notion d'éthique rapidement? Je l'ignore. Et je dois dire que je vous mets ça sur la table et j'ai confiance aux travaux futurs que vous allez faire pour l'adoption de ce projet de loi là.

Le Président (M. Pinard): Merci. Alors, je vous remercie infiniment. M. le ministre, excusez-moi, il vous reste 30 secondes.

M. Mulcair: Il n'y a pas de problème. Je veux juste en profiter pour remercier nos deux invités de cet après-midi, pour leur dire que la notion d'éthique a aussi été apportée par la Chaire en écoconseil, vous êtes le deuxième groupe donc à l'amener devant nous. Je pense que c'est vrai qu'au-delà de ce qui est prévu dans un temps, il faut que les gens soient imbus, dans un sens, de ce qu'on est en train de faire. C'est ce que le président nous a montré aujourd'hui. Vous n'étiez pas là, mais il voulait qu'on arrête de nous servir du café dans des tasses en styromousse, il voulait trouver une autre manière de s'y prendre, et il s'est heurté à une réponse a priori. Mais ça, je le connais trop bien pour savoir qu'il ne s'arrêtera pas là. Merci pour votre présentation.

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup, merci. Vos propos ont été vraiment très stimulants et ont su agrémenter et permettre aux députés de la commission de cheminer dans la loi n° 118, sur le projet de loi n° 118. Merci beaucoup.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Pinard): Alors, bonjour, madame, bonjour, monsieur. Vous représentez le Fonds d'investissement en développement durable. Nous sommes heureux, membres de la commission, de vous accueillir cet après-midi. Vous avez un temps de parole de 15 minutes pour nous exposer votre mémoire; par la suite, il y aura un échange de 15 minutes avec le côté ministériel et également de 15 minutes avec l'opposition officielle. Alors, j'aimerais, pour les fins d'enregistrement, que vous vous identifiiez, et celui ou celle qui prendra la parole pourra également présenter son collègue.

M. Grondin: M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi?

M. Grondin: Est-ce qu'il y a des mémoires de disponibles?

Le Président (M. Pinard): Est-ce que vous avez des mémoires de disponibles, madame?

Fonds d'investissement en
développement durable (FIDD)

Mme Méthot (Andrée-Lise): Alors, je vais d'abord nous présenter, puis je vais préciser la situation. Alors, mon nom est Andrée-Lise Méthot, présidente-directrice générale du Fonds d'investissement en développement durable. Je suis accompagnée par M. Pierre Toth, conseiller stratégique, chez nous, au fonds.

Alors, vous n'avez pas de mémoire pour l'instant. On avait déposé, en préconsultation, un mémoire, que le ministre avait reçu. Nous allons annoter ce mémoire et nous allons faire verbalement nos modifications aujourd'hui. On s'en excuse. On croit profondément au processus démocratique mais le fait que c'était la convention-cadre des Nations unies, nous n'étions pas...

Le Président (M. Pinard): Excusez, madame. Vous dites que?

Mme Méthot (Andrée-Lise): Le fait que c'était la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, on n'a pas été en mesure de pouvoir modifier notre mémoire puis vous le présenter. D'ailleurs, le ministre est au courant, on travaillait sur une très grosse annonce hier. Donc, les énergies de nos cinq membres de personnel ont été mises là-dessus. On s'en excuse, mais ça devrait suivre dans quelques jours.

Le Président (M. Pinard): D'accord. Merci. M. le ministre.

M. Mulcair: Ce que je peux faire pour aider, M. le Président: je vois que le député de Masson a une copie du mémoire de février, je vais m'organiser pour donner une de nos copies, d'un de mes proches collaborateurs, au député de Beauce-Nord. Et on aura au moins la même base, puis l'annotation va se faire comme ça. Ça vous va?

Mme Méthot (Andrée-Lise): On s'en excuse. On sait que ce n'est pas adéquat...

M. Mulcair: Ce que je peux faire, c'est de prendre une autre copie et de demander à un de nos collaborateurs de la commission de tirer des copies pour que tous les collègues en aient une. Mais je pense que l'important, ça va être de suivre la présentation. Et on va être correct après.

Le Président (M. Pinard): Merci.

Mme Méthot (Andrée-Lise): Vraiment là, on ne facilite pas votre travail, mais...

Le Président (M. Pinard): Non, madame, nous vous comprenons.

Mme Méthot (Andrée-Lise): Il n'y a pas beaucoup de nuits ces temps-ci pour nous.

Le Président (M. Pinard): Nous vous comprenons, madame. Et vous êtes tellement généreuse de vous présenter devant les membres de cette commission, et nous vous en remercions.

Mme Méthot (Andrée-Lise): Alors, merci encore. Donc, je vais me permettre de présenter légèrement ce qu'est le FIDD, et ensuite passer à travers les recommandations principales que nous avons faites, et évaluer les acquis et les... changements dans le projet de loi qui nous est suggéré.

Alors, le Fonds d'investissement en développement durable a la mission de financer des entreprises ayant pour objet le développement et la commercialisation de technologies et de produits favorisant le développement durable. Il est à l'origine d'une initiative du Fonds d'action québécois pour le développement durable, de Fondaction CSN et du Fonds de solidarité FTQ. C'est un fonds qui jusqu'à hier était doté d'une enveloppe de 18 millions. Nous avons annoncé hier en compagnie du ministre et d'un représentant de Klaus Toepfer et du directeur exécutif du programme des Nations unies, M. Christensen, que nous allions vers la voie d'un plus grand fonds. Et nos commanditaires fondateurs y ajoutaient 20 millions de dollars hier. Donc, je pense que c'était une excellente nouvelle pour le Québec, parce qu'il y a très peu d'initiatives comme la nôtre. Nous avons le bonheur, la joie, mais aussi le défi d'être reconnu comme étant un fonds unique au monde, novateur, reconnu par les Nations unies. Et nous collaborons à cet effet-là à différents groupes de travail, dont l'intégration des préoccupations sociales au rendement économique et à l'environnement, sur différents groupes de travail aux Nations unies.

Alors, jusqu'à maintenant, bien que notre fonds ait une toute petite histoire ? nous avons débuté nos travaux d'investissement en 2004 ? nous avons complété six investissements, réinvestissements pour l'ordre de 3 millions de dollars environ. Les fruits de ce premier travail nous démontrent que l'outil que nous avons développé, qui est l'analyse Cycle de vie, dans lequel on a introduit entre autres le volet social, et la performance économique pour un fonds de capital de risque nous démontrent qu'il est possible d'intervenir en PME, d'internaliser les coûts, de modifier largement la conception des produits et des technologies de façon à les rendre plus rentables. Je vais me permettre un tout petit exemple. Dans une des entreprises où nous avons intervenu, en amenant une empreinte écologique de 30 % de moins, en ayant de fibres recyclées, on a fait baisser les coûts de la pièce maîtresse de 58 000 $ à 1 000 $, en positionnant cette entreprise sur les marchés internationaux, c'est-à-dire Koweit, mer du Nord, les sables bitumineux, partout où il y a de l'extraction du pétrole. Et on a cette entreprise québécoise, qui s'appelle TORR Canada, qui est en train, je dirais, de conquérir les marchés internationaux à cause de l'intervention d'un fonds capital de risque qui avait une approche de développement durable.

Alors, nous sommes très loin, nous, de la question de l'internalisation ou de l'externalisation des coûts. On pense que ça se fait tout simplement parce que c'est une façon d'intervenir, une façon de penser. D'ailleurs, l'ancien P.D.G. d'Ultramar Canada, M. Alain Ferland, qui est maintenant P.D.G. de Torr Canada, nous disait que, grâce à l'analyse Cycle de vie, il a même trouvé un deuxième débouché à son entreprise où il pense que ça va être encore plus payant d'être développement durable. Donc, pour nous, c'est clair, il n'y a pas de doute là-dessus, le gouvernement a fait le bon choix de s'en aller dans cette direction-là.

Maintenant, ce que j'aimerais partager avec vous, bien que nous ne soyons pas tout à fait à la hauteur aujourd'hui ? je tiens vraiment à m'en excuser, là, je sais ce qu'est le travail des parlementaires, c'est vraiment parce qu'on a été incapables de le faire ? mais l'exercice de consultation, nous y croyons. Je pense que la préconsultation a été un exercice tout à fait édifiant, pédagogique, pour le Québec, éclairant pour tous, et cet exercice-là, même aujourd'hui, est toujours pertinent dans le cadre actuel.

n (16 h 50)n

Mais, ce qu'on aimerait apporter comme message, c'est qu'il est important d'utiliser des concepts et des outils rigoureux. On pense souvent qu'on doit réinventer la roue. Moi, je peux vous dire, pour connaître la plupart des intervenants qui siègent autour du programme des Nations unies sur l'environnement, il existe énormément d'outils qui intègrent les parties prenantes, la société civile, les entrepreneurs, les multinationales, il y a énormément de recherches qui se font là-dessus, d'indicateurs. S'il vous plaît, ne réinventez pas la roue, faites comme nous, trouvez les bonnes recette et mettez-les à la sauce québécoise. C'est possible de faire ça et de bien le faire.

Les enjeux sont tout à fait pertinents, les enjeux de globalisation. Vous savez, on est confrontés, avec les entreprises, à se poser la question: Est-ce qu'on fait faire cette pièce-là en Chine? Est-ce que le bilan carbone des abricots que je mets dans mes barres, en Abitibi, c'est le bon choix que je suis en train de faire d'un point de vue environnemental? Toutes ces préoccupations, toutes ces questions ont des outils et des débouchés réels et des réponses. Ceci dit, les réponses sont complexes parce que le problème est complexe. Donc, il ne faut pas absolument pas que le gouvernement du Québec fasse l'économie de la revue des outils scientifiques rigoureux.

Nous en utilisons quelques-uns qu'on aimerait partager avec vous. D'abord, l'analyse Cycle de vie, pour une entreprise, c'est très intéressant. Il y a même des gouvernements, comme la Suède, qui l'ont utilisée pour être capables d'analyser leurs politiques en matière de développement durable. Il y a des outils de reddition de comptes. Alors, quand on parle avec la société civile, quand on parle avec les actionnaires ? le gouvernement du Québec est actionnaire d'Hydro-Québec, par exemple, donc on peut imaginer qu'à ce titre-là il a droit au chapitre ? il y a des outils comme le Global Reporting Initiative, il y a des centaines d'entreprises dans le monde, des gouvernements, Hydro-Québec le fait, qui utilisent ces outils, ces grille d'analyse qui intègrent social, environnement, économie, pour faire de la reddition de comptes. Donc, moi, je vous demanderais de faire une bonne fouille sur les dizaines d'outils rigoureux qui existent dans le monde.

Nous sommes très contents de voir apparaître la définition de Mme Brundtland, ne serait-ce que pour le symbole. Je vous demanderais de redonner à Césarine ce qui revient à Césarine dans ce cas-ci. Cette femme avait apporté une vision tout à fait extraordinaire, merci de l'avoir remise. Et ce n'est pas un détail, je pense. Ça montre qu'on peut avoir de la vision au Québec en reconnaissant la contribution d'autres États dans le monde qui ont été précurseurs sur cette question.

Par ailleurs, je me permettrais de souligner que j'aime bien celle qui est proposée par Corinne Gendron, de l'UQAM, parce que Mme Gendron propose une hiérarchisation. Et là c'est une touche tout à fait moderne à la définition du développement durable. Permettez-moi de la citer. Elle dit que les dimensions économiques, environnementales et sociales doivent subir une hiérarchisation, parce que l'environnement est une condition, c'est ce qu'on doit respecter, c'est le patrimoine à respecter. L'économie, c'est le moyen, et le social, c'est le but.

J'ai une maîtrise sur les écosystèmes terrestres, je peux vous dire une chose: La terre sans les humains, ça fonctionne très, très bien, hein? Il y a 2,7 milliards d'années, il y avait juste des bactéries. Donc, notre finalité à nous, c'est nous. Donc, le social, c'est ce qu'on devrait préserver, c'est une société juste, une société équitable, sans violence, des gouvernements démocratiques. Tout ça fait partie du développement durable. L'économie, ce n'est qu'un moyen pour y arriver, et, avec l'apparition de nouvelles tendances, comme des économies à faibles taux de carbone, il y a là une occasion réelle pour le Québec de se positionner. Donc, on aime bien le bémol qu'apporte Mme Gendron sur cette question-là.

Je vais céder maintenant la parole à Pierre Toth, qui va aborder les autres questions qu'on avait soulevées.

Le Président (M. Pinard): M. Toth, bienvenue.

M. Toth (Pierre): Bonjour. Merci. On a abordé, dans le projet de loi, l'idée, le concept d'avoir un vérificateur adjoint, un commissaire au développement durable. Ce que nous souhaitions d'abord rappeler, c'est l'importance du ministère de l'Environnement dans son rôle de préservation de l'environnement et de gardien du patrimoine naturel du Québec et le fait d'être reconnu comme tel par ses pairs. Il est important d'avoir un maître d'oeuvre pour le développement durable.

En ce qui touche la structure de ce responsable, nous n'avons pas de recommandation particulière à faire, sauf à dire d'abord que c'est un responsable qui doit être imputable de la question de développement durable, qui doit posséder aussi l'autorité et les pouvoirs nécessaires qui lui permettent de jouer ce rôle. Ce qui compte pour nous, c'est le mode de gestion qu'il s'agit de promouvoir à travers l'administration, mais aussi à travers les autres entreprises qui relèvent du gouvernement du Québec, la promotion donc du développement durable comme mode, comme système de gestion. Or, de la même manière qu'aujourd'hui cela nous est tout à fait naturel que la rentabilité est un mode de gestion qui doit s'appliquer pas seulement à l'entreprise privée, mais aussi aux entreprises publiques, de la même manière, le développement durable doit être un système de gestion, un mode d'approche des problèmes qui doit gagner l'ensemble des entreprises publiques.

Mme Méthot (Andrée-Lise): D'ailleurs, à cet effet, mon collègue et moi, nous nous disions: un ministre de la rentabilité, peut-être, mais ce qui nous intéresse, c'est une action gouvernementale avec un maître d'oeuvre et un bon chien de garde pour s'assurer que c'est ça qu'on veut avoir. Donc, pour le développement durable, c'est ce qu'on souhaite. Le développement durable, c'est une conséquence d'une saine gestion d'un État. Il faut que les parlementaires réfléchissent à qui ils doivent confier ce mandat-là et que ce soit bien adapté à la réalité des parlementaires qui siègent dans cette assemblée. Alors, nous on ne se prononcera pas sur la structure, qui devrait y être, etc., mais on vous dit de bien l'adapter à votre réalité parlementaire pour que ce soit un leader, pour s'assurer qu'on ait la conséquence d'un gouvernement qui applique le développement durable et qui promeut une société de développement durable. C'est ce qui nous intéresse comme citoyen.

Je voudrais juste partager un peu... J'imagine qu'il n'y a pas eu beaucoup beaucoup d'entreprises ou de financiers qui sont venus s'asseoir pour vous dire à quel point c'était payant, le développement durable, puis pourquoi c'était important dans l'univers financier. Je vais me permettre deux, trois exemples. Vous savez, on a la chance de côtoyer les gens du programme des Nations unies; il y a pour plusieurs billions, trillions de dollars investis, de plus en plus partout dans le monde, en Europe, avec ces principes-là. On n'investira plus à Cancun sans se poser la question du risque climatique. Il y a eu une étude qui a été commandée suite à une demande de Kofi Annan, à l'initiative financière des Nations unies, qui réunissait tous les plus grands gestionnaires de portefeuille au monde. La conséquence... une des conclusions, la plus importante, de cette vaste étude qui réunissait des milliards et des milliards de dollars, c'était que les portefeuilles des grandes sociétés qui détiennent le pouvoir fiduciaire pour des millions de personnes sont érodés parce qu'on ne tient pas compte de l'environnement et du social. Alors, moi, je vous dis que, quand Citigroup, Axa et compagnie nous disent que c'est ça maintenant l'enjeu pour eux et non plus nécessairement juste l'augmentation du taux d'intérêt, je pense que ça doit concerner l'État.

On nous dit qu'il y a deux minutes, qu'il nous reste deux minutes. Je veux revenir sur des décisions qui ont été prises... Sur la création du Fonds vert, nous en sommes. Nous aurions une ou deux propositions à faire au ministre. On est contents de voir que ça ne retourne pas automatiquement au fonds consolidé, pour les surplus, merci! On comprend qu'il y a un mécanisme, on aimerait qu'on comptabilise bien pour être certain qu'on ramène cet argent-là quand on en aura besoin. On aurait une petite suggestion à vous faire, parce qu'on est convaincus qu'il y a de l'argent à faire pour vous là. Ce serait intéressant d'ajouter peut-être qu'il faut explorer ça, les revenus générés par les points compensatoires de GES obtenus par l'administration comme résultat de leurs efforts pour la réduction des GES, dans ce fonds-là. Alors, si vous êtes capables de démontrer comme État que vous avez des crédits CO2, à ce que va valoir la tonne en 2012, je pense que vous faites une bonne affaire pour nantir votre Fonds vert. Moi, j'en tiendrais compte, d'un point de vue comptable, ça, je vous le dis. Je commencerais tout de suite à réfléchir là-dessus. Si Alcan peut le faire, je suis convaincue que le gouvernement du Québec est en mesure de le faire.

Par ailleurs, on pense qu'il y a un organisme au Québec, qui s'appelle le Fonds d'action québécois pour le développement durable, qui est un exemple réel de lien entre le gouvernement du Québec, les entreprises et les ONG, qui intègre tout à fait le principe des parties prenantes. Il peut y avoir souvent, parfois, des conflits d'intérêt, parce que les ONG sont à la table, pour gérer les subventions, etc., pour les groupes, mais l'éclairage de ces gens-là, leur vision, en ayant un bon encadrement, on pense que le FAQDD est un des endroits à privilégier, avec les municipalités, avec les ministères, pour investir des sous, pour s'assurer qu'on poursuive l'éducation relative à l'environnement et au développement durable au Québec. Les groupes comme Équiterre, L'UQCN, de plus en plus, ont une approche très engagée, très intéressante d'éducation, et on souhaiterait qu'il y ait une partie du Fonds vert qui soit destinée au FAQDD, qui à notre sens a fait un bon travail dans les dernières années.

Le Président (M. Pinard): Alors, Mme Méthot, M. Toth, merci beaucoup. Immédiatement, je cède la parole au ministre de l'Environnement.

n (17 heures)n

M. Mulcair: À mon tour, il me fait très plaisir de dire rebonjour à Mme Méthot, parce qu'effectivement on était ensemble hier ? le monde commence à placoter! Bonjour, M. Toth, un plaisir de vous avoir ici avec nous.

Mme Méthot (Andrée-Lise): On n'est pas mariés.

M. Mulcair: Non, non, non, mais on est mariés à la même cause. Je voudrais vous demander, à la page 7 de votre mémoire, deuxième paragraphe, vous évoquez l'initiative belge en matière de développement durable. J'ai eu l'occasion de rencontrer mes collègues, mes vis-à-vis en Belgique, et l'année dernière et cette semaine, parce qu'ils étaient là pour le Sommet des leaders organisé par Jean Charest et Gary Doer.

Quelles sont selon vous les mesures mises en oeuvre par la Belgique dont le Québec devrait s'inspirer dans le cadre de sa stratégie de développement durable, particulièrement en ce qui concerne la responsabilisation sociale des entreprises?

Mme Méthot (Andrée-Lise): Bien, en fait, eux, ils ont introduit... je ne connais le fin détail, là, mais ce que je comprends des principes, c'est qu'il y a l'idée de la transparence et de la reddition de comptes. Vous savez, c'est une tendance très importante. Il y a, entre autres, le Carbon Disclosure Project, qui réunit plein d'entreprises dans le monde puis qui disent: Maintenant, vous devez déclarer le risque climatique. Ce que les Belges ont introduit, et je ne suis pas une spécialiste, vous comprendrez, là, de la loi sur le développement durable en Belgique, mais ce que j'ai compris de leurs intentions, c'est que les entreprises doivent déclarer, sur les trois aspects, environnement, social et économique, quelles ont été leurs actions.

Je tiens à vous dire qu'au Québec il y a des entreprises qui le font, qui sont liées au gouvernement du Québec. Moi, je siège... j'ai siégé, il y a deux ans, sur le comité d'experts sur l'entente de développement durable d'Hydro-Québec, qui ont adopté le Global Reporting Initiative comme modèle. Il y en a d'autres, là, mais eux ont adopté celui-là. Nous aussi, c'est celui que nous avons adopté parce qu'on le trouve très intéressant. Les Belges en ont adopté d'autres, mais ils ont fait des déclarations... ils poussent les entreprises à déclarer.

Donc, moi, ce que je propose au ministre, c'est de s'assurer que les entreprises, petites, moyennes et grandes, à leur niveau, soient en mesure d'aller dans ce sens-là. D'ailleurs, Alcan le fait déjà. Il y a plein d'entreprises au Québec qui le font déjà. Il faut juste prendre ces forces vives là puis s'assurer qu'on ait du «reporting» ? excusez les mots anglais, là ? mais... «bottom line». C'est ce qu'on veut absolument à long terme.

M. Mulcair: Moi, j'ai souvent eu... La semaine dernière, je ne sais pas si vous étiez là, mais j'ai eu un débat à l'Institut économique de Montréal contre un prof de l'Université d'Ottawa qui s'appelle Ian Clark, qui, lui, affirmait qu'il y avait aucune preuve scientifique qui pouvait sous-tendre Kyoto. Il n'était pas juste sceptique, il était archicatégorique. Et c'est très difficile dans ce temps-là effectivement de travailler, parce qu'il y a énormément de gens qui se fient à ça. Mais les exemples que je lui ai apportés, qui avaient été préparés par les experts du ministère, c'étaient des exemples de compagnies, comme British Telephone, comme BP, comme Bayer, qui avait sauvé des milliards en appliquant des principes de développement durable et en réduisant les gaz à effet de serre.

Donc, c'est un point qui est soulevé par le Climate Group, qui nous a aidés dans l'organisation de notre sommet, hier et avant-hier, c'est qu'il faut arrêter de croire qu'il n'y a qu'un coût à ça. Il y a modèle après modèle... Puis, un de leurs points, très intéressant, n'en déplaise à M. Clark, le réchauffement de la planète est mesurable et réel, et la meilleure science disponible nous le relie à l'augmentation des gaz à effet de serre. Mais, au-delà de ça, les techniques et technologies qu'on est en train de développer pour combattre les gaz à effet de serre, nécessairement, surtout dans le domaine des transports mais dans bien d'autres aussi, sont en train de produire des technologies qui vont aussi agir sur la pollution, dans le sens de contamination toxique atmosphérique, y compris NOx et les SOx dans le transport à essence, ça, c'est de la pollution, précurseur de smog, alors que le CO2, c'est vrai que ce n'est pas, au sens propre, une toxique. Le CO2, c'est ce qu'on exhale, c'est ce que ça prend aux plantes pour créer de l'oxygène. Mais, en travaillant l'un, le CO2, parce que c'est un gaz à effet de serre ? donc c'est un contaminant pour l'atmosphère, pour ce qui est du réchauffement ? on est en train de travailler par ailleurs sur des choses qui vont avoir un effet concret et productif sur la santé publique. Et, en termes de... Ça, mot pour mot, le truc que, moi, j'aime le moins, c'est «durabilité», qui est un calque de l'anglais «sustainability». Alors, je méprise ce mot, mais on est pognés avec parce qu'il est partout. Moi, croyez-le ou non, moi, j'ai un truc que j'ai vu dernièrement où on nous parlait d'eau durable. La durabilité de l'eau! Tu sais, il faut le faire, de l'eau durable! Mais, écoutez, on est pris avec ça. Quand je travaillais à Winnipeg, on appelait ça une «translation», pas une traduction.

Mais je pense qu'effectivement on est rendus à un point où la plupart des entreprises comprennent que ça peut être «win-win», cette affaire-là, ça peut être un gain pour tout le monde. C'est ce que vous prêchez aussi?

Mme Méthot (Andrée-Lise): Oui. Mais permettez-moi seulement un autre commentaire. Vous savez... Je vais partager avec vous l'expérience, j'en ai déjà parlé avec vous, mais je vais le partager avec les parlementaires qui sont ici. L'État de la Californie a demandé aux grandes caisses de retraite CalPERS et CalSTRS d'investir 1,5 million dans ce qu'on appelle les technologies propres. C'est le secrétaire de la Californie qui l'a demandé... c'est le trésorier de la Californie qui l'a demandé. Pourquoi? C'est actuellement le sixième secteur d'investissement en capital de risque aux États-Unis. C'est un marché qui est en train de se consolider. En plus de réduire notre empreinte écologique, en plus d'avoir des préoccupations de santé publique, il y a de l'économie là-dedans, il y a des PME. Dans quoi on est bon au Québec? Bien, les PME, on est pas si mal là-dedans. Comment ça que, nous, on ne sait pas ça que, nous, c'est ce qu'on tente de faire avec le FIDD? Mais il faut aller beaucoup plus loin dans cette idée-là. Il y a là une opportunité, il y a une nouvelle économie, dans un marché non consolidé, qui est en train de se dessiner, et il faut absolument saisir cette opportunité-là. Et la loi que vous proposez, avec ses principes, pose ces questions-là pour l'État, mais je vous suggérerais d'aller plus loin, parce que là il y a un projet, il y a réellement un projet autour de cette question-là.

M. Mulcair: Bien.

Le Président (M. Pinard): Effectivement. M. le ministre.

M. Mulcair: Vous avez raison, puis notre idée, c'est que, par exemple, lorsqu'on fera un programme, dorénavant, avec la stratégie puis avec les critères qui sont déjà dans la loi, les principes qui sous-tendent, quand on aura un programme de subventions, forcément il serait écoconditionnel. Et donc, c'est l'effet d'entraînement que ça va donner. Les normes que l'on veut bâtir au niveau gouvernemental... Puis on a eu une bonne discussion là-dessus aujourd'hui, sur les constructions qui vont suivre des normes beaucoup plus serrées pour la conservation de l'énergie... On était avec les gens de maîtrise de l'énergie ce matin, puis ils prêchent beaucoup pour ça, puis j'ai donné à mon collège un listing, on avait une soixantaine de recommandations, dans la tournée à travers le Québec. Beaucoup de gens se préoccupent de ça. Donc, le gouvernement va donner le mode, ces règlements vont être là, ils vont affecter le privé.

Mais, vous avez raison, pour l'instant, ça vise surtout l'administration, mais comme modèle. Mais, l'administration, en s'adaptant, en rendant écoconditionnelle une meilleure pratique, va être en train d'avoir un effet direct sur le marché. Ça, c'est un grand débat. Hier, les représentants du Climate Group le disaient, puis je les ai taquinés un peu, parce que j'ai dit qu'il y avait un «oxymoron» là-dedans, parce qu'ils disaient: «The Government has to determine the best market conditions». Mais il y a une contradiction, parce que, si tu dis «Government determining market conditions», c'est pas «market conditions», c'est «State conditions». Alors, c'est compliqué, mais je pense qu'on part du bon pied au moins là-dedans, puis j'accueille très favorablement votre enthousiasme, je la partage, puis votre expertise est extraordinaire, puis on va faire des bonnes choses ici, au Québec, vous allez voir.

Le Président (M. Pinard): Merci. Commentaires, M. Toth?

M. Thot (Pierre): Oui, un commentaire. Ce qui incite les entreprises à investir dans le domaine du développement durable, il y a naturellement des projets qui, eux, sont même rentables; ce qui les incite également, c'est la nécessité de réduire leur risque, le risque auquel elles sont soumises, mais il y a beaucoup d'entreprises qui expriment le souhait d'investir dans ces domaines-là, de faire progresser des choses, mais qui ne veulent pas le faire si les autres entreprises ne sont pas soumises aux mêmes contraintes. Et on retrouve dans le projet de loi un élément qui ne se trouvait pas avant et dont on discutait avec l'équipe qui était présente avant nous, qui était celui de l'internalisation des coûts, qui est un élément extrêmement important dans ce domaine où les problèmes sont des problèmes... les problèmes environnementaux sont des problèmes sociétaux, mais qui ne sont pas internalisés forcément par les entreprises. Et donc, les entreprises ne prendront pas toujours des mesures sur ces questions-là, d'où la nécessité donc d'internaliser ces problèmes sous forme de coûts afin qu'ils constituent un problème pour les entreprises et que les entreprises adressent.

Alors, j'avais aussi... on avait aussi une question à vous poser: Est-ce qu'il y a des précédents, dans d'autres projets de loi, où l'internalisation des coûts a été explicitée? Parce qu'il s'agira de les mesurer. Il faudrait qu'il y ait une autorité qui les impute. Il s'agit de ne pas pénaliser les entreprises, donc de coordonner cela avec les autres provinces du Canada, n'est-ce pas? Est-ce qu'il y a eu donc davantage de réflexion qui a pu se développer à ce niveau-là? Est-ce qu'on va utiliser des mécanismes fiscaux, par exemple, pour transférer ces coûts?

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le ministre.

M. Mulcair: ...brièvement, M. Thot. D'habitude, c'est nous qui posons les questions, mais ça me fait plaisir de répondre.

Des voix: Ha, ha, ha!

n (17 h 10)n

M. Mulcair: Mais il y a le projet de loi n° 102, qui est un projet de loi qui vise à introduire cette notion d'internalisation des coûts, notamment au niveau des conditionnements des emballages. Parce qu'on achète un cellulaire grand comme ça, un portable, avec un conditionnement comme ça. Alors, n'en déplaise à certaines entreprises dans la vente au détail qui, eux, «bottom line», «bottom line», «bottom line», bien, nous, on va s'occuper du «pre-bottom line» pour eux autres, parce que ça devient le «bottom line» de toute la société. Et c'est l'application la plus simple pour que les gens comprennent c'est quoi, utilisateur-payeur. Si ce n'est pas la personne qui a acheté ce conditionnement-là qui doit payer pour tout son cycle de vie et ce qui va se passer après dans son élimination, c'est l'ensemble de la société, même les gens qui ne le consomment pas. Un principe qu'on a mis en application avec la SOGHU, Société de gestion des huiles usagées, mais on a aussi avec les pneus, pour les 3 $. On est une des seules places qui s'occupe bien des peintures usagées. Puis, en plus, dans ces entreprises-là, invariablement on donne énormément de travail à des gens qui autrement ne trouveraient pas de travail. Donc ça, c'est le côté social aussi du développement durable par la même occasion. «Doing well by doing good».

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Mulcair: On peut passer un petit peu.

Le Président (M. Pinard): D'accord. Il vous restera quatre minutes. Alors, M. le député du Lac-Saint-Jean et critique officiel.

M. Tremblay: Bonjour à vous et bienvenue. Je suis un fan avoué de ce que vous faites et je pense que, comme vous l'avez dit ? ça a été dans mon discours inaugural de ce projet de loi... J'ai tellement l'impression, quand je prends conscience du potentiel que peut nous amener le développement durable et l'écoefficacité, d'avoir un grand jardin cultivable devant moi et d'en cultiver juste une petite partie. Oui, on va dire que c'est un pas dans la bonne direction, mais le gouvernement, en agissant ? et on espère qu'il le fera le plus rapidement possible; en agissant ? en matière de développement durable, trouvera des bénéfices économiques et sociaux et environnementaux. Mais, comme un des premiers groupes qui le fait par chez nous, le Centre québécois de développement durable, moi, je suis convaincu que l'environnement et le développement durable, ce n'est pas une contrainte, c'est plutôt une opportunité et c'est une façon de faire de l'argent, pratiquement. Et je crois qu'il y a vraiment un paradigme qu'on doit briser dans la société, et je crois que vous le faites très bien. Même, vous avez... vous êtes... Les Nations unies, je crois, on souligné le travail, et que c'était la direction vers laquelle nous devrions aller. Et, avec les propos que vous avez tenus tout à l'heure, ça me convainc encore plus. Et ça m'encourage lorsque j'entends que des caisses de retraite... Parce que je considère que, moi, c'est un levier décisionnel de notre monde tellement important que sont les caisses de retraite. Alors, le jour où ces gestionnaires de caisses, qui ont une influence majeure dans la vie de l'humanité pratiquement, incluront des réflexes de développement durable, je pense que là on commence à voir la lumière au bout du tunnel, enfin je l'espère.

Tout à l'heure, vous avez dit par contre qu'il existe déjà des recettes: N'inventez rien, il existe des choses qui se font. Et là, actuellement, le projet de loi nous dit: après le projet de loi, après l'adoption du projet de loi, nous devrons... chaque ministère devra établir une stratégie la première année et, la deuxième année, développer des indicateurs. Par rapport à cette étape-là, comment voyez-vous les choses, compte tenu que vous dites: il existe déjà des choses? Donc, est-ce que vous pensez que des stratégies existent déjà qui seraient presque applicables ? hein, qu'on rendrait davantage québécoises ? et ainsi que des indicateurs? Oui. J'aimerais vous entendre sur cet aspect-là.

Le Président (M. Pinard): Mme Leclerc.

Mme Leclerc (Marie-Claude): Oui. Alors, je ferais ça en deux points. Moi, je pense qu'il y a des choses qui sont d'ordre de la reddition. Le fait qu'il y ait un commissaire, qu'on pense à nommer un commissaire, c'est une excellente chose, qui est de l'ordre de la reddition, pour voir la performance gouvernementale en matière de développement durable. Il existe plusieurs mécanismes, l'important, c'est que le Québec se dote d'outils comparables à ceux qu'on retrouve dans d'autres États dans le monde. Malheureusement, on ne sera pas le premier endroit où ça se passe. Il faut qu'on puisse se comparer à la Suède, à la Norvège, à la Belgique. C'est des économies qui nous ressemblent, avec lesquelles on doit se comparer, d'une part.

D'autre part, le gouvernement du Québec, en proposant entre autres une stratégie ministérielle, il y a là une idée fort intéressante parce qu'il y a un levier fabuleux. En tout cas, il y a deux éléments dans ce levier qui, moi, me plaisent beaucoup. D'une part, un projet de développement durable dans un ministère ? moi, je l'ai vu dans les entreprises ? c'est un outil de mobilisation extraordinaire des employés, et ça, c'est souhaitable dans toutes les entreprises, qu'on soit publique ou parapublique. Ça permet de mettre, tout le monde, l'épaule à la roue et d'avoir un projet collectif, dans un ministère par exemple.

L'autre chose, dans cette stratégie-là, c'est important que les stratégies, d'un ministère à l'autre, soient adaptées à leurs réalités, utilisent des outils connus, bien sûr. Je vous le dis, il y en a plein d'outils, là. L'important, c'est qu'il y ait une cohérence, qu'il y ait un main-d'oeuvre, qu'il y ait une direction, mais que vous utilisiez les leviers économiques pour faire aboutir ça. Une des façons simples de le faire, c'est dans les politiques d'achat. Tant que le gouvernement du Québec ne fera pas son recyclage parfaitement, tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas du papier 100 % postconsommation, tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas du café équitable dans ses machines, il ne sera pas capable de démontrer par l'exemple... moi, j'ai une expression qui dit: Il faut que les bottines suivent les babines, alors le gouvernement du Québec doit absolument s'assurer que dans sa mise en oeuvre, à travers son pouvoir d'achat et d'exécution, il intègre le développement durable.

Alors, moi, je suis très confortable avec la stratégie qui nous est proposée, à condition que la direction soit claire, que les mécanismes de reddition soient efficaces et qu'on en fasse un projet aussi pour cette fonction publique, qui mérite de participer à cet effort. C'est une chose extraordinaire de voir les employés se mobiliser autour de ça. Nous, on l'a vu dans des entreprises, et il y a quelque chose de très, très intéressant pour vous là dans votre façon de consommer et de produire. Laure Waridel une collègue d'Équiterre, dit souvent: Acheter, c'est voter. Si c'est vrai pour moi, pour mes cadeaux de Noël, c'est d'autant plus vrai pour un État.

Le Président (M. Pinard): M. le député.

M. Tremblay: Avant mon collègue de Masson. Vous êtes le FIDD. Il y aura la création du Fonds vert. Quelles sont vos attentes par rapport au Fonds vert? Est-ce que vous aimeriez plutôt que ça devienne un fonds de développement durable ou... C'est sûr qu'on ne sait pas exactement qu'est-ce que ça deviendra, parce que ce n'est pas inscrit actuellement, ça servira à soutenir des initiatives environnementales. Quelle est votre position par rapport à ça?

Le Président (M. Pinard): Alors, Mme Méthot.

Mme Méthot (André-Lise): Moi, je pense que ce qui est important là-dedans, ce n'est pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Il y a peu d'argent, on le sait. C'est un exercice difficile pour les parlementaires généralement, c'est des décisions déchirantes. Moi, je pense que ce qui est important, c'est garder des ONG en santé, des gens qui sont capables d'éduquer, de s'assurer que le message passe, que ce n'est pas vu comme un acquis. Alors, je réitère, qu'il faut que le FAQDD soit nanti.

Bon. Que ce soit un fonds vert ? un fonds vert est socialement responsable ? un fonds en développement durable, moi, ce que je vais regarder, c'est quelles sont les stratégies de ce fonds pour s'assurer que le développement durable soit réellement mis en oeuvre. Or, que ce soit dans les municipalités, dans les ministères ou dans les ONG, c'est ça, la question qu'il faut se poser. Je me permettrais de dire que, si le gouvernement souhaite faire du capital de risque, ça va nous faire plaisir d'accueillir des sous. Je ne peux pas m'empêcher de le vous le dire, mais en même temps je vous dirais: Ce n'est pas parce qu'une idée apparaît séduisante, comme le FIDD, etc., qu'il faut tout mettre là. Il y a du travail à faire partout. Moi, je viens de la Côte-Nord, il y a des gens sur la Côte-Nord qui se battent contre l'érosion des berges. Ça aussi, c'est important. Hein? Il n'y a pas juste le monde financier, là. Alors, le développement durable, c'est aussi la solidarité avec les régions, c'est aussi s'assurer que ces gens-là soient nantis et soient en mesure d'exercer leur vision du développement durable à l'échelle locale. Donc, qu'importe comment il s'appellera, ce fonds-là, à condition qu'on ait un consensus collectif sur les priorités qui mènent au développement durable pour le pays.

Le Président (M. Pinard): M.Toth.

M. Toth (Pierre): J'aimerais ajouter aussi, il y a des choses que le Fonds d'investissement en développement durable, notre fonds, peut faire puis il y a des choses qu'on ne peut pas faire. Nous, c'est clair, on va investir et aider des entreprises qui ont des projets dans le domaine du développement durable, soit des technologies, soit énergie renouvelable, mais qui sont des projets rentables. Parce que nous investissons dans ces projets aujourd'hui l'argent des fonds de travailleurs, l'argent qui nous vient, également, du gouvernement du Québec, et tout le monde s'attend à avoir un rendement dans ce domaine. C'est ça que nous ferons. Mais, à côté de cela, il y a énormément de projets dans le domaine du développement durable qui sont des projets qui sont non rentables d'un point de vue financier et qui ont besoin d'un support, et ce sera certainement la mission du Fonds vert d'assurer l'aide à ces projets.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Masson.

n (17 h 20)n

M. Thériault: Merci, M. le Président. Alors, Mme Méthot, M. Toth, bienvenue. On dit que le diable est dans les détails, et j'ai remarqué, à la page 10, que vous étiez un peu critique, en tout cas vous questionniez et vous vous questionniez sur la proposition de modification de la Charte des droits et libertés de la personne, et je ne sais pas si c'est cartésien qu'il faut que les bottines suivent les babines, mais, si la pensée cartésienne est chère au ministre, il devrait savoir que Descartes a amené... a pu combattre l'obscurantisme du Moyen-Âge et nous permettre d'en sortir à partir d'une philosophie qui nous a permis d'entrer dans les lumières et donc dans la transparence. Et vous parliez de gouvernement démocratique tout à l'heure, dans votre présentation. Un projet de loi sur le développement durable est habité des valeurs de transparence et de démocratisation.

Et je voulais juste vous dire pour votre gouverne qu'il existe une telle étude que vous souhaitiez, semble-t-il, mais le ministre n'a pas encore cru bon de nous la déposer. Mais une chose qui est certaine, c'est que le Barreau du Québec, lui, est d'avis contraire à l'avis ou à l'opinion juridique qu'aurait le ministre. Et le Barreau du Québec, quant à cet enchâssement-là, nous dit que: «L'introduction de ce droit dans la charte ne constitue pas un véritable progrès et n'accorde pas un droit nouveau aux citoyens.» Et un peu plus loin... ? je pourrais vous le faire parvenir si vous ne l'avez pas; un peu plus loin ? on dit même que «le législateur n'accorde pas plus de droits que ce que prévoient l'article 19.1 et suivants de la [...] qualité de l'environnement dont la valeur et l'autorité juridique ont été reconnues par les tribunaux». Bon, je pourrais peut-être vous le déposer.

Est-ce qu'il y avait des questions ou des inquiétudes très particulières que vous voudriez nous soumettre, en tant que législateurs? Parce que... Moi, je veux bien faire plaisir au ministre, et lui donner un cadeau de Noël, et, en collaboration avec mon collègue, si on peut faire notre tâche de législateurs, lui livrer son projet de loi. Mais, en même temps, vous constaterez avec moi que c'est assez étonnant qu'il ne juge pas d'intérêt public ou... En tout cas, s'il le juge contraire à l'intérêt public, il nous le dira un jour. Mais de déposer cette opinion juridique qui nous permettrait de faire la lumière là-dessus. Mais, vous, c'étaient quoi, vos inquiétudes quant à ça?

Mme Méthot (Andrée-Lise): Alors, je vais référer à Descartes, moi aussi. Vous savez, notre métier, ce n'est pas d'être avocat. Je suis ingénieur, on travaille dans le secteur de la finance. Nous, ce qu'on trouvait important, c'est d'avoir un éclairage sur la question. C'est ce qu'on a demandé au ministre. Je n'ai pas eu la chance de lire ce dont vous parlez; je ne suis pas en mesure de l'apprécier, je ne suis pas en mesure de le commenter. Ma préoccupation au moment où nous avons écrit ces lignes, c'était de s'assurer que ça allait dans le bon sens d'un point de vue juridique. Mais c'est à peu près là que mon expertise s'arrête. Et probablement qu'elle est semblable à celle de beaucoup de citoyennes et de citoyens au Québec. Donc, je pense qu'il y a des gens beaucoup plus habilités que nous pour soulever ces questions-là. Nous, tout ce qu'on souhaitait, c'est s'assurer que c'était une bonne idée. Peut-être que ç'en est une bonne, mais on n'est pas en mesure de l'apprécier pleinement.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Masson.

M. Thériault: Ce que je comprends de l'avis du Barreau, c'est que, en quelque part, ce serait très symbolique que cet enchâssement-là. Le ministre est d'avis contraire. Moi, tout ce que je veux vous dire, c'est que, en tant que législateur, sur cette question-là, selon les principes de démocratisation et de transparence, j'ai un peu de... j'ai un malaise quant à l'effet qu'on possède une étude ou un avis juridique, une opinion juridique qu'on a citée d'ailleurs ici et qu'on ne dépose pas, qu'on n'a pas cru bon encore déposer. Mais on est beaux joueurs, ici, de l'opposition officielle, hein, on croit que le ministre éventuellement va nous donner les outils pour qu'on puisse légiférer pour cet avant-projet de loi là. Merci.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Alors, écoutez, moi, je trouve très rafraîchissant de vous entendre, surtout que vous êtes nos derniers aujourd'hui, parce que je partage vos idées à 100 %. Moi, j'ai toujours dit qu'on peut faire beaucoup choses avec ce qui existe à l'heure actuelle puis qui nous passe entre les mains, c'est juste qu'on n'a pas pris le temps de le faire ou... On jette beaucoup de choses qui sont très bonnes mais qu'on pourrait réutiliser, et puis... C'est dommage, on a été un peu... Je ne sais pas, là, ils disent... quand on était... Moi, quand j'étais jeune, j'ai été élevé dans une grosse famille, puis ma grand-mère et mon grand-père, ils ne jetaient rien. Tout était utilisé. Puis, aujourd'hui, je pense qu'il y a beaucoup de projets que les gens ont qui pourraient améliorer l'environnement, aller chercher beaucoup d'énergie dans ça, puis one ne prend pas le temps de les utiliser ou de les essayer.

Alors, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député. Alors, du côté ministériel?

M. Mulcair: Oui. Bien, je ne peux pas laisser passer sous silence l'intervention du député de Masson sur l'avis juridique que nous avons en ce qui concerne le projet de loi. J'ai d'autres échanges, très édifiants, en Chambre, surtout avec le premier ministre d'alors, Lucien Bouchard, qui me donnent raison là-dessus. Mais il y a une différence entre... il y a des choses que je dois rendre publiques, ça, c'est loi d'accès à l'information qui le décide, et il y a une personne nommée dans chaque ministère pour en disposer; il y a des choses que je peux ne pas rendre publiques mais que je peux choisir de rendre publiques. Un bon exemple, c'était un document interne d'aujourd'hui, que j'ai donné volontiers à mon collègue parce que ça faisait une nomenclature d'une soixantaine d'interventions, puis tout ça. C'était même écrit là-dessus «Document interne», mais il n'y avait rien, il n'y a aucune loi ou règlement ou coutume qui m'empêchait de le donner. Dans le cas qui nous occupe, ayant siégé du côté de l'opposition, j'ai déjà fait les mêmes arguments. J'ose dire que je les ai peut-être présentés mieux que le député de Masson, mais le résultat était le même. Ça, c'est non seulement coutume, mais c'est vrai aussi d'un autre chapitre de la charte des droits qui garantit le droit au secret professionnel. Donc, c'est une question qui est élaborée au sein du gouvernement depuis très, très longtemps. Et, oui, je l'ai dit depuis le début, c'est le dernier bout de 214, puis, pour clore le débat la dernière fois, j'ai même expliqué à votre collègue le président que c'était ça que je dois invoquer. Mais, peu importe.

Je vais corriger une autre perception du député de Masson. Moi, je n'ai jamais parlé de «mon» projet de loi. Je le mets au défi de trouver une seule fois où j'ai parlé de «mon» projet de loi. Je crois que c'est notre projet de loi dans le sens le plus large. Je crois que c'est un projet de loi qui reflète où nous sommes rendus dans la société québécoise aujourd'hui; la FIDD est un excellent exemple. On est des modèles à plusieurs endroits, on a plusieurs endroits où on a énormément à faire. Les gens qui étaient ici, en maîtrise d'énergie, aujourd'hui sont venus apporter un exemple concret qu'on est des gloutons en matière d'énergie, on n'économise pas assez, on s'en sert beaucoup trop, et on n'a pas encore appris à le maîtriser, d'où l'intérêt de la présentation de cet important groupe aujourd'hui.

C'est notre projet de loi. Oui, je le souhaite avant Noël. Entre autres pour le Fonds vert, mais pas juste à cause de ça. Parce que, comme le député de Lac-Saint-Jean l'a dit depuis le début, c'est un processus qui va être long. On a commencé en 2004 avec le dépôt d'un avant-projet de loi, on est allés en consultation pendant plusieurs mois dans une vingtaine de régions, on a reçu près de 600 mémoires écrits, on fait la partie consultations en commission parlementaire maintenant, que j'ai dit qu'on allait faire, puis on va faire l'article par article. Il reste du temps avant Noël, je suis peut-être moins pessimiste que le député de Masson. Moi, je crois qu'étant donné l'importance des enjeux on va être capables de l'adopter avant Noël.

Ce que je vais faire, d'ici une couple de jours, quand on finit les travaux, les parties de nos travaux qui sont la consultation, je vais demander à mes proches collaborateurs, qui travaillent déjà énormément, mais je vais leur demander de prendre tout ce qu'ils peuvent dans les indications qu'on a déjà qui pourraient devenir des modifications, de les échanger très ouvertement avec l'opposition; c'est la meilleure manière de travailler. C'est comme ça que je travaille. J'invite l'opposition à faire la même chose avec moi s'ils peuvent, même si ce n'est pas sous forme d'une rédaction finale, s'ils souhaitent accéder à nos travaux.

En conclusion, M. le Président, je les invite de nous faire tenir le plus tôt possible ce que, eux, ils souhaiteraient voir. Je vais le valider, je vais revenir le plus tôt possible, parce que, si on souhaite la même chose, une vraie loi sur le développement durable au Québec, on n'a que ça à faire, travailler ensemble. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Merci, Mme Méthot, merci, M. Toth. Vos propos ont su enrichir les membres de cette commission. Merci infiniment. J'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 29)


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