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Version finale

37e législature, 2e session
(14 mars 2006 au 21 février 2007)

Le lundi 18 septembre 2006 - Vol. 39 N° 22

Consultations particulières sur l'impact du réchauffement climatique dans le Nord-du-Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Treize heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Pinard): Alors, bienvenue, Mmes, MM. les membres de la commission ainsi que les gens présents qui vont être avec nous pour cet après-midi. Je constate immédiatement que nous avons quorum et je déclare la séance donc ouverte. Et je demande tout de suite à toutes les personnes dans la salle, même si nous ne sommes pas au volant, de bien vouloir fermer votre téléphone cellulaire. C'est une phobie que j'ai. Je rappelle le mandat de la commission, qui est de procéder à des auditions publiques dans le cadre de consultations particulières sur l'impact du réchauffement climatique dans le Nord-du-Québec.

Alors, M. le secrétaire, avons-nous des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Deslières (Beauharnois) est remplacé par M. Létourneau (Ungava) pour la durée du mandat.

n (13 h 40) n

Le Président (M. Pinard): Alors, je vais vous donner immédiatement la lecture de l'ordre du jour. Nous débutons par des remarques préliminaires ou, si vous préférez, nous pouvons garder les minutes pour les remarques préliminaires pour augmenter notre temps d'audition avec les groupes.

Nous recevons en premier lieu le ministère des Transports; ensuite, le groupe Ouranos, où son directeur général vient de nous signaler qu'il est actuellement en crevaison sur l'autoroute 20. Alors, possiblement qu'il pourra être quelque peu en retard. Si c'était le cas, nous pourrions débuter par le Centre d'études nordiques ? M. Bégin est là ? alors suivi d'ArcticNet inc., le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, et nous terminons avec M. Steven Guilbeault, de Greenpeace.

Remarques préliminaires

Alors, madame, messieurs, au niveau des remarques préliminaires, nous avons deux choix: nous pouvons y aller de part et d'autre ou bien nous conservons ce temps de remarques préliminaires pour ajouter du temps d'antenne avec les groupes que nous recevons cet après-midi. Que préférez-vous?

Une voix: ...

Le Président (M. Pinard): Oui. Veux-tu...

M. Stéphan Tremblay

M. Tremblay: Oui. Bien, M. le Président, je veux faire une courte remarque préliminaire...

Le Président (M. Pinard): Parfait.

M. Tremblay: ...pour dire l'importance de ce court mandat qui n'est pas d'une flamboyance extraordinaire mais qui a quand même... qui prend tout son sens dans notre situation géopolitique. Très peu de pays peuvent avoir autant d'impact que le Québec, étant un pays nordique, une province nordique, face aux changements climatiques.

Et, lorsqu'on parle de changements climatiques, il est important de voir les deux volets de ce casse-tête, et c'est-à-dire celui de l'atténuation, tous les efforts qui doivent être faits pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, que ce soit au niveau de l'industrie, au niveau des transports, au niveau de l'habitation, et de toutes les activités humaines, et il y a l'autre volet qui est celui de l'adaptation, comme de quoi les changements climatiques sont maintenant un fait bien documenté, bien cherché, et là où les impacts sont les plus visuels, les plus perceptibles sont certainement dans le nord de l'hémisphère.

Or, le Québec a des territoires dans ces zones géographiques, et il s'avère pertinent pour la Commission des transports et de l'environnement de visualiser et d'analyser les impacts actuels mais également futurs qu'auront ces changements climatiques tant sur le plan sociologique pour les habitants du Nord-du-Québec, tant sur le plan des transports, puisque ça aura des impacts majeurs sur la durabilité, sur l'entretien et la construction de nos infrastructures routières et aéroportuaires, mais également sur le secteur énergétique où on peut se poser la question: Quel sera l'impact au niveau des réservoirs hydroélectriques notamment, où on pourra peut-être avoir des augmentations de potentiel ou l'inverse?

Donc, il nous semble responsable, comme Commission des transports et de l'environnement, de s'attarder à cette question fondamentale et d'envoyer une délégation de députés. Malheureusement, je ne pourrai faire partie, compte tenu que je suis un nouveau, nouveau papa, mais je vais certainement m'enrichir de ce que verront mes collègues dans le Nord-du-Québec. Merci.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député du Lac-Saint-Jean, et félicitations pour la naissance de votre enfant. Bravo! Nous allons maintenant céder la parole au député d'Ungava. M. le député.

M. Létourneau: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Et je tiens à vous remercier de votre présence, cet après-midi, aux travaux de la commission. Votre expérience du Grand Nord va sûrement aider les membres à préparer adéquatement la mission de cette semaine. M. le député.

M. Michel Létourneau

M. Létourneau: Merci, M. le Président. Alors, deux mots pour saluer l'initiative de votre commission, des collègues de tous les partis. Évidemment, je suis le député d'Ungava, donc la circonscription qui regroupe et recoupe la région Nord-du-Québec, alors deux sous-régions: Nunavik et Baie-James; probablement la plus méconnue encore des circonscriptions électorales, 55 % du territoire québécois. Comme mon collègue de Lac-Saint-Jean le disait, une géopolitique particulière, avec des perspectives de développement extrêmement intéressantes pour l'avenir du Québec.

Évidemment, trois nations, des Québécois, des Cris et des Inuits qui y habitent. Vous connaissez déjà les deux ententes avant-gardistes qui ont été signées en 2002: la «Paix des Braves» avec les Cris, l'entente Sanarrutik avec les Inuits.

Et évidemment tout le réseau de chercheurs Québécois, notamment qui s'intéresse au développement nordique, qui sera présent aujourd'hui, représente ce qui se fait de mieux en termes de développement et de recherche en milieu nordique. J'ai presque envie de dire au-delà du Québec, au plan canadien et peut-être même certains au plan de l'Amérique, au plan international.

Alors, je salue d'avance chacun de ces groupes-là, les deux ministères aussi qui vont présenter leurs travaux. Et je souhaite que chacun des collègues qui fera cette mission-là puisse en revenir sensibilisé à la problématique qui touche le développement nordique, la sensibilité de ces écosystèmes et, lorsqu'éventuellement on aura des projets à faire cheminer, bien, qu'on sera certain d'avoir des collègues qui pourront appuyer parce qu'ils connaîtront davantage la dynamique géopolitique dans le Nord. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député. Autre membre? Jean-Pierre... le député de Portneuf.

M. Jean-Pierre Soucy

M. Soucy: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Évidemment, ça me fait plaisir, moi aussi, de recevoir aujourd'hui l'ensemble des groupes qui vont venir nous entretenir sur comment ils voient les changements climatiques dans le Nord-du-Québec. Et une question sur laquelle on pourrait peut-être se questionner aussi, c'est quelles sont les causes de ces fameux changements climatiques là. J'entendais, il n'y a pas si longtemps, dans les médias, que l'été 1948 avait été l'été le plus chaud au Québec. Alors, à ce moment-là, en 1948, qu'est-ce qui a fait qu'on a eu un été aussi chaud? Est-ce que les conditions qu'on connaît aujourd'hui étaient les mêmes? Sûrement pas. Alors, il y a beaucoup de questions à se poser sur notre environnement, je vous dirais, planétaire.

Et ce pourquoi le ministère des Transports est ici, aujourd'hui aussi, M. le Président, on comprendra que, si le mode de transport traditionnel des gens du Nord était le traîneau à chien ou, peu après, la motoneige, avec la fonte des neiges, avec la diminution évidemment de la froidure, comment le ministère des Transports sera interpellé non seulement pour les aéroports, mais pour l'ensemble du réseau routier. Alors, je comprends qu'il y a probablement beaucoup de travail qui nous attend.

Alors, évidemment, je suis content d'avoir de l'information privilégiée avant de partir pour cette mission-là. Alors, je remercie d'avance tous les gens qui se présenteront devant nous pour nous éclairer sur ce qui nous attend. Alors, M. le Président, on est prêts à commencer. Merci.

Le Président (M. Pinard): Merci. Mme la députée.

Mme Charlotte L'Écuyer

Mme L'Écuyer: Merci, M. le Président. La préparation à cette mission est de la plus haute importance parce qu'on va être confrontés, comme représentants de l'Assemblée nationale, à une population jeune: 60 % a moins de 25 ans, et c'est des données que j'ai recueillies dans le document du ministère du Transport. Je pense que c'est important qu'on regarde les conditions de vie de cette population-là et de quelle façon le changement climatique est en train de les frapper de plein front.

On voit aussi qu'il y a de plus en plus de dégâts causés par la fonte des pergélisols. Et ce que je retiens, M. le Président, c'est que plus que nous allons être de gens informés et sensibilisés, et que l'on voie un peu ce qui se passe, je pense qu'on deviendra des porte-parole envers notre population pour les sensibiliser, et espérons pouvoir supporter... Quand notre collègue d'Ungava aura des projets, on comprendra un peu mieux qu'est-ce qui se passe là-bas. Merci.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la députée de Pontiac. Alors, à mon tour... Oui, M. le député de Masson.

M. Luc Thériault

M. Thériault: Merci, M. le Président. Un petit mot juste pour dire que, dans toute cette problématique-là des changements climatiques et du réchauffement de la planète, évidemment les gens du Sud ont une responsabilité, je dirais, plus grande et accrue quant aux gens du Nord. Et, moi, ce qui m'intéresse particulièrement, c'est de pouvoir avoir un bilan, si tant est possible, un bilan et un état de situation le plus précis, et de voir, parmi ces phénomènes-là, ce qui est réversible et ce qui est irréversible. Et surtout, deuxième volet, penser aux solutions. Alors, quelles sont les solutions qu'on pourra apporter aux phénomènes qui sont réversibles, et tout ça, dans une perspective où on doit réaliser cela dans un échéancier précis.

n (13 h 50) n

Alors, quand j'ai lu la documentation, ce qui me venait à l'esprit, c'était qu'on a encore beaucoup, beaucoup de choses à répertorier. Mais, même si on a beaucoup de choses à répertorier, il reste qu'il y a présentement des phénomènes, et comment on répond le plus vite possible à ce qui affecte finalement la vie déjà des gens qui vivent dans le Nord et qui pourrait aussi, à long terme, affecter la vie des gens du Sud? Alors, voilà.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Beauce...

M. Grondin: Nord.

Le Président (M. Pinard): ...Nord.

M. Janvier Grondin

M. Grondin: Parfait. Merci, M. le Président. Bonjour à vous tous. Écoutez, moi, je pense que, les remarques préliminaires, on devrait... Le Grand Nord québécois, je ne connais absolument rien du Grand Nord. Je veux juste faire un petit mot. Quand on reviendra, ce serait intéressant de voir comment est-ce qu'on va avoir vu ce paysage, ses habitants, leur manière de vivre, parce que, moi, je sais bien que, comme ancien agriculteur, je m'imagine que la température, sur leur mode de vie, doit avoir une influence première. Nous autres, on pense qu'ils vivent de la chasse et de la pêche, mais, si le changement de température fait que leur gibier s'éloigne, ça va causer un problème dans l'avenir. Peut-être que je parle à travers mon chapeau aussi. On appellera ça peut-être des remarques préliminaires quand on reviendra du voyage pour expliquer qu'est-ce qu'on a vu et comment ces gens-là vivent. Alors, je suis enchanté de faire ce voyage-là, en même temps que ça va nous faire connaître un coin de pays que notre ami de l'Ungava nous répète sans cesse que c'est le député qui représente le plus grand territoire du Québec: 55 % du territoire est représenté par notre ami. Alors là, on va pouvoir parler le même langage. Alors, j'ai bien hâte de connaître ce coin de pays là. Merci.

Le président, M. Claude Pinard

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Beauce-Nord. Alors, quant à moi, je voudrais tout d'abord vous remercier, membres de la commission. Et surtout nos invités, les groupes que nous avons sollicités, je vous remercie de nous accorder votre lundi, de nous accorder votre temps aujourd'hui, parce que, pour les membres de la commission, nous avions deux possibilités. Nous pouvions nous rendre immédiatement dans le Nord, aller constater certaines choses et par la suite faire une consultation particulière avec vous. Mais cette consultation-là, il m'apparaissait comme très important que, les membres de la commission, nous puissions vous interroger immédiatement pour essayer d'accumuler le plus de bagage possible avant de se rendre rencontrer les membres de la communauté que nous allons visiter de mardi à vendredi.

Je vous remercie beaucoup parce que votre expertise... Vous allez admettre que votre expertise, elle est connue, elle est très bien connue, elle est sollicitée dans le monde scientifique, mais, au niveau de la population en général, en commençant par les membres de la commission, qui sont les représentants de la population, bien nous sommes loin de connaître toute la problématique qui peut se vivre dans le Grand Nord québécois, Grand Nord québécois qui a une population de 11 000 citoyens, et qui vivent sur notre territoire, et qui sont sous la responsabilité d'abord du député de l'Ungava mais également de ses 124 autres collègues de l'Assemblée nationale.

Alors, le rapport que la commission va rédiger et déposer à l'Assemblée nationale, le plus rapidement possible, en début de session, sûrement que ce rapport-là, il y aura des recommandations concernant, par exemple, l'habitation, concernant les routes, concernant les pistes, concernant la vie économique de cette population, et je suis persuadé que le fait de vous rencontrer aujourd'hui va me permettre, à moi d'abord et aux membres de la commission également, de quitter l'aéroport de Québec, demain matin, avec un bagage de connaissances, et nous allons immédiatement nous mettre à l'oeuvre en arrivant, et non pas essayer de comprendre pendant trois, quatre jours la situation. C'est le portrait que vous allez nous livrer aujourd'hui qui sera la photo de départ pour nous, et je tiens à vous en remercier infiniment.

Auditions

Alors, sans plus tarder, M. le sous-ministre, M. Denys Jean, et Mme Kathy Rouleau, conseillère en recherche à la Direction de la recherche et de l'environnement ? bonjour, madame ? ainsi que M. Denis Lessard, qui est directeur du Bureau de coordination du Nord-du-Québec. Bonjour, monsieur. Alors, nous vous écoutons, et nul doute qu'il y aura un échange avec les membres de la commission. Alors, monsieur.

Ministère des Transports (MTQ)

M. Jean (Denys): Merci, M. le Président. Une correction, c'est M. Denis Blais qui m'accompagne, à ma droite.

Le Président (M. Pinard): Denis Blais.

M. Jean (Denys): Oui.

Le Président (M. Pinard): Bon. O.K.

M. Jean (Denys): Alors, M. le Président, Mme la députée, MM. les députés, bonjour. Le ministère des Transports félicite la Commission des transports et de l'environnement de l'Assemblée nationale pour les consultations particulières et les auditions publiques menées dans le cadre du mandat d'initiative sur l'impact du réchauffement climatique dans le Nord-du-Québec et la remercie pour l'invitation qui lui a été faite d'y participer.

Afin de soutenir le développement socioéconomique de la région du Nord-du-Québec, la présence d'un réseau adapté et efficient de transport est essentielle. Les distances importantes entre les agglomérations et les conditions climatiques particulières représentent quelques-uns des défis auxquels le ministère des Transports doit faire face pour répondre aux besoins de mobilité dans cette région. De plus, la croissance démographique et le développement que connaît cette région rendent difficile l'évaluation de la demande de transport à long terme. Le ministère reconnaît que tous les acteurs doivent partager leur expertise en matière de mobilité nordique afin de trouver des solutions adaptées aux défis de déplacement des personnes et des marchandises. Il est à noter que le ministère travaille actuellement à la réalisation d'un plan de transport qui couvre l'ensemble du Nord-du-Québec afin de cibler, avec le milieu, les priorités d'intervention et les solutions les plus adaptées à la région du Nord-du-Québec.

Or, comme vous le savez, les régions arctiques devraient être les premières touchées par les changements climatiques. Le Centre d'études nordiques de l'Université Laval a en effet démontré qu'au Nunavik les températures annuelles moyennes de l'air ont été à la hausse de 1992 à 2001, et, selon le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, une grande partie de la région arctique pourrait connaître une hausse des températures annuelles moyennes de 6° C d'ici 2100.

Le réchauffement des températures de l'air a évidemment des répercussions sur la température du pergélisol et par conséquent sur sa stabilité. À cet égard, le ministère mène, depuis 2003, différents projets de recherche afin d'évaluer le comportement des infrastructures routières et aéroportuaires au Nunavik, depuis leur construction, et définir les meilleurs méthodes d'adaptation aux impacts du dégel du pergélisol.

Le terme «pergélisol» désigne un sol gelé en permanence. Le Nunavik est couvert de trois zones de pergélisol: le discontinu sporadique, le discontinu étendu et le continu. Pour plus de précisions techniques, j'ai des gens qui pourront vous expliquer qu'est-ce que ça signifie.

Sur ce territoire, on compte 14 municipalités, où vivent environ 9 000 Inuits, ainsi qu'un village cri. Les villages nordiques, tous côtiers et enclavés, sont distants de 80 à 240 km de leur plus proche voisin. Ils ne sont pas reliés par la route, ni entre eux ni vers le sud du Québec.

Les distances considérables entre les villes et les villages, l'isolement des communautés et l'éloignement des grands centres rendent le transport aérien essentiel dans le Nord-du-Québec. Le transport maritime revêt également une importance indéniable mais n'est possible que de juin à octobre. La motoneige et le véhicule tout-terrain sont également des modes de transport incontournables pour les déplacements à l'intérieur des villages et les activités traditionnelles de chasse, de pêche et de piégeage.

Le Nunavik dispose de 15 aéroports, dont 13 sont la responsabilité du ministère des Transports du Québec, celui de Kuujjuaq étant de responsabilité fédérale et celui de la Société minière Raglan étant privé. La valeur à neuf de l'actif du ministère pour ses infrastructures aéroportuaires est évaluée aujourd'hui à environ 140 millions de dollars.

n (14 heures) n

Les pistes d'atterrissage sont en matériau granulaire et la plupart mesurent 1 067 m de longueur sur 44 m de largeur. Les routes d'accès qui relient le village à l'aéroport sont également en matériau granulaire. Le recouvrement de ces routes d'accès en béton bitumineux est commencé, et elles devraient toutes être recouvertes d'ici 2009. Au total, on compte 21 km de route d'accès aux infrastructures aéroportuaires, dont la longueur varie d'une communauté à l'autre. Les aéroports nordiques ont été construits entre 1984 et 1991 en considérant, à cette époque, que le climat demeurerait constant et que le pergélisol constituerait une fondation stable.

Les infrastructures aéroportuaires du Nunavik, étant situées en bordure des côtes, sont souvent construites sur des dépôts de sols fins parfois composés d'argiles marines riches en glace. Le pergélisol, et conséquemment les infrastructures, y sont sensibles au dégel, puisque la capacité portante du sol dépend du type de dépôts et de la teneur en glace, de même que des conditions de drainage.

Les infrastructures maritimes dans le Nord-du-Québec sont de propriété municipale et demeurent modestes pour l'instant. Il s'agit de quais, pontons flottants et rampes de mise à l'eau. Elles sont toutefois en développement au Nunavik avec l'aménagement de rampes d'accès et de brise-lames dans chacun des villages nordiques. Le ministère des Transports travaille de concert avec l'Administration régionale Kativik et la Société Makivik à cet égard. Une fois les travaux complétés, la contribution financière du ministère s'élèvera à 44 millions de dollars. Une modification du mouvement des glaces induite par les changements climatiques pourrait également affecter les infrastructures maritimes. Le ministère portera une attention particulière au cours des prochaines années sur ce phénomène.

Maintenant, les phénomènes observés dans le Nord par le ministère des Transports. D'abord, le dégel du pergélisol entraîne des affaissements et des fissures en bordure et dans les remblais routiers et aéroportuaires. La forme de ces instabilités varie en fonction de la distribution de la glace dans le sol et de la géométrie du remblai. Ces affaissements ont été observés très souvent sur des remblais de faible épaisseur et parfois sur des remblais d'épaisseur importante. Les dépressions peuvent atteindre le milieu de la piste et peuvent même la traverser complètement. Sur les chemins d'accès des aéroports d'Umiujaq et de Salluit, on observe également des affaissements localisés qui affectent toute leur largeur.

Autre phénomène, l'aménagement des fossés au pied des talus de remblais et l'enneigement rapide de ces dépressions sous l'action des vents et des opérations de déneigement des pistes ont contribué à perturber le régime thermique du pergélisol et à accélérer son dégel. On observe donc localement des accumulations d'eau importantes dans les dépressions des fossés de drainage causées par la fonte de la glace du pergélisol. La stagnation d'eau dans ces dépressions constitue un apport additionnel de chaleur qui accélère le dégel et accentue les pentes des remblais, entraînant par la suite des instabilités de surface.

Tous les problèmes répertoriés ont un effet direct sur l'entretien des pistes d'atterrissage et des chemins d'accès. Les impacts engendrés par le dégel du pergélisol sous les infrastructures de transport ont également pour effet d'augmenter la fréquence des rechargements localisés et du nivellement de pistes et de chemins d'accès. Ces interventions plus fréquentes pourraient amener à une révision importante de l'approche du ministère en matière d'entretien.

Le constat des dommages aux infrastructures aéroportuaires a amené le ministère à se pencher sur ce problème. Le ministère a en effet entrepris différents projets de recherche menés en collaboration avec le Centre d'études nordiques et le Groupe de recherche en ingénierie des chaussées de l'Université Laval, ainsi que le consortium Ouranos sur la climatologie régionale et l'adaptation aux impacts des changements climatiques.

Les différents projets de recherche mis de l'avant par le ministère depuis 2003 visent notamment: à caractériser le pergélisol sous et en bordure des infrastructures; à identifier les impacts du dégel du pergélisol; à évaluer le comportement des infrastructures depuis leur construction et prédire leur évolution; à identifier les pistes aéroportuaires et les routes d'accès les plus à risque; à élaborer des scénarios d'adaptation et d'entretien pour ces infrastructures; et à acquérir des données additionnelles par le suivi du pergélisol et du comportement des infrastructures.

À ce jour, les impacts du dégel du pergélisol sous et en bordure des infrastructures ont fait l'objet d'une première documentation, ce qui a déjà permis d'identifier les pistes et chemins d'accès problématiques. Il s'agit de Tasiujaq, Salluit et Kangirsuk. Les aéroports d'Akulivik, Inukjuak, Puvirnituq et Umiujaq doivent également être surveillés de près.

Afin de suivre le comportement des infrastructures au Nunavik et le bilan thermique du pergélisol, des plaques de tassement mesurant ponctuellement les déformations de la fondation des infrastructures ont été installées, ainsi que des câbles à thermistance automatisés, permettant de recueillir des données sur la température du pergélisol en bordure et sous certaines pistes d'atterrissage.

Les données recueillies ont notamment démontré qu'à Tasiujaq le dégel du pergélisol atteignait 1,65 m sous le remblai, à l'été 2004, ce qui représente une progression de 0,5 m depuis 1993. Des investigations géophysiques ayant permis de caractériser les sols en place et d'en déterminer l'épaisseur ont également été réalisées. Les rapports de ces investigations sont en cours de réalisation.

Au cours des prochaines années, la collecte de données se poursuivra en continu. Un autre projet de recherche du ministère en cours vise à expérimenter in situ et à valider l'efficacité de trois méthodes de mitigation des effets de la fonte du pergélisol sur les infrastructures de transport au Nunavik, plus précisément sur le chemin d'accès à l'aéroport de Salluit.

Le remblai à convection d'air, dont le développement a été réalisé principalement à l'Université d'Alaska, à Fairbanks, vise à extraire la chaleur des remblais durant l'hiver en favorisant la formation de cellules de convection dans les pores d'un matériau granulaire grossier. Cette méthode est peu coûteuse, simple et ne requiert pas d'entretien après sa construction. Pour appliquer cette technique aux remblais actuels, il faut soit excaver une partie du remblai existant et la remplacer par un remblai à convection ou soit élargir le remblai existant avec une bande longitudinale de remblai à convection.

Le drain de chaleur ? autre méthode ? est une innovation proposée par le GRINCH. Déjà testée en laboratoire, cette méthode permet l'extraction de chaleur dans les remblais, pendant l'hiver.

Quant aux surfaces réfléchissantes, il s'agit de réduire l'absorption de chaleur dans les remblais par l'utilisation de surfaces pâles. Une couche de peinture blanche est alors appliquée sur un revêtement bitumineux noir, ce qui permet de limiter le réchauffement du remblai.

Les six sections d'essai construites pour chacune des techniques ont une longueur de 5 m et sont aménagées sur une portion de 30 m du chemin, dans le secteur de la route de Salluit. Les sections se recouperont de façon à permettre l'évaluation de l'efficacité des techniques soit seules ou combinées. Le rapport final de ce projet de recherche est attendu pour 2008.

De plus, une section en remblai à convection et une autre avec un drain extracteur de chaleur seront testées sur 50 m, sur la piste de l'aéroport de Tasiujaq, à l'été 2007, soit en même temps que seront réalisés des travaux de reprofilage et de rechargement de la piste.

Pour les exercices financiers 2003-2004 à 2006-2007, les investissements du ministère directement affectés aux projets de recherche et développement sur le dégel du pergélisol au Nunavik se sont élevées à plus de 360 000 $. Le ministère investira 520 000 $ pour le parachèvement de ces projets de recherche d'ici 2011. Il est à considérer qu'au cours des prochaines années la collecte de données doit se poursuivre et qu'une caractérisation plus approfondie des sites problématiques doit être effectuée. Ces mesures nécessiteront vraisemblablement des investissements supplémentaires.

Par ailleurs, il est à noter que le projet de recherche concernant l'expérimentation des trois méthodes d'atténuation à Salluit fait partie des actions visant l'adaptation aux changements climatiques du plan d'action 2006-2012, Le Québec et les changements climatiques, un défi pour l'avenir, du gouvernement du Québec.

Le ministère des Transports a pris l'initiative de lancer les discussions sur les changements climatiques et la gestion des infrastructures de transport avec ses homologues des autres territoires nordiques canadiens. Tous ont démontré un intérêt à participer à un comité d'échange sur les impacts, les méthodes d'adaptation, les expériences pratiques et les recherches en cours afin de profiter de l'expérience de chacun et de maximiser les investissements.

Dans ce contexte, le ministère a initié la mise sur pied du Comité intergouvernemental sur les changements climatiques en milieu nordique et les transports, confirmant ainsi le leadership du Québec en matière d'adaptation aux impacts des changements climatiques en milieu nordique. Des professionnels et des ingénieurs travaillant en première ligne sur les impacts et l'adaptation des changements climatiques sur les infrastructures de transport en milieu nordique font partie de ce comité. Ils proviennent du Québec, du Manitoba, du Nunavut, des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon. Une première rencontre a déjà eu lieu en avril dernier, et la seconde se tient en marge du congrès de l'Association des transports du Canada qui est actuellement en cours.

n (14 h 10) n

En conclusion, M. le Président, à ce jour, les activités de recherche et développement ont permis d'identifier les pistes et les chemins d'accès de Tasiujaq, Salluit et Kangirsuk comme étant les plus problématiques, alors qu'Akulivik, Inukjuak, Puvirnituq et Umiujaq requièrent une surveillance particulière. Au cours des prochaines années, les sites présentant un risque pour la sécurité devront faire l'objet d'essais de techniques d'adaptation, et les critères d'inspection des aéroports ainsi que les méthodes d'entretien devront être ajustés. Les données et les résultats obtenus permettront d'établir de nouveaux critères de conception des infrastructures au Nunavik. Enfin, l'impact du mouvement des glaces sur les infrastructures maritimes devra aussi être évalué.

Sachez, M. le Président, que l'adaptation aux impacts des changements climatiques s'inscrit dans la mission même du ministère, qui est d'assurer, sur tout le territoire, la mobilité des personnes et des marchandises par des systèmes de transport efficaces et sécuritaires qui contribuent au développement durable du Québec. Merci.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, M. le sous-ministre. Alors, nous allons débuter la période d'échange. Qui veut lancer la première balle? Alors, l'adjoint parlementaire au ministre de l'Environnement et du Développement durable, M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Alors, merci, M. le Président. Dans le document, ce que je comprends, c'est qu'on a fait les infrastructures, on a construit les infrastructures à partir d'un constat qui avait été: Il n'y a rien qui va bouger. Puis ça, on parle dans les années quatre-vingt, mais il me semble que, dans les années quatre-vingt, on parlait déjà de réchauffement climatique. Alors, maintenant, qu'est-ce qu'on fait pour, je vous dirais, les considérer? Puis dans quelle mesure... Les matériaux qu'on utilise pour la construction des routes, ce qu'on voit ici normalement, là, nos emprunts granulaires, le a, le b, puis tout ça, est-ce que ça, c'est disponible là-bas? Est-ce qu'on va utiliser des techniques différentes mais avec des matériaux qu'on connaît ici ou si on utilisera d'autres matériaux?

M. Jean (Denys): Bien, effectivement, vous avez raison de dire qu'à l'époque où on a construit les infrastructures dans le Nord-du-Québec on faisait une présomption que le pergélisol resterait toujours le même, donc que la fondation des infrastructures demeurerait stable et solide comme du roc. Et là, avec les changements climatiques, on constate que cette prémisse de base pour la construction des infrastructures n'est plus là, Donc, il faut revenir dans le fond sur la situation et agir sous deux aspects. D'abord, on a déjà des infrastructures actuellement qui existent, construites sur du pergélisol. Le pergélisol est attaqué, entre guillemets, par le phénomène des changements climatiques. Alors, le défi qu'on a comme ministère et comme société, c'est: Comment on corrige, apporte des correctifs ou des améliorations aux infrastructures actuelles pour vivre avec cette situation? Premier angle d'attaque.

Et, deuxièmement, au même moment où on fait ça, il faut maintenant se faire une tête sur: À partir de maintenant, avec les changements climatiques, sachant l'effet des changements climatiques sur le pergélisol, quand je vais construire dans le Nord-du-Québec, quelle technique de construction je vais utiliser en considérant que ma prémisse de base qui était utilisée historiquement, à savoir que le pergélisol ne bougeait pas, elle ne tient plus? Alors, c'est quoi, les techniques maintenant que nous allons mettre en place pour construire des infrastructures dans le Nord? Sachez, M. le député, que l'ensemble des provinces ayant des sections nordiques sur leurs territoires se posent le même type de questions que nous nous posons au Québec. Donc, c'est un peu grossièrement la situation actuellement.

Le Président (M. Pinard): Allez-y, M. le député.

M. Soucy: Merci, M. le Président. Et quant aux matériaux utilisés?

M. Jean (Denys): Bon, là, je vais passer la parole à quelqu'un. Étant un économiste, je ne suis pas spécialisé en granulaire. Denis.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Blais.

M. Blais (Denis): Bien, les matériaux, c'est sûr que les drains à... air, c'est des particules plus grosses pour permettre de laisser circuler l'air. Dans le Nord, c'est des carrières, ça fait qu'on peut produire à peu près tous les types de matériaux. C'est juste qu'il va falloir s'assurer de faire produire le bon type de matériel pour pouvoir l'utiliser, là, comme il faut, au bon endroit.

L'autre élément, ça va être au niveau de l'entretien qu'il faut regarder. Ce qu'on est en train d'observer, c'est où il y a de l'accumulation de neige qui crée de l'isolation. Ça fait qu'il va-tu falloir tasser les remblais pour permettre plus de circulation? Ça, c'est possible, mais là on est au début des observations. Au fur et à mesure que ça va avancer, on va ajuster en conséquence.

M. Soucy: Merci.

Le Président (M. Pinard): Avant de céder la parole au député de Montmagny-L'Islet, vous venez de dire que vous êtes actuellement à l'étape des études. Dans le mémoire, vous avez mentionné qu'il y a trois aéroports qui sont dans une situation actuellement assez difficile, pour ne pas dire qui commence à être pitoyable, et quatre routes d'accès entre l'aéroport et les villages. Est-ce que vous en êtes toujours à l'étude de ce qui a rendu cette situation-là telle qu'elle est aujourd'hui ou si vous avez débuté des travaux importants pour rétablir la qualité et le standard qu'on doit retrouver au niveau soit des routes d'accès ou encore au niveau des aéroports?

M. Jean (Denys): Au moment où on se parle, on est à tester des techniques pour vivre avec la situation du pergélisol en difficulté. On teste, sur le terrain, des techniques d'extraction de chaleur, parce que c'est ça, le problème, c'est que nos techniques de construction traditionnelles ajoutent au phénomène de la chaleur des changements climatiques.

Pour revenir peut-être sur le granulaire, là, on me corrigera si je me trompe, mais la technique traditionnelle, c'est de construire des fondations avec du granulaire relativement fin, ce qui fait un compactage et donc qui fait de la chaleur en dessous. Alors, ça ajoute au phénomène des changements climatiques. Les techniques utilisées, c'est d'avoir du granulaire plus gros. Donc, l'air circule et l'air peut sortir de dessous de la fondation et ainsi moins affecter dans le fond la perte du... Au moment où on se parle, M. le Président, on essaie de trouver des solutions pour vivre avec la situation sur les infrastructures.

Le Président (M. Pinard): Est-ce que, M. le sous-ministre... est-ce qu'actuellement vous avez... est-ce que vous testez ces solutions-là dans un aéroport ou sur une route d'accès...

M. Jean (Denys): On teste actuellement...

Le Président (M. Pinard): ...ou si vous le testez en laboratoire?

M. Jean (Denys): On teste les techniques d'extraction de chaleur sur le chemin d'accès de Salluit, et je pense qu'en 2007, lorsqu'on va reconstruire l'aéroport de Tasiujaq, on va introduire dans notre construction ces techniques d'extraction de chaleur là et sans doute de nouvelles techniques de construction. Alors, si, dans votre voyage, vous passez à Salluit, vous devriez remarquer, sur le chemin d'accès, des tuyaux et du travail qui se fait là pour vérifier si les techniques d'extraction de chaleur sont efficaces.

Le Président (M. Pinard): Et actuellement le ministère est satisfait de l'expérience?

M. Jean (Denys): Les rapports sont en cours de réalisation, si ma mémoire est fidèle. Le temps d'expérimentation est encore... On expérimente encore, mais le temps est suffisant pour faire des rapports. C'est ça?

M. Blais (Denis): Ils ont été installés cet été. Ça fait qu'on va avoir les résultats plus à partir de l'année prochaine.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Jean (Denys): M. le Président, une précision.

Le Président (M. Pinard): Oui.

M. Jean (Denys): Ils ont été installés cet été. Donc, on va faire une saison complète, là, une année complète d'expérimentation, puis on attend les rapports en 2008.

Le Président (M. Pinard): O.K. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Oui. Merci, M. le Président. Avec toutes les informations qu'on a eues à date, est-ce que ça remet en cause le recouvrement en béton bitumineux?

M. Jean (Denys): Oui, parce que vous avez vu, dans mon intervention, les deux méthodes d'extraction de chaleur puis une méthode qui consiste à peinturer en blanc les surfaces de béton bitumineux noir. Vous le savez tous, la couleur foncée attire la chaleur. Alors, si on met du bitume noir, qu'on connaît tous ici, dans le Sud, on ajoute au phénomène de chaleur. Et là on teste l'utilisation de peinture blanche sur le bitume. Maintenant, ceci étant dit, on est encore aux tests, là.

Le Président (M. Pinard): D'accord.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Mais, si le fond du chemin change dans le moment ? c'est pour ça que je posais ma question ? est-ce qu'il est encore éminent de mettre du béton bitumineux?

M. Jean (Denys): On est vraiment dans un débat qu'on peut appeler un débat de développement durable. D'une part, les spécialistes en changements climatiques consultés pourraient nous dire, à nous tous: Messieurs, mesdames, évitez le béton bitumineux sur les chemins d'accès et les aéroports parce que, dans la mesure où l'utilisation de ça, ça ajoute aux changements climatiques...

Par ailleurs, on a des communautés dans le Nord qui nous disent: Nous, on veut avoir des équipements avec un standard x, un standard qui fait qu'on a du service puis que ça fonctionne, et ainsi de suite, et donc il y a un débat actuellement entre ces deux points de vue là. Nous, on est en train de mettre du béton bitumineux sur les chemins d'accès en particulier ? c'est ça, hein, Denis...

M. Blais (Denis): Oui.

n (14 h 20) n

M. Jean (Denys): ...les chemins d'accès ? et on travaille en même temps à trouver des solutions: Comment le béton bitumineux pourrait être moins impactant, entre guillemets, sur les changements climatiques... sur le pergélisol?

(Consultation)

M. Jean (Denys): Oui. Alors, on m'indique ici ? puis on me l'avait indiqué avant, mais je l'avais oublié ? sur les chemins d'accès non bituminés, il y a un énorme problème de poussière. Je ne sais pas si... En tout cas, il y a des problèmes de poussière. Il y a même, je pense, des risques sur la santé publique, nous a-t-on dit. Alors, le béton bitumineux a été comme étant la solution pour régler ce problème-là. Mais, en réglant ce problème-là, on constate qu'on ajoute au phénomène de changements climatiques. On est donc à voir comment on peut à la fois régler la problématique de poussière et de santé publique tout en évitant d'accélérer dans le fond le dégel du pergélisol.

Le Président (M. Pinard): Alors, parlant de santé publique, Mme la députée de Pontiac, adjointe au ministre de la Santé.

Mme L'Écuyer: Merci. Merci, M. le Président. Non, c'est parce que je demande à mon collègue: La poussière a un impact sur la santé publique...

M. Jean (Denys): Dans ce milieu-là.

Mme L'Écuyer: Oui, peut-être à cause de la... du froid plutôt que de la chaleur. Moi, c'est une question à partir de votre mémoire. D'abord, je vous félicite parce que c'est très bien fait, on le comprend. C'est toujours complexe, les questions d'environnement, et de dégel, et de pergélisol, et, à la lecture, là, du document, on peut très, très bien saisir ce qui se passe, et là on va aller voir et visualiser les effets.

À la page 1 de votre plan, vous dites que vous êtes à réaliser un plan de transport pour l'ensemble du Nord-du-Québec, avec le milieu, pour cibler les interventions. Est-ce qu'il y a un échéancier au plan ou bien si vous êtes... C'est parce que je suis convaincue que c'est une question qu'on va se faire poser quand on va rencontrer les communautés.

M. Jean (Denys): Dans un horizon 2007, pour compléter l'opération de définition du plan de transport.

Mme L'Écuyer: Ça, c'est pour le plan de transport?

M. Jean (Denys): Oui.

Mme L'Écuyer: O.K. J'ai une autre question, très brève. À la page 3, on parle des motoneiges, des véhicules tout-terrains. Et c'est une question qui nous a été posée dans d'autres commissions. On a appris ? je ne me souviens pas laquelle des commissions parce qu'il y en a beaucoup; si je ne me trompe pas, c'est soit au printemps passé ou bien à l'automne ? que les gens qui avaient des accidents en motoneige ou tout-terrain, pour le Grand Nord, n'étaient pas protégés par l'assurance automobile du Québec. Ou bien c'est peut-être lors... Est-ce que le ministère du Transport est en train de regarder ça ou bien si ça relève carrément de la Société de l'assurance automobile du Québec?

M. Jean (Denys): Mme la députée, je devrai prendre avis de votre question parce que je m'avoue incapable de répondre à cette question-là, même pas vous dire si ça relève de moi ou de la SAAQ, là. Je vais quand même prendre avis de la question. On va vérifier puis on va informer le secrétariat de la commission de qui ça relève puis peut-être où c'est rendu.

Le Président (M. Pinard): M. Jean, puis-je vous implorer, si vous étiez capable de nous fournir une réponse cet après-midi parce que nous quittons...

Mme L'Écuyer: Oui, c'est ce que j'étais pour dire.

Le Président (M. Pinard): C'est 7 heures, demain matin.

M. Jean (Denys): On va essayer.

Le Président (M. Pinard): Parce qu'on va sûrement avoir des conversations avec des membres des communautés là-bas, si vous êtes capables...

M. Jean (Denys): On va essayer de vous livrer ça à 6 h 45, demain matin.

Le Président (M. Pinard): O.K. Merci.

Mme L'Écuyer: On va être à l'aéroport. Merci. C'est parce que c'est un constat qui a été fait par ces communautés-là, et je suis convaincue qu'on va nous revenir avec la question, voir: Est-ce que ça va dans le plan aussi de la réorganisation des transports? Mais, si on peut avoir une réponse, là, pour demain matin, on apprécierait beaucoup. Ce n'est pas une colle, là, c'est juste que, quand je lisais ça, je me disais: Ça, ça va revenir, je suis convaincue. Merci. C'est tout.

M. Jean (Denys): Mme Rouleau prend le mandat de vous informer d'ici la fin de l'après-midi.

Mme L'Écuyer: Merci. Merci beaucoup.

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup, Mme Rouleau. Merci. M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Oui. Une question relative aux infrastructures aéroportuaires. On sait que, dans le sud du Québec, la plupart de nos pistes sont faites non pas en béton bitumineux, mais en ciment et qui est un matériau plus pâle qui, lui, évidemment est moins capteur de chaleur. Pourquoi on n'utilise pas cette technique-là déjà dans le Nord?

M. Blais (Denis): Bien, c'est sûr que c'est parce que les pistes en gravier, là, si on parle de béton, de ciment, là, on parle d'à peu près trois fois le prix de ces pistes-là. Actuellement, ce qu'on fait, c'est qu'on observe. Les déformations, tant qu'elles sont légères, on peut réparer, ce n'est pas de problème. C'est pour ça que je disais: C'est aussi important, les méthodes d'entretien que ce qu'on va faire, parce que c'est comment on s'assure d'arrêter le phénomène. Mais en béton de ciment, ça aurait été le même problème.

Une voix: Les pistes sont en gravier...

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. Blais. Excusez-moi, M. Blais. Ou, M. le sous-ministre, si vous voulez rajouter.

M. Jean (Denys): Les pistes d'atterrissage, dans le Nord-du-Québec, sont en gravier. Quand je vous parle de béton bitumineux, je vous parle des chemins d'accès. Il y a Kuujjuaq qui serait en béton bitumineux, selon ce qu'on me dit.

Le Président (M. Pinard): Est-ce que le ministère, dans son plan d'action, a l'intention de paver l'ensemble des aéroports qui existent dans le Grand Nord?

M. Jean (Denys): Non.

Le Président (M. Pinard): Bon. Vous allez les laisser en gravier?

M. Jean (Denys): Bien là, on est en discussion avec le milieu pour faire le plan de transport. Vous comprendrez qu'une piste en gravier versus une piste en béton, c'est fonction du type d'avion qui y atterrit. Alors, je sais qu'il y a des communautés qui ont des projets de développement qui amèneraient un besoin d'une piste plus solide...

Le Président (M. Pinard): Plus solide pour des transporteurs lourds.

M. Jean (Denys): ...et là traditionnellement ça prendrait du béton bitumineux. Mais, avec le phénomène des changements climatiques et du pergélisol, il va falloir ? et là c'est le défi qu'on a, tous et toutes ? trouver des solutions alternatives. Alors donc, ça, c'est en discussion actuellement avec le milieu sur le besoin du niveau de service.

Le Président (M. Pinard): Une question pour un profane comme moi qui... Dans mon ancienne vie, j'étais notaire, donc aucune notion avec le génie, le génie mécanique et le génie civil...

Des voix: ...

Le Président (M. Pinard): Non, je tiens à le mentionner. On a assisté, au Québec, à la construction de sections d'autoroute en béton, alors que la majorité des kilomètres d'autoroute au Québec sont en asphalte, en béton bitumineux. Est-ce que le béton a les mêmes effets sur le pergélisol que l'asphalte?

M. Jean (Denys): Je vais passer la parole à...

Le Président (M. Pinard): À M. Blais?

M. Blais (Denis): Bien, la seule différence par rapport au pergélisol, c'est juste la réflexion. C'est que le fait que le béton soit pâle, c'est sûr qu'il aura un impact moindre. Mais le coût d'une piste en béton, ce n'est pas abordable. Puis, dans le Nord, ce n'est pas le besoin non plus. Les pistes en gravier répondent au besoin. C'est juste si jamais il y avait un service de jets. Puis ce qu'on est en train de discuter, c'est que possiblement que ce serait faisable en gravier aussi. C'est ça qu'on est en train de regarder avec Air Inuit.

Le Président (M. Pinard): Alors, oublions les pistes d'atterrissage un moment et parlons des 21 km de routes d'accès que vous avez entre les aéroports et chacune des communautés. Il y a 14 villages, donc il y a 21 km pour 14 villages. Est-ce que vous avez déjà étudié quel serait le coût si vous mettez de l'asphalte pour ces 21 km et quel serait le coût si c'était du ciment?

M. Blais (Denis): Non, ça n'a pas été évalué, là, mais, comme je vous dis, là, d'emblée, on parle au moins de trois fois le coût, là, sans compter que les techniques de pose du béton ne seraient pas adaptables. Parce que, dans le pavage des routes au Nunavik, c'est un projet avec l'Administration régionale Kativik qui voulait créer des emplois puis le faire eux-mêmes. Ça fait qu'en partant ils n'auraient pas eu la technique seulement pour pouvoir le réaliser eux-mêmes. Là, ils ont acheté leur propre usine puis ils ont pu produire. Ça fait qu'au moment où on en parlait ça n'a même pas été discuté.

M. Jean (Denys): Mais, M. le Président, je m'avancerais... Puis je pense que je n'ai pas de risque de me tromper, mais le coût unitaire du béton rendu dans le Nord, comparé au coût unitaire du béton bitumineux, il y a pas mal une bonne différence, là. Puis éventuellement on pourra peut-être vous documenter là-dessus si on peut trouver les chiffres.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Tremblay: Oui. Merci, M. le Président. Est-ce que le ministère des Transports répertorie d'autres effets des changements climatiques au sud des zones de pergélisol, et notamment en bas du 50e parallèle? Et là je pense notamment au chemin de la Côte-Nord, par exemple, qui est victime d'érosion. Mais est-ce que, par exemple, dans les secteurs des centres urbains, etc., à cause du gel-dégel plus fréquent, vous comptabilisez déjà beaucoup de différence et d'augmentation de coûts?

M. Jean (Denys): Bien, les changements climatiques affectent l'ensemble du Québec à des niveaux variables, puis il y a des incidences différentes d'une région à l'autre. Par exemple, on sait que, pour la région de la Côte-Nord, du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie, l'érosion des berges le long du fleuve est un phénomène qui nous préoccupe au ministère des Transports parce qu'on a des routes qui longent le littoral et puis on s'intéresse beaucoup à ça.

On constate également que, sur les grands axes routiers entre les zones urbaines et même dans les zones urbaines, le gel-dégel est en train de nous donner des signaux que les spécialistes du ministère n'avaient pas l'habitude de voir. Ce sont tous des phénomènes un peu qu'on enregistre, et on essaie voir d'où ça vient, comment s'ajuster, ainsi de suite. Mais effectivement il y a des phénomènes, partout à travers le Québec, du changement climatique, mais, dans le Nord-du-Québec, c'est plus évident, entre guillemets, que dans d'autres régions du Québec.

Le Président (M. Pinard): M. le député d'Ungava.

n (14 h 30) n

M. Létourneau: Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue. Évidemment, dans le Nunavik, ça coûte plus cher, intervenir, qu'ailleurs dans le sud du Québec. Comme vous l'avez bien dit, il n'y a pas de routes, premièrement, ce qui fait en sorte que les coûts sont considérables, mais ça va coûter pas mal plus cher de ne pas intervenir. Vous avez parlé tantôt du Centre d'études nordiques, de l'Administration Kativik. Est-ce que vous favorisez systématiquement la participation d'autres institutions, d'autres organismes, d'autres ministères, d'autres collègues qui s'intéressent au développement nordique, notamment quand vous faites des travaux de cette nature-là, pour que l'ensemble des données circulent, compte tenu justement des coûts pour avoir accès au territoire? Est-ce qu'il y a une stratégie de collégialité ou de concertation qui fait en sorte que les données de l'un servent aux autres aussi et qu'il y a une forme d'économie scientifique qui pourrait se dégager de ça?

Le Président (M. Pinard): M. le sous-ministre.

M. Jean (Denys): Certainement, M. le Président, bon, dans la mesure où, d'une part, on fait affaire, par exemple, avec le groupe Ouranos, qui est déjà un consortium d'analyse du changement climatique. D'autre part ? on l'a évoqué dans la présentation ? on associe les collègues des autres provinces du Canada qui ont des problématiques d'infrastructures de transport en milieu nordique, et c'est des gens qui sont dans la pratique sur le terrain, qui se réunissent puis qui voient comment ils réagissent et qu'ils vivent avec la situation. On s'organise dans le fond pour que l'information disponible à quelque part circule pour éviter de recommencer la recherche et de recommencer le développement.

Un des plus beaux exemples, c'est qu'il y a une des trois méthodes, dont le nom m'échappe, là... Une des méthodes d'extraction de la chaleur a été développée en Alaska. Alors, on est donc branché sur les chercheurs dans ce bout-là, et puis on prend chez eux des idées, puis on les teste ici plutôt que de recommencer à zéro toutes les... Donc, la circulation de l'information, effectivement, M. le député, M. le Président, c'est très important, surtout entre les spécialistes, là, pour qu'il n'y ait pas de perte d'argent, là, en quelque part aussi.

Le Président (M. Pinard): M. le député, ça va?

M. Létourneau: Ça va. Merci.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Masson.

M. Thériault: Oui. Vous êtes en train de faire des expériences, si j'ai bien compris. Mais, lorsque vous voulez intervenir présentement pour corriger la situation, vous fonctionnez comment, vous faites quoi? Vous utilisez les méthodes qui ont eu cours quand vous avez construit ces infrastructures-là ou vous avez apporté des modifications au fur et à mesure de vos connaissances, là? Et, si donc vous n'êtes pas en mesure présentement d'utiliser des mesures de mitigation qui sont nouvelles, à quel moment vous pensez que vous allez pouvoir mettre ça en place? Parce que vous avez dit, bon: 2007, 2008, là, on va avoir des conclusions à certains niveaux, mais ça va prendre combien de temps pour utiliser et réparer les infrastructures actuelles en fonction de ces techniques-là?

M. Jean (Denys): Alors, pour le moment, d'abord, on a constaté la problématique, on essaie de trouver des solutions techniques, et là on est en tests sur le terrain pour voir si les solutions qu'on a identifiées sont les bonnes puis donnent de bons résultats. À ce stade-ci, il n'y a pas de raison de penser que c'est des mauvaises techniques, et je pense qu'on n'a pas à s'inquiéter pour le moment, il n'y a rien qui indique qu'on s'est trompés, là, et... Bon.

Mais, pendant ce temps-là, si vous me permettez, M. le député, on fait de l'entretien dit traditionnel ? quand il y a une fissure, on la remplit ? et ça, d'ailleurs, on l'a dit dans la présentation, c'est qu'au-delà des techniques pour faire face aux changements climatiques, il va falloir aussi revoir nos approches d'entretien de ces pistes-là, là. Ça fait partie également du défi. Mais, tant qu'on n'a pas arrêté les nouvelles techniques pour adapter les infrastructures actuelles, bien, on continue à faire de l'entretien de type traditionnel, et l'horizon dans lequel on pense qu'on peut agir, c'est 2007-2008. Déjà en 2007, à Tasiujaq, je pense, on refait la piste d'atterrissage. C'est ça, la...

Une voix: On recharge.

M. Jean (Denys): On recharge, et on va en profiter pour introduire des techniques d'extraction de chaleur, là, sur cet équipement-là.

M. Thériault: Pour nous donner un petit aperçu, là, l'entretien que vous devez faire ? on est en 2006 ? versus l'entretien qui se faisait, je ne sais pas, moi, en 1995, en 2000, est-ce que vous êtes appelés à intervenir beaucoup plus fréquemment? Est-ce que les dégâts sont plus grands? Et est-ce que, pour cet entretien traditionnel là sur je ne sais pas, moi, mettons, de 1995 à aujourd'hui, sur 10 ans, vous avez pu identifier combien ça pouvait coûter versus combien ça pourra coûter, les nouvelles mesures, sur une période de 10 ans?

M. Jean (Denys): Effectivement, le niveau d'entretien de type traditionnel est plus élevé qu'il y a quelques années. La présentation qu'on vous a faite vous indique qu'on a vu des fissures. Oui, on les a vues, on les a constatées, on a vu des accumulations d'eau, mais on a vu également une nécessité d'entretien plus élevée. Étant donné qu'il y avait des dépressions puis des fissures, il fallait agir en entretien de manière... plus souvent. C'est sûr qu'il y a des coûts supplémentaires. Est-ce qu'on les a ici? Je ne sais pas si on a tout chiffré ça. Mais l'entretien traditionnel... Il y a plus de volumes d'entretien traditionnel qu'il y avait dans le temps en raison, décodons-nous... qu'on décode, des changements climatiques.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Moi, je ne veux pas faire l'avocat du diable, là, mais on parle des fissures puis des... de toutes sortes de problèmes qu'on a sur les pistes d'atterrissage, mais au Québec, moi, partout dans le Grand Nord, puis, à ce que je sache, on en a encore pas mal, des fissures, dans nos chemins. Ça fait que, la solution, on la cherche là-bas, mais on pourrait peut-être en prendre... essayer d'en corriger ici aussi.

Moi, je vous écoute puis...

Le Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y en a plus en Beauce?

M. Grondin: Il y en a pas mal en Beauce, oui. Je ne sais pas si on a tout étudié le terrain comme il faut, là. Mais, si on lit dans les documents, le réchauffement de la température, là, on n'a pas inventé ça, là, ça fait... Ils nous disent ici que, depuis qu'ils commencent à prendre des données, depuis 1850, qu'ils ont vu que la température se réchauffe. Ça a été plus vite dans les années 1900. Mais là la manière que vous voulez agir, de dire: On va essayer de faire sortir la chaleur, d'extraire la chaleur des... vous n'avez pas l'impression que vous vous battez contre... vous prenez un combat que vous ne gagnerez pas? Parce que, le réchauffement, il va continuer, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, là. Ça fait depuis les années 1800 que ça réchauffe d'année en année.

Moi, je ne connais pas... Je ne suis pas une expert, mais j'imagine que... On a construit des grands barrages, on a fait des mers d'eau. Ceci fait qu'on réchauffe la température alentour de tout ça et puis ça n'arrêtera pas, là. Est-ce qu'on n'est pas mieux d'envisager une solution qu'on sait que, dans 100 ans, elle va être encore la bonne solution?

M. Jean (Denys): D'abord, M. le député... M. le Président, le député a raison, ce n'est pas... il n'y a pas rien que des fissures dans le Nord. Ça, je lui accorde ça, et je sais d'ailleurs que c'est un thème dont il aime beaucoup parler. Mais ce qui est surprenant, dans le Nord, M. le député, ce qui est surprenant, dans le Nord, c'est que, quand on a conçu ces infrastructures-là, dans les années quatre-vingt, on a fait une hypothèse. En fait, c'est comme si on s'était dit: Le roc sur lequel je construis va toujours rester solide, et le roc, dans le Nord, c'était le pergélisol. Or, il s'avère, aujourd'hui, que cette hypothèse de base là ne tient plus. Il faut donc essayer de voir comment on va vivre avec cette situation-là. Puis, bon, je ne suis pas à l'Environnement, mais, les changements climatiques effectivement, à moins que quelqu'un nous dise le contraire, c'est là pour rester. Donc, il faut trouver une façon de vivre avec la situation puis de continuer à donner le service.

On n'a pas les solutions nécessairement à portée de la main. Il faut développer des technologies, il faut voir comment est-ce qu'on peut s'adapter, quelles modifications aux techniques de construction on va adopter, quelles techniques on va utiliser pour parvenir à continuer à vivre avec ce phénomène du changement climatique. C'est ça, le défi qu'on a, là.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup.

M. Grondin: J'ai encore une petite question.

Le Président (M. Pinard): Une sous-question?

M. Grondin: Oui, une question complémentaire. Le sol, dans le Grand Nord, il est gelé à quelle profondeur?

n (14 h 40) n

M. Jean (Denys): Ça dépend du type de pergélisol. Vous allez voir, vous avez une petite photo, là, qui est en annexe de notre mémoire, là. Vous avez des zones de pergélisol continu, discontinu, en tout cas. Mais est-ce qu'on a l'information sur la...

(Consultation)

M. Jean (Denys): Ceux qui vont nous suivre, je pense particulièrement au Centre d'études nordiques, sont des spécialistes, me dit-on, de la longueur du pergélisol.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, M. le sous-ministre, M. Denys Jean, Mme Rouleau, M. Denis Blais, merci de l'enrichissement que vous nous avez donné cet après-midi. Je vais suspendre quelques instants pour permettre au groupe Ouranos et à son directeur général, M. André Musy, de se présenter, et on va installer le système PowerPoint.

(Suspension de la séance à 14 h 41)

 

(Reprise à 14 h 44)

Le Président (M. Pinard): M. Musy, est-ce que vous êtes prêt?

Ouranos

M. Musy (André): ...

Le Président (M. Pinard): Oui. Alors, membres de la commission, je suis heureux de vous présenter M. André Musy, directeur général du groupe Ouranos, qui est accompagné...

M. Musy (André): De Michel Allard, qui est aussi membre du Centre d'études nordiques.

Le Président (M. Pinard): Qu'on a déjà eu l'occasion de rencontrer, d'ailleurs. Alors, nous allons vous céder la parole, et par la suite il y aura échange avec les membres de la commission. Alors, M. Musy.

M. Musy (André): Merci, M. le Président. Bonjour, madame, bonjour messieurs. Voilà, j'aimerais vous présenter de manière succincte, disons, les différents travaux que nous entreprenons, à Montréal et avec notre réseau de sentiers du Québec, concernant le réchauffement climatique, plus spécifiquement sur les impacts dans le Nord-Québec.

Comme vous le savez peut-être, nos missions, c'est, d'une part, disons, d'essayer de voir quelles sont les projections sur le climat dans le Québec aux échelles 2020, 2050, 2100 et puis ensuite, en fonction des résultats, de voir quels sont les impacts et, compte tenu de ceux-ci, d'identifier et de recommander aux décideurs, essentiellement ceux du gouvernement, les stratégies d'adaptation.

Alors, dans la petite présentation que je vous montre, nous avons différents programmes et nous avons différents projets. Je vais focaliser notre attention essentiellement sur des résultats issus de la recherche et de la simulation, et plus spécifiquement pour le Nord-Québec, le nord du Nunavik, sur la sécurité des populations et des infrastructures, d'une part, et en partie sur les ressources hydriques, énergétiques, d'autre part.

Alors, tout d'abord, un constat au niveau des températures, un constat depuis à peu près les 50 dernières années, dans les quelques villages, enfin dans plusieurs villages du Nunavik, eh bien, on remarque que la température a sensiblement baissé depuis 1950 jusqu'à 1990 et puis, depuis 1990, elle a monté de manière relativement drastique pour, vers 2000-2001, se stabiliser à ces échelles qui sont supérieures à ce qui était il y a 10 ans en arrière. Le problème est de savoir qu'est-ce qui va se passer à l'avenir, et l'avenir, nous ne le savons pas, mais nous pourrons tenter de le projeter au travers des différentes simulations que nous avons à Ouranos, à Montréal.

Alors, compte tenu... on peut naturellement travailler à différentes échelles, mais à l'échelle nord-américaine, avec le modèle MRCC, le modèle régional du climat, qui a été développé à Ouranos, eh bien, vous pouvez voir par ce graphique-là les changements potentiels en températures, en précipitations ou en couverture neigeuse à l'échelle de 2050 par rapport à ce qui s'est passé jusqu'à aujourd'hui. Donc, nous avons la possibilité de faire ces différences-là, et les cartes qui vous sont présentées là vous montrent précisément ces différences.

Et, si je prends le graphique en haut, à gauche, durant l'hiver, ce que l'on pressent, c'est des augmentations substantielles de températures, dans la partie nord du continent américain, nord-américain, et bien évidemment du Nord-Canada et du Nord-Québec, allant de 5° à 10°, alors que, dans l'été, cette augmentation est peut-être plus raisonnée en ordre de 2,5° à 5°. En termes de précipitations, on peut remarquer également les augmentations de précipitations et naturellement également, pour la couverture neigeuse, des variations de la couverture neigeuse depuis le sud vers le Nord-Québec. Ceci, c'est à l'échelle du continent nord-américain.

Si on focalise un petit peu l'attention dans l'Arctique québécois, dans le Nunavik, par exemple, quels que soient les modèles que l'on prend en considération ? ici, il y a six modèles ? tous, tous les modèles donnent la même tendance à l'augmentation, vers 2050, 2100, des températures de quelque 4° à 6°. Et ce qui est intéressant de voir, c'est qu'à l'échelle 2050... c'est que la variabilité... la différence entre ces grandes courbes là aura dépassé la variabilité que l'on constate depuis l'échelle 1880 jusqu'à 2000 qui est représentée en grisé.

Si on va un peu plus loin dans notre interprétation, on peut chiffrer, d'une certaine manière, ces différences en températures et en précipitations à l'échelle 2020, 2050 et 2080, tel qu'il vous est représenté ici sur ces graphiques, au niveau saisonnier: hiver, printemps, été, automne.

Et puis ce qui est intéressant également pour le Nord-Québec, naturellement, c'est la glace, c'est l'épaisseur de glace qui assure une certaine sécurité pour le déplacement des populations. Alors, on peut faire une relation entre le nombre de jours que l'on peut mesurer qui sont sous zéro par rapport, disons, à ce qu'on appelle des degrés-jours par rapport à la période de l'année. Et ce qui est intéressant de noter sur ce graphique, en bleu, sur la partie supérieure, c'est l'observation, c'est-à-dire que ce sont les degrés-jours que l'on observe qui sont en dessous de zéro, avec une certaine gamme de variations, mais que, quand on projette ces mêmes valeurs à l'échelle 2050, 2100, on peut voir qu'il y a une diminution substantielle du nombre de degrés-jours, donc ce qui a pour conséquence de diminuer aussi les épaisseurs de glace au début de l'hiver ou à la fin de la saison hivernale, ce qui naturellement augmente l'insécurité dans les déplacements des populations autochtones.

n (14 h 50) n

Voilà donc, si vous voulez, en termes de climatologie, nos constats par rapport au Nord. Maintenant, sur des projets plus substantiels, plus directs que l'on développe, à Ouranos, avec nos partenaires et notamment les partenaires du Centre d'études nordiques du Québec, d'où la présence de mon collègue Allard, eh bien, nous avons essentiellement trois projets: l'un, c'est sur l'accessibilité des territoires. Comme je vous ai dit tout à l'heure, les populations autochtones ont besoin de se déplacer pour vivre, pour satisfaire leur économie, et puis naturellement ces changements, ces liaisons, ces déplacements sont souvent fonction de l'épaisseur de glace, et puis, si on fait la relation qui existe, par exemple que vous voyez sur ce graphique, entre le cumul des degrés-jours par rapport à l'épaisseur de glace, on peut voir que plus il y a de degrés-jours, plus la glace est épaisse.

Mais, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, donc on projette à l'avenir une diminution assez substantielle du nombre de degrés-jours, d'où la nécessité, disons, d'essayer de faire une étude sur les risques, sur les zones sensibles de parcours afin, disons, de faire des recommandations directes aux autochtones de telle sorte qu'on diminue les risques d'accident. Voilà pour le premier projet.

Le deuxième projet, je n'en parlerai pas trop, mais je voudrais quand même le signaler, puisque je sais qu'après ma présentation il y aura celle de M. Yves Bégin, du Centre d'études nordiques, qui est directement concerné et qui travaille avec nous sur la notion de perte en pergélisol, donc de fonte du pergélisol. Et j'aimerais signaler, par rapport à la question qui a été posée tout à l'heure, une mesure comme quoi le Pr Allard, à mes côtés, bien, mesure des réchauffements de 1° à 10°, en 10 ans, à 10 m de profondeur, dans la région de Salluit, je crois.

Donc, ceci est assez inquiétant, puisque ça peut mettre en péril, disons, les infrastructures civiles. Lorsque l'on fait ces projections à l'avenir à l'échelle de 2050, eh bien, la première tranche de sol, qui va diminuer en résistance dû au dégel, le mollisol, va augmenter, ce qui naturellement va assurer une plus grande insécurité, donc il faut faire des recommandations.

Et l'équipe du Pr Allard, avec l'équipe du Centre d'études nordiques, recommande, par exemple ? c'est un exemple, ce n'est pas le seul... Mais un exemple, disons, performant, je dirais, dans l'adaptation, c'est l'aménagement du territoire, c'est les cartes de l'aménagement du territoire en fonction des risques ou d'exposition au risque que l'on peut avoir. Et, si vous voulez, dans la partie de gauche, vous avez une carte d'aménagement du territoire pour le village de Salluit qu'on peut coller à la réalité par une photographie et identifier des politiques d'aménagement dans le futur qui viennent compléter, disons, des politiques de renforcement des structures existantes. C'est le deuxième projet.

Le troisième projet que nous avons concerne également les pistes d'atterrissage. La problématique est la même. Eh bien, les pistes d'atterrissage de différents villages du Nunavik offrent des résistantes différentes en fonction de la perte du pergélisol. Il convient de prendre des mesures à ce niveau. Et M. Guy Doré, de l'Université Laval, avec le ministère des Transports du Québec, a identifié, disons, dans les villages, les différentes situations au niveau des aéroports à surveiller de telle sorte qu'on puisse se prémunir un peu, disons, contre les risques qu'ils peuvent avoir lors d'atterrissage ou de décollage.

Voilà donc, si vous voulez... Au niveau encore, peut-être rapidement, de ce qui se passe au milieu du Nunavik en termes, disons, de gestion de la production hydroélectrique d'Hydro-Québec, eh bien, si je prends l'exemple de la Baie-James en fonction des prévisions que nous pressentons à l'échelle 2050, on peut voir, sur la partie droite du graphique, comme quoi on peut imaginer avoir un surplus d'eau... un surplus de précipitations, un surplus d'eau accumulé dans les réservoirs à l'échelle 2050, alors que c'est un peu le contraire qu'il y aurait dans le Sud-Québec. Et puis ces informations-là, toute l'information sur la quantité d'eau qui arrive en moyenne, disons, dans un réservoir, ce qui est présenté sur le barrage de La Grande, sur le graphique en bas, à droite, eh bien, permet, disons, d'améliorer un peu la gestion des systèmes ou d'anticiper la gestion, la gestion de l'eau dans les réservoirs d'une part, la gestion naturellement de la production et d'anticiper également, disons, les marchés économiques que l'on peut avoir, disons, dans ce domaine-là.

Voilà, si vous voulez, qu'est-ce que je voulais vous dire en présentation, brève présentation, nous travaillons mais nous devons continuer à le faire notamment dans la climatologie où il y a encore, disons, des influences de la baie d'Hudson qu'on n'arrive pas très bien à cerner.

Puis, si on va plus au nord que le Nunavik, dans le Nunavut ou encore dans l'Arctique, on a des difficultés à faire le couplage entre l'Arctique et puis l'atmosphère. Nous avons également, vous l'avez pressenti, des incertitudes et nous ne savons encore pas très bien comment les lever, il faut déjà les cerner.

Et puis, sur les impacts, nous avons une échelle, alors une priorité, c'est l'impact de tous les effets de la cryosphère, de la neige, de la glace. Quels seront ces effets-là, disons, dans 20 ans, 30 ans ou 40 ans, lorsque les quantités, les volumes et les intensités vont diminuer?

Et ceci peut avoir également un impact ? M. Bégin vous en parlera certainement ? sur les sols et les sols particuliers que sont les tourbes et puis qui viennent modifier les cycles géochimiques, par exemple le cycle du carbone qu'il doit prendre en considération, puisque ce cycle géochimique est pris en considération dans les effets de surface pour la modélisation.

Au niveau de l'adaptation, les questions se posent encore: Quelle est la stratégie la plus adéquate? On peut en suggérer quelques-unes. On peut en suggérer quelques-unes, mais pas toujours en comparaison avec les critères économiques. Quelles solutions adaptées à préconiser? Faut-il intervenir, si vous me permettez cette expression, en pompier ou bien... alors vraiment donc pour éteindre, disons, un incendie dans un endroit particulier ou alors prendre d'autres solutions au niveau de l'aménagement des territoires, du déplacement des populations? Ça, c'est encore à étudier. Et puis quelles priorisations, puisque nous ne pouvons pas tout faire?

Mais une chose est certaine, c'est que nous devons nous baser sur des observations et que malheureusement nous avons un besoin vraiment crucial d'observations. Et, nous, si on peut suggérer quelque chose, disons, à l'ensemble de la communauté scientifique, c'est d'améliorer nos connaissances dans ce milieu qui est très important pour l'avenir et l'économie du Québec. Je vais terminer ici. Il est urgent d'agir avant qu'il ne soit trop tard. Merci.

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup. Merci, merci beaucoup, M. Musy. Je pense que nous allons commencer avec cette photo. On dit toujours qu'une photo vaut mille mots. Et je lancerais le débat où j'aimerais... J'aimerais que vous nous disiez, aux membres de la commission, ce que vous avez vu sur le terrain, notamment au niveau de la construction des nombreux édifices, des édifices publics ou des édifices privés.

C'est un profane qui vous parle. Chez nous, lorsqu'on bâtit, la première chose que nos pères nous ont enseignée, c'est de creuser, couler une «footing»? excusez le terme ? sous quatre à cinq pieds pour être sûrs qu'on est sous la surface du gel, ce qui fait en sorte que les maisons sont relativement stables.

Dans le Grand Nord, on a toujours appris que le sol était gelé jusqu'à la surface, et complètement gelé, de sorte que, que l'on soit au mois de juillet ou qu'on soit au mois de décembre, il n'y a aucune espèce de problème à circuler dans le Grand Nord, surtout au-delà du 55e parallèle, parce que dans le fond les gens circulent sur des surfaces qui sont entièrement gelées.

J'ai lu votre dossier, le petit document que vous nous avez remis, et une des questions qui m'est venue à l'esprit, c'est: le ministère des Transports va nous parler des routes, des problèmes avec les 21 km de route qu'ils ont. Ils vont nous parler aussi des pistes d'atterrissage qui, semble-t-il, deviennent graduellement des montagnes russes ou à peu près.

Moi, j'aimerais que vous nous parliez des incidences que l'affaissement du pergélisol ou... pas l'affaissement, mais... Le fait que ça ne gèle plus jusqu'à la surface, à ce moment-là, au niveau des édifices, de quelle façon que la communauté du Grand Nord effectue des travaux de construction ou effectue des travaux pour le maintien de leurs édifices sur un sol qui est plus ou moins de la gélatine?

n (15 heures) n

M. Musy (André): D'accord, je vais tenter de vous donner quelques éléments de réponse, complétés peut-être par M. Allard. Au niveau, disons, de la construction, tout d'abord ma connaissance du terrain, je suis relativement nouveau dans ce pays d'accueil, puisqu'il y a une année que j'occupe ce poste, et je n'ai pas eu encore l'occasion de faire tout le tour du Nunavik, mais quand même j'ai été dans la Baie-James, au lac à l'Eau claire, j'ai été voir deux, trois constructions, mais ma connaissance du terrain est encore un peu limitée.

Mais je viens également d'un pays où on connaît le gel, puisque je suis Suisse, et nous avons aussi une habitude de construire, c'est des données, sur les sols gelés, mais ma compréhension, c'est qu'ici, comme vous l'avez dit, les sols, ils étaient gelés en permanence sur une grande profondeur, donc la stabilité du système était rassurée tant que les sols étaient gelés. Ce qui arrive aujourd'hui, c'est que la zone supérieure des sols se dégèle, et, si les constructions sont appuyées là-dessus, eh bien, vous allez avoir des fissures, vous allez avoir, disons, des mouvements... Par exemple, dans des portes de garage... J'ai, sur ma machine, ici, des photos assez éloquentes où, précisément deux ans ou trois ans après une construction, eh bien, il y a des mouvements, disons, dans les constructions directes qui sont un peu déstabilisées de par la déstabilisation du sous-sol.

D'autres événements, par exemple, aussi en défaut de génie civil. Si on construit des immeubles trop près, disons, de la couche gelée, et qu'à l'intérieur de ces immeubles on les chauffe pour des questions, disons, d'habitude de vie, eh bien, naturellement, si on oublie, disons, de mettre une certaine couche d'air entre le plancher et le sol, eh bien, ceci va encore augmenter, disons, des effets par rapport à la construction, si bien, disons, que les infrastructures sont quand même sensibles, disons, à ces effets de pertes de gel, de pertes de sol gelé. Ça, c'est mon appréhension personnelle. Il y a une autre appréhension, c'est sur naturellement les transports par rapport aux ponts de glace et autres, là, mais ça, c'est encore un autre phénomène. M. Allard, si vous voulez compléter.

M. Allard (Michel): Oui. Je compléterais cette réponse en abordant en deux volets: premier volet, les maisons, les habitations; deuxième volet, les plus gros bâtiments, en particulier les bâtiments publics et industriels.

Le Président (M. Pinard): Hôpitaux et CLSC.

M. Allard (Michel): Oui, hôpitaux, CLSC, centres communautaires, édifices à bureaux, là.

Le Président (M. Pinard): D'accord.

M. Allard (Michel): Lorsqu'on parle de maisons, je vous dirai qu'avec les années il y a eu un énorme développement domiciliaire qui a été fait dans la foulée de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Le gouvernement du Québec a bâti énormément de maisons dans tous ces villages-là ? la majorité des maisons a été bâtie par la SHQ ? et le programme à mon avis a été très bien fait, et ça a été construit sur des chevalets, donc les maisons sont... En fait, pour préparer le terrain, on dépose un remblais, on le compacte. Ensuite, les maisons sont... on installe des espèces de chevalets ou des tétrapodes, si vous voulez, avec des vis dessus. Les maisons ont un châssis métallique, un châssis d'acier et sont déposées par dessus, de telle sorte qu'elles sont généralement au-dessus du niveau du sol, à peu près l'équivalent de la hauteur de la table, et l'air passe en dessous.

Dans le cadre du projet à Salluit, nous avons effectué des mesures. Nous avons mesuré la température pendant une année entière sous de telles constructions comparées à d'autres, plus hautes, plus basses, etc. Le système fonctionne à merveille. Actuellement, la température moyenne annuelle de la surface du sol, si vous voulez, sous une maison soulevée, c'est à peu près la même chose que celle de l'air. Autrement dit, tant que le climat ne réchauffera pas à des températures vraiment où ça va fondre pour vrai, là, c'est ce qu'il y a de plus stable.

Il y a une tendance. Maintenant, avec la propriété privée qui se développe dans les villages, les gens aimeraient ça être un peu bâtis comme au Sud. On voit des individus ou des personnes se bâtir sur des dalles, certains se sont creusé des solages, avec des mauvais résultats dans, je dirais, 99 % des cas.

Lorsqu'on parle d'édifices publics, c'est un peu plus compliqué parce que les édifices doivent être... Ils sont plus gros, ils sont plus lourds, et souvent il y a un... Vous pouvez bâtir sur pieux. Les pieux sont enfoncés dans le pergélisol, et, autant que possible, jusqu'à ce qu'on atteigne une couche, en dessous, qui est moins riche en glace, ou encore, par exemple, qu'on atteint le roc qui, lui, est plus stable, et, même chose, l'édifice soulevé au-dessus du niveau du sol pour permettre la circulation d'air en dessous.

Et ces techniques-là... Et, dans certains cas, ce n'est pas possible. Dans certains cas, par exemple, vous avez un immense garage, par exemple, où il faut rentrer à niveau. Il existe des techniques comme les thermosiphons, donc qui sont des tubes qui sortent sur le côté de la bâtisse, des tubes d'acier qui rentrent en dessous de la bâtisse. Il n'y a pas de solage, là, il n'y a pas de sous-sol. Le circuit circule sous la bâtisse. Généralement, vous avez un gaz dedans. Ça ne fonctionne seulement qu'en hiver. Ça permet de maintenir le sol gelé sous la bâtisse, de le regeler en hiver et d'empêcher qu'il dégèle trop profond en été. Ce sont les techniques habituelles.

Il y a plusieurs cas un peu partout, au Nunavik, de bâtiments qui ont un peu travaillé, qui sont brisés. Il y en a à Tasiujaq, un ancien garage municipal, il y en a à... Salluit a été particulièrement affecté, y compris dans les années quatre-vingt. Et souvent les raisons sont une mauvaise compréhension ou des designs, des concepts fautifs dès le départ. Donc, dans la cause... dans les impacts du réchauffement climatique, il faut penser aussi aux facteurs humains: établissement de normes, études géotechniques préliminaires, investissement accru dans le concept de fondations adaptées pour le type de bâtisse, pour le type de terrain et pour le type de climat, parce que le climat n'est pas uniforme à la grandeur du territoire.

Le Président (M. Pinard): Merci, messieurs. Jean-Pierre... M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Oui, merci, M. le Président. Alors, deux questions. La première, vous avez fait état que le réchauffement climatique va amener de plus en plus d'eau dans les réservoirs, Hydro-Québec et d'autres réservoirs, là, construits. Et on entend aussi des gens nous dire qu'une des causes, je dirais, du réchauffement climatique, c'est cette capacité à accumuler beaucoup d'eau et de créer plus d'humidité puis de rendre... Alors, est-ce qu'il n'y a pas là un cercle vicieux? Première question.

Deuxième question. Sur une des cartes que vous nous avez présentées, de la ville de Salluit, vous avez superposé à ça une espèce de plan d'aménagement du territoire, d'affectation du sol. Ça m'apparaît, en tout cas considérant la grandeur de la municipalité, qui est très petite, très complexe de pouvoir comprendre et assujettir le développement en fonction de la carte des sols que j'ai vue. Alors, comment est-ce qu'on peut aider une municipalité, avec des données scientifiques aussi complexes, à planifier son développement puis à l'assurer?

M. Musy (André): Merci. Je laisserai peut-être au Pr Allard commenter la carte qu'il a établie. Sur la première question, je n'ai pas très bien compris. Ça veut dire qu'il y a un peu plus d'eau, donc notamment dans le Nord-Québec, donc dans les réservoirs qui sont actuels, il y a un peu plus... il y aurait peut-être un peu plus d'accumulation dans la mesure où ces accumulateurs peuvent le permettre. Donc, ça offre une meilleure, disons, potentialité au propriétaire, à Hydro-Québec, disons, de profiter de ce surplus, disons, d'eau pour faire peut-être un surplus d'énergie. Voilà donc. Mais je ne vois pas la notion de cercle vicieux dont vous nous parlez.

M. Soucy: C'est parce que certains nous disent aussi que le fait d'avoir de grandes étendues d'eau, ça contribue à élever les températures.

M. Musy (André): Oui, peut-être, là, c'est peut-être vrai, mais peut-être pas d'une manière aussi grande sous ces climats-là que sous d'autres climats. Si vous prenez, par exemple, le lac Nasser à Assouan, au nord d'Assouan, entre l'Égypte et le Soudan, là il y a des démonstrations scientifiques assez importantes où la création de ce réservoir artificiel a créé un peu plus d'eau et d'humidité, disons, dans la vallée supérieure du Nil. Compte tenu des climats nordiques qui existent ici, il y a un effet, mais qui n'est pas aussi marqué qu'on le pense, je ne crois pas.

M. Soucy: Et par rapport à la question sur l'aménagement du territoire à Salluit?

M. Musy (André): Alors, je vais la mettre à l'écran puis je demanderais simplement au Pr Allard de la commenter, comment surtout on arrive à le vendre aux autorités.

n (15 h 10) n

M. Allard (Michel): Je ne sais pas si on doit vendre aux autorités, mais votre question est extrêmement pertinente. Je dois vous dire que j'en ai parlé, de ces cartes-là. D'abord, elles sont rendues, hein? La municipalité les a en main. L'Administration régionale Kativik les a en main aussi. Puis là on a affaire à deux paliers de gouvernement, un peu comme une MRC puis une municipalité, là. Et ce n'est pas si simple que ça. Et, en discutant avec eux, définitivement, on s'aperçoit que, veux veux pas, la planification du développement d'une municipalité, ça dépasse très souvent, là... Il y a toutes sortes d'impératifs sociaux, économiques, culturels, dans ce cas-là, et, disons même, politiques locaux, là, souvent, qui dépassent la simple notion du qu'est-ce que le sol peut prendre, à quel endroit, etc., et il y a aussi effectivement une complexité sous-jacente à ça, là. Il y a des secteurs, là. Les secteurs qui sont en rouge ou en orange, là, sont des secteurs dans lesquels il y a beaucoup de glace dans le sol. Donc, qu'est-ce que tu fais à cet endroit-là? Il y a déjà des maisons de bâties. Est-ce qu'elles sont en danger? Qu'est-ce que... Tu sais. En même temps, si tu bâtis des plus grosses bâtisses, peut-être que tu devrais changer, comme je disais tantôt, le concept de fondation, et ainsi de suite. Là, il y a un problème effectivement, que, moi, je vois après coup, de transfert de savoir et d'appropriation par les communautés, par les élus et par les gens, les professionnels qui travaillent avec eux.

M. Musy (André): Un commentaire: quand j'ai dit «vendre», je n'entends pas «vendre» en termes financiers. On se comprend. Donc, c'est-à-dire, c'est faire valoir, disons, la carte. Bien évidemment, il n'y a pas une valeur commerciale. Il y en a une certainement, disons, mais l'idée, disons, dans mon expression, c'était de la faire valoir auprès des autorités au même titre qu'on essaie, dans la Côte-Nord, de faire ceci à cause de l'érosion marine. Par exemple, nous avons des projets aussi directs sur le terrain à Sept-Îles, à Percé, aux Îles-de-la-Madeleine où aussi, disons, des procédures d'aménagement du territoire doivent être peut-être mises en place en liaison avec les autorités pour faire valoir ceci auprès de la population. Donc, je tiens tout de suite à faire une petite correction par rapport à la vôtre.

M. Allard (Michel): Je voudrais juste vous dire que finalement je remarque que la principale chose à faire, là, il faut que tu débarques dans une communauté avec un document comme ça, puis que tu t'en vas sur le terrain avec les gens, puis tu leur montres. Ça, ici, vois-tu, tu ne peux pas bâtir là pour telle et telle raison, puis le sol, il est argileux, à tel endroit il est graveleux, puis... Ce n'est pas simple.

Le Président (M. Pinard): Est-ce que les autorités... Parce qu'il y a plusieurs conseillers municipaux, et d'ex-conseillers municipaux, et d'ex-maires à l'entour de cette table. Nous, nous étions assujettis, dans nos municipalités respectives, à un plan d'aménagement avec des normes, des règles, parce qu'avant d'émettre un permis de construction il faut que ce soit conforme. On n'émettra pas ça dans une zone d'éboulis, hein, où le sol est impraticable, là, pour le style de construction. Mais est-ce que ces municipalités-là, dans le Grand Nord, que vous visitez régulièrement, est-ce que ces municipalités-là ont exactement les mêmes pouvoirs que les municipalités du Sud? Est-ce que ce sont les communautés locales qui, par exemple, établissent quelles sont leurs réglementations pour la construction ou si c'est le Nunavik?

M. Allard (Michel): L'ARK, l'Administration régionale Kativik?

Le Président (M. Pinard): Oui.

M. Allard (Michel): Je ne voudrais pas m'avancer trop loin là-dessus et répondre à leur place. Mais d'abord je vous mentionnerai que...

Le Président (M. Pinard): Bien, là, je vous demande ça selon votre connaissance, parce qu'il est entendu que nous allons poser ces questions-là aux autorités en place, parce que ça m'effraie beaucoup, là, de... On a vos cartes, et vous nous dites avec vos cartes: Il y a des endroits, là, stratégiques où on ne devrait absolument pas toucher aux sols.

M. Allard (Michel): Oui.

Le Président (M. Pinard): Et donc, à partir de ce moment-là, est-ce que ces cartes-là sont également disponibles pour ces communautés et est-ce que les élus municipaux peuvent les utiliser? Est-ce qu'ils ont le droit de réglementer en fonction de ces cartes-là?

M. Allard (Michel): Définitivement, oui, de façon comme ça, oui. Mais je vous fais remarquer qu'il n'y a pas, par exemple... Il n'y a pas la propriété privée des terrains là-bas. Donc, les décisions sont plus collectives, des choses comme ça, hein? C'est des décisions qui sont davantage communautaires, de bâtir à tel endroit, à tel autre, et ainsi de suite.

Le Président (M. Pinard): O.K. Mme la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer: Merci, M. le Président. Vous avez complété?

Le Président (M. Pinard): Oui. Oui, oui. Je m'excuse, là, mais on y va d'une façon...

Mme L'Écuyer: Oui, excusez. On pourra en parler demain. Ouranos existe depuis 2002 à peu près ? c'est ça, 2002? ? ...

M. Musy (André): Oui.

Mme L'Écuyer: ... ? avec un budget de 12 millions par année. Je remarque que, dans les partenaires, c'est Hydro-Québec, Environnement Canada, la communauté universitaire. Et, pour faire suite un peu à la question du président: Où est la communauté innue dans le consortium? Ça, c'est dans un premier temps.

L'autre... Quand on regarde un peu les trois programmes: accès du territoire, vulnérabilité des communautés, au Nunavik, au réchauffement climatique... j'aimerais que vous me parliez un peu comment vous avez sensibilisé ou que vous impliquez cette communauté-là sur leur vulnérabilité. Mais on voit aussi que vous avez fait déjà une analyse de Salluit puis...

Une voix: Umiujaq.

Mme L'Écuyer: ...Umiujaq. Vous les avez étudiées en profondeur. Avez-vous les conclusions de ces études-là? Demain, on s'en va rencontrer les communautés. On veut être en mesure, en tant que parlementaires, de les informer correctement. Moi, si quelqu'un me pose la question: Pourquoi ils ne font pas partie du groupe Ouranos, est-ce qu'ils ont été invités ou pas, je veux être capable de leur répondre de façon intelligente. Je veux aussi être capable de leur répondre correctement si on me dit: Il y a déjà deux communautés qui ont été évaluées mais on n'a jamais eu les résultats, et qu'il y a des recommandations qui sortent là-dessus. Je pense que, comme parlementaire, je veux savoir exactement qu'est-ce que je peux répondre à ces gens-là. C'est la même chose, et ça va avec la question du président qui dit: Si on nous montre les cartes et on nous parle: Je ne peux pas me construire là ou pas, je sais que c'est des décisions de communautés, c'est comme ça que les Innus prennent leurs décisions, bien on veut être capables de dire: Vous les avez, ou vous le savez, ou quelque chose comme ça. C'est juste ça. Je ne sais pas si c'est... un ou l'autre qui peut répondre.

M. Musy (André): Donc, de manière plus générale, je répondrai tout d'abord à votre question quant à l'aspect financier. Donc, nous avons des budgets, disons, de 5 millions par année mais, avec ces budgets-là, on va en chercher deux fois plus. Donc, le 12 millions dont vous parlez, c'est un budget total, y compris, disons, les effets de levier, mais ce n'est pas 5 millions, disons, que nous recevons chaque année. Ça, c'est à la première question.

Ma deuxième réponse par rapport à votre demande sur le travail que l'on peut faire avec les communautés locales. Rassurez-vous, elles font partie intégrante des différents projets que nous finançons, et nous n'avons... On a discuté encore plus récemment avec le président du conseil d'administration pour savoir dans quelle mesure une personne, disons, représentant ces communautés-là peut participer à notre conseil d'administration. Donc, au niveau, disons, des projets spécifiques, les projets sont financés et soutenus en partie par Ouranos, mais nous travaillons en réseau, et, dans le cas du réseau, nous avons les populations locales, comme les travaux qui ont été développés par l'équipe du Pr Allard ou bien par le Centre d'études nordiques.

Maintenant, pour la question liée à Umiujaq, là, peut-être, si vous voulez bien répondre.

M. Allard (Michel): Oui, puis je vais compléter cette réponse aussi. Dans les trois volets des projets Ouranos, il y a des représentants de l'Administration régionale Kativik qui sont impliqués, et les communautés autochtones sont particulièrement impliquées dans le volet 3, celui sur l'accès aux ressources, où elles sont carrément partie prenante, et il y a des gens qui travaillent dans ces programmes-là. Ce n'est pas celui que je dirige, là, mais quand même, accessibilité au territoire, là. Il y a même des gens qui travaillent dans cinq communautés, ce qui inclut Umiujaq, Akulivik ? en tout cas je ne ferai pas le tour, là ? George River, et qui prennent des données d'épaisseur de glace, qui font des observations et qui permettent de faire ces... et qui travaillent et qui nous permettent, si vous voulez, de marier le savoir local traditionnel, les connaissances sur l'état de la glace, les connaissances sur les conditions d'enneigement pour les pistes de motoneige, les connaissances sur la traficabilité en canot le long des côtes, en été, là, à cause des tempêtes, qui permettent de marier ces connaissances-là avec les mesures scientifiques qui sont mesurées par les stations météo et qui permettent de faire des relations entre l'épaisseur de la glace puis les degrés-jours de gel, et ainsi de suite. Ils sont activement impliqués de ce côté-là, oui, effectivement.

Je voudrais aussi mentionner que l'étude sur Salluit a été financée par le gouvernement du Québec, hein? Elle a été financée par le ministère de la Sécurité publique du Québec, et l'étude est entre les mains du gouvernement depuis juin 2004, et donc elle est disponible, et que, si jamais vous voulez en lire une version, j'ai un CD dans ma poche, que je pourrais vous donner tout de suite, si vous voulez.

Le Président (M. Pinard): On peut...

Mme L'Écuyer: Je veux juste compléter, ce ne sera pas long. Est-ce que les résultats de cette étude-là ont été déposés aux communautés de Salluit?

M. Allard (Michel): Oui, et à Kuujjuaq et à l'ARK aussi, aux deux niveaux.

Mme L'Écuyer: Et à Kuujjuaq. O.K., merci.

n (15 h 20) n

Le Président (M. Pinard): Je prends bonne note, comme président, de l'offre, et nous l'acceptons. Merci beaucoup, M. Allard. M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. Votre quatrième diapositive, si on pouvait la revoir, la quatrième, où il y avait des courbes, là, concernant le réchauffement climatique, là. Non, pas celle-là, l'autre. En fait, celle qui démontrait la... Exact, celle-là. Alors là, je vais me tourner deux secondes. Alors, 1940 à 1990, les flèches que vous aviez indiquaient donc une diminution. Bien, en tout cas, ce que je me pose comme question, c'est... Si vous aviez fait des projections en 1970 et en 1980, elles auraient été bien différentes de ce qu'on voit par la suite dans le schéma. Alors, ma question, c'est: Vous faites des projections jusqu'à 2100, comment vous faites? Comment vous faites?

M. Musy (André): Merci de cette question qui est très pertinente. Ce qui est représenté ici, ce sont des mesures, et, si on avait eu des mesures depuis 1830 ou 1840, on les aurait représentées là. Mais, si on va rechercher les informations à l'extérieur, là où on a des longues séries, je ne suis pas si sûr, disons, que les flèches que vous voyez de 1950 à 1990 soient vraiment dans le sens positif. Elles étaient, disons, dans le sens, je dirais, stationnaires. Ce qui était très marqué ici, c'est la différence à partir de 1990 où les augmentations de température, de manière systématique, ont été importantes.

Donc, pour répondre directement à votre question, quand on va modéliser notre système, on prend l'histoire, entre guillemets, par rapport aux mesures que l'on a à partir de 1960 jusqu'à 1990, ça, c'est ce qu'on appelle le présent, et puis ensuite, à partir de ça, on va projeter à l'avenir en modifiant les simulations. Donc, si on avait pris la modélisation à partir de 1950 jusqu'à 1970 et puis on aurait projeté pour, je ne sais pas, 50 ans, on aurait obtenu les mêmes résultats.

M. Thériault: Les mêmes résultats que ceux que vous prévoyez?

M. Musy (André): Qu'on obtient aujourd'hui, oui, parce que... Ce graphique est un peu trompeur parce qu'il ne représente que, disons, les mesures qui ont été effectuées. Mais, si on regarde à l'échelle mondiale, si on prend, disons, sur 150 ou 250 ans, eh bien on peut voir qu'il y a une certaine stabilisation de la température jusqu'aux années de 1990 et puis ensuite une augmentation substantielle, ce qui est mesuré ici également.

M. Thériault: Bon. Alors, je comprends bien ce que vous me dites, là, j'ai un petit peu de difficultés à le conceptualiser, mais c'est des mesures réelles, là. Alors là, ce qu'on a là, c'est vraiment, là, de la preuve empirique, là, donc une mesure sur le terrain.

M. Musy (André): Oui.

M. Thériault: Mon questionnement, c'était davantage de dire: Je ne pense pas qu'en 1980... J'imagine, à ce moment-là, qu'en 1980 vous n'auriez pas pu nous dire: Voici, à partir de 1995, oups! il va y avoir une hausse très, très significative. C'était là, ma question. Et donc, à partir de là, je me dis: Il y a cette hausse-là, on ne sait pas s'il n'y en aura pas une autre et une autre. Alors, quand vous faites votre modélisation sur 100 ans encore, la question que je me pose, c'est... Vous me dites: On peut quand même considérer, compte tenu de ce qui se prend comme mesures à l'échelle de la planète, que ce qu'on projette en 2100, ce sera à peu près ce qu'on projette aujourd'hui, mais j'ai de la difficulté à comprendre comment on peut... parce qu'on est dans des projections, les projections donc...

M. Musy (André): Nous sommes dans les projections, vous avez raison, mais nous projetons, compte tenu de scénarios. Les scénarios que nous prenons pour la partie présente, par exemple avec les gaz à effet de serre, c'est la concentration du CO2 qu'on avait, l'ordre de grandeur, en 1990, et, lorsque l'on projette à 2050, on double cette concentration. Donc, on simule le même système, mais avec un doublement de la concentration de CO2 qui a un effet thermique sur l'ensemble du système, et c'est de par ce scénario-là que l'on constate des augmentations de température. Raison pour laquelle je vous dis que, si on avait cadré le système un peu plus petit... de manière un peu plus courte ou un peu plus longue, entre 1970, 1980, 1990, et puis qu'on va projeter 50 ans après avec un doublement du CO2 comme on peut le percevoir jusqu'à l'échelle 2050, c'est ça, le facteur déterminant pour juger, disons, de l'augmentation de température.

Alors, dans les projections... parce qu'aujourd'hui avec les gaz à effet de serre, eh bien, malheureusement, on en a produit suffisamment que, même si on arrêtait d'en produire totalement, on peut prévoir, disons, un doublement de CO2 à l'échelle 2050. Avec Kyoto, les fameux accords de Kyoto, si on les respectait totalement, on n'en mettrait pas plus. Donc, il faudrait éviter d'en avoir pour trois fois ou quatre fois le CO2 en 2100. C'est ça, ce qui explique la différence en augmentation de température surtout par rapport au scénario.

M. Thériault: Autre petite question. Bien, je pense qu'elle est petite, mais peut-être que la réponse implique une plus grande démonstration. J'ai lu à plusieurs reprises et j'ai entendu à plusieurs reprises que le réchauffement est plus grand dans le nord que dans le sud. Quand on dit ça, on dit: Le réchauffement a plus d'impact dans le nord que dans le sud? ou on dit: Il y a vraiment quelque chose qui se passe où c'est vraiment dans le nord qu'il y a réchauffement? Et, à ce moment-là, est-ce que vous avez identifié les raisons de ça?

M. Musy (André): La carte ici, en haut à droite, là, vous montre très bien que le réchauffement des mois d'hiver est beaucoup plus fort dans le nord que dans le sud. La raison, c'est simplement, ce qu'on appelle, en termes scientifiques, à cause de l'albédo. Parce qu'à cause de la couverture du sol... parce que vous avez un sol qui est froid certes, mais il est blanc. Les colons français, quand ils allaient, il y a un siècle et demi, en Afrique, ils portaient un casque colonial blanc et non pas noir précisément parce qu'ils connaissaient déjà l'effet de l'albédo à ce niveau-là. S'il y a un réchauffement climatique plus important sur les pôles, c'est à cause, disons, de l'état de surface, et non pas essentiellement... Raison pour laquelle, disons, par rapport... Ceci, on en prend compte, on prend ceci en considération dans les modèles que nous développons. Donc, il y a nécessairement un réchauffement vers le nord et, vers le nord, ça chauffe plus que vers le sud.

Le Président (M. Pinard): M. le député d'Ungava.

M. Létourneau: Merci, M. le Président. Bienvenue, messieurs. Vous dites dans votre document, en conclusion, que, bon, compte tenu de toutes les transformations majeures dont vous ignorez encore les conséquences particulièrement sur les plans de l'environnement et de la biodiversité, vous suggérez une véritable stratégie de développement durable pour cette région, donc le Nord, et vous parlez aussi, bon, de soutien financier.

Or, on sait que... parce que, moi, j'ai vu une projection que vous aviez faite dans un autre cadre où on voyait, entre autres, à partir du sud des États-Unis, l'impact des émissions de CO2 qui vont un petit peu partout, compte tenu des vents dominants, et jusqu'à la limite septentrionale du Québec, l'impact majeur que ça a. Et évidemment, vous l'avez laissé sous-entendre, vous ne pouvez pas tout faire non plus parce qu'au fur et à mesure que la recherche se développe, bien j'imagine que ça prend des budgets de recherche, des chercheurs particuliers interdisciplinaires aussi, et il y a comme un courant de collégialité, là, qui doit se développer et qui, j'imagine, a besoin aussi de financement.

Alors, compte tenu que ce territoire-là, je dirais, a été un petit peu plus connu qu'il l'était avant, lors des premiers travaux de la Baie-James, donc la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, là où les Inuits ont aussi été impliqués, notamment les Cris, compte tenu que vous parlez d'une analyse spécifique pour le Nunavik dont vous identifiez au nord du 56e parallèle, mais disons le 55e parallèle pour être de bon compte avec les projets hydroélectriques qui sont là ? il faudrait faire aussi la même chose pour tout le territoire de la Baie-James, donc l'impact sur les Cris aussi, ceux qui vivent sur la côte ouest et ceux qui sont à l'intérieur...

n (15 h 30) n

Alors, ma question est simple, c'est qu'avec tout ce chantier-là devant vous, compte tenu des révélations extrêmement importantes pour l'avenir du Québec et pour le territoire et aussi pour les populations qui y vivent... J'ai vu tantôt, en première page ou dans les premières pages, une liste de partenaires financiers ou d'associés que vous nous avez montrée. Est-ce que le financement de votre groupe est annuel ou fait à long terme, moyen terme? Comment ça se présente actuellement? Et, compte tenu de l'importance de ces travaux-là ? parce que ça me concerne notamment parce que c'est ma circonscription ? comment envisagez-vous le financement de toutes ces activités-là en plus de ce que vous faites déjà un petit peu partout dans les autres régions nordiques?

M. Musy (André): Pour répondre de manière succincte, notre financement ? donc, on parlait tout à l'heure de 5 millions, ordre de grandeur annuel ? est assuré jusqu'en mars 1989... qu'est-ce que je dis? 2009. Donc, nous avons un financement consolidé de 2004 à 2009. Actuellement, Ouranos rentre dans une période d'évaluation par le ministère... économique et l'Innovation, et puis ensuite, en fonction du résultat de cette évaluation, il y aura une demande au gouvernement pour savoir si, oui ou non, on continuera l'activité d'Ouranos au-delà, disons, d'avril 2009 pour une deuxième phase de cinq ans ou non.

Alors, ça veut dire qu'actuellement nous travaillons sur des budgets consolidés, ce qui est très bien parce que ça nous donne le temps de réfléchir directement aux problèmes, pas uniquement passer une partie de notre énergie à rechercher des financements. Je trouve que c'est très fort, disons, pour faire nos développements. Mais il n'empêche pas moins qu'il faut réfléchir à l'avenir, et je pense qu'en fonction des résultats que l'on aura obtenus d'ici une année, une année et demie par rapport à ceux que nous avons déjà obtenus jusqu'à aujourd'hui, eh bien, nous pourrons suffisamment démontrer la nécessité non seulement de continuer, mais peut-être de raffermir le financement d'Ouranos.

La question est de savoir d'où vient ce financement. Actuellement, aujourd'hui, les trois quarts du financement viennent du gouvernement de Québec. On pourrait imaginer qu'à l'avenir un financement au moins aussi important ou peut-être plus soit peut-être plus équilibré entre la partie publique, provinciale et fédérale, d'une part, et entre la partie publique et la partie privée. Nous avons déjà pris, disons, des actions dans ce sens-là auprès de différentes sociétés. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre...

M. Létourneau: Oui, oui, oui. Ça va. C'est parce que vous parlez jusqu'en 2009. C'est parce que j'essaie de voir, vous êtes... J'imagine qu'avec les nouveaux chantiers qui se développent ou qui se pointent à l'horizon des prochaines années vous êtes en mesure immédiatement de commencer à travailler sur des projections d'interventions sur le terrain, notamment monter les équipes de recherche, j'imagine. Alors, est-ce que je comprends que ça veut dire que, d'ici 2009, vous ne pourrez pas faire d'autres interventions que celles que vous avez déjà prévues à l'intérieur de votre plan donc 2004-2009 et que, là, on peut penser qu'après 2009, si le financement vous est accordé dans la proportion dont vous parlez, que, là, à ce moment-là, ça pourrait se mettre en marche?

M. Musy (André): Mais nous engageons déjà des projets au-delà de 2009 avec une restriction, parce qu'un projet d'une année est difficile. Un projet de deux ans, trois ans est plus stable. Et c'est difficile maintenant. On a beaucoup de projets, mais il faut les terminer, il faut les valoriser, et peut-être qu'il y en a d'autres à commencer. Par exemple, pas dans le Nunavik, mais dans la partie du Québec, sur la problématique de la santé, sur les aspects socioéconomiques, nous venons de démarrer toute une série de projets sur la santé. Ceux-ci méritent, disons, une certaine consistance, de deux ans, trois ans ou quatre ans. Donc, nous dépassons déjà l'étape de 2009, mais avec le principe de précaution en termes financiers, car nous sommes conscients de la partie financière, d'une part, mais nous sommes aussi conscients qu'il faudra travailler pour la bonne cause, d'autre part.

Le Président (M. Pinard): Alors, MM. Allard et Musy, je vous remercie infiniment au nom des membres de la commission. Vos propos ont su nous enrichir passablement. Alors, merci. Et j'inviterais le Centre d'études...

M. Grondin: ...

Le Président (M. Pinard): Mon Dieu! M. le député, il va falloir que vous me signifiiez ça plus rapidement.

M. Grondin: Il me semble que j'avais...

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi. Je vous l'accorde, M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Suite à ce que j'ai vu... Vous n'avez pas besoin de me les remontrer, là, mais vos plans d'urbanisme, là, vu que je suis un ancien maire, je me demandais de quelle manière ces gens s'alimentent en eau dans un sol qui est gelé, comment les conduites d'eau peuvent fonctionner là-dedans.

M. Allard (Michel): Actuellement, l'eau, dans ce village-là puis dans la majorité des villages, l'eau est transportée en camion, elle est livrée aux maisons. En fait, dans le cas de Salluit, c'est un cas un petit peu particulier, mais je pourrai vous l'expliquer aussi. Mais généralement ils ont une source quelque part, un lac, plus fréquemment une rivière dans laquelle ils vont puiser l'eau. Ils remplissent un camion-citerne. Le camion fait le tour des maisons. Chaque maison a un réservoir d'eau à l'intérieur et chaque maison a aussi une fosse septique à l'intérieur. Ça fait que vous avez deux camions: un camion qui remplit puis un camion qui vide, qui fait le tour continuellement.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, messieurs. Et j'inviterais, sans plus tarder, M. Bégin, du Centre d'études nordiques, de bien vouloir se présenter. Nous allons suspendre quelques secondes.

(Suspension de la séance à 15 h 35)

 

(Reprise à 15 h 37)

Le Président (M. Pinard): Chers collègues, je suis heureux de vous présenter nos conférenciers maintenant qui sont M. Yves Bégin, qui est directeur du Centre d'études nordiques, et également M. Michel Allard, qui est professeur. Donc, messieurs, vous nous avez déposé un document, Le changement climatique en cours dans le Nord du Québec. Alors, je vous cède immédiatement la parole, et, suite à votre présentation, il y aura partage avec les membres de la commission. Alors, M. Bégin.

Centre d'études nordiques

M. Bégin (Yves): M. le Président, Mme la députée et MM. les députés, merci beaucoup de nous avoir invités à vous présenter les travaux du Centre d'études nordiques en matière de changements climatiques.

Je suis accompagné aussi d'un ancien directeur du Centre d'études nordiques, Michel Allard, qui a oeuvré longtemps dans le Nord. Il pourra aussi répondre à vos questions. Je vais aborder ceci, ce vaste sujet, par l'illustration. Donc, je vais passer en revue un certain nombre de sujets.

D'abord, permettez-moi de vous présenter le Centre d'études nordiques. C'est un centre de recherche interuniversitaire qui est à l'Université Laval principalement, avec l'Université du Québec à Rimouski et l'Institut national de la recherche, le centre Eau, Terre, Environnement ici, à Québec.

Nous sommes une trentaine de chercheurs qui oeuvrons dans le domaine des sciences naturelles. Surtout, nous étudions les processus reliés au froid dans le Nord-du-Québec principalement, mais aussi à d'autres endroits dans les équivalents altitudinaux en zone méridionale, c'est-à-dire dans les Chic-Chocs, par exemple, dans Charlevoix, donc dans des phénomènes d'altitude, mais aussi des phénomènes semblables qu'on retrouve dans l'Arctique, mais en milieu terrestre.

Vous savez, au Québec, on a quatre centres de recherche qui travaillent dans le domaine nordique. Il y a le Centre d'études nordiques. Le Centre d'études nordiques a été créé en 1961, le 1er janvier, par René Lévesque alors qu'il était ministre des Richesses naturelles à l'époque. Il avait été fondé par Louis-Edmond Hamelin. On a un autre centre de recherche duquel M. Fortier, qui parlera ensuite, est membre ? il a été directeur durant plusieurs années ? c'est le centre Québec-Océan, qui travaille en milieu marin. Le Centre d'études nordiques travaille en milieu continental. Nous avons aussi le centre Nasivvik, qui travaille sur la santé des populations, et le CIERA, qui est un centre qui est dans le domaine des sciences humaines. Donc, le Centre d'études nordiques se concentre sur les changements environnementaux qui s'opèrent dans le Nord. Nous travaillons surtout sur la dimension passée, donc historique, des écosystèmes. Le Centre d'études nordiques a des installations dans le Nord. Nous avons une station de recherche principale, que vous voyez en bas à gauche, à Whapmagoostui-Kuujjuarapik. Donc, c'est le village mixte cri et inuit sur la côte est de la baie d'Hudson.

Nous avons aussi des installations qui nous sont prêtées par la localité de Radisson, un laboratoire maison au bout de la route, donc, à la Baie de James. Nous travaillons aussi avec l'Administration régionale Kativik au lac à l'Eau claire, qui est un site projeté pour un parc. Nous travaillons sur la côte, à Umiujaq aussi dont il a été question un petit peu plus tôt.

n (15 h 40) n

À la rivière Boniface, nous avons là aussi des installations qu'on voit ici, dans la photo centrale, piste d'avion, quelques bâtiments, vous voyez, où on accueille des chercheurs durant l'été, et des installations à l'île Bylot, dans l'Arctique, qui est au nord de la Terre de Baffin, qui est le sanctuaire de l'oie des neiges, l'oie des neiges, vous savez, qui transite par le Québec et qui représente une ressource faunique à saveur économique importante pour le Québec, et finalement à la station de Warden, qui est.... les terres vraiment les plus arctiques du Canada au nord de l'île d'Ellesmere.

Donc, nous gérons ou nous possédons cette infrastructure ? quand je dis «gérons», c'est en collaboration avec les communautés du Nord. Nous avons aussi établi un réseau de suivi instrumental qui est composé de 88 stations, toutes automatiques, mais une bonne partie est reliée par télémétrie pour suivre les conditions climatologiques et d'autres paramètres environnementaux dans le Nord, par exemple suivi des températures du sol, suivi de la croissance des arbres en continu donc à l'aide d'instruments, et, autour de ces sites, nous concentrons nos recherches. Comme vous pouvez voir, tous les points colorés sur cette carte sont des endroits où nous avons un réseau instrumental, et j'y reviendrai un petit peu plus tard, en conclusion.

La structure de l'exposé que je vais vous présenter s'appuie sur les 10 thèmes qui ont été élaborés par un groupe de chercheurs, une quarantaine de chercheurs, qui a livré son rapport en mai 2004, à Reykjavik, lors d'un congrès, en Islande, au terme d'une dizaine d'années de travail. C'est l'Arctic Climate Impact Assessment, donc c'est un groupe d'étude de l'impact des changements climatiques dans l'Arctique qui a été mandaté par le Conseil de l'Arctique, qui est le conseil des ambassadeurs des pays qui ont une façade nordique. Et leur constat en fait se lit en 10 points, et je vais aborder succinctement chacun de ces 10 points ici, dans la structure de l'exposé, qui vous sont un petit peu plus détaillés dans le mémoire que nous vous avons déposé. Évidemment, ce rapport, ce volumineux rapport est disponible aussi sur Internet: ACIA. C'est facilement accessible.

D'abord, le premier constat de l'ACIA, c'est que le climat de l'Arctique se réchauffe à un rythme et selon une amplitude inattendue et supérieure à la moyenne planétaire. La température de l'hémisphère nord, depuis 1900, a augmenté de 0,6 °C, ce qui veut dire un petit peu plus de 0,1 °C par décennie. Ça, c'est en moyenne à l'échelle de l'hémisphère nord, bien qu'il y a, comme on l'a vu tout à l'heure avec M. Musy, de grandes différences régionales, et le Québec fait partie de ces différences. Depuis 1950, la température, dans l'Ouest canadien, Territoires du Nord-Ouest, a augmenté de deux degrés, alors que, dans le Nord-du-Québec, seulement de 0,5 °C.

Le réchauffement, on l'a vu, s'est accéléré depuis 1990. Dans l'Ouest, vous voyez, par l'ensemble de ces graphiques qui montrent différentes tendances, on a une augmentation des températures. C'est aussi le cas pour les régions les plus nordiques du Canada, comme on peut voir ici, à droite, à la station de Alert, dans l'extrémité nord du Canada.

Au Québec, vous avez vu ce graphique un peu précédemment, vous voyez, on a une tendance à la baisse des températures depuis 1950, mais une augmentation depuis l'an 2000. Mais c'est trompeur en effet parce qu'avant cette période, pour la période non instrumentale, on avait le petit âge glaciaire. On ne l'a pas appelé comme ça pour rien, c'est que, dans l'Ouest canadien, dans l'Arctique et aussi dans les Alpes, les glaciers ont avancé. On était dans un contexte climatique beaucoup plus froid que l'actuel et on a énormément de manifestations de ça au Québec, à la fois dans la vallée du Saint-Laurent comme dans les régions nordiques. Mais, pour pouvoir documenter les conditions passées, il faut se tourner évidemment vers les archives naturelles parce qu'on n'avait pas d'installation pour pouvoir mesurer ces changements.

À l'échelle de la période instrumentale, là où on a des données communes sur l'ensemble du territoire, vous pouvez voir que, depuis 1970, en allant du sud vers le nord ? à gauche, vous avez de la forêt décidue, FD ? en allant jusqu'à la toundra, vers le nord, en passant les différentes biozones, on a toujours cette augmentation des températures depuis le début des années quatre-vingt-dix. Donc, c'est vraiment très marqué et c'est à l'échelle du territoire.

Ça se traduit aussi par une somme thermique, c'est-à-dire des degrés-jours. Dans ce cas-ci, ce sont des degrés-jours de croissance, qui sont extrêmement importants pour les processus biologiques. Donc, à chaque fois que la température dépasse 5°, on accumule des unités thermiques, et ça, ça permet une certaine productivité biologique. Les données proviennent des stations qui sont présentées sur la carte, à gauche.

Un cas de figure, prenons celui de Kuujjuaq, que vous allez visiter. Les températures, depuis 1989, vous voyez, ont été légèrement à la hausse et ont tendance à plafonner. Si on prend en compte le diagramme précédent, c'est comme si on était basculés dans un nouvel état thermique. On avait un régime de températures relativement fraîches, et là, maintenant, on est dans un nouveau régime de températures plus chaudes, et là les processus évidemment sont en cours.

Le deuxième constat de l'ACIA, c'est que le réchauffement de l'Arctique a des conséquences planétaires. Vous aurez un exposé, dans les prochaines minutes, du Pr Fortier qui montrera que l'Arctique a une très grande importance dans le climat de la planète, d'abord par la réduction de l'albédo terrestre ? on en a déjà parlé ? et ceci a un effet domino, c'est-à-dire moins de glace, moins d'effet réfléchissant de la lumière, plus d'accumulation de chaleur dans l'Arctique. Et ça répond un peu à la question que posiez un peu tout à l'heure, on a un réchauffement par effet domino et qui aura une incidence sur les régions voisines.

Aussi, les glaciers, comme vous le savez, ont tendance à fondre ? il n'y a pas juste le pergélisol, il y a les glaciers qui fondent aussi ? et ça conduit à la hausse du niveau marin. Mais, dans le Nord-du-Québec, on est en présence d'un relèvement du continent. Vous savez, le continent a été libéré des glaciers et le continent s'élève, si bien que l'érosion côtière qu'on a, comme dans la vallée du Saint-Laurent, on n'a pas ça dans le Nord. Mais il y a d'autres problèmes qui apparaissent comme, par exemple, l'apparition d'écueils, le problème que ça pose pour les ports aussi. Éventuellement, dans les secteurs en pente douce, on a des grandes surfaces qui sont dégagées par suite du relèvement isostatique, mais ça, c'est un tout autre phénomène.

Ça a aussi un effet, le réchauffement de l'Arctique, sur la circulation atmosphérique. On a un exemple ici d'une situation qui se présente en janvier. On a deux situations, une à gauche et à droite. Celle de gauche est une situation froide, celle de droite est une situation chaude. Le H représente les anticyclones polaires, les masses d'air froid arctique qui descendent sur notre territoire à tous les ans, qui nous enveloppent durant l'hiver et qui créent des conditions froides et sèches. Donc, avec un réchauffement climatique, l'anticyclone polaire est affaibli. Il descend plus tard et remonte plus tôt vers le nord. Et, à la marge de cet anticyclone, les dépressions qui nous viennent du sud, surtout du golfe du Mexique, et qui longent les États-Unis, et qui nous arrivent chez nous sont forcées de suivre ce front arctique de ces masses d'air extrêmement froid et lourd, et ces masses d'air, au contact de l'air froid, livrent énormément de précipitations.

Alors, de plus en plus, ces dépressions vont aller vers le nord, ce qui a un effet extrêmement positif dans le Nord, c'est-à-dire au plan des précipitations. On a davantage de précipitations, surtout sous forme de neige, ce qui est en début d'hiver, ce qui est fort avantageux pour la production hydroélectrique. Donc, si on avait eu à produire de l'hydroélectricité dans le contexte plutôt à la gauche du graphique, qui prévalait surtout au XIXe siècle, on n'aurait pas eu autant d'abondance d'eau qu'on en a aujourd'hui pour produire l'hydroélectricité. Mais ça conduit aussi à une très grande variabilité du climat, surtout à de très grands contrastes nord-sud. Il n'est pas étonnant d'avoir des sécheresses dans le Sud, alors que c'est très arrosé dans le Nord, ou l'inverse. C'est simplement une question de circulation atmosphérique que nous impose la présence des masses d'air arctique.

Entre autres conséquences, je parlais de l'hydroélectricité, on fouille dans les archives naturelles et on observe que les niveaux de lacs ont considérablement augmenté. On trouve des arbres morts un peu partout dans les lacs ? des arbres, ça ne pousse pas dans l'eau ? et ces arbres morts sont des témoins de bas niveau du passé. Et on a fait un recensement assez exhaustif de ces bois morts dans le secteur de la Baie de James, là où on produit de l'électricité, et on a une hausse marquée depuis le début du XXe siècle. Donc, quand on parle de réchauffement climatique, il faut parler aussi des changements non seulement au plan des températures, mais au plan des précipitations, et ça, ça a un impact très important.

Troisième constat de l'ACIA, les zones de végétation sont susceptibles d'être considérablement déplacées. Ce qui semble être une vérité de La Palice pour certains est sous l'objet du microscope et de la loupe pour d'autres. Le déplacement de la limite nordique des arbres ? les arbres, ça n'a pas des roulettes, ça ne peut pas se déplacer facilement ? ça répond à des processus biologiques très complexes. Les communautés végétales, on soupçonne qu'elles auront un potentiel de changement, mais tout ça ne peut pas se faire du jour au lendemain. Le régime des perturbations aussi, par exemple par les insectes, l'ordre d'arrivée des insectes, le moment où ils arrivent pour pouvoir défolier les arbres. Par exemple, la tenthrède du mélèze, la tordeuse des bourgeons d'épinette, l'arpenteuse de la pruche, qui sont des espèces défoliatrices, arrivent dans un ordre un peu inhabituel.

n (15 h 50) n

Et les changements phénologiques ? phénologiques, c'est-à-dire le développement saisonnier des organismes ? changent en fonction des températures. Donc, un réchauffement peut rendre certains organismes un peu précoces. C'est à la fois valable chez les animaux comme chez les plantes et aussi sur l'interdépendance entre les deux. Les premiers scénarios montraient que, de par la modélisation climatique, qu'on s'en allait vraiment vers un déplacement des biozones vers le nord. Vous avez ici, par exemple, en vert foncé, la forêt boréale. Avec un doublement CO2, on aurait une forêt boréale qui irait jusqu'à à peu près... très dense, là... pardonnez-moi, plutôt la forêt tempérée qui irait jusqu'au secteur de Matagami. Donc, ça ne peut pas se faire en criant ciseau, mais les conditions climatiques favorables actuellement à la forêt tempérée se retrouveraient jusqu'à la latitude de Matagami. Transposé sur le Québec, certains auteurs stipulaient qu'en effet la forêt tempérée pourrait migrer vers le nord, la toundra forestière disparaîtrait complètement pour laisser place à la forêt boréale.

Et donc ces scénarios, qui peuvent paraître être des scénarios extrêmement optimistes pour l'industrie forestière ou catastrophiques pour les résidents du Nord, sont peu plausibles dans la mesure où on prend en compte les processus physiques et biologiques en cause. La réalité est un peu plus subtile, et c'est là-dessus qu'on travaille au Centre d'études nordiques. On en a un exemple ici, d'une thèse de doctorat de Céline Meunier qui montre que la somme thermique... C'est-à-dire, je vous montrais tout à l'heure le cumul de chaleur qui permet, par exemple, à un arbre de produire des graines. Pour que les graines deviennent viables, ça prend 800 degrés-jours. Et la limite de 800 degrés-jours, dans les scénarios climatiques que nous a présentés M. Musy tout à l'heure, se déplacerait au Québec d'environ 200 à 300 km vers le nord. Vous pouvez le voir par les lignes rouges ici, dans un scénario jusqu'en 2069. Donc, dans un tel contexte, les épinettes ne se mettront pas à se déplacer, mais les épinettes en place vont avoir suffisamment d'unités thermiques pour produire des graines viables et, à ce moment-là, de se reproduire par graines. Et par ce processus, avec l'effet domino que ça peut représenter, la forêt boréale pourrait se densifier, à la condition évidemment que le régime des perturbations n'ait pas changé. Et ça, ça veut dire que c'est peu probable parce qu'on risque d'avoir des étés secs et beaucoup plus de feux. Donc, dans un contexte comme ça, il y aura une bonne régénération après feux, mais on aura des forêts très jeunes à cause d'un cycle de feux très court.

L'ACIA nous dit que la diversité, l'aire de répartition et la densité des populations animales seront grandement affectées. Certains animaux ont une capacité de migration extraordinaire, même insoupçonnée chez certains animaux comme, par exemple, le renard roux. Le renard roux, qui était confiné au sud, a migré vers le nord en l'espace de quoi, d'une cinquantaine d'années et rejoint l'habitat du renard arctique. Je prends cet exemple ici, mais il y en a d'autres à d'autres échelles. Prenons l'exemple des populations de poisson. Les poissons qui se retrouvent en eau plus chaude de quatre, cinq degrés vont avoir tendance à migrer vers d'autres habitats et se retrouvent dans l'habitat parfois de leurs prédateurs ou de leurs proies. Donc, les communautés, de cette façon, vont être considérablement changées.

Mais il y a énormément de zones grises. Vous avez ici une image d'un troupeau de caribous du Nord. Vous savez, on abrite la plus grande population de caribous au monde ? c'est 900 000 têtes, c'est quand même énorme ? et le plan de gestion actuel des populations est soumis à un terrible inconnu qui est le changement climatique. L'effet du climat direct sur l'animal n'est pas très clair, parce qu'on doit passer par toute une série de cascades de processus qui doivent l'affecter, mais, par contre, entre autres facteurs, c'est les changements de son habitat qui sont en cause. Le caribou, avec un nombre de 900 000, est capable de détruire son propre habitat grenier. C'est comme si on vidange complètement le frigo de la maison, et c'est ce qui est arrivé entre les années soixante-dix et les années quatre-vingt-dix. Avec cette surpopulation de caribous, il ne reste presque plus de lichen à beaucoup d'endroits dans le Nord. Donc, vous imaginez que, dans un contexte où on aurait une neige abondante, une neige molle surtout, puis sa motricité est vraiment réduite, donc une cascade d'événements comme ça pourrait avoir un effet sur les populations. Mais, encore là, il faudrait étudier ces questions, qui ne sont pas encore documentées.

Ce qu'on connaît, c'est l'aire de répartition du caribou ? ça a été daté, étudié en détail ? et l'état de la dégradation, comme vous pouvez voir dans la zone brune, ici, du troupeau de la rivière George. 25 000 km² sont complètement détruits par l'animal, alors qu'on a une zone plus modérée autour. Mais, dans sa migration, le caribou est vraiment affecté. Il y a des processus hivernaux, des processus estivaux. Disons que, dans l'été, le caribou est grandement affecté par les insectes. Donc, si les insectes migrent vers le nord et s'il y a un effet positif sur les populations d'insectes, le caribou pourrait en subir les conséquences. Dans l'aire d'hivernage, la motricité dans la neige étant difficile pour le caribou, si l'épaisseur de neige augmente, ce qui est d'ailleurs projeté par les modèles, le caribou devrait avoir des difficultés. Des croûtes de glace, par exemple, dues à des réchauffements épisodiques durant l'hiver pourraient avoir une influence sur sa mobilité et éventuellement causer des mortalités massives, dont certaines sont de source inconnue, comme par exemple le crash de 1984 dans la rivière Caniapiscau.

Deux autres points de l'ACIA: l'instabilité climatique pose des risques importants en zone côtière ? M. Musy en a déjà parlé un peu tout à l'heure ? la mobilité des autochtones est grandement affectée par ces changements-là. Il y a des cas de mortalité dans le Nord reliés à des tempêtes soudaines. Donc, ces événements climatiques extrêmes sont de plus en plus fréquents, de plus en plus inattendus. Vous avez entendu parler de canicule à Kuujjuarapik, il y a très peu de temps, deux jours à 37°. C'est déroutant pour un Inuk qui vit dans le Nord, comme ce l'est autant pour une personne qui vit à Montréal. Mais on a un plan d'urgence pour les gens de Montréal, mais on n'en a pas pour les gens de ces régions-là. Mais, si ce genre d'événement est plus fréquent, évidemment ça devient des phénomènes tout à fait inhabituels. Changements dans le régime de la formation de la glace marine et aussi en zone continentale qui posent des problèmes de mobilité. Vous êtes un Inuk, vous avez à vous déplacer pour accéder aux oies, la glace n'est pas formée, vous ne pouvez pas traverser. Donc, les activités traditionnelles sont compromises.

Le septième point, le pergélisol, on en a abondamment parlé. La carte à laquelle faisaient allusion les collègues du ministère des Transports est la suivante, vous la voyez ici: zone de pergélisol continu en A, en haut, où le pergélisol peut atteindre une profondeur de 500 m, me dit mon collègue spécialiste; la zone de pergélisol discontinu, dans laquelle le pergélisol peut avoir une épaisseur de 25, 30 m dans les dépôts meubles; le pergélisol sporadique, il est surtout présent dans les dépôts d'argile et aussi les tourbières; et enfin le gélisol, ce sont les endroits où le sol dégèle à tous les ans.

Je passe rapidement sur les questions de Salluit, je pense que vous en avez entendu abondamment parler. Vous allez visiter ce village, vous voyez tout de suite ce que ça représente. L'étude de Salluit a été amorcée en raison... Au départ, ce qui a déclenché cette étude-là, c'est un glissement de terrain qui a eu lieu le 5 septembre 1998. Vous pouvez voir, les encerclés sont des endroits où il y a eu des glissements de terrain. Il y en a un qui a affecté une zone habitée. Il y a eu une vingtaine de maisons qui ont dû être déplacées à cause de ça. Là, évidemment, les pratiques de construction doivent être complètement revues. Il y a des tassements reliés au dégel, de la fissuration due au regel. Évidemment, les canalisations sont affectées par ces mouvements, donc mauvais drainage, érosion par les cours d'eau qui, par suite du dégel évidemment, peuvent s'élargir, créer des mares plus importantes, etc.

Les observations de mon collègue Michel Allard et de son équipe ici présents montrent que, depuis le début des années quatre-vingt-dix, le pergélisol s'est grandement réchauffé. Ici, selon la profondeur, vous avez des profils de température. La ligne verticale noire indique 0°. Tout ce qui est à gauche est gelé, tout ce qui est à droite est dégelé. Vous voyez très bien, par l'amalgame des courbes à gauche, que, par rapport à la courbe rouge, la courbe rouge montre un net réchauffement dans l'ensemble des stations du Nord.

En milieu naturel, évidemment ces phénomènes-là se lisent dans le paysage. Vous voyez ici une mare de thermofusion. C'est un endroit où il y avait une butte autrefois, elle a dégelé, puis aujourd'hui c'est une mare; les arbres sont tous morts. Et ça a été étudié par un collègue et son équipe, Serge Payette qui, durant trois décennies, a fait des relevés à tous les 10 ans, dans une tourbière située à l'est d'Umiujaq, sur la côté est de la Baie-d'Hudson. Et vous voyez ici, à partir des photographies aériennes, en 1957, ensuite 1973, 1983, 1993 et 2003, une cartographie faite directement sur le terrain, donc des suivis sur le terrain, toujours par les mêmes personnes, des gens assidus. Vous avez, en deux couleurs différentes, les palses, qui sont les parties de tourbières gelées dans lesquelles il y a des lentilles de glace. Vous voyez tout de suite que ça se dégrade à vue d'oeil. Entre 1957 et 2003, on passe de 8 900 m² à 75 m² dans une même unité ? donc, c'est des preuves éloquentes d'un changement dans ces conditions-là, dans lequel la neige joue un rôle important ? et ensuite les mares. Vous voyez, c'est un milieu qui se transforme en mares.

On a ici une vue aérienne oblique en 1973 et la même vue en 2003. Donc, vous voyez, dans les secteurs ciblés ? vous avez ça dans le rapport qui vous a été déposé ? on voit vraiment un changement très éloquent. Une autre image qui montre ces changements entre 1957 et 2005, dans la photo de droite, vous voyez, on a souligné en vert les nouvelles mares apparues dans un secteur où on suit le pergélisol de façon continue, à l'aide d'instruments. On a des équipes, l'équipe du professeur Allard ici présent qui travaille là tous les étés et qui suit ces changements. Donc, ça nous permet de documenter ce qui se produit dans les sols gelés, même en marge des villages. Donc, vous avez une vue rapprochée ici du site dans lequel on a un pergélisol fondant.

n (16 heures) n

Le huitième point soulevé par l'ACIA, c'est l'augmentation du rayonnement UVB, qui affectera les humains, les plantes et les animaux. Vous savez, le rayonnement UV est un rayonnement naturel qui vient du soleil. Il est produit dans les hautes couches de l'atmosphère, c'est-à-dire à la base de la stratosphère. Il a été depuis longtemps sous l'oeil attentif des scientifiques dû à l'émission massive de chlorofluorocarbures qui empêchent, inhibent la formation de l'ozone terrestre, et, grâce au Protocole de Montréal, on a réduit les émissions, et elles sont à peu près actuellement à 1/8 de ce qu'elles étaient il y a à peine 15 ans.

Mais le phénomène continue encore de nous affecter, et ce qui se produit, c'est qu'avec le réchauffement climatique et l'effet de serre terrestre la chaleur est confinée dans la zone de la troposphère, et, juste à la base de stratosphère, les températures ont diminué. Il se forme des cristaux de glace à très basse température, et, à la surface de ces cristaux de glace, l'ozone se dégrade. Et, sur la base de cette dégradation, on reçoit davantage de rayonnement UV, parce que l'ozone filtre ce rayonnement UV qui arrive à la surface. Alors, ce qui se produit ? je vais vous donner un exemple ? dans les secteurs ? je vais prendre l'exemple du pergélisol ici, mais ça pourrait être dans tous les lacs ? la lumière arrive et la lumière est filtrée. Et cette lumière, lorsqu'elle est filtrée, le rayonnement d'ondes longues, qui est de la chaleur, reste en surface, et le rayonnement d'ondes courtes va plus en profondeur. Donc, les couleurs bleues et le rayonnement UV vont en profondeur. Donc, la surface du lac se réchauffe, et le rayonnement UV arrive en profondeur. Le rayonnement UV provoque des mutations, même chez les micro-organismes, qui affectent l'ensemble de la chaîne alimentaire. Dans le cas de la surface, ce qui veut dire qu'il y a beaucoup de rayonnement chauffant, ça a un effet vraiment sur les températures de surface des eaux, donc un impact sur le milieu aquatique qui est quand même très important.

Neuvième et dixième points de l'ACIA. Les effets cumulatifs donc des nouvelles conditions exacerbent les phénomènes naturels. Là, évidemment, les systèmes naturels, il y a une loi naturelle qui dit qu'ils prennent énormément de temps à se construire et très peu de temps à se détruire. Prenez un glacier, ça prend des milliers d'années à se construire mais quelques années à se détruire, à fondre. Le petit âge glaciaire nous a produit des conditions froides pour créer le pergélisol, et, en l'espace d'à peine une décennie, le pergélisol fond à vue d'oeil. Un changement climatique, par définition, c'est une cascade de processus qui est difficile à saisir, donc ça prend des études. On est toujours à l'étape des études. On fait les études sur le terrain pour le comprendre, surtout comprendre ses impacts aussi et comment ils opèrent dans le milieu naturel. Et, une fois qu'on comprend bien le système, on arrive à les modéliser et essayer de faire une projection vers le futur. C'est ce qu'on fait dans le cadre du consortium Ouranos.

Les communautés du Nord sont affectées par un changement économique et social. Ça, c'est évidemment un constat à l'échelle circumpolaire mais qui s'applique tout à fait au Québec. Dans le Nord du Québec, près de 40 000 personnes selon Statistique Canada 2004. On dit ? d'ailleurs, c'est toujours selon Statistique Canada ? que 70 % ont moins de 25 ans et 60 %, moins de 20 ans. C'est quand même des chiffres éloquents. On a 10 200 Inuits au Québec répartis en 14 villages, 13 799 ? il y en a peut-être 14 900 aujourd'hui ? répartis dans neuf villages et 16 000 Jamésiens. Donc, dans le contexte de tous ces changements, les dimensions sociales sont très importantes.

En guise de conclusion ou de prospective, j'irais rapidement en cinq points. D'abord, nous sommes des centres de recherche universitaire qui menons de la recherche dans le Nord, et souvent on nous pose la question: Comment faites-vous pour transférer votre savoir aux communautés? Alors, on le fait projet par projet. C'est extrêmement difficile parce qu'on doit toujours, dans chaque projet, prévoir le financement pour pouvoir se déplacer. Aller faire un tour à Kuujjuaq pour présenter aux Inuits là-bas, bien chaque billet d'avion va nous coûter 2 200 $. Alors, on est en panne, on n'a pas de financement pour permettre la mobilité. Et il est plus facile de travailler dans l'Arctique canadien, au Nunavut, grâce à un financement de Ressources naturelles Canada, que de travailler dans le Nord du Québec parce que ces déplacements sont subventionnés par le fédéral. J'irais travailler à Pond Inlet, ça me coûterait moins cher qu'aller travailler à Kuujjuarapik. Donc ça, ça peut répondre à une partie des questions. Quel effort on peut faire pour transférer des informations? C'est extrêmement difficile en raison d'une mobilité difficile.

Les programmes intersectoriels, interdisciplinaires, on en a un extraordinaire au Québec, c'est Ouranos, qui est encouragé par le gouvernement du Québec. Il faut maintenir ça. C'est le moyen par lequel, nous, universitaires, pouvons travailler ensemble et, à ce moment-là, servir les intérêts du Québec.

Le troisième point, c'est l'infrastructure dans le Nord. Nous avons une infrastructure de recherche bâtie, bon an, mal an, comme les stations de recherche que je vous ai présentées, mais on a un mal fou à les entretenir et à les maintenir, nos stations de recherche. Par exemple, simplement notre station de Kuujjuarapik, pour la raccorder aux égouts municipaux, là il faut trouver 200 000 $. Il faut aller fouiller dans les coffres de l'université pour trouver 200 000 $ ? vous savez que l'Université Laval est en déficit, ce n'est pas facile ? parce qu'il n'existe aucun programme d'infrastructures pour ce type d'établissement là. Donc, faire de la recherche dans le Nord, il y a ce genre d'implication.

Enfin, le suivi climatique dans le Nord est assuré par à peine sept stations d'Environnement Canada, quelques stations d'Environnement Québec et un réseau de 88 stations mises en place, bon an, mal an, par des universitaires. Je pense qu'on aurait avantage, au Québec, à faire un sérieux effort pour installer un réseau de suivi à long terme. On s'interroge sur les effets des changements climatiques, mais de quelles données dispose-t-on, là? Vous avez vu les données tout à l'heure, c'est des données d'Environnement Canada.

Enfin, on a une occasion unique dans les deux prochaines... D'ici, deux ans, c'est l'Année polaire internationale, qui a été décrétée par l'ONU. L'ONU, à tous les 50 ans ? ce n'est pas moi; à tous les 50 ans ? a décrété qu'on aurait une année polaire internationale. La prochaine, c'est de mars 2007 à mars 2009. Et il existe un programme canadien, un programme de l'Alberta, un programme du Yukon, un au Nunavut, mais il n'y a pas de programme au Québec. Mais la masse critique de chercheurs la plus importante se trouve au Québec. C'est quand même étonnant. On a une occasion unique, c'est 50 000 chercheurs de 65 pays qui vont travailler ensemble sur des problématiques nordiques. Je voulais simplement porter ça à votre attention. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, M. Bégin, M. Allard. Et, sans plus tarder, nous allons immédiatement vous lancer quelques balles, et j'inviterais le député de Portneuf à la saisir.

M. Soucy: Merci, M. le Président. Effectivement, on nous a lancé plusieurs balles, mais ce n'est pas là-dessus, moi, que je veux intervenir. Vous êtes le troisième à nous présenter des résultats scientifiques d'études, et puis tout le monde fait à peu près le même constat, c'est qu'en 1990 on note soudain une augmentation des températures. Est-ce qu'on a été capable d'identifier, à travers, j'imagine, une multitude de possibilités, les potentialités des raisons qui ont fait en sorte qu'en 1990 on a connu des hausses de température pour le moins vertigineuses? Question: La liste pas trop exhaustive, là, des causes de ces augmentations de température là.

M. Bégin (Yves): En fait, la cause ultime de l'accélération de cette augmentation des températures ? je dis bien de l'accélération de cette augmentation des températures ? si on se place à l'échelle de l'hémisphère, est pointée par tous les scientifiques ? et ça, c'est bien documenté à l'échelle mondiale ? comme étant l'augmentation de l'effet de serre terrestre. Ce qui est moins bien documenté et qui fait l'objet aujourd'hui d'études, ce sont les fameux effets domino dont j'ai parlé, c'est-à-dire dans quelle mesure cette augmentation atteint des seuils critiques qui font en sorte qu'on bascule dans un nouvel état climatique. Et ce nouvel état climatique, c'est toujours la moyenne en fait des conditions atmosphériques qui vont prévaloir en un lieu, et ces conditions climatiques qui prévalent en un lieu dépendent de la circulation atmosphérique.

Donc, vous savez, dans les patrons de circulation atmosphérique, on a déjà eu dans le passé des crises climatiques. Je vais prendre l'exemple du Dust Bowl, qui est une période extrêmement sèche qui a caractérisé les Prairies. On pouvait avoir à peu près ça d'épais de poussière sur les maisons. C'est une période qui, entre 1933 et 1937, a été caractérisée par une stagnation des masses d'air polaire et qui a engendré un passage des dépressions beaucoup plus à l'est que la variabilité naturelle. Et, à la même période, de par les archives naturelles que nous avons ici, les niveaux de lacs en particulier, on avait tout à fait le contraire. On a des niveaux de lacs records dans l'histoire, du moins que nous enseignent les archives naturelles. Donc, ça, on appelle ça une crise climatique. En Europe, par exemple, on a eu les fameuses sécheresses des années soixante-dix.

n (16 h 10) n

Bon, dans tous les cas, on doit faire référence à la circulation atmosphérique. Et là, d'effet en cause, on remonte: Qu'est-ce qui peut causer une stagnation de la circulation atmosphérique? Chez nous, on a tendance à se tourner vers l'Arctique parce que la force des anticyclones arctiques est telle qu'elle contrôle en quelque sorte le jeu des dépressions et le passage des autres masses d'air. Et là il faut se tourner dans l'Arctique, et là la question pourrait être posée à celui qui va passer après moi: Qu'est-ce qui se passe dans l'Arctique pour que ces changements-là se produisent? Donc, c'est une question souvent de bilan thermique. C'est que, recevant plus d'énergie, l'Arctique, à ce moment-là, construit moins de déficit de chaleur en hiver, et, à ce moment-là, l'anticyclone arctique est moins puissant. Donc, c'est un effet de cascade comme ça qui est difficile à saisir. C'est pourquoi d'ailleurs on doit modéliser le climat pour essayer de comprendre comment ça fonctionne.

M. Soucy: Merci beaucoup.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Masson.

M. Thériault: Le questionnement qui me venait à l'esprit, vous avez dit: Bon, on est toujours en train de mesurer historiquement les données, c'est-à-dire que ce qu'on est capables de vous dire, c'est toujours a posteriori. Moi, ce que je me pose comme question, c'est: Peut-on, avec des modélisations de ce qui se passe a posteriori, intervenir dans le présent en termes d'adaptation, hein? Parce que c'est ça, le défi, au fond. Je pense que tout le monde s'entend, sauf exception, à Ottawa, qu'il y a un réchauffement de la planète, qu'il y a un réchauffement climatique, qu'il faut intervenir. Ce que ça va créer, on peut le projeter en fonction de certains phénomènes qu'on a pu voir et observer, mais c'est quoi, le temps d'adaptation nécessaire? À quel moment on peut, à partir de ce que vous nous dites, dire: Voici, dans cinq ans, dans 10 ans, dans 12 ans, il faudra arriver à faire telle, ou telle, ou telle chose ou opter pour telle ou telle solution? Donc, le temps d'adaptation... Est-ce qu'on est en mesure, par exemple, ici, au Québec, de dire: Regardez, là, il y a une tendance, là, et, en termes d'adaptation, voici les solutions qui s'imposent ou qui devraient faire l'objet de recherche, ou d'étude, ou etc., là? Et là je ne parle pas des infrastructures de transport. Je ne sais pas si vous saisissez mon questionnement, c'est de dire: Si on est a posteriori, comment peut-on faire de la prospective, avoir un regard prospectif sur l'adaptation nécessaire qu'on doit faire?

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Bégin ou Allard.

M. Bégin (Yves): Bien, au plan de la connaissance du climat, M. Musy vous a en partie répondu tout à l'heure. Un modèle, c'est quoi? C'est la meilleure connaissance et la somme de ces connaissances-là qu'on met dans la même boîte pour essayer d'être capable de la projeter dans l'avenir. Ça veut dire que, si je tourne une vis dans un sens puis je tourne l'autre vis dans l'autre sens, qu'est-ce que ça va donner. Ça, quand on fabrique un modèle, on peut arriver à faire une projection. On connaît la physique, la physique complète du système et on arrive à en faire un modèle qui nous permet de l'expliquer. Ce modèle ne va être valable que dans la mesure où on peut l'appliquer bien sûr au futur ? c'est ça qui est intéressant d'essayer de voir qu'est-ce qu'il y a dans le futur ? mais il va être aussi valable si on arrive à l'appliquer au passé, c'est-à-dire que j'arrive à me faire une compréhension du système et je l'applique sur la connaissance que j'ai du passé. Et, dans ce cas-là, de façon rétrospective, si, avec le modèle, j'arrive à reproduire le passé, bien je ne devrais pas être dans l'erreur. Bon, ce faisant, j'ai une bonne compréhension grâce à un modèle, je vais connaître le climat.

Maintenant, les impacts. À partir du modèle, je vais arriver à dire, si j'ai telle, telle, telle nouvelle connaissance, comment je vais pouvoir m'adapter. Je vais prendre l'exemple de la forêt boréale. On a vu tout à l'heure que ça prenait 800 degrés-jours, au-delà de 5 °C ? et ce que les agronomes connaissent bien, 800 degrés-jours ? pour que l'épinette noire, qui est la principale espèce commerciale au Québec, produise des graines viables. Donc, en termes d'adaptation, ça veut dire que, si j'ai un scénario de changement climatique qui me dit qu'à une probabilité de 95 %, dans une région donnée de forte production forestière, je n'aurai pas besoin de planter parce que je peux miser sur une régénération naturelle, surtout après les feux, à ce moment-là j'aurai donc une mesure d'adaptation dans mon plan de gestion de la forêt. Ce qu'il faut faire, c'est de bâtir le meilleur corpus de connaissances à la fois sur le climat et à la fois sur les processus qui mettent en cause nos actions comme l'extraction des ressources, etc., et ensuite les marier ensemble pour en arriver à faire une projection intelligente vers le futur. Et la difficulté, c'est ça actuellement, là, c'est de faire ces maillages-là.

M. Thériault: Je saisis bien la question de la modélisation, mais vous comprenez très bien que le climat, dans la tête des gens qui écoutent la météo à tous les jours, c'est quelque chose qu'on subit, hein, c'est quelque chose qu'on subit. Alors, moi, ma préoccupation, c'est comment passer du subir à l'action, c'est-à-dire comment passer du subir à l'anticipation, et aux prises de décision, et à l'adaptation. Je pense que c'est ça, le défi, parce que tout le monde est là en train de subir, mais au fond il me semble que... Alors, si vous me dites: Ça nous prend encore plus... on doit répertorier plus d'études pour pouvoir avoir de meilleures modélisations, de meilleurs modèles, bien, déjà, on a là l'aube d'une solution, là. Mais je vous laisse là-dessus, là.

M. Allard (Michel): Oui. Je pense que votre question est très pertinente, parce que vous allez voir, dans votre voyage, les gens vont vous dire que, eux autres, ils le vivent, le changement climatique. Parce que cette hausse rapide qui probablement n'aurait pas pu être modélisable en 1980, la question que vous avez posée tout à l'heure, là, qu'on a connue dans les années quatre-vingt-dix a... c'est ça que les gens vivent actuellement. C'est ça qui fait qu'on a commencé à avoir des déformations de routes, des déformations d'aéroports, c'est ça qui fait que les hivers... Parce que le réchauffement qu'on a décrit, il est surtout en hiver, il est beaucoup plus en hiver qu'en été. C'est ça qui fait que les hivers sont plus courts, c'est ça qui fait que quelques personnes sont déjà mortes parce qu'elles ont passé à travers la glace. Et la question est: Qu'est-ce qu'on fait maintenant? Peu importe ce que les modèles nous disent pour le futur, il y a des actions à prendre probablement dès maintenant.

Et là-dessus je vous donne raison, moi, et je pense que c'est beaucoup dans les façons de faire, hein? On ne changera pas le pays, de la façon qu'il est fait, il est fait comme il est là, là, mais on doit commencer à changer les façons de faire, les façons de planifier les villages, les façons d'organiser les secours pour... les façons d'avoir des méthodes pour... ou des mesures d'urgence plus près pour sauver les gens lorsqu'ils sont mal pris, des nouvelles mesures d'éducation pour les gens pour qu'ils puissent appréhender... pour que la jeune génération, qui a perdu l'habitude de la chasse et de la pêche, puisse commencer à utiliser des nouveaux moyens modernes, des GPS, des systèmes d'information, des choses comme ça pour s'adapter au nouvel environnement qui est en train de changer. C'est juste quelques pistes que je vous dis comme ça, là.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Les changements climatiques, là, ce n'est pas nouveau. Si on se rappelle, ici, au Québec, si on recule de 3 000 ans, on était dans une ère glaciaire, on était sous la glace. C'est sûr que ça a été peut-être plus lentement, mais c'est sûr qu'on aimerait ça savoir l'avenir. Mais, après le réchauffement, le Nord-du-Québec versus... Comment est-ce qu'on dirait? Le pôle Nord, le pôle Sud, est-ce que ça se réchauffe à la même... Est-ce qu'ils ont les mêmes problèmes au pôle Sud? Dans le pôle Sud, si je pense en Argentine, les glaciers qu'il y a là, est-ce qu'ils fondent à la même vitesse qu'au pôle Nord, ici, au Québec?

M. Bégin (Yves): Ce qu'on a observé jusqu'à maintenant, c'est que le réchauffement dans l'hémisphère nord est plus rapide que dans l'hémisphère sud, mais il y a le même phénomène.

M. Grondin: Pourtant, dans...

M. Bégin (Yves): Les glaciers fondent dans les Andes, là, de façon drastique.

M. Grondin: D'après moi, c'est autant industrialisé dans le Sud que dans le Nord.

M. Bégin (Yves): Ça, c'est l'effet de serre planétaire, là, l'effet de serre planétaire qui a un effet. On note le détachement de plateformes de glace dans l'Artique mais aussi en Antarctique. Ce sont des phénomènes qui sont d'ailleurs bien couverts par la presse. À chaque fois qu'il y a une grande plateforme de glace qui se détache, on voit apparaître ça dans les journaux. Donc, ces phénomènes-là sont vraiment planétaires maintenant. Mais l'hémisphère nord s'est réchauffé plus rapidement que l'hémisphère sud jusqu'à maintenant, probablement pour des raisons de circulation atmosphérique, aussi d'abondance de l'eau. L'hémisphère sud est beaucoup plus couvert par les océans que l'hémisphère nord. Mais je pense que mon collègue Louis Fortier serait mieux en mesure que moi de répondre à ces questions.

n (16 h 20) n

M. Grondin: On peut-u mettre le doigt sur... C'est quoi qui nous cause tous ces dommages-là? Est-ce que c'est juste la pollution atmosphérique? Est-ce que c'est... À un moment donné, ils nous parlaient d'un trou dans... Comment est-ce qu'ils appelaient, ça, là?

M. Bégin (Yves): La couche d'ozone.

M. Grondin: La couche d'ozone. Le trou est-u réparé aujourd'hui? Tu sais, quand ils nous parlaient de ce trou-là à la couche d'ozone, on avait des coupables, mais là, aujourd'hui, est-ce qu'on a des coupables à identifier ou bien si c'est juste l'être humain qui est coupable?

M. Bégin (Yves): Le coupable identifié dans tous les rapports que vous trouverez à l'échelle de la planète, c'est l'homme: l'homme et sa pollution, l'homme et son aménagement, l'homme qui se place dans des positions de vulnérabilité aussi vis-à-vis des phénomènes naturels qui peuvent avoir cours. Ils peuvent être exacerbés aussi par le changement climatique. Donc, si l'homme occupe des milieux sensibles... Bien, écoutez, on a 14 villages dans le Nord. Ils sont tous en zone côtière, des zones venteuses, bon. Vous voyez, si on se place dans des situations à risque, on vit avec. Mais est-ce qu'on va déménager tous les villages du Nord pour les amener dans le Sud? Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne, là.

Le Président (M. Pinard): M. le député d'Ungava.

M. Létourneau: Merci, M. le Président. Bienvenue à monsieur. Ça me fait penser, ce que vous dites, à... Pendant des années, au Québec... Moi, ça fait 25 ans que j'habite dans le Nord-du-Québec. Alors, pendant des années, pendant 25 ans, moi, j'entendais, suite à la Convention de la Baie James et du Nord québécois, qu'au nord du 49e parallèle vous pouvez retracer des cartes, tout ça, c'était décrété TNO, territoires non organisés. Et c'était 55 % du territoire québécois. Alors, les gens ne s'occupaient pas de ça. Pendant des années, là, le jalonnement minier, par exemple, pour parler de développement économique, était exclu de ce territoire-là parce que c'était un territoire pour identifier du développement hydroélectrique.

Et il ne faut pas s'étonner aujourd'hui que ça prenne du temps avant que les gens comprennent ce que c'est que ce territoire-là. Moi, je ne pense pas être bien vieux, mais on m'a enseigné la géographie avec des cartes tronquées du Québec où ça allait à peu près à Mont-Laurier ? vous êtes géographe, là, vous vous rappelez de ça; mais à peu près à Mont-Laurier ? et il y avait un petit carré dans le bas de la carte qui était tout le reste du Québec qui était condensé là-dedans. Actuellement encore, dans certains ministères, on a ce type de carte là, alors c'est un peu normal que, dans l'imaginaire québécois, les Québécois ne se soient pas encore approprié toute cette dimension spatiale et territoriale. Et, moi, je vis avec ça à chaque jour, mais évidemment, grâce à des gens comme vous, avec la pertinence de vos travaux, l'instrumentation que vous avez et aussi le cumul des travaux aussi... Je voyais tantôt, là, sur 30 ans, les travaux de... je pense que c'est M. Payette ou quelqu'un... C'est ce qu'il faut faire, mais malheureusement on est encore bien jeunes. Ça va être tant mieux pour les générations qui suivent, mais c'est un peu le problème qu'on a à l'égard du territoire majoritaire en termes de superficie du Nord-du-Québec.

Mais, moi, bon, ce n'est pas de ça que je voulais vous parler, mais il reste que je pense que ça allait dans ce sens-là, c'est important de le situer aussi au plan historique pour que les collègues, lorsqu'ils seront en situation de discussion, entre autres avec les Inuits qui occupent ce territoire-là depuis pas mal plus longtemps que le reste des Québécois, qu'ils puissent échanger à cet égard-là en ayant ça en tête.

Mais vous avez parlé de l'Année polaire, moi, ça m'a tiqué un peu, l'Année polaire internationale décrétée par l'ONU en 2007-2008. Effectivement, la science nordique du Québec prend de plus en plus d'importance. Vous êtes de plus en plus présents dans les milieux de recherche internationaux. Est-ce que... Bon, un, je voudrais savoir, dans le reste du Canada, qui est concerné actuellement, là, qui est mis au parfum de l'organisation de ces manifestations-là ou celles qu'il y aura éventuellement? Un. Et, deux, est-ce que vous avez des pistes de solution à peut-être... ou des pistes de recherche, ce n'est pas nécessairement de solution, mais à communiquer aux membres de la commission, et peut-être même des éléments de discussion qui pourraient être élaborés avec les gens, les habitants du Nunavik lors du séjour des membres de la commission, qui pourraient faire en sorte que le Québec puisse prendre sa place, à tout le moins, qu'il soit informé de ce qui se passe actuellement?

M. Bégin (Yves): L'Année polaire internationale, vous savez, au Canada, ça a été un des premiers pays à se commettre. Il y a 65 pays d'impliqués actuellement; il y en a une douzaine qui ont décidé de financer. O.K.? Et l'entente, c'est qu'il va y avoir... C'est une année de recherche. O.K.? C'est une année répartie sur les deux années polaires pour couvrir l'hiver polaire dans les deux hémisphères. Il y a un comité directeur canadien qui a été créé, et le gouvernement fédéral a annoncé une injection de 150 millions sur six ans. O.K.? Ça va commencer l'année précédant l'année polaire, donc en 2006. Donc, en principe le concours est lancé, on va avoir les résultats au début décembre. Et plusieurs autres organisations ont déjà commencé à mettre des sous là-dedans, là. Comme, par exemple, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie a investi 6 millions pour 12 projets qui sont financés, et ça a été annoncé récemment.

Bon, ceci dit, c'est un effort de recherche vraiment multisectoriel, multidisciplinaire et multiorganisationnel. Les universitaires dominent bien sûr, parce que les grands centres de recherche, surtout sur le Nord et même sur l'Antarctique, sont des centres de recherche universitaires surtout. Ils ont aussi, dans leurs groupes, des chercheurs gouvernementaux, donc de tout acabit.

Il y a énormément de Québécois d'impliqués là-dedans. Donc, les centres de recherche comme celui auquel participe M. Fortier, qui vous parlera tout à l'heure, sont impliqués là-dedans, nous sommes impliqués là-dedans, les gens de santé, et souvent les grands réseaux comme ArticNet, dont il sera question, sont aussi impliqués là-dedans, très engagés en matière de recherche.

Donc, on a une capacité de recherche extraordinaire, et elle est surtout même au Québec. Il y a énormément de... La masse critique du Québec est enviable de ce point de vue parce que nous avons structuré la recherche en équipe depuis fort longtemps par rapport à d'autres organisations d'autres provinces canadiennes. Donc, il y a une force au Québec qui existe dans ce sens-là, mais on ne s'est pas donné de programme, il n'y a pas de programme gouvernemental, par exemple, pour encourager cet effort-là. Nous sommes des chercheurs qui sommes financés par, au plan de l'infrastructure, le Fonds québécois de recherche sur la nature et les technologies, mais curieusement notre budget, qui est étalé sur six ans, qui va arriver en renouvellement dans deux ans, on va avoir une baisse d'à peu près un dixième de notre budget au moment où l'Année polaire internationale va commencer, pour des raisons de calendrier au sein du ministère qui nous finance.

Mais, ceci dit, il y aurait eu lieu, et je crois qu'il y a encore lieu, au Québec, en termes de solution, d'avoir notre propre programme, comme d'autres provinces en ont, programme qui d'ailleurs devrait impliquer fortement les populations du Nord, parce qu'il y a eu quatre centres régionaux qui ont été créés, dont un à Kuujjuaq. Vous allez arriver à Kuujjuaq, au sein de la Société Makivik. Il y a un centre de l'Année polaire internationale. Il y a une personne qui est engagée spécialement pour travailler dans ce centre-là, au Centre de recherche du Nunavik. Et eux préparent un programme, disons, pour leur région, mais leur difficulté, c'est d'avoir un financement pour pouvoir mener leurs activités.

Donc, quand on parlait d'activités de maillage, disons, là, où on peut vraiment assurer des transferts de connaissances, ces occasions-là comme l'Année polaire, c'est des occasions extraordinaires. C'est des occasions aussi de démarrer d'autres programmes de recherche. Donc, au Québec, il y aurait un effort à faire dans ce sens-là parce que la masse critique est chez nous. Donc, on doit constamment se tourner vers le fédéral pour ça, mais évidemment avec tous les problèmes que ça peut présenter parfois.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Tremblay: Mon collègue a posé la question que je souhaitais.

Le Président (M. Pinard): D'accord. M. le député de Masson, une dernière?

M. Thériault: Oui. J'aimerais vous entendre décrire ce qu'on voit à l'écran. Tantôt, on a réagi par rapport au petit ours, là, en dessous du parasol, mais il me semble que ça aussi, ça parle pas mal. Mais j'aimerais ça que vous puissiez me dire...

M. Bégin (Yves): ...un peu, puis je vais laisser mon collègue Michel Allard vous l'expliquer.

M. Thériault: Décrire ça puis nous dire c'est le fruit de combien d'années, ça, là, puis...

M. Allard (Michel): Ça, ce n'est pas une photo du Québec, ça. Mais on en a un peu au Québec, ce seront des polygones de toundra. Tout le long des réseaux de chenaux que vous voyez là, il y a des coins de glace. Le sol craque au gel en hiver, ça dessine un réseau de polygones. Et actuellement c'est une photo de début d'été, là, il y a beaucoup d'eau dans le réseau. Et, ce réseau-là en particulier, on l'a étudié à notre station de l'île Bylot, il s'est formé sur une période de 3 500 ans.

M. Bégin (Yves): La photo du bas, c'est une photo du Québec. C'est la photo du lac à l'Eau claire, là, où on a un projet de parc, à l'est de la baie d'Hudson. C'est un lac d'impact météoritique double, là. Vous regarderez sur une carte du Québec, c'est le deuxième plus grand lac naturel du Québec, 1 270 km².

n (16 h 30) n

Le Président (M. Pinard): Tout à l'heure, si vous permettez... Tout à l'heure, on a parlé de cartes, on a parlé de cartes qui pourraient être mises à la disposition des autorités. Est-ce que votre centre de recherche, là, d'études nordiques, est-ce qu'il a fait des travaux sur les 14 villages qui composent la communauté inuite au nord du 55e parallèle?

M. Allard (Michel): Oui. En fait, sur 12.

Le Président (M. Pinard): Il y en a 12 qui ont été étudiés?

M. Allard (Michel): Oui, puis on achève la cartographie. Évidemment, Salluit avait déjà été fait dans le cadre d'un projet spécial...

Le Président (M. Pinard): D'accord.

M. Allard (Michel): ...parce qu'il était plus difficile.

Le Président (M. Pinard): Alors, vous avez fait la cartographie?

M. Allard (Michel): On achève la cartographie, les cartes sont dessinées. C'est dans notre projet Ouranos-communautés, là, en partenariat avec l'Université Laval, et ce sont des cartes de dépôts superficiels à grande échelle, de 12 communautés. Les deux qui sont exclues, là ? c'est plus facile de nommer les deux exclues ? c'est Kuujjuarapik, où il n'y a pas de pergélisol, et Kuujjuaq, qui est très grand et qui était un morceau un peu trop gros à avaler pour le budget qu'on avait. Mais on achève les cartes de 12 communautés... des autres, effectivement des 11 autres.

Le Président (M. Pinard): Alors, si, moi, j'étais maire, par exemple, de Salluit, qu'est-ce que je retrouverais sur ces cartes?

M. Allard (Michel): Actuellement, on cartographie les affleurements rocheux, les zones en gravier, en sable, et de même que les zones au sol instable, les sols argileux qui contiennent de la glace, les sols mal drainés. On fait une carte de ce genre de terrains là, et, par-dessus ça, là, à l'étape qu'on est rendus, c'est qu'on met une couche supérieure, là, puis on essaie de réaliser un zonage avec ça: ce qui est bâtissable, ce qui n'est pas bâtissable.

Le Président (M. Pinard): En fonction des sols?

M. Allard (Michel): Oui, pour le pergélisol. Puis là, à mon avis, ça va être préliminaire, parce que plus on étudie, plus on trouve d'autres problèmes, puis il y a des problèmes méthodologiques aussi. Mais effectivement on est déjà en mesure de fournir à plusieurs communautés une carte de base.

Le Président (M. Pinard): Est-ce que votre travail s'est rendu dans les différents ministères? Je pense aux Transports, je pense, par exemple, au ministère de l'Environnement, je pense au ministère des Affaires municipales, à l'habitation.

M. Allard (Michel): Oui. En fait, on est en train de faire le travail. Il va être fini dans le courant de l'automne, mais, déjà, quelqu'un qui veut une carte d'un village quelconque, là, on peut la lui produire. Je peux vous dire qu'on se réunit assez souvent. Par exemple, cet été, on a eu deux réunions de plusieurs ministères: une organisée par la Sécurité publique, le ministère de la Sécurité publique, à Montréal, au mois de mai, en anticipation de l'été qui s'annonçait, pour savoir si on allait... En fait, on suivait les températures, on suivait le climat pour savoir s'il n'y aurait pas eu lieu, à un moment donné, d'émettre un avis si on avait vu qu'il y avait un risque, ce qui ne s'est pas avéré nécessaire. Mais il y a eu un mouvement d'alerte au gouvernement du Québec, cet été. Il y a eu un état de préparation qui a été atteint à la suite d'une réunion au mois de mai. On a eu une autre réunion le 15 août. Dans ce cas-ci, c'était l'initiative de la Société d'habitation du Québec. Et, à pratiquement toutes ces réunions-là, les gens d'à peu près tous les ministères intéressés du Québec viennent et aussi les gens de l'Administration régionale Kativik. Donc, il y a quand même pas mal d'échanges de connaissances, d'échanges de savoir, de mises à jour entre les gens des différents ministères au Québec, et Ouranos, et l'Université Laval, et tout le monde qui est intéressé, quoi.

Le Président (M. Pinard): Peut-être une dernière question si mes collègues me le permettent. Il y a de l'information qui circule actuellement sur le fait que différents groupes miniers construisent leurs routes pour se rendre des lieux où ils font des tests de sols, et tout ça, à la mine principale, et semble-t-il qu'il y aurait lieu de regrouper certaines routes d'accès parce qu'il y aurait des dommages énormes qui seraient causés au sol, à la faune, à la flore et surtout, là, au territoire. Est-ce que vous avez été en mesure de constater cette multitude de routes, semble-t-il, entre les différents propriétaires de mines, différentes compagnies minières? Et est-ce que vous êtes favorables à une solution préconisée, tel que, par exemple, forcer les compagnies à utiliser les mêmes routes?

M. Allard (Michel): M. le Président, je ne les ai pas vues, je ne suis pas au courant, mais j'ai l'impression que, oui, ça se passe, là, et la seule installation que j'ai visitée, c'est l'installation qui est en opération présentement, là, la mine Raglan...

Le Président (M. Pinard): La mine Raglan.

M. Allard (Michel): ...qui, elle, fait ses efforts particuliers, là, et pour les autres, je ne suis pas au courant, mais je vais juste vous réitérer ce que j'ai dit un peu tantôt, dans d'autres contextes. Tout ça nécessite maintenant une planification et vraiment qu'on travaille maintenant, là, sur toutes les études environnementales adéquates, les études géotechniques adéquates, parce qu'autrement, effectivement, sans plan organisé, on va aller dans des problèmes à gauche, à droite, un peu partout, qui vont...

Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, messieurs, merci infiniment, et vos propos ont su enrichir les membres de la commission.

Alors, je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 36)

(Reprise à 16 h 42)

Le Président (M. Pinard): Alors, madame, messieurs, permettez-moi de vous introduire M. Louis Fortier, qui est directeur scientifique du groupe ArcticNet inc. et que je suis très heureux de rencontrer cet après-midi, et sûrement que, tout comme le Centre d'études nordiques, ou Ouranos, et le ministère des Transports, vous saurez sûrement nous donner des informations qui sont requises, nécessaires pour d'abord, un, d'une part, rencontrer les communautés nordiques au nord du 45e parallèle, mais également pour les entretenir de sujets particuliers à leurs conditions et que nous, de la population du sud du Québec, souvent ce sont des sujets qui n'ont pas eu beaucoup d'intérêt, sauf et excepté que, depuis que nous sommes membres de la Commission des transports et de l'environnement, bien nous sommes de plus en plus sensibilisés à ce qui se vit, et suite également aux discussions que nous avons eu le privilège d'avoir avec le député d'Ungava qui nous a bien mis au fait de certaines problématiques qui se vivent dans le Nord. Alors, M. Fortier, nous allons vous écouter religieusement, et par la suite j'espère que vous avez l'occasion d'accepter notre litanie de questions.

ArcticNet inc.

M. Fortier (Louis): Merci, M. le Président. M. le Président, Mme la députée, MM. les députés, je vais essayer d'être bref parce que quand même l'après-midi s'étire. Je n'ajouterai pas grand-chose à ce que mes collègues ont dit sur la problématique des transports dans le Nord, dans le Nord-du-Québec. Je vais plutôt essayer, à la demande de la commission, de faire un rappel de la situation générale, répondre à des questions qui sont revenues à plusieurs reprises, les questions, par exemple, du député de Masson, sur les changements climatiques exactement, où est le coupable, qu'est-ce qu'on peut faire, comment on peut s'organiser pour s'arranger. Donc, mon objectif, c'est vraiment de vous donner une vue d'ensemble qui va donner un décor, si vous voulez, un background à ce que mes collègues ont dit. D'ailleurs, si on y avait pensé, on aurait peut-être changé l'ordre des présentations.

Je ne m'attarderai pas trop sur ArcticNet, seulement pour mentionner que c'est un réseau de centres d'excellence du Canada, donc une structure qui ressemble un peu à Ouranos mais à l'échelle du fédéral, du Canada, et avec des budgets similaires, mais qui s'intéresse à l'ensemble du monde arctique maritime, si vous voulez, côtier, au Canada, incluant le Nunavik évidemment.

Donc, si on revient un peu sur ce qui se passe à l'heure actuelle, on a parlé beaucoup de modélisation. Et il faudrait rappeler qu'un modèle c'est essentiellement un immense programme d'ordinateur qui essaie de reconstruire la planète, l'atmosphère et l'océan et de comprendre comment le climat fonctionne et de reconstruire le climat sur les 10 ou 20 derniers milliers d'années et de façon à projeter dans le futur sur 50 ou 100 ans.

À l'heure actuelle, on a peut-être une trentaine, une quarantaine de ces immenses programmes d'ordinateurs qui roulent sur la planète. Et, si on fait une synthèse de leurs prédictions, surtout, si on leur demande qu'est-ce qui va arriver en 2070, par exemple, quand on va avoir deux fois la concentration de gaz carbonique dans l'atmosphère, on voit la situation suivante. C'est-à-dire, les modèles prévoient à peu près n'importe quoi, mais il y a une chose sur laquelle ils s'entendent ? c'est à peu près la seule chose sur laquelle ils s'entendent ? c'est que le réchauffement climatique va être plus important dans l'Arctique, dans le Nord, et que ces effets-là vont se décliner progressivement plus près de l'Équateur, de façon moins intense. Donc, vous avez ici une vision arctique du monde, c'est-à-dire une vision polaire de la planète avec, au centre de l'image, sur la droite... Le pôle Nord est à peu près ici, donc le Groenland. Le Québec commence ici. Et on voit comment l'atmosphère devrait se réchauffer de plusieurs degrés en 2070.

En fait, ce que les modèles nous disent déjà, c'est que ce réchauffement-là devrait avoir eu lieu, devrait avoir commencé à l'heure actuelle, devrait avoir commencé depuis à peu près une vingtaine d'années. Et, si on regarde effectivement les données, cette fois-ci, ce ne sont pas des modèles, mais vraiment des observations à partir de satellites. On voit encore notre vue polaire, et plus c'est rouge... On évolue dans le temps, hein? On est rendu en 1985, 1986. Plus c'est rouge, plus c'est chaud par rapport à la normale. Plus c'est bleu, plus c'est froid par rapport à la normale.

Une voix: ...

M. Fortier (Louis): Ah bon! Ce qui est un peu embêtant. En tout cas. Là, si c'est comme ça, ça va mal aller. Mais disons que, pour faire une histoire courte... Je vais vous tourner l'ordinateur, mais vous n'allez pas voir grand-chose de plus. Mais on voit qu'à la fin de la série temporelle en question on se retrouve avec du rouge à la grandeur en 2003-2004.

Et ça a été la même chose en 2004-2005. Il a fait très chaud. Donc, la basse atmosphère de l'Arctique s'est réchauffée comme prévu par les modèles et en fait s'est réchauffée un peu plus vite que ce que les modèles les plus conservateurs prévoyaient. C'est plutôt les modèles pessimistes qui semblent être vérifiés.

Et, en 2005, bien la situation, comme vous le savez tous, a été encore plus extrême avec un réchauffement sur l'ensemble de la planète et surtout un réchauffement qui a été extrêmement intense aux latitudes arctiques. Donc, on voit, sur cette carte-là, que c'est surtout dans le Nord, autour du pôle, que ça s'est produit.

Une des conséquences immédiates de ça, en fait ce qui est prévu par tous les modèles climatiques, c'est que la banquise au-dessus de l'océan Arctique devrait disparaître rapidement. Cette banquise-là couvre environ 15 millions de kilomètres carrés en février. Donc, on voit comment elle s'étend sur une bonne partie de l'Arctique. Et ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'elle fond à tous les ans en partie. Elle fond jusqu'à devenir à son minimum en septembre, environ 7 millions de kilomètres carrés.

Et ce que les modèles prévoient, c'est que cette banquise-là devrait disparaître progressivement, devrait déjà avoir commencé à se réduire. Et là j'avais encore un petit film formidable que vous ne verrez pas. Je suis vraiment désolé, c'est une question de technologie. Mais, si on regarde l'étendue de la banquise en question au mois de septembre ? donc ça, c'est pour l'ensemble de l'océan Arctique ? on voit qu'elle est passée, à la fin des années soixante-dix, à environ 7,5 millions de kilomètres carrés. Et on est rendu, en 2005, à 5,5 millions de kilomètres carrés, soit une perte d'à peu près 25 % à 30 %.

Et ce qui est un peu inquiétant, c'est que, depuis quelques années, depuis le début des années 2000, tel que prévu par les modèles en question, il semble y avoir de moins en moins de banquise. Et on avait un déclin qui était linéaire, comme on le montre avec la courbe en bleu. Mais, depuis quelques années, il semble que ça s'accélère, ce déclin-là. Et ça aussi, c'était prévu par les modèles. On peut voir aussi 2006. En 2006, les données commencent à rentrer, là, les données de septembre 2006. On est encore en septembre 2006. Mais ce qu'on prévoit, c'est que 2006 va être au moins aussi... je ne dirais pas catastrophique, mais inquiétant que 2005.

n (16 h 50) n

Donc, les modèles prévoient que cette glace-là devrait... la disparition de la glace devrait s'accélérer en réponse à l'augmentation des gaz à effet de serre par ce qu'on appelle l'effet d'albédo. Donc, l'effet d'albédo, c'est qu'évidemment la glace, à l'heure actuelle, joue le rôle d'un miroir, si vous voulez, qui réfléchit vers l'atmosphère le gros de la radiation solaire. Mais, au fur et à mesure que cette glace-là disparaît, elle est remplacée par de l'eau verte, de l'eau bleue qui, elle, absorbe de la radiation solaire, ce qui fait que plus ça va, moins il y a de glace, plus l'eau absorbe de chaleur; plus l'eau absorbe de chaleur, plus la glace fond, et là vous voyez le cercle vicieux qui s'installe, et on craint que cet effet-là d'albédo soit en train de se développer et que, très rapidement, la banquise disparaisse au-dessus de l'océan Arctique. Donc, c'est important d'essayer de se donner un aperçu, de faire un peu de futurologie, de voir qu'est-ce qui va se passer exactement.

Si on reprend nos données de banquise, qui sont certainement un des baromètres les plus importants dont on dispose, si on prend les données actuelles et qu'on pense que la tendance linéaire qu'on voit dans les données jusqu'à maintenant va se poursuivre, c'est seulement en 2080 que l'océan Arctique va se libérer complètement de son couvert de glace en été. Donc, on n'a pas à s'inquiéter, ça va arriver, mais ça n'arrivera pas si vite que ça. Il nous reste peut-être un siècle pour se préparer.

Mais, si on pense qu'il y a vraiment une accélération du phénomène, que l'effet d'albédo est en train de se développer, bien là ça pourrait arriver en 2020, entre 2020 et 2030. Donc, il nous reste beaucoup moins de temps pour se préparer. Et ça, ce n'est pas seulement la disparition de la banquise, c'est le basculement de l'ensemble du climat de l'hémisphère nord qui va se produire à ce moment-là.

Et certains chercheurs, qui, malheureusement pour nous, sont ceux qui se sont révélés les plus exacts dans leur futurologie, dans leurs prédictions, anticipent, en tenant compte non seulement de la réduction de l'étendue de la banquise, mais également de son épaisseur, si on tient compte de son épaisseur qui disparaît encore plus vite que son étendue, ces chercheurs-là anticipent qu'en 2015 ? en fait, ils disent 2001, mais, moi, ça m'effraie tellement que j'aime autant dire 2015 ? donc entre 2010-2020, l'océan Arctique pourrait se retrouver complètement libre de glace pendant quelques semaines en été. Et ça, évidemment, ça va avoir des conséquences énormes.

Maintenant, ce qui nous inquiétait, ce qui, comment dire, nous consolait ou nous réconfortait un peu jusqu'à maintenant, c'est qu'en hiver, jusqu'à récemment, il ne se produisait pas grand-chose, c'est-à-dire que la banquise de 15 millions de kilomètres carrés ne changeait pas tellement, à chaque année, elle se reformait jusqu'à 15 millions de kilomètres carrés. Donc, on se disait: Bien, il y a de l'espoir, ça se peut que les choses changent, mais donc il y avait une diminution du couvert hivernal mais pas aussi impressionnante que la diminution du couvert estival.

Et, depuis 2005-2006 ? là, vous allez en entendre parler énormément dans les journaux, à la radio, à la télévision bientôt ? ce qu'on a constaté, c'est qu'il y a eu une décroissance très rapide, en 2005 et 2006, du couvert de glace hivernal aussi qui a perdu à peu près 14 % en une année, en fait en deux années, alors qu'il avait perdu jusqu'à maintenant à peu près 2 % par décennie, par 10 ans. Donc, les choses ont l'air de changer aussi en hiver, et ce qui est très inquiétant, c'est que c'est la banquise pluriannuelle, c'est-à-dire cette banquise qui demeure d'une année sur l'autre, qui forme en fait le noyau central au-dessus de l'océan Arctique, c'est cette banquise-là qui semble être en train de disparaître très rapidement. Donc, on voit un exemple ici de banquise pluriannuelle qui est différente, hein, de la banquise, qui est beaucoup plus résistante, qui peut atteindre en fait 3 m d'épaisseur mais jusqu'à 10 m d'épaisseur, qui est beaucoup plus résistante que cette banquise annuelle là qui fond à chaque année.

Donc, en 2005 et en 2006... Là, c'est une carte qui est un peu difficile à voir, mais c'est encore une vue polaire avec le Québec, ici. En 2005-2006, ce qu'on a observé, c'est qu'en plein coeur de l'hiver, au mois de janvier, il y a eu des pénétrations par les cyclones qui sont de plus en plus fréquents, une pénétration d'une masse d'air chaude beaucoup plus importante que d'habitude au coeur de l'océan Arctique, qui a fait fondre à peu près 50 % de la banquise pluriannuelle sur toute cette région-là. Ça représente, ça, des modifications, des indices supplémentaires qui montrent qu'on est en train vraiment d'atteindre un point de rupture et que, là, le climat de l'hémisphère nord va se mettre à changer très, très rapidement, la banquise va finir de disparaître d'ici peut-être une vingtaine ou une trentaine d'années. Donc, on pense vraiment qu'on a atteint un point de rupture.

Ceci m'amène à conclure, là ? ce qui était mon objectif aujourd'hui ? que le dégel de l'Arctique est bien réel. Ce que vous avez entendu jusqu'à maintenant pour le Nord-du-Québec, ce n'est que le début dans le Nord-du-Québec. Mais, si on monte plus au nord, c'est très bien engagé... bien, enfin, très bien... c'est malheureusement très bien engagé, et on se dirige vers un basculement rapide du climat.

Ça, ce sont des observations, et ces observations-là, comme je le disais en introduction, correspondent aux prévisions des modèles climatiques les plus pessimistes. Et vous allez voir que le rapport du GIEC, le Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat, qui va sortir en 2007, va être assez inquiétant, va vraiment rappeler aux gouvernements, aux preneurs de décision qu'il est plus que temps d'agir, d'en arriver à des solutions.

Donc, c'était mon objectif, là, rapidement de vous montrer que la situation commence d'abord dans les hautes latitudes arctiques, ça descend vers le Sud. C'est commencé dans le Nord-du-Québec, évidemment, mais on peut s'attendre à ce que ça se développe et que ce soit beaucoup plus important dans le reste du Nord-du-Québec. Parce qu'on a utilisé la banquise comme un élément... comme notre baromètre, mais c'est évidemment un élément parmi un faisceau de preuves du basculement du climat de l'hémisphère nord. Donc, on a parlé de certains de ces aspects-là, mais on a plusieurs preuves qui montrent que les choses sont en train de s'accélérer.

Donc, je vais conclure là-dessus, M. le Président, si vous voulez bien. Et puis, évidemment, si vous voulez aborder aussi... j'avais préparé une courte présentation pour aborder ? je ne sais pas si elle est là, mais aborder ? les solutions qui se présentent à notre civilisation à l'heure actuelle non seulement pour s'adapter, hein ? parce que, comme le disait le député de Masson, c'est très important de voir comment on peut s'adapter, et c'est effectivement le mandat principal d'ArcticNet, comment on peut s'adapter dans l'Arctique à ce qui s'en vient ? mais il faudrait voir aussi s'il nous reste encore une chance d'éviter que notre climat s'emballe complètement en prenant des mesures de mitigation plutôt que d'adaptation. Merci.

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup. Alors, écoutez, je pense, là, qu'il n'y a pas de façon... il n'y a pas de retour en arrière, je crois que mes collègues également apprécieraient que vous y alliez immédiatement avec l'exposé sur les solutions ou les pistes de solution que, nous, on pourrait discuter avec ces communautés parce que, là, c'est un coup de massue que vous nous donnez, M. Fortier.

M. Fortier (Louis): Je l'espère bien. Pardonnez-moi.

Le Président (M. Pinard): C'est un cube de glace qui fond très rapidement.

M. Fortier (Louis): Une douche froide.

Le Président (M. Pinard): Mais il est évident que, là, on ne parle plus de 2080 ou 2070, vous, vous nous ramenez ça... Là, on est rendu en 2020, 2015. Mais, écoutez, 2015, c'est à la porte, ça, là.

M. Fortier (Louis): C'est demain.

Le Président (M. Pinard): C'est à notre porte, ça.

M. Fortier (Louis): Oui, oui, c'est presque à l'intérieur d'un mandat de député.

Le Président (M. Pinard): Bien, presque. Donc, depuis le début de l'après-midi, dans le fond, oui, on sait qu'il y a un problème, oui, on le sait, qu'on a quand même du temps, on parle de 2070, 2080. Nous, les os ne nous feront plus mal, là, à ce moment-là. Mais c'est une préparation, préparation des générations qui vont nous suivre à cette évolution-là. Mais, vous, vous êtes beaucoup plus rapide, là, vous nous parlez... Bon. Écoute, là, Claude, en 2015, 2020, là, ne regarde plus la banquise, il n'y en aura plus. À ce moment-là, ça va causer des problèmes excessivement graves à ces communautés. Si on parle qu'il y a actuellement 11 000... bon, on s'entend, là, 10 000, 11 000 personnes, citoyens du Québec qui vivent au-delà du 45e parallèle, ces gens-là, à ce que je sache, là, il n'y a pas d'aluminerie, là, il n'y a pas d'usine, il n'y a pas d'usine de fabrication, ces gens-là ne vivent que de deux choses: de la chasse et la pêche. Mais, la chasse, ils la font aussi sur la banquise. La pêche, qu'est-ce qui va se passer avec le réchauffement?

n (17 heures) n

J'imagine, là, que... Je m'imagine partir de mon comté puis m'en venir à Québec, mais ce n'est plus la même route, puis il faut que je m'en trouve une. Je m'imagine également que la façon que je chasse depuis, depuis des décennies, et que mon père, mon grand-père chassaient, bien ce ne sera probablement plus pareil. J'essaie de voir aussi... Si ma maison est située sur le littoral, avec la fonte du glacier, il va probablement y avoir possibilité d'érosion, augmentation du niveau. Est-ce que je vais retrouver... Si, moi, j'aime manger, par exemple... On sait que les Esquimaux aiment bien manger... je lisais, là, que les Inuits aimaient bien manger une sorte... Bon, enfin, Michel pourrait me dire ça, là.

M. Létourneau: De l'«Arctic char», disons, de la viande crue.

Le Président (M. Pinard): C'est ça, de la viande...

M. Létourneau: ...crue, du poisson.

Le Président (M. Pinard): ...du poisson, puis tout ça, certaines spécialités. Qu'est-ce qui va se passer avec tout ça? Est-ce qu'il y a... À très court terme, vous nous annoncez qu'il y a des risques majeurs, de là ma question que je posais tout à l'heure aux chercheurs. Les cartes, est-ce que ces cartes-là vont nous révéler, demain matin... Est-ce qu'il va falloir prévoir que ces cartes-là vont... devraient empêcher éventuellement toute construction sur le bord du littoral parce qu'effectivement les zones d'érosion... il peut y avoir des affaissements de terrain importants qui pourraient causer des pertes de vie? Vous voyez. Là, là, vous m'avez secoué.

M. Fortier (Louis): Je vous ai secoué? Bon. M. le Président, c'était un peu mon objectif. Évidemment, on ne peut pas, dans une conjoncture comme celle-là, ne pas y aller avec le principe de précaution, c'est-à-dire que c'est certain que la banquise va continuer à se former au moins pendant... jusqu'à la fin du siècle, va continuer à se former l'hiver, là, ce ne sera pas la Barbade, mais c'est certain que tout va changer et que tout a déjà commencé à changer. Et pour les Inuits en particulier, qui vivent à ces latitudes-là, dans le Nunavik et dans le reste du Nunavut, l'Inuvialuit et le Labrador, pour eux, tous ces aspects-là de changement de leur environnement se complexifient par la modernisation, changements dans leur façon de vivre, de se transporter, la nourriture qu'ils mangent, apparition de diabète, apparition de maladies cardiovasculaires. Ce sont des populations qui sont sous un stress social et socioéconomique extrême, avec des taux de suicide effarants, pires qu'ici, au Québec, donc vous pouvez vous imaginer le problème. Et tout ça, il faut... Cependant, moi, j'essaie toujours, après le coup de massue, de dire qu'il y a... c'est sûr que la nature humaine fait qu'on voit tout changement comme nécessairement néfaste, mais, à peu près à chaque aspect du changement, il y a une facette positive.

Vous parliez, par exemple, de la chasse et de la pêche, et ça, les Inuits en sont tout à fait conscients, il y a une lettre qui a été écrite dans le Toronto Star, la semaine passée, où est-ce que la dame inuite, Rachel Qitsualik, expliquait que les Inuits sont extrêmement adaptables, sont capables de s'adapter, qu'ils vont être capables maintenant de profiter... Évidemment que leur chasse traditionnelle va disparaître, mais ça, ça va être remplacé, à assez court terme, par des espèces, des assemblages de l'océan Atlantique et de l'océan Pacifique qui sont plus productifs, par exemple, dans le cas des poissons. Donc, il n'y aura peut-être plus de phoques ou moins de phoques, mais il va y avoir plus de saumons, il va y avoir plus de morues atlantiques, de morues franches, dans les eaux arctiques, et les Inuits vont s'adapter très rapidement à ça. Ils vont certainement en faire leur beurre, comme on dit. Donc, il y a des aspects négatifs, il y a des aspects positifs.

La catastrophe, pour nous, à ArcticNet, notre philosophie, la catastrophe, ce serait de ne pas se préparer à cela, et c'est pour ça qu'on est bien contents de voir des choses comme une commission, dans ce cas-là une commission des transports, qui essaie de voir, d'anticiper qu'est-ce qui va se produire, pour vraiment impliquer les décideurs et impliquer les gens de la place dans les décisions, dans les politiques qu'il va falloir développer.

ArcticNet, notre vision centrale, c'est un Arctique où, grâce à une communication entre les gens de l'Arctique ? au Québec, il y en a à peu près 11 000, dans le reste de l'Arctique, il y a à peu près 60 000 Inuits en tout, donc c'est un petit village, c'est une petite ville, mais ? où un contact entre ces gens-là, qui ont souvent une expertise que, nous, on ne possède pas, et les scientifiques va avoir permis une transition climatique et de modernisation où les impacts négatifs vont avoir été minimisés et les retombées positives vont avoir été maximisées.

Le Président (M. Pinard): Madame.

Mme L'Écuyer: M. le Président, j'ai lu, mais ça fait longtemps, puis j'essayais de me souvenir tantôt dans quelle revue, où il était question de la disparition de la calotte polaire, ce dont vous venez de nous parler, mais que c'était pour avoir un effet très bénéfique parce que le transport maritime pourrait passer par là et que ça économiserait... Bon, d'ailleurs, il y aurait beaucoup de bateaux qui pourraient utiliser cette route-là plutôt que le canal de Panama et, en termes de distance, ça économiserait beaucoup d'argent. Mais tantôt vous parliez de changement. Je me demande: Est-ce que j'ai rêvé ou bien il y a réellement eu des commentaires ou des études qui ont été faits sur la disparition de la calotte polaire, en termes de transport maritime que ça pourrait avoir comme impact, là, le fait qu'il n'y aurait plus... que ça ne serait plus fermé, là.

M. Fortier (Louis): Tout à fait, Mme la députée. Vous n'avez pas rêvé, c'est une des questions les plus importantes à l'heure actuelle au Canada, et ça intéresse aussi le Québec, vous allez voir pourquoi. C'est l'ouverture du passage du Nord-Ouest, en fait de la navigation à travers le passage du Nord-Ouest, ce qu'on recherche depuis près de 150 ans, hein, avec les expéditions de Franklin, et tout ça, c'est découvrir le fameux passage du Nord-Ouest. Ce passage du Nord-Ouest, il est ouvert maintenant, c'est-à-dire qu'on peut naviguer. L'an passé, on aurait pu naviguer à peu près n'importe quel type de navire pendant à peu près quatre semaines dans le passage du Nord-Ouest. Il est à peu près certain... bien c'est débattu, là, mais il est à peu près certain qu'il va y avoir une augmentation sensible du trafic maritime dans l'Arctique canadien, et, au Québec, ça veut dire dans le détroit d'Hudson. On essaie de... En fait, il y a plusieurs compagnies qui prévoient une augmentation du trafic entre l'Europe en particulier, et Mourmansk, en Russie, et Churchill, donc trafic qui va passer à travers la baie d'Hudson et à travers le détroit d'Hudson qui est juste au nord du Québec. Pour ce qui est du trafic intercontinental entre l'Europe et l'Asie via le passage du Nord-Ouest, ça représente effectivement la possibilité d'un nouveau Panama, d'un nouveau canal de Panama mais au Canada, et ça, ça représente à la fois des possibilités de développement économique gigantesques pour les gens qui habitent l'Arctique et aussi des problèmes environnementaux majeurs pour l'écosystème qui va demeurer un écosystème fragile. Parce que ces régions-là évidemment vont devenir navigables, mais ça va demeurer des zones navigables extrêmement dangereuses parce qu'il va y avoir toujours de la glace. Et imaginez un instant un Exxon Valdez, mais au lieu d'être à Prince William Sound, qui a lieu en face de Resolute, comment on se prépare à éponger un dégât comme ça dans l'Arctique.

De la même façon, l'introduction d'espèces exotiques par les eaux de ballast, les eaux de lest des navires. Partout dans le monde, à l'heure actuelle, on voit des floraisons d'algues toxiques qui... Ici, au Québec, on a ça depuis toujours, c'est pour ça qu'on ne peut pas manger de mollusques, de moules naturelles, là, et sauvages dans l'estuaire et le golfe du Saint-Laurent. C'est parce qu'il y a des dinoflagellés, une algue toxique qui s'accumule dans ces organismes-là et qui devient extrêmement toxique, qui tue pratiquement par paralysie, là, immédiatement. Et les habitants du Nunavut, du Nunavik aussi, sont extrêmement friands de moules. Si on introduit cette espèce-là par les eaux de lest dans ces régions-là, ça va être un problème majeur. C'est tous des détails comme ça qui, quand on les additionne, font que les impacts vont être majeurs dans l'Arctique.

Et, nous, on a 27 projets de recherche financés depuis le début d'ArcticNet. Là, on est rendus à 34. On a ajouté sept projets qui sont promulgués, si vous voulez, promus par les communautés inuites. Donc, on a 34 projets... 33 ou 34 projets à l'heure actuelle qui regardent tous les aspects du changement climatique dans l'Arctique et également de la modernisation, comment on peut se préparer, comment on peut produire le savoir qui va permettre aux preneurs de décision, comme la commission, de prendre les bonnes décisions pour éviter les impacts négatifs et maximiser les retombées positives.

Mme L'Écuyer: Merci.

M. Fortier (Louis): Ça répond un peu à votre question du milieu de l'après-midi, M. le député de Masson.

M. Thériault: Ça va.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Montmagny.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): M. le Président, oui, juste... Je m'interroge: le ralentissement de la circulation thermohaline?

M. Fortier (Louis): Vous avez peut-être vu, M. le député, le film The Day After Tomorrow, là. La circulation thermohaline profonde, ça, c'est un terme technique qui veut dire le grand refroidisseur, si vous voulez, le grand... Dans une voiture, on a ça aussi, là, le radiateur, si vous voulez. Donc, c'est le radiateur de la planète qui a deux composantes, une dans l'hémisphère sud et une dans l'hémisphère nord. C'est l'échange de chaleur entre en fait les zones de très haute latitude, comme la mer du Groenland, la mer du Labrador, et il se forme de l'eau extrêmement dense au moment de la formation de la banquise. Cette eau dense et froide là descend jusqu'à l'équateur, remonte à l'équateur, est réchauffée en surface et retourne vers le pôle Nord, si vous voulez. Donc, on a un échange d'eau froide et d'eau chaude, et ça, ça régule l'ensemble du climat de la planète.

À l'heure actuelle, cette circulation thermohaline profonde là est en train de se ralentir, de s'arrêter, et ça va amener encore là une accélération, une amplification du réchauffement de l'hémisphère nord. Mais ça, ce n'est peut-être pas pour demain, là, c'est peut-être pour... non pas en 2020, 2030, mais peut-être à la fin du siècle, en fait peut-être dans 300 ou 400 ans, là. J'aurais dû mettre un point d'interrogation sur ce point-là.

n (17 h 10) n

Une voix: On a un encouragement, là.

Le Président (M. Pinard): Messieurs?

M. Thériault: Un commentaire.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Masson.

M. Thériault: Bien, c'est un commentaire, parce que vous donniez l'exemple de la contamination par les algues en ouvrant la route maritime. Je me disais: Ce serait quand même assez aberrant, comme civilisation, qu'à partir du moment où nous-mêmes avons produit l'effet dont on discute depuis le début de l'après-midi, à savoir la pollution qui entraîne le réchauffement climatique, on continue dans la même veine en termes de façon de voir l'avenir et qu'on dise: Bien, voilà, on continue encore dans la ligne du développement économique. Profitons-en, profitons donc des effets positifs du fait qu'il y a un effet négatif.

Et, moi, plutôt que de me rassurer, ça m'inquiète un peu parce que, de tout temps, si on en est là aujourd'hui, c'est qu'en quelque part il n'y a pas eu de vision de développement durable, et le développement durable qu'on a essayé de promouvoir à travers le temps, ça a été le développement économique, un point, c'est tout, hein? Et cela est aussi vrai qu'on pourrait regarder à quel âge on meurt, tu sais. Avec tout ce qu'on a comme sciences, tu sais, je veux dire... On est capables d'envoyer un bras mécanique dans l'espace, réparer un satellite pour qu'on puisse voir la série mondiale en direct, mais on a de la difficulté à adapter notre environnement au fait... et avec tout... On ne meurt plus d'un petit microbe aujourd'hui, hein? On meurt d'une maladie fort complexe, qui est liée avec plein de facteurs et de déterminants de la santé, cancers et autres.

Alors, ça m'inquiète beaucoup, parce que j'ai beau croire en l'être humain, je sais que vous aurez éventuellement un rôle à jouer dans ce que vous allez nous montrer comme décisions à prendre, c'est-à-dire l'éventail de décisions que vous allez mettre sur la table. Les scientifiques ne sont pas neutres, la science n'est pas neutre. La science est... On a l'impression souvent que la science est neutre, mais elle ne l'est pas. Et donc où vont loger les gens? D'où l'intérêt de peut-être faire en sorte que la science puisse être au moins autonome, dans ses recherches, dans son financement, pour qu'elle puisse nous mettre sur la table des pistes de solution qui ne sont pas entachées ou altérées par des intérêts économiques à court terme. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Fortier (Louis): Au début de votre intervention, M. le député de Masson, vous avez mis le doigt exactement sur le problème, hein? C'est que l'homme, à l'heure actuelle, on est en pleine explosion démographique. Ce que Malthus, au XVIIIe siècle, craignait est en train de se produire, c'est-à-dire que, là... L'homme est un organisme avec une grosse biomasse, hein, on pèse en moyenne 55, 60 kilos. On ne peut pas avoir... Là, on a 6 milliards d'êtres humains. En 2020, 2030, on devrait atteindre 9 milliards. Si tout va bien, ça devrait commencer à décliner, mais il y a des scénarios qui montrent que ça pourrait continuer, qu'on pourrait se ramasser, d'ici la fin du siècle, avec jusqu'à 16 milliards, peut-être même 20 milliards de personnes sur terre. Quel genre de vie est-ce qu'on va pouvoir mener avec tant de monde sur la planète?

On est en train d'imprimer une empreinte extrêmement importante, là, sur notre écosystème, sur notre planète, à tous les niveaux, à toutes les échelles, et on peut relier tous les problèmes, que ce soient changements climatiques, que ce soient tensions géopolitiques, évidemment, au fait qu'il y a trop d'êtres humains sur la planète, il faudrait ralentir le plus vite possible, comme ont fait les Chinois, là, la croissance démographique.

Pour en revenir à notre problème de solution potentielle, dans une commission comme ça, ici, on s'intéresse d'abord à qu'est-ce qu'on peut dire, au Nunavik, quand on va intervenir avec les gens là-bas, les Inuits en particulier, mais pour éviter le pire, hein? On voit que notre climat, on ne pourra pas... Comme je le montre à l'écran, il est trop tard pour éviter un réchauffement significatif, là, qui va menacer notre façon de vivre, notre civilisation. On l'a vu avec Katrina, on voit que ce n'est pas tellement la nature qui est en danger, hein, les crapauds, les serpents, tout ça, sont revenus à La Nouvelle-Orléans, c'est la civilisation humaine qui est en danger, qui est très fragile.

La question qui se pose, que vous posez en filigrane, c'est: Est-ce qu'on peut éviter le pire? C'est quoi, les solutions à l'heure actuelle? On ne pourra pas éviter un réchauffement de la planète, mais il reste encore une chance qu'on puisse ? d'après les calculs des scientifiques; qu'on puisse ? empêcher le climat de s'emballer. Mais, pour faire ça, ça nous prend évidemment du leadership politique, puis il faudrait commencer maintenant. Mais les solutions de mitigation, d'évitement, là, de la catastrophe qu'on voit parfois dans certains films ? ça ne se rendra pas là, mais quand même... éviter que ça fasse vraiment mal, là, il y a des solutions qui existent à l'heure actuelle, il y en a 15 qui ont été répertoriées, qui nous permettraient, si vous regardez ce graphique-là rapidement, là, qui nous permettraient, à l'heure actuelle, si on s'y mettait maintenant, tranquillement, pas vite, qui nous permettraient de stabiliser nos émissions de gaz à effet de serre.

Évidemment, ce n'est pas avec des trucs comme Le défi d'une tonne qu'on va arriver à ça, là, c'est vraiment des choses plus importantes, plus pesantes. Il y a deux chercheurs de Princeton, Pacala et Socolow, qui montrent en fait l'évolution des émissions de gaz à effet de serre: on est rendu, à l'heure actuelle, à peu près à 7 milliards de tonnes, donc sept gigatonnes par année, et puis ça continue à augmenter en flèche, alors qu'on voudrait le stabiliser. Kyoto est totalement insuffisant pour y arriver. Mais, si on voulait stabiliser ça, il faudrait, autrement dit, qu'on réduise nos émissions d'ici 50 ans, c'est-à-dire que, dans 50 ans, on ait réduit nos émissions de 7 milliards de tonnes par année, hein? Éviter que ça double d'ici 2054. Et ça, c'est possible de le faire.

Si on regarde, on peut diviser ce coin-là, ce triangle-là de stabilisation-là en différents coins, chaque coin représentant 1 milliard de tonnes de CO2 qu'on n'émet pas. Et, ces coins-là, ils existent d'un point de vue technologique, c'est-à-dire qu'il y en a une quinzaine qui ont été répertoriés. Mais, si chaque État, par exemple, comme le Québec, en implémentait, en mettait en place sept sur les 15, on stabiliserait nos émissions de gaz à effet de serre, et ça ne ferait pas mal, d'un point de vue économie, ça mènerait à une transition en douceur d'une civilisation trop polluante à une civilisation à peu près stable. Donc ça, c'est le côté peut-être un peu plus optimiste de la chose.

Et qu'est-ce que c'est que ces coins-là? Bien, on en a 15, on ne passera pas les 15 ensemble, mais c'est le genre... Par exemple, le coin des véhicules, c'est de réduire de 50 % la consommation des 2 milliards de véhicules. Hein, en 2054, il va y avoir 2 milliards de véhicules sur les routes, et puis, si on réduisait de 50 % leur consommation de gaz, de carburants fossiles, en jouant sur le poids... Et ça, c'est des techniques, des technologies qui existent, hein? Les voitures qui font le Indiana 500, par exemple, ont des poids extrêmement faibles, des rapports distance sur émission extrêmement bons, et ça existe, toutes ces choses-là.

Il y a le coin des trajets. Si on réduisait de 50 % l'utilisation des véhicules par le télétravail, par exemple, le covoiturage, etc., on obtiendrait un coin, c'est-à-dire qu'on réduirait, sur 50 ans, nos émissions de 1 milliard de tonnes, donc on stabiliserait. Si on commençait maintenant, là, nos émissions arrêteraient d'augmenter et resteraient stables jusqu'en 2054.

Le coin des habitations, la même chose. Les centrales de charbon, la production d'électricité au charbon, c'est peut-être là où est-ce qu'on peut faire le plus de trucs, et on a trois ou quatre coins qu'on pourrait extraire, dans les centrales où on brûle du charbon pour produire l'électricité, en le faisant de façon plus efficace: en recaptant le CO2 au moment où on le produit, c'est-à-dire au moment où on brûle le charbon, au lieu de le recapter une fois qu'il est relâché trop loin dans l'atmosphère; en utilisant la combustion du charbon, on produit de l'hydrogène, ça ne coûte pas cher, on le récolte, puis là on fait fonctionner les voitures à l'hydrogène au lieu de les faire fonctionner à l'essence.

Donc, on ne passera pas tous les 15 comme ça, mais disons que Le défi d'une tonne, ça n'a rien à voir avec ça, hein? Dire aux gens: Améliorez votre mode de vie à la maison, là, ce n'est pas ça, la solution. C'est vraiment un investissement de l'industrie, des gouvernements comparable à ce qui a été fait en 1917, quand les États-Unis sont entrés dans la Grande Guerre, hein, où on a mobilisé toute la nation, toute l'Amérique du Nord, le Canada y compris, pour résoudre une crise, de la même façon pour la Deuxième Guerre mondiale.

Donc, on commence à parler vraiment, là, d'une mobilisation. Et ça, c'est ce qu'on entend en Europe: à Bruxelles, les gens sont prêts, ils ont déjà commencé; l'Islande fait des choses formidables; la Suède va se débarrasser de sa dépendance aux carburants fossiles d'ici 20 ans. Au Québec, on est extrêmement bien placés pour faire la même chose, hein? On a tout ce qu'il faut, et, à ce moment-là ? c'était ma dernière... Je pense que le Québec est dans une position privilégiée, là, au Canada, pour imiter des pays comme la Suède et l'Islande, hein, parce qu'on a déjà l'éolien, on a l'électricité, on pourrait vraiment se débarrasser de notre dépendance aux carburants fossiles puis, à ce moment-là, peut-être donner un peu un exemple au reste du continent nord-américain.

Parce que, là, le gros problème, c'est que le seul endroit sur la terre où on a la volonté politique de faire les sacrifices puis aussi d'avoir le développement économique différent qui pourrait amener ces solutions-là, c'est en Europe. À l'heure actuelle, on n'a rien en Amérique du Nord. Voilà, réponse très longue à votre question assez courte, M. le député.

n (17 h 20) n

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Fortier, je vous remercie infiniment de votre intervention cet après-midi. Elle a été massue, un poids inquiétant. Et je me pose sérieusement la question: Lorsque nous allons rencontrer ces communautés qui sont très traditionnelles, qui vivent, me dit-on, d'une façon tout à fait différente de nous... Je n'ose pas leur parler de ce qui va se passer dans les 10, 15 prochaines années. C'est parce que c'est tout leur mode de fonctionnement qui va devoir être modifié de tout au tout, et ce, dans un espace-temps excessivement restreint. Mais, si je vous posais la question: Comme président de commission, quel est le principal point que je devrais élaborer avec eux? Lequel? Lequel?

M. Fortier (Louis): Vous voulez un point précis.

Le Président (M. Pinard): Oui. Selon vous, le point le plus important pour ces communautés.

M. Fortier (Louis): Moi, ce que j'essaierais de faire comprendre aux communautés, c'est que, bon, aujourd'hui, c'est la Commission des transports qui s'intéresse...

Le Président (M. Pinard): Et de l'environnement.

M. Fortier (Louis): ...et de l'environnement qui s'intéresse à ce qui va se passer, qu'on est de plus en plus conscient dans les milieux où on prend les décisions comme ici, au Parlement, et aussi à Ottawa, qu'on est de plus en plus conscient et inquiet du rythme auquel le changement climatique, la transformation de l'environnement nordique va se faire parce que... Et on est de plus en plus anxieux de trouver les solutions dans l'Arctique parce que ces solutions-là, ce ne sera pas les mêmes pour le Sud, mais ça va être l'approche qui va être peut-être similaire. C'est-à-dire que, si on arrive, en collaboration étroite avec les Inuits, avec les habitants du Nord, à passer cette transformation-là qui va avoir lieu rapidement et d'abord dans le Nord, ça, ça pourrait nous amener à développer en fait une stratégie similaire dans le Sud.

Donc, ce n'est pas par altruisme qu'on veut... seulement qu'on veut essayer d'améliorer les choses dans l'Arctique, c'est aussi par égoïsme, c'est-à-dire que, si on arrive à le faire dans l'Arctique, on va peut-être être capable de le faire dans le Sud. Ce n'est peut-être pas nécessaire d'essayer de leur expliquer ça, mais les points importants pour eux, je crois ? et c'est les points qu'on essaie de leur communiquer également ? c'est qu'en se préparant on peut éviter... minimiser les impacts négatifs et surtout maximiser, identifier les retombées positives et voir comment on peut en profiter.

Autrement dit, de ne pas leur présenter une image tout à fait noire, là, comme on a vu, hein, des nuages extrêmement noirs sur une des diapositives ? je vais essayer de vous la remettre. C'est sûr que l'horizon semble un peu... Enfin, je pense que je ne la retrouverai pas. L'idée, c'est de leur laisser refléter aussi la réalité qu'il va y avoir des aspects positifs à tout ça.

Le Président (M. Pinard): Avec l'expérience que vous avez, M. Fortier, parce que régulièrement, j'imagine, vous êtes en contact avec ces communautés, est-ce que ce sont des communautés... chacun des villages, le gouvernement, Kativik, est-ce que ce sont des gens qui, malgré le fait qu'ils sont très traditionnels, est-ce que ce sont des gens qui, de plus en plus, se montrent ouverts à la situation qui se vit actuellement mondialement au niveau du réchauffement?

M. Fortier (Louis): Ils sont tout à fait... M. le Président, ils sont tout à fait ? une question très pertinente; ils sont tout à fait ? au courant de ce qui se passe. Ils sont tous connectés sur l'Internet, ce sont des joueurs étoiles du Web, et tout ça. Ils sont beaucoup plus au courant qu'on peut s'attendre des questions de réchauffement climatique, de transformation climatique. Ils sont au courant de ce qui se passe ailleurs dans le monde. Ils sont au courant que certaines îles du Pacifique sont en train d'être inondées. Ils ont des héros, des champions absolument remarquables, comme Sheila Watt-Cloutier, Jose Kusugak ou plusieurs autres, qui ont affronté directement des personnalités politiques comme George Bush, et tout ça. Donc, ils sont très au courant de ce qui se passe. Ils sont passablement au courant de comment fonctionne notre climat. Et évidemment c'est dans leurs mots, mais vous allez retrouver, à l'intérieur, comment dirais-je, des cercles dirigeants de ces communautés-là, des gens qui sont très au courant de l'évolution de la planète et qui savent très bien où ils se situent là-dedans, c'est-à-dire vraiment sur la ligne de feu de ce qui est en train de se passer.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, M. Fortier...

M. Fortier (Louis): Au plaisir!

Le Président (M. Pinard): ...et nul doute que vous avez enrichi les membres de la commission.

M. Fortier (Louis): Je vous souhaite la meilleure des chances dans votre périple nordique.

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup. Je vais suspendre quelques instants pour permettre au ministère de l'Environnement, du Développement durable et des Parcs ? Faune ? de bien vouloir se présenter.

(Suspension de la séance à 17 h 26)

 

(Reprise à 17 h 28)

Le Président (M. Pinard): Alors, permettez-moi que je vous introduise le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, qui relève directement de la Commission de l'environnement. Ça fait plaisir de vous rencontrer. Alors, j'imagine que nous avons devant nous M. Pierre Baril...

Ministère du Développement durable,
de l'Environnement et des Parcs (MDDEP)

M. Baril (Pierre): Bonjour.

Le Président (M. Pinard): ...qui est sous-ministre adjoint à la Direction des politiques; Mme Monique Plamondon...

M. Baril (Pierre): Non, ils sont en arrière avec moi.

Le Président (M. Pinard): Bonjour, madame. M. Berthiaume. Bonjour, monsieur. Mme Édith van de Walle.

Mme van de Walle (Édith): Bonjour.

Le Président (M. Pinard): Est-ce que je l'ai mal prononcé?

Mme van de Walle (Édith): C'est bien.

Le Président (M. Pinard): Oui? Merci. Sylvie Létourneau, chargée de projet.

Mme Létourneau (Sylvie): Bonjour.

Le Président (M. Pinard): Bonjour, madame. Mme Claire Bolduc, directrice par intérim. Bonjour, madame.

Mme Bolduc (Claire): Bonjour.

Le Président (M. Pinard): Également, Mme Bolduc est du Centre de contrôle environnemental du Québec, division de l'Abitibi-Témiscamingue et du Nord-du-Québec. Bonjour.

Alors, nous allons vous écouter religieusement et après ça vous allez avoir un échange avec nous. Vous avez eu l'occasion, cet après-midi, de voir l'intérêt des membres face au problème du Nord-du-Québec. Alors, tout ça va se poursuivre. Nous vous écoutons.

n (17 h 30) n

M. Baril (Pierre): Merci, M. le Président. Les deux personnes qui m'accompagnent, donc Mme van de Walle est directrice régionale pour la région Nord-du-Québec au niveau de l'analyse et Mme Bolduc, pour la même région, elle s'occupe donc de la direction pour le Centre de contrôle environnemental du Québec, alors donc ces deux personnes pourront préciser si jamais il y avait des questions de détail demandées.

Je vais vous présenter en trois parties une petite allocution. D'abord, cerner globalement le régime de protection de l'environnement du Nord, ensuite vous parler de ce qu'on fait particulièrement en changements climatiques, le plan d'action et extraction de quelques éléments relatifs à des actions plus particulièrement pour le Nord, puis je vais terminer avec quelques éléments de prospective.

Donc, le régime de protection de l'environnement et du milieu, il est prévu par la Convention de la Baie James, et ce régime-là a prévu des comités chargés d'administrer le régime de protection de l'environnement du Nord. Le Comité consultatif pour l'environnement de la Baie-James, il est composé de représentants du gouvernement du Québec, du gouvernement du Canada et de l'Administration régionale crie. Le Comité consultatif de l'environnement Kativik est composé de représentants du Québec, du Canada et de l'Administration régionale Kativik également. Ces deux comités sont chargés de surveiller l'application du régime de protection de l'environnement et de conseiller les gouvernements en matière d'application des lois et règlements sur tout le territoire de la convention.

Il y a également trois autres éléments ou organisations en comités qui conseillent l'ensemble de ce régime-là: la Commission de qualité de l'environnement Kativik, qui est composée de membres nommés par le gouvernement du Québec et de l'Administration régionale Kativik; le comité d'examen, qui est composé de représentants du gouvernement du Québec, de l'administration régionale; et le comité d'évaluation, qui comprend des représentants du gouvernement du Québec, du Canada et de l'administration crie.

Donc, ces ensembles de comités là, sous la responsabilité de l'administrateur provincial de la convention, donc qui est le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, sont responsables de conduire la procédure d'évaluation des impacts sur l'environnement et le milieu social sur ce territoire-là et de conseiller l'administrateur sur le contenu des études d'impact à réaliser, sur la conduite d'audiences publiques et sur l'autorisation de projets, y compris leurs conditions de réalisation.

Pour vous rappeler un peu ce qui s'est passé dans la dernière année, par exemple, relativement à l'action ou à la présence du ministère dans le Nord, il y a eu la tournée de 11 villages nordiques, qui s'inscrivait dans une perspective de plan d'action des deux directions régionales pour assurer le suivi et le contrôle des différents dossiers: sur l'eau potable, sur le traitement des eaux usées, sur la gestion des matières résiduelles, sur différents sujets relatifs à l'environnement. Il y a eu des réunions annuelles bien sûr de toutes ces administrations-là, qui se poursuivent, auxquelles on participe partiellement. Enfin, il y a eu des formations qui sont données à Kuujjuaq, par exemple, sur une entente-cadre de financement global, sur la formation de lignes directrices pour le traitement des sols, pour la biodégradation en relation avec la loi n° 72.

Dernièrement, il y a eu des visites particulières, à Kuujjuaq, à Salluit et à Raglan, des deux directrices pour rencontrer l'Administration régionale Kativik et pour essayer de comprendre les problématiques particulières sur ces territoires-là.

Enfin, dernièrement, au mois d'août, une tournée également à Salluit et Ivujivik concernant des travaux sur la gestion des matières résiduelles, sur l'eau potable et certaines inspections de campements de minières, particulièrement dans ce territoire-là. Donc, le ministère assure, par ses autorisations, son inspection et le contrôle, une certaine surveillance de ce territoire-là.

Comme il a été beaucoup cité depuis le début, le Québec est un exemple relatif à la, je dirais, position, à la prise de connaissance relative aux changements climatiques. On est chanceux au Québec, on a Ouranos, où on a beaucoup d'envie de la part de différentes autres administrations, sur lequel on peut s'appuyer pour élaborer nos projets de politiques publiques. En fait, on se sert de la meilleure science au Canada pour élaborer les politiques publiques au Québec. C'est dans cet esprit-là qu'on a donc monté le plan d'action sur les changements climatiques où on a élaboré un plan en 24 actions, un plan qui vise à réduire les émissions de gaz et un plan qui vise à s'adapter aux changements climatiques inévitables qui vont arriver.

Je passe assez vite sur le contexte parce que je pense que vous l'avez amplement analysé et amplement étudié depuis le début de la journée. Dans ces 24 actions là, on a ciblé des thématiques particulières: l'énergie, on a ciblé les transports, on a ciblé la gestion des matières résiduelles, on a ciblé l'agriculture, la foresterie. Bref, on a ciblé les thématiques qui étaient les plus parlantes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Sans nécessairement tout décrire ce plan d'action là, on pourra le déposer si ça vous intéresse ou si la commission est disposée à recevoir ce plan d'action là, et elle pourra disposer de ce plan d'action pour voir en détail chacune de ces 24 actions là.

Le Président (M. Pinard): ...avec intérêt qu'on va en prendre connaissance.

M. Baril (Pierre): Je voudrais également faire ressortir, parmi ces actions-là, celles qui s'adressent particulièrement au Nord-du-Québec. Il y a une action qui vise particulièrement le Nord-du-Québec et dont le ministère des Transports en a parlé tout à l'heure, c'est-à-dire l'expérimentation de moyens d'atténuer les impacts de la fonte du pergélisol sur les infrastructures de transport. Il y a d'autres actions également qui visent à mettre en place des mécanismes pour prévenir et atténuer les changements climatiques sur la santé, une responsabilité du ministère de la Santé qui a déjà commencé à démarrer des études en ce sens. Il y a une action qui vise à consolider les réseaux de surveillance du climat, des ressources hydriques et souterraines. Et bien sûr il y aura une attention particulière qui va être accordée à la partie réseau hydrométrique au nord du 50e parallèle.

Comme beaucoup d'administrations publiques, on a baissé la garde sur le suivi et l'observation du climat au Canada, au Québec et ailleurs dans le monde et on a maintenant un défi de renouveler, de rénover, d'augmenter notre suivi du climat dans le Nord, et bien sûr on va le faire avec nos partenaires. On attend d'ailleurs une étude avec Ouranos pour optimiser le positionnement de futures stations de suivi du climat dans le Nord.

Et enfin une dernière action qui concerne plus particulièrement la vulnérabilité de la forêt québécoise et du secteur forestier sous la responsabilité du ministère des Ressources naturelles.

Donc, ce plan d'action là est un plan d'action qui vise principalement à réduire les émissions de gaz du Québec, avec un défi assez important de 10 Mt, et qui vise également à essayer de s'adapter puis à prévoir des mécanismes de prévention, compte tenu qu'on sait que, de toute façon, malgré l'immense capacité du Québec, le climat va quand même changer ici, chez nous, comme vous l'ont démontré les chercheurs précédents.

Ce plan d'action là est coordonné par un comité interministériel sur les changements climatiques où siègent la plupart des ministères ici, au gouvernement. Le MAPAQ, le MDEIE, le MRNF, le ministère de la Santé et le MTQ sont les principaux ministères qui sont, dans ce plan d'action là, visés. Chacun a à mettre en place ses actions particulières: sur le transport collectif, sur la réduction ou sur l'efficacité énergétique, sur... Bon, je vous fais part des principales actions, et on a donc en place une mise en oeuvre qui va voir le jour, là, qui est en train de se faire.

En troisième partie, je voulais élaborer quelques éléments de prospective. On a entendu donc que les climats changent puis que leur rapidité et l'ampleur ne sont pas pareils partout. Les gens d'Ouranos, auxquels on a accès bien sûr à la plupart des études, nous disent que ça va se passer plus rapidement dans le Nord. L'acquisition de connaissances dans ces domaines nécessite d'importants efforts de recherche. On essaie de coordonner le plus possible cette recherche-là, et c'est pour ça qu'on a mis en place Ouranos il y a quelques années. On est collés beaucoup aux travaux de ces chercheurs-là. On est chanceux, je répète, qu'on peut appuyer nos politiques publiques sur la meilleure science au Canada. On est chanceux d'avoir ces réseaux-là chez nous. Bien que nos prédécesseurs nous ont dit qu'ils étaient peut-être quand même parfois un peu fragiles dans le financement. Mais, en tout cas, jusqu'à maintenant, on est chanceux d'avoir cette masse critique là sur laquelle on peut s'appuyer pour élaborer nos politiques.

n (17 h 40) n

On va avoir également dans le futur, à notre avis, une meilleure connaissance. On va accélérer notre acquisition de connaissances grâce à ces réseaux-là, que ce soit avec le Centre d'études nordiques ou avec les différents partenaires auxquels se raccroche chez Ouranos. Ouranos, donc c'est en fait beaucoup sur ces travaux-là... l'organisation sur laquelle on s'appuie pour élaborer nos projets. Il y a une étroite collaboration avec nous, avec l'ensemble des ministères concernés par le plan d'action, et, à mesure que les connaissances vont se développer, que les projets de recherche vont nous donner des résultats, on va adapter nos programmes, nos politiques en fonction de ces résultats-là.

Deux petits exemples concrets là-dessus. Il y a une étude de risque d'avalanche qui a été réalisée et que le ministère de la Sécurité publique peut se servir un peu plus particulièrement. Et bien sûr M. Denis Jean, du MTQ, a parlé précédemment de certaines normes qui sont modifiées au MTQ parce que les travaux démontrent qu'effectivement... Chez Ouranos, on a démontré qu'il faut aller ajuster nos normes.

C'est dans cet esprit-là que, nous, on travaille, avec les meilleures connaissances du jour. On a un plan d'action qui adresse à la fois à la réduction de gaz et à la fois l'adaptation. On suit étroitement les travaux des chercheurs. C'est beaucoup de prospectif puis beaucoup de travaux à la fine pointe pour nous aider. Et c'est comme ça qu'on fonctionne au ministère pour le travail qu'on à faire dans le Nord-du-Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci. Merci beaucoup, M. Baril, d'avoir accepté de venir, avec les gens qui vous accompagnent, devant les membres de la commission. Et, comme on va parler véritablement de problèmes environnementaux, hein, le député d'Alma a levé la main, ce sera suivi de Mme la députée de Pontiac. J'interviendrai également puis je suis persuadé qu'on va faire le tour de la question avant de quitter pour le Grand Nord. Alors, M. le député d'Alma... de Lac-Saint-Jean, excusez-moi.

M. Tremblay: Oui. Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à la commission. J'en profiterai pour débattre un peu du plan d'action du gouvernement. Compte tenu que ça faisait trois ans qu'on l'attendait, on était bien heureux, en juin dernier, d'apprendre que le papier, en fait les actions sur papier étaient en place. Est-ce que vous avez un calendrier, disons, de... Parce que, quand on regarde toutes les actions qui veulent être entreprises, est-ce que vous avez établi un agenda, un calendrier d'actions et de déroulement du plan dans les prochains moins et dans les prochaines années? Et, si ce n'est que cet été, est-ce qu'il y a eu déjà des actions d'entreprises pour mettre en action le plan gouvernemental de lutte aux changements climatiques?

Le Président (M. Pinard): M. Baril.

M. Baril (Pierre): Oui, on a une gestion de projets très serrée avec l'ensemble des ministères, avec le Comité interministériel sur les changements climatiques. Chacun des ministères s'est vu déjà, dans une première série, affecté à une action particulière. Bien sûr, on a bâti ça avec eux. On n'a pas, nous, au ministère de l'Environnement, directement élaboré sans consultation, ça se fait... avec beaucoup de consultation que ça s'est fait. Et déjà il y avait des actions qui étaient déjà entamées, peu importe si on n'avait pas encore écrit ça dans un plan. Donc, modifier le Code du bâtiment, ça fait déjà quelque temps qu'on travaillait là-dessus avec la Régie du bâtiment. Alors, on va accélérer la cadence parce que, là, maintenant, on a un plan dans lequel on s'inscrit. C'est un exemple.

Donc, bien sûr, on a une gestion de projets serrée, on a des réunions. Puis, nous, au ministère, on est un coordonnateur plus que d'autre chose, parce que les actions se font plutôt dans des ministères à vocation économique où on a de l'impact, le MTQ, le MRN, le MAPAQ, le MDEIE. Alors, nous, on veille, en étant coordonnateurs, à ce que chacune de ces actions-là soient mises en place, mises en oeuvre. Il y en a qui sont déjà commencées, il y en a qu'on va commencer prochainement et il y en a qui méritent encore un peu de peaufinement, par exemple l'élaboration d'un programme spécifique sur un sujet donné qui n'est peut-être pas encore complété dans son élaboration, mais il sera mis en oeuvre prochainement. Donc, c'est par une gestion de projet serrée que bien sûr on met en oeuvre déjà, là, beaucoup d'actions. On n'a pas encore les statistiques, là, du degré d'avancement de chacune des actions, là, mais déjà la plupart sont déjà sur les planches à dessin.

Le Président (M. Pinard): M. le député.

M. Tremblay: Parmi les stratégies, bon, j'en prends, là, certaines au hasard, là, mettre en oeuvre le règlement sur l'enfouissement... Parce que, lorsqu'on enfouit des matières, disons, organiques, on sait que ça émet des gaz à effet de serre, notamment du méthane. Cependant, une des orientations du ministère, c'est de dire: Il faut réduire ce qu'on envoie dans les sites d'enfouissement et éventuellement faire la récupération des matières putrescibles qui théoriquement n'iraient presque plus ou pas dans les sites d'enfouissement donc ne feraient plus de production de méthane. Donc, c'est quoi, la voie que vous privilégiez? Est-ce que c'est de capter les biogaz dans les sites d'enfouissement ou c'est de réduire les matières organiques qu'on enfouit dans les sites d'enfouissement?

M. Baril (Pierre): Je vous répondrais en deux temps. Ce programme-là vise les sites qui sont déjà soit complets ou soit en train d'être complétés. Donc, il y a déjà beaucoup d'enfouissement de matières organiques au Québec, là, qui est fait depuis de nombreuses années et dont on ne récupère aucun gaz. Donc, il y a des sites d'enfouissement vieillissants qui émettent des gaz. On veut accélérer, puis obliger, puis même, dans le cadre d'un programme incitatif, mettre en oeuvre la récupération de ces gaz-là.

Notre règlement exige également, dans les futurs sites, déjà de récupérer les gaz, puis les pronostics qu'on a... puis la démarche qu'on a est à court et moyen terme. Mais, à court terme, on n'a pas encore mis en place, dans la plupart des municipalités, beaucoup de récupération de matières organiques, là, et puis le prochain bilan sur la gestion des matières résiduelles et la politique de gestion des matières résiduelles devraient nous donner les indicateurs puis les différentes, je dirais, quantités prévues. Et puis, pour l'instant, nos indicateurs montrent qu'on ne récupère pas encore beaucoup de matières organiques dans les municipalités, donc on enfouit encore beaucoup de matières organiques dans les sites d'enfouissement qui soient déjà... avant qu'ils ne soient pleins.

Le Président (M. Pinard): Une dernière complémentaire, M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Tremblay: Oui. Bien, une question pas banale. C'est écrit que le gouvernement souhaite avoir un minimum de 5 % d'éthanol dans les carburants au Québec puis que cet éthanol-là ne serait pas fait à partir de maïs mais à partir de résidus... biomasse forestière, résidus agricoles, matières résiduelles. C'est qui, au Québec, qui est le plus avancé dans les connaissances en la matière? Est-ce que c'est le ministère ou c'est des organisations? Parce qu'on sait qu'en Europe il y a des consortiums très importants qui font de la recherche dans ce secteur. Or, je me pose la question: Au Québec, qui assume le leadership? Puis dans combien de temps on pourra espérer pouvoir introduire de l'éthanol cellulosique dans nos carburants?

Le Président (M. Pinard): M. Baril.

M. Baril (Pierre): Je vous dirais qu'il y a trois pôles au Québec. Bien sûr, au ministère des Ressources naturelles, avec la stratégie énergétique, on a un volet assez important relatif au financement de la recherche et du développement dans le cadre de l'éthanol d'origine cellulosique. Il y a des gens de Sherbrooke, avec un professeur à Sherbrooke dont je ne me souviens plus le nom, là, qui a commencé à élaborer... plus que laboratoire, il est maintenant rendu, je pense, à l'échelle pilote. Je ne me souviens pas de la cellulose qu'il utilise, mais ce n'est pas du maïs puis ce n'est pas du grain, mais c'est une cellulose forestière. Et il y a les gens qu'on connaît à Ottawa. Donc, il y a des pôles de recherche qui sont soit privés, soit publics, soit universitaires qui sont encore dans la phase essai pilote, mais il n'est pas dit qu'on ne puisse pas aller chercher une technologie, comme vous l'avez dit, extérieure qui fonctionne déjà, qu'on puisse l'adapter avec les conditions du Québec, et, dans une des actions, bien sûr on va aller chercher ça peut-être ailleurs.

Le Président (M. Pinard): Merci. Mme la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer: Merci, M. le Président. Bonjour. Bienvenue. Tantôt, vous parliez d'eau potable, réduction des émissions des gaz à effet de serre. Là, la réduction des émissions des gaz à effet de serre, là, je ne savais plus si on parlait de l'Abitibi-Témiscamingue ou du Grand Nord. Les émissions des gaz à effet de serre, c'est pour le Grand Nord ou c'est pour l'Abitibi?

M. Baril (Pierre): Le plan d'action définit des objectifs de réduction de la part des grands émetteurs du Québec en gaz à effet de serre.

Mme L'Écuyer: C'est qui, les grands émetteurs de...

Le Président (M. Pinard): Excusez. Est-ce qu'on pourrait essayer de toujours répondre en fonction de la...

Une voix: Du Grand Nord.

Le Président (M. Pinard): ...mission que la commission s'est donnée face aux populations en haut du 45e parallèle, s'il vous plaît? D'accord?

M. Baril (Pierre): D'accord.

Le Président (M. Pinard): 55.

Mme L'Écuyer: C'est parce que...

Le Président (M. Pinard): 45, c'est bas, là.

Mme L'Écuyer: ...les émissions des gaz à effet de serre dans le Grand Nord, qui sont les grands...

M. Baril (Pierre): ...pas d'action particulière pour réduire les émissions dans le Grand Nord, là. Ce que je vous présentais, c'était le plan d'action québécois global de toute la province.

Mme L'Écuyer: Ah bon! Merci. L'autre, vous parliez de formation. Est-ce que, quand vous avez parlé de formation, c'est la même chose? C'est pour toute la province ou c'étaient des formations spécifiques aux tribus... aux gens... pas les tribus, au Grand Nord? Excusez.

Le Président (M. Pinard): Communautés.

Mme L'Écuyer: Aux communautés du Grand Nord?

M. Baril (Pierre): Si vous permettez, je pourrais laisser Mme van de Walle répondre, qui a participé, je pense, en partie.

Le Président (M. Pinard): Madame.

n (17 h 50) n

Mme van de Walle (Édith): Oui. Dans le cadre de l'entente de financement global de l'Administration régionale Kativik, il y a une annexe qui concerne les actions du ministère du Développement, de l'Environnement et des Parcs, et cette action, entre autres, concerne la formation des gens de l'ARK, de l'Administration régionale Kativik, et des villages et, il va de soi, pour différents thèmes en environnement. Donc, on donnait l'exemple de cette année où on avait fait une formation sur tout ce qui concernait les sols contaminés, le traitement, comment se fait la récupération, et tout ça. Donc, c'est un exemple, et ça s'intègre dans le suivi de cette entente globale de financement là.

Mme L'Écuyer: Ce que vous dites, c'est que la formation est donnée aussi aux gens du milieu ou seulement que les administrateurs?

Mme van de Walle (Édith): Ça vise aux gens du milieu. Ça vise les intervenants de l'Administration régionale Kativik qui interviennent sur le terrain, autant au niveau du contrôle qu'au niveau des actions à faire.

Mme L'Écuyer: Merci. Dernière question, c'est au niveau de l'eau potable. Vous disiez que vous aviez des interventions, que vous avez fait ou que vous étiez pour faire des interventions au niveau de l'eau potable dans les communautés. J'aimerais ça savoir qu'est-ce qui s'est fait ou qu'est-ce qui va se faire. On le sait, on a tous entendu parler de tous les problèmes que les communautés avaient eus avec l'eau potable. J'aimerais ça savoir, là, où en est rendu le dossier.

M. Baril (Pierre): Si vous le permettez, je passerais la parole à Mme Bolduc, du Centre de contrôle environnemental du Québec.

Le Président (M. Pinard): Mme Bolduc.

Mme Bolduc (Claire): Alors, en ce qui concerne l'eau potable, il faut comprendre qu'on travaille avec trois types de communautés différentes au Nord-du-Québec. Pour ce qui est des Inuits, le contrôle de la qualité de l'eau potable, c'est la même chose que pour toutes les communautés ou municipalités au sud de la province. Donc, on assure un suivi de la qualité de l'eau potable et en surplus on fait également une tournée dans... lorsqu'on fait nos tournées dans le Nord, on fait également une formation complémentaire au niveau des personnes qui travaillent dans les usines d'eau potable.

Dans les communautés cries de la Baie-James, on fait également le suivi de la qualité de l'eau potable. Et en ce qui concerne les communautés cries de l'Abitibi-Témiscamingue... C'est que les communautés cries de la Baie-James sont sous la Convention de la Baie James. On peut intervenir auprès de ces communautés-là, alors qu'au niveau de la qualité de l'eau potable, dans les autres communautés, on n'a pas juridiction sur le territoire, on ne serait pas nécessairement bienvenus.

Mme L'Écuyer: Dernière question complémentaire, M. le Président: Est-ce qu'actuellement la situation de l'eau potable chez les Innus et les Cris de la Baie-James... est-ce que c'est d'une qualité correcte ou il y a encore des problèmes? Moi, je ne veux pas arriver cette semaine puis qu'on se fasse dire qu'il y a des gros problèmes d'eau potable puis qu'il n'y a rien qui a été réglé.

Le Président (M. Pinard): Mme Bolduc.

Mme Bolduc (Claire): Dans les dernières tournées qu'on a faites, on s'aperçoit que la qualité de l'eau potable chez les Inuits, elle est de bonne qualité. Les suivis qu'on fait sont les mêmes que ceux qu'on exige des municipalités du sud de la province, et la qualité de l'eau potable est tout à fait correcte. Le problème qui peut se rencontrer au niveau de l'eau potable, ce n'est pas nécessairement au niveau de la prise d'eau au niveau de l'usine, mais plutôt au niveau du transport. Alors, c'est ce sur quoi on travaille quand on va dans le Nord pour former les gens, la qualité au niveau de la manutention de l'eau qui doit passer d'une usine, d'un système de traitement vers des camions et vers les résidences des Inuits.

Le Président (M. Pinard): Vous venez de parler, il y a quelques secondes, du fait, Mme Bolduc, que vous ne seriez pas nécessairement la bienvenue. J'aimerais avoir des explications sur ce fait.

Mme Bolduc (Claire): Les communautés autochtones qui ne sont pas sous la Convention de la Baie James sont sous juridiction fédérale et elles y tiennent beaucoup, à ce qu'il n'y ait pas d'intervention du Québec.

Le Président (M. Pinard): Est-ce qu'on parle des communautés inuites?

Mme Bolduc (Claire): Non. Les communautés inuites, tous les villages inuits sont sous juridiction provinciale.

Le Président (M. Pinard): Bon. Là, vous n'avez pas de problème là.

Mme Bolduc (Claire): Non. Aucun problème. C'est-à-dire qu'on n'a aucun problème d'intervention.

Le Président (M. Pinard): D'accord. Et ce que je comprends, c'est qu'aucun des villages n'a un système d'aqueduc.

Mme Bolduc (Claire): Aucun des villages dans le Nord...

Le Président (M. Pinard): ...système d'aqueduc.

Mme Bolduc (Claire): Quand on parle du Nunavik, ils n'ont pas de système d'aqueduc. Ils ont des systèmes de pompage de l'eau, ils ont...

Le Président (M. Pinard): Donc, le ministère s'assure de la qualité à la source.

Mme Bolduc (Claire): Oui.

Le Président (M. Pinard): De la qualité de la livraison.

Mme Bolduc (Claire): Nous, on s'assure de la qualité à la source et des méthodes...

Le Président (M. Pinard): Et du transport.

Mme Bolduc (Claire): Et des méthodes de traitement, et d'avoir les bons mécanismes de transport, oui.

Le Président (M. Pinard): O.K. D'accord. M. le député d'Ungava.

M. Létourneau: Merci, M. le Président. Je voudrais juste saisir au bond l'intervention de ma collègue et vous demander: Vous ne pensez pas que le fait d'avoir une délégation... pas une délégation mais une direction régionale située spécifiquement dans le Nord-du-Québec... Compte tenu de l'ampleur du territoire, parce que je pense que vous travaillez avec les Cris aussi, vous ne pensez pas que ça créerait une synergie ou une dynamique à mon avis plus intéressante que de gérer ça à partir de Rouyn?

Mme Bolduc (Claire): La question se pose, mais en même temps il y a une très belle collaboration actuellement avec l'ARK. Je pense qu'en ce qui concerne la surveillance c'est quelque chose... ça relève plus actuellement du contrôle. Notre présence dans les villages inuits, bien que sporadique, est tout de même très appréciée et importante.

Au niveau des autorisations qui sont délivrées par la direction de l'analyse, peut-être que...

Le Président (M. Pinard): Mme van de Walle.

Mme van de Walle (Édith): En fait, la principale problématique est le transport. Donc, si on parle du Nunavik, on a nécessairement un transport aérien. Au niveau de l'analyse des autorisations, il n'y a pas de difficulté d'un ou l'autre. C'est sûr qu'on a besoin d'avoir les ressources des spécialistes. Ça, ça peut se faire par les moyens électroniques connus, là. Mais je n'ai pas vraiment de réponse précise à ça.

Le Président (M. Pinard): M. le député.

M. Létourneau: Bien, simplement, sans vous mettre dans l'embarras, parce que je sais que vous faites du bon travail, mais un des problèmes majeurs que nous avons dans le Nord-du-Québec, c'est qu'à l'échelle de l'appareil gouvernemental ce n'est jamais la même région ou sous-région qui est responsable du Nord-du-Québec. Tantôt, dépendamment si on est au niveau de l'emploi, nos données sont mélangées avec la Côte-Nord, tantôt c'est le Saguenay?Lac-Saint-Jean qui s'occupe de la desserte pour la Baie-James et le Nunavik, tantôt c'est l'Abitibi-Témiscamingue. Alors, moi, je prône, depuis un bon bout de temps, avec les collègues qui vivent dans la région, que je pense qu'on aurait une meilleure desserte si on l'avait à partir soit de la Baie-James, ou soit du Nunavik, ou peut-être même les deux, compte tenu de l'ampleur du territoire. Alors, c'est simplement le point de vue que je voulais soulever.

Mme Bolduc (Claire): Si on peut ajouter juste une chose, c'est que la collaboration qu'on a actuellement avec les intervenants sur le milieu, elle est quand même de très haut calibre. Alors, si ça peut vous rassurer, les interventions qu'on fait avec les intervenants locaux sont tout de même...

M. Létourneau: Je n'en doute pas, madame. À l'intérieur de la région même aussi, c'est d'excellentes relations qu'on entretient avec les gens. Merci.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. Alors, mesdames messieurs, bienvenue. Je sais que vous étiez dans la salle, lors de la présentation de l'intervenant précédent qui, lorsqu'il parlait d'action prospective et de choses à faire, concluait en disant qu'il n'y avait qu'en Europe qu'il y avait un vrai leadership politique pour essayer de régler ces problématiques-là. Vous en pensez quoi, vous?

M. Baril (Pierre): Je pense que l'exemple qu'on a donné avec notre plan d'action, avec Ouranos, avec... La science sur laquelle on se base pour élaborer nos politiques, elle est tout à fait comparable avec ce qui se passe en Europe. Je pense que toutes les données, et toute l'analyse, et toute la coordination, la synergie qu'on peut mettre avec les différents universitaires, centres de recherche publics, parapublics qui nous fournissent ces données-là, c'est tout à fait comparable à qu'est-ce qui se passe en Europe. D'ailleurs, Ouranos collabore beaucoup avec Météo-France ou avec différents centres de recherche européens.

Depuis de nombreuses années, le Québec est un leader, au Canada, en changements climatiques. On va maintenant bientôt collaborer avec la Colombie-Britannique qui ont trouvé, chez Ouranos justement, beaucoup d'éléments intéressants pour leurs propres problèmes chez eux ? pourtant ce n'est pas à la porte, là, la Colombie-Britannique ? parce qu'ils ont vu qu'on avait des idées et qu'on avait une approche ? je pense, c'est ça qui est important ? novatrice. On met beaucoup de gens de différents angles et de différents milieux dans le même réseau pour solutionner un problème. Et ce qu'on en a sorti, de ce plan d'action là, il fait le tour du monde. Je peux vous le dire, il fait le tour du monde, puis je pense que notre gouvernement fédéral va même s'en inspirer pour ses prochaines actions au Canada.

Le Président (M. Pinard): Est-ce que tous les membres de la commission ont reçu le plan d'action?

Une voix: Non.

M. Baril (Pierre): On va vous en fournir.

Le Président (M. Pinard): Alors, peut-être en envoyer des copies au secrétaire...

M. Baril (Pierre): Certainement. Certainement.

Le Président (M. Pinard): ...de la commission pour permettre au moins aux membres de la Commission de l'environnement de le connaître. D'accord? On continue, M. le député de Masson?

n (18 heures) n

M. Thériault: Bien, en fait, sans vouloir nécessairement, là, partir une polémique, je m'attendais à la première partie de votre réponse, c'est-à-dire que le Québec soit un exemple de conscience et de travail pour pouvoir tracer un bilan. Ça va. Moi, je pense que ça va. Mais là où je voulais vous amener, c'était au niveau des actions. C'est-à-dire que M. Fortier avait identifié 15 coins, qu'il appelait, là. J'imagine que vous êtes au courant de ça. Je veux dire, ArcticNet, c'est quand même quelque chose que vous connaissez. Je veux dire, ça fait partie du réseau. Je veux dire, les gens qui sont venus aujourd'hui nous parler font tous partie du même réseau.

Alors, c'est là-dessus que je voulais vous amener. Bien sûr, vous êtes ici pour vanter les mérites de votre ministère, mais est-ce qu'on ne peut pas faire un peu plus? Est-ce que vous, comme serviteurs de l'État, peut-être que... Vous n'êtes pas obligé de répondre à ça, mais est-ce que vous sentez vraiment que ce qui est en train de se faire est aussi, comment dire, exigeant que les 15 coins de M. Fortier ou... Vous vous situez où? Vous situeriez le Québec où par rapport à ces 15 coins-là, honnêtement, là, en toute objectivité?

M. Baril (Pierre): Bien, en toute objectivité, le Québec, vous savez que c'est déjà celui qui émet pas mal le moins, per capita, de gaz à effet de serre à cause de sa situation, hein?

M. Thériault: Par rapport à des actions à faire.

M. Baril (Pierre): Les 15 coins, là... Il parlait de réduction des émissions des véhicules légers, bien on a une action directement reliée à ça pour avoir des normes d'émissions globales des flottes de chacune des compagnies manufacturières qui vont au Québec parmi les standards américains les plus élevés, hein? On fait souvent référence aux normes californiennes. Pour faire ça, on ne fait pas ça tout seuls dans notre petit Québec, là, on a eu beaucoup de conversations avec les États de la Nouvelle-Angleterre, avec les Ontariens. Donc, régionalement, on va probablement arriver à un plan de match qui va être réaliste. Parce que l'idée d'avoir des actions, il faut qu'on puisse les appliquer puis il faut qu'on puisse avoir les moyens de les appliquer. Mais, dans ces 15 coins-là, on va en retrouver beaucoup dans nos actions ? ça, c'est un exemple ? le transport collectif, l'amélioration des récupérations par rapport aux émissions sur les transports de marchandises. Bref, vous allez pouvoir retrouver l'esprit de ces coins-là dans la plupart des actions de réduction d'émissions.

Et surtout on va avoir les moyens de le faire parce qu'on va imposer une redevance sur les émissions de carbone, des hydrocarbures brûlés au Québec, qui va nous alimenter un fonds qu'on va réinvestir dans ces actions-là. Encore là, compte tenu de la situation au Québec, on avait besoin d'avoir un financement adéquat. Eh bien, on a réussi à aller chercher la «carbon tax», comme disent les gens de l'Ouest. C'est assez novateur en Amérique du Nord. Il y en a bien sûr, quelques pays européens qui ont commencé ça, mais en Amérique du Nord, pour nous, c'est un peu la clé d'avoir quelque chose qui se tient, financé, et quelque chose qui rejoint la plupart de ces coins-là relatifs au transport des gens, au transport des marchandises, à la consommation d'hydrocarbures pour le chauffage ? vous savez qu'au Québec il ne fait quand même pas chaud ? sur un ensemble d'éléments qui rejoint l'ensemble de l'industrie et de la collectivité québécoise. Chacun va se retrouver dans une action ou une autre, dans un programme ou un autre ou dans une action de sensibilisation ou une autre. Alors, c'est là que, nous, on pense qu'on a une démarche équilibrée.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Oui. Merci, M. le Président. Moi, je vous écoutais tout à l'heure dire que le Québec est en avance sur l'Europe. On a reçu ici, à l'Assemblée nationale, des délégations de l'Europe, de l'Allemagne l'an passé, et puis, si on calcule au niveau... en tout cas, au niveau agriculture, tout leur purin est transformé en engrais vert, et ils utilisent... ils ont un grand bout de chemin de fait de plus que nous. Parce que les agriculteurs, moi, je les ai rencontrés, puis ils me disaient que le problème qu'on vit au Québec, à l'heure actuelle, eux, ça fait 10 ans que c'est en arrière, ça, ils l'ont réglé. Même, on a vu un reportage dernièrement, à la télévision, que les agriculteurs vont porter leur purin de porc à la ville pour chauffer la ville. Ça fait qu'on a un petit bout, là, que... Je ne sais pas si on est avance, là, mais, si on est en avance, on a sauté une page certain en quelque part.

Moi, la question pour le Grand Nord ? on s'en va là demain ? moi, je... Il y a des mines, il y a beaucoup de mines au Grand Nord, je pense, hein, de mines... De quelle manière est-ce qu'on... Est-ce qu'ils ont une surveillance au niveau environnemental? Parce que, vous savez, au Québec, on s'est fait jouer le tour souvent, hein? Des mines viennent ici, ils exploitent tout le minerai, tout ce qu'il y a de beau puis, quand il n'y en a plus, ils ferment la porte, ils s'en vont. Ils s'en vont de l'autre bord, dans un autre pays, là, mais, nous autres, on reste avec les déchets, ici. Est-ce qu'on a un oeil... Est-ce qu'on surveille ça de près?

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le sous-ministre.

M. Baril (Pierre): Oui. Si vous me permettez, je pourrais passer à Mme van de Walle, qui s'occupe des autorisations et surtout du suivi de ces autorisations-là.

Le Président (M. Pinard): Madame.

Mme van de Walle (Édith): Oui. Il y a deux volets. Donc, il y a le volet... Au niveau des analyses, tous les projets miniers du Nord sont assujettis à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts spécifiques au Nord. Au niveau des projets d'exploration, il y a certains cas qui peuvent être non assujettis, mais c'est une commission qui décide, que M. Baril vous a présentée tout à l'heure. Donc, il y a des études d'impact qui sont faites.

Et, pour citer un exemple, par exemple, le projet majeur qu'il y a dans le Nord, c'est la mine Raglan. La mine Raglan est très concernée par les changements climatiques, et notamment d'éventuels dégels. Leur technique pour contrer la génération d'acide des résidus... Je passe une notion technique assez rapide, là. Il y a certains résidus miniers qui ont des hautes teneurs en soufre, qui peuvent s'oxyder et produire des eaux acides. Pour contrer ce phénomène-là, on doit couper l'oxygène. Une des façons qui est privilégiée dans le cas de la mine de Raglan, c'est de maintenir et de geler les résidus, de les intégrer dans le pergélisol. Donc ça, c'est une technique qui est reconnue, qui est efficace. Donc, l'importance du suivi de l'évolution du gel des résidus miniers est très importante.

Évidemment, dans les autorisations environnementales, il y a un plan B qui a été prévu si jamais ça ne gèle pas. De toute façon, il va falloir qu'ils traitent les eaux. Donc ça, c'est la méthode classique qui revient. Une fois que les autorisations sont émises, là on effectue le contrôle sur le terrain. Et je laisserais la parole à peut-être Mme Bolduc pour compléter comment on fait le contrôle sur le terrain.

Le Président (M. Pinard): Madame.

Mme Bolduc (Claire): Simplement pour mentionner qu'on a... l'Abitibi-Témiscamingue et le Nord-du-Québec comptent à peu près 90 %, 95 % des titres miniers qui sont attribués au Québec, et on accorde une attention particulière au suivi des mines, des exploitations minières. Mais les mines du Nord ont une à deux visites annuellement justement pour faire un suivi très serré de ce qui se passe sur les sites. Alors, comme l'a mentionné Mme van de Walle, nous, on vérifie si les installations de toute nature sont conformes aux autorisations qui ont été reçues. Quand on parle des installations de toute nature, ça veut dire les parcs à résidus mais également les autres installations d'activités de l'usine, d'extraction, de logement pour les mineurs, traitement des eaux usées sur place, des déchets, etc.

Et c'est à toutes les années, parfois deux fois par année, qu'on fait une inspection complète de toutes les autorisations qui ont été attribuées à une usine, à une activité. Cette année particulièrement, en plus de la mine Raglan, c'est trois autres projets qui ont été surveillés par nos inspecteurs, par nos équipes. Et mentionnons encore une fois la difficulté inhérente à ces inspections-là: il n'y a pas de route pour s'y rendre, les gens se déplacent souvent en avion, en hélicoptère et ils sont... C'est des inspecteurs qui sont très courageux parce qu'ils sont tout seuls avec les entreprises minières. Alors, il faut le dire, on a des gens extrêmement dévoués, et le suivi est fait d'une façon très rigoureuse.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Vous me dites qu'il n'y a pas de route...

Le Président (M. Pinard): Merci.

M. Grondin: ...il n'y a pas de route...

n (18 h 10) n

Le Président (M. Pinard): Si vous le permettez, je vais continuer. Vous venez de nous mentionner que, lorsqu'il y a un projet de prospection, il y a des normes qui sont émises par le ministère de l'Environnement. Vous allez analyser le camp, le campement, vous vous assurez de la qualité de ce qui se passe là. Lorsque la compagnie ou une des compagnies décide de mettre fin à son exploration minière, vous envoyez votre inspecteur vérifier si le camp est bien défait, si les 45 gallons de pétrole sont ramassés, si les déchets sont également ramassés. Vous venez de dire ça. Moi, je voudrais savoir combien vous avez émis d'infractions l'année passée.

Mme Bolduc (Claire): Excusez-moi, pour ce qui est des entreprises minières...

Le Président (M. Pinard): Est-ce que les lieux sont remis dans... Autrement dit, une fois qu'ils ont terminé de manger, est-ce qu'ils laissent une table propre?

Mme Bolduc (Claire): Si on parle des entreprises minières, actuellement c'est le cas. Mais il y a une autre problématique dans le Nord, c'est les pourvoiries. Et, dans cette optique-là, il y a un recensement qui a été effectué par le ministère des Ressources naturelles où il y a tout de même plusieurs sites qui ont été abandonnés, et c'est... Quand vous parlez des 45 gallons, etc., de matières résiduelles ou... on parle peut-être plus souvent de ça que dans le cas des mines.

Par ailleurs, cette année, pour vous parler de la dernière année, il y a tout de même 26 inspections qui ont été réalisées, et on a quelques avis d'infraction qui ont été signifiés à des entreprises minières, et c'est... Des avis d'infraction, il y en a cinq qui ont été signifiés au total, mais tout de même, dans les entreprises minières, dernièrement encore, il y a un avis d'infraction comportant deux ou trois infractions qui ont été signifiées à une entreprise, l'entreprise Foxtrot, pour ne pas la nommer.

Le Président (M. Pinard): Lorsque ces infractions-là sont signifiées à l'entreprise, l'entreprise doit, j'imagine, procéder au nettoyage des sites. Si l'entreprise ne procède pas au nettoyage des sites, est-ce que c'est le ministère de l'Environnement qui doit procéder au grand nettoyage?

Mme Bolduc (Claire): Il y a toute une mécanique pour mettre fin à l'exploitation d'un site, et un de ces mécanismes-là, c'est la remise en état des lieux. Puis ça aussi, je pense que ça doit faire l'objet d'une approbation ou d'un certificat d'autorisation, et, nous, on s'assure que ce qui a été autorisé, ce qui a été exigé comme remise en état des lieux, ça a été effectué. Et par la suite, s'il y avait une situation où l'entreprise minière disparaît dans la nature, on va évaluer le... S'il y a un risque environnemental immédiat, le ministère, le centre de contrôle environnemental peut intervenir par le biais des urgences environnementales, du service des urgences environnementales.

Le Président (M. Pinard): Autrement dit, madame, demain, lorsque le gouvernement de Kativik, les administrateurs, les gens qui sont nommés là pour gérer le territoire, lorsqu'ils vont me poser la question: Qu'est-ce qu'on fait avec les multitudes de sites qui comportent des saletés semblables, hein ? ça, là, ils ne se sont pas gênés pour m'en envoyer, des photos, je peux vous le dire ? à ce moment-là, je suis en mesure, demain, de répondre que le ministère de l'Environnement va défrayer tout ce que les compagnies n'ont pas nettoyé?

Mme Bolduc (Claire): Non, monsieur.

Le Président (M. Pinard): Non?

Mme Bolduc (Claire): Non.

Le Président (M. Pinard): Alors, je leur dis que c'est aux populations nordiques à s'occuper de nettoyer ce que les compagnies sudistes ont sali? Comment je m'y prends, là? Vous êtes là pour m'aider et aider les membres de la commission. Qu'est-ce que je dois... comment je dois réagir, moi, face à cette communauté nordique qui prennent la peine de m'envoyer un beau dossier, hein, dans lequel ils ne se sont pas gênés pour en inclure, des photos? Puis pas une, là, j'en ai. Puis j'ai plusieurs sites, là, lac Dumas, et autres, là. Et là c'est de ça qu'ils veulent jaser avec moi, là, parce que, s'ils ont pris la peine de m'envoyer ça, c'est parce que, pour eux autres, j'imagine que la question environnementale doit être un petit peu sérieuse. Et, comme c'est la Commission de l'environnement qui va les rencontrer demain, bien la Commission de l'environnement va devoir dire autre chose que: Bien, on va rapporter ça dans le Sud, à Québec précisément, et on va tâcher de faire des pressions. Non, ce que je veux savoir comme président de la commission: Qu'est-ce que je peux répondre à ces gens-là avec une situation semblable? Si vous en avez besoin d'une copie, on va vous la faire.

M. Baril (Pierre): Merci, M. le Président, on va en prendre certainement acte. Et Mme van de Walle veut peut-être vous donner une précision concernant un élément de réponse par rapport à ces situations-là.

Mme van de Walle (Édith): Je ne connais pas exactement le rapport que vous avez en main, mais je crois connaître le contenu. Il s'agit des sites miniers abandonnés. Il s'agit des sites qui sont antérieurs à... qui sont vieux de plusieurs années. Ce qu'il faut comprendre, actuellement la Loi des mines exige des plans de restauration de tous les détenteurs de droits miniers, et, dans le cadre de ces plans de restauration là, il y a une obligation de sécuriser mais aussi de restaurer au niveau de l'environnement. Les sites qui existaient avant 1995 n'étaient pas assujettis à ces plans de restauration là.

Le Président (M. Pinard): Êtes-vous en train de me dire que le Nord est la poubelle?

Mme van de Walle (Édith): Ce n'est pas ça que j'ai dit.

Le Président (M. Pinard): Non? Excusez.

Mme van de Walle (Édith): J'ai dit que la Loi des mines, qui oblige aux détenteurs de droits miniers... Et c'est pour l'ensemble du Québec, ce n'est pas seulement pour le Nord et le Nunavik, mais ça s'applique également au Nunavik. C'est l'obligation pour les détenteurs de droits miniers de déposer... Un plan de restauration n'existait pas avant cette date-là. Donc, ce que je voulais mentionner, c'est que ces sites-là datent de... c'est notre héritage du passé, tout comme le même héritage se retrouve pour des exploitations minières en Abitibi-Témiscamingue. Donc, la plupart de ces sites miniers là, ceux qui ont réalisé l'exploitation, ceux qui ont participé aux travaux d'exploration de l'époque, parce qu'on parle plutôt de sites d'exploration et non d'exploitation, n'existent plus. Donc, ce serait le ministère des Ressources naturelles qui pourrait, selon les droits miniers, retourner et identifier les entreprises. Beaucoup de ces sites-là, il y a eu des transactions et il est impossible de retrouver les responsables. Dans le cas...

Le Président (M. Pinard): Ça appartient à la curatelle publique?

Mme van de Walle (Édith): Là...

Le Président (M. Pinard): Oui, comme les BPC, ça, madame.

Mme van de Walle (Édith): Je dirais que ça fait partie des sites miniers orphelins dont on entend parler.

Le Président (M. Pinard): Donc, les sites miniers orphelins, si tu n'as plus de père ni de mère, si tu n'as plus aucun lien de parenté avec personne, tu deviens la responsabilité de la curatelle publique. La curatelle publique, c'est le gouvernement du Québec, c'est l'ensemble des contribuables du Québec. Alors, le ministère de l'Environnement, est-ce que vous avez un budget qui va faire en sorte qu'annuellement... Je ne sais pas combien il y en a, de sites, là, j'espère que vous ne me direz pas qu'il y en a 25, 30, 40, là. Mais, si c'était le cas, est-ce à dire qu'on a deux choix: ou bien on le laisse là en disant: Bien, coudon, ça n'appartient à personne, donc c'est à tout le monde, y compris et surtout à ces communautés-là, ou bien si le ministère a pris une orientation en se disant: Bien, on va nettoyer un, deux ou trois sites par année puis on a un budget pour ce faire? M. le sous-ministre.

M. Baril (Pierre): Oui. Ça relève du ministère des Ressources naturelles, qui ont annoncé depuis quelque temps la mise en place d'un programme de restauration et de réhabilitation des sites miniers au Québec. Puis, pour votre gouverne, il y en a sûrement plus que 25, 30 abandonnés au Québec, et c'est plusieurs centaines de millions de dollars qu'on devra investir d'ici 10, 15 ans pour récupérer, réhabiliter ces sites-là qui sont en Abitibi, qui sont un peu dans le Nord, Moyen Nord. Il y en a même sur la Côte-Nord. Donc, on est pris avec un passif environnemental assez important, et le ministère des Ressources naturelles a un volet d'établi pour, comme vous l'avez dit, périodiquement restaurer un site, deux, trois, quatre sites en fonction des budgets.

Le Président (M. Pinard): Ce volet-là est de quelle importance financièrement?

M. Baril (Pierre): Je ne peux pas vous le dire, là, mais je peux m'informer auprès du ministère des Ressources naturelles.

Le Président (M. Pinard): Autre chose, M. le sous-ministre, c'est qu'à ce moment-là le ministère de l'Environnement doit probablement s'assurer que le ministère des Ressources naturelles le nettoie.

M. Baril (Pierre): On collabore avec eux bien sûr dans la mise en oeuvre, là, de ce plan-là, là, avec nos spécialistes.

Le Président (M. Pinard): Est-ce que c'est seulement le ministère des Ressources naturelles ou si c'est également le ministère de l'Environnement qui conjointement déterminent quels seront les sites, à même l'enveloppe, qui seront décontaminés ou nettoyés?

M. Baril (Pierre): C'est conjoint.

Le Président (M. Pinard): C'est conjoint. Donc, vous avez autant le droit de décision que le ministère des Ressources naturelles. C'est ce que je comprends?

M. Baril (Pierre): Bien, on influence. Parce que c'est eux qui ont l'argent, alors, nous, on influence pour dire que, voici, il y a peut-être ce site-là qui devrait être traité en priorité parce qu'il y a plus d'impact sur l'environnement qu'un autre. Ça, c'est comme ça qu'on travaille de concert, là.

Le Président (M. Pinard): O.K. Tout à l'heure, vous avez parlé que vous permettez aux compagnies minières d'enfouir leurs déchets dans le pergélisol. C'est ça?

Mme van de Walle (Édith): Oui, mais ce n'est pas de l'enfouissement, là, on appelle ça de l'intégration au pergélisol parce que c'est déposé sur le pergélisol.

n (18 h 20) n

Le Président (M. Pinard): Bon. Maintenant que vous savez que le pergélisol fond, alors qu'est-ce que vous avez l'intention de leur suggérer pour les prochaines années ou les décennies à venir? Parce que, là, ce que je comprends, là, c'est que, si, moi, je vivais là puis que j'étais un Inuit, je mange, je prends mes déchets puis j'envoie ça dehors, il n'y a pas... On ne peut pas creuser, c'est gelé, hein? On ne peut pas creuser, ce n'est pas un site, là, comme on a l'habitude de connaître dans le sud du Québec. Il n'y a pas non plus de moyens mécaniques pour brûler ou faire disparaître ces déchets-là. Donc, vous confirmez ce que je pensais, c'est que dans le fond, là, chaque village met ses déchets quelque part, là, dans un environnement quand même assez restreint parce qu'il y a 21 km de route, selon le ministère des Transports, pour les 14 villages. Donc, j'imagine qu'ils ne doivent pas partir avec leurs motoneiges pour aller livrer les déchets à 10 km du village, hein? Ça doit se passer tout près.

Lorsque ça gelait en tout temps, 12 mois par année, j'imagine qu'il n'y avait pas absolument aucune espèce de problème avec la gestion de ces déchets-là. Maintenant que ça dégèle... Et ça, là, tous les spécialistes, depuis l'ouverture de la commission, nous ont mentionné que c'est quelque chose que plus personne ne doute, même pas probablement le ministère de l'Environnement non plus. Donc, à partir de ce moment-là, est-ce que vous continuez à leur donner l'autorisation de prendre les déchets qu'ils font, qu'ils ont, là, d'une façon domestique, prendre ça puis d'aller tirer ça sur le tas?

Mme van de Walle (Édith): Je pourrais répondre: premièrement, il y a peut-être une distinction à faire entre des résidus miniers et les déchets domestiques. Je vais d'abord parler des résidus miniers. Les résidus miniers qu'on retrouve dans le Nord-du-Québec, plus particulièrement la mine Raglan, ce sont les mêmes types de résidus qu'on retrouve pour toutes les mines. Quand on exploite une mine d'or, bien sûr on va chercher quelques grammes d'or par tonne de minerai, donc on a de grandes quantités de roche broyée très, très fine qui se retrouve dans le parc à résidus miniers, dans ce qu'on appelle la halde, ou l'aire d'accumulation de résidus miniers. Donc, ce qu'on retrouve à Raglan, c'est la même chose que ce qu'on peut retrouver à proximité de Val-d'Or, de Rouyn, c'est le même type de résidus miniers.

Le Président (M. Pinard): Est-ce que ça a des effets sur l'environnement, le fait que le pergélisol maintenant dégèle et que ces résidus-là sont inclus dans le pergélisol? Est-ce que ça a des effets?

Mme van de Walle (Édith): C'est ce que je voulais vous expliquer. C'est que les résidus miniers, dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue, ne sont pas intégrés au pergélisol. On retrouve d'autres techniques pour empêcher la génération d'acide où c'est du traitement. Donc, dans le Nord-du-Québec, compte tenu qu'on a une possibilité de faire geler les résidus, et à ce moment-là ils ne génèrent pas d'eau acide, ça donnait une technique additionnelle qui n'existe pas dans le Sud.

Mais la façon dont le parc à résidus miniers Raglan est conçu, il est conçu pour recueillir les eaux en cas de fonte. Actuellement, les données des «thermistors» installés dans le parc à résidus montrent que, malgré un certain réchauffement près des côtes ? et vous allez constater que Mine Raglan est à l'intérieur des terres ? actuellement les mesures de suivi qu'on a exigées et qui font montrent que le résidu minier s'intègre quand même encore au pergélisol. Donc, pour le moment, les résidus miniers ne dégèlent pas. On peut penser que ça pourrait arriver, on a un plan b qui n'est pas la solution idéale, mais, quand même, il existe. Donc, ça n'ira pas dans l'environnement sans traitement, mais ce n'est pas la meilleure solution qui est pour bloquer la génération d'acide. Est-ce que c'est clair pour...

Le Président (M. Pinard): Madame, excusez-moi... oui.

Mme van de Walle (Édith): Est-ce que vous comprenez?

Le Président (M. Pinard): Oui, c'est clair, ça m'amène une question. Lorsqu'on a entendu tout à l'heure le directeur, là, de... M. Louis Fortier, là, qui est directeur scientifique, là, qui nous dit, là, que ça va s'accentuer, la fonte, est-ce que ça ne vous allume pas une grosse, grosse, grosse lumière jaune, ça, au ministère de l'Environnement, sur le traitement qui devrait être donné aux résidus miniers? Parce que, là, il y a de l'acide qui va rentrer, là, dans... Nous, on appellerait ça une couche phréatique, là, mais...

M. Baril (Pierre): Dans la nappe.

Le Président (M. Pinard): Dans la nappe, mais là, eux autres, là, pour l'instant, là... ils vont vivre ça plus tard, là, peut-être dans 10, 15, 20 ans, là.

Mme van de Walle (Édith): Tout à fait.

Le Président (M. Pinard): Là, là, leur nappe va être carrément contaminée, là, avec ça, là. Puis là on le sait en 2006.

Mme van de Walle (Édith): Leur nappe ne sera pas contaminée parce qu'on va... le parc à résidus est déjà conçu pour récolter les eaux et les traiter éventuellement. Actuellement, certaines parties qui dégèlent pendant les périodes de printemps et d'été, les eaux sont déjà canalisées, il y a déjà un traitement. Donc, c'est prévu, mais il y a une autre technique qui était là à cause de la possibilité de geler. Donc, on va se retrouver avec une technique similaire dans le Sud... qu'on utilise dans le Sud et qu'on... mais il y avait une autre technique dans le Nord qui... Donc, on suit ça...

Le Président (M. Pinard): Et ça, c'est régulièrement, là? Il y a un suivi régulier là-dessus?

Mme van de Walle (Édith): Tout à fait.

Le Président (M. Pinard): Et là la gestion des déchets domestiques, là?

Mme van de Walle (Édith): La gestion des déchets domestiques, ce n'est pas du tout de l'enfouissement parce que, dans le Nord, on n'a pas de possibilité. Il n'y a pas de morts-terrains, il n'y a pas de possibilité d'enfouir. Je ne sais pas si Claire veut...

Mme Bolduc (Claire): On appelle ça des dépôts en milieu nordique, et les matières sont récupérées par chacun des villages nordiques et amenées à un lieu qui est déterminé. Ils peuvent brûler, ils ont l'autorisation de brûler leurs dépôts en milieu nordique, et, nous, on fait de grosses interventions parce que vous comprendrez... Et vous le verrez quand vous allez être dans les villages nordiques, la difficulté particulière de récupérer certaines matières. Donc, les matières qui peuvent être brûlées le sont. Les matières qui ne peuvent pas l'être sont accumulées dans des aires d'entreposage, et c'est une des questions que nous soulèvent régulièrement les villages quand on les rencontre, le suivi et le traitement des dépotoirs.

Il faut savoir que le travail de nos inspecteurs et de nos analystes sur le terrain actuellement, c'est d'aider les gens. C'est des dépotoirs des années quarante au Québec, là, dans le Nord. Alors, leur travail actuellement, c'est d'aider les gens. Vous verrez. Je vous laisse la surprise, vous verrez, mais c'est... Notre enjeu, c'est d'aider les gens à vraiment saisir ce que c'est. Je vous donne un exemple. Un promoteur, un constructeur qui va faire un bâtiment, par exemple la salle multidisciplinaire, la salle communautaire, va faire monter des matériaux de construction, et c'est infiniment plus cher pour lui de ramener ces matériaux non utilisés que de les jeter au dépotoir. Alors, à ce moment-là, notre travail ? et c'est ce qu'on fait beaucoup avec les différentes communautés ? c'est de les aider à récupérer d'abord les matières dangereuses, à les identifier correctement, à faire en sorte de les placer dans des containers pour que ce soit rapporté. On parle de batteries, on parle d'huiles usées.

Dans les milieux où c'est possible, dans les villages qui en sont pourvus, les huiles usées peuvent servir comme combustible pour certaines installations de chauffage. Alors, comment les utiliser, comment les identifier, comment le faire. Actuellement, le gros du travail qu'on fait, c'est vrai pour l'environnement, c'est vrai aussi pour les changements climatiques, c'est d'aider les communautés là-bas, qui ont peu de formation, qui ont peu de moyens, de personnes formées, c'est de les aider à se prendre en charge et à faire les choses correctement.

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup. Merci d'avoir répondu à ces questions et...

Une voix: ...

Le Président (M. Pinard): Oui. Et sûrement que nous aurons l'occasion de rééchanger avec le ministère du Développement durable et de l'Environnement. Oui.

M. Grondin: ...question que j'aimerais savoir, pas longue. Présentement, les mines dans le Nord-du-Québec, là, les propriétaires de ça, est-ce que c'est des Québécois, des Canadiens ou si la majorité, c'est Américain?

M. Baril (Pierre): C'est mondial.

M. Grondin: C'est mondial? Ça veut dire qu'il y a peu de Québécois qui sont propriétaires?

M. Baril (Pierre): Il y en a sûrement du Canada là-dedans, c'est sûr, là.

M. Grondin: C'est parce que je trouve que, nous, on a à gérer qu'est-ce qui reste, mais ils ont parti avec la sacoche pleine d'argent.

n (18 h 30) n

Mme Bolduc (Claire): Mais il faut bien préciser, ce que Mme van de Walle a dit, c'est vrai, c'est très vrai, on a un lourd héritage sur des mines qui ont été exploitées avant, mais, pour les mines actuelles, la surveillance est absolument... la surveillance est très intense, est accrue, puis elles ont des obligations. Vous avez seulement à regarder ce qui s'est passé dans l'actualité des derniers jours, dans les dernières semaines, il y a eu des interventions de la direction régionale en ce qui regarde des exploitations minières. Ça a été assez médiatisé, assez pour que certaines mines nous disent qu'on leur faisait perdre jusqu'à 20 millions de dollars parce qu'on leur a dit qu'elles avaient contaminé dans l'environnement, et qu'elles devaient cesser ces contaminations-là, et attendre les autorisations requises. Alors, pour ce qui est des mines actuelles, la vis est beaucoup plus serrée. Pour ce qui est des mines antérieures, hélas...

Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup. Nous aurons l'occasion d'échanger à notre retour de mission. Et je vous remercie beaucoup d'avoir participé. Alors, je vais suspendre quelques instants pour permettre aux gens de Greenpeace de se présenter et d'installer le PowerPoint. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 31)

 

(Reprise à 18 h 39)

Le Président (M. Pinard): Alors, excusez-moi, j'ai... Malheureusement, il y a certains besoins que même l'homme ne peut retenir. Alors, permettez-moi d'introduire quelqu'un que tout le monde connaît au Québec, M. Steven Guilbeault, qui représente le mouvement international Greenpeace. Alors, M. Guilbeault, vous connaissez l'enjeu de cette audition aujourd'hui: comme nous devons aller rencontrer des communautés dans le Grand Nord et que personne alentour de la table n'a déjà eu l'occasion d'aller travailler auprès d'eux, on veut essayer de connaître le plus possible toutes les problématiques, et également être en mesure de soulever certains éléments de réponse, et surtout avoir des éléments de discussion qui pourront être constructifs pour le futur.

n (18 h 40) n

Alors, sans plus tarder, je vais vous laisser aller, puis après ça on aura un échange avec les membres de la commission.

Greenpeace

Guilbeault (Steven): Parfait. Bien, je voudrais d'abord vous remercier, vous, remercier les membres de la commission de nous avoir invités. Alors, je vais vous parler surtout d'un voyage que nous avons fait, une expédition à l'été 2005, au Groenland. Alors, on n'a pas visité directement le Nord-du-Québec, on a visité donc des Inuits, des communautés inuites, des cousins germains de ceux qu'on retrouve ici. Je vais vous parler... Ce que nous avons fait? Bon, nous sommes une organisation écologiste, nous ne sommes pas comme ArcticNet ou Ouranos, un centre de recherche, mais nous avons une petite flotte de navires, dont un brise-glace. Alors, nous avons, à ce moment-là, invité des scientifiques à se joindre à nous, en leur disant: On met à votre disposition le navire, son équipage, l'hélicoptère, les zodiacs et les membres de l'équipage. On avait des experts en expédition polaire qui étaient avec nous.

Alors, je vais vous présenter un peu... et c'est ce que vous avez sur le disque compact qui vous a été remis. Ce sont des photos qui ont été prises lors de cette expédition-là, différents éléments qu'on a documentés, les chercheurs qui étaient avec nous. Peut-être avant de... Bon. Rapidement, Greenpeace, je pense qu'on peut passer. On a 26 000 membres au Québec, 70 000 à peu près au Canada, 3 millions dans le monde. Je tiens peut-être juste à dire une chose là-dessus, c'est l'explosion du membership au Québec... Moi, je suis arrivé à Greenpeace en 1997. Autour de 1998, on avait à peu près 6 000 membres au Québec, aujourd'hui on est rendus à 26 000. Donc, il y a vraiment une explosion des préoccupations en environnement de la part de la population du Québec, et c'est assez phénoménal.

Peut-être pour situer un peu le débat du réchauffement de la planète, je suis certain que vous avez vu plusieurs de ces éléments-là dans le courant de la journée. Donc, c'est un graphique qui a été fait par des chercheurs qui collaborent avec le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Et ce qu'on voit sur ce graphique-là donc, c'est les concentrations de CO2 dans l'atmosphère au cours des 400 000 dernières années. Il y a quelques études qui ont été publiées récemment où on est remontés jusqu'à 650 000 ans. Alors, ce que vous voyez finalement, c'est que jamais, au cours des 400 000 dernières années, donc, depuis à peu près un demi-million d'années, les concentrations en CO2 dans l'atmosphère n'ont dépassé à peu près... un peu moins de 300 ppm. Et ce que vous voyez donc à droite, bien c'est là où on était en 2005, donc 380. Et là vous voyez, bon, à partir de 2005, évidemment c'est des projections, on n'est pas certains de quel point on va atteindre en 2030, est-ce que ce sera 450, ou est-ce que ce sera 460, ou 440?

Mais déjà, aujourd'hui, nous avons atteint des niveaux de concentration de CO2 dans l'atmosphère comme la planète n'en a pas connus depuis très, très, très longtemps. Et ça, ce n'est pas sujet à spéculation, ce n'est pas sujet à interprétation, c'est une donnée ou en fait une série de données scientifiques, et bien sûr il y a des marges d'erreur là-dedans, mais on est en dehors de la marge d'erreur. Ça aussi, M. Fortier ? j'ai manqué une partie de sa présentation ? vous l'a probablement présenté. Ce qui se passe avec l'Arctique, donc on le constate déjà. Et je pense que cette image-là ou ces faits-là qu'on a documentés illustrent assez bien la problématique du réchauffement de la planète et des changements climatiques en ce sens que le problème, ce n'est pas tant que la planète se réchauffe, ce n'est pas tant qu'il y ait des changements climatiques, le problème, c'est la vitesse avec laquelle l'activité humaine provoque ces changements-là. Alors, une ère glaciaire, ça arrive et ça disparaît sur des dizaines de milliers d'années. Nous sommes... l'activité humaine est en train de provoquer des changements climatiques à l'échelle planétaire en l'espace de quelques décennies, et c'est là où se situe une grande partie du problème.

Alors donc, je vous parlais du bateau de Greenpeace, l'Arctic Sunrise, donc c'est le bateau que nous avons utilisé pour aller au Groenland; nous y retournerons l'an prochain. Ce bateau-là était au Québec l'an dernier. À l'été 2005, on était arrêtés ici pas très loin dans le Port de Québec, à Trois-Rivières, Montréal. Il faut comprendre que pourquoi on s'intéresse tant au Groenland, plusieurs chercheurs, des équipes de chercheurs, la NASA, et au Groenland en fait et à l'Antarctique ? il y a l'équipe de Jean Lemire et du Sedna IV qui s'y trouve toujours ? c'est que, dans le cas de ces deux continents-là, ce sont des calottes glaciaires, hein, ce n'est pas comme ce qu'on retrouve dans le Grand Nord, principalement dans le Grand Nord du Canada, qui est de la glace de mer.

Les calottes glaciaires, donc c'est des kilomètres de glace qui reposent sur des continents, mais je pense qu'on voit assez bien ici de quoi il est question. Que la glace de mer fonde ou qu'elle soit sous forme de glace, au niveau de l'augmentation du niveau de la mer, ça a peu ou pas d'impact, hein? C'est un peu comme le cube de glace qu'on met dans notre verre, dans notre verre d'eau ou ce qu'on prend le soir en arrivant du travail, qu'il soit sous forme de glace ou que ça fonde, ça ne change pas grand-chose. Là où la communauté scientifique est de plus en plus inquiète, c'est au niveau des calottes glaciaires. Alors, si les masses de glace très, très, très importantes qu'on retrouve au Groenland et en Antarctique devaient fondre, quel sera l'impact sur l'augmentation du niveau de la mer à l'échelle planétaire et comment les quelque 50 %, 60 % des populations mondiales qui vivent sur les côtes seront affectées par ça?

Dans le dernier rapport du groupe de scientifiques des Nations unies, on parlait d'une augmentation, au cours des 100 dernières années, d'à peu près 25 cm du niveau de la mer et on prévoit une augmentation de 50 à 90 cm au cours des 100 prochaines années. Mais ça, les scientifiques nous le disaient en 2001, c'était dans la mesure où les calottes glaciaires du Groenland et de l'Antarctique demeuraient très stables.

Donc, même si on observe un réchauffement dans ces régions-là, même si on prévoit un réchauffement important, les modèles climatiques semblent dire que ce réchauffement-là aurait peu d'impact sur les calottes glaciaires. Donc, la masse de glace qui est là est tellement importante qu'elle serait capable de résister à une certaine quantité, si vous voulez, de réchauffement, un certain niveau de réchauffement.

Alors, je mets quelques photos, dont celle-là qui me faisait penser au Rocher-Percé, de notre expédition... Mais ce sont des masses de glace très, très, très importantes, donc vous voyez ici un glacier. Et les glaciers se déplacent de façon naturelle. C'est tout à fait normal, quand l'été s'installe au Groenland, il va y avoir un mouvement. La neige qui s'est accumulée sur la calotte glaciaire va faire pression, et il va y avoir une évacuation vers les côtes ? dans ce cas-là, un bras de mer, là ? de la glace. C'est un phénomène tout à fait normal. Alors, on voit donc que, vu à vol d'oiseau... Donc, le glacier est à votre gauche et se dirige comme ça vers la droite et là il arrive dans le bras de mer pour se défaire en morceaux, soit en iceberg soit en glace de mer qui va éventuellement fondre.

Une des équipes de scientifiques ? et là je vais vite parce qu'il est tard, quand même; une des équipes de scientifiques ? qui nous a accompagnés, c'est celle du Dr Gordon Hamilton qui est de l'Université du Maine, donc pas très, très loin d'ici, qui travaille sur un projet de recherche avec la NASA où ils étudient les déplacements de cinq glaciers sur la côte Est du Groenland, donc du côté de l'Europe. Et ils utilisent principalement, pour mesurer les déplacements de ces glaciers-là, deux techniques, soit les images satellites et les GPS. Ce sont des GPS comme ceux-là, donc des GPS très précis parce qu'évidemment les satellites ne sont pas toujours là, au rendez-vous au bon moment; il peut y avoir une couverture nuageuse, bien il peut y avoir des éléments qui fait en sorte qu'on manque... qu'on a des trous dans nos séries de données. Alors, on va utiliser ces GPS là.

Donc ça, c'est une image d'un glacier, le glacier de Kangiqsualujjuaq, qui est à peu près au milieu de la côte du Groenland, de la côte est. Donc, le glacier se trouve, si vous voulez, en haut à gauche et là il descend vers le bas ? le bas de l'écran vers la droite. Ce que vous voyez en plus pâle un peu, c'est un bras de mer. Et vous avez donc les différentes courbes de couleur, jaune, vert, jusqu'au rouge donc, qui illustrent l'endroit où le glacier, ce glacier-là termine sa course depuis à peu près une quarantaine d'années.

Lorsque l'équipe de Gordon était sur le bateau, les dernières données qu'ils avaient de la NASA, c'étaient la courbe en rouge, donc en 2001. Alors, ils sont partis du bateau en hélicoptère parce que c'est la seule façon ou à peu près, là, d'avoir accès facilement à la calotte glaciaire. Ils ont dit: On va aller installer nos GPS à quelques centaines de mètres avant la frontière, donc où le glacier se défait, pour mesurer les déplacements sur les dernières centaines de mètres, donc la vitesse, et ainsi de suite.

Et là ils arrivent avec l'hélicoptère là où ils auraient dû trouver le glacier et ils sont toujours au-dessus d'un bras de mer. Pas de glacier. Alors, ils vont faire 1 km, 2 km, 3 km, 4 km, 5 km avant de trouver la frontière, la nouvelle frontière du glacier. Et là ils se disent: On a dû mal calibrer le GPS sur l'hélicoptère, on a sûrement fait une erreur de calcul quelque part, le glacier ne peut pas avoir reculé de 5 km en cinq ans.

Bon, ils installent malgré tout les GPS pour se rendre compte que la vitesse du glacier a augmenté de 150 %. Le glacier se déplace presque trois fois plus vite que sa moyenne historique. Ils reviennent, bon, ils font les calculs, refont les calculs sur le bateau et ils arrivent toujours au même résultat: le glacier a reculé de 5 km en cinq ans. Ils se disent: Mon Dieu, c'est beaucoup, mais c'est un seul glacier, on ne peut pas tirer de conclusion. Il y a peut-être un phénomène particulier à ce glacier-là qu'on ne comprend pas. Alors, on se déplace 350 km plus au sud, un deuxième glacier où on trouve le même genre de phénomène. Moins prononcé, mais le glacier, ce glacier-là a reculé de 2,5 km. Sa vitesse de déplacement s'est beaucoup accélérée.

Et, suite à cette expédition-là, ils ont commandé des nouvelles cartes de la NASA pour 2001, 2003, 2004, pour se rendre compte que, dans le cas de ce glacier-là, il n'a pas reculé de 5 km en cinq ans, il a reculé de 5 km en 11 mois. Or, si on avait ici donc la frontière du glacier en 2004, elle est à peu près au même endroit, elle se situait à peu près au même endroit que celle de 2001.

n (18 h 50) n

Et depuis il y a plusieurs études qui ont été publiées par différents centres de recherche, dont la NASA, sur les même glaciers, qui arrivent aux mêmes conclusions. Alors, qu'est-ce que ça veut dire? Bien, ça veut dire que ces glaciers-là s'affolent. Qu'est-ce qui se passe? Bien, on a un peu mieux compris une des dynamiques à l'oeuvre avec les travaux du Dr Jason Box, de l'Université d'Ohio State, qui s'est joint également à nous, et lui travaille sur la masse de la calotte glacière. Alors, il essaie d'évaluer quelle quantité d'eau arrive et quelle quantité d'eau part à chaque année, et bon, évidemment, plus on creuse profondément, plus on remonte dans le temps. Or, un des phénomènes qu'on observe de plus en plus à la surface de la calotte glacière du Groenland, ce sont ces lacs, qui n'est pas un phénomène nouveau, on en observait auparavant, sauf qu'il y en a de plus en plus et de dimensions de plus en plus importantes. Alors, c'est de la glace qui fond littéralement.

Vous voyez ici, ce sont quand même des lacs qui ont une superficie quand même importante. Là, c'est une photo prise à vol d'oiseau. Et ce qui se passe évidemment, c'est que cette eau-là, elle est plus chaude que la glace. Alors, qu'est-ce qui va se passer? Bien, l'eau va gruger, elle va fissurer la calotte glacière, elle va s'infiltrer sous la calotte glacière. C'est une acétate que j'ai pris du site de la NASA, donc l'eau plus chaude va vraiment perforer en quelque sorte le glacier, va venir s'infiltrer sous le glacier et va servir en quelque sorte de lubrifiant pour accélérer le mouvement des glaciers. Et, quand on parle de crevasses, là, ce n'est pas des petites failles, là, ça fait à peu près 10 mètres de large, celle-là, et ce n'est pas la seule, là, qu'on a trouvée comme ça, et ces surplus... cette crevasse-là va jusque sous le glacier, donc c'est 1,5, 1,6 km, une chute de 1,5, 1,6 km.

On a également fait plusieurs visites de communautés au Groenland pour discuter avec les gens, pour leur demander: Est-ce que vous observez des changements, est-ce qu'il y a des choses que vous voyez?, et évidemment le verdict est unanime. Que ce soit chez les anciens, chez donc les plus vieux, les plus vieilles personnes dans les communautés que les jeunes générations, on voit des changements pratiquement d'année en année, ce qui a d'ailleurs conduit ? et M. Fortier en parlait, tout à l'heure, quand il disait qu'on s'est mesuré à M. Bush... Bien, il y a la Conférence circumpolaire des Inuits donc, qui est l'association de tous les peuples inuits autour de l'Arctique, qui a déposé, lors de la conférence de Montréal sur les changements climatiques, une plainte pour génocide culturel contre l'administration de M. Bush devant la cour interaméricaine des droits de la personne, en disant: Le refus de l'administration américaine de ratifier le Protocole de Kyoto aura des impacts tels que ça représente la disparition de notre mode de vie traditionnel. Or, cette poursuite-là, elle a été déposée donc en décembre dernier. Elle va suivre son cours. On verra ce qui va se passer.

Je passe très, très, très rapidement sur l'Antarctique parce que je vous ai parlé de la calotte glacière du Groenland. Or, si toute la glace devait fondre, et là il n'y a pas de modèle, il n'y a pas d'étude qui prévoit ça, mais si toute la glace qu'on retrouve au Groenland devait fondre, on prévoit une augmentation du niveau de la mer de 6 m. Si toute la glace de la péninsule ouest de l'Antarctique, donc ce que voyez, les différents carrés rouges, là, si toute cette glace-là devait fondre ? et cette péninsule-là, elle est très menacée par le réchauffement ? ce serait un autre 6 m d'augmentation du niveau de la mer auquel on devrait s'attendre.

Je vous disais, tout à l'heure, que le rapport de 2001 du groupe de scientifiques des Nations unies parlait d'une augmentation de 50 à 90 cm. Alors, on est loin de ça. Suite aux dernières études qui ont été publiées sur cette partie-là de l'Antarctique et sur le Groenland, il y a des scientifiques à la NASA, comme M. Jim Hansen par exemple, qui parlent d'augmentation du niveau de la mer de 2 m d'ici 2100. Bon, je passe rapidement sur Environnement Canada qui dit qu'il y a un risque faible mais non négligeable, là, de l'effondrement de cette partie-là ouest de l'Antarctique.

Mais 2 m d'augmentation du niveau de la mer et la Floride a l'air de ça. Ça, j'ai tiré ça d'un magazine de vulgarisation scientifique aux États-Unis qui s'appelle le Scientific American qui est un peu, là, l'équivalent du Québec Science aux États-Unis, en 1999. Alors, les gens disaient: Si le niveau... Et là, en 1999, il n'y a personne qui pensait que 2 m, ce serait avant des centaines d'années. Il n'y a personne qui parlait de ça pour 2100: Bien, voici de quoi la Floride aurait l'air si le niveau de la mer devait augmenter de 2 m.

On a travaillé avec le gouvernement de la Colombie-Britannique, donc vous avez la région de Vancouver, là, le centre-ville de Vancouver, Burnaby, tout ça, pour regarder quel serait, par exemple, l'impact de l'augmentation du niveau de la mer de 6 m sur une ville comme Vancouver. Alors, je vais vous montrer une série de huit acétates. Chaque acétate correspond à une augmentation d'à peu près 75 cm du niveau de la mer. Alors ça, 75 cm, on est presque sûrs d'arriver là d'ici 2100, 1,5 m, et l'on continue comme ça. Oups! Pardon. Alors, si on devait arriver jusqu'à 6 m, bien voici ce qui resterait du centre-ville de Vancouver. Bien évidemment, on est au Canada, on a de la place, on peut déménager les gens, on peut les relocaliser; aux Îles-de-la-Madeleine, ça va être drôlement plus compliqué. Dans le Grand Nord, on parle de la fonte du pergélisol, de l'augmentation du niveau de la mer sur les côtes. Les dynamiques et les solutions sont beaucoup, beaucoup plus complexes. La fonte du pergélisol va faire en sorte qu'on va devoir déménager les gens, mais on va les déménager où et sur quoi? On va devoir construire tout sur pilotis, on va devoir reconstruire tout, c'est très compliqué.

Moi, je n'envie pas en fait... Malgré le plaisir que vous allez probablement prendre à aller dans le Grand Nord ? j'y suis allé ? je n'envie pas votre position de devoir donner des solutions à ces gens-là parce que, des solutions pour ces gens-là, il n'y en a pas de faciles, comme on dit si bien par ici. Ça va être très compliqué, ça va coûter très cher et ça va demander des adaptations très, très, très importantes.

Par contre, et je ne veux pas, par cet acétate-là, discréditer le travail excessivement important que font des gens comme Ouranos sur l'adaptation, mais on a présentement une dynamique au Canada, qui n'est pas celle du Québec, d'un gouvernement qui nie la réalité des changements climatiques. Hein, pour M. Harper, c'est une science émergente, les changements climatiques ? ça, c'est les conseillers en communication de George Bush qui lui ont dit de dire ça. On a un gouvernement qui veut rejeter le Protocole de Kyoto, et là on a des commentateurs politiques qui disent: Bien, on va s'adapter, ça devrait être ça, notre stratégie, au Canada: s'adapter aux changements climatiques. Mais si on ne fait que ça, on va devoir s'adapter, et s'adapter, et s'adapter. C'est une boucle sans fin, c'est un cercle vicieux.

On a très bien accueilli la publication du Plan québécois sur les changements climatiques. Le député d'Alma plus tôt disait qu'il fallait passer d'un plan à l'action, et pour nous c'est très, très, très important. Donc, l'importance de la mise en oeuvre et les négociations avec Ottawa, nous serons heureux ? et là je pense que je parle pour l'ensemble des groupes écologistes concernés par ça ? de travailler avec le gouvernement, de travailler avec tous les partis politiques québécois. Et il y a un consensus fort au Québec, ce consensus-là, il va falloir le faire entendre très fort à Ottawa, parce qu'on est loin d'un consensus au sein du gouvernement fédéral.

Mais on a des opportunités. On parlait... Bon, M. Fortier vous a présenté une série de mesures. On a des opportunités absolument incroyables au Québec. On parlait, par exemple, de la refonte du Code du bâtiment. Or, là, ce qu'on voudrait faire, c'est probablement se diriger vers quelque chose qui ressemble à Novoclimat, la norme Novoclimat, qui une norme d'efficacité énergétique dans le bâtiment. La norme Novoclimat ne passerait jamais la rampe au Danemark: ils ont un code du bâtiment qui est deux fois, deux fois et demie plus efficace que le nôtre.

On pourrait intégrer, dans ce code du bâtiment là, des normes sur le solaire passif. Par exemple, pour un bungalow typique, là, que vous construisez n'importe où au Québec, si vous mettez la même quantité de fenêtres mais que vous orientez bien ces fenêtres-là, vous les mettez au sud, peu de fenêtres au nord, vous pouvez aller chercher, absolument gratuitement, 25 % de vos besoins de chauffage. Il y a des conceptions solaires qui sont faites aujourd'hui, là, où on peut aller chercher 25 %... en fait 50 %, 75 % des besoins de chauffage absolument gratuitement; celles-là, il faut investir un peu plus, là, mais sans surcoût, 25 % de nos besoins de chauffage. Imaginez si les 50 000 maisons qui sont construites aujourd'hui, à chaque année, au Québec, bien c'est 50 000 fois 25 % des besoins de chauffage qu'on n'a plus besoin, c'est des barrages qu'on n'a plus à construire, c'est de l'électricité qu'on peut libérer pour envoyer aux États-Unis, pour envoyer aux Ontariens, qu'ils arrêtent de nous polluer avec leurs centrales au charbon sur la tête.

Il y a des technologies du solaire, pas nécessairement la production d'électricité, qui est encore assez coûteuse, mais le chauffage, ce qu'on appelle le solaire thermique, on peut utiliser ça aujourd'hui, c'est déjà très efficace d'un point de vue technologique. C'est d'un point de vue économique aussi très rentable pour les utilisateurs. Or, pourquoi est-ce que, si on revoit le Code du bâtiment ? on fait ça une fois aux 25 ans ? pourquoi est-ce qu'on ne va pas vers les meilleures technologies, vers les meilleures techniques?

Je vous donne un autre exemple de projet vers lequel on devrait se tourner, tant qu'à faire. Ce système-là, qui est un système qu'on utilise à Toronto pour climatiser les grands édifices, va faire en sorte qu'on utilise l'eau froide du lac Ontario pour climatiser, ça réduit la facture d'électricité de ces édifices-là de 90 %. Moi, il me semble que, si j'étais gestionnaire d'un édifice ou si j'étais propriétaire, j'aimerais ça sauver 90 % sur ma facture d'électricité, sans compter les réductions des émissions de gaz à effet de serre.

n (19 heures) n

Le solaire, vous avez une étude de l'agence de l'énergie qui compare différentes villes canadiennes à différentes villes internationales en termes de potentiel, alors Montréal, ce n'est pas Los Angeles, ce n'est pas Sydney, mais on a un potentiel quand même non négligeable. Est-ce qu'on utilise le solaire au Canada? Bien, vous avez le Canada versus le Danemark, le Japon, ou encore la grande championne mondiale, l'Autriche, et tout le monde sait bien que l'Autriche est une destination soleil bien connue, hein? Moi, je suis certain que vous avez plein de gens dans votre entourage qui vont prendre du soleil en Autriche, qui vont sur la plage en Autriche. Bien sûr que non! Pourquoi l'Autriche plus que le Canada? Volonté politique. Clairvoyance. Ils ont dit: C'est là qu'on s'en va, nous, c'est ce qu'on va faire. Bon, c'est vrai que leurs tarifs d'électricité sont un peu plus chers que les nôtres, ce qui rend ces technologies un peu plus compétitives, mais, dans le cas du solaire thermique, c'est déjà très près d'être une technologie compétitive au Québec.

Peut-être un dernier exemple de bâtiment comme ça, le Pavillon Lassonde, de Polytechnique. J'attire votre attention simplement sur le fait que les deux tiers du chauffage de cet édifice-là sont fournis par des pertes de chaleur dans l'édifice voisin. Alors, des pavillons Lassonde, il y en a beaucoup au Québec, des opportunités comme ça où on peut utiliser le fait qu'on a une économie qui date, des entreprises qui datent et qui n'ont pas toujours été très efficaces pour faire de la société québécoise la société la plus efficace possible. Et évidemment qui dit efficacité dit productivité et dit réduction de la pollution.

J'allais vous parler du plan Harper sur Kyoto, mais je pense que je vais laisser nos caricaturistes québécois le faire. Alors, quand on a coupé la plupart des programmes, dont le programme ÉnerGuide ? on voyait ce matin, dans les journaux, que le gouvernement du Québec aimerait qu'on ramène ce programme-là à l'avant-scène ? c'est ce que M. Chapleau avait à dire; il y avait dans Le Devoir aussi M. Garnotte. Cette caricature-là a gagné un prix aux Nations unies au mois de mai dernier. Lors de la dernière séance de négociation, on a fait un concours avec les délégués pour savoir quelle était leur caricature préférée du plan canadien, et c'est celle-là qui a gagné. Celle-là, ça aurait été un peu plus compliqué d'expliquer aux délégués de différents pays, le contexte culturel est assez important comparativement aux deux autres, donc celle-là, on ne l'a pas mise. Alors, je vais passer sur le plan de M. Harper, mais je pense que nos caricaturistes ont assez bien saisi l'essence de ce qu'on essaie de faire.

Simplement pour dire que le Québec a joué depuis plusieurs années, toutes allégeances politiques confondues, un rôle très important sur la scène canadienne et même sur la scène internationale au niveau du Protocole de Kyoto. Il est temps pour le Québec de jouer ce rôle-là à nouveau. Alors, il y a des rencontres fédérales-provinciales qui arrivent sur la question des changements climatiques, nous souhaitons fortement que le Québec fasse entendre sa voix, et le consensus québécois, et certainement aussi dans le cadre de la prochaine conférence des Nations unies, qui aura lieu à Nairobi, au Kenya, au mois de novembre. Merci beaucoup.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci infiniment. C'est un plaisir que de vous entendre, et je pense qu'on va avoir une bonne discussion avec vous sur... vous qui avez été dans le Nord, qui avez déjà rencontré ces communautés. Je suis inquiet, je l'ai manifesté tout à l'heure. Je dois vous dire ? vous n'étiez peut-être pas arrivé à ce moment-là ? mais j'ai reçu un coup de massue sur la tête.

M. Guilbeault (Steven): J'étais là quand vous l'avez reçu.

Le Président (M. Pinard): Vous y étiez? Bon. Alors, je dois vous avouer que je suis inquiet, un peu, de quitter le sol de la ville de Québec pour me rendre dans le Grand Nord pour discuter de la problématique climatique avec des gens qui la vivent quotidiennement. On s'est posé des questions, tout à l'heure, concernant la gestion des déchets miniers, concernant la gestion des déchets domestiques. On s'est posé des questions, en début d'après-midi, sur les pistes d'aviation, le réseau routier. 21 km, ce n'est pas beaucoup. Il y a quand même...

M. Guilbeault (Steven): Des kilomètres dont ils ont besoin.

Le Président (M. Pinard): C'est ça. On a été alertés par les groupes de recherche qui travaillent depuis quelques années sur cette problématique-là, et je pense que nous, membres de la commission, on n'est pas différents des autres Québécois, en ce sens que nous sommes du Sud, donc nous connaissons davantage la problématique qu'on vit dans le Sud et beaucoup moins la problématique qui peut être vécue par ces communautés qui... malgré le fait qu'ils sont seulement 11 000 citoyens, c'est 11 000 citoyens qui demeurent au Québec, qui demeurent dans cette région du Nord et qui ont droit également à avoir un effort soutenu de la part de leur gouvernement pour assurer une quiétude, une qualité de vie et une possibilité de vivre décemment, également.

Alors, je suis inquiet, et en même temps j'ai vraiment hâte d'entendre les porte-parole de ces communautés, qui vont sûrement nous sortir des problématiques comme celle qu'on m'a fait parvenir, là, de Kativik, sur la question minière. Mais je pense que d'abord c'est un drame humain qui va se vivre, et le drame humain, si je me fie au Pr Fortier, à ce moment-là, d'ici 15, 20 ans, on devrait vivre des changements absolument incroyables dans le Grand Nord. Ces gens-là ne sont pas habitués de voir passer des flottes de navires. Ils sont habitués d'aller sur la banquise pour chasser, pêcher, et tout ça, et là, selon leurs propos, de plus en plus ça disparaît.

Et, si je suis votre raisonnement, la calotte glaciaire, elle, on peut extrapoler, là, mais supposons qu'elle fond. À ce moment-là, on se ramasse avec 6 m de plus. 6 m de plus, est-ce que ça veut dire qu'il y aura des inondations qui vont faire en sorte que ces communautés qui sont logées le long de... qui habitent la côte, le littoral, à ce moment-là, est-ce que ces communautés vont devoir être massivement...

M. Guilbeault (Steven): Déplacées?

Le Président (M. Pinard): ...déplacées, oui, déplacées vers le sud? Quels seront les effets sur leur sentiment d'appartenance? Quels seront les effets sur leur vie familiale, leur vie politique, parce qu'ils vivent politiquement également en communauté? Je dois vous dire que ça m'inquiète. Ça me bouleverse un peu. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Guilbeault (Steven): Je l'ai dit, mais je vais le redire, hein? Présentement, là, les projections les plus pessimistes parlent de 2 m d'ici 2100. 2100, pour un gouvernement, c'est demain matin, là. Ce n'est pas... Bon. Vous et moi, on ne sera plus là pour voir ça, mais, pour des villages, pour des populations, c'est demain la veille.

Je pense qu'il va falloir faire preuve de beaucoup d'humilité avec ces gens-là en leur disant que c'est un problème qu'on commence à comprendre et pour lequel on n'a pas encore beaucoup de solutions. Je pense qu'on est un peu impuissants quand ces gens-là nous racontent les drames qu'ils vivent, parce qu'ils ont déjà commencé à vivre ces drames-là, que ce soient les histoires de chasseurs, de pêcheurs qui meurent parce que la glace cède sous leurs pieds, alors qu'avant c'était un peu l'histoire du bonhomme Sept-Heures, là. On disait ça aux enfants quand ils ne voulaient pas se coucher, là: Tu vas passer à travers la glace, là, si tu vas chasser. Ça n'arrivait presque jamais, c'était très rare, alors que maintenant ils doivent... ils ont déjà dans certains cas commencé à changer leur mode de vie pour s'adapter aux changements climatiques. Mais je pense que ce que les gens d'Ouranos, d'ArcticNet nous ont montré jusqu'à maintenant, c'est... je ne veux pas faire de mauvais jeu de mots, mais c'est la pointe de l'iceberg, là. Ce qu'on vit présentement, c'est le début.

Alors, je pense qu'il va falloir être très honnêtes avec ces gens-là et s'engager à travailler avec eux et pour eux, mais en leur expliquant qu'en ce moment on étudie différents scénarios, mais que c'est un problème important, et on n'a pas de solution. Il n'y a pas de solution magique.

Le Président (M. Pinard): Vous avez visité ces communautés. La problématique qu'on soulevait, tout à l'heure, concernant les déchets miniers et concernant également les déchets domestiques, est-ce que vous l'avez vue? Est-ce que vous avez regardé ça?

n (19 h 10) n

M. Guilbeault (Steven): Non. Nous, c'était vraiment un voyage au niveau des changements climatiques. Donc, les communautés, on en a rencontré plusieurs, là... en fait quelques-unes sur la côte Est, parce qu'il n'y a pas beaucoup de monde sur la côte Est, là, au sud et sur la côte Ouest, et c'était spécifiquement sur la question du réchauffement de la planète et des changements climatiques. Il y avait, entre autres, une conférence ministérielle qui avait lieu au mois d'août, au Groenland. Donc, c'était en lien avec ça aussi, en préparation de la conférence de Montréal sur les changements climatiques. Alors, c'était spécifiquement aux changements climatiques.

Le Président (M. Pinard): Greenpeace est au fait, par exemple, des multiples déchets qui existent de par une exploitation sauvage du Grand Nord québécois. Tout à l'heure, le ministère de l'Environnement nous mentionnait que... Je pensais qu'il pouvait y avoir 15 ou 20 sites, mais semble-t-il que je suis très, très en deçà, mais j'aurai...

M. Guilbeault (Steven): ...entendu parler, on parle de quelques centaines probablement, là.

Le Président (M. Pinard): Alors, est-ce que Greenpeace a une position face à ça?

M. Guilbeault (Steven): Bien oui. En fait, c'est certain, mais je ne suis pas... je ne travaille pas sur ce dossier-là, personnellement. Par contre, je serais heureux de... Il y a des gens au Québec qui s'intéressent de très près à cette question-là, qui ont beaucoup plus d'expertise et de connaissances que moi. Là-dessus, je serais heureux, là, de... Je pense que ça va être difficile avant votre départ, là, mais, si c'est un dossier sur lequel la commission aimerait se pencher, je serais heureux de vous fournir des noms de gens qui seraient en mesure de bien répondre à vos questions, ce que, moi, je ne suis pas en mesure de faire.

Le Président (M. Pinard): J'apprécierais beaucoup. Luc?

M. Thériault: M. Guilbeault, merci. Vous avez fait un exposé fort éclairant et, bon, fort éloquent. On voit que vous connaissez ce dont vous parlez, vous l'avez vécu. Je me suis même laissé transporter par les photos. J'ai accroché, à un moment donné, puis je voudrais que vous puissiez échanger avec moi peut-être là-dessus. Vous avez dit... Parce que, moi, tout au long de la journée, j'ai beaucoup insisté sur le fait qu'il fallait s'adapter, et s'adapter, pour moi ça ne voulait pas dire laisser aller.

Et vous avez employé le terme de façon péjorative en disant... en parlant, entre autres, de M. Harper et de ses prétentions de la science émergente et peut-être le sens que certaines personnes peuvent donner au fait que, bon, l'être humain s'est toujours adapté, donc il va encore s'adapter au réchauffement de la planète, comme pour banaliser un peu. Je pense que c'est ça que... Mais s'adapter, ça peut vouloir dire aussi une refonte du Code du bâtiment, ça peut vouloir dire, en partant de l'état de situation réelle, bien, de changer effectivement le mode de vie, etc. J'aimerais que vous me parliez un petit peu de cette vision péjorative qui consiste un peu... Même, j'ai déjà lu des gens qui nient le réchauffement climatique. Et, moi, en tout cas, aujourd'hui, je ne sais pas si on a invité les bonnes personnes, j'ai l'impression que oui, pourtant il y a encore des gens qui prétendent que cela pourrait être réversible, que ce n'est pas si évident que ça sur une longue période de temps. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus, sur notre capacité d'adaptation, aux sens négatif et positif, parce qu'au fond il faut chercher les solutions et dès maintenant.

C'est parce que ce que je ne voudrais pas, moi, c'est qu'on se retrouve devant une situation où on est passifs parce qu'on subit, donc c'est l'apocalypse. Je ne verrai pas ça, peut-être mes enfants ne le verront pas, et donc en quelque part on a l'impression qu'on a du temps et donc que ce sera pour d'autres, cette problématique-là. Et évidemment c'est complexe parce que ce n'est pas juste le Québec, c'est mondial, c'est international, ça implique... Quand on parle de volonté politique, ce n'est pas seulement que la volonté politique des gens au Québec ou des politiciens du Québec, c'est la volonté politique de bien des gens qui ont affaire au développement puis aux dynamiques économiques sur la planète. Alors, j'aimerais un peu vous entendre sur ça.

M. Guilbeault (Steven): En fait, je devrais commencer par vous dire que j'ai utilisé le terme «adaptation» dans son terme très technique et du langage qui est utilisé au sein, par exemple, des Nations unies, de la communauté scientifique, c'est-à-dire que, quand on parle d'adaptation, on parle donc de s'adapter aux changements climatiques d'un point de vue généralement technique, technologique, alors des murets, des brise-vagues, alors que, dans ce même jargon là, quand on parle... quand vous avez parlé, par exemple, du Code du bâtiment, et ces choses-là, on parle de mitigation, donc de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Mais je pense qu'on a besoin des deux. C'est clair. Parce que nous allons, on s'en rend compte de plus en plus, devoir vivre avec un certain niveau de réchauffement de la planète et de changements climatiques. Alors, nous aurons à nous adapter. Et nous allons le faire. Il y a des endroits où l'adaptation, ça va être comme dans certaines îles du Pacifique qu'on est en train d'évacuer présentement, parce que 25 cm d'augmentation du niveau de la mer, bien ça fait en sorte que certaines de ces îles-là deviennent de moins en moins vivables, au sens propre, donc on commence déjà à déplacer des gens vers, par exemple, la Nouvelle-Zélande. Alors, c'est une stratégie d'adaptation. Ça veut dire évidemment, pour ces gens-là, la disparition de leur pays, la disparition de leur terre. Est-ce que ce sera ça pour les gens dans le Grand Nord québécois? Je ne le sais pas. Est-ce que ce sera ça... je parlais des Îles-de-la-Madeleine? Peut-être.

Alors, évidemment, le niveau d'adaptation auquel on devra faire face est fonction de différents facteurs, un de ces facteurs-là, c'est: À quel point le climat est-il sensible aux variations de température? Est-ce que le climat de la planète est très sensible aux variations de température causées par l'humain? Et, si la réponse à ça, c'est oui, ça veut dire que peu de réchauffement, beaucoup de changements climatiques et donc beaucoup d'adaptation. Si le climat... Et là c'est une des grandes questions sur laquelle les scientifiques se penchent présentement au niveau international, c'est cette variabilité du climat... sensibilité du climat, c'est-à-dire. Si le climat est très peu sensible aux variations de température, bien là ça peut vouloir dire beaucoup d'augmentations de température, mais pas trop de changements climatiques, et ça, on n'est vraiment pas certains. Les modèles qui sont faits présentement sont faits... Bon, il y a eu une explosion de la connaissance et de notre capacité à comprendre ce qui se passe depuis 10, 15 ans, mais c'est tout récent qu'on va faire des modèles informatiques où on a à la fois les interactions de l'atmosphère et de l'océan. Avant, c'était comme deux systèmes parallèles, on n'avait pas la capacité informatique, les modèles, pour être capables de jumeler tout ça et d'avoir un portrait d'ensemble qui soit beaucoup plus fidèle à la réalité.

Je pense que l'autre élément très, très, très important sur lequel vous mettez le doigt, c'est celui de la volonté politique, qui est de toute évidence beaucoup plus large que la volonté des politiciens et des politiciennes, c'est une affaire de société, c'est en train de devenir un enjeu et un débat de société, et, là-dessus, je suis un peu en désaccord avec M. Fortier quand il parlait du Défi d'une tonne, et je ne veux pas dire par là que, pour moi, Le défi d'une tonne, c'était la meilleure chose inventée depuis le pain tranché, mais on a besoin de sensibiliser, d'éduquer la population du Québec, du Canada et partout, mais particulièrement ici, parce qu'on est ici, sur cette réalité-là: C'est quoi, le réchauffement de la planète? C'est quoi, les impacts potentiels? Quels sont ceux qu'on connaît déjà? Les vagues de chaleur qui ont fait 30 000 morts dans le Sud de l'Europe, est-ce que c'est lié à ce phénomène-là? Le fait qu'on ait de plus en plus de journées de smog, ce qui se passe dans le Grand Nord, alors les gens ont besoin d'être sensibilisés sur ça et aussi sur les solutions. Et, les solutions, bien il y a des solutions d'ordre industriel, il y a des solutions d'ordre individuel, il y a des solutions qui viendront des gouvernements, le plan d'action québécois en est un bon exemple. Et c'est difficile de convaincre les gens qu'il faut passer à l'action, il faut changer nos façons de faire, s'ils ne sont pas convaincus qu'il y a un problème, et, pour moi, c'est très important.

Alors, est-ce que Le défi d'une tonne était la solution à tous nos problèmes, non, mais on a financé des groupes à travers le Canada qui se sont promenés, qui sont allés parler à des gens dans des communautés, à des gens d'affaires, à des MRC pour leur dire: Bien, voici ce qui se passe. Et ça, c'est très important et c'est grâce à... On doit financer la réduction, on doit financer la science des changements climatiques. D'ailleurs, moi, je crains beaucoup pour Ouranos, pas pour la survie d'Ouranos, parce que cette survie-là, elle est largement assurée par le gouvernement du Québec, mais les programmes d'Ouranos, ses programmes de recherche, sont subventionnés à 30 %, 40 % par le gouvernement fédéral. Ce financement-là, à moins que je ne me trompe, arrive à échéance au mois de décembre, et là toutes les indications qu'on a, c'est que le fédéral ne renouvellera pas son financement pour Ouranos. Donc, ça m'inquiète énormément. On n'aura plus la capacité de savoir ce qui se passe. Le gouvernement Harper est en train d'essayer de nous rendre aveugles par rapport aux impacts des changements climatiques. C'est grave!

Le Président (M. Pinard): Allez. Allez.

n (19 h 20) n

M. Thériault: Moi, en tout cas ce que je retiens de notre journée, de notre après-midi et aussi du sens de notre mission, c'est que savoir, c'est pouvoir. Et, à partir de là, s'il y a quelque chose qu'il ne faut pas lâcher, c'est cette relation étroite entre savoir et pouvoir. Et on voit... Quand vous parlez de leadership politique, ça me fait penser à quelque chose d'assez particulier, c'est-à-dire qu'à moins qu'il y ait catastrophe ? et là on a déjà entendu le discours de certains actuaires, de gens qui disent: La journée où ça nous coûtera plus cher de commencer à pallier, ou à rembourser, ou à assurer les catastrophes, à ce moment-là on commencera à essayer d'intervenir et donc d'avoir des mesures d'adaptation, etc. ? à moins qu'il y ait des catastrophes, à moins qu'il y ait des pressions politiques, si on ne fonctionne pas en fonction du principe de prévention et de précaution, ce qui arrive souvent dans des phénomènes comme celui-ci, pour avoir étudié la circulation des idées et des idéologies dans des sociétés, c'est que plus on en parle, paradoxalement, et plus on normalise, on banalise la chose, et donc l'effet d'urgence, la volonté d'urgence chez les gens en général s'estompe, la pression politique avec, et donc en quelque part les gens sont encore en instance d'attendre. Ça, c'est un phénomène qui me fait très peur par rapport à toute cette question du réchauffement de la planète, des changements climatiques et de...

Et ça, je ne sais pas ce que vous en pensez, mais il va falloir se battre, et la seule façon de contrer ça, c'est une volonté politique qui veut aller de l'avant en fonction de la prévention et de la précaution parce que, si on attend qu'il y ait les pressions politiques, le phénomène dont je vous parle, qui consiste à la normalisation et à la banalisation du phénomène tant qu'on n'est pas confronté à une catastrophe, va éventuellement prendre le dessus. Alors, si les politiciens ou si le politique, au sens large du terme, attend, avant d'agir, strictement d'être en situation d'urgence, bien, l'urgence, elle est déjà ici maintenant installée, mais ce n'est pas tout le monde qui a la même conscience de ça. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Guilbeault (Steven): Bien, je pense que vous avez bien raison. On a un allié de taille, et c'est triste et c'est déplorable, on a un allié de taille dans cette question-là, c'est les impacts des changements climatiques. Or, à chaque fois qu'il y aura une crise du verglas, une inondation du Saguenay, une Katrina, une vague de chaleur meurtrière, ça va revenir à l'avant-scène, ça va refaire... ça va... De un, les médias vont en reparler et ça va remettre de la pression, à tort ou à raison, là. On ne peut pas, d'un point de vue scientifique, dire: Katrina, c'est le réchauffement de la planète. On peut dire: Bien, il y a des études qui nous disent qu'à cause du réchauffement de la planète il y a des ouragans de plus en plus puissants, pas nécessairement plus. On ne peut pas dire: Le Saguenay, c'étaient les changements climatiques. Mais on sait qu'à cause du réchauffement de la planète on a un système atmosphérique qui est beaucoup plus chargé d'énergie et donc qu'il y a beaucoup plus d'inondations.

Mais les médias et la population en général ont tendance à fonctionner par association. Il fallait voir la couverture du Newsweek pas longtemps après Katrina, aux États-Unis, en disant: Bien, voici le visage des changements climatiques. C'est ça, les changements climatiques. Et là, depuis... bon, M. Bush est en mauvaise posture par rapport à ce dossier-là. Il a même nommé son nouveau ministre des Finances, qui est un pro-Kyoto affiché, un ancien président de conseil d'administration d'un groupe écologiste américain, donc... Alors, même aux États-Unis, il y a de l'espoir, du moins au niveau fédéral.

Vous avez parlé des actuaires. Ça peut prendre toutes sortes de tangentes, hein, ça, la réponse de certains secteurs économiques. Suite à Andrew, en 1992, aux États-Unis, qui était, avant Katrina, la pire catastrophe de leur histoire, il y a 28 des 32 compagnies d'assurance qui ont menacé de quitter l'État de la Floride. Le gouvernement de l'État a dû intervenir pour les forcer à rester parce qu'on peut imaginer ce qui serait arrivé aux primes d'assurance si on était passé de 32 à quatre compagnies d'assurance en l'espace de quelques mois. Maintenant, se faire assurer contre les catastrophes naturelles sur la côte Est des États-Unis, c'est soit impossible soit hors de prix. Alors, il y a cette adaptation-là aussi qui se fait et qui est évidemment très déplorable.

Le Président (M. Pinard): Norbert.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Peut-être, M. le Président, juste pour amener ça sur le terrain, là. On a eu un cours de philosophie. Dans votre visite au Groenland, est-ce que vous avez senti que les communautés étaient aussi sensibles, dans leurs gestes quotidiens, dans leur manière de vivre, à l'environnement?

M. Guilbeault (Steven): On n'a pas été là très, très longtemps, là, mais il y a de plus en plus d'initiatives pour essayer de voir comment eux aussi peuvent contribuer. Par exemple, un des villages qu'on a visités, dans le sud, Ilulissat... non, excusez-moi, c'est Narsaq, l'électricité, comme c'est le cas dans plusieurs de ces communautés-là, est fournie à partir de génératrices au diesel ou au «bunker». Bien là il y avait un projet de petite centrale sur une rivière pour alimenter deux communautés et faire en sorte que ces communautés-là n'aient plus ou presque plus besoin d'utiliser des génératrices comme ça.

Alors, il y a déjà une réflexion qui est faite en disant: Bon, c'est certain que, nous, les quelques centaines de milliers de personnes, en fait les quelques dizaines de milliers de personnes, on ne contribue pas beaucoup au problème, mais on peut quand même faire partie de la solution plutôt que de faire partie du problème. Alors, il y a un éveil là aussi.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Donc, M. le Président, on peut leur parler, et ils sont éveillés à l'environnement. Les images que j'ai, je vois des motoneiges un peu partout, des carrosseries. Là, je verrai si c'est ça.

M. Guilbeault (Steven): Bien, il y a de ça, vous risquez d'en voir, oui, mais c'est un peu... ces endroits-là ont le défaut de leur qualité: il y a bien de la place, donc on ne se casse pas trop la tête. Le parallèle, on peut le faire entre l'Amérique du Nord... la gestion des déchets au Canada versus la gestion des déchets en Europe. On ne leur arrive pas à la cheville, entre autres, parce qu'ils n'ont pas de place pour leurs déchets, alors ils doivent être très, très, très efficaces. Nous autres, bien: C'est correct, on va ouvrir un autre dépotoir ici, on a de la place, pas de problème. Cette réflexion-là, elle est... En fait, ce n'est pas une réflexion autant qu'un réflexe inconscient. On le retrouve aussi dans le Grand Nord, là. Mais je pense que, nous, ce qu'on a vu, c'est des gens qui s'éveillaient de plus en plus, mais vous allez en trouver encore, des skidoos sur le bord puis des autos abandonnées.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Qu'on en retrouve, ça, je suis convaincu, mais est-ce qu'on peut leur parler librement de ces choses qu'on va voir? C'est ça qui m'inquiète un petit peu.

M. Guilbeault (Steven): Moi, ce que j'ai constaté, c'est que ces gens-là étaient très ouverts à discuter. Bon, c'est certain qu'il faut... il y a des façons de le faire. On ne débarque pas avec nos gros sabots en leur disant: On va vous montrer comment ça marche. Mais, dans le cadre d'un dialogue, moi, j'ai toujours trouvé que ces gens-là étaient très ouverts et étaient très prêts à explorer des choses.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup, M. Morin. Ça va? Alors, merci, M. Guilbeault. Merci à vous tous qui êtes demeurés avec les membres de la commission de façon si tardive. Il est déjà 19 h 30, mais vous comprenez que je pense que j'avais tout à fait raison de convoquer une séance particulière avant le voyage des membres de la commission, de la sous-commission, dans le Grand Nord, parce que vraiment ce qu'on a discuté aujourd'hui a été très apprécié de tous et chacun des collègues, et, pour moi, ça a été très, très enrichissant.

Alors, il ne fait absolument aucun doute que nous allons revenir de notre mission très enrichis, qu'il y aura un rapport qui sera soumis à l'Assemblée nationale avec possiblement des recommandations. Immédiatement cet après-midi, là, il y en avait certaines qui ressortent, qui nous apparaissaient très importantes.

Et suite au dépôt du rapport de commission, on a toujours un débat de deux heures qui s'effectue à l'Assemblée nationale. Et le rôle d'une commission parlementaire, que ce soit... là, c'est surtout au niveau environnemental, mais, lorsqu'on l'a fait au niveau de la sécurité routière, parce que c'est également la même commission, la commission des transports, un des rôles les plus importants d'une commission parlementaire, c'est d'assurer le suivi du document qui est déposé aux collègues de l'Assemblée nationale, aux 125 députés, pour faire en sorte qu'effectivement ce document-là ne tombe pas dans une filière qu'on appelle la filière n° 13, mais bien qu'il y ait un suivi pour que ces recommandations-là... elles n'aboutiront sans doute pas toutes, mais qu'il y ait des recommandations qui permettent l'amélioration de la qualité de vie de ces communautés. Et je pense que c'est de cette façon-là qu'on atteint réellement le résultat de ce pourquoi nous avons été élus. Nous avons été élus pour représenter les citoyens du Québec, peu importe à quel endroit ils se situent sur le territoire, et ces citoyens sont des citoyens à part entière, et on se doit de leur donner également une qualité de vie qu'on va retrouver dans nos comtés respectifs.

Alors, merci, M. Guilbeault, d'être avec nous cet après-midi, merci à vous tous. J'ajourne donc les travaux sine die.

(Fin de la séance à 19 h 30)


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