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Version finale

38e législature, 1re session
(8 mai 2007 au 5 novembre 2008)

Le mercredi 7 novembre 2007 - Vol. 40 N° 13

Consultations particulières sur le projet de stratégie gouvernementale de développement durable


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Table des matières

Auditions (suite)

Intervenants

 
M. Lawrence S. Bergman, président
Mme Line Beauchamp
M. Simon-Pierre Diamond
M. Claude Roy
M. Camil Bouchard
Mme Linda Lapointe
M. Sébastien Schneeberger
M. Alexis Wawanoloath
M. Luc Ferland
* Mme Andrée-Lise Méthot, FIDD
* M. Gaston Lafleur, CQCD
* Mme Françoise Pâquet, idem
* M. Romeo Saganash, GCCEI
* Témoins interrogés par les membres de la commission
 

Journal des débats

(Quinze heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Bergman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir fermer leurs téléphones cellulaires. Je vous rappelle que le mandat de la commission est de procéder à des auditions publiques dans le cadre de consultations particulières sur le projet de stratégie gouvernementale de développement durable.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Damphousse (Maskinongé) est remplacé par M. Schneeberger (Drummond); M. Domingue (Bellechasse) est remplacé par Mme Lapointe (Groulx); M. Gingras (Blainville) est remplacé par M. Roy (Montmagny-L'Islet); et M. Deslières (Beauharnois) est remplacé par M. Wawanoloath (Abitibi-Est).

Auditions (suite)

Le Président (M. Bergman): Merci. Je demanderais au groupe Fonds d'investissement en développement durable pour prendre leur place à la table. Mme Méthot, bienvenue. Je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec la ministre et les députés à la commission. Alors, Mme Méthot, la parole est à vous.

Fonds d'investissement en
développement durable (FIDD)

Mme Méthot (Andrée-Lise): Merci. Alors, d'abord, j'aimerais remercier les membres de la commission de nous avoir invités. Je ferai, dans un premier temps, une courte présentation des activités de notre Fonds d'investissement en développement durable. Et j'aimerais me pencher sur les orientations 1, 3, 4 et 8 qui sont présentées dans la stratégie.

L'axe que nous avons décidé de prendre pour commenter la stratégie est le suivant: d'abord, utiliser des outils reconnus internationalement, des expériences novatrices que nous connaissons et que nous partageons avec les Européens, tout particulièrement parce que j'ai la chance de coprésider un groupe du programme des Nations unies sur la question du développement durable et l'intégration des aspects sociaux. Donc, ça nous donne accès à un niveau d'information et de compréhension de la plupart des États européens, comment ces gens-là ont procédé dans le cadre de leurs stratégies.

D'autre part, on a pris... On n'est pas un groupe de lobby, on n'est pas un groupe qui a, je dirais, l'habilité pour écrire des mémoires, mais ce que nous avons fait, c'est prendre une approche très simple à partir de notre expertise avec les entreprises, notre expertise de financiers, et on va limiter nos commentaires sur les aspects qui relèvent de notre compétence. Évidemment, là, on n'a pas voulu s'improviser spécialistes de stratégies en développement durable, ce n'est pas notre pain et notre beurre.n(15 h 40)n

D'entrée de jeu, je voudrais vous dire que la stratégie met la table intelligemment sur les questions de développement durable. À mon sens, les points sensibles qu'on retrouve dans les autres stratégies européennes, entre autres, sont tout à fait... on peut les repérer très clairement dans la stratégie qui nous est proposée.

Ceci dit, pour côtoyer des gens qui ont mis en oeuvre ces stratégies-là, qui vivent avec, entre autres en Europe, je regarde notre expérience d'investisseurs, quand on décide d'entrer dans les questions de développement durable, il y a des arbitrages complexes. Alors, je trouve que le gouvernement du Québec est audacieux aujourd'hui de nous proposer une stratégie, d'accepter que ça va être un «work in progress». Le gouvernement va faire des erreurs, les parties prenantes vont faire des erreurs en regardant les actions du gouvernement, mais je tiens à dire que c'est comme ça qu'il faut l'aborder, d'une part.

Un mot d'abord sur nous, la mission du Fonds d'investissement. Alors, nous investissons dans des entreprises qui proposent des technologies propres, des énergies renouvelables et qui ont une approche développement durable. Nous sommes un fonds de capital de risque, nous avons près de 13 millions de dollars investis dans 10 entreprises québécoises. La particularité du fonds et qui fait qu'il a été reconnu à l'international, entre autres par le programme des Nations unies, c'est que nous utilisons l'approche cycle de vie, qui est à mon sens une des approches les plus rigoureuses, qui a été, je dirais, testée par les grands de ce monde, Mercedes-Benz, Dow Corning, des États, des politiques d'approvisionnement en Allemagne. Je peux vous dire, comme fonds d'investissement, on est un des premiers au monde à le faire, et ça donne des résultats.

Je pense, la meilleure façon, c'est de parler d'un de nos meilleurs exemples, TORR Canada, une entreprise à Montréal. Quand nous sommes entrés dans cette entreprise-là, il n'y avait aucune vente. Aujourd'hui, TORR Canada a 26 millions de ventes, vient d'acquérir une société norvégienne, a maintenant des bureaux au Moyen-Orient, aux États-Unis, en Norvège, vient de faire un financement sur les marchés publics d'au-delà de 20 millions de dollars, entre autres en Angleterre. Et je peux vous dire que l'ancien P.D.G., parce que le P.D.G. a changé cette semaine, M. Alain Ferland, qui est l'ancien P.D.G. d'Ultramar Canada, quand il parle de l'analyse cycle de vie et de l'intervention de notre fonds, il dit que ça lui a permis d'avoir une approche systématique pour améliorer son bilan environnemental et la performance du produit. Donc, une des choses qui est dite dans la stratégie, c'est qu'il n'y a plus, je dirais, de contradiction entre l'environnement, le social, j'ajouterais, et l'économie. Moi, je peux vous dire que, dans les entreprises performantes, c'est tout à fait le cas. Donc, une entreprise québécoise sur les grands marchés internationaux, financée à l'international, qui a eu des grands critères de développement durable, qui s'est fixée des objectifs et qui, aujourd'hui, a près de 50 employés au Québec et autant à travers le monde.

Maintenant un point. Pour nous, les outils, ce n'est pas un détail. Il y a des outils internationaux qui existent, on pourra en parler. Il y en a, entre autres, le Global Reporting Initiative qui a été développé. C'est une grille connue. Il y a plus de 20 000 parties prenantes dans le monde qui ont participé au développement de cet outil-là avec les Nations unies. Nous sommes probablement le plus petit organisme au monde à faire notre «reporting» sur les trois aspects du développement durable avec cet outil-là. Donc, je pense qu'on est la preuve vivante que cet outil-là est accessible pour n'importe quelle organisation.

J'aimerais d'abord, sur la stratégie, parler de la vision. Je pense que la vision qui nous est proposée campe bien la question de la responsabilisation et de la citoyenneté. Cependant, je trouve que le libellé mériterait d'être bonifié. Alors, nous réitérons un souhait que nous avions fait dans notre mémoire en février 2005, à savoir que le développement durable ne doit pas être une lutte entre les trois pôles mais qu'on doit hiérarchiser ces trois pôles. Nous aimons bien la proposition qu'a faite Corinne Gendron, qui dit que l'environnement, c'est le support qu'il faut préserver, la dimension sociale demeure l'objectif final et l'économie, un moyen. J'oeuvre dans le système capitaliste, dans un fonds capital de risque, je peux vous dire que l'économie est un moyen formidable pour atteindre les objectifs de développement durable. Il faut mettre les bons objectifs; c'est ça, le secret.

Maintenant, sur l'orientation 1, je pense qu'il y a un inventaire qui a été fait sur les différents principes, approches, lignes directrices et indicateurs, je vous inviterais à poursuivre cet inventaire-là. J'en ai discuté avec les fonctionnaires au dossier, nous, on pourra compléter peut-être avec ce que le groupe de travail a fait aux Nations unies. Je tiens à vous dire qu'il y a deux bons exemples au Québec: il y a Hydro-Québec qui fait son «reporting» selon le Global Reporting Initiative ? j'en suis très contente, c'est un grand défi pour eux ? et aussi la Caisse de dépôt et placement du Québec. Je ne sais pas si vous le saviez, mais la Caisse de dépôt a adhéré au Carbon Disclosure Project. Le Carbon Disclosure Project, c'est 225 investisseurs institutionnels à travers le monde, 41 trillions de dollars sous gestion. Alors, on retrouve, au Carbon Disclosure Projet, CalPERS, CalSTRS, Merrill Lynch, Citigroup, la Caisse de dépôt, maintenant, est là. On a raison d'être fiers, et je pense que, pour une institution relevant du gouvernement du Québec comme la caisse, voici un geste très concret en matière de développement durable.

Maintenant, je pense que c'est une excellente idée qu'il y ait des principes de développement durable dans les mémoires soumis au Conseil des ministres. Ceci dit, je me permettrais de suggérer à la ministre de s'inspirer du type de démarche qui a été réalisé en Belgique, par le gouvernement de la Belgique. Ils ont développé des outils Impact Assessment, autant environnemental, social qu'économique, pour éclairer les élus. Et le niveau d'éclairement des élus au Conseil des ministres me semble tout à fait différent de ce qu'on peut espérer, par exemple, dans une administration publique ou dans les opérations. Donc, ça vaut la peine de développer des outils très performants pour qu'à un haut niveau on puisse avoir un point de vue très clair du point de vue du développement durable. Donc, il y a des expériences qui existent et qui sont porteuses, je pense que ça vaut la peine de s'en inspirer.

Une autre suggestion que je ferais, c'est la revue par les pairs internationaux. Cette démarche a été, entre autres, élaborée par la France; la Belgique s'y est soumise, le Royaume-Uni et le Pays-Bas. C'est d'ailleurs suite à un appel de la Commission économique européenne, la France s'est engagée à soumettre sa stratégie à d'autres gouvernements qui, eux-mêmes, avaient fait des stratégies. Donc, ça permet, d'une part, de challenger la stratégie avec ce que d'autres font au monde, ce qui est une assez bonne idée, et aussi d'entrer des pays du Sud, entre autres pour l'équité Nord-Sud. Alors, quand vous avez un pays africain qui challenge votre stratégie de développement durable, je pense qu'on peut avoir une réflexion qui peut être porteuse, entre autres pour les questions de politiques d'achat, d'équitabilité, etc.

Ceci dit, sur Produire et consommer de façon responsable, orientation 3, je vous rappelle que le Fonds mondial pour la nature a publié un rapport qui nous disait qu'en 2050 il faudrait deux planètes pour répondre à nos besoins. Je suis ingénieure géologue, ça ne se crée pas en cinq minutes, une planète, je vous l'assure, ça prend plusieurs milliards d'années pour y arriver. Donc, il faut s'occuper de celle qu'on a. Une façon très concrète de le faire: modifier les façons de produire et de consommer. Ça, ça veut dire s'aligner sur les grandes industries. BMW, Volvo, Vestas, IKEA, Motorola utilisent, analysent cycle de vie et revoient leurs façons de produire. Il y a des groupes écologistes qui nous ont amenés, comme Équiterre, à revoir notre façon de consommer; je peux vous dire qu'il y a des grandes industries qui revoient leurs façons de produire.

Ceci dit, la clé la plus grande au-delà des indicateurs, le pouvoir le plus extraordinaire qu'a un gouvernement, c'est sa politique d'achat et d'acquisition. Vous avez là une chance incroyable, comme élus, d'arriver à créer des politiques d'achat et d'acquisition gouvernementales plus responsables où on se préoccupe d'impacts environnementaux, d'équité Nord-Sud, de respect des travailleurs, d'économie sociale, de compensation de CO2, etc. Il faut s'assurer que, dans les politiques du gouvernement, un des impacts de cette stratégie-là, c'est modifier votre façon de consommer comme gouvernement.

Maintenant, l'efficacité économique, orientation n° 4. C'est le secteur qui est notre secteur de prédilection. Il faut une fiscalité performante, une écofiscalité. Il faut s'assurer qu'on ait une chaîne de financement adéquate pour nos petites et moyennes entreprises. Je ne sais pas si vous le savez, mais le secteur des technologies propres et des énergies renouvelables, aujourd'hui c'est 3,6 milliards d'investissement en capital de risque, on prévoit 19 milliards d'investissement en capital de risque d'ici 2010. Ça veut dire 500 000 nouveaux emplois dans un secteur de l'économie du savoir. C'était 350 millions en 2000, ce secteur-là. Maintenant, c'est le troisième secteur derrière les biotechs et les technologies de l'information; on a même devancé les appareils médicaux. Donc, il y a là un potentiel de développement pour le Québec tout à fait significatif. Juste vous ramener à un exemple concret, la Californie, le Green Wave Initiative, à la demande du secrétaire de la Californie, 1 milliard investi dans des programmes de capitaux de risque avec l'aide de deux caisses de retraite, CalPERS et CalSTRS. On ne parle plus de la Silicon Valley, on parle de la Green Valley en Californie.

n(15 h 50)n

Un exemple concret: Vaperma, une entreprise dans laquelle on investit ici, à Saint-Romuald. On a annoncé aujourd'hui, le 7 novembre, 21,5 millions de dollars de nouveaux investissements dans cette entreprise où il y a 50 employés. Vaperma produit une membrane qui nous permet de réduire les coûts de production dans l'éthanol et dans le gaz naturel. Ça nous permet de réduire de 50 % la consommation énergétique lors de la production de l'éthanol. Ça enlève le BTEX, qui est un des produits les plus cancérigènes, perturbateur endocrinien dans l'atmosphère, et ça réduit les coûts de production de 0,018 $ le litre. Qui est autour de la table? Le Fonds d'investissement en développement durable, SOVAR, parce que c'est une idée qui a été développée ici, à l'Université Laval, qui a été soutenue par une société de valorisation qui s'appelle SOVAR, LCA, Low Carbon Accelerator, de l'Angleterre, Volvo. Et on est en train, avec les partenaires industriels, GreenField Éthanol, EnCana, de faire une grande société ici, et on est en train de construire une usine précommercialisation pour faire de la membrane.

Voici une façon très concrète, avec une stratégie de développement durable bien articulée d'un point de vue économique, de tirer notre épingle du jeu au niveau de la rentabilité et de la création d'emplois. Chaque dollar que vous investissez dans ce secteur-là, c'est six à huit fois multiplié en termes de retombées. Le nombre d'emplois créés, c'est 30 à 50 en précommercialisation ? on n'a pas construit d'usine encore ? 30 à 50 de haute technologie pour nos finissants dans les secteurs du génie, des sciences, etc.

Orientation n° 8, Favoriser la participation collective. Nous invitons le gouvernement du Québec à avoir un conseil sur le développement durable avec des spécialistes et des parties prenantes. J'insiste, avec des spécialistes et des parties prenantes. Pas seulement des parties prenantes, c'est important d'avoir un jugement éclairé par les spécialistes.

Finalement, Mme Beauchamp, j'aimerais vous faire une proposition. Vous mettez la barre très haute avec cette stratégie de développement durable, je vous invite maintenant à tourner la table. C'est bien de vous faire challenger par vos parties prenantes, qui vont vous dire qu'ils préfèrent a, b ou c, qu'on devrait avoir tel indicateur. Je vous en prie, tournez-vous et demandez-leur quelles sont, eux, leurs visions en matière de développement durable, quels sont, eux, leurs plans d'action, et que sont-ils prêts à faire pour vraiment à ce que le Québec prenne ce vrai virage de développement durable, à la fois pour les grands comme Cascade, Hydro-Québec, les petits fonds comme nous, Fonds d'investissement en développement durable, les ONG, les syndicats. Ce n'est pas que l'affaire d'un gouvernement. C'est audacieux de le faire, mais il faut absolument s'assurer que ce soit un mouvement plus collectif. Donc, je vous invite à le faire. En terminant, merci beaucoup de nous avoir invités, de nous avoir écoutés, et on est disponibles pour vos questions.

Le Président (M. Bergman): Merci. Merci pour votre présentation. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup, M. le Président. Puis je veux saluer de nouveau les membres parlementaires de cette commission. Merci de votre présence. Et bonjour, Mme Méthot. Vous savez que vous êtes toujours intéressante, vous l'avez été une fois de plus cet après-midi. Et on a relativement peu de temps, puis j'ai beaucoup de questions, mais... En fait, non, je veux dire, j'aurais beaucoup de questions, mais je vais me concentrer sur deux questions puis je vais vous les poser, là, d'un bloc, et on approfondira si le temps nous le permet.

Parmi votre mémoire, qui comprend beaucoup d'éléments intéressants... En passant, là, je partage votre vision que ? je l'ai dit d'entrée de jeu dans mes remarques préliminaires ? cette stratégie ne doit pas se voir comme uniquement une stratégie gouvernementale, c'est de la stratégie aussi qu'on propose à la société québécoise. Je veux dire, c'est un projet de société. Et j'ai bien écouté et entendu vos remarques finales sur le fait de dire: Bien, on peut... Si, pour nous, ça représente un défi, il faut que ce soit un défi pour tout le monde puis d'interpeller donc le reste de la société québécoise.

Puis je suis aussi d'accord avec vous ? d'autres sont venus nous le dire ? qu'il faut accepter que c'est une démarche, donc il faut accepter qu'il y a des pas à produire, à franchir. Plusieurs ? c'est intéressant, moi, c'est rare que j'ai entendu ça comme ministre; plusieurs ? sont venus nous dire, sont venus plaider pour le droit à l'erreur, mais en disant: On a droit à l'erreur, mais encore faut-il les reconnaître et documenter les bons coups et les mauvais coups. Mais je partage cette vision-là des choses.

Ma question, elle est assez précise. Elle est en deux volets, comme je vous le disais. Le premier volet, c'est: Parmi vos recommandations, vous nous invitez à insister sur l'adoption de politiques d'achat responsable. Je vous mets ma question dans le bon contexte, là: depuis le début de ces consultations, il y a beaucoup de discussion sur est-ce que... Oui, c'est une stratégie de société, qui s'adresse à l'ensemble de la société québécoise, mais est-ce que le gouvernement, lui, comme gouvernement, doit identifier des priorités parmi les orientations et les objectifs pour qu'on sente dans le fond là-dedans qu'est-ce que le gouvernement, lui, juge comme étant possiblement ses actions prioritaires puis avec le maximum d'impact? Moi, quand je lis votre mémoire, j'ai comme l'impression que c'est un peu comme si vous nous disiez: Bien, dans tout ça, il y a peut-être une priorité où on ferait beaucoup de gains, qui serait au-delà d'être symbolique, là, qui serait aussi une histoire à succès, c'est les notions de politique d'achat responsable. Je veux savoir si je vous comprends bien, si je peux transformer ce que vous nous avez dit en disant: C'est une invitation à dire que ça devrait faire partie de priorités.

Et mon autre question ensuite, il y a un lien à faire bien sûr entre la notion de politique d'achat responsable et votre... quand vous nous amenez toute la dimension de l'analyse du cycle de vie des produits, et vous avez vraiment une grande compétence là-dedans, vous en parliez vous-même comme fonds d'investissement. Juste donner un éclairage, quand j'ai participé récemment à une forme de dîner-conférence de notre chaire, là, une des plus grandes au monde, la chaire de la polytechnique sur le cycle de vie, on m'apportait un éclairage qui était le fait qu'il allait y avoir possiblement un problème quasiment d'expertise et de main-d'oeuvre pour répondre à la demande non seulement, par exemple, du gouvernement, mais de l'ensemble des entreprises québécoises et à travers le monde pour qu'on soit capables de documenter les vraies données autour du cycle de vie. On peut voir ça... Deux choses: on est très bien placés, on a la plus grande chaire de recherche au monde puis on est parmi les leaders là-dedans; mais en même temps, réalistement, on me dit qu'on forme 30 ingénieurs par année environ à la Polytechnique qui seront capables éventuellement de travailler dans ce domaine-là. Autrement dit, est-ce que c'est réaliste d'exiger, par exemple, que, dès 2008, dans les politiques d'achat du gouvernement, qu'on procède aussi par ces analyses de cycle de vie, alors qu'il y a peut-être, derrière tout ça, une problématique de ressources? Est-ce que c'est mature ou si c'est dans une perspective un petit peu plus à moyen terme, disons, qu'on devrait procéder ainsi?

Mme Méthot (Andrée-Lise): Alors, pour répondre à votre premier volet de la question, oui, vous avez tout à fait raison, je pense que c'est un levier extraordinaire. Vous interprétez bien ce qu'on dit et vous avez raison d'y fixer des priorités, parce qu'on voudrait pouvoir vouloir tout et son contraire dans une politique d'achat. J'en parlais récemment au colloque du centenaire du HEC, c'est parfois des choix déchirants. Est-ce qu'on choisit un produit local ou un produit vert, hein?

Je pense que les élus, c'est des gens qui représentent bien la société, ils sont capables de fixer et d'avoir une discussion sur quelles doivent être les priorités du Québec sur cette question. Et, même si, à la fin de la journée, ce n'est pas le choix que, moi, j'aurais fait, je considère que de prioriser, ce sera le bon choix. Donc, il y a l'économie locale, il y a les produits verts, il y a l'économie sociale, il y a des choses à préserver, et je pense qu'il y a des modèles, entre autres, chez des grandes compagnies où leurs fournisseurs n'étaient pas tout à fait au niveau de leurs attentes. Ils se sont donné du temps pour y arriver ensemble, et la grande entreprise a fixé quels étaient ses critères, et progressivement, hein, sans mettre en péril la rentabilité de ces entreprises fournisseurs, ils ont bâti ensemble un cahier des charges pour fournir les produits de la bonne manière.

Donc, oui, il faut fixer des priorités, il faut avoir une sensibilité sociale quand on le fait, hein? Quand on peut engager des entreprises d'insertion ? c'est ce qu'on fait chez nous, hein, dans les services, des entreprises d'insertion, des entreprises d'économie sociale ? quand on est capable de valoriser une PME du Québec dans notre manière d'acheter ou une entreprise plus verte, bien je pense qu'avec le levier financier que vous avez, les priorités que vous choisirez seront les bonnes pour ces entreprises-là, et ce sera une bonne nouvelle. Donc, moi, je vous encourage à le faire, c'est une action très concrète qui va avoir des retombées dans toutes les régions du Québec. Et à la limite, si on veut pousser plus loin, le Québec pourrait même décider de certifier quelques-unes de ces entreprises en disant: Voici des entreprises qui répondent à cette stratégie de développement durable, qui correspondent à nos plans d'action et qui nous livrent les services que nous souhaitons pour une société plus durable. Et je pense que, comme ça, le gouvernement devient un leader pour identifier ces entreprises, et d'autres suivront le gouvernement dans cette voie. Alors, moi, je vous encourage à le faire et à prioriser.

Mme Beauchamp: Est-ce que par ailleurs... Donc, je vous remercie. Je comprends bien que vous dites: Oui, les notions... Parce que ça fait partie de l'orientation... Je n'ai pas le cahier devant moi, c'est 3, si je ne me trompe pas...

Mme Méthot (Andrée-Lise): 3, oui, c'est ça.

n(16 heures)n

Mme Beauchamp: ...produire et consommer de façon responsable, et on sait que, de façon un peu naturelle, on dit souvent même que, dans les entreprises ou les organisations, c'est le premier réflexe, hein, d'une équipe qui s'assoit autour d'une table pour parler de développement durable, c'est comme le premier réflexe, c'est d'examiner ce qu'on consomme puis, après ça, comment c'est produit.

J'aimerais ça que vous commentiez un peu plus: Selon vous, où en sommes-nous rendus sur notre capacité à travailler selon les principes, là, d'analyse de cycle de vie? J'aimerais ça que vous en parliez. Sûrement que vous avez un regard là-dessus. Vous avez même une expérience, si j'ai bien compris, là, sur votre façon d'analyser des dossiers d'investissement par votre fonds. Vous travaillez avec qui quand vous travaillez selon ces principes-là? Et comment vous voyez l'état de situation au niveau de la connaissance en fait puis ensuite des ressources capables d'appuyer et le gouvernement, et les entreprises, et les syndicats, etc., là? Parce que ça m'a assez frappée, honnêtement, quand je suis allée à ce dîner-conférence puis qu'on me disait: On est parmi vraiment les chefs de file à travers le monde, mais en même temps ça veut dire, en ce moment, 30 étudiants par année. Ce n'est pas beaucoup, là, quand je regarde juste le nombre de firmes d'ingénieurs, et tout, et tout. Ou même je vais vous poser une question: Selon vous, il y a combien en ce moment d'entreprises privées capables de fournir des services de consultant, au Québec, sur la notion de cycle de vie? Il n'y en a pas beaucoup.

Mme Méthot (Andrée-Lise): Bien, oui. Bien, entre autres, il y a Hatch, dans l'engineering, qui est très bien utilisée par les grandes entreprises. Mais vous avez raison sur la question de la ressource. Mais je vais faire un peu d'historique avec vous.

En fait, je ne sais pas si vous le savez, mais le CIRAIG, qui est cette chaire de recherche, une des meilleures au monde qu'on connaît, a eu droit à son départ grâce à l'appui du gouvernement du Québec, parce que c'est via une subvention du Fonds d'action québécois pour le développement durable qu'ils ont démarré dans la vie, ces gens-là. Et, avec tout leur travail, leur énergie, ils ont construit une des meilleures équipes au monde.

Maintenant, c'est vrai qu'il y a peu de diplômés puis qu'on peut se poser la question: Est-ce qu'il y aurait un problème de ressources? Oui, si on veut faire des analyses développement... analyses cycle de vie très complexes, très détaillées, oui, vous avez raison. Mais, quand on veut utiliser la pensée cycle de vie, c'est accessible aux gens qui sont dans les ministères. Ils peuvent s'initier. Il y a de la formation. Et, je dirais, dans un cadre plus léger, c'est accessible à beaucoup de professionnels.

D'ailleurs, il existe beaucoup d'outils qui ont été développés par l'initiative cycle de vie du programme des Nations unies pour permettre à ce type de professionnel de s'approprier cette expertise-là. Ceci dit, je pense qu'il faut encourager le ministère de l'Éducation à amener les universités québécoises à s'assurer que, les ingénieurs, ça fasse partie de leur curriculum, d'une part.

Donc, la pensée cycle de vie est accessible dans un premier temps. L'analyse cycle de vie extrêmement détaillée, il faut être très connaissant. Donc, il faut peut-être avoir une solution mitoyenne qui s'inspire de la pensée cycle de vie dans un premier temps pour ensuite former de plus en plus de gens.

Il y a un enjeu important. Je ne sais pas si vous le savez, mais il y a des pays présentement, comme le Japon, où l'analyse cycle de vie devient un critère discriminant pour les fournisseurs. Ça, ça veut dire que le Japon présentement a fait l'analyse cycle de vie de ce qu'il y a sur son territoire et, avant d'importer, par exemple, de la marchandise qui vient de l'étranger, va demander à ce qu'il y ait une analyse cycle de vie de faite. Donc, même si on a peu de ressources, il faut quand même accélérer la cadence pour s'assurer qu'on demeure dans ce marché compétitif. Ça, c'est la réalité. Et, si le gouvernement du Québec décide d'emprunter la voie de la pensée cycle de vie, même dans une approche plus légère, ça va donner le ton dans les universités pour qu'on forme plus d'ingénieurs, plus de gens en sciences économiques, parce que ce n'est pas seulement les ingénieurs, à cette pensée-là.

D'autre part, moi, je peux vous dire que j'ai été frappée par une chose quand on a démarré le fonds avec cette vision-là. J'étais sûre que j'aurais de la résistance chez les entrepreneurs, qui me diraient: Bien, voyons, c'est bien compliqué. Ce n'est pas ça que je découvre. En fait, l'analyse cycle de vie, ce n'est pas une bibite que personne ne peut comprendre. Quand on explique ce que c'est, qu'on fait l'analyse, nous, avec le CIRAIG, parce que c'est avec eux qu'on collabore évidemment, et qu'on met ça à plat avec l'entrepreneur, je vous dirais que la plupart des entrepreneurs ? qui n'aiment pas généralement se barrer les pieds dans les affaires trop compliquées, hein, ils ont d'autres choses à faire dans leur semaine ? nous disent: Quelle belle manière d'organiser notre pensée, puis il y a plein de choses qu'on faisait déjà. C'est une façon de structurer les choses, d'identifier ce qu'on pourrait améliorer et les trous pour les combler.

Je peux même vous dire que, dans certains cas, ça a été très créatif, parce que, dans une de nos entreprises, avec, entre autres, la fin de la vie de la technologie, notre entrepreneur s'est dit: Mon Dieu! J'ai une deuxième business à créer avec ça. Je ne l'avais jamais vue.

Donc, il y a peut-être un effort de formation, je pense que la question sur les ressources est fondamentale, mais ce n'est pas vrai que ce n'est pas accessible à des professionnels, puis ce n'est pas vrai qu'il n'existe pas des outils légers qu'on peut s'approprier.

Le Président (M. Bergman): En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Méthot (Andrée-Lise): Alors, en conclusion, moi, je pense que c'est la voie qu'il faut prendre, puis il ne faut peut-être pas le prendre au maximum, mais un degré en dessous. La pensée cycle de vie, c'est un premier pas.

Le Président (M. Bergman): Merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: Merci, M. le Président. Bonjour, chers collègues. Bonjour, Mme Méthot. Premièrement, avant d'y aller avec des questions, je vais vous féliciter pour votre reconnaissance que vous avez obtenue des Nations unies. Ça amène un indicateur sur votre dynamisme, puis, aujourd'hui, bien, je veux dire, j'ai la confirmation, en vous voyant vous exprimer avec passion, que c'est bien mérité.

Actuellement, bon, j'ai une série de questions, trois, quatre à peu près, puis mon collègue de Montmagny-L'Islet en a deux, donc je vais essayer d'emboîter le pas assez rapidement parce qu'on a environ 10 minutes d'échange.

La première question que j'ai à vous adresser concerne le suivi des investissements que vous faites. Parce que je pense que, si on investit des sommes, puis on croit à des entreprises, la moindre des choses, c'est d'effectuer le suivi après, je pense que c'est un impératif, on n'a pas bien, bien le choix. Il y a des organismes de capital de risque qui vont gober une partie de l'actionnariat ou imposer des membres sur le conseil d'administration qui graduellement... Bon. Les promoteurs qui ont une idée géniale... J'ai eu des conversations avec certains inventeurs qui ont créé leurs entreprises par la suite, qui ont eu des mauvaises expériences avec les organisations de capital de risque parce qu'ils se voyaient perdre le contrôle de l'entreprise graduellement puis éventuellement ils perdaient leur vocation. J'ose espérer que vous avez une méthode différente de suivi puis j'aimerais vous entendre sur cette méthode-là.

Mme Méthot (Andrée-Lise): En fait, moi, je peux vous dire que je pense que les meilleures pratiques, les standards de l'industrie qui amènent du rendement, parce que c'est de ça qu'on parle quand on est à capital de risque, ce sont les pratiques qu'on retrouve, entre autres, aux États-Unis. Suite au rapport Brunet, il y a eu un changement important qui a été fait au Québec, sur les orientations en matière de capital de risque, dont l'émergence de fonds privés. Ça a été une excellente décision du gouvernement du Québec, c'est une décision qui, aujourd'hui, donne ces résultats.

Ceci dit, la réalité des investisseurs en capital de risque et des entrepreneurs, c'est une réalité parfois qui s'entrechoque. Parfois, il y a des entrepreneurs qui se sentent lésés; parfois, il y a des investisseurs qui se sentent lésés. Vous savez, c'est la vraie vie en capital de risque, vous savez, en capital de risque, on finance 10 entreprises puis, à la fin de la journée, on va avoir une ou deux très grandes réussites, trois ou quatre qui fonctionnent à peu près bien, puis il y aura des gens qui auront perdu la mise. C'est la nature même du capital de risque.

Alors, on peut discuter des pratiques, mais ce qu'il faut regarder, c'est les résultats. Quand on regarde quels sont les meilleurs fonds d'investissement en capital de risque, bien on peut dire que le Québec et le Canada sont en voie de rattraper ce retard, mais qu'on a encore beaucoup de travail à faire sur les pratiques. Et, en ce sens-là, je pense qu'il faut s'enligner sur les meilleures pratiques nord-américaines. Il y a eu d'excellents rapports de produits, les alignements que le gouvernement du Québec a pris sur cette question sont tout à fait significatifs; je pense, entre autres, aux orientations que le MDEIE a prises, M. Bachand. C'est tout à fait en ligne avec ce que nous devons faire, si nous voulons rester dans l'univers du capital de risque et amener du rendement aux investisseurs. Quand la Caisse de dépôt investit dans un fonds, elle veut s'assurer, à la fin de la journée, qu'on n'a pas juste été gentil avec l'entrepreneur mais qu'on a offert du rendement aux dépositaires de la caisse. Et je pense que c'est tout à fait normal.

Ceci dit, le développement durable amène peut-être une nouvelle plateforme de discussion avec les entrepreneurs, et ça, il faut saisir cette opportunité-là. Donc, je ne sais pas si je réponds bien à votre question, mais on ne changera pas la nature de la bête: c'est parfois une nature de confrontation, le capital de risque.

M. Diamond: Donc, vous avez quand même... vous placez quand même des administrateurs au sein de leur conseil d'administration à l'occasion. Est-ce qu'il y a une collaboration? Parce que...

Mme Méthot (Andrée-Lise): Un fonds de capital de risque qui ne collabore pas ou qui ne travaille pas avec son entrepreneur ne fait pas son travail. Parfois, on est au conseil, parfois, on nomme des gens au conseil, parfois, on accompagne l'entrepreneur, il existe des cas de figure. Ce qu'il faut, c'est de trouver la recette adaptée à l'entrepreneur qui est là et à l'entreprise qui est là et ne pas appliquer des formules toutes faites. Il faut être très présent. Il faut parler à nos entrepreneurs toutes les semaines, savoir ce qui se passe, aller les visiter. Quand ils ont besoin d'un coup de main pour qu'on leur ouvre les portes chez un industriel, il faut être capable de prendre le téléphone et de parler aux gens qui décident d'acheter des technologies.

Alors, ce qu'ils ont besoin, c'est du contrôle pour s'assurer que la reddition des comptes se fait adéquatement, mais ils ont aussi besoin de soutien pour conquérir ces nouveaux marchés et être appuyés techniquement de la part des fonds de capitaux de risque. Mais le changement s'opère au Québec, hein? Depuis quelques années, c'est fabuleux, le chemin qu'on a fait.

M. Diamond: Et puis, à la page 12, vous faites référence à une fiscalité ? attendez une seconde, j'essaie de retrouver l'endroit exact ? vous faites référence à une fiscalité différente, bon, pour encourager les entreprises à vocation environnementale. Est-ce que vous pensez à des taux préférentiels ou est-ce que vous avez... Parce que vous ne détaillez pas exactement quel type d'action concrète on pourrait avoir en réformant une fiscalité.

Mme Méthot (Andrée-Lise): Je ne suis pas une spécialiste de la fiscalité, puis généralement je ne m'avance pas sur les secteurs que je ne connais pas. Mais ce que je peux vous dire, entre autres, sur les crédits à la recherche, R & D, il y a du travail qui peut être fait. Il peut y avoir une reconnaissance à travers la fiscalité si on développe... dans le secteur, entre autres, des technologies propres où les applications nous permettent d'intervenir en amont. Là, vous dites technologies environnementales, mais je vais me permettre de parler de technologies propres qui nous permettent d'intervenir en amont des procédés industriels. L'idée, ce n'est pas juste de nettoyer les dégâts, mais d'être en mesure d'éviter d'en faire, hein, que ce soit dans les nouveaux matériaux, etc. C'est beaucoup plus large que les technologies environnementales.

Donc, comme je vous dis, je ne suis pas une spécialiste de la fiscalité, mais il peut y avoir des mesures qui sont soutenantes pour des entreprises qui décident de conquérir des marchés mondiaux. Ce qu'il faut comprendre, c'est que la business des entreprises dans le secteur des technologies propres est en partie au Québec, mais le plus grand marché de ces entreprises québécoises sont en Chine, en Inde, en Argentine. Donc, ces gens-là doivent être soutenus dans leurs efforts étrangers avec une fiscalité compétitive.

n(16 h 10)n

M. Diamond: Puis vous faites référence dans votre mémoire, toujours à la page 12, vous faites référence à une nouvelle économie à faible taux de carbone et vous dites que c'est déjà présent dans de nombreux endroits dans le monde. Je n'ai pas entendu que vous ayez détaillé cette nouvelle économie là pendant votre présentation initiale, ça fait que je suppose que je pourrais vous demander de préciser exactement en quoi ça consiste, cette nouvelle économie à faible taux de carbone. Est-ce que le gouvernement y met la main à la pâte ou c'est volontaire, cette nouvelle économie là?

Mme Méthot (Andrée-Lise): On le sait tous, le marché des crédits de carbone est déjà bien instauré dans certains États américains, en Europe, le Québec fait un travail important sur cette question-là. Au-delà du marché, la réalité des grandes entreprises qui doivent acquérir des technologies, généralement ils essaient de diminuer leurs coûts de consommation énergétique. Alors, quand on voit le coût du baril de pétrole augmenter, quand on regarde la pression des actionnaires, entre autres, sur l'impact des changements climatiques, des gaz à effet de serre à l'atmosphère... Parce que c'est des discussions maintenant que vous avez aux conseils d'administration des plus grandes compagnies du monde, hein? Donc, ce qui se passe, c'est que concrètement les grandes entreprises, les petites, les moyennes, les États doivent répondre à cette nouvelle économie.

Alors, j'en ai parlé d'une certaine manière en disant: On voit apparaître un segment en capital de risque qui s'appelle les «technologies propres», qui est le troisième en importance au monde. Ça veut dire qu'on peut tirer notre épingle du jeu, il y a une opportunité d'affaires, pour le Québec, extraordinaire dans ce secteur-là. Il faut s'assurer qu'on ait une chaîne de financement performante et que nous y participions. Demain, l'entreprise Vaperma, que nous finançons, doit voir sa technologie dans 12 usines en Argentine ou au Brésil. On doit s'assurer que l'entreprise qui fait les membranes ici, à Saint-Romuald, puisse réduire les gaz à effet de serre dans le sud des États-Unis sur la prochaine usine d'éthanol cellulosique qu'on va y construire. Donc, c'est de ça dont on parle quand on parle d'une économie à faible taux de carbone.

M. Diamond: O.K. Et puis, dernière question avant de céder la parole à mon collègue, en page 14, vous faites référence au Conseil sur le développement durable qui serait, bon, une entité qui aurait pour but, si j'ai bien compris, de suivre les plans d'action pour voir le plein accomplissement de la stratégie. Concrètement, vous voyez ce conseil-là formé comment? Qui qui pourrait le chapeauter et puis... C'est dans les détails que j'aimerais que vous vous exprimiez.

Mme Méthot (Andrée-Lise): Oui. Évidemment, pour moi, c'est un conseil aviseur, ça doit relever de la ministre responsable. Ça, c'est clair. C'est important aussi que le choix des gens qui soient là réponde aux attentes du gouvernement. Je pense que, parmi les choses que la ministre devrait faire comme exercice, c'est se demander, pour la stratégie et les plans d'action, quels sont les meilleurs représentants au niveau de la société et des parties prenantes pour challenger le gouvernement avec des experts. Donc, c'est une approche, c'est un comité aviseur, il ne faut absolument pas le voir comme un censeur ou un tribunal, mais un comité qui va permettre d'avancer plus vite sur les questions de développement durable et qui va être en mesure de conseiller ou d'orienter les différents plans d'action, et c'est une suggestion.

M. Diamond: Merci.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet, il reste une minute.

M. Roy: Mme Méthot, bonjour. Votre facilité à nous exprimer les choses m'aurait bien aidé, en tant que professeur, si vous aviez été un professeur à l'époque au niveau environnement. Est-ce qu'on ne peut pas dire aussi qu'il se passe tellement de choses à travers le monde? Il y a bien des pays, comme vous l'avez mentionné, qui ont des avances sur nous. Est-ce qu'on n'a pas tendance à toujours vouloir faire des essais-erreurs chez nous et ne pas aller chercher la technologie qui existe à l'extérieur en disant: On va prendre ça chez nous, on n'ira pas prendre ça à l'extérieur?

Le Président (M. Bergman): En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Méthot (Andrée-Lise): Écoutez, je ne pense pas que ça se divise par des frontières. Il y a des gens qui font un travail excellent ici, il y a des gens qui font un travail excellent ailleurs. Il faut soutenir les bons ici, accueillir les bons d'ailleurs. Je pense que c'est comme ça qu'on doit faire les choses sur les questions technologiques. Et, sur les comparables internationaux, on pourra dire que le Québec aura été d'avant-garde sur la stratégie de développement durable, parce qu'il y a très peu d'États, hein, très peu de gouvernements qui sont allés de l'avant. Et je n'attendrais pas de voir ce qui se fait ailleurs, moi, j'essaierais chez nous pour voir quels sont les résultats qu'on aura à long terme.

Le Président (M. Bergman): Merci. M. le député de Vachon.

M. Bouchard: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Méthot. Est-ce que les fonds dont vous disposez... C'est quoi? C'est comme... Vous avez 13 millions d'investissement de...

Mme Méthot (Andrée-Lise): Oui.

M. Bouchard: Est-ce que vous répondez à la demande?

Mme Méthot (Andrée-Lise): Est-ce qu'on répond à la demande... En fait, notre caractéristique première, c'est de ne pas répondre à la demande parce qu'il faut en garder 98 ou 100 pour en faire un. Donc, on ne répond pas à la demande, c'est clair. Mais en fait ce qu'on cherche, c'est des entreprises performantes.

Est-ce qu'un fonds comme le nôtre mériterait d'être plus grand? Bien sûr. Les standards de l'industrie, c'est 100 millions. Alors, quand vous voulez être un vrai joueur en capital de risque au niveau nord-américain, vous devez détenir 100 millions. Pourquoi? Parce que généralement on fait un premier investissement pour soutenir l'entreprise, un deuxième investissement parce que ça va bien. Et, si vous voulez que ce soit encore des gens qui ont les fonds, entre autres au Québec, qui participent dans les rondes subséquentes et que ce ne soient pas des grands joueurs américains seulement ? parce qu'il en faut, des joueurs américains autour de la table, hein, il ne faut absolument pas être contre ça ? mais qu'on veut encore qu'il y ait des représentants du Québec qui soient à la table, il faut s'assurer d'avoir de la profondeur dans les différentes rondes d'investissement. Alors, typiquement, on a une ronde d'amorçage, de «seed money», une ronde A, une ronde B. Et souvent les petits fonds, de moins de 20 millions, de 50 millions, etc., on n'arrive pas à suivre nos entreprises. Donc là, on perd du rendement puis on perd, on pourrait dire, de l'actionnariat qui origine de chez nous. C'est le risque qu'on prend.

M. Bouchard: Est-ce que vous avez une mission continentale ou une mission québécoise?

Mme Méthot (Andrée-Lise): Pour l'instant, on a une mission québécoise.

M. Bouchard: Et qu'est-ce que vous visez?

Mme Méthot (Andrée-Lise): La plupart des fonds... Quand je compare avec les fonds Cleantech qui sont en émergence dans le monde, généralement c'est des fonds qui ont des étendues géographiques... Par exemple, un fonds typique aux États-Unis va investir au Québec, en Ontario, à New York, à Boston. Généralement, ça se fait sur le long des fuseaux horaires. On retrouve la même chose en Europe. Alors, la question, c'est: Quelle serait la proportion, par exemple, d'une part québécoise, là? Il faut s'assurer... Puis généralement, en capital de risque, on travaille bien avec les gens qui ne sont pas trop loin de nous, hein? Faire du capital de risque en Chine quand on habite Ottawa, ce n'est peut-être pas la...

M. Bouchard: Vous êtes en mode d'accompagnement et de consultation.

Mme Méthot (Andrée-Lise): Oui. C'est ça. Donc, on a intérêt à être prêt. On dit souvent: Dans le même fuseau horaire, mais c'est sûr que c'est un mode d'investissement qui connaît peu de frontières, hein? Et on a intérêt à travailler avec les autres. On a un géant américain qui est un des plus grands praticiens dans ce secteur-là et on a intérêt à travailler avec lui.

M. Bouchard: Quels sont les créneaux d'émergence forts au Québec en technologies?

Mme Méthot (Andrée-Lise): Propres?

M. Bouchard: Propres.

Mme Méthot (Andrée-Lise): Le secteur énergétique est tout à fait exceptionnel, à mon avis. C'est un secteur très porteur. Je regarde... Nous, on a des investissements dans le secteur du solaire. Écoutez, juste deux minutes sur cette entreprise-là. Sixtron, on vient de faire un financement, entre autres, avec des gens de la Colombie-Britannique, Ventures West. Cette entreprise-là fait de la passivation sur les cellules solaires. Ils règlent un problème très important. Auparavant, on mettait des gaz. Il y a des usines qui ont explosé en Asie. Ici, avec la propriété intellectuelle développée à l'Université de Sherbrooke et à l'Université Bishop's, on est capable de le faire avec un procédé avec de la poudre, et il n'y a plus de risques d'explosion.

M. Bouchard: Avec... Je m'excuse. Avec...

Mme Méthot (Andrée-Lise): Un procédé avec de la poudre, et il n'y a plus de risque d'explosion. C'est génial. On est dans un secteur qui est le solaire, qui va prendre une expansion importante, de la propriété intellectuelle du Québec, des investisseurs qui viennent d'ailleurs au Canada et une entreprise qui s'apprête à affronter les marchés mondiaux et à révolutionner la façon de manufacturer le solaire dans un des problèmes majeurs qui était les risques d'explosion où il y avait des morts de travailleurs.

M. Bouchard: Est-ce que...

Mme Méthot (Andrée-Lise): Ça fait une belle histoire, ça, pour le Québec.

M. Bouchard: Oui. C'est une belle histoire, en effet. Est-ce qu'il y a des perspectives de développement des équipementiers en matière d'éolien et des nouvelles technologies éoliennes? Est-ce qu'on peut envisager, à un moment donné, d'être capables de produire nous-mêmes toutes les parties, toutes les composantes de l'éolienne?

Mme Méthot (Andrée-Lise): Bon. Toutes les parties, je pense que ce serait difficile. Il faut construire un géant de l'industrie. Mais je vais prendre une entreprise qu'on vient de financer qui s'appelle Éocycle. Vous savez, les grandes éoliennes, un de leurs problèmes, c'est ce qu'on appelle la boîte de transmission, hein? Pourquoi souvent les éoliennes ne fonctionnent pas? C'est que la boîte de transmission est brisée.

On a investi dans Éocycle qui, elle, est une entreprise qui est à Gaspé, qui a développé un bras de transmission où il n'y a pas de boîte de transmission. C'est génial parce qu'on règle un problème important. Donc, les grandes industries, alors, que vous pensiez aux Vestas, aux Siemens, ont tout à fait intérêt à investir et à développer ce créneau-là. Or, la question, je ne sais pas s'il faut tout faire, mais, si on fait des parties, il faut le faire de façon exceptionnelle pour devenir un grand joueur dans l'industrie.

M. Bouchard: On va changer d'univers, si vous permettez.

Mme Méthot (Andrée-Lise): Bien sûr.

n(16 h 20)n

M. Bouchard: Vous avez une approche théorique et philosophique qui confronte directement la définition que l'on retrouve dans la Loi du développement durable où les trois composantes du développement durable sont mises à égalité dans une conception harmonieuse de leurs relations, mais vous empruntez davantage une approche hiérarchique. Est-ce que vous pensez que la stratégie sera considérablement, moyennement ou peu affectée par l'une ou l'autre de ces visions-là?

Mme Méthot (Andrée-Lise): Par l'une ou l'autre? C'est difficile pour moi de répondre à cette question-là. Ce que je sais, c'est qu'autant ça peut être inspirant, le développement durable, autant, quand on est dans l'arbitraire et dans, je dirais, la chicane entre les trois pôles, ça peut être très éprouvant.

Ceci dit, la vision est importante, c'est pour ça que, nous, on propose de revenir à une hiérarchisation. Alors, moi, je suis du secteur économique. Je crois profondément que les outils que nous offre le capital de risque, qui est le financement, est un outil de développement extraordinaire pour le Québec, mais il faut le faire pour une finalité sociale. Or, quelle est la finalité sociale? De l'emploi de qualité, développer mieux nos ingénieurs. La politique d'achat, quand on y intègre l'économie sociale, on fait du bien d'un point de vue social en faisant des affaires. Donc, une forme de hiérarchie qui dit que la finalité sociale est intéressante ou est importante, à mon avis, c'est porteur.

M. Bouchard: Le problème n'est pas tellement là qu'entre le pôle économique et environnemental. Ce que vous proposez, c'est que l'environnement soit vu comme une condition au développement durable...

Mme Méthot (Andrée-Lise): Oui.

M. Bouchard: ...l'économie, un moyen.

Mme Méthot (Andrée-Lise): Ah bien, la condition... En fait, je vais prendre un exemple, un contre-exemple. Si on avait appliqué une stratégie et un plan d'action cohérents sur l'exploitation de la morue en Gaspésie, on serait dans une autre société en Gaspésie. Aujourd'hui, on a décimé la ressource. La forêt, on est confrontés, de façon très réelle, aux enjeux sur la forêt. Il faut développer des produits à valeur ajoutée, l'éthanol cellulosique, trouver une façon que la forêt boréale soit plus au travail, et qu'en finalité on ait de l'emploi mais à moyen et long terme. Donc, préserver l'écosystème, c'est préserver notre ressource. Le Québec est un lieu de ressources exceptionnel, très bien positionné du point de vue énergétique. Il faut s'assurer de la pérennité de ces ressources, ça, c'est clair.

M. Bouchard: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bergman): Merci, madame. Merci pour votre présentation. Je demande les gens du Conseil québécois du commerce de détail pour prendre leur place à la table. Je suspends nos travaux pour une minute.

(Suspension de la séance à 16 h 23)

 

(Reprise à 16 h 24)

Le Président (M. Bergman): À l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite la bienvenue au Conseil québécois du commerce de détail. Vous avez 15 minutes pour votre présentation, suivie d'un échange avec la ministre et les députés de la commission. S'il vous plaît, faites l'identification de vous-mêmes, et vous avez 15 minutes pour votre présentation.

Conseil québécois du
commerce de détail (CQCD)

M. Lafleur (Gaston): D'accord. Alors, merci, M. le Président. Mme la ministre, MM., Mmes les députés et membres de cette commission, nous vous remercions de nous donner l'occasion de venir vous présenter notre point de vue sur le projet de stratégie gouvernementale de développement durable. Avant tout, je voudrais juste m'assurer... Il y a un petit document, un sondage qu'on a fait. J'espère que tout le monde a reçu une copie, parce qu'on vient de vous le livrer. C'est un sondage, auquel je vais faire référence tout à l'heure, auprès des consommateurs québécois, qui a été réalisé... qui s'est terminé le 2 novembre dernier, donc il y a moins d'une semaine.

Alors, nous avons eu l'occasion dans le passé de participer à la commission parlementaire sur le projet de loi n° 118, sur le développement durable, et je tiens à vous indiquer, d'ores et déjà, que le Conseil québécois du commerce de détail appuyait et appuie toujours l'initiative du gouvernement et du ministre de l'époque qui visait à instaurer au sein de l'administration publique un cadre de gestion et des pratiques de développement durable.

Le développement durable interpelle l'ensemble de la société, et bien sûr les détaillants n'y échappent pas. Le secteur de la distribution et du commerce de détail reconnaît qu'il a, lui aussi, un rôle important à jouer et une responsabilité à assumer à cet égard. À titre d'exemple, notons l'implication des détaillants dans la gestion des matières résiduelles. Ces derniers participent en effet de plus en plus activement à l'élaboration de programmes de récupération et de valorisation de divers biens de consommation, et ce, à travers l'ensemble des provinces canadiennes. Actuellement, pour votre information, il existe 44 programmes de ce genre à travers le Canada, et 15 sont en voie de développement. Ces programmes visent, entre autres, la peinture, les huiles, les contenants, les emballages et les imprimés, les produits électriques et électroniques, les résidus domestiques dangereux, les pneus, les piles et un ensemble d'autres biens à venir.

Notre intervention, aujourd'hui, portera essentiellement sur l'orientation n° 4 du projet de stratégie, c'est-à-dire accroître l'efficacité économique, laquelle fait appel aux principes de l'internalisation des coûts et de l'efficacité économique.

Le Conseil québécois du commerce de détail souhaite à cet égard sensibiliser la ministre et les membres de la commission à l'importance du droit à la transparence des frais environnementaux reliés aux programmes de récupération et de valorisation des biens de consommation et à la nécessité que le principe de l'internalisation des coûts, prévu à la Loi sur le développement durable, soit encadré dans la stratégie gouvernementale afin d'assurer cette transparence fondamentale.

Rappelons que l'intervention du conseil, lors du projet de loi n° 118 sur le développement durable, avait essentiellement porté sur ce sujet. Le conseil avait notamment fait valoir ses inquiétudes, lesquelles se sont d'ailleurs récemment avérées fondées et viennent justifier l'importance de l'encadrement de ce principe dans la stratégie gouvernementale.

Plusieurs sondages révèlent que la majorité des consommateurs sont prêts à assumer leur part de financement du recyclage et désirent être adéquatement informés sur les coûts de recyclage et les frais environnementaux à payer. Notamment, nous avons réalisé un sondage en 2001, dont vous avez copie à l'annexe I de notre mémoire, et qui démontre à l'époque que 92 % des Québécois estimaient alors important, et 67 % d'entre eux très important, que les frais environnementaux soient clairement identifiés lors de l'achat de produits domestiques dont les résidus sont dangereux; 70 % des Québécois souhaitaient voir apparaître le montant des frais environnementaux sur la facture à la suite de l'achat d'un produit domestique dont les résidus sont dangereux et 80 % étaient favorables au principe de payer des frais environnementaux pour contribuer à la récupération des résidus domestiques dangereux. Ce sondage portait à l'époque sur les produits domestiques dangereux, parce que c'était la question du jour.

Un sondage effectué en 2005, auprès de 816 personnes de la Communauté métropolitaine de Montréal, indiquait pour sa part que 73 % des répondants étaient favorables à ce qu'un montant leur soit exigé lors de l'achat de produits.

Tout récemment ? et là je vous réfère au sondage dont vous avez copie ici ? le Conseil québécois a réalisé un sondage qui s'est terminé le 2 novembre dernier et qui révèle les choses suivantes: 65 % des Québécois ne savent pas que des frais environnementaux sont inclus dans le prix de certains produits domestiques pour contribuer aux différents programmes de récupération. D'autre part, les Québécois nous indiquent que, lorsqu'ils achètent un produit domestique où il y a un programme de récupération, ils estiment important que les frais environnementaux soient clairement identifiés et détaillés. En effet, 77 % des Québécois estiment que cette transparence doit apparaître sur la facture ou le coupon de caisse; 81 % nous indiquent que cette transparence doit apparaître sur les affiches en magasin; 72 % nous indiquent qu'elle doit s'établir sur les étiquettes tablettes; et finalement 75 % souhaitent que ces données soient transparentes dans les circulaires ou la publicité hors des magasins.

n(16 h 30)n

Le Conseil québécois s'oppose fermement à l'idée de cacher les frais environnementaux reliés aux programmes de récupération et de valorisation des biens de consommation, car il est convaincu que cela serait néfaste autant pour les détaillants que pour la société québécoise en général. Nos principaux arguments à cet égard sont les suivants.

La notion de coûts cachés, au départ, va à l'encontre de la philosophie même de la Loi sur la protection du consommateur, qui vise la transparence des coûts. De plus, cette transparence permet aux consommateurs ? ou leur permettra ? de constater l'efficacité des programmes et l'évolution des coûts en lien avec les biens de consommation couverts.

D'autre part, une interdiction d'afficher les frais irait à l'encontre de l'harmonisation des programmes à travers le Canada visant les mêmes biens de consommation. Présentement, le Québec est en effet la seule province canadienne à vouloir interdire aux détaillants le droit à la transparence des frais environnementaux dans le cadre de ses programmes. D'autre part, l'internalisation est un principe qui ne peut interdire la notion et le droit à la transparence ni à la diffusion des coûts reliés aux programmes.

Cela priverait aussi les programmes québécois de récupération et de valorisation de pouvoir recourir à un outil efficace de sensibilisation et d'éducation nécessaire aux consommateurs. D'ailleurs, lorsque l'on regarde les enjeux fondamentaux qui amènent au développement de la stratégie, on note de développer les connaissances, de promouvoir l'action responsable et de favoriser l'engagement. Nous soumettons que les coûts liés à un bien de consommation et en lien avec les programmes de récupération devraient être connus pour aider à l'atteinte de ces enjeux fondamentaux.

Finalement, selon nous, la transparence devrait permettre de conscientiser et encourager nos consommateurs à participer à ces programmes. Le conseil considère que le manque d'information dont disposent les consommateurs affectera la participation de ces derniers aux programmes et indirectement pourrait affecter le taux de succès de ceux-ci. Il y a donc lieu de craindre que les objectifs visés par la politique québécoise soient nettement plus difficiles à atteindre.

D'autre part, cela engendrera des répercussions financières et administratives néfastes pour les activités et les pratiques commerciales des détaillants et ce qu'on appelle un peu... ce sont les impacts. Par exemple, les frais de publicité augmenteront, car les détaillants qui publicisent d'un océan à l'autre ou en région devront produire des imprimés distincts à cause des prix qui varieront d'une province à l'autre. Certains détaillants nationaux et régionaux ont des systèmes informatiques qui sont difficiles ou impossibles à configurer pour tenir compte des différences de prix d'un même produit d'une province à l'autre. Cette situation engendrera donc d'énormes difficultés pour ces derniers.

Certains détaillants pourraient perdre des clients au profit des provinces voisines, où le prix annoncé d'un produit est plus bas parce que les frais environnementaux ne sont pas inclus dans le prix de vente du produit. Cela aura pour effet de créer des inéquités de marché entre les provinces. D'ailleurs, soit-il dit en passant qu'on entend beaucoup parler actuellement du dollar américain par rapport au dollar canadien, alors vous pouvez vous imaginer que... on a des frais environnementaux inclus par rapport à des frais environnementaux exclus et la sensibilité des consommateurs sur les prix.

Finalement, les prix des produits dans une province pourraient augmenter à cause des marges qui sont ajoutées tout au long de la chaîne d'approvisionnement, ce qui veut dire qu'un prix inclusif fait en sorte que, quand on va dans la chaîne d'approvisionnement, les marges s'ajoutent sur le prix. Or, si on n'est pas capable de faire la distinction, évidemment le coût augmente.

Et finalement les détaillants qui louent leur local, certains détaillants pourraient payer un loyer plus élevé, car souvent le loyer est calculé en fonction d'un pourcentage du chiffre d'affaires brut. Et, comme le chiffre d'affaires inclurait le coût de programmes environnementaux, ils devraient donc payer un loyer supplémentaire pour autant, alors que ce n'est certainement pas l'objectif visé par le programme.

Le point de vue du conseil a d'ailleurs été approuvé par le Groupe d'analyse, experts en économie, finance et stratégie. Le conseil d'ailleurs, à l'époque, avait produit un mémoire, dont vous avez aussi copie, préparé par un économiste bien connu de tous, M. Pierre Fortin, et Mme Lisa Pinheiro, économiste auprès du groupe d'analyse, qui appuyait tout à fait les positions du Conseil québécois du commerce de détail quant aux conséquences néfastes que pouvait éventuellement encourir l'internalisation des frais environnementaux à l'égard des programmes de consommation.

Pour le conseil, il est donc clair que l'application découlant de l'interprétation du principe ? et je dis bien l'application découlant de l'interprétation du principe ? d'internalisation des coûts est partagée. D'un côté, tel que mentionné précédemment, les consommateurs et les détaillants revendiquent la transparence des frais environnementaux des programmes de récupération de biens de consommation, soit les frais visibles. D'un autre côté, les représentants de RECYC-QUéBEC et du ministère du Développement durable considèrent que l'application du principe d'internalisation doit mener à des frais cachés.

Lors de la commission parlementaire qui s'est tenue sur le projet de loi n° 118, le conseil a tenté de sensibiliser les membres de la commission à ses inquiétudes concernant l'application du principe de l'internalisation des coûts en ce qui a trait à la transparence des frais environnementaux envers les consommateurs, nous avions relaté certaines expériences que nous avions connues, et finalement le projet de loi a été sanctionné dans sa totalité.

Tout récemment, à la fin du mois de septembre ? et là on vient relater une expérience, un cas vécu, là ? le conseil a été interpellé par la Direction des politiques en milieu terrestre du ministère du Développement durable dans le cadre d'une préconsultation sur invitation portant sur une version technique d'un projet de règlement cadre sur la responsabilité élargie des producteurs. Nous étions évidemment très reconnaissants que le ministère nous invite à cette préconsultation, et, dans le processus, on nous a informés qu'une des dispositions proposées dans ce futur règlement cadre obligerait ce qui suit ? et là on cite: «Les coûts associés à un type de produit soient internalisés dans le prix de vente du produit et intégrés au niveau de l'affichage des prix en magasin et sur la facture client.»

Le ministère, pour supporter cette proposition, nous a indiqué qu'il s'avérait nécessaire de faire ainsi afin de répondre au principe d'internalisation retenu dans la loi adoptée par le gouvernement du Québec, donc le principe que nous vous exposons aujourd'hui, et, d'autre part, afin d'éviter de la confusion de la part des consommateurs face aux divers programmes de récupération de produits à venir au Québec. Comme le sondage démontre, 65 % de la population ne sont pas au courant de l'existence de tels programmes.

Le conseil est cependant en désaccord avec cette prétention. La loi n'impose pas, selon nous, au gouvernement de retenir l'ensemble des 16 principes qui y sont décrits, dont celui de l'internalisation des coûts. Il précise simplement que le gouvernement doit prendre en compte ces principes au moment de l'adoption de nouvelles lois, règlements, politiques ou programmes gouvernementaux.

Ajoutons comme autre exemple d'application de ce principe par le gouvernement le cas du futur programme sur les produits électriques et électroniques, également appelés produits de technologie de l'information et des communications. Et là nous avons un extrait de ce volumineux rapport final des travaux de la filière mise en place sur le sujet qui a été acheminé l'automne dernier à Mme la ministre, et je vous réfère à un passage: «L'internalisation réfère au dilemme qui s'est posé à la filière d'afficher ou non les coûts associés de récupération...»

Le Président (M. Bergman): En conclusion, s'il vous plaît.

M. Lafleur (Gaston): Bien, en conclusion, ce que nous voulons, c'est que... Nous vous donnons un exemple, et ce que nous vous disons, c'est que, dans le pratico-pratique, l'application du principe d'internalisation devrait être modulée et devrait être encadrée de telle manière à ce qu'on n'affecte pas le droit de la transparence des coûts au niveau des programmes liés aux biens de consommation. Directement à la caisse, ou ailleurs, ou affiché par les détaillants.

Le Président (M. Bergman): Merci pour votre présentation. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup, M. le Président. Merci pour votre contribution. Je vais essayer, dans mes mots, de résumer le dilemme que vous nous exposez. Vous nous dites que dans le fond, pour des raisons de concurrence puis de gestion interne des entreprises... Je vais prendre l'exemple... Parce qu'on parle, là, de la notion de la responsabilité élargie des producteurs, le fait qu'on doit tenir compte pas juste des coûts de production, mais qu'on doit aussi... on veut que le producteur tienne compte des coûts de disposition à la fin du cycle de vie du produit, les coûts reliés à la disposition du produit. On peut donner l'exemple de la peinture, on peut donner l'exemple, par exemple... mais prenons l'exemple des produits électroniques.

n(16 h 40)n

Ce que je comprends, c'est que vous me dites: À des fins à la fois de concurrence par rapport aux autres marchés des autres provinces ou, on pourrait dire, des États-Unis et par des fins de gestion interne de nos entreprises, si on va dire... Je prends l'exemple, là, fictif d'un téléphone cellulaire, s'il coûte 100 $ en Ontario puis que je le vends, on va dire, 100 $ au Québec, je vais continuer à dire au consommateur québécois qu'il coûte 100 $, mais je vais lui annoncer à la caisse qu'il lui coûte 103 $ au Québec parce qu'il y a un programme québécois de la responsabilité élargie des producteurs qui fait en sorte que ça coûte, on va dire... Là, je donne complètement fictif, là, mais je dis 103 $, parce qu'on charge, comme société québécoise, un coût parce que le producteur doit assumer une responsabilité dans la reprise du bien à la fin de son cycle de vie, et tout ça.

Et là c'est la question de... Je donne l'exemple complètement fictif, mais le 3 $, est-ce qu'il doit être ? je mets des guillemets ? caché dans le prix du produit? Est-ce qu'on doit dire que le produit, au Québec, coûte 103 $ ou si on vous dit: Vous pouvez dire qu'il coûte 100 $ plus 3 $? C'est un peu ça. Est-ce que je comprends bien la problématique et le débat que vous nous amenez ici, aujourd'hui? Moi, c'est comme ça que je le comprends et j'ai envie de vous dire que, premièrement, sur la notion de faire connaître le coût d'un programme environnemental, là, je pense que personne n'est contre ça. Honnêtement, si vous voulez, à l'aide d'affiches dans le commerce, dans votre publicité, indiquer qu'il en coûte tant pour disposer du produit puis que vous assumez votre responsabilité, puis que le Québécois, donc le consommateur, sache qu'au Québec il en coûte tant pour disposer du téléphone cellulaire ou du gallon de peinture, etc., franchement... Puis je pense que déjà mon ex-collègue, qui a discuté avec vous de cette problématique lors de l'adoption de la loi, vous l'indiquait, là, il n'y a rien qui interdit de faire connaître le prix d'une mesure environnementale, vraiment rien. Puis c'est un bon débat, mais j'imagine que c'est bon que les Québécois sachent combien ça coûte.

Ce que vous nous amenez, si je comprends bien, c'est que, vous, vous voulez un peu l'inscrire sur une facture, un peu l'équivalent d'une taxe, hein, de dire: Ça coûte 100 $, plus j'ajoute le 3 $ que le gouvernement du Québec m'oblige à vous imposer, alors que ce n'est pas une taxe. Tu sais, ce que je veux dire par là, c'est que la responsabilité élargie des producteurs, c'est quelque chose qui doit s'intégrer dans le calcul des coûts d'un produit. Comme je pourrais vous donner l'exemple de la CSST, la santé et sécurité des travailleurs, ou le 1 % payé par les plus grandes entreprises pour de la formation de leur main-d'oeuvre, à la fin, là, ce n'est pas détaillé sur une facture en disant: Pour vrai, mon téléphone cellulaire coûte 85 $, mais il y a 15 $ de santé et sécurité aux travailleurs que je vous ajoute, puis je veux que ça apparaisse sur la facture. Ce n'est pas une taxe, c'est une invitation à ce que ça doit faire partie de l'évaluation du coût d'un produit. Ça fait qu'il existe des taxes...

Pour peut-être vous faire la comparaison, le pneu, c'est une taxe parce qu'il y avait un passif environnemental, il y avait des sites d'enfouissement de pneus qu'il fallait vider puis que, là, c'était compliqué de trouver le responsable, puis, comme société québécoise, on a dit: Tous les Québécois vont payer quand ils achètent un pneu, c'est une taxe. Mais là on ne parle pas de la même affaire. Ce n'est pas une taxe, c'est d'évaluer dans la valeur du produit... C'est-à-dire il y a des charges sociales, puis là, oui, il y a comme une charge environnementale, et c'est là qu'on dit que ça doit être intégré au prix. Mais, une fois que c'est intégré au prix, que vous informiez le consommateur, que vous indiquiez que, pour ce produit-là, il en coûte tant pour en disposer, moi, je ne suis vraiment, vraiment, vraiment pas contre ça, au contraire, mais je veux voir...

Premièrement, vous allez peut-être me dire que je n'ai rien compris, parce que vous m'avez posé une question récemment quand on s'est rencontré, puis je vous ai dit qu'on allait en reparler en commission, puis que j'allais essayer de faire mes devoirs, mais, moi, je veux juste vous dire donc que j'estime que ce n'est pas une taxe, là, c'est d'intégrer, dans la valeur du produit, la question de la disposition de ce produit-là au même titre que sont intégrés, dans la valeur du produit au Québec, les principes de santé et sécurité des travailleurs ou de la formation de la main-d'oeuvre, puis là je pourrais sortir une panoplie, là, de mesures qui ne font pas l'objet, là, de l'apparition sur la facture en addition au prix du produit.

Donc, le débat est là. Je vous ai livré, moi, mon opinion, je veux juste vous dire que j'ai l'impression... Parce que, comme vous le savez, on a été en préconsultation, la consultation va se poursuivre sur les produits, là, vers lesquels on s'en va, vers la responsabilité élargie des producteurs, on pourra sûrement en reparler, et tout, mais je voulais juste qu'on parle ici du principe. Le principe, c'est de dire: Bien, si on parle de santé et sécurité des travailleurs puis que nos entreprises au Québec, nos producteurs cotisent à la CSST, bien ça n'apparaît pas à part sur la facture, ça ne dit pas: Le produit, là, si on n'avait pas la CSST, il vous coûterait juste ça, mais là, parce qu'il y a la CSST, il coûte ça de plus. Bien, c'est la même affaire avec la notion de la responsabilité par rapport à la disposition environnementale, ce n'est pas de dire: Il coûterait juste ça, le produit, mais, parce que le gouvernement me demande d'en assurer la disposition à la fin de son cycle de vie, c'est un ajout. Ça fait que je pense qu'il est là, le débat. La chose que je vais répéter très clairement, c'est si, dans les commerces, si à l'aide de la publicité des... si vous voulez faire connaître le coût de cela, il n'y en a vraiment, vraiment, vraiment rien qui vous en empêche. Mais est-ce qu'à la fin c'est une taxe? La réponse, c'est non. Ce n'est pas une taxe, comme la CSST n'est pas une taxe. C'est une responsabilité sociale, et là c'est une responsabilité environnementale de vos membres.

Moi, je voulais faire le commentaire ? je suis sûre que vous en avez ? mais je termine quand même en disant: Il reste juste cinq minutes, ça fait que c'est que c'est à moi à me taire maintenant. Mais je vous ai un peu livré, sur le principe, bien, ma position puis je vais être intéressée à entendre mes collègues. Mais je vais juste finir en disant: Si vous voulez vous garder un peu de temps pour nous dire... Moi, je trouve que vous représentez des associations qui justement... Vous savez ce dont les Québécois veulent, hein, ce qu'ils veulent consommer. Si on a du temps, gardez-vous une minute dans vos commentaires pour me dire, à la lumière des sondages que font vos membres, et tout: Selon vous, les Québécois en sont rendus où dans leurs propres habitudes d'achat par rapport à la notion d'achat environnementalement responsable de produits certifiés, par exemple, comme étant équitables ou comme consommant moins de gaz à effet de serre? Est-ce que vous pensez que les Québécois sont prêts pour ça, qu'ils sont rendus là?

Le Président (M. Bergman): Me Lafleur.

M. Lafleur (Gaston): Oui. Merci. Merci. Alors, Mme la ministre, premièrement, je tiens à vous mentionner que, oui, il y a peut-être un manque de compréhension. Lorsqu'on parle d'un prix, ce n'est pas une question d'identifier ça comme une taxe, c'est, premièrement, d'avoir le droit d'indiquer que le coût d'un programme environnemental à l'égard d'un bien acheté représente un frais de tant. Bon. Alors là, si on veut parler de présentation sur la facture, c'est une autre chose. Mais ce qu'on voulait mentionner et ce qu'on a mentionné à la commission parlementaire antérieurement comme étant nos craintes, c'est que justement cette crainte d'assimilation à une taxe, là, n'est pas un motif pour répondre aux préoccupations des consommateurs qui l'ont encore dit jusqu'au 2 novembre dernier, qu'on veut la transparence et qu'on veut, dans le cas de la facture ou le coupon de caisse, dans une proportion de 78 %... Ce sont quand même des gens, là, ce n'est pas juste les détaillants qui parlent, ce sont les consommateurs qui disent qu'ils veulent voir les frais.

Maintenant, comment ça se présente sur la facture, c'est une autre histoire, là. Ça, on peut avoir une discussion, mais je ne pense pas que c'est le débat qu'on doit faire. L'idée, c'est d'avoir le droit à la transparence, d'indiquer le coût des programmes. Les consommateurs le veulent, les détaillants le veulent. Ce n'est pas une question de... Quand on parle de stratégie et de concurrence, bien je vais vous dire quelque chose: Si vous vivez à Hull et qu'à Ottawa, un jour, on peut annoncer des télévisions à 450 $ au Québec, puis incluant un frais environnemental, et la même TV va se vendre... va s'offrir en vente à 400 $ à Orléans, et qu'on ajoutera un frais de 50 $, là on va avoir un problème. La question, c'est qu'on soit en mesure d'informer, parce que, là, tout le monde va aller acheter de l'autre côté. Alors, l'idée...

Mme Beauchamp: Mais je pense... Je veux juste vous mettre clair, d'informer les gens sur le coût de ces mesures-là, là, je ne sais pas pourquoi vous pensez que ça va vous être interdit.

M. Lafleur (Gaston): Bon, bien, écoutez...

Mme Beauchamp: Il n'y a personne qui va vous interdire cela. Mais que le coût soit intégré au coût total du bien, c'est un peu ça qu'on dit. Parce que pourquoi je prends l'exemple de la facture à la fin? C'est parce que c'est ça, c'est l'exemple que je donnais. Vous allez dire que le téléviseur coûte 400 $ ou 450 $?

M. Lafleur (Gaston): Non. Non, parce que... Non, au Québec, là, on offre le produit en vente.

Mme Beauchamp: Il coûte 450 $.

M. Lafleur (Gaston): Si le produit en vente coûte 450 $, incluant des frais environnementaux qui ne sont pas des taxes, le prix est 450 $, sauf que...

Mme Beauchamp: O.K.

M. Lafleur (Gaston): Vous permettez? Sauf qu'on veut avoir le droit de pouvoir l'indiquer sur l'étiquette tablette, le droit de l'afficher et le droit d'indiquer à la caisse: Quand tu as acheté ton produit, il y avait un frais de 50 $. Alors, c'est de faire le suivi, et ça, malheureusement ça ne semble pas être dans l'application.

Mme Beauchamp: Honnêtement, je ne sais pas d'où vient votre crainte, il n'y a pas de problème à ce qu'on communique le coût du programme environnemental. Je vous l'ai dit, si vous voulez l'indiquer dans vos encarts publicitaires, sur le prix tablette... Et M. Mulcair vous l'avait dit, personne ne va jamais vous interdire... Comme vous pourriez décider que vous voulez dévoiler le coût de la CSST, il n'y a personne qui pourrait vous l'interdire.

n(16 h 50)n

M. Lafleur (Gaston): Oui, bien, d'accord. Bien, à ce moment-là, Mme la ministre, je vais vous référer, parce qu'on l'a bien compris... On a eu un échange avec les gens de votre ministère, et les gens de votre ministère ont une interprétation fort différente. On était 17 personnes et on s'est fait dire noir sur blanc, après une question clairement posée, que le ministère considérait qu'on ne pouvait pas afficher, indiquer... afficher dans l'établissement, indiquer sur la facture ou sur la tablette le coût du programme environnemental. C'était on ne peut plus clair. Alors, il y a un problème de compréhension. Je ne veux pas dire que... Il n'y a personne de mauvaise foi, mais il faut clarifier.

Mme Beauchamp: Bon, bien, je veux dire, je...

M. Lafleur (Gaston): Il faut clarifier.

Mme Beauchamp: Ce que je veux vous dire, là, c'est qu'à partir de maintenant vous avez une ministre responsable qui vous dit que je ne vois pas de problème avec ce que vous nous demandez.

M. Lafleur (Gaston): Merci.

Mme Beauchamp: Bon, que vous dévoiliez le coût d'un programme environnemental, je n'ai pas de problème avec ça. Si vous vouliez dévoiler le coût du programme de la CSST, je n'aurais pas de problème avec ça, vous pouvez l'indiquer. D'accord?

M. Lafleur (Gaston): Permettez une intervention...

Mme Beauchamp: Vous ne voulez plus?

M. Lafleur (Gaston): Pardon? Oui, non, non, non. Écoutez, si on peut avoir... Non, si on reflète la transparence et qu'on est en mesure d'indiquer les coûts des programmes, il n'y a aucun problème.

Le Président (M. Bergman): En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Beauchamp: On n'en a plus, de problème. Il n'y a plus de problème.

Le Président (M. Bergman): Merci. Mme la députée de Groulx.

Mme Lapointe (Groulx): Bonjour, M. le Président. Mme la ministre, bonjour. Bonjour, chers collègues. M. Lafleur, bonjour. Mme Pâquet, bonjour. Pour revenir un peu sur ce que Mme la ministre disait, les commerces de détail sont submergés d'information, et vous seriez surpris de voir comment que les gens ne retiennent aucune information. Partout, dans la vie de tous les jours, les gens sont submergés. Dans un commerce de détail, peut-être les enfants remarquent qu'est-ce qu'il y a de nouveau, mais pas les adultes, la vie est trop rapide. Et, vous, en représentant des commerces de détail, vous suggérez d'avoir soit des panneaux, des étiquettes, l'information... avant qu'un client, un consommateur ait reçu l'information, c'est très, très, très difficile à lui faire parvenir. Vous, comme représentants du Conseil québécois du commerce de détail, comment vous apprécieriez pouvoir informer les clients de la mesure du coût environnemental que vous parliez?

M. Lafleur (Gaston): Bien, dans un premier temps, je pense que c'est de donner le libre choix de pouvoir donner l'information aux consommateurs. Et l'objectif qu'on veut atteindre par ça, c'est, d'une part, de pouvoir réaliser un des enjeux... en tout cas, de régler en partie un des enjeux qui est très important, qui est de développer la connaissance. Alors, pour nous, c'est important. Et c'est une pratique qui actuellement est courante ailleurs au Canada, où plusieurs détaillants vont informer leurs consommateurs des coûts des programmes environnementaux, et évidemment, au Québec, on souhaite aussi être en mesure de le faire pour nos consommateurs.

Mais je suis d'accord avec vous, quand on regarde des statistiques où 65 % des Québécois disent ignorer l'existence de certains programmes ou même les coûts associés à ces programmes-là, c'est évident que ça nous interpelle. Et, si on veut faire un effort de sensibilisation et d'information, il faut encore mettre plus d'efforts, puis pas seulement aux points de vente, probablement en dehors de ce cadre-là.

Mme Lapointe (Groulx): Merci.

M. Lafleur (Gaston): Mais je suis d'accord avec vous que c'est une question qu'il faut reprendre, revenir à chaque jour.

Mme Lapointe (Groulx): Puis je suis d'accord avec vous, c'est quelque chose de très, très difficile à faire passer, un message.

Dans un autre ordre d'idées, on parle d'environnement, de produits de commerce de détail, vous savez qu'il y a des entreprises qui font des efforts pour diminuer le coût de transport en diminuant leurs produits, en diminuant l'emballage. Vous savez qu'il y a des coûts énormes reliés aux emballages de... Peu importe, là, n'importe quel produit en commerce de détail, on dirait que plus la boîte est grosse, plus c'est beau, mieux que c'est. Mais quels sont les efforts que le gouvernement pourrait faire pour diminuer justement l'emballage et en même temps diminuer les coûts de transport? S'il y a des efforts qui sont faits... Il y a des exemples fort simples que tout le monde utilise à tous les jours. L'assouplisseur, on peut avoir de l'assouplisseur de cette grosseur-là, qu'on peut avoir le même nombre de brassées comme ça mais plus condensé. Vous comprenez que ça prend moins de coûts de transport, on maximise les camions de distribution, on vient diminuer tout l'ensemble du... On maximise le transport. Et les efforts qui sont faits pour diminuer les coûts d'emballage et de rapetisser le plus possible, je me demande comment vous voyez ça, vous.

M. Lafleur (Gaston): Bien, écoutez, l'exemple que vous donnez est fort réel, mais ça vient démontrer de plus en plus la sensibilisation et l'importance que les gens de notre secteur vont attacher à réduire... à s'impliquer davantage dans l'effort de développement durable. Et je pense qu'on peut devenir éventuellement un bel exemple, mais c'est un exemple qui va toucher aussi les consommateurs, parce que les consommateurs viennent chez nous régulièrement, avec une fréquence plus ou moins importante, dépendamment dans quel secteur d'activité on est. Mais, nous, on a un rôle important à jouer à cet égard-là, et c'est un rôle d'exemple. Et ce que vous mentionnez, à notre point de vue, devrait progresser de façon importante. Quand on parle de trouver des nouvelles façons de faire du développement durable et du commerce durable, ça passe par des petits détails comme ça qui, à un moment donné, vont donner des résultats intéressants, et que les consommateurs en soient informés, de ça, et qu'est-ce qu'on fait, et pourquoi on le fait. Je ne sais pas si ça a répondu à votre question.

Mme Lapointe (Groulx): Oui, bien, ça répond...

M. Lafleur (Gaston): Quant à ce que le gouvernement devrait faire, bien je ne suis pas en position pour vous répondre à cette question-là, là.

Mme Lapointe (Groulx): Sans dire que le gouvernement devrait ça... mais il devrait encourager. Si on maximise les camions de distribution, si on diminue le plus possible les produits, on vient... moins de produits à remettre, il y a moins de déchets, et tout. Alors, c'est une des options qui peut être entreprise facilement, juste encourager les bons produits.

Mme Pâquet (Françoise): En fait, si je peux me permettre, pour répondre à votre question, c'est ce que la ministre appelle... elle a parlé de la responsabilité élargie des producteurs. On parle beaucoup de production responsable, de consommation responsable, et en fait ce dont on parle, c'est de la production responsable. Et là le gouvernement s'apprête à déposer éventuellement un projet de règlement qui va encadrer plein de programmes de responsabilité élargie des producteurs, donc on parle de production responsable. Tous les programmes dont on vous fait état ici en sont et, à partir du moment où... que ce soit un produit électronique, que ce soit une peinture, que ce soit une pile, la production responsable interpelle le fabricant ou le détenteur de la marque à produire autrement, à générer moins de déchets, et tout ça.

Donc, on est dans cette phase-là présentement. Au Québec, il n'y a seulement que deux programmes ou trois programmes qui sont en place, et on se dirige vers d'autres programmes. Donc, je ne sais pas si ça répond un peu... Je pense que le gouvernement est enclenché actuellement dans ça, et l'industrie, avec plus de 40 programmes à travers le Canada, je pense, est déjà enclenchée dans le processus. Évidemment, ça ne se fait pas du jour au lendemain, mais je pense que le processus est bien enclenché au moment où on se parle.

Mme Lapointe (Groulx): O.K. Non, mais je comprends que dans le fond on peut accentuer encore ces genres de mise en place de nouveaux programmes là, on peut accentuer pour améliorer puis diminuer le... être plus responsables, comme vous disiez tantôt, des producteurs responsables.

Mme Pâquet (Françoise): Non seulement vous pouvez accentuer ces programmes-là, mais ce dont on vient vous dire aujourd'hui, c'est: Donnez-nous la flexibilité nécessaire pour faire en sorte qu'on mette sur place des programmes qui soient efficaces. Et c'est là qu'est la question, à partir du moment où on met en place des programmes et que les consommateurs ne savent pas qu'ils existent, comment voulez-vous que les consommateurs participent adéquatement et qu'on ait des programmes performants? À l'heure actuelle, le sondage vient un peu démontrer... On a un programme sur les peintures au Québec, on a un programme sur les huiles au Québec, et ce qu'on apprend, c'est que les gens ne le savent pas, qu'ils existent. Pourtant, ils paient pour, et c'est là, le danger. Ce qu'on vous dit, c'est qu'on souhaite être performants, mais on ne peut pas l'être parce qu'on n'a pas la flexibilité qui nous permet de l'être.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Mégantic-Compton...

M. Roy: Montmagny-L'Islet.

Le Président (M. Bergman): Montmagny-L'Islet.

M. Roy: Merci, M. le Président. À la lumière de ce que vous nous offrez comme pourcentage, est-ce que vous semblez nous dire que les consommateurs sont maintenant prêts à des coûts environnementaux, selon vos études? Dans un premier temps, le but de la question, donc ils sont prêts à des coûts environnementaux sur différents produits? Et, de l'autre côté, est-ce que justement ça ne poussera pas les différentes compagnies à accentuer leurs démarches environnementales si vous, de votre côté, en tant que responsables, de gens responsables, consommateurs... pour aider les consommateurs et aider la planète et l'environnement à promouvoir les produits qui sont dits responsables, est-ce qu'on n'aura pas justement une course entre les différentes compagnies à se mettre au pas et à insister sur le côté responsable de leur fabrication?

n(17 heures)n

M. Lafleur (Gaston): Ça va sûrement avoir un effet, je dirais, des deux côtés de la barrière. D'une part, au niveau du consommateur, de la consommatrice, ça leur fait réaliser, oui, qu'il y a un programme. Et, aujourd'hui, les consommateurs sont prêts à apporter leur contribution, que ce soit une contribution physique, une contribution en faisant plus attention à la façon dont ils vont gérer leurs propres produits à la fin du cycle de vie. On n'est plus en 1980 où l'environnement, c'était loin dans notre tête, aujourd'hui c'est éminemment présent. D'ailleurs, on voit les efforts qui se font de plus en plus au niveau des divers gouvernements, sur l'importance qu'on y attache, avec raison d'ailleurs, c'est une tendance lourde.

Mais, d'autre part, c'est que la transparence, en plus de venir sensibiliser le consommateur, permet aussi une forme d'étalon, de «benchmark» d'efficacité. C'est-à-dire que, s'il y a des coûts qui augmentent, il y a quelque chose qui ne va pas. Et, à un moment donné, si on les cache, on dessert l'intérêt du programme. Il faut les rendre visibles. Plus on sera performant, mieux ce sera. S'il y a des types de produits, par exemple, qui vont coûter moins cher parce qu'on a réussi à augmenter la capacité de réduction du produit ou parce que le cycle de vie est amélioré ou réutilisable, bien ça va avoir un impact quelque part sur le coût du programme, sur le coût du produit, et ça va se refléter. Et c'est important parce que, là, ça peut influer sur le choix du consommateur en plus de ça. Mais, si les coûts sont cachés, les frais sont cachés, comment peut-on amener le consommateur, un, d'une part, à avoir une meilleure connaissance? Il y a une méconnaissance totale.

Alors, nous, ce qui nous préoccupait, c'était plus ce volet-là qu'on souhaitait même amener. Ce n'était pas la question de concurrence, là, c'est beaucoup plus une question d'être en lien avec ce que les consommateurs veulent, souhaitent, et qu'on pourrait mettre en place.

Le Président (M. Bergman): Il reste une demi-minute. M. le député.

M. Roy: Sur les tablettes, on a déjà de la difficulté à l'heure actuelle. Les écriteaux sont près ou encore c'est uniquement des «scanners», excusez le mot anglais, c'est uniquement des terminaux pour revérifier le prix. À quel endroit vous allez mettre... rapidement, à quel endroit vous allez mettre toutes les données environnementales?

M. Lafleur (Gaston): Ça, n'ayez crainte, quand on sera rendu là, une fois qu'on pourra le faire adéquatement, on va le faire de la manière appropriée.

Le Président (M. Bergman): Merci. M. le député de Vachon.

M. Bouchard: Oui. Merci, M. le Président. Je vois bien la rhétorique qui vous anime et qui vous permet de défendre la transparence dans les coûts associés, les coûts de production associés à ce que les commerçants offrent aux consommateurs. Est-ce que ce même souci de transparence ne vous amènerait pas éventuellement à réclamer le même droit d'afficher ce que chacun des produits coûte en termes de publicité pour le consommateur? Est-ce que vous avez la même conscience transparente vis-à-vis de ça?

M. Lafleur (Gaston): Sur les coûts de publicité?

M. Bouchard: Oui, oui. Il y a des coûts d'internalisation qui sont associés au produit parce que, quelque part, on tient compte des impacts environnementaux dans le cycle de vie, de production et de consommation du produit, mais les produits comportent aussi une charge étant donné la publicité qu'on en fait, étant donné... c'est un coût qui est associé à la vente du produit. Est-ce que vous êtes prêt à aller jusqu'à... à porter votre transparence jusqu'à afficher ce que le consommateur doit payer pour les efforts de publicité que vous déployez pour vendre le produit?

M. Lafleur (Gaston): Bien, je ne vois pas tellement la pertinence avec les programmes... excusez-moi, là, entre ça et les programmes environnementaux. Je ne saisis pas.

M. Bouchard: Moi, je la vois à partir de votre rhétorique de transparence. Vous nous dites: Pour être transparent, on a besoin d'afficher cela. Moi, je vous dis: Est-ce que la même transparence vous inspire à afficher ce que coûte le produit au consommateur étant donné les coûts de publicité qui sont associés à sa vente?

M. Lafleur (Gaston): Bon. Je ne vois pas, là, je ne vois pas le rapport entre les deux, mais en tout cas.

M. Bouchard: Bon. Très bien. Merci, monsieur.

Mme Pâquet (Françoise): Mais, si je peux me permettre d'ajouter, on ne souhaite pas être transparent pour être transparent, on souhaite être transparent parce qu'on a une obligation de performance. On doit mettre en place des programmes de responsabilité élargie des producteurs avec des objectifs, des taux de récupération à atteindre. Et, pour le faire, ce qu'on vous dit: C'est que, pour atteindre cette performance-là, on a besoin de mettre en place tous les outils qui peuvent nous aider à atteindre cette performance-là. Et la performance en est une. Et, si on regarde dans l'ensemble des provinces canadiennes, c'est permis.

M. Bouchard: Moi, ce que je vous dis, c'est qu'en tant que parlementaire je ne vois pas de problème à ce que les commerçants le fassent, qu'ils dévoilent ce coût-là. En même temps, en tant que parlementaire, je comprends que la rhétorique qui vous anime aussi, c'est une rhétorique de transparence et que, pour le consommateur, il serait tout aussi important de savoir ce que coûte la publicité qui est associée à la vente du produit que les coûts d'internationalisation de sa production.

Le Président (M. Bergman): Me Lafleur.

M. Lafleur (Gaston): Non, mais, nous, c'était le droit à la transparence, ce n'est pas... C'est ça qui est important à reconnaître, c'est qu'on puisse avoir le libre choix de pouvoir afficher les coûts environnementaux. Si un détaillant veut afficher ses coûts de publicité, il peut le faire, il n'y a pas d'interdiction. Mais actuellement, en ce qui concerne les programmes environnementaux, la façon dont on voit l'application ou comment l'application pourrait s'interpréter en vertu du 16e principe, ça nous donne l'impression qu'on ne pourrait pas afficher le coût des programmes.

M. Bouchard: Oui.

M. Lafleur (Gaston): Bon. C'est ça.

M. Bouchard: Mais le droit d'affichage du coût de ce que la publicité peut représenter dans le produit existe depuis toujours. Est-ce que c'est une pratique courante que de l'afficher?

M. Lafleur (Gaston): Le coût d'affichage?

M. Bouchard: Le coût de publicité associé à la vente du produit. Est-ce que...

M. Lafleur (Gaston): Les coûts de publicité, je n'ai pas vu ça affiché tellement souvent, moi.

M. Bouchard: Non, moi non plus.

M. Lafleur (Gaston): Mais, si ça vous pose un problème, on...

M. Bouchard: Dans le fond, vous choisissez votre champ de bataille, parce qu'il me semble que, si l'argument, c'est un argument de... Je comprends l'argument de performance, je comprends en même temps qu'il y a des compétiteurs sur le marché. Mais, si le principe de transparence qui vous anime est un principe premier, il me semble que ça s'applique à toutes sortes de coûts associés à la vente du produit, et la ministre vous parlait, tout à l'heure, de votre droit d'afficher les coûts de la CSST, d'assurance maladie, tout ce qui est afférent à la production et qui rentre dans les coûts de production. Ça ferait peut-être prendre conscience aux gens pourquoi on paie certains produits moins cher, qui nous viennent de l'extérieur, dans les magasins à très bon marché parce qu'ils ne doivent pas assumer ce coût de protection sociale qui est aussi un coût de l'environnement dans lequel nous évoluons, la protection sociale est un élément important de nos programmes. Et, à ce même titre, moi, je pense que ce droit d'affichage n'a jamais été revendiqué. Pourquoi il le serait maintenant? Je pense que c'est un droit qui existe, là, à moins de contradiction d'un contentieux que je ne connais pas, mais vous choisissez cette bataille-là, vous choisissez ce créneau-là.

M. Lafleur (Gaston): C'est parce que c'est la distinction entre le droit et l'interdiction, c'est là qu'est le débat, là. Mais là on nous dit qu'il n'y a plus d'interdiction ou qu'il n'y en aura pas, à tout événement, dans l'application du principe en ce qui concerne les programmes environnementaux. Alors, pour nous, c'était la problématique qu'on souhaitait soulever à la commission.

M. Bouchard: Mais, dans le rapport qui vous a été fourni par M. Fortin, là, je regarde à la page 13 du rapport, là ? je pense que c'est 14 en tout et partout ? deuxième paragraphe, première phrase. Oui, dans votre mémoire, dans la conclusion... Excusez-moi, ce n'est pas le rapport de M. Fortin, c'est votre propre mémoire. Dans la conclusion, page 13, deuxième paragraphe, vous dites: «...l'internalisation des coûts de recyclage aurait des conséquences néfastes pour les commerçants, et ces conséquences seraient particulièrement pénalisantes pour les petits détaillants.»

M. Lafleur (Gaston): À la page 13, vous dites?

M. Bouchard: Bien, c'est ce que j'ai là.

M. Lafleur (Gaston): Moi, je...

M. Bouchard: À moins qu'on n'ait pas le même.

M. Lafleur (Gaston): Non, on n'a pas le même. Bien, excusez-moi, mais c'est parce que, nous, notre mémoire se termine avec les conclusions à la page 9.

M. Bouchard: Vous êtes bien le Conseil québécois du commerce de détail?

M. Lafleur (Gaston): Oui, oui, oui, effectivement, oui, c'est...

M. Bouchard: Bon, bien alors... Non, c'est à l'annexe, c'est à l'annexe, c'est à l'annexe.

M. Lafleur (Gaston): Attendez.

M. Bouchard: Une perte de mémoire est si vite arrivée. Vous avez une annexe, et cette annexe, c'est le rapport des...

M. Lafleur (Gaston): O.K. C'est le rapport de...

M. Bouchard: ...c'est le rapport de monsieur...

M. Lafleur (Gaston): ...de M. Fortin.

M. Bouchard: ...de M. Fortin, c'est ce que je vous disais tout à l'heure...

M. Lafleur (Gaston): Oui, oui, oui.

M. Bouchard: ...et c'est une annexe qui fait partie de votre mémoire, là, et, en page donc 13 de votre mémoire...

Le Président (M. Bergman): S'il vous plaît, M. le député.

M. Bouchard: ...la première phrase du deuxième paragraphe que je viens de vous lire, je me demande si ce n'est pas cette première phrase là qui vous anime surtout, là.

M. Lafleur (Gaston): La deuxième phrase du deuxième paragraphe?

M. Bouchard:«En somme, l'internalisation des coûts [...] aurait des conséquences néfastes pour les commerçants...»

Le Président (M. Bergman): Malheureusement, le temps s'est écoulé, et je dois vous remercier pour votre présentation et les échanges.

Je demande Grand Council of the Crees, représenté par M. Romeo Saganash, pour prendre sa place à la table. Je suspends nos travaux pour une minute.

(Suspension de la séance à 17 h 9)

 

(Reprise à 17 h 10)

Le Président (M. Bergman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite la bienvenue au Grand Council of the Crees, représenté par M. Romeo Saganash. M. Saganash, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec la ministre et les députés de la commission. La parole est à vous, M. Saganash.

Grand Conseil des Cris
(Eeyou Istchee) (GCCEI) / Grand
Council of the Crees (Eeyou Istchee)

M. Saganash (Romeo): Merci, M. le Président, Mme la ministre, MM. les députés et Mmes les députées. (S'exprime dans sa langue).

Nous sommes un peuple, une nation habitant la région québécoise de la Baie-James, sur nos terres ancestrales, et que nous appelons Eeyou Istchee. Comme en témoigne notre histoire, notre société est tolérante à l'égard d'autrui. Par le passé et encore aujourd'hui, nous tissons des liens sociaux avec les gens et les communautés non autochtones du territoire. Nous continuons à manifester notre volonté et notre capacité à adapter notre mode de vie autochtone aux nouvelles technologies et aux situations économiques afin de jouer un rôle clé dans les activités économiques sur le territoire. Tout au long de notre histoire, M. le Président, nous avons fait preuve d'intégrité en tant que communauté et nation et, à ce titre, nous continuons à être responsables de la gouvernance et du bien-être de nos communautés et nous enseignons nos traditions et notre langue d'une façon qui n'est pas sans rappeler l'approche des Québécois.

Le XXIe siècle est une période particulièrement difficile pour notre nation, situation que vivent bon nombre de nations à travers le monde. Les possibilités qui s'offrent à nous sont accompagnées de défis pour nos communautés, notre mode de vie et notre langue. Nous ne connaissons pas la famine, c'est vrai, mais nous voyons la dégradation que causent les coupes à blanc et les inondations de territoires qui nous ont soutenus dans le passé. Notre population augmente aussi. De fait, elle a plus que triplé au cours des 50 dernières années en raison d'un état de santé général amélioré. Malheureusement, les rapides changements culturels ont contribué à certaines maladies: les changements alimentaires et une baisse de l'activité liés à l'obésité, au diabète et aux maladies cardiovasculaires. Les rapides changements de notre mode de vie donnent l'impression à beaucoup de gens qu'il leur faut choisir entre les valeurs et les métiers traditionnels et les nouvelles valeurs, et ce, même si les faits démontrent clairement que l'avenir fait appel aux méthodes nouvelles et traditionnelles pour définir les nouveaux modes de vie et de nouvelles façons d'être qui sont propres aux Cris, comme cela a toujours été le cas. Est-ce que la voie qui s'offre à nous en sera une de contradiction, ou de confrontation, ou d'ouverture pour adapter le mode de vie des Cris? Notre relation harmonieuse avec Québec dépend d'une reconnaissance mutuelle des conditions de cette relation.

La Convention de la Baie James et du Nord québécois, signée en 1975, et l'entente sur une nouvelle relation, signée en 2002, communément appelée la «Paix des Braves», reconnaissent le rôle de premier plan qui revient aux Cris dans le développement et la gouvernance du territoire de la Baie-James, un territoire de près de 500 000 km² qui représente, vous en conviendrez, un enjeu stratégique pour l'avenir du Québec.

Malheureusement, le document soumis en consultation ne met pas en évidence ce rôle. Notre intervention, aujourd'hui, veut donc, M. le Président, rétablir cette situation. Nous mettons donc l'emphase sur l'absolue nécessité d'inclure directement les Cris dans l'élaboration des politiques, plans et programmes liés au développement des ressources naturelles, à l'aménagement du territoire et à l'inclusion de nombreux jeunes Cris sur le marché du travail. En somme, nous voulons prévenir et réduire les inégalités sociales et économiques ? c'est une des orientations du document ? à court et à long terme.

Le projet de stratégie gouvernementale, qui doit instaurer un nouveau cadre de gestion assurant une intégration des préoccupations environnementales, sociales et économiques et ainsi permettre... en amont des législations, stratégies, politiques et programmes mis de l'avant par le gouvernement, nous ramène à des dispositions bien précises du chapitre 22 de la Convention de la Baie James qui traite du régime de protection de l'environnement et du milieu social. En effet, ce régime doit être considéré comme étant plutôt avant-gardiste au moment de sa mise en oeuvre, en 1975, puisqu'il reposait sur une juste intégration des dimensions environnementales, sociales et économiques pour assurer la protection des droits et du milieu de vie de la nation crie dans le contexte du Québec. Ne reconnaissons-nous pas ici les trois piliers du développement durable? Et surtout ce régime prévoit une participation directe des Cris dans l'élaboration des politiques, législations, plans ? notamment concernant l'utilisation des terres, ce qui aujourd'hui correspond à la notion d'aménagement du territoire ? et des programmes.

Notre expérience du développement dans notre territoire nous amène à conclure que les critères de durabilité n'ont pas été satisfaits dans le passé. À titre d'exemple, l'exploitation commerciale de la forêt s'est effectuée à un rythme effréné au cours des 30 dernières années. La superficie de notre territoire dédiée à la coupe forestière est passée de 25 000 km² à plus de 85 000 km². Le régime forestier adapté auquel a convenu d'adhérer le gouvernement du Québec en 2002, avec la «Paix des Braves», repose sur des critères qui devraient nous amener à un développement plus durable, mais cela suppose qu'on respecte l'implication directe des Cris dans le processus. Par ailleurs, notre expérience a aussi démontré que les gouvernements n'ont pas saisi les opportunités que leur offrait la convention en ce qui concerne l'implication des Cris en amont, c'est-à-dire dès que s'amorce l'élaboration des politiques, des plans et des programmes.

Nous croyons que nous sommes en mesure, comme partenaires du gouvernement, de pouvoir rectifier le tir et contribuer à donner les orientations nécessaires pour rencontrer le défi du développement durable, d'en être le promoteur et le bénéficiaire de premier plan. Cela suppose aussi que nous agissions comme nos ancêtres et qu'ainsi nous gardions un oeil vigilant pour assurer la conservation des ressources et du patrimoine. Nous saluons d'ailleurs les efforts entrepris pour la création d'aires protégées, mais celles-ci ne représentent que 4 % de notre territoire.

Le projet gouvernemental d'autonomie régionale et municipale propose de s'appuyer sur des structures comme les conférences régionales des élus, les municipalités régionales de comté et les commissions régionales de ressources naturelles. Au passage, on mentionne que ces commissions régionales impliquent une participation active des élus, via les CRE, et des communautés autochtones, et je cite, «qui le désirent». En réalité, comment cela se traduit-il pour la nation crie dans le contexte de la Convention de la Baie James?

Le projet de stratégie donne l'impression que ces structures collent efficacement à la réalité de l'ensemble de la province, or cela est loin d'être adéquat pour le territoire de la Baie-James. Nous sommes convaincus que, sans l'incorporation claire de cette participation directe et effective des Cris dans la stratégie de développement durable du territoire de la Baie-James, il ne sera pas possible de satisfaire aux exigences du développement durable.

Nous ne pouvons garder le silence concernant les mesures législatives inappropriées qui encadrent le développement de notre territoire et nous dénonçons particulièrement la Loi modifiant la Loi sur le développement de la région de la Baie James et d'autres dispositions législatives.

Nous avons connaissance, par exemple, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui stipule, à son article premier, que:

«1. Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.

«2. Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de l'intérêt mutuel, et du droit international. En aucun cas ? et c'est une interdiction absolue; en aucun cas ? un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance.»

n(17 h 20)n

C'est sur la base des questions relatives à l'application de tels principes, qui sont acceptés par la majorité des États-nations du monde, que l'actuel gouvernement canadien a décidé de ne pas appuyer leur inclusion dans la Déclaration des droits des peuples autochtones des Nations unies. Mais, malgré la décision du Canada de voter contre l'inclusion de ces principes, l'Assemblée générale a voté en faveur, et ce, avec une majorité écrasante. De notre côté, nous avons toujours déclaré que les principes qui s'appliquent à tous les peuples couverts par le pacte ne devraient pas être refusés à une classe de gens, c'est-à-dire les autochtones, introduisant ainsi dans le monde la règle de deux poids, deux mesures.

Par ailleurs, nous croyons que l'application de tels droits est une question qui relève des peuples individuels concernés et des États-nations où ils vivent. C'est dans cet esprit que nous avons appuyé la «Paix des Braves». L'entente était un net progrès en matière de reconnaissance par le Québec des droits des Cris tels qu'énoncés dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois, en 1975. En fait, l'entente va même plus loin, car elle reconnaît le besoin à long terme de la nation crie de continuer à bénéficier de ses ressources de l'Eeyou Istchee non seulement à des fins de subsistance, mais aussi en ce qui a trait aux retombées économiques provenant du développement de ces ressources.

Au fur et à mesure que la situation évolue, les droits des peuples doivent aussi évoluer, sinon ces peuples seront isolés du reste de la société, avec toutes les conséquences que cela comporte. La «Paix des Braves» a placé le Québec dans le peloton des pays qui défendent les droits de la personne, un fait que nous avons affirmé en Europe après sa signature.

Les aspects financiers de la «Paix des Braves» ne sont pas les seuls éléments d'importance pour la nation crie. Les engagements du Québec et d'Hydro-Québec d'ouvrir la porte à une présence accrue des Cris en matière d'emploi et de contrats à Eeyou Istchee, voire dans le reste du Québec, par le biais de mesures visant à aider les Cris à obtenir des cartes d'accréditation de la CCQ, constituent un élément important. Nous savons que ces choses ne se font pas du jour au lendemain. Ainsi, nous sommes déterminés à travailler ensemble dans ces voies d'intérêt mutuel qui préoccupent au plus haut point notre peuple. Par un engagement déclaré dans la «Paix des Braves», et je cite, «les parties concluent par les présentes une entente de nation à nation qui renforce les relations politiques, économiques et sociales entre le Québec et les Cris et qui se caractérise par la coopération, le partenariat et le respect mutuel, tout en demeurant fondée sur les engagements respectifs des parties en vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois». Fin de la citation. Par ailleurs, M. le Président, je mentionnerais ici que ces mêmes principes sont maintenant consacrés dans la Déclaration des droits des peuples autochtones des Nations unies. Alors, voilà un autre exemple qui provient du Québec.

C'est dans cet esprit que nous offrons quelques autres commentaires sur le projet de politique du développement durable et le projet de loi n° 40 adopté, chose assez curieuse, juste avant la négociation et la signature de la «Paix des Braves». Les dispositions relatives aux efforts entrepris pour aider les municipalités à réaliser des projets de développement dans leurs régions ne semblent pas très claires. En effet, l'application de la politique semble réservée aux seules municipalités du Québec et non aux Cris, ce qui est un sérieux problème pour nous.

Lorsque la Convention de la Baie James a été signée, un des principaux objectifs des Cris était d'éviter les erreurs commises dans le passé par le Canada et les autres provinces en vertu de la Loi sur les Indiens. Ils avaient créé des enclaves coupées de la société et de l'économie sous la domination du ministère fédéral de l'Intérieur, qui deviendra plus tard le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Le gouvernement du Québec partageait cet objectif, comme en témoigne le ministre John Ciaccia dans sa présentation de la Convention de la Baie James à l'Assemblée nationale. Il déclarait, et je cite: «Je désire insister [...] sur le fait que le gouvernement du Québec a rejeté toute attitude paternaliste dans sa façon de traiter avec les [peuples] autochtones. C'est une des conclusions que vous pouvez tirer de la présente convention. Le gouvernement entend bien considérer les autochtones comme des citoyens à part entière. Je crois qu'il est raisonnable d'affirmer qu'au cours des négociations de cette convention on a pris grand soin de ne léser en rien leurs droits de citoyens. Bien au contraire, la convention accorde aux autochtones des conditions raisonnables pour la poursuite de leurs occupations traditionnelles. Elle leur offre les services dont peuvent bénéficier tous les autres citoyens du Québec dans leurs propres collectivités. Elle leur confère des droits d'administration locale aussi étendus que ceux dévolus aux autres citoyens du Québec.»

En conclusion, M. le Président, notre propos aujourd'hui, c'est le fait que le territoire de la Baie-James est couvert par un cadre législatif et constitutionnel que l'on retrouve dans la Convention de la Baie James, qui est un traité, et les droits qui sont consacrés dans ce traité sont des droits constitutionnels, et c'est ce cadre législatif sur lequel il faut s'inspirer, car faire autrement, c'est exactement l'erreur, le genre d'oubli malheureux qu'on a fait dans le passé, qui nous a amenés devant les tribunaux. Et je ne veux pas prêter d'intentions de mauvaise foi au gouvernement actuel, mais, après 32 ans avec cette Convention de la Baie James, on ne devrait pas oublier qu'il y a un cadre législatif distinct pour le territoire de la Baie-James. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bergman): Merci pour votre présentation, M. Saganash. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président, et bienvenue, M. Saganash. Je vais essayer de dire ça correctement: «Meegwetch». Voilà. Vous pardonnerez mon accent qui est sûrement imparfait.

J'aurai deux ordres de question pour vous. Et on va se garder du temps. Je veux vous entendre nous parler plus directement des enjeux, entre autres particulièrement environnementaux, là, que vit votre nation qui par ailleurs a ses propres enjeux démographiques. Je vous avertis, on se gardera un peu de temps.

Mais, dans un premier temps, je veux mieux comprendre, à l'aide de vos explications, la situation que vous nous décrivez par rapport à, je dirais, votre opposition ? vous nous dites même, si je ne me trompe pas, que c'est devant les tribunaux; donc votre opposition ? à la loi... à ce qui s'appelait, en 2001, le projet de loi n° 40, et ensuite la signature de la «Paix des Braves». Ce que je veux bien comprendre, c'est que... et sûrement je suis prête à concéder en partant, c'est sûrement moi qui est dans le tort, j'avais l'impression que la «Paix des Braves», en 2002, représentait une forme d'entente, je dirais, globale sur les perspectives, je dirais, de développement pour votre nation. Puis je dirais même plus que ça, une entente globale qui s'additionnait à la convention et qui renforçait des discussions de nation à nation. Et là, moi, vous me donnez un éclairage honnêtement que, moi, je ne connais pas bien. Vous me dites: Mais il y a une loi qui a été adoptée quelques mois avant la signature de l'entente des Braves, et c'est une loi que donc vous me dites que vous contestez.

Je serai prudente, mais je voudrais juste vous réentendre sur: Selon vous, si cet irritant demeure là, comment se fait-il ? peut-être nous raconter l'histoire, là; mais comment se fait-il ? qu'on n'ait pas réussi à l'époque de la négociation de la «Paix des Braves» à lever cet irritant? Peut-être que vous me décriviez... Selon vous, donc, comment se fait-il qu'on ait signé une «Paix des Braves» avec ce morceau, là, cet irritant qui reste là et qui vous amène à faire... et qui est un peu la pierre d'assise de l'ensemble de vos commentaires?

Vous me dites: Il faut régler ça avant qu'après ça on puisse faire beaucoup d'autres commentaires sur votre stratégie de développement durable. Donc, j'aimerais vous entendre m'expliquer comment ça s'est passé pour qu'on soit, malgré la «Paix des Braves», devant ce qui semble être un écueil important pour vous.

n(17 h 30)n

M. Saganash (Romeo): D'abord, si on considère l'historique des relations Cris-Québec depuis la Convention de la Baie James en 1975, et la même chose vaut pour le gouvernement fédéral, chaque loi qui a été adoptée, presque la majorité de ces lois n'a jamais pris en considération ce qui avait déjà été consacré dans cette entente en 1975. Donc, à chaque loi qui était proposée par les gouvernements, autant du côté fédéral que provincial, on oubliait les aspects importants de ce traité. Pourtant, c'est ce traité qui détermine le cadre législatif du territoire. On ne peut pas passer des lois ? que ce soit par l'Assemblée nationale ou le Parlement canadien ? à l'encontre de ce qui est prévu par un traité, qui est un document constitutionnel. Ça avait été ça, le défaut, pendant plusieurs années.

D'ailleurs, à partir de 1978, les Cris ont été devant les tribunaux, à toutes les années, soit pour faire respecter la Convention de la Baie James, soit pour obliger les gouvernements à respecter leurs engagements et obligations en vertu de la Convention de la Baie James, parce qu'on a toujours eu tendance... et c'est par oubli, ce n'est pas nécessairement par mauvaise foi, c'est souvent par oubli qu'on met de côté cette entente historique, premier traité moderne au Canada d'ailleurs et premier traité signé par un gouvernement provincial. Donc, ça a été ça toujours, le problème.

La «Paix des Braves» n'a pas tout réglé. D'ailleurs, on vient de signer le pendant «Paix des Braves» avec le fédéral au mois de juillet, qui vient d'être accepté par référendum par la nation crie, et, dans cette entente avec le fédéral, qui en principe, entre guillemets, a responsabilité d'autonomie gouvernementale des autochtones, nous, nous avons accepté le fait que, lorsqu'on discute d'autonomie gouvernementale avec le gouvernement fédéral, il doit nécessairement y avoir une implication provinciale, puisqu'en vertu de la Constitution canadienne de 1867 vous avez juridiction exclusive supposément sur les ressources naturelles et le territoire. Donc, il y a un aspect là-dedans qu'on a dû ajouter. C'est pour ça qu'on prévoit dans l'entente fédérale que le gouvernement du Québec doit être impliqué dans la négociation pour le gouvernement... la gouvernance du territoire...

Le Président (M. Bergman): En conclusion.

M. Saganash (Romeo): Donc, ce que je vous dis, que, non, la «Paix des Braves» n'a pas tout réglé. On a réglé certains aspects, on a réglé des questions qui étaient devant les tribunaux, on a réglé en particulier le chapitre 28, qui concerne développement économique et communautaire des collectivités ou villages cris, mais, non, ça n'a pas tout réglé. Donc, on va devoir se rasseoir ensemble à nouveau pour discuter d'autres questions, incluant la gouvernance et incluant ce projet de loi.

Le Président (M. Bergman): Merci. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: J'espère que j'ai été bien comprise, je ne prétendais pas que la «Paix des Braves» avait tout réglé. Je voulais vous entendre quand même pour savoir, dans un contexte de négociation quand même assez exceptionnel, je voulais vous entendre sur les écueils qui ont fait en sorte que, dans ce qu'on n'a pas réglé, cette question de l'impact du projet de loi n° 40 adopté en 2001... Mais on pourra s'en reparler.

Deux choses très rapidement. Je veux vous entendre sur... Selon vous, lorsque je parle de développement durable... En passant, dans votre mémoire... Puis je pense que vous avez tout à fait raison, on doit présenter la Convention de la Baie James et du Nord du Québec comme étant très précurseur sur la notion de développement durable, puisqu'elle intègre ces notions de développement social, de développement économique, et de protection du territoire, et de mode de vie. C'est vrai, vous avez raison qu'on peut le présenter... Elle était précurseur non seulement, comme vous venez de le dire, comme première entente signée entre nations et une province... Puis elle était précurseur en tout cas sous bien des points de vue, mais c'est vrai qu'elle était précurseur. Et ce n'est sûrement pas un hasard que, dès 1975, que ce soit une nation comme la nation crie qui nous ait amenés, dans une entente, à prendre en compte tous les aspects, y compris les aspects économiques, sociaux et environnementaux.

Je veux vous entendre sur les enjeux plus... Et là, je sais, c'est les trois aspects, mais néanmoins vous abordez très brièvement la question démographique dans votre mémoire. Mais je pense qu'on doit profiter de votre présence pour vous entendre sur l'aspect un peu plus de la question environnementale. J'aimerais vous entendre sur comment vous voyez la situation de votre peuple dans ce contexte démographique qui est complètement l'inverse du peuple québécois. Quels sont les enjeux environnementaux qui vous sont propres? Bien que, sur les aspects sociaux et économiques, ce serait intéressant de vous entendre, mais prenons les aspects environnementaux.

Puis je termine avec une question qui est peut-être la plus délicate de toutes, mais je vais quand même vous la poser. Nous avons reçu les commentaires de représentants d'autres nations autochtones qui déploraient le mode de consultation du gouvernement. Il y a un mode de consultation qui a sûrement ses défauts mais qui est présent avec la nation crie. Je vais vous donner un exemple, là, lorsqu'on a fait la préconsultation sur, tantôt, la responsabilité élargie des producteurs, on en a parlé avec le groupe précédent, mais on vous a consultés il y a quelques semaines. Je veux vous entendre peut-être sur votre vision puis vos conseils. Je sais que c'est peut-être une question délicate, mais, sur cette question de comment on doit consulter les nations autochtones, voir si vous avez des bons coups et les mauvais coups à nous raconter sur...

Le Président (M. Bergman): Il vous reste seulement trois minutes.

M. Saganash (Romeo): Oui, c'est vrai que la Convention de la Baie James était avant-gardiste pour l'époque ? 1975, c'est quand même un an ou deux avant la première Loi sur l'environnement au Québec, donc ? et d'autant plus que le chapitre parlait et de la protection de l'environnement et du milieu social. Donc, on a raison d'être fiers de ça.

Oui, il y a 500 jeunes qui arrivent sur le marché du travail toutes les années, et ce, pour au moins les 10 prochaines années, chez les Cris. Et ce n'est pas tous ces jeunes qui vont choisir le mode de vie traditionnel, même si la Convention de la Baie James leur permet de faire ça, c'est un choix qui est prévu par la convention. Donc, il fallait, dès... Et c'est une des raisons principales pourquoi on a voulu la «Paix des Braves», c'est qu'il fallait prévoir quelque chose pour ces jeunes qui arrivent sur le marché du travail, sinon on s'enlignait vers une crise sociale importante.

La consultation auprès des peuples autochtones, bon, moi, je fais la distinction entre la façon dont on doit consulter les Cris, qui sont régis... Autant les Cris que le Québec sont régis par la Convention de la Baie James, et le chapitre 22, si on le lit comme il faut, sur la protection de l'environnement, du milieu social, prévoit, dès les premiers paragraphes du chapitre 22, que c'est ce régime de protection de l'environnement et du milieu social qui doit s'appliquer dans le territoire de la Baie-James. Donc, c'est déjà... la base est là, là. Donc, c'est ce qui est prévu pour les Cris.

Pour les autres nations qui n'ont pas nécessairement d'entente, c'est un cadre qui a déjà... qui, avec le temps, a été déterminé par la Cour suprême en vertu des articles... 35, entre autres, de la Constitution canadienne de 1982. Donc, avec les jugements depuis 1982, de plus en plus on a défini comment on doit traiter de ces questions de droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones et comment les consulter et les accommoder. Ce n'est pas rien que Bouchard et Taylor qui parlent de ce mot, mais la Cour suprême, notamment dans la cause Haïda, parle d'accommoder les peuples autochtones dans tout développement de ressources qui affecte les droits des peuples autochtones. Donc, c'est dans ce cadre-là qu'il faut le prévoir pour les autres autochtones, et je crois que l'Assemblée des premières nations l'a très bien souligné dans... Je ne sais pas s'ils ont déposé un mémoire, mais j'ai vu le communiqué de presse qui en a émané, de leurs positions là-dessus.

Le Président (M. Bergman): En conclusion, s'il vous plaît. En conclusion.

M. Saganash (Romeo): Bon. D'ailleurs, je pense qu'il faut se rappeler que, quand la Convention de la Baie James a été signée en 1975, il y a au-delà de 20 lois qui ont été soit adoptées par l'Assemblée nationale ou modifiées par l'Assemblée nationale pour prendre en compte ce qui a été prévu par la Convention de la Baie James. C'est d'ailleurs pourquoi la Loi sur la qualité de l'environnement a deux chapitres: le chapitre I, qui concerne le reste du Québec, et le chapitre II, qui concerne le territoire de la Convention de la Baie James. Donc, c'est la même chose, je pense, pour toute autre loi ou politique qui doit être adoptée par l'Assemblée sous votre responsabilité, il faut prendre en considération ce qui est déjà prévu là-dedans. Et, comme j'ai dit tout à l'heure, c'est ça qui nous a amenés à des luttes politiques et juridiques dans le passé et c'est ça qu'il faut essayer d'éviter cette fois-ci.

Le Président (M. Bergman): Malheureusement, le temps s'est écoulé. M. le député de Drummond.

M. Schneeberger: Bonjour. Je voudrais souhaiter bonne journée pour la visite ici à M. Saganash, bienvenue, et aussi à tous les collègues ici de l'Assemblée. Tantôt, d'entrée de jeu, j'avais une question sur l'accord que vous avez conclu avec le gouvernement fédéral. Dans l'accord, ici, j'ai l'article, on parlait de 1,4 milliard. Et puis l'accord disait: Désormais, les responsabilités accrues pour la gestion de leurs communautés... Moi, je voudrais avoir un petit peu, c'est quoi, le système... c'est quoi, la manière que vous allez procéder, c'est quoi, la latitude que le gouvernement fédéral vous a donnée pour gérer vos ressources, à vous, avec cet argent-là et sur quel nombre d'années cet argent-là va être distribué dans les communautés.

n(17 h 40)n

M. Saganash (Romeo): L'accord fédéral prévoit un paiement, tout de suite après la signature de l'entente, du 1,2 milliard. 1,2 milliard dans un premier temps, donc il n'y a pas de paiement sur 50 ans, comme on a prévu avec le Québec. Donc, il y a 1,2 milliard qui est donné tout de suite pour régler les différends passés, plusieurs différends passés. Juste pour donner une idée, on parle souvent de gouvernements qui n'ont pas respecté leurs obligations en vertu de la Convention de la Baie James, dans la Convention de la Baie James, au chapitre 28, entre autres, on parle de l'obligation des deux gouvernements, à parts égales, qui vont construire dans toutes les communautés cries, donc les neuf, des centres communautaires. Pendant 30 ans, on ne s'est pas entendu. Pourtant, c'est clair, c'est écrit noir sur blanc que les gouvernements vont payer des centres communautaires dans toutes les communautés cries. Ça n'a pas été respecté, entre autres parce qu'on ne s'est jamais entendu sur la définition de qu'est-ce qu'un centre communautaire. Pourtant, à 100 km de chez moi, de Waswanipi, à Lebel-sur-Quévillon, il y a le centre communautaire de Lebel-sur-Quévillon qui a un aréna, une piscine, gymnase, un cinéma, une salle de quilles, tout ce que vous voudrez. Donc, on n'avait qu'à prendre cet exemple-là, mais on ne s'est jamais entendu là-dessus. Donc, 1,2 milliard pour régler tous ces mésentendus du passé.

Il y a un autre 200 millions qui est prévu ? donc, qui fera le 1,4 milliard ? pour régler la partie d'autonomie gouvernementale régionale par négociation. On se donne deux ans pour négocier l'autonomie gouvernementale régionale, et cette partie-là va impliquer le gouvernement du Québec, puisqu'il y a des juridictions québécoises qui sont touchées dans cette négociation. Donc, on se donne deux ans pour négocier cette partie-là, c'est ce qui va faire le 1,2 milliard. Bon, je ne veux pas négocier ici, en commission parlementaire, mais je suppose que, comme toute entente négociée, le mot «négociée» le dit, on va réussir à s'entendre à trois, comme on l'a fait dans le passé avec la Convention de la Baie James.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Drummond.

M. Schneeberger: Oui. Je vais laisser mon collègue poser une question et je vais enchaîner par la suite.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue. J'ai eu la chance de connaître votre communauté durant nombre d'années et d'avoir la chance de visiter la communauté. Dans un premier temps, non pas par grande sensibilité, simplement par respect, je vous dirais que malheureusement on a apporté nos défauts et on ne vous a laissé que très peu au passage. J'ai cru remarquer, avec l'évolution, avec la Baie James, avec de grands projets là-bas où on a vu nombre de photos, où la nation a participé énormément à ce grand projet... Moi, j'ai toujours défendu que, dans n'importe quel endroit où on partageait le territoire... et d'autant plus qu'aujourd'hui, quand on parle de l'énergie éolienne, je me suis défendu sur le point: Si on partage le vent, si on partage la vision, si on partage la montagne, il faut partager les profits. Et, dans les futurs développements de chez vous, est-ce qu'on a pris la peine de passer le bâton de parole dans le sens où il doit être passé et qu'on a laissé la chance aux gens de parler et de s'exprimer clairement en respectant ce qu'ils avaient à dire, comme la façon dont habituellement vous établissez vos traités entre communautés, avec les gens que vous aviez l'habitude de traiter? Est-ce qu'on pourrait justement, éventuellement, dans de futures approches de négociation, travailler avec le même principe du bâton de parole pour être sûrs qu'on va... vous allez vous faire respecter de l'ensemble des gens avec qui vous avez négocié?

M. Saganash (Romeo): Le député d'Abitibi-Est en est la preuve vivante, je crois. Et, avec les Cris, vous savez, ça fait depuis 1981 que je travaille à différents postes, à différentes fonctions avec le Grand Conseil des Cris, donc depuis 26 ans maintenant, donc je pense que la relève va être très bien assurée de ce côté-là. D'ailleurs, la prochaine génération de leaders cris vont être trilingues, ils vont parler les trois langues comme il faut, et tant mieux pour les relations internations entre nous et la société québécoise.

Vous avez raison de souligner également la contribution des Cris dans le développement de cette région. Oui, on les a tassés la plupart du temps, on les a laissés pour compte la plupart du temps, mais très rares sont les gens qui savent que le tracé entre Senneterre ? la route 113, en fait; le tracé entre Senneterre ? et Chapais-Chibougamau, c'est un vieux qui est maintenant décédé qui l'a marché pour montrer au ministère des Transports de l'époque où il doit passer entre Senneterre et Chapais pour éviter toutes sortes d'obstacles sur le chemin. C'est un Cri qui a fait ça, mais sa contribution n'a jamais été soulignée. Mais, comme je vous dis, je pense que, de ce côté-là, on est conscients, en tant que leaders, qu'il y a une importante proportion de notre population qui est très jeune, qui est dynamique et qu'il va falloir prévoir une place importante pour non seulement leur avenir, mais l'avenir de la société crie et l'avenir de la société québécoise aussi, parce que l'un ne va pas sans l'autre, à mon avis.

M. Roy: Merci.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Drummond.

M. Schneeberger: Oui. Dans le texte, vous citez malheureusement que les documents soumis à la consultation ne mettent pas en évidence ce rôle et vous soulignez notamment que ce serait nécessaire d'inclure directement les Cris dans l'élaboration des politiques. Moi, ce que j'aimerais savoir, vous, si on parle de développement durable, c'est quoi, vos politiques, au niveau de la nation crie? Est-ce que c'est une politique qui rejoint autant la nation et le gouvernement du Québec, où est-ce que les deux vont prendre leur part? Parce que, moi, personnellement, je pense que, pour avoir un développement durable, c'est les deux, autant la nation crie que le gouvernement du Québec, qu'il faut avoir une bonne entente pour un développement durable pour tous, et dans le bien.

Moi, ce que je voudrais savoir, c'est quoi exactement... Vous, dans vos projets, est-ce que c'est des projets autant qui touchent du développement hydroélectrique, au niveau de la gestion des forêts ou si c'est tout simplement un blocage pour vraiment conserver au complet le territoire, et puis vous dites: Bon, bien, nous, on ne touche pas, on veut rester comme ça? Je voudrais savoir un petit peu c'est quoi, votre vision, à vous, là, pour qu'on puisse un petit peu aller... voir où est-ce qu'on se situe là-dedans.

M. Saganash (Romeo): Bien, les Cris sont dans ce territoire depuis au moins 7 000 ans. Donc, en termes de survie et de priorités de développement durable, je pense qu'ils ont compris certaines choses de ce côté-là. En termes de projets, on est conscients que, bon, on vit dans une ère contemporaine où, comme j'ai dit tout à l'heure, les jeunes Cris ne choisiront pas nécessairement le mode de vie traditionnel de chasse et de pêche, de piégeage, mais vont vouloir travailler, comme tout le monde, dans le territoire. Donc, oui, il va falloir prévoir des projets de développement économique au niveau forestier, au niveau minier, hydroélectrique. On parlait d'énergie éolienne tout à l'heure. Donc, oui, il faut prévoir ça. Je pense qu'à l'instar ? et je prendrai cet exemple pour illustrer mon propos; à l'instar ? du développement forestier qu'on a commencé dans ma communauté, à Waswanipi, en 1982-1983, je pense que la façon dont la compagnie Mishtuk, qui était la compagnie de développement forestier de Waswanipi, a élaboré ses plans, a pris en considération les droits des Cris sur le territoire... Parce qu'il y a quand même encore 30 % au moins de la population qui vit de chasse et de pêche, donc huit à 10 mois par année en forêt, donc ils ont besoin de la forêt...

Le Président (M. Bergman): En conclusion, s'il vous plaît.

M. Saganash (Romeo): Donc, il y a un équilibre qu'on doit trouver, et c'est ce qu'on a essayé de faire, nous autres, lorsqu'on a établi notre projet de développement forestier, et c'est ce qu'on va continuer, je pense, à faire. Je pense que la sensibilité et la conscience est plus proche auprès des nôtres par rapport au développement que pouvaient l'avoir certaines compagnies minières ou forestières québécoises à l'époque.

Le Président (M. Bergman): M. le député d'Abitibi-Est.

n(17 h 50)n

M. Wawanoloath: ...M. le Président. M. le Président, permettez-moi, pour commencer, d'exprimer mon admiration envers cet homme, M. Saganash, qui fut, pour moi, un modèle dans mon évolution qui m'a amené jusqu'à ici. Je considère comme un privilège de pouvoir échanger avec vous, M. Saganash, dans cette enceinte.

On sait que, chez les premières nations, on a cette vision-là, qu'il faut penser aux sept prochaines générations avant de prendre une décision, car une décision prise aujourd'hui va affecter les générations futures. Donc, c'est quelque chose qui est très ancré dans notre façon de voir les choses. Et, encore une fois, dans votre mémoire, M. Saganash, je vois la relation qui est très étroite entre le développement de l'exploitation des ressources naturelles, l'aménagement du territoire, la protection de la culture et l'avenir de la nation crie. Tout ça est très intimement lié.

Est-ce que votre vision parfaite d'un développement ? vous nous en avez fait part un peu ? ferait part d'un développement qui est très harmonieux avec les Cris et avec les Québécois, où on prend en compte en amont les besoins des premières nations du Québec? Est-ce qu'ici on voit encore, comme Ghislain Picard, le chef de l'Assemblée des premières nations, nous a rappelé à ça, à moi et à M. Ferland, ici ? M. le député d'Ungava, excusez-moi ? le syndrome du oups: Oups! on a encore oublié les premières nations? Est-ce que c'est un peu une manifestation de ça ici par rapport à cette consultation?

M. Saganash (Romeo): Un peu. Un peu, mais je ne présume pas de la mauvaise foi du gouvernement...

M. Wawanoloath: Mais, sans mauvaise foi, on a oublié.

M. Saganash (Romeo): Oui, bien sûr. Et malheureusement c'est quelque chose qui est apparent depuis longtemps, en tout cas chez les Cris, malgré le fait que les Cris sont une des premières nations à avoir signé un traité moderne en 1975 avec la Convention de la Baie James. Et, nous, on avait pensé qu'on avait établi un cadre juridique pour le territoire conventionné, souvent les lois étaient en projet, ou sur le point d'être adoptées, ou adoptées sans considération des dispositions qui sont prévues dans ce document constitutionnel. Qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, le Québec est toujours dans la Constitution canadienne, et ce traité comporte des dispositions constitutionnelles qu'on se doit de respecter. Et on oublie trop souvent malheureusement, et, comme j'ai dit tout à l'heure, c'est ce qui nous amenés à ces conflits politiques et juridiques, pendant si longtemps, qui nous ont grugé non seulement de l'énergie, des émotions et des ressources financières et même des ressources humaines, parce que les Cris de ma génération ont passé toute leur génération à se battre contre les gouvernements pour rectifier les choses.

Alors, j'ose espérer que cette fois-ci... Et, peu importe qui lit, parce que c'est écrit en français et en anglais, la Convention de la Baie James, on comprend très bien que plusieurs des choses dont on veut dans cette politique gouvernementale de développement durable se trouvent déjà dans la Convention de la Baie James. C'est des principes directeurs qui incluent ? neuf principes directeurs à l'article 22.2.4 qui incluent ? la protection des Cris, protection des ressources fauniques, protection de l'environnement, mais aussi, à la fin, le droit au développement dans le territoire. Donc, c'est juste l'équilibre qu'il faut trouver dans tout ça, et les balises à notre avis, en tout cas en ce qui concerne le territoire de la Baie-James, sont là. On ne renie pas ce qu'on a négocié en 1975, c'est toujours là. D'ailleurs la «Paix des Braves» réaffirme les principes et les dispositions qui se retrouvent dans le chapitre 22 de la Convention de la Baie James en particulier.

Alors, je pense que, oui, vous avez raison, et Ghislain Picard à mon avis a raison, et je pense que dorénavant... Cette auguste enceinte a reconnu dès 1985, sous feu René Lévesque, les autochtones en cette province comme des nations distinctes, mais arrêtons d'agir comme si ce n'était qu'une reconnaissance symbolique et de le faire pratico-pratique, sur le terrain, pour avoir une relation plus harmonieuse entre les peuples autochtones et les Québécois en cette province.

M. Wawanoloath: Merci.

Le Président (M. Bergman): M. le député d'Ungava.

M. Ferland: M. le Président, merci. M. Saganash, «meegwetch». D'entrée de jeu, juste j'ai lu... C'est juste une petite anecdote, je vous remercie pour avoir souligné, quand vous parlez de la «Paix des Braves», là, que... et vous avez entièrement raison, qui a placé Québec dans le peloton de tête des pays avant-gardistes dans les relations avec les peuples autochtones au Québec, nécessairement la nation crie.

Je ne veux pas revenir sur l'aspect de la Convention de la Baie James, la signature, les dates, l'historique et la «Paix des Braves». Vous aviez raison au début, quand vous avez expliqué un peu... vous avez élaboré sur les éléments qui ont porté à la signature de la Convention de la Baie James, si tout avait été respecté à la lettre, il n'y aurait sûrement pas de «Paix des Braves» qui serait signée parce que ça découle du non-respect par les différents paliers de gouvernement, et vous avec entièrement raison là-dessus. Et ces ententes-là effectivement sont un modèle sur le plan... et là on est en commission parlementaire sur le développement durable et, au niveau de l'environnement, sont un modèle. Et ces ententes-là viennent encadrer de façon spécifique tout l'aspect environnemental, la gestion des ressources sur le territoire. Il y a encore beaucoup à faire, j'en conviens.

J'aimerais juste faire une première question ? j'en aurais plusieurs; mais une ? sur... À la page 4, au niveau des ressources naturelles et l'aménagement du territoire, où vous mentionnez: «Le projet gouvernemental d'autonomie régionale et municipale propose de s'appuyer sur des structures», et vous les nommez, est-ce qu'à ce moment-là, au niveau de la nation crie, il existe également des structures? Je pense aussi au CRA, l'Administration régionale crie, est-ce que ce ne sont pas là des structures qui pourraient recevoir ces responsabilités, où on pourrait gérer ça à l'intérieur de ça?

M. Saganash (Romeo): Oui. La réponse est simple: Oui, nous avons des structures. Je pense qu'après 30 ans de... Ça va faire 32 ans dimanche prochain, la signature de la Convention de la Baie James, le 11 novembre 1975. Ça va faire 30 ans d'expérience politique que les Cris ont, je pense qu'on a atteint une certaine maturité politique pour prendre des responsabilités accrues dans la région. Je pense qu'on ne pourra pas faire pire que d'autres avant nous de ce côté-là. Donc, oui, nous avons des structures, et il y a des structures qui pourraient prendre ces responsabilités-là qui sont proposées...

M. Ferland: Parce que ce n'était pas mentionné dans le mémoire au niveau des structures, concernant l'article... bon, la loi n° 40 et l'article 40 de la convention qui a permis la mise en place, la création de la municipalité de la Baie-James, dans votre démarche, est-ce que ? si je comprends bien; est-ce que ? à ce moment-là, est-ce que les Cris souhaiteraient siéger à des structures comme celle-là, ou la verraient plutôt remplacée par une autre organisation, ou... Parce qu'avant l'adoption de la loi n° 40 les gens qui siégeaient à la municipalité de la Baie-James étaient des gens qui provenaient de l'extérieur, même de notre territoire, même de la région Nord-du-Québec, donc du territoire de la Baie-James. À ce moment-là, qu'est-ce que... est-ce que...

Le Président (M. Bergman): En conclusion, s'il vous plaît, M. le député.

M. Ferland: Parce que vous soulevez ça, mais est-ce que vous proposez des choses, à ce moment-là, pour pallier à ça?

M. Saganash (Romeo): Oui. Ce qui a été malheureux avec l'adoption de la loi qui a créé la municipalité de la Baie-James, c'était une loi qui n'avait pas été négociée ou discutée avec les Cris. On n'a pas pris la peine de consulter les Cris à l'époque et donc on a créé là la plus grosse municipalité de la planète avec des non-élus qui siègent au conseil municipal. Bref, ce qu'on propose, c'est que... Comme on a toujours fait, les Cris proposent qu'on négocie ces choses-là. On ne veut pas ? et on ne l'a jamais fait; on ne veut pas ? nier l'existence... qu'il y a d'autres gens qui habitent dans la région, d'autres Québécois, et on perçoit le développement de cette région en collaboration avec ces gens-là. On ne veut pas les exclure, on veut tout simplement négocier un cadre où tout le monde va trouver sa place dans tout ça.

Le Président (M. Bergman): En conclusion, s'il vous plaît, M. Saganash.

M. Saganash (Romeo): C'est ce qu'on vise. D'ailleurs, quand ? et je terminerai sur cette anecdote parce qu'elle est quand même cocasse ? le premier ministre de l'époque, Landry, M. Landry, a rencontré le grand chef Ted Moses pour une première rencontre avant les discussions devant mener à la «Paix des Braves», M. Landry avait demandé à M. Moses: Mr. Moses, do you consider yourself a Canadian or a Québécois? Et M. Moses, très diplomatique comme il est, a répondu: Non, je suis Cri. Je suis conscient de mon histoire, de ma langue, de mon territoire traditionnel, de mes institutions et je veux continuer à être Cri, et avoir la paix, et dans le respect de mes voisins. C'est ce qu'on veut, c'est ce qu'on a toujours voulu. C'est malheureux qu'on a dû en appeler aux tribunaux souvent, mais c'est ce qu'on veut et c'est ce qu'on propose ici, aujourd'hui, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Bergman): Malheureusement, le temps s'est écoulé. Je vous remercie pour votre présentation. J'ajourne les travaux au jeudi 8 novembre, à 9 h 30. Merci. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 17 h 59)


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