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Version finale

39e législature, 1re session
(13 janvier 2009 au 22 février 2011)

Le jeudi 28 mai 2009 - Vol. 41 N° 16

Consultations particulières sur le projet de loi n° 42 - Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives en matière de changements climatiques


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Table des matières

Journal des débats

(Quatorze heures quarante-sept minutes)

La Présidente (Mme L'Écuyer): À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour. Nous allons débuter. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. On en a entendu un sonner tantôt, là. Merci.

Le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 42, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives en matière de changements climatiques.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Trottier (Roberval) remplace M. Boucher (Johnson); M. Turcotte (Saint-Jean) remplace M. Villeneuve (Berthier); et M. Bonnardel (Shefford) remplace M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière).

La Présidente (Mme L'Écuyer): Aujourd'hui, notre ordre du jour: 14 h 45, remarques préliminaires; 15 heures, Conseil patronal de l'environnement du Québec, représenté par M. Jean-Luc Allard, vice-président Environnement, SNC-Lavalin Environnement inc. et délégué du CPEQ; M. Jules Lauzon, directeur général, Association canadienne des fabricants de produits chimiques et membre du conseil d'administration du CPEQ; Mme Julie Sauriol, adjointe à la présidente; à 16 heures, la Bourse de Montréal, représentée par M. Léon Bitton, vice-président, Recherche et développement; 17 heures, Équiterre, représenté par M. Steven Guilbeault, cofondateur, coordonnateur général adjoint; M. Hugo Séguin, coordonnateur aux choix collectifs; M. Thomas Duchaine, chargé de projet en changements climatiques; 18 heures: ajournement.

Nous nous sommes entendus au niveau des périodes d'échange. Le gouvernement aura 25 minutes, l'opposition, 20 minutes, et l'ADQ, cinq minutes. Advenant la non-présence de l'ADQ, le cinq minutes ira à l'opposition.

Remarques préliminaires

Nous débuterons, sans plus tarder, avec les remarques préliminaires. Mme la ministre, vous disposez de 7 min 30 s pour vos remarques d'ouverture.

Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, Mme la Présidente. Je veux souhaiter, premièrement, la bienvenue à tous les membres de cette commission, les remercier d'être là.

n (14 h 50) n

Nous entreprenons des consultations particulières donc sur le projet de loi n° 42 qui, à mes yeux, est un projet de loi extrêmement important, une pièce maîtresse vraiment, en termes législatifs, au niveau environnemental. La lutte contre les changements climatiques est l'un des enjeux les plus importants, certains diront même le plus important enjeu environnemental du XXIe siècle. Au cours des prochaines décennies, les émissions de gaz à effet de serre, les GES, devront être réduites de façon significative, sans quoi le réchauffement climatique mettra en péril nos écosystèmes, nos économies et même la santé humaine. À cet effet, le quatrième rapport du groupe international d'experts sur le climat, le GIEC, publié en 2007 affirmait que les changements climatiques étaient sans équivoque et que le réchauffement pourrait encore être plus rapide que ce que l'on entrevoyait.

Depuis 2006, le Québec s'est démarqué comme un chef de file en matière de lutte aux changements climatiques en adoptant des politiques structurantes pour son avenir. Je me permets de vous rappeler que nous disposons d'une stratégie énergétique axée sur les énergies propres et renouvelables et l'efficacité énergétique, également d'une politique sur le transport collectif, d'un plan d'action sur les changements climatiques et d'une stratégie de développement des technologies vertes, qui permettront au Québec de réduire ses émissions de 6 % sous le niveau de 1990 en 2012.

L'adoption du projet de loi n° 42 que j'ai déposé à l'Assemblée nationale le 12 mai dernier permettra au gouvernement de se doter d'un outil supplémentaire, un nouvel instrument économique dans la lutte aux changements climatiques, soit la mise en place d'un système de plafonnement et d'échange de droit d'émissions de GES. En avril 2008, le premier ministre a annoncé l'adhésion du Québec à la Western Climate Initiative, la WCI. C'est un regroupement d'États fédérés composé de sept États américains et de quatre provinces canadiennes. Ce projet de loi va permettre au Québec de participer au système de plafonnement et d'échange de droit d'émissions qu'il développe avec ses partenaires de la WCI, soit le plus important système de plafonnement et d'échange de droit d'émissions de l'Amérique du Nord.

La participation du Québec à ce marché commun avec l'Ontario, le Manitoba et la Colombie-Britannique incitera le gouvernement fédéral, nous le souhaitons vivement, à collaborer avec les provinces afin de développer un marché canadien du carbone compatible avec ce qui se fait ailleurs dans le monde. Rappelons que les partenaires canadiens de la WCI représentent près de 75 % du PIB du Canada et près de 80 % de la population canadienne. La mise en place du marché de la WCI favorisera également l'essor de marché viable du carbone dont le Marché climatique de Montréal... de la Bourse de Montréal pourrait devenir une plaque tournante. Le système de la WCI couvrira, dans sa première phase, les émissions de GES provenant de la production de l'électricité ainsi que les émissions de GES provenant des grands émetteurs industriels. Cette phase sera précédée par une obligation de déclaration des émissions de GES au-delà d'un certain seuil, dès janvier 2010. Afin de créer ce marché commun du carbone, chaque État ou province partenaire de la WCI a la responsabilité d'adopter les mesures législatives et réglementaires nécessaires à la mise en oeuvre de ce système.

Le projet de loi déposé à l'Assemblée nationale constitue donc la pierre angulaire de ce nouveau dispositif. Il vise essentiellement à préciser et à ajouter, dans la Loi sur la qualité de l'environnement, un certain nombre de pouvoirs habilitants. Parmi ceux-ci, mentionnons notamment les pouvoirs de fixer des cibles de réduction et des plafonds d'émissions pour l'ensemble du Québec ainsi que pour les différents secteurs, notamment le secteur industriel, et ce, sur la base de 1990; également d'exiger de certains émetteurs la couverture de leurs émissions de GES par des droits d'émissions reconnus et prévoir les pénalités et les sanctions en cas de défaut; de permettre la distribution par la ministre de droits d'émissions tels que des unités d'émissions, des crédits compensatoires ou des crédits pour réduction hâtive; permettre la transaction des droits d'émissions et prévoir les règlements nécessaires à l'établissement et au fonctionnement de ce système ainsi qu'à sa comptabilité avec d'autres systèmes semblables mis en place par le gouvernement fédéral, ou un État étranger, ou une autre province; et prévoir le versement, au Fonds vert, des sommes obtenues dans le cadre de ce système afin de financer les diverses mesures en matière de changements climatiques.

Par ce projet de loi, le Québec réaffirme donc son rôle de leader nord-américain dans le dossier des changements climatiques. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, Mme la ministre. Vous étiez réellement dans votre temps. J'invite M. le député porte-parole de l'opposition officielle à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 7 min 30 s.

M. Scott McKay

M. McKay: Merci. Oui. Alors, merci, Mme la Présidente. Alors, de notre côté, nous saluons le dépôt de ce projet de loi. Et nous avons demandé donc, au moment de l'adoption du principe, des consultations particulières sur le projet de loi parce que nous croyons qu'il est essentiel que la société civile ait l'occasion de se prononcer non seulement sur les règlements, la réglementation qui devra suivre, espérons-le, rapidement l'adoption de la loi, qui va en fait lui donner ses dents ou non... On verra au moment où la réglementation sera déposée.

En ce qui concerne le projet de loi, donc nous trouvions important que, d'ores et déjà, sur l'architecture du système, la grande mécanique finalement que le gouvernement commence à mettre en oeuvre avec ce projet de loi, que nous puissions obtenir donc l'avis des principaux intéressés ou des groupes qui ont déjà élaboré des positions sur ces questions effectivement fort importantes. Écoutez, ça fait quand même plus de 20 ans maintenant que les changements climatiques ont été au départ annoncés. C'était au départ un peu une hypothèse, une hypothèse qui était fort plausible mais qui depuis s'est raffinée pour devenir une évidence en fait, un fait scientifiquement démontré, que bien peu d'intervenants continuent encore, maintenant, à nier, bien que, dans le fond, ça a été un long chemin, au cours de ces dernières décennies, pour se rendre à l'état d'évidence qui semble prévaloir maintenant, ce qui est un peu préoccupant. Parce que, d'une part, c'est rassurant de voir que maintenant il y a un fort consensus autour de la question des changements climatiques. Par contre, ce qui est beaucoup plus préoccupant, c'est de constater qu'au fur et à mesure que les modèles scientifiques se précisent, au fur et à mesure que des observations et des données empiriques sont amassées et sont colligées, bien on se rend compte que les scénarios qui s'avèrent sont, dans la plupart des cas, les scénarios les plus menaçants, voire les plus catastrophiques.

Je me souviens, bon, au cours des dernières décennies, il y a eu, bon, toutes sortes de scénarios. On parlait souvent de scénarios faibles, forts et moyens et on s'aperçoit malheureusement que ce sont les scénarios forts, avec les plus grands impacts, qui semblent s'avérer. Et on a même découvert des mécanismes de rétroaction, si vous voulez, des effets en cascade, qui font en sorte que l'effet du réchauffement génère d'autres phénomènes qui eux-mêmes accélèrent aussi ce réchauffement. Et c'est ce qu'on observe dans les faits dans la dernière décennie. On semble observer un réchauffement à l'échelle de la planète, qui va en s'accélérant.

On a soulevé aussi, longtemps, toute la question des impacts économiques. Et il y a encore des idéologues dans le monde et certains au Canada, et il semble même y en avoir qui sont au pouvoir au gouvernement fédéral, qui estiment que l'impact négatif au niveau de l'économie va être trop important pour vraiment que l'on se dote de mesures suffisantes pour affronter le problème, pour juguler l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Mais ça, c'est quand même rassurant de voir qu'il y a aussi d'autres économistes à travers la planète qui se sont penchés plus sérieusement sur ces questions, donc sur la modélisation non seulement des impacts du réchauffement climatique, mais la modélisation des impacts économiques.

n (15 heures) n

Et en tout cas, si on se fie à l'ex-économiste en chef de la Banque mondiale, Sir Stern, qui a été mandaté par le gouvernement britannique il y a quelques années, bien, si on se fie sur ses conclusions, on doit constater que les impacts négatifs de ne rien faire sont beaucoup plus importants au niveau économique que le coût donc de s'attaquer à la source du problème.

C'est donc tout ce contexte que l'on doit garder à l'esprit lorsqu'on va aborder l'étude de ce projet de loi. Et je pense que les gens qui vont venir au cours des deux prochaines journées, au cours de ces périodes de consultations particulières ne manqueront probablement pas de nous le rappeler et ne manqueront probablement pas non plus d'encourager le gouvernement à aller de l'avant avec des mesures sérieuses, des mesures solides, des mesures scientifiquement démontrées, non seulement au niveau des sciences du climat ou des sciences biophysiques, mais aussi au niveau de la science économique, qui maintenant nous dicte que les outils économiques comme ceux qui sont devant nous, les systèmes d'échange de crédits d'émissions, les systèmes d'échange de quotas, sont une façon de pouvoir minimiser, disons, les coûts économiques et donc maximiser, avec les ressources limitées dont nous disposons, les bienfaits environnementaux de la législation et de la réglementation qu'on pourra mettre en oeuvre suite à ces travaux.

Auditions

La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, M. le député. Je veux souhaiter la bienvenue à nos invités. Je veux rappeler que le temps alloué est de 10 minutes pour votre exposé. Les échanges avec les membres de la commission est de 50 minutes, dont 25 minutes pour la partie gouvernementale et 25 minutes pour l'opposition.

Je demanderais à M. Allard de bien vouloir présenter les personnes qui l'accompagnent et demander aux gens qui prendront la parole de bien vouloir s'identifier pour les fins de l'inscription au transcript. M. Allard, bonjour.

Conseil patronal de
l'environnement du Québec (CPEQ)

M. Allard (Jean-Luc): Bonjour, Mme la Présidente. Bonjour, Mme la ministre, membres de la commission. Les membres qui sont avec moi, en fait, il y a Mme Julie Sauriol, qui est permanente, qui fait partie de la permanence, en fait, du CPEQ, centre patronal en environnement du Québec, et qui est également l'adjointe à la présidente, et M. Jules Lauzon, qui est le directeur général de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques et qui est également membre du conseil d'administration du centre patronal en environnement du Québec.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Lauzon.

M. Lauzon (Jules): Mme la Présidente, j'avais une introduction et, après avoir entendu les commentaires de la ministre et aussi de M. McKay, je me dois de la changer pour vous dire que et vous rassurer... au départ le conseil du patronat en environnement, qui regroupe 20 associations au Québec et la majorité des grandes entreprises dans le domaine manufacturier, commerces, institutions, nous sommes d'accord avec l'urgence d'agir et l'importance du problème. Donc, ça fait des années qu'on conteste... Il n'y a plus personne dans l'industrie, ou au moins l'industrie qu'on représente, qui conteste l'importance de ce dossier-là et aussi l'urgence d'agir. On a vu récemment... Et même hier en Ontario ils ont eux aussi déposé un projet de loi qui est à peu près semblable à ce qui se passe au Québec. On suppose qu'il y a une certaine complicité... peut-être pas un complicité, mais au moins une collaboration dans la même direction.

Une voix: ...

M. Lauzon (Jules): Oui. Et c'est à notre grand plaisir que les discussions soient aussi avec l'Ontario, parce que, comme industriels, on a des activités partout au Canada, et c'est important que tout ça soit au moins dans la même direction.

Ça fait qu'à ce niveau-là nous sommes très heureux d'être ici. Et la présidente, Mme Hélène Lauzon, vous demande de l'excuser, étant retenue à l'extérieur du pays pour des engagements pris à long terme. Donc, on a le mandat de présenter le mémoire. En très peu de temps, on a quand même réussi à faire le tour du membership du regroupement du conseil et on est arrivés à un mémoire qui représente de façon unanime la position de nos membres. Donc, vous pouvez considérer le mémoire aussi comme étant l'opinion du secteur manufacturier à peu près dans son ensemble au Québec. Ce n'est pas la première fois qu'on est consultés, ça fait 10 ans qu'on a des consultations extrêmement ouvertes et cordiales avec les ministres de l'Environnement dans les 10 dernières années. Et on a l'intention aussi de continuer de supporter le Québec dans sa position. Souvent, ça a été difficile parce qu'on a aussi en parallèle des discussions ou des... surtout des discussions avec le gouvernement fédéral. Et on a toujours... le conseil a toujours supporté la position du Québec en particulier sur deux dossiers: le dossier de la reconnaissance de l'hydroélectricité comme étant une source verte et aussi, au niveau de l'année de référence, donc les actions hâtives.

Pour le Québec, le dossier sur les actions hâtives, c'est primordial pour les usines du Québec. Et aussi c'est une... la simple justice que les gens, comme le Québec, qui ont réduit, au niveau industriel, les émissions de moins 6... plus que moins 6 %, donc Kyoto... on a rencontré Kyoto l'année passée, moins 6 % de 1990, sur la base de 1990. Donc, c'est extrêmement important pour le milieu industriel d'avoir cette reconnaissance-là. Et c'est aussi la bataille du Québec avec les autres provinces et le gouvernement fédéral.

Donc, vous pouvez compter sur notre entière collaboration. Et M. Allard va vous parler de nos préoccupations particulières.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Allard.

M. Allard (Jean-Luc): Merci. Donc, je ne parcourrai pas l'ensemble, en fait, du mémoire, je pense que vous avez eu l'occasion de le lire, je vais plutôt dresser, en fait, les points qui nous semblent les plus importants. Donc, j'ai un élément général que je veux traiter, j'ai quelques éléments spécifiques que je vais également rappeler et je vais revenir surtout à la conclusion pour rappeler, en fait, les points qui sont essentiels, pour nous.

Au niveau des généralités, en fait, ce qui nous semble le plus important, c'est de respecter la compétitivité des entreprises et d'avoir un système de plafond et d'échange qui va être le plus large possible. Donc, on entend souvent parler des États-Unis, en fait, un système nord-américain. On sait que le Québec, en fait, est lié au WCI, donc sept États, quatre provinces, ce qui est déjà bien parti. Et on souhaite, en fait, qu'on garde le plus possible la compatibilité, donc les critères qui seront utilisés par le système. S'ils peuvent demeurer compatibles avec ce qui se fera éventuellement à l'échelle internationale, ça va juste donner plus de liquidités, en fait, aux crédits de carbone et à l'échange et l'obtention, en fait, des résultats, et c'est ce que tout le monde vise. Au niveau de la compétitivité, en fait, des entreprises québécoises, en fait, l'harmonisation justement de ces items-là est importante, en fait, pour ne pas créer de conditions défavorables ou d'avoir des problèmes de compétitivité avec les échanges éventuels qui se feront à l'extérieur du Québec. On reconnaît, en fait, que le système est basé sur l'année 1990, ce qui est excellent.

Donc, le fait que les industries ont beaucoup performé, ont beaucoup réduit leurs émissions depuis 1990, en fait, on souhaite que ça puisse être reconnu.

Dans le projet de règlement, en fait, on parle également des réductions hâtives qui sont mentionnées, on souhaite que ce soit reconnu à la hauteur de ce qui a été fait. On se souvient, en fait, qu'au niveau fédéral on reconnaissait 15 Mt pour l'ensemble de l'industrie canadienne, ce qui sous-estimait grandement, en fait, la réalité. Donc, on souhaite qu'au niveau du Québec, en fait, les gens qui ont travaillé fort à réduire leurs émissions se le fassent reconnaître. Ensuite, ce qui, indirectement... ce que je viens d'expliquer, si des compagnies, si des industries utilisent les meilleures technologies, les meilleurs combustibles, que ce soient l'hydroélectricité ou, quand c'est possible, d'autres combustibles, mais quand même ceux qui émettent le moins, il faudrait qu'il y ait une certaine reconnaissance quand on va fixer les objectifs de réduction, parce qu'en supposant qu'on aurait la compagnie qui est la plus performante au monde, avec le meilleur combustible au monde, bien, si on vient lui ajouter à ça, en fait, une pénalité... peut-être pas une pénalité, mais que ce soit une taxe, une redevance, une obligation de réduction de ces émissions, en fait, il faut s'assurer qu'on ne la pénalise pas par rapport à une compétitrice qui ne serait pas assujettie à une réglementation semblable.

n (15 h 10) n

Et, dans la mesure où tout le monde est assujetti à quelque chose de similaire, qu'on veuille baisser les plafonds d'émissions, personne n'a un problème avec ça. En fait, on veut juste s'assurer de ne pas être défavorisés par rapport à ça.

On veut aussi que la double tarification potentielle soit bien surveillée, évitée à tout prix. Évidemment, c'est prévu dans le WCI, un système de plafond et d'échange qui va être le plus large possible. Juste pour donner un exemple, en fait, au Québec, c'est le transport qui émet environ 40 % des émissions, on ne peut pas passer à côté, mais c'est prévu dans le WCI à partir de 2015.

Au niveau des commentaires plus spécifiques, en fait, au niveau du champ d'application, un point qui est extrêmement important, pour nous, c'est quand on fait la définition d'un «émetteur». Et, à ce moment-là, on parle, à ce moment-là, d'une compagnie qui produit un bien ou qui distribue un bien. Et là on s'inquiète, en fait. Et on ne peut pas le savoir tout de suite. Quand les règlements seront faits, on aimerait être consultés pour en faire la révision parce qu'on ne voudrait certainement pas qu'il y ait de double tarification, une tarification au niveau de l'émetteur, parce qu'on fabrique un produit, quelqu'un d'autre utilise le même produit qui a été produit, qui a déjà été mis dans le système d'échange et d'émissions, et ensuite, exemple, une pétrolière, qui fabrique du mazout, un carburant ou autres, qui est taxée, qui a possiblement une redevance... pas taxée, mais qui fait partie du système de «cap and trade» et ensuite de ça qui vendrait un mazout à une papetière qui, elle, devrait comptabiliser à nouveau parmi ces émissions. Bien, il y aurait une double évaluation, en fait, une double taxation, et ça, on ne le souhaite pas, on espère que ça va être contrôlé au niveau des réglementations.

Et, pour ça, au niveau de la réglementation, on pense que la façon la plus simple de gérer la problématique de la double imposition, c'est tout simplement de ne mettre que dans le système de plafond et d'échange que les émissions directes qui sont faites au niveau de l'usine. Et, à ce moment-là, bien, si chacun traite seulement des émissions directes et non pas les indirectes ou autres, ça peut être une façon plus simple de gérer ça.

L'année de référence. Donc, on reconnaît l'avantage d'utiliser 1990...

La Présidente (Mme L'Écuyer): Il vous reste une minute, monsieur.

M. Allard (Jean-Luc): Ah oui?

La Présidente (Mme L'Écuyer): Ça va vite.

M. Allard (Jean-Luc): Donc, on pense que, dans le cas, au niveau de l'année 1990, où l'année ne serait pas complète, où les données ne seraient pas complètes, qu'une année postérieure pourrait être utilisée et qu'on doit le prévoir également dans la réglementation. Et, au niveau des cibles par décret, bien on souhaite que les règlements soient plutôt déposés et puissent être consultés et commentés avant leur application.

Au niveau conclusion, en fait, on rappelle que la coexistence, en fait, d'un système de plafond et d'échange et d'un système de redevances peut amener une double imposition et on ne veut absolument pas que ça survienne, donc il faut penser aux solutions possibles.

Et, s'il reste seulement une minute, en fait...

La Présidente (Mme L'Écuyer): Là, il vous reste deux...

M. Allard (Jean-Luc): Deux secondes?

La Présidente (Mme L'Écuyer): ...deux secondes.

M. Allard (Jean-Luc): C'est trop.

La Présidente (Mme L'Écuyer): On vous remercie beaucoup.

M. Allard (Jean-Luc): Merci.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre et le groupe parlementaire, vous avez les 25 prochaines minutes.

Mme Beauchamp: Merci, Mme la Présidente. Je veux vraiment vous souhaiter la bienvenue, vous remercier pour la production d'un mémoire très, très pertinent, je prends le temps de vous le dire, que j'estime de grande qualité, très instructif. Je sais que vous avez eu peu de temps pour le produire. Même si par ailleurs vous avez vous-mêmes souligné que, depuis un certain nombre d'années... Puis, plus particulièrement au cours des derniers mois, on sait qu'il y a eu des échanges quand même, je dirais, courants, je vais dire ça comme ça, avec le personnel et les experts du ministère du Développement durable.

Mais néanmoins, donc, votre contribution, elle est bien sûr essentielle et extrêmement importante, et je vous remercie d'avoir fait ce travail et, dans un laps de temps aussi court, d'arriver avec un mémoire où vous pouvez avec satisfaction dire que vos propos sont au nom de l'ensemble de vos membres des différents secteurs industriels. Vraiment, je vous en remercie beaucoup. Puis je veux aussi vous remercier pour les appuis officiels que vous avez donnés à la position du gouvernement du Québec au cours des dernières années. Je pense que ça témoigne, je dirais, d'une maturité vraiment au niveau des secteurs industriels québécois. De tout temps, les secteurs industriels ont fait leur effort, il fait le resouligner, là. Quand même, le dernier inventaire nous montre une baisse d'un peu plus de 7 % avec l'année de référence, c'est l'inventaire de 2006, avec l'année de référence 1990, ce qui démontre des actions, un endossement, là, du fait qu'il faut passer à l'action dans la lutte aux changements climatiques. Et je pense que c'est important de le souligner.

Il y aurait plusieurs questions très pointues à vous poser, mais vraiment, moi, je voudrais commencer avec une question très large, mais elle me semble tout de même importante.

Votre mémoire est, bien qu'il y ait des préoccupations puis des demandes même de porter certains changements... c'est un mémoire, je dirais, vraiment d'adhésion à la démarche que propose le gouvernement du Québec en ce moment avec l'établissement d'un système d'échange et de plafonnement de crédits carbone à l'intérieur d'un système, là, qu'on pourrait qualifier de régional, qui est la WCI. Mais vous savez comme moi, puisque de vos membres me le disent, que par ailleurs plusieurs secteurs disent qu'ils vivent des périodes d'incertitude, des périodes de grand inconfort face au fait que tout cela, je dirais, le grand contexte de la lutte aux changements climatiques, est un contexte en mouvance d'un point de vue international, d'un point de vue continental, d'un point de vue canadien, et je voudrais avoir vos commentaires.

Je ne vous demande pas de vous transformer en Nostradamus et d'essayer de sortir la boule de cristal, mais néanmoins on sait qu'au niveau des États-Unis il y a eu le dépôt d'un projet de loi par des membres du Parti démocrate, et je pense qu'il est important ici pour, je dirais, l'à-propos de nos discussions que nous aurons sur cette démarche d'adoption du projet de loi n° 42 qu'on puisse peut-être vous entendre sur comment vous voyez, vous, cette démarche de l'établissement, là, d'un système d'échange et plafonnement et échange de crédits carbone à l'intérieur du WCI.

Quelles sont vos aspirations en fait, je dirais, par rapport à ce que ça doit devenir? Quand on se positionne à plus long terme, là comment vous voyez, pour le bien des intérêts des entreprises québécoises, comment vous voyez l'évolution de cela pour les futures années?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Lauzon.

M. Lauzon (Jules): Oui. D'abord, au niveau de l'appui du CPEQ, ça, c'est acquis et depuis longtemps, que ce soit avec vous-même ou avec les fonctionnaires, qui travaillez étroitement avec nous.

On a signifié que notre priorité, c'est qu'au niveau du Québec l'implantation d'une politique au niveau du changement climatique, que ce soit fait dans les meilleurs intérêts des industries du Québec. Par contre, on a, sur une base régulière, des discussions avec les autres provinces, étant donné qu'on est une association, qu'on a des membres aussi à l'extérieur du Québec, et la seule crainte qu'on peut avoir à ce stade-ci, c'est que l'Ontario et le Québec signifient leur intention d'aller vers le WCI. D'abord, on est un partenaire officiel du WCI, et ce qui nous préoccupe au plus point, c'est l'harmonisation, s'assurer qu'on n'aura qu'une seule chose à faire. C'est déjà extrêmement difficile pour les entreprises et, si en plus on est obligés de composer avec une double réglementation, c'est catastrophique pour l'industrie du Québec.

Ça fait qu'on souhaite... et on a supporté entièrement la démarche, que le Québec fait avec l'Ontario, de forcer un peu l'enjeu pour que le gouvernement fédéral finalement bouge, et bouge dans la direction qui est juste pour toutes les provinces. Ça fait qu'à ce niveau-là on appuie complètement le Québec, sauf qu'il faut être extrêmement prudent au niveau du WCI. On n'a pas un appui inconditionnel au WCI. Notre appui inconditionnel, c'est aux intérêts du Québec. Si ça passe par le WCI, tant mieux, mais il faut s'assurer qu'il y a une harmonisation complète et qu'en bout de ligne le fédéral, et on le répète ad nauseam à nos confrères des autres provinces, le fédéral doit regarder ce qui se passe et aussi prendre les démarches pour aller dans le sens du WCI. Par contre, on a des associations associées au États-Unis, et la tendance, et je l'ai mentionné à quelques reprises aussi lors des réunions avec le ministère, la tendance aux États-Unis ne sera pas vers le WCI, c'est un deuxième choix.

Et il faut être extrêmement prudent et observateur parce que, si on ne veut pas de duplication avec le fédéral sur un autre programme, c'est aussi à éviter, un programme différent avec les États-Unis. La majorité des entreprises du Québec exportent aux États-Unis plus que souvent dans les autres provinces, et l'harmonisation avec la réglementation Obama qui s'en vient doit être compatible avec ce que le Québec fait.

Et, si on est déjà engagé dans le WCI, il y a des États américains qui sont maintenant complètement au neutre au niveau du WCI, ils attendent la position de l'administration américaine sur le plan d'action.

On a rencontré, si vous permettez, on a rencontré voilà un mois le ministre Prentice, qui est venu au Québec. Le ministre Prentice est venu au Québec pour avoir un son de cloche du secteur industriel directement, là, de la bouche des industriels, et on a mentionné exactement les mêmes commentaires que je mentionne aujourd'hui. Donc, le gouvernement fédéral est très au fait qu'on veut que ça bouge, on veut que ça bouge rapidement. La période difficile qu'on connaît aujourd'hui, ce n'est pas une raison pour ralentir, je pense que c'est plus une opportunité, parce que les entreprises sont prises avec énormément de problèmes de marché, d'autres problèmes qui ne sont pas des problèmes de changements climatiques, sauf que la machine est ralentie. C'est le temps de faire de la réflexion.

Les industriels réfléchissent sur leur avenir, réfléchissent sur leurs produits, et il faut profiter de cette occasion-là, avec des programmes soutenus au niveau de la conformité à la future réglementation sur les changements climatiques, il faut profiter de cette occasion-là pour relancer l'industrie au Québec aussi.

n (15 h 20) n

La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci. Madame...

M. Lauzon (Jules): Je m'excuse pour la longue réponse.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Ça va. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Non, c'est tout à fait le contraire, c'était tout à fait intéressant. Il y a beaucoup de vos propos que je pourrais vraiment complètement endosser. Et on se comprend bien que nous sommes à la fois dans l'ordre de l'expression d'une volonté politique, que vous partagez, de l'arrivée d'un système d'échange et de plafonnement en carbone et on est aussi dans l'ordre de l'expression d'une stratégie qui est de dire: Bien, nous, on veut aller de l'avant parce qu'il faut marquer le rythme.

C'est un peu comme les mêmes propos qu'on avait lorsqu'on a dit que le Québec adopterait les normes californiennes pour les véhicules légers. On savait qu'il fallait qu'il y ait une démarche, bien sûr à plus large échelle, mais c'était une façon à la fois d'exprimer la volonté politique de l'ordre stratégique de marquer le rythme. Et, dans ce sens-là, on partage aussi vos préoccupations qu'on puisse parler, à la fin, d'harmonisation. Mais d'ailleurs le projet de loi fait place, hein, en disant qu'il y a ces principes d'harmonisation éventuelle, je le disais, avec un autre État, une autre province. Il y a justement, déjà exprimée, cette volonté qu'on puisse parler d'harmonisation. Puis je vous remercie donc d'avoir exprimé aussi clairement votre position par rapport à ce que, moi, j'appelle jusqu'à maintenant une mouvance. C'est en mouvance, le développement de ce système de plafonnement et échange de crédits carbone.

Pour ma part, parce que je veux laisser du temps à mes collègues, je veux juste vous dire, moi, j'ai une autre question, et celle-là, elle est plus relative à la situation du Québec. Et c'est vos commentaires par rapport à l'existence de la redevance sur les hydrocarbures et comment ça doit s'arrimer, cohabiter ou disparaître, je vais dire ça comme ça, avec l'arrivée du système de plafonnement et échange de crédits carbone. Je voudrais vous entendre un peu plus. Peut-être vous exprimer la vision suivante, mais je dois vous écouter, je ne voudrais pas avoir... Je ne serai pas du tout dogmatique, parce que ça peut être dans l'ordre de la réflexion et des échanges en ce moment. Mais, comme vous le savez, la redevance, elle est imposée en ce moment aux distributeurs d'hydrocarbures. Vous savez aussi qu'en ce moment, enfin, il a été décidé à l'intérieur du WCI que le secteur des transports serait touché à partir de 2015. Je suis en train de me demander: Quand vous souhaitez, quand vous tenez à préciser qu'il faudrait que la redevance... je ne voudrais pas détourner vos paroles, mais, je dirais, disparaisse lorsqu'arrive le système qu'on appelle familièrement de «cap and trade», êtes-vous vraiment en train de dire que vous souhaitez que, dès 2012, sur la base donc des secteurs énergie et industrie visés et qui vont devoir acheter aux enchères une partie de crédits qu'alimentera le Fonds vert, que ça devra être ça et que, dès 2012, on laisse tomber la redevance?

Parce que, je me dis, il y aura peut-être un poids important sur vos membres, alors qu'en ce moment ce n'est pas nécessairement sur vos membres que repose le poids d'alimenter le Fonds vert pour qu'on puisse mettre en place un plan d'action sur les changements climatiques. Donc, je voudrais voir si vous avez eu des réflexions encore plus détaillées sur cette question de la coexistence de la redevance et du système de plafonnement et d'échange crédits carbone et comment vous le voyez dans le temps.

M. Lauzon (Jules): Oui.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Lauzon.

M. Lauzon (Jules): D'abord, vous avez vu juste dans nos propos. Et je voudrais juste confirmer nos intentions: on ne souhaite pas la disparition de la redevance. Ce qu'on souhaite, on n'a pas été jusqu'à l'écrire dans le document. Parce que j'ai parlé au représentant de l'industrie pétrolière, l'institut des produits pétroliers, M. Montreuil, qui devrait déposer un mémoire demain, pour m'assurer que nos propos ne dépasseront pas la position du Conseil du patronat.

La redevance, c'est souhaitable parce que la redevance fait contribuer, d'une certaine façon, des gens qui ne seraient pas, par règlement, des volontaires à la réduction des gaz à effet de serre. Donc, la redevance est souhaitable. C'est souhaitable aussi que la redevance continue après 2012. Ce qu'on dit dans notre mémoire et ce qui fait consensus au niveau des industries du Québec, c'est que la redevance et tout ce qui est forme de peut-être taxation ou de vente de crédit, tous ces argents-là qui sont collectés par le gouvernement devraient, comme la redevance, appartenir au Fonds vert et que ce soit dans des fonds dédiés. Parce que cet argent-là... si on peut profiter de l'occasion de ramasser ces argents-là pour investir dans les nouvelles technologies ou supporter les réductions de gaz à effet de serre, c'est nettement souhaitable. Mais, si les argents vont et les efforts de l'industrie vont dans le fonds consolidé, je pense, tout le monde est perdant.

Et dans notre mémoire c'est très clair que la redevance doit servir, comme les ventes de crédit, par exemple... ou toutes les activités qui amènent des fonds au ministère doivent servir au Fonds vert et, après 2012, que le Fonds vert soit ajusté en fonction de ce qui sera réglementé.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci. M. le député de Vanier.

M. Huot: Merci, Mme la Présidente. C'est à mon tour de vous souhaiter la bienvenue. Moi, j'aimerais vous entendre sur la question de tous les mécanismes de suivi, les mécanismes de vérification. Vous parlez beaucoup, bon, d'harmonisation, de guichet unique, mais comment vous voyez le suivi qu'on doit faire? Bon, chaque entreprise doit remettre, chaque industrie doit remettre des rapports sur ses émissions de gaz à effet de serre. Comment vous voyez ça, pour assurer un suivi harmonisé, si on veut, à l'échelle, par exemple, du Canada, mais plus simplement peut-être pour le Québec? Est-ce que ce serait important, pour vous, qu'on mette sur pied un tel mécanisme? Je présume que oui, je ne veux pas vous mettre des mots ou des idées dans la bouche. Mais de quelle façon on devrait procéder, selon vous?

Vous êtes-vous penchés sur la question et avez-vous des suggestions à faire là-dessus?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Allard.

M. Allard (Jean-Luc): Oui. Essentiellement, en fait, au Québec, depuis un bon nombre d'années, en fait, il y a une déclaration volontaire des GES ou des demandes qui étaient faites par le ministère de l'Environnement et qui étaient soumises. Depuis 2007, en fait, c'est obligatoire. Et, à ce moment-là, vous avez déjà toute, dans vos bases de données, l'information relative et à la production et aux émissions de gaz à effet de serre des entreprises.

Donc, à partir de là... c'est pour ça que je faisais allusion... Quand on parlait: Année de référence, 1990, il faut faire attention, peut-être qu'en 2007 c'est extrêmement bien détaillé et documenté, ça ne veut pas dire que ce l'est aussi bien. Plusieurs entreprises qui ont fait des ententes avec le ministère de l'Environnement ont extrêmement bien documenté tout ce qu'ils ont fait, leurs inventaires, les mesures de réduction et, dans ce cas-là, les mesures de réduction hâtive, de façon très détaillée, il y en a même qui ont fait vérifier ces inventaires-là. Et donc certains ont toute l'information disponible, d'autres n'auront pas l'information. Et, dans ce sens-là, l'année de référence est extrêmement importante, parce que, si on voulait utiliser une année récente pour ceux qui n'ont pas l'information et revenir jusqu'à 1990 pour ceux qui ont une information détaillée qui a été vérifiée, à ce moment-là, il n'y en a pas, de problème.

L'information doit absolument être vérifiée par un tiers parti, mais c'était déjà prévu dans le WCI, tout simplement, parce que, si on harmonise puis on fait partie d'un système plus large, nord-américain et plus large, éventuellement, si on veut pouvoir échanger facilement des crédits, si on veut acheter des systèmes de compensation, bien il faut absolument que tout le monde soit sur une base commune au niveau de la qualité de ces crédits-là pour que leur valeur soit compatible puis qu'on puisse échanger librement, donc donner de la liquidité aux crédits de carbone ou aux systèmes de... aux crédits de compensation.

Et donc, dans ce sens-là, on ne voit pas de grande problématique. Autant au niveau québécois, dans plusieurs autres provinces, aux États-Unis la même chose, la plupart des États déclarent déjà leurs GES de façon assez détaillée, en fait avec une... et c'est bien documenté, donc ça ne pose pas tellement de problème. La grande question, c'est: Jusqu'où on peut revenir en arrière, tout en ayant la même qualité d'information?

Et peut-être un dernier point qui est important, en fait, qu'on a mentionné dans notre mémoire, c'est le guichet unique. Donc, actuellement, une compagnie doit faire trois, quatre, cinq, six, et des fois plus, rapports pour dire sensiblement la même chose mais avec des petites nuances à gauche, à droite, ce qui fait perdre de l'énergie, en fait, parce que produire six rapports, bien c'est des mois d'ouvrage pour plusieurs spécialistes en environnement à chaque usine. Et, s'il y avait moyen d'avoir un guichet unique, compte tenu qu'on veut normaliser tous les critères pour les procédures, ce serait beaucoup plus simple, beaucoup plus efficace, et on pourrait mettre l'énergie sur d'autres éléments de l'environnement qui ont besoin de faire des gains.

Donc, dans ce sens-là, si on peut s'aligner, ce changement-là qui s'en vient, en fait, est une belle occasion d'aller vers un guichet unique, en fait, aux niveaux provincial et fédéral, au minimum. Et, si c'était possible, c'est certain que c'est extrêmement intéressant puis que ce serait apprécié par les industries, là.

n (15 h 30) n

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Vanier.

M. Huot: Ça va.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: Oui. Merci, Mme la Présidente. Bien, bonjour. Je suis particulièrement heureuse de faire partie de cette commission, puisque, quand on parle d'environnement, c'est toujours des sujets, hein, sur lesquels maintenant au Québec on est très, très sensibilisés. Et je vous dirai que, particulièrement dans les comtés ruraux, on est encore... chez nous, on est semi-ruraux en fait, et, pour nous, tout ce qui touche l'environnement, je ne veux pas dire que c'est prédominant et plus important qu'ailleurs, mais peut-être, le fait qu'on est en ruralité, on est plus sensibilisés, le fait qu'on voit plus la nature.

Ceci étant, je voulais vous demander... Vous mentionnez dans votre rapport que vous appréciez qu'il y ait une reconnaissance des actions hâtives, et je me demandais si vous pourriez nous informer ou en tout cas comment vous voyez, vous, que le gouvernement devrait tenir compte des actions hâtives dans un système de plafonnement, d'échange? Comment vous nous suggéreriez de faire ça? Quelles sont vos propositions?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Lauzon.

M. Lauzon (Jules): Au niveau des actions hâtives, on a déjà fait le calcul, et on a aussi déposé ce résultat-là au bureau de la ministre, évaluer qu'est-ce que ça représente pour le Québec une base 1990 versus une base 2005, et ça représentait pour le Québec une perte de 1,2 milliard par année en achats de crédits équivalents. Parce qu'on peut faire facilement le calcul.

Le fédéral à l'époque voulait considérer le 40 % d'augmentation des émissions de l'Alberta, par exemple, et partager la facture à travers toutes les provinces. Donc, ça représente, la reconnaissance des actions hâtives, ça représente énormément pour le secteur industriel du Québec, ça représente des achats de carbone ou des achats de crédits pour ce qui manque, et c'est extrêmement important qu'on ait cette reconnaissance-là. Donc, l'année 1990, qui est l'année de référence au niveau de Kyoto, qui est reconnue et qui, d'une certaine façon, place le Québec où il doit être au niveau de ses émissions moyennes... pour faire la reconnaissance de 1990, d'abord que ce soit le WCI... le WCI, le Western Climate Initiative, on parle de 2005. On parle de Waxman, le projet qui a été déposé. On parle aussi des années 2005-2006. Au niveau fédéral, avant que ce soit... au niveau du fédéral, on parlait aussi des bases de 2005 et peut-être même un peu plus loin.

Donc, sur la base de 1990, pour la reconnaissance des actions hâtives, il y a le Québec et l'Ontario, d'où l'importance d'avoir une certaine... des discussions avec l'Ontario parce qu'ils ont les mêmes prérogatives ou la même urgence d'avoir l'année de base, 1990. Pour que l'année de base, 1990, soit reconnue, il faut que, dans la signature d'un protocole, que ce soit le WCI ou que ce soit la politique canadienne, au niveau de ces activités-là... l'objectif va être fixé pour le Québec de façon globale. Ce n'est pas la cible qui va être établie pour chaque secteur d'activité ou par chaque secteur industriel, c'est que le cible globale pour le Québec, ça va être les émissions 1990 ou des émissions vérifiables moins 15 %, 20 %, 30 % de réduction, et, à partir de là, les cibles vont être définies par secteur et vont être définies par entreprise. Ça fait que, pour avoir une reconnaissance d'action hâtive, la seule façon, la base pour avoir une reconnaissance des actions hâtives, c'est l'ajustement. Les actions hâtives ne donnent pas de crédit, c'est une reconnaissance de notre performance environnementale, et il faut faire la distinction.

La reconnaissance des actions hâtives, ce n'est pas comme le fédéral le proposait, 15 Mt pour le Canada au complet puis on en donne 2 Mt au Québec, 1 Mt ici et là. Ce n'est pas la reconnaissance comme ça, c'est la reconnaissance des performances du Québec. Donc, des actions hâtives, pour arriver à une pleine reconnaissance, il faut que de façon globale le plan stratégique du Québec soit basé sur 1990 avec un volume de réduction qui est en tonnes absolues de réduction. On parle, pour le secteur industriel, d'à peu près 10 Mt de réduction pour nos secteurs d'activité.

À partir de là, les entreprises auront leurs cibles, leurs cibles à atteindre, et les actions hâtives sont à l'intérieur des objectifs que le Québec se fixe.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Maskinongé.

M. Diamond: Merci, madame.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Il vous reste 2 min 30 s.

M. Diamond: Merci, Mme la Présidente. Chers collègues, collègues de l'opposition officielle, M. Lauzon, M. Allard, Mme Sauriol. Dans votre mémoire, vous mentionnez également que la réglementation devrait viser tous les secteurs de l'économie, prioritairement le secteur du transport, également l'habitation, le secteur industriel, le secteur agricole et le secteur forestier. Quelle serait la meilleure façon de viser ces secteurs, notamment celui des transports? Y aurait-il d'autres moyens de viser ces secteurs?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Allard.

M. Allard (Jean-Luc): Côté transport, évidemment tu as la difficulté... ce n'est pas comme une usine qui est fixe, donc probablement que la redevance telle qu'elle existait était une façon simple ou une taxe sur le carbone, ou sinon c'est que le distributeur puisse faire partie du système de plafond et d'échange et à ce moment-là qu'il doit acheter sur le marché un certain nombre de crédits pour compenser sa baisse d'émissions, vu qu'il ne peut pas vraiment baisser vu qu'il utilise des carburants. Et, à ce moment-là, bien il y a quand même une pression à la hausse sur le prix pour les usagers de carburant et donc une pression à la hausse et une motivation de baisser leurs émissions soit en utilisant les meilleures technologies, en limitant la vitesse ou en ayant d'autres systèmes au niveau du camionnage pour limiter les émissions.

Donc, il y a toute une série de solutions technologiques ou solutions d'opération qui permettent, en fait, à tout ce qui est transport de réduire leurs émissions, et là on parle camions de transport en général, évidemment tout l'aspect usage des trains et des bateaux, etc., ou, au niveau des particuliers, en fait, le changement de type de véhicule. Donc, il y a des gains possibles. Il ne faut quand même pas oublier qu'au Québec on utilise déjà, en moyenne, des véhicules qui consomment moins que la moyenne canadienne et encore moins que la moyenne américaine, ce qui n'empêche pas qu'on peut aller faire des gains. Il faut peut-être juste faire attention, en fait, quand on regarde les émissions per capita qui sont beaucoup plus basses au Québec que la moyenne canadienne ou américaine, de voir jusqu'où on peut aller. Et, d'avoir la même réduction au Québec que le reste du Canada ou l'ensemble nord-américain, il y a un côté dangereux à ça. Et qu'une fois que tu utilises... une fois que tu as réduit au minimum ou que tu as la meilleure technologie, le meilleur carburant, il y a un risque de délocalisation. Donc, si on continue à mettre une pression, alors que technologiquement il n'y a plus de solution possible à court terme, évidemment il y a un danger, que ce soit le transport ou l'industrie.

Ceci étant dit, en fait, la beauté d'avoir un fonds vert, c'est justement d'avoir une somme d'argent qui est dédiée exclusivement aux changements climatiques et qui permet, à ce moment-là, d'investir plus judicieusement, en fait, dans la recherche et développement, entre autres, ou l'usage de meilleures technologies. Donc, ça permet de faire reporter, en fait, la limite technologique.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, M. Allard. Le temps est écoulé pour la partie gouvernementale. Je cède maintenant la parole au député de L'Assomption.

n (15 h 40) n

M. McKay: Merci. Bien, bonjour et bienvenue. En tant que nouveau député ici, à l'Assemblée nationale, je fais un peu mes... Bien, en fait, c'est mes premières armes dans une consultation comme ça sur un projet de loi, et je suis heureux que ça commence sur une aussi bonne note, parce que je pense qu'il y a encore une légende urbaine, là, au Québec, comme... En général, beaucoup de gens ont tendance à penser encore que la grande industrie, l'industrie ne fait pas d'effort, pollue allègrement et que c'est vraiment le pauvre citoyen qui a, lui, à faire des efforts et sur qui toutes les contraintes, là, se concentrent. Et dans les faits, quand on regarde en tout cas en ce qui concerne les gaz à effet de serre et on constate qu'effectivement, depuis 1990, les émissions des gaz émetteurs au Québec ont diminué sensiblement, et là, bien, enfin on peut avoir des discussions sur les modes d'évaluation, et tout ça, mais disons qu'en gros on doit reconnaître que l'effort est là.

Alors que les secteurs qui sont en forte augmentation, bien ce sont les secteurs... notamment le transport, où, là, il n'y a pas des baisses, là, mais des augmentations significatives et on constate que le gouvernement continue à investir dans toujours plus de routes et plus de ponts... et donc espérons qu'enfin d'autres mesures que la... comme je le dis des fois, au niveau du gouvernement, la main gauche et la main droite sauront travailler un peu plus en harmonie et qu'on saura adapter les politiques gouvernementales pour que l'ensemble de notre société finalement puisse atteindre le même type d'objectifs que l'industrie a réussi à l'atteindre dans le domaine des gaz à effet de serre depuis quelques années.

Puis, je pense, c'est important de le reconnaître puis de vous encourager à continuer, parce qu'on le sait, simplement, les objectifs de Kyoto, ça, vous pourrez me dire si vous le reconnaissez aussi, mais je pense qu'on s'aperçoit maintenant que, bon, on le savait déjà, mais il faut le rappeler, que ce n'était qu'un début, et ça va prendre beaucoup plus que ça si on veut éviter les pires conséquences des changements climatiques. Puis je vois d'après vos réactions que vous semblez effectivement reconnaître ça. Vous avez mentionné justement, et ça semble s'avérer une inquiétude de plus en plus importante, l'écart qui se creuse entre la position du gouvernement fédéral sur les changements climatiques au Canada et la position, en fait, du reste du monde ou des provinces comme celle du Québec et la position qui s'en vient, qui a commencé à s'établir aux États-Unis.

Alors, selon vous, qu'est-ce qu'on peut faire au Québec pour s'assurer que... d'amener le gouvernement fédéral dans de meilleures dispositions? Est-ce que ce projet de loi en lui seul suffit ou est-ce qu'il ne faudrait pas mettre en oeuvre d'autres mesures?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Lauzon.

M. Lauzon (Jules): D'abord, c'est une question extrêmement intéressante. Je peux vous rassurer. Sur le projet de loi, c'est un projet de loi qui a l'air très anodin mais qui a beaucoup de stratégie qu'on détecte dans ce projet de règlement là et c'est en fonction justement... Quand s'est suivi par l'Ontario à une journée près, on le sait, qu'il y a une intention, il y a des discussions et il y a une intention de forcer un peu la main dans notre direction, du gouvernement fédéral.

Ça fait qu'au niveau de la stratégie c'est pour ça qu'on supporte entièrement la position du Québec, parce qu'il y a une intention de bouger. Et trop longtemps on a attendu après des plans qui ont été changés, rechangés avec le changement des ministres. On est rendus au point où plus on s'approche... ou moins on fait d'actions rapidement, plus le problème devient problématique, s'amplifie. La collaboration des groupes écolos qu'on a depuis le début, parce que tout le monde convient qu'il faut aller, il faut prendre des actions... À chaque fois qu'il n'y a pas d'action, la légende urbaine, c'est: bon, les entreprises ne veulent pas bouger. C'est pour ça que, nous, on est tellement ouverts à ce qui se passe quelque chose rapidement, que ce soit concerté. Puis, s'il faut faire une stratégie, là, de forcer la main du fédéral, on le fait puis on le supporte.

Ça fait qu'à ce niveau-là je vous rassure que le Québec a fait ses devoirs. Il force la note. La seule crainte qu'on a, c'est que de s'assurer que, si on met tous nos oeufs dans le WCI, en supposant que les États américains vont aller dans cette direction-là... ma crainte est qu'éventuellement les États américains vont se retirer. Il y en a déjà cinq, États américains, qui sont complètement au neutre au niveau du WCI, qui attendent le fédéral... ou que le gouvernement central puisse bouger. Je sais que tu n'es pas d'accord, Jean-Yves, mais on a quand même des gens qui...

Mme Beauchamp: ...assez parlant.

M. Lauzon (Jules): Mais de toute façon on vous passe le message. Nous, il y a une certaine prudence qu'il faut avoir, parce qu'imaginez la journée où le Québec et l'Ontario se ramassent avec la Californie, qu'il y a un débat ouvert entre la Californie et l'État central, puis le WCI devient caduc. Là, à ce moment-là, on a forcé le fédéral à bouger dans cette direction-là et on se ramasse avec un plan qui n'a pas d'avenir. Ça fait qu'il faut faire très attention, à ce niveau-là, continuer de s'affirmer, parce que vous avez, Mme la ministre, vous avez le support de notre secteur industriel, au moins la partie vive, là, du secteur industriel, puis on supporte entièrement la stratégie du Québec.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.

M. McKay: Oui. Alors, juste quelques questions sur des articles précis, là, du projet de loi. L'article 46.7 traite de l'allocation initiale des différents droits, donc, bon, les unités d'émissions disponibles, les crédits compensatoires, les crédits pour réduction hâtive. Vous avez remarqué que le projet de loi est quand même assez général et, bon, donne le pouvoir habilitant mais remet toutes les dispositions, disons, de mise en oeuvre au niveau d'un règlement à venir. Est-ce que vous pensez que c'est suffisant quand même ou est-ce qu'on ne devrait pas, au niveau de cette loi, déjà fixer quelques critères supplémentaires pour s'assurer de la direction dans laquelle ira le règlement ou si, d'après vous, dans le fond, c'est bon, à cette étape-ci, peut-être pour des raisons que vous venez de mentionner, de rester le plus général possible?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Lauzon.

M. Lauzon (Jules): Si on regarde ce qu'ils ont fait en Ontario, il y a exactement le même règlement ou qui vise la même chose, ça tient dans deux pages, quelques articles, il y a beaucoup moins de détails que ce qui est proposé comme le projet de loi n° 42 ici, au Québec, pour une bonne raison, c'est que ces projets de loi là ont pour mission ou ont pour but, je pense, si j'interprète bien la ministre, ont pour but de développer notre stratégie, de s'affirmer, d'affirmer notre stratégie.

Au niveau des technicalités, les règlements ont extrêmement, pour nous autres, beaucoup d'importance. Et on se fie à ce qui s'est passé dans les 10 dernières années au niveau de la consultation. On a à peu près la certitude que le ministère va continuer de consulter les associations au niveau des modalités de réglementation. Parce que, même si la loi est bien, est très bien faite, si les règlements découlant ne rencontrent pas les objectifs ou les craintes des entreprises, ça va être extrêmement difficile à appliquer. Effectivement, les règlements ont beaucoup d'importance, mais, à ce temps-ci, au niveau de la loi, on préfère une loi qui est plus large, on a fait de toute façon des commentaires sur les futurs règlements, mais une loi très large qui fixe la stratégie.

Et, la réglementation, on suppose que le ministère va nous consulter pour la suite des choses.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.

M. McKay: D'accord. J'en prends bonne note. Vous avez la même opinion aussi en ce qui concerne un article comme le, par exemple, 46.11, qui donne le pouvoir au ministre de suspendre, reprendre ou annuler tout droit d'émissions qui a été accordé. Vous n'estimez pas que ce droit devrait être balisé d'une quelconque façon, là, à cette étape-ci?

M. Lauzon (Jules): Sans aller complètement dans les détails, ce qu'on suggère d'abord, le 10 jours est nettement insuffisant pour préparer un appel. On parle d'un délai de 60 jours, comme à peu près toutes les actions qui sont couvertes, les actions juridiques qui sont couvertes dans la LQE. Donc, un minimum de 60 jours serait beaucoup plus raisonnable au lieu... parce que, là, on parle de 10 jours. Notre commentaire va à l'effet que ça ne devrait possiblement pas être la ministre qui a cette responsabilité-là mais beaucoup plus le gouvernement comme tel. Et c'est le commentaire qu'on a fait à l'intérieur de notre mémoire.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.

M. McKay: Ça va. Merci.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Roberval.

n (15 h 50) n

M. Trottier: Oui. Bonjour, messieurs mesdames. Tout d'abord, je suis heureux d'entendre ce que j'ai entendu parce que j'ai fait partie, entre autres, avec mon collègue Scott, à la fin des années soixante-dix, des premiers écolos. On peut constater qu'il y a une évolution assez importante dans le discours puis dans, je pense, dans l'engagement.

Je voudrais savoir. Aux pages 3 et 4 de votre mémoire, vous parlez, là, vous dites: «...précise qu'un émetteur doive déclarer au ministre ses émissions de GES ? vous voudriez que ce soit inscrit ? "directement liées à l'exploitation de ses installations".» Puis c'est pour éviter, entre autres, qu'on puisse dire: Bon, bien il y a eu une partie qui a été fabriquée dans un autre pays, à ce moment-là, il ne faudrait pas payer en double, ça, je comprends très bien ça, et dans le cas où il y a un contrôle justement dans d'autres pays. Mais, dans le cas où il n'y aurait pas de contrôle, il n'y aurait pas de comptabilité, est-ce que vous croyez qu'on devrait avoir une modalité ou une taxation qui pourrait faire en sorte que des produits qui seraient fabriqués dans un pays, en tout cas une partie du produit sera fabriquée dans un pays...

Est-ce qu'il pourrait être taxé? Comment est-ce qu'on pourrait gérer ça? Parce que, dans le fond, ça peut devenir difficile à gérer, les gens pourraient avoir avantage à faire produire dans des pays où il n'y a aucune comptabilisation. Est-ce que vous auriez une suggestion par rapport à ça?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Allard.

M. Allard (Jean-Luc): En fait, c'est ce qui semble se dessiner, hein, qu'il puisse y avoir des barrières ou des tarifs douaniers qui feraient en sorte que, si on importe un produit qui est fabriqué dans un pays où il n'y aurait pas les mêmes exigences environnementales, qu'à ce moment-là il peut y avoir une taxe qui fait en sorte qu'on revient à peu près à l'équivalent. Et sur le principe on ne peut pas être contre. On prend un exemple, l'usine de Norsk Hydro qui a fermé, qui fabriquait du magnésium et qui était probablement l'usine la plus performante au monde. Si on avait eu des limites au niveau gaz à effet de serre, probablement qu'ils n'auraient pas fermé parce qu'ils ont généré énormément... ils auraient eu un potentiel de générer des crédits de carbone comme c'est pas possible, parce qu'ils ont réduit leurs émissions d'au-delà de 95 %.

Ceci étant dit, notre grande crainte, et on le mentionne dans le mémoire, c'est au niveau du commerce international. Donc, est-ce que ça peut poser des problèmes et amener plus de problèmes que la solution qu'on amène? Ça nous inquiète. On n'est pas nécessairement des spécialistes en commerce international, mais on mentionne tout simplement dans notre mémoire qu'il faut bien se poser la question, puis il faut éviter, en fait, de créer un problème en en réglant un, là.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Mais je crois comprendre que, sur le principe, qu'il faudrait qu'il y aurait un mécanisme qui éviterait, on pourrait dire, des passe-droits, que vous seriez d'accord. Lequel mécanisme? Bien là, c'est à préciser, mais je pense qu'on... Vous mentionnez également à la page 5 que vous vous interrogez sur la distinction entre les allocations des unités à titre gratuit puis celles aux enchères. J'aimerais ça que vous expliquiez davantage, là, quelles sont vos préoccupations par rapport à l'émission des titres gratuits par rapport à ceux qui sont aux enchères.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Allard.

M. Allard (Jean-Luc): Ce qui est important, en fait, et la discussion est la même aux États-Unis, on se pose la question: En fait, qui va recevoir des permis d'émettre gratuitement ou est-ce qu'on va aller aux enchères, etc.?

Donc, par rapport à ça, il y a deux points qui sont importants, pour nous: premièrement, que, s'il y a de l'argent qui est récolté par rapport à ça, qui va aller dans le Fonds vert, que l'argent puisse réutiliser uniquement à des fins d'aide au niveau des changements climatiques; et le deuxième point qu'on se pose comme question, c'est qu'en fait, peut-être qu'au niveau des modalités de décider si ça va être une allocation gratuite ou une vente, que c'est peut-être un des endroits où on peut tenir compte, en fait, d'où une industrie se situe par rapport à ses comparables mondiaux. Exemple, si on prend une usine québécoise, une aluminerie québécoise, ces usines-là, si on les compare dans le monde, sont parmi les plus performantes ou sont à peu près toutes dans les plus performantes au monde. Donc, une fois qu'on est au mieux de la technologie, il y a toujours des possibilités d'améliorer au fil des années. Mais, pour une année donnée, si tu es au mieux de la technologie, tu es au mieux au niveau des combustibles utilisés. Dans le cas du Québec, qui utilise l'hydroélectricité pour faire l'aluminium, on mettrait la même usine aussi performante techniquement aux États-Unis, bien, avec le charbon, elle émettrait drôlement plus.

Dans ce sens-là, on se dit, il ne faut pas outre mesure pénaliser la compétitivité des entreprises et peut-être qu'il y a un jeu possible au niveau des allocations gratuites, par rapport à celles qui vont être aux enchères, en fonction d'une limite technologique au niveau des industries. Et évidemment le détail peut être assez complexe à gérer. C'est pour ça qu'on pense que, non, ça ne devrait pas être dans une loi mais plutôt dans un règlement qu'on pourra adapter, harmoniser au fil des années avec nos voisins et ceux avec qui on échangerait les crédits.

Mais essentiellement on pense qu'on n'a pas le choix, il faut tenir ça en compte pour éviter évidemment un problème de compétitivité au niveau des entreprises.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. Vous avez mentionné tout à l'heure, là, que ça prenait des données fiables pour être capables d'avoir une bonne gestion puis vous dites que vous vous opposez à ce qu'on ait des estimations de données, mais est-ce qu'on est capables justement d'avoir des données fiables, mettons, soit à 1990 ou très près de 1990? Est-ce qu'à votre connaissance, là, on a ces données-là? Parce que, dans le fond, si on a estimé qu'il fallait avoir des estimations, c'est parce qu'on pensait qu'il n'y en avait pas tout le temps, là. Comment vous voyez ça?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Lauzon.

M. Lauzon (Jules): Oui. L'alternative aux estimés, c'est une vérification ou un certificat qui est déposé par un consultant, par exemple, qui reconnaît que les émissions sont à tel niveau.

Les entreprises, pas la majorité... mais il y a beaucoup d'entreprises qui ont des données de 1992, par exemple, peut-être 1994, 1995. Ce qu'on souhaite, c'est qu'à partir de 1990, s'il n'y a pas de donnée vérifiable, et fiable, et reconnue de 1990, il faut essayer de trouver l'année la plus rapprochée de 1990. Par exemple, une nouvelle entreprise, l'entreprise s'est construite en 1994, ces données-là de base... Parce que, les données, au niveau des émissions, il y a une activité commerciale qui va se développer au niveau des crédits, par exemple, ça fait qu'il faut que, la reconnaissance des émissions d'une entreprise, que ce soit 1990, qui va mener à son cap ou son plafonnement d'émissions, il faut que ce soit des données qui soient extrêmement précises, qui soient validées, parce que ces données-là vont servir, en bout de ligne, à l'achat de crédits ou la vente de crédits pour une entreprise.

Ça fait qu'il faut que ce soient des données les plus précises possible puis qu'on se rapproche le plus possible de 1990. Et il y a beaucoup d'entreprises qui ont d'abord déjà déposé leurs données qui sont à peu près dans ces périodes-là de 1990-1992. Pour ceux qui n'ont pas ces données-là, on souhaite que ce ne soit pas des estimés. Par exemple, l'entreprise: Bien, j'ai mes données 2000, mais, si on regarde ma production puis si on revient en arrière, mes émissions devaient être à peu près, en 1994, de tant, ça ne passera pas la rampe. Parce qu'on a une activité commerciale. Quand on dépose des émissions, quand on dit que notre seuil est là, ce qu'on vend au-dessus, il faut qu'il y ait une reconnaissance au moins de nos émissions, une reconnaissance reconnue et non calculée ou estimée.

C'était la nature de notre propos.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.

M. McKay: Je ne sais pas si mon collègue...

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte: Oui. Par rapport à quand vous dites, à la page 6 de votre mémoire... Par rapport aux définitions des gaz à effet de serre, j'aimerais ça entendre un peu plus en détail comment vous voyez ça, là, par rapport à des ajouts de nouveaux gaz à effet de serre.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Lauzon.

M. Lauzon (Jules): D'abord, dans le WCI puis la plupart des réglementations ou des plans d'action qu'on connaît, on parle de six gaz à effet de serre. Il y a un septième gaz qui vient d'être ajouté, aux États-Unis, qui peut être considéré comme un gaz à effet de serre. Donc, il faut laisser la place éventuellement à d'autres gaz qui pourraient au niveau international être reconnus comme un gaz à effet de serre. C'est juste pour que ce ne soit pas limité aux six gaz au départ puis qu'on soit obligé de repasser une loi ou un règlement pour l'ajuster parce que, là, ce n'est plus six, c'est sept, ou c'est huit, ou c'est neuf gaz.

C'est la simple nature de notre propos. C'est de laisser la porte ouverte si d'autres gaz ont la reconnaissance internationale d'un gaz à effet de serre.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.

M. McKay: Oui. Merci. En ce qui concerne le Fonds vert et l'allocation des sommes qui vont y être versées, on comprend bien dans votre mémoire... même vous faites une proposition d'amendement, là, pour clarifier le fait que ces sommes soient donc, nécessairement, versées dans le Fonds vert. On verra un peu plus tard. J'ai l'impression que c'était l'intention qui était là, mais, grâce à votre proposition, on pourra le préciser. On mentionne par contre, dans le projet de loi, parmi les utilisations... Parce que ce que vous avez mentionné tout à l'heure comme ce qui semble être votre priorité ou là où vous voyez ce à quoi ces fonds-là devraient servir, ce que vous avez mentionné, je crois, c'était, bon, d'investir dans la recherche et développement de nouvelles technologies, de soutenir les entreprises pour qu'elles puissent justement aller atteindre les niveaux de performance très élevés, là, en matière de réduction de gaz à effet de serre, qui vont être requis dans le futur.

Dans l'article 46.15 du projet de loi, on parle aussi d'utiliser ces fonds-là pour l'adaptation aux impacts du réchauffement planétaire et des changements climatiques et même financer la participation du Québec à des partenariats régionaux ou internationaux.

Est-ce que vous ne croyez pas que ça détourne un peu l'argent des besoins que vous avez identifiés ou est-ce que c'est quelque chose qui va dans encore une fois un peu dans un équilibre, là, à définir dans le futur? Parce qu'effectivement on n'a pas de boule de cristal et on devra s'ajuster dans le futur.

n (16 heures) n

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Allard.

M. Allard (Jean-Luc): On ne peut certainement pas s'opposer à dire: Est-ce qu'une partie de l'argent devrait aller en adaptation?, parce qu'on sait qu'il est déjà trop tard, il y a des impacts au niveau des changements climatiques. Il est déjà trop tard pour que, même en contrôlant bien les émissions futures, qu'il n'y ait pas du tout de réchauffement de la planète.

Par contre, gardons en tête les objectifs qui sont en train d'être reconnus mondialement, qui ont été en partie reconnus au niveau canadien et aux États-Unis. On parle de 20 % de réduction, par rapport à 2005, en 2020; moins 80 %, moins 83 % en 2050. C'est des réductions qui sont absolument astronomiques. Et, si on veut atteindre des objectifs comme ça, encore je le rappelle tantôt... Au Québec, on n'émet pas plus que les pays européens. Donc, on émet beaucoup moins que... et par des facteurs donc, pas 10 %... mais plusieurs fois moins que n'importe quel autre pays d'Amérique du Nord. Dans la mesure où on se donne des objectifs similaires, et ce sont des objectifs qui sont ambitieux, à ce moment-là, on a intérêt à être en mesure d'aider les industries et les principaux émetteurs. Et l'argent qui est dans le fonds, en fait, ne suffira pas. Donc, où on va en prendre, à un moment donné? On pense qu'on a peut-être avantage à en garder le plus possible, mais ce n'est pas à nous à dicter s'il y a de l'argent ou pas. L'adaptation, on n'a pas le choix, ça en prend aussi. Par contre, on pense que d'aider les émetteurs à réduire, et ça implique également...

Le gouvernement a mis un programme pour aider les résidences de passer du mazout au gaz ou à d'autres sources d'énergie. C'est des exemples où on baisse les émissions. Et, compte tenu du degré extrême de réduction qui est requis, à ce moment-là, on pense que plus il y aura d'argent ciblé pour la réduction des gaz à effet de serre, mieux ça va être.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci. Il vous reste une minute, M. le député.

M. McKay: Oui. Bien, enfin, le rapport que je mentionnais tout à l'heure dans mon introduction, là, de M. Stern parlait de 1 % du PIB. Ça fait quand même pas mal d'argent. Je ne pense pas qu'il va y avoir ce genre d'argent là dans le Fonds vert. Donc, bien, peut-être juste savoir: Est-ce que vous avez une évaluation? Est-ce que vous estimez qu'en effet c'est à peu près cet ordre de grandeur là d'investissements qui vont être, pas seulement publics, là, aussi privés, qui vont être requis au cours des prochaines années?

La Présidente (Mme L'Écuyer): Une demi-minute, M. Lauzon.

M. Lauzon (Jules): Une demi-minute. C'est certain qu'il n'y aura pas suffisamment d'argent dans ce fonds-là, dans le Fonds vert, comme dans les programmes gouvernementaux au niveau de l'Agence de l'efficacité énergétique, et tout ça, mais il faut comprendre que ce qu'on a besoin, au niveau industriel, ce n'est souvent qu'un support d'abord au niveau de la réglementation, au niveau aussi du guichet unique, un support, même si la subvention n'est pas importante, pour développer un créneau.

Une voix: Merci.

M. Lauzon (Jules): Il y a des choses extrêmement intéressantes qui s'en viennent au Québec. On a une manufacture au Québec...

Une voix: Je vous remercie.

M. Lauzon (Jules): ...qui fabrique les meilleurs...

La Présidente (Mme L'Écuyer): Malheureusement, malheureusement, le temps est écoulé, parce qu'on a d'autres invités. Ça fait que, Mme Sauriol, M. Lauzon, M. Allard, je vous remercie. C'est toujours difficile de couper en plein milieu d'une réponse.

On va suspendre quelques minutes. Je demande à M. Bitton, de la Bourse de Montréal...

(Suspension de la séance à 16 h 4)

 

(Reprise à 16 h 7)

La Présidente (Mme L'Écuyer): ...la bienvenue. Vous avez 10 minutes pour votre présentation, 50 minutes pour les échanges avec les membres de la commission: 25 minutes pour la partie gouvernementale, 20 minutes pour la première opposition, 5 minutes pour la deuxième opposition.

Je vais demander de vous identifier. Et vous avez 10 minutes pour votre exposé.

Bourse de Montréal

M. Bitton (Léon): En premier lieu, je tiens à vous remercier, Mme la Présidente, Mme la ministre, membres de la commission. Donc, mon nom est Léon Bitton, je représente la Bourse de Montréal. J'agis comme vice-président, Recherche et développement, à la Bourse de Montréal et j'ai été celui qui a chapeauté le dossier de mise en oeuvre du Marché climatique de Montréal, le Marché climatique de Montréal étant le produit d'une association entre la Bourse de Montréal et le Chicago Climate Exchange, qui est une Bourse, un pionnier, si on veut, mondial en matière environnementale, à laquelle nous sommes associés pour créer le marché.

Ce marché, le Marché climatique de Montréal, existe déjà. Et en fait il existe aussi un produit, un marché qui porte sur des unités fédérales, en fait des unités anticipées fédérales. C'est qu'il y a un an, suite à l'adoption de la politique fédérale, on a lancé un marché avec la présence justement du premier ministre Jean Charest, et depuis, évidemment, comme vous le savez, il n'y a pas eu de nouvelles qui sont émanées du fédéral, donc les prix dans ce marché... Donc, il y a aujourd'hui une valeur réelle attribuée au prix du carbone. Lorsqu'on a lancé le marché, le prix du carbone était aux alentours de 11 $ la tonne. Aujourd'hui, au moment qu'on se parle, le prix est aux alentours de 1 $ la tonne, et la raison étant simple, et c'est un reflet, aussi, fidèle du message que je vais tenter de véhiculer aujourd'hui, c'est qu'évidemment, en l'absence d'un cadre réglementaire, en l'absence de notions de certitude, et de clarté, et de transparence, d'un cadre réglementaire, le marché tout simplement joue son rôle et évalue le prix de cette nouvelle matière, si on veut, ce nouveau standard donc en fonction des anticipations de l'existence de cette unité de réduction.

Alors, je voudrais peut-être aussi démarrer en signalant que nous louangeons les efforts évidemment du Québec, qui vont dans le sens de l'utilisation des forces du marché afin d'optimiser l'atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et ce, à moindre coût. Évidemment, le dépôt du projet de loi n° 42 constitue un pas important dans cette direction. Nous pensons que le Québec doit continuer à être chef de file des investissements dans les technologies vertes et... continue aussi à jouer un rôle de leadership dans la mise en place d'un marché du carbone.

Donc, on a décidé à mobiliser notre savoir-faire, notre expertise pour permettre l'émergence et le développement de l'économie du carbone ici, au Québec et au Canada, et c'est dans ce sens que nous avons donc créé le Marché climatique de Montréal.

n (16 h 10) n

Je vais tenter d'adresser plutôt les conditions de succès d'un marché, et puis c'est un peu ce qui relie le marché au cadre réglementaire. Parce que, contrairement à d'autres matières, comme le pétrole ou d'autres... ou un bien financier où, si on veut, les conditions de liquidités émanent, par exemple, dans le domaine pétrolier, du niveau de production du pétrole, et, à ce moment-là, il y a une volatilité reliée au prix de ce pétrole, dans le cas présent, évidemment l'existante du marché n'est rendue possible que par l'existence d'un cadre réglementaire. Donc, c'est le gouvernement qui définit quels sont les standards de l'unité qui va se négocier et quelle est la façon d'assurer l'intégrité environnementale de ces standards.

Alors, nous, à la Bourse de Montréal, au Marché climatique de Montréal, notre rôle principal, c'est d'assurer l'intégrité financière des échanges, de faciliter les échanges, d'assurer la découverte de prix et aussi d'offrir des facilités de gestion de risques de ces prix-là. Par contre, nous dépendons pleinement de la volonté des gouvernements et aussi donc, justement, de leur aptitude à mettre en place un cadre réglementaire et ainsi instaurer la confiance au sein des investisseurs par rapport aux unités qui sont échangées. Donc ça, c'est une notion excessivement importante que l'on retrouve dans les marchés du carbone à travers le monde.

Comme vous le savez, le marché du carbone est une réalité émergente peut-être au Canada mais est une réalité établie à travers le monde et principalement en Europe. Et d'ailleurs notre partenaire, le Chicago Climate Exchange, est derrière la plus grande bourse à terme aujourd'hui du carbone, qui est le European Climate Exchange. Donc, il y a déjà des échanges, comme vous le savez, il y a déjà des financements en matière de carbone à travers le monde. Évidemment, il est important que le Québec, que le Canada, dans le cadre évidemment d'un projet continental nord-américain, puissent se positionner assez rapidement, car une des, si on veut... des points qu'on a relevés lors de nos échanges avec les experts et les sociétés industrielles, c'est effectivement le fait que le Canada et le Québec accusent un retard par rapport à cette partie-là du monde... a fait en sorte que cela ne nous favorise pas en termes de concurrentiels par rapport aux investissements technologiques possibles dans ce marché. Parce que, quand on parle du marché du carbone, évidemment on parle d'un risque à gérer, car, à partir du moment qu'on fixe des contraintes de réduction à des sociétés industrielles, ces sociétés ont un risque à gérer, et, à ce moment-là, la Bourse facilite, offre un service de gestion du risque.

Mais, quand on parle du marché du carbone, il faut se souvenir que l'on parle aussi d'opportunités, car une Bourse finalement, avec le signal de prix qui émane de son marché, fait en sorte qu'il y a une valeur économique qui est rattachée à l'effort de réduction, et, dans ce sens-là, ça encourage l'adoption de comportements environnementaux plus favorables, et ce, contrairement, je vous dirais, à une taxe. Parce qu'une taxe, elle peut jouer le rôle, mais, au niveau justement d'établir des contraintes par rapport aux sociétés que l'on veut réglementer, une Bourse, à partir du prix qui est généré sur son marché, une Bourse peut aussi inciter à la réduction et ainsi permettre à des sociétés, qu'elles soient réglementées dans un cadre gouvernemental ou qu'elles ne le soient pas, à partir du moment qu'il y a une valeur économique rattachée à l'effort de réduction et qu'il y a un prix dans le marché, que l'on peut donc... qui permet de monétiser l'effort de réduction... Donc, une Bourse joue un rôle assez important en matière de modification des comportements environnementaux, car elle incite aussi à la réduction auprès de participants qui ne sont pas toujours réglementés, qui sont forcés de réduire leurs émissions, mais plutôt auprès d'intervenants qui y voient une incitation à la réduction à partir du moment qu'il y a donc ce phénomène de valeur économique rattaché à l'effort de réduction.

Maintenant, qu'est-ce qu'on a besoin d'un gouvernement, qu'est-ce qu'on a besoin d'un cadre... quels sont les besoins d'un cadre réglementaire? C'est que les conditions d'offre et de demande qui régissent le prix dans une Bourse sont en fait fonction de deux facteurs. Premièrement, il y a une notion de rareté. Vous savez, pour qu'un marché soit créé, ça prend de la demande, et, dans le cas du carbone, évidemment la demande émane de la rigueur et du degré de contrainte des cibles de réduction établies par le gouvernement et également aussi de la portée du programme. Donc, évidemment, le plus, ce qu'on préconise... Parce qu'évidemment, à titre de facilitateur et d'opérateur de marché, ce qu'on préconise, c'est la notion de liquidité.

Donc, cette liquidité émane... Parce que, quand on dit «liquidités», évidemment il faut associer liquidités à atteindre l'objectif qui est réduction d'émissions de gaz à effet de serre au moindre coût possible pour les intervenants. Alors, pour nous permettre d'offrir cette notion de moindre coût possible, on a besoin de liquidités.

Alors, le premier volet, c'est la rareté, donc rareté étant le degré de contrainte des cibles; deuxièmement, aussi la portée des secteurs couverts par le programme réglementaire.

Deuxième élément important, c'est que le gouvernement aussi a un rôle important à jouer au niveau de l'offre des crédits. Donc, ce n'est pas seulement au niveau de la demande mais au niveau de l'offre. Alors, le gouvernement définit quels sont, dans le cadre, par exemple, des crédits compensatoires, des types de crédit qu'on va accepter, qu'on va accepter à des fins de génération justement de crédits volontaires qui pourraient être acquéris, achetés par des sociétés industrielles à des fins de conformité. Donc, le gouvernement a un rôle à jouer aussi au niveau de l'offre. Donc, il est important pour nous que... plus il y a de la rareté, donc plus il y a de demande, plus il y a une grande portée des secteurs couverts, plus il y a de l'offre, et plus, à ce moment-là, on étend la définition de l'offre, évidemment toujours avec un souci d'intégrité environnemental des unités de réduction. Parce que ce qui peut impacter de façon très négative un marché, c'est le fait que justement on perd confiance dans les unités qui se traitent. En d'autres mots, si un investisseur ou une société industrielle qui achète un crédit dans le marché reçoit un crédit qu'il ne pourra pas utiliser à des fins de conformité, où est-ce qu'on peut remettre en question la validité environnementale de ce crédit, évidemment ça peut avoir un impact négatif sur l'opération du marché.

Alors, le marché a besoin de ces deux éléments. Maintenant, le marché a aussi besoin, je vous dirais, de mise en place d'une infrastructure réglementaire qui permet justement d'assurer cette fameuse confiance environnementale, et ça, évidemment nous ne sommes pas impliqués dans cela. Nous offrons un service basé sur des unités que le gouvernement définit. Donc, le gouvernement se doit de mettre en place un registre, se doit de mettre en place évidemment des notions de «reporting», et ainsi de suite.

Dernier élément, je vous dirais, par rapport...

La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci. Le temps est écoulé. Vous pourrez peut-être continuer par les questions, M. Bitton. Je vous remercie. Je cède la parole à Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup. Bienvenue, M. Bitton. Et, comme vous le devinez, j'en suis certaine, votre présence lors de ces consultations particulières sur le projet de loi n° 42, c'est vraiment une présence et un apport extrêmement importants.

Vous savez comme moi qu'au moment même où on a déposé ce projet de loi, d'ailleurs, certains l'ont interprété comme carrément une loi sur la bourse du carbone, faisant carrément allusion à l'oeuvre que vous êtes en train d'édifier à travers ce Marché climatique de Montréal, alors que le projet de loi est plus en train de construire les conditions pour mettre en place un marché du carbone à l'intérieur duquel le Marché climatique de Montréal aura son rôle à jouer. M. Bitton, vous savez aussi comme moi qu'hier l'Ontario a aussi déposé un projet de loi, ce qui a amené le premier ministre de l'Ontario, M. McGuinty, toujours dans le même contexte où on associe directement la mise en place d'un marché du carbone avec la question donc de quelle sera la plateforme de transaction financière la mieux placée, je dirais... ça a amené le premier ministre de l'Ontario, M. McGuinty, à carrément dire en réponse à une question posée: Bien, nous souhaitons que ce soit à Toronto.

Vous le savez comme moi, historiquement, depuis quelques années, il y a ces discussions entre où est le vrai leadership de l'établissement d'un marché climatique en termes d'échanges financiers, donc est-ce que c'est à Montréal, est-ce que c'est à Toronto? Bien sûr, ce n'est pas pour rien que le premier ministre est allé l'année dernière à l'inauguration officielle, là, de la mise en place du Marché climatique de Montréal, c'est que bien sûr on souhaite vivement que ce soit à Montréal que ça se fasse. Et je pense, et vous me le confirmerez, mais je pense que clairement Montréal a pris une longueur d'avance.

Mais ça m'amène à vous poser la question suivante: Est-ce que, pour l'ensemble des membres de cette commission, est-ce que vous pourriez nous informer du vrai contexte dans lequel on travaille par rapport à l'exclusivité sur les produits dérivés que possède la Bourse de Montréal? Est-ce que vous pourriez donc nous donner l'heure juste quant à cela?

Et ma deuxième question, là, dans la même foulée, c'est: Comment notamment, si je prends l'exemple du WCI, qui est, en ce moment en tout cas, la plateforme régionale par laquelle on veut installer ce cadre réglementaire que, je pense, je peux dire, que vous souhaitez, qui est une condition à l'émergence de ce marché du carbone... Quels sont les gestes, quelles sont les attentes de la Bourse de Montréal quant aux gestes que le gouvernement du Québec doit poser pour la défense des intérêts de la Bourse de Montréal à l'intérieur d'un tel système? Vous pouvez aussi commenter par rapport à ce qui se passe en ce moment même aux États-Unis, je l'ai déjà dit, le projet de loi Waxman. On sait que tout ça est en mouvance.

Donc, quelles sont vos attentes par rapport à comment le gouvernement du Québec peut vous accompagner pour la défense des intérêts du Québec et de la Bourse de Montréal dans cette mouvance?

n (16 h 20) n

Le Président (M. Huot): M. Bitton.

M. Bitton (Léon): Oui. Donc, pour répondre à la première question, il y a une nouvelle réalité, comme vous le savez tous, aujourd'hui qui est la suivante, c'est que la Bourse de Montréal, il y a près de un an maintenant, a fusionné ses activités avec la Bourse de Toronto. Donc, en fait, aujourd'hui, quand je me présente devant vous comme membre de la Bourse de Montréal, je fais partie d'un groupe qui s'appelle TMX, Toronto Montréal Exchange, ce qui veut dire que...

Et aujourd'hui une Bourse aussi, ça n'a pas un caractère physique, ça a un caractère virtuel, c'est-à-dire une Bourse, c'est des écrans situés un peu partout à travers le Canada, à travers le monde, qui permettent les échanges. Alors, dans ce sens, cette notion, là, d'une localisation physique Montréal versus Toronto, dans le cas présent, n'a pas son importance. C'est plus symbolique qu'autre chose ou politique qu'autre chose, mais, par rapport au caractère pratique... Et d'ailleurs, juste pour vous aviser, on a été invité par le gouvernement de l'Ontario aussi à participer à leurs délibérations justement sur l'élaboration de leur programme. On a été invité aussi à une rencontre privée avec le ministre de l'Environnement de l'Ontario, qui était en fait une rencontre avec d'autres experts en la matière. Donc, ce qui veut dire: on est là, on représente... Quand on va en Ontario, on représente le Toronto Montréal Exchange, le TMX, mais ultimement c'est la même entité qui est le Marché climatique de Montréal qui est détenu par TMX.

Alors, je vous dirais, cette notion, là, je pense qu'il faudrait peut-être aussi la clarifier parce qu'aujourd'hui, quand on se présente devant vous, on se présente comme une entité pancanadienne qui dessert des besoins pancanadiens. Donc, quand on est en Ontario, on fait partie du Groupe TMX et, quand on est au Québec, on est avec la Bourse de Montréal. Alors, je veux dire, c'est la première réponse. Donc, je pense que c'est juste une question juste d'éducation et de sensibilisation. C'est certain que ça a peut-être, comme je l'ai dit, une connotation politique ou symbolique plus qu'autre chose.

Deuxième élément par rapport à WCI, je vous dirais qu'effectivement il y a un souci, il y a un souci. Vous savez, on a navigué jusqu'à présent dans un univers fort d'incertitude sur un plan canadien, fédéral. Je vous dirais, aujourd'hui, avec ce qui se passe aussi du côté aussi des États-Unis, il y a aussi de l'incertitude avec: Que va-t-il advenir de WCI? Il y a même des possibilités que le programme fédéral suspende donc le WCI pour les années 2012 à 2017 et qu'après 2017, si le programme fédéral ne réussit pas, là on revient avec WCI.

Moi, je vous dirais, la bonne nouvelle qui émane de WCI, c'est que vous avez quatre provinces canadiennes qui font partie de WCI et qui, si on le regroupe ensemble, constituent à peu près 50 % des émissions canadiennes. Et, si on en rajoute, Saskatchewan, qui est un observateur, je pense, de WCI... ce qui veut dire que ce regroupement-là qu'on a créé, c'est un regroupement qui constitue à peu près 60 % des émissions de gaz à effet de serre au Canada. Donc, ce qui nous manque, c'est l'Alberta, avec ses 33 %, et les autres provinces canadiennes, mais on a la majorité des émissions, ce qui veut dire qu'il est certain que, si on s'aperçoit que les choses ne bougent pas à la façon qu'on veut que ça bouge du côté de WCI, peut-être que ce qui a été créé là, c'est un momentum qui va permettre de créer une coalition, si on veut, canadienne qui va permettre justement l'émergence de ce marché du carbone au Canada, évidemment tout en gardant à l'esprit toujours qu'éventuellement... Et le marché s'attend à ça, parce que, comme je dis, ce que le marché déteste le plus, c'est l'incertitude.

Donc, il y a aussi l'incertitude par rapport aux initiatives au niveau des différentes provinces et ce qui se passe sur un plan au niveau fédéral, canadien.

Donc, le marché s'attend à ce qu'à un moment donné il y ait une certaine forme d'harmonisation où, je vous dirais, on parle peut-être plus d'entente de reconnaissance réciproque, c'est-à-dire d'entente où est-ce que le Québec va maintenir son cadre réglementaire... de sa réglementation et son autorité sur son territoire. Mais, d'un autre côté, il faudrait qu'il y a des ententes de fongibilité ou de réciprocité entre les différentes provinces et avec le fédéral. Et ultimement je dirais que, quoi qu'il advienne du côté des États-Unis, je pense que ça pourrait servir comme tremplin, comme élément déclencheur d'une initiative peut-être pancanadienne.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Oui. Et j'ai une dernière question. Puis, M. Bitton, je veux laisser du temps à mes collègues, ça fait que je vais essayer d'être rapide, et je vous invite à faire de même.

Vous alliez terminer tantôt avec une quatrième condition de succès. Je vais vous inviter à commenter et peut-être allonger juste un peu votre réponse en nous disant... Vous-même, vous avez fait allusion au fait qu'il y a une expérience européenne de marché du carbone. Quelle leçon on doit tirer de l'expérience européenne du marché du carbone? Quelles erreurs, par exemple, ne devraient pas être faites à la lumière de cette expérience?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Bitton.

M. Bitton (Léon): Très bien. Donc, en fait, la première leçon, là, du marché européen, c'est que les Européens ont réalisé qu'on ne peut jamais arriver à bâtir un système idéal, un système parfait et qu'il fallait par contre démarrer avec quelque chose, c'est-à-dire démarrer avec des actions qui permettent donc de procéder rapidement à la réduction des émission de gaz à effet de serre. Parce que, comme vous savez, ça fait des années qu'on parle des réductions des gaz à effet de serre, mais en même temps, dans la réalité des choses, cela ne se produit pas.

Alors, je pense que la première des choses, et c'est dans ce sens que je louange les efforts du Québec, c'est qu'il faut passer à l'action, il faut passer à l'action, même quitte à faire des erreurs. Évidemment, des erreurs de parcours du système européen, on peut en bénéficier. Entre autres, par exemple, dans le système européen, ils ont fait en sorte qu'il y avait une durée limitée aux crédits qui avaient été émis. Alors, à un moment donné, pour la période 2008-2012... plutôt, 2005-2008, plutôt avant Kyoto, c'est des crédits qui avaient émis en 2005, où les droits d'émissions avaient une échéance en 2008, ce qui veut dire: quand tout le monde a réalisé que le marché du carbone s'est effondré... Mais c'était une observation tout à fait naturelle qui était fonction des conditions de marché, parce que, quand vous avez un bien qui vient à pérennité... qui vient à échéance, plus on avance avec le temps, plus sa valeur a une convergence zéro. Alors, c'est pour ça que le marché s'est effondré.

Alors, il y a une leçon qui a été retenue, c'est qu'on s'est assuré du fait que les unités soient transférables, c'est-à-dire qu'elles ne soient pas limitées dans le temps. Et il est certain que je vous dirais qu'un des grands avantages, une des grandes leçons, c'est l'apprentissage, et je pense qu'avec l'apprentissage... Et on le voit. D'ailleurs, vous savez quoi? Nous n'allons pas en Europe... Prenons un exemple au Canada, en Alberta. Vous savez qu'en Alberta il y a un cadre réglementaire qui est en place. On peut le critiquer, le cadre, on peut critiquer la rigueur des objectifs de réduction, mais on ne peut pas critiquer qu'une chose, c'est qu'il y a toute une industrie qui s'est développée autour de ce cadre-là. Et aujourd'hui, et je reviens d'un voyage de deux jours en Alberta, aujourd'hui, en Alberta, quand vous allez rencontrer... vous pouvez rencontrer des experts en matière environnementale, vous avez créé une expertise, et cette expertise, elle se crée à partir du moment qu'il y a une certitude.

Donc, on ne peut pas avoir le système parfait, mais il faut démarrer quelque part. Et, en démarrant quelque part, à ce moment-là, on laisse le marché jouer son rôle. Et c'est ainsi qu'on acquiert de l'expérience et c'est comme ça qu'on peut se positionner aussi de façon favorable par rapport à la concurrence.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, M. Bitton. M. le député de Vanier.

M. Huot: Merci, Mme la Présidente. Bien le bonjour à M. Bitton. Je dois dire que c'est passionnant de vous écouter. Je pense qu'on pourrait vous écouter des heures et des heures, et on en apprend toujours.

Vous avez insisté sur la notion, sur le phénomène de rareté pour le bon fonctionnement du système. Ce qui est proposé, c'est, bon, des droits gratuits qui seraient émis, mais il y aurait aussi une vente de droits aux enchères. J'aimerais ça vous entendre là-dessus. Est-ce que c'est une bonne solution? Est-ce que vous voyez ça d'un bon oeil qu'on fonctionne comme ça? Est-ce qu'il y a une proportion qu'on devrait limiter aux enchères et vous êtes-vous penché jusqu'à cette question-là, sur une limite? Est-ce qu'on devrait annoncer des ventes, je ne sais pas, par exemple, trimestrielles, dire: «C'est connu, à date fixe, il va y avoir des ventes à telle date pour la prochaine année»?

Puis en même temps, peut-être dans un deuxième temps, vous entendre, je ne sais pas si... Est-ce que théoriquement ce serait possible de créer une rareté artificielle, qu'une entreprise décide, elle... Bon, vous avez parlé de baisse de prix. En Europe, bon, il y a eu une chute de prix. Il y a une chute, et une entreprise va aller acheter beaucoup plus de droits dont elle a besoin pour créer une rareté artificielle pour les revendre par après, de la spéculation finalement. Est-ce que c'est quelque chose qu'il est possible de faire dans ce système-là? Est-ce qu'il faut bien encadrer, bien contrôler cette question-là, fixer un maximum permis, pour chacune des entreprises, de nombre de droits qu'elle peut posséder ou des choses comme ça pour éviter une rareté artificielle?

Donc, sur toute cette notion-là j'aimerais ça vous entendre, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Bitton.

n (16 h 30) n

M. Bitton (Léon): Très bien. Écoutez, premier élément, peut-être c'était votre deuxième question, deuxième volet de la question, c'est la question de «disclosure», en bon français, là, de transparence et de divulgation d'informations.

C'est certain que, et c'est une des leçons qu'on pouvait tirer aussi du marché européen... C'est qu'à un moment donné, quand ils ont lancé leur première période, ils n'ont pas établi des moments fixes de divulgation d'informations, ça veut dire: les sociétés pouvaient venir sur le marché à 2 heures de l'après-midi, 4 heures de l'après-midi, 10 heures du matin et annoncer leurs performances, et ainsi le marché, tout au long de la journée... C'est comme si on vous dirait qu'aujourd'hui la Banque du Canada fixait son taux à n'importe quel moment dans la journée, en n'importe quel temps. Et certainement ça, ça peut avoir des effets très néfastes sur le marché parce que le marché quand même est assez émotif. Dans un sens, à ce moment-là, je pense que les Européens ont compris. Ils ont décidé.

Bon. Il est très important d'avoir des règles de divulgation. À partir du moment qu'on sait qu'il y a un marché, tout comme dans les valeurs mobilières, à partir du moment qu'on sait qu'il y a un marché, il faut toujours tenir compte, dans la réglementation que l'on développe, de l'impact possible de la divulgation d'informations à caractère privilégié sur le marché. Alors, je pense, cette notion-là, elle est très importante.

Maintenant, par rapport à cette question de vente aux enchères, je vous dirais qu'il est certain qu'un marché, pour son bon fonctionnement, privilégie toujours le non-interventionnisme du gouvernement, c'est-à-dire qu'il faut que le gouvernement intervienne le moins possible dans le marché, O.K.? C'est certain que, d'un autre côté, on sait que la présence d'un marché, ça vise à concilier entre des considérations environnementales et économiques. Et on comprend très bien quelle peut être la motivation d'un gouvernement à aller aux enchères et à aller chercher des revenus, si on veut, de ces droits-là plutôt que de les distribuer gratuitement. Alors, maintenant, ce que je vous dirais, qu'ultimement on ne peut pas... je ne peux pas me prononcer aujourd'hui sur le poids de l'un versus l'autre. Comme je dis, je préfère le libre marché. À ce moment-là, c'est des droits distribués gratuitement.

Ceci étant dit, si les droits sont distribués en partie avec un coût rattaché aux droits, ce qui va se produire, c'est qu'ultimement les sociétés vont détenir des droits, n'est-ce pas, et ces droits, ça devient un actif ou un passif, dépendamment en fait de la situation de la société, mais auxquels on va rattacher un prix. Alors, ce prix, qui va être établi dans le marché va être fonction justement... en quelque sorte va être influencé par le prix aux enchères. C'est comme si vous avez, je vous dirais, dans les marchés des valeurs mobilières... marché primaire, marché secondaire. Dans le marché primaire, vous avez le prix de l'émission. L'émission va être établie à un tel prix. Le marché, ça va être le prix de référence du marché, mais après ça le marché va avoir un prix qui va être fonction du marché secondaire. Il va y avoir des échanges, de l'offre et de la demande dans le marché secondaire.

Donc, c'est certain que le prix qui va être établi sur le marché primaire ou le marché aux enchères des droits d'émissions va avoir une influence certaine sur le marché secondaire en termes de prix qui va être établi.

Ceci étant dit, à partir du moment qu'on sait que ce qu'on négocie sur le marché, c'est des droits, bien, à ce moment-là, dépendamment de la situation de la société, une société, indépendamment de la valeur qu'elle a payée pour son droit, si elle sait qu'en raison de sa situation économique elle a besoin de plus de droits parce qu'elle ne peut pas respecter l'objectif environnemental, donc ça veut dire: elle va aller demander, acheter plus de droits, et c'est ça qui va avoir un impact sur le prix du marché, sur le marché secondaire. Mais ce que je vous dirai, c'est que l'impact... À mon avis, la meilleure analogie à faire, c'est ce qui se passe, comme je dis, au niveau des marchés des valeurs mobilières, entre le marché primaire et le marché secondaire.

Donc, l'impact du prix aux enchères va être par rapport au prix de référence, si on veut, une fois que ça va rentrer en Bourse.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Vanier.

M. Huot: Oui. Toute la question de la spéculation aussi.

M. Bitton (Léon): Bien, la spéculation, je vous dirais... J'éviterais à utiliser le mot «spéculation». C'est parce qu'en fait, pour qu'un marché existe, vous avez besoin de trois types d'intervenants: vous avez besoin des intervenants, des contrepartistes, ceux qui cherchent à gérer des risques, vous avez besoin de ceux qui cherchent à prendre position sur une anticipation d'un mouvement d'un prix à la hausse ou à la baisse et vous avez ceux qui arbitrent, des arbitrageurs, ceux qui font de l'arbitrage entre les deux. Pour qu'un marché puisse exister, qu'un marché efficace puisse exister et qu'on puisse réellement arriver à accomplir le rôle du marché, qui est de permettre et de faciliter la réduction des émissions au moindre coût possible, on a besoin de ces trois acteurs.

C'est certain que, s'il y a un déséquilibre entre le poids de ces trois acteurs, si c'est un marché où est-ce qu'il y a plus de spéculateurs qu'il y a de «hedgers», de contrepartistes, etc., à ce moment-là, il y a peut-être un déséquilibre qui peut être créé. Mais là il y a toujours les arbitrageurs qui sont là pour repositionner le marché. Alors, le marché, en fait il faut avoir confiance dans le marché, et le marché a un rôle à jouer. Et, au fil du temps, le marché permet de refléter un prix qui reflète fidèlement ce qu'est la valeur du bien sur le marché.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Biron. Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour et bienvenue. Moi, j'ai une question qui est un petit peu plus terre à terre.

En fait, écoutez, il y a une entreprise de mon comté qui a développé un procédé où on élimine beaucoup de CO2, même qui indique que chaque supermarché développe 3,5 tonnes de CO2 dans l'atmosphère, qui rejette ça à partir des réfrigérants. Lui, en fait ce qu'il a inventé, c'est un procédé qu'il va vendre à des entreprises, des supermarchés. Il dit qu'au Canada, là, il y en a, si ma mémoire est bonne, quelque chose comme 6 500, détaillants qui pourraient utiliser son procédé. Il en a déjà quelques-uns.

Ma question précise: Dans son cas à lui ou dans le cas d'un supermarché, est-ce qu'une entreprise qui est non assujettie à un système de plafonnement et d'échange des droits d'émissions va pouvoir vendre ses crédits carbone à la Bourse de Montréal? Parce que manifestement ce monsieur-là va nous faire épargner beaucoup de...

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Bitton.

M. Bitton (Léon): C'est une excellente question et en fait elle est souvent posée avec différents exemples, mais, en bout de ligne, la question c'est toujours: Qui est propriétaire de ces crédits-là? Qui est propriétaire? Et là vient aussi... parce que ce qui est important, quand je parlais tout à l'heure d'intégrité environnementale, il faut s'assurer qu'il n'y ait pas la même réduction qui soit comptabilisée deux fois. Donc ça, c'est le rôle d'ailleurs du registre, le rôle du gouvernement, c'est de mettre en place les mesures nécessaires pour éviter qu'il y ait une comptabilité double.

Alors, dans l'exemple que vous donnez, je vous dirais, celui qui a inventé le produit et qui a développé le produit, quel serait le bienfait du marché? C'est qu'en fait le fait qu'il y ait eu des contraintes imposées à des sociétés industrielles par un gouvernement fait en sorte que ça crée une demande. Parce qu'une société industrielle qui a un but lucratif, sa première réaction, ce n'est pas d'aller sur le marché, elle veut savoir c'est quoi, le signal du prix qui émane du marché. Disons, si le prix est à 5 $, elle va évaluer combien ça va lui coûter pour mettre en place une nouvelle technologie dans sa société. Et là, si elle évalue que ça lui coûte moins cher de mettre en place une nouvelle technologie et ça lui donne peut-être aussi plus de pérennité, c'est plus durable en termes de dans le temps, à ce moment-là, ce que ça va faire pour votre inventeur, celui qui a produit l'idée, c'est que ça lui ouvrir des marchés. Ça va lui ouvrir des marchés.

Et en fait, je vous dirais, notre association avec la Bourse de Toronto est un reflet fidèle de cela. Aujourd'hui, il y a à peu près 108 sociétés inscrites à la Bourse de Toronto qui sont dans le domaine de la technologie verte, pour une valeur de... capitale boursière d'à peu près 10 milliards de dollars. Donc, il y a énormément de sociétés aujourd'hui pour qui, si on veut, cet encadrement réglementaire ou ces contraintes de réduction qui ont été imposées aux sociétés industrielles a ouvert des marchés. Donc, c'est ça, si on veut, l'apport d'un tel cadre réglementaire, c'est que ça va faire en sorte qu'on va envoyer un signal clair aux sociétés industrielles: Commencez à investir parce que, là, il y a une réglementation qui s'en vient, ça va vous coûter pour faire affaire. Donc, vous avez le choix, soit commencer à aller écouter justement ces offreurs de technologies et à mettre en place ces technologies ou bien vous aurez l'autre choix, c'est d'aller sur le marché et acheter des crédits.

Donc, on ne force pas tout le monde à aller sur le marché. Comme j'ai dit, le signal de prix qui émane du marché, c'est pour permettre d'évaluer le coût de la réduction. Et, à ce moment-là, souvent l'impact du marché ne se reflète pas uniquement dans les volumes négociés sur le marché mais aussi sur les apports que ça peut avoir sur les investissements de ce genre dans le marché.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: M. Bitton, vous disiez vous-même qu'il y a une mouvance, vous disiez qu'il y avait des climats d'incertitude qui ne faisaient pas l'affaire du marché. J'aimerais vous entendre sur... Comme, vous-même, vous y avez fait allusion, aux États-Unis, il y a donc un projet de loi déposé à la demande du président Obama pour créer un système de marché, d'échange et de plafonnement de crédits carbone.

Je ne voudrais pas pervertir votre pensée, mais je pense qu'on peut dire que l'année passée, quand vous avez pris la décision de mettre en place le Marché climatique de Montréal, c'était vraiment sur la perspective d'un gouvernement fédéral canadien mettant en place un cadre réglementaire. Puis je ne voudrais pas être trop abrupte, mais je dirais c'était dans une perspective donc de marché canadien d'échange de crédits carbone. Les choses ont évolué. Et donc on sent aux États-Unis cette volonté qu'il y ait un tel marché. Et plusieurs pensent qu'on s'en va donc plutôt vers vraiment un système continental d'échange de crédits carbone.

Je ne veux pas que ma question soit trop brutale, mais je vais vous la poser quand même: Dans un tel contexte, comment voyez-vous l'avenir du Marché climatique de Montréal et où sont les opportunités pour le Marché climatique de Montréal? Vous-même, vous avez fait une alliance avec la Bourse de Chicago. Quelle sera la place du Marché climatique de Montréal dans un contexte plus continental?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Bitton.

M. Bitton (Léon): Certainement. Ce n'est pas trop brutal, je la prends. En fait, et ça me permet aussi d'éclairer cette question parce que c'est une question quand même importante et qui est stratégique pour nous aussi, la question qui se pose, et je vais la traduire dans d'autres mots, c'est que: Est-ce que vous pensez que nous allons avoir à adopter une seule devise commune ou est-ce que vous pensez que nous allons avoir une devise américaine et une devise canadienne et que chaque pays va avoir le contrôle de sa devise et va pouvoir avoir une certaine souplesse pour influencer sa devise et qu'il va y avoir des ententes de réciprocité ou de fongibilité entre les deux devises?

n (16 h 40) n

Alors, ce qu'on pense, nous, c'est que ce qui est en train de se produire, et, je pense, c'est les messages aussi qui émanent des États-Unis, je pense, ce qu'on a vu aussi du fédéral... Parce que je pense qu'au niveau des fédérales, au tout début, je pense qu'il y avait une anticipation que peut-être on s'en irait vers une devise commune, mais je pense qu'il y a eu un réveil assez rapide et qu'aujourd'hui on parle plus de deux devises. Ce qui veut dire que ce qu'on pense qu'on va avoir, c'est qu'on va avoir la devise canadienne. Donc, ça va être peut-être, dans ce cadre-là, des provinces canadiennes qui vont s'unir et qui vont créer leur propre devise éventuellement avec le fédéral, on aura une devise canadienne. Il va y avoir une devise américaine. Parce que je pense qu'encore une fois c'est un peu comme au niveau des taux: on ne veut pas nécessairement abandonner le pouvoir ou notre influence qu'on peut avoir sur l'établissement de taux parce que ça a une influence sur la politique monétaire... politique économique.

Alors, c'est certain que, exemple, je vous donne ça comme pour illustrer mes propos... Est-ce que le gouvernement du Québec, dans son programme, va indiquer, va préciser que, oui, on est prêt à importer des crédits des États-Unis, mais que par contre on va établir une limite parce qu'on veut favoriser les investissements ici, au Québec, ici, au Canada? Alors, dans ce sens-là, si on veut favoriser les investissements ici, au Québec, ici, au Canada, à partir de ce moment-là, on va peut-être, dans notre programme à nous, établir des limites, on va dire: On ne va pas permettre aux sociétés canadiennes ou québécoises d'utiliser plus que 20 % de leurs besoins de conformité avec des crédits américains.

Alors, ce qu'on fait, en d'autre sorte, on va créer deux devises, deux marchés. Maintenant, l'avantage que la Bourse de Montréal et le Marché climatique a dans tout cela, c'est que le Marché climatique de Montréal va desservir le pool de la liquidité canadienne, le marché de Chicago va desservir la liquidité... Ils sont très bien positionnés aussi dans le contexte américain. Ce qui va sûrement se produire, c'est qu'il va y avoir des liens entre les marchés. Alors, si je suis une société canadienne...

La Présidente (Mme L'Écuyer): Il vous reste une minute.

M. Bitton (Léon): Parfait. Si je suis une société canadienne, je n'aurai pas à avoir besoin d'être membre des deux marchés, je peux être membre du marché de Montréal et ainsi accéder à la liquidité du marché américain pour encore une fois répondre à des besoins qui émanent de vos politiques, qui vont être restrictives. C'est pour ça que je pense que vraiment ce sur quoi on s'en va, c'est deux devises plutôt qu'une devise.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci. Il reste une demi-minute.

Une voix: ...

La Présidente (Mme L'Écuyer): Ça va. M. le député de L'Assomption, pour les 20 prochaines minutes.

M. McKay: Oui. Merci. Bien, bonjour et bienvenue. Écoutez, je vais juste peut-être reprendre où vous venez de terminer parce qu'il me semble, si j'ai bien saisi l'architecture générale, disons, du projet de loi qui est devant nous, il s'agit d'une architecture qui est basée sur une... qui me semble être basée sur un système, un marché qui serait continental, puisque tout ça n'est pas calqué, là, mais émane directement des travaux de la WCI, là, le Western Climate Initiative. Et donc il y a certaines provinces canadiennes, des États américains, et on envisage même, à l'article 46.12, où, dans le fond, on fait référence notamment à une Bourse, là, qui pourrait, dans le fond... à laquelle... ou un organisme, à laquelle la ministre pourrait déléguer la gestion, notamment la gestion du registre et tout ou partie du système de plafonnement d'échange des droits d'émissions.

Et ceci, en tout cas vous me corrigerez si je me trompe, il me semble que l'architecture du projet de loi actuellement est plutôt bâtie pour avoir une seule devise, alors que ce que vous dites, c'est que vos prédictions ou ce que vous voyez pour le futur rapproché serait davantage un fonctionnement avec deux devises: une canadienne, une américaine, et une entente finalement qui permettrait de faire le trafic, qu'on pourrait dire, dans le fond, de gérer, là, des conditions d'harmonisation.

Donc, je voudrais savoir: Est-ce que, d'après votre lecture du projet de loi, il est suffisamment adaptable pour pouvoir justement fonctionner dans un système de deux devises ou est-ce qu'il est vraiment calqué sur un système, là, multipartite dans le cadre de la WCI? Parce que les intervenants précédents nous ont aussi mis en garde contre le fait que les États-Unis, avec le projet de loi du président Obama, pourraient aller dans une direction autre, disons, que celle qui a été lancée, que l'initiative qui a été élancée par la WCI.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Bitton.

M. Bitton (Léon): Je vais y répondre, à votre question, de la façon qui suit. Si vous pensez que, comme autorités gouvernementales ou qui ont un poids, un pouvoir sur la réglementation des lois, qu'effectivement on ne veut pas privilégier des investissements, on va dire, au Québec ? on est au Québec, prenons le Québec ? et qu'à ce moment-là vous allez dire aux sociétés industrielles que, tout besoin de conformité, vous pourrez y répondre en achetant des crédits WCI, donc la devise WCI, sans limite, c'est-à-dire, à ce moment-là, 100 % de mes besoins vont être comblés en achetant la devise WCI comme vous l'avez définie.

Maintenant, si vous dites qu'il n'y aura pas... c'est-à-dire, si vous dites que le gouvernement ne va pas prescrire, par exemple, une limite qui va dire aux sociétés industrielles du Québec: On ne permet pas d'acheter plus que 20 % de vos crédits aux États-Unis, en Californie, ou dans d'autres États, alors, si vous dites ça, oui, on aura une devise, on aura une devise parce qu'à ce moment-là... parce que, vous savez, une devise, ça veut dire: il y a une autorité qui régit les décisions par rapport à ces devises, et puis là on négocie la devise en fonction de ça. Mais, à partir du moment qu'on introduit des contraintes, on introduit des spécificités, on parle davantage peut-être qu'il va y avoir une devise Québec-Ontario sans limite ou Québec-Ontario-Colombie-Britannique-Manitoba et que peut-être il y aura une devise Californie, et ainsi de suite. Encore une fois, c'est là la question, parce que, si on répond à cette question, à savoir qu'il n'y aura pas de contrainte et il y aura une ouverture des marchés complète, absolue, et, à ce moment-là, il n'y a pas de limite, oui, effectivement on s'en va vers une devise.

Alors, je vous réadresse la question.

Maintenant, la deuxième intervention que j'aurais à faire, c'est que mon intervention et mes projections étaient plutôt fondées sur les probabilités que, sur le plan fédéral américain, qu'il y ait des choses qui se passent. Et je pense qu'aujourd'hui, je pense, autour de la table, bien on est quand même plus ou moins avec la vision qu'il y a des choses qui vont se passer sur un plan fédéral. Alors, s'il y a des choses qui se passent sur le plan fédéral, que va-t-il se passer avec l'initiative WCI? Et là on va devoir entrer dans des négociations. Que va-t-il se passer avec le plan fédéral américain et le plan canadien, etc.? On va rentrer dans toute une évaluation, et, en tout cas ce qu'on a reçu, nous, comme message de cela, c'est qu'on parle davantage de deux programmes distincts mais qui vont se parler, c'est-à-dire deux programmes distincts qui vont avoir des ententes de réciprocité, qui vont reconnaître les crédits de l'un et de l'autre.

C'est ça, le message qu'on a. Maintenant, encore une fois, c'est vous... parce qu'encore une fois le marché, je vous répète ce que j'ai dit tout à l'heure, le marché n'est que le reflet de vos décisions, de la volonté des gouvernements de reconnaître les fongibilités entre les crédits. Le jour où tous les gouvernements de la planète vont reconnaître la fongibilité entre les crédits, il y aura un seul marché avec un seul prix unique pour le carbone. Aujourd'hui, ce n'est pas ça, la réalité. Aujourd'hui, vous avez des marchés régionaux, le marché européen, le marché américain, le marché canadien, etc., jusqu'à temps qu'il va y avoir une certaine forme d'harmonisation.

Alors, si on ne parle pas d'harmonisation absolue, ce qui va se produire, c'est qu'il va y avoir un plus haut degré de corrélation entre les prix des différents marchés régionaux. C'est ça qui va se passer. À partir du moment que le Canada va avoir une entente avec les États-Unis, ça veut dire que le prix du crédit au Canada va être plus proche du prix du crédit aux États-Unis, alors qu'aujourd'hui il peut y avoir une distorsion assez importante parce que chaque marché aujourd'hui est régional et chaque marché est fondé en fonction des conditions d'offre et de demande, qui régit chaque marché.

Alors, encore une fois, pour répondre à votre question, c'est vous, en fait, qui avez le pouvoir de décider par rapport à la façon que le marché va fonctionner.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.

M. McKay: Oui. Bon. Bien, merci de me retourner la question, mais enfin, c'est ça, ça va alimenter nos réflexions et nos discussions aux étapes ultérieures. Mais quand même, en termes de temps, quel type d'horizon est-ce que vous voyez pour une harmonisation des différents systèmes de bourse de carbone ou de marchés d'échange au niveau mondial?

Est-ce que c'est quelque chose que vous voyez arriver sur le long terme ou sur le relativement court terme? Et, d'ici là, comment va se faire cet arbitrage-là au niveau international? Bon. Les multinationales qui opèrent sur différents continents, comment est-ce qu'elles vont pouvoir gérer tout ça, là? Et ces différences entre les différentes juridictions, dans le fond, est-ce qu'elles vont faire ça? Quel impact ça peut avoir sur le transfert de liquidités? Et au Québec pensez-vous qu'on est invitants, suffisamment invitants pour qu'il y en ait qui puissent s'en venir un petit peu de ce côté-ci?

n (16 h 50) n

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Bitton.

M. Bitton (Léon): Bien, écoutez, je vous dirais que la préoccupation qu'on doit tous avoir, c'est d'arriver à des réductions des émissions de gaz à effet de serre, c'est-à-dire c'est une préoccupation, d'abord et avant tout, environnementale, alors ce qui veut dire que, si le prix qui émane d'un marché Québec-Ontario-Colombie-Britannique, le Manitoba est à un niveau assez intéressant pour inciter à la réduction au Canada, au Québec, je vous dirais que l'objectif aura été atteint.

Maintenant, si je suis une multinationale qui opère sur plusieurs continents et qui a des sociétés, des manufactures donc au Canada, aux États-Unis, en Europe ou en Asie, c'est certain que, moi, je préconiserais un seul et unique prix du carbone parce que je ne veux pas prendre une décision d'investissement au Québec qui soit influencée par le fait qu'au Québec les objectifs de réduction sont plus contraignants et que les crédits que je vais acheter sur le marché du Québec, on va dire, sont à un prix supérieur à ce qui va m'être imposé au Japon ou en Australie. Alors, ça veut dire, en d'autres mots: cette notion d'avoir un prix global du carbone est une notion qui est évidemment préconisée par les sociétés qui ont une présence un peu partout à travers le monde et qui ne veulent pas nécessairement avoir ce facteur-là dans leurs décisions d'investissement. Alors, c'est certain que ça a un impact.

Alors, maintenant, d'un autre côté, si on dit que ce qu'on cherche à faire, c'est de changer les comportements environnementaux, c'est de passer à l'action, je vous dirais, ce que ça prend, c'est: ça prend un système comme le Marché climatique de Montréal. Tout ce qu'on cherche, nous, c'est de nous assurer qu'il y a une masse critique d'intervenants, c'est-à-dire qu'il y ait des acheteurs, qu'il y ait des vendeurs et qu'il y ait des acteurs économiques en dehors du système qui seraient prêts à alimenter la liquidité. À partir de ce moment qu'on sait qu'il y a... Parce que, quand on avait évalué ça, à un moment donné: Est-ce que, le Québec, y a-t-il assez d'acheteurs et de vendeurs pour faire un marché?, la réponse, c'est non, c'est non. C'est pour ça que, le Québec seul, créer un marché, et je pense que Mme Beauchamp, je pense, pour elle, ce n'est pas une surprise, ce que je dis aujourd'hui, le Québec seul, la réponse... alors, on n'a pas la masse critique d'activités pour créer un marché, parce que, si on s'associe, le Québec, avec d'autres provinces canadiennes et si on fait partie de... on peut créer un marché? Oui. Donc, ça veut dire: c'est la force du groupe. Mais là on crée un marché, on crée un signal de prix. Ce qu'on veut, c'est que ce signal de prix puisse inciter des sociétés, inciter des individus, des personnes à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre dans l'immédiat. Et c'est ce que le marché peut faire.

Alors, maintenant, pour faire une projection dans le temps, je ne m'aventurerai jamais parce que je n'ai aucune influence sur le processus, à savoir dans combien de temps ça peut se produire qu'il y ait une... Moi, je vous dirais, ma seule projection, c'est qu'on s'en va vers une meilleure corrélation entre les prix, qui vont émaner de systèmes régionaux, jusqu'à temps que, je pense, qu'il va y avoir un très grand réconfort, une très grande confiance, si on veut, de la part des gouvernements, avec les différents prix. Là, peut-être on arriverait... à un moment donné, on va décider de fusionner des systèmes et là on aura un seul prix. Mais d'ici là je pense qu'il faut apprendre à marcher avant de courir.

Alors, je pense qu'on est dans cela. Et c'est peut-être pour ça aussi, je pense, l'orientation qui est d'avoir une devise canadienne, une devise américaine, c'est peut-être dans ce sens, jusqu'à temps qu'on arrive au moment où est-ce qu'on peut créer une seule devise unique, continentale.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.

M. McKay: Bien, je laisserais la parole à mes collègues.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. Vous avez fait un certain nombre de suggestions. Est-ce que vous en auriez d'autres à nous faire, des éléments qu'on devrait prendre en compte, que vous n'avez pas pu mentionner, faute de temps?

M. Bitton (Léon): ...le gros de mon message, c'est que ça prend de la rareté, ça prend de la certitude, ça prend de la clarté, et effectivement, en bout de ligne, c'est la liquidité donc, c'est-à-dire que tout ce qui peut être fait pour s'assurer qu'on couvre le plus grand nombre de secteurs possible au niveau de la réglementation, qu'on définisse les règles au niveau des projets de réduction éligibles de la façon la plus élargie possible, encore une fois mon message de base est le même, tout en gardant, tout en ayant le souci de l'intégrité environnementale de la démarche.

Ça, c'est important. Mais autrement, pour nous, ultimement, si je simplifiais mon message, pour nous, nous sommes un opérateur d'un marché, nous offrons un marché. Tout ce que nous vous disons, c'est que, si vous voulez que notre marché que nous offrons puisse vraiment répondre à vos attentes, c'est-à-dire qu'il puisse permettre aux sociétés industrielles de réduire leurs émissions au plus bas coût possible, ça prend de la liquidité, et, la liquidité, on la crée de cette façon au niveau primaire. Notre rôle à nous, notre rôle à nous, c'est d'intéresser d'autres acteurs économiques à rentrer dans le marché et ainsi injecter de la liquidité dans le système et faire en sorte qu'on va pouvoir accommoder les besoins primaires avec ces besoins-là de ces gens qui viennent de l'extérieur du système et créer un marché.

Mais, dans un premier temps, ce serait ça, nos attentes.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. Vous avez mentionné, entre autres, là, dans les erreurs à éviter qu'on ne devrait pas limiter dans le temps les crédits. Est-ce qu'il y a d'autres erreurs de ce type-là qui ont été faites ailleurs puis qu'on devrait éviter?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Bitton.

M. Bitton (Léon): Je pense que le premier élément, c'est effectivement... Je pense que ça, ça a été retenu comme leçon, je pense. Dans les programmes actuels, cette notion a été introduite. C'est-à-dire, si je suis une société industrielle et je génère un crédit en 2012 parce que j'ai bien fait en 2012, ce crédit ne vient pas à échéance à la fin de 2012, il peut être utilisé en 2013, 2014, 2015, etc. Donc, je pense, cette notion, elle se retrouve déjà dans les programmes. Deuxième notion importante, c'est cette notion de divulgation, donc de la rigueur au niveau de la divulgation. Ça aussi, je pense qu'elle en a été tenue compte dans les programmes.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. Vous avez mentionné qu'il y a des marchés primaires, secondaires. Est-ce que vous croyez qu'un jour on va avoir une espèce PCAA du marché du carbone?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Bitton.

M. Bitton (Léon): Sans commentaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte: Oui. J'aimerais ça vous entendre plus particulièrement sur toute la question de l'année de référence pour voir avec vous qu'est-ce que vous en pensez, en ce moment ce qui est dans le projet de loi actuel.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Bitton.

M. Bitton (Léon): En fait, nous n'exprimons pas de vue sur les caractères technique ou environnemental du projet de loi. Maintenant, si, là je vous donne la vue d'un opérateur de marché, si l'année de référence est une année qui va permettre de faire en sorte que les objectifs soient plus contraignants, ça va créer plus de rareté, ça va créer plus de demande, puis ça, ça fait notre affaire, c'est certain. Mais, d'un point de vue environnemental, on ne se prononce pas, c'est vraiment une décision des... vos décisions à vous d'établir quelle est la meilleure année de référence.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte: Oui. Puis, si vous regardez, là, globalement le projet de loi n° 42, là, et puis si vous auriez une ou deux choses, là, que vous voyez dans le projet de loi, que vous trouvez qui devraient être modifiées, concrètement, là, ça pourrait être quoi?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Bitton.

M. Bitton (Léon): Je pense que le projet de loi n° 42 est un projet qui habilite le gouvernement à mettre en place ce que j'appelle tout le cadre réglementaire. Alors, je pense, cette question va se poser, je pense, à la prochaine étape, c'est-à-dire, lorsque va venir le temps de définir c'est quoi, les cibles, de définir les cibles par secteur, les projets admissibles pour les réductions, etc., là je pourrai dire qu'on pourrait commenter. Mais aujourd'hui je pense que le projet de loi, tel que présenté, constitue la base qui va permettre de mettre en place ce cadre réglementaire, donc je pense qu'il est assez complet dans son essence.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Saint-Jean, ça va? M. le député de Shefford.

M. Bonnardel: Bien oui. Bonjour, Mme la Présidente, bonjour aux collègues. M. Bitton, bienvenue. Rapidement, M. Bitton. Lors des auditions, l'an passé, sur la fusion, lors de la création du TMX, du Toronto Montréal Exchange, les dirigeants ont dit qu'ils ne favoriseraient pas forcément Montréal pour l'implantation d'un nouveau produit dérivé, ils voulaient avoir la liberté de choisir l'endroit où acheter ces produits. Est-ce que Montréal serait favorisée à un marché comme l'Alberta pour les dérivés sur le carbone, selon vous?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Bitton.

M. Bitton (Léon): Je... votre question. Quel dirigeant qui n'a pas favorisé?

M. Bonnardel: Bien, écoutez, je n'ai...

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Shefford.

M. Bonnardel: ...pas les noms des dirigeants, mais, lors des auditions sur cette fusion, certains ont informé, nous ont dit qu'ils ne favoriseraient pas nécessairement Montréal face aux produits dérivés. Alors, je me pose la question: Est-ce que vous pouvez nous expliquer si, dans un contexte pancanadien du WCI ou la création du TMX ou la bourse sur les produits dérivés à Montréal... comment on peut s'attendre à ce que Montréal puisse tirer son épingle du jeu?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Bitton.

M. Bitton (Léon): Je pense qu'aujourd'hui on a une reconnaissance pancanadienne, c'est-à-dire on a de la visibilité. Suivez les articles qui sont écrits sur le marché du carbone et vous allez voir, qu'on soit à Calgary, qu'on soit à Vancouver, qu'on soit à Regina, qu'on soit à Winnipeg, qu'on soit à Montréal, au Québec... on voit qu'il y a quand même une certaine notoriété du Marché climatique de Montréal.

n (17 heures) n

Maintenant, on est en discussion, je vous le dis, avec les autorités de l'Alberta, on est en discussion avec les sociétés industrielles de l'Alberta pour pouvoir voir si effectivement les conditions de leur marché pourraient nous permettre de lancer un marché à terme sur leurs unités. Donc, ils regardent ça d'un bon oeil. Je pense que nous sommes aujourd'hui la seule... En fait, nous sommes aujourd'hui la seule bourse... nous sommes une réalité, si on veut. Nous sommes une réalité. Il n'y a pas une deuxième réalité aujourd'hui, nous sommes le seul marché du carbone. On existe déjà. On a l'expérience, on a l'infrastructure, on est là pour desservir les besoins qui émanent d'initiatives comme celle-ci pour pouvoir voir comment est-ce qu'une bourse ou un marché peut aider à optimiser de telles initiatives. Et alors je ne pense pas qu'aujourd'hui... non, on n'est pas défavorisés. Je pense qu'on est bien positionnés sur un plan canadien.

Maintenant, on est très bien aussi positionnés sur un plan international de par notre alliance avec le Chicago Climate Exchange. D'ailleurs, ma collègue aujourd'hui est à Barcelone. Il y a une très grosse convention du carbone... convention de carbone à Barcelone, et on occupe un kiosque avec notre collègue, Chicago Climate Exchange, et on se présente comme faisant partie de cet univers-là des bourses du carbone du monde. Et donc on a aussi cette envergure, je vous dirais, mondiale mais tout en gardant à l'esprit qu'on a quand même comme caractéristique le souci de desservir les besoins qui émanent du Québec et du Canada. Et éventuellement notre partenariat avec le Chicago Climate Exchange pourrait nous positionner dans un contexte plus nord-américain ou mondial.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Shefford.

M. Bonnardel: Merci, Mme la Présidente. Est-ce qu'il y a des contrats d'échange sur le carbone qui ont été mis en place l'an passé à Montréal? Est-ce qu'il y a eu un nombre de transactions assez...

M. Bitton (Léon): On a traité... En fait, comme je vous ai dit, quand on a lancé le marché, c'était deux, trois mois après que le gouvernement fédéral avait annoncé son plan Turning The Corner. Donc, il y avait quand même des anticipations que le plan fédéral soit mis en oeuvre le 1er janvier 2010. Donc, le marché a démarré aux alentours de 10 $, 11 $. On a traité pour à peu près... 120 000 tonnes de CO2 donc en notionnel ont été échangées sur le marché jusqu'à temps que plus qu'on avançait avec le temps... il y a eu des élections au Canada, il y a eu des élections aux États-Unis, il y a des nouveaux messages qui ont émané des gouvernements, et là évidemment le marché a un petit peu perdu espoir qu'il y a quelque chose qui va se passer. Et là maintenant on traite cette unité-là aux alentours de 1 $, qui est un reflet fidèle de ce que le marché anticipe. Alors, évidemment, maintenant, si on reçoit des messages nouveaux du gouvernement fédéral à savoir qu'il va y avoir quelque chose qui va se passer, on semble recevoir des messages dans ce sens, il faut s'attendre à ce que le prix du marché reflète cette réalité.

Mais il existe un marché, un marché est en place, et, je pense, il a jusqu'à présent joué son rôle, c'est-à-dire de refléter les conditions d'offre et de demande.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Une minute, M. le député de Shefford.

M. Bonnardel: Oui, rapidement, Mme la Présidente. Merci. Donc, le marché a débuté à 11 $, alors c'était très spéculatif.

Une voix: ...

M. Bonnardel: Non?

M. Bitton (Léon): Je dirais qu'il y avait des sociétés industrielles qu'on avait rencontrées...

M. Bonnardel: Pour qu'il baisse à 1 $ quand même en l'espace de huit mois, 10 mois...

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Shefford...

M. Bonnardel: Pardon, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme L'Écuyer): ...on laisse répondre, il vous reste une demi-minute.

M. Bitton (Léon): Le marché a débuté à 11 $, encore une fois fondé sur des anticipations qu'il y aurait un cadre réglementaire. Les sociétés industrielles qui avaient fondé leurs espoirs qu'il y aurait un cadre réglementaire avaient acheté un contrat à terme. C'est quoi, un contrat à terme? Ça leur donne la possibilité d'acquérir une unité de conformité qui va être livrée seulement qu'en juin 2011, O.K.? Alors, c'est certain que, si je suis une société qui a acheté et que je sais qu'il n'y a rien qui va se passer en juin 2011, ce que j'ai acheté, qui avait une valeur de 11 $, aujourd'hui, bien, je n'ai pas preneur pour... Alors, c'est les reflets des...

Maintenant, tout ça s'est produit parce qu'il n'y a pas eu de cadre réglementaire.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, M. Bitton. Merci beaucoup. Je vais demander à l'équipe d'Équiterre de bien vouloir s'approcher.

Je vais suspendre quelques minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 4)

 

(Reprise à 17 h 5)

La Présidente (Mme L'Écuyer): ...vous rappeler que vous avez 10 minutes pour présenter votre...

(Consultation)

La Présidente (Mme L'Écuyer): Consentement pour réduire 2 min 30 s de chaque côté...

Une voix: ...

La Présidente (Mme L'Écuyer): ...pour terminer à 6 heures?

M. McKay: Oui, oui.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Oui. Merci. Consentement. Je m'excuse. Je vais vous rappeler que vous avez 10 minutes pour présenter votre exposé, 45 minutes du côté gouvernemental et du côté de l'opposition pour des échanges. Je vais demander à M. Séguin de bien vouloir présenter la personne qui l'accompagne... et vous souhaiter la bienvenue, et vous pourrez commencer votre présentation.

Équiterre

M. Séguin (Hugo): Merci, Mme la Présidente. Mme la ministre, MM. les députés, je suis accompagné de Thomas Duchaine, qui est chargé de projet en changements climatiques ici, au bureau d'Équiterre de la Capitale-Nationale. Mon nom est Hugo Séguin, je suis coordonnateur du dossier des changements climatiques et du dossier de choix collectifs pour l'organisme Équiterre. Nous déposons aujourd'hui un mémoire à la commission cosigné aussi par la Fondation David-Suzuki et appuyé par l'organisation Vivre en ville.

Je rappelle peut-être pour ceux et celles qui ne le savent pas qu'Équiterre est une organisation environnementale qui travaille, depuis une quinzaine d'années, à travailler à faire en sorte que le Québec devienne une société modèle en matière de développement durable notamment par des programmes au niveau des transports, de l'énergie, de la consommation, des changements climatiques et de l'agriculture.

Nous sommes d'emblée favorables au projet de loi n° 42. Nous considérons que ce projet de loi là s'articule autour de deux obligations faites au gouvernement du Québec: première obligation, qui se trouve à l'article 46.3, d'élaborer par décret des cibles de réduction d'émissions québécoises de gaz à effet de serre; et l'autre articulation évidemment du projet de loi, c'est l'article 46.4, qui oblige ou fait obligation au gouvernement du Québec de créer un système de plafonnement et d'échange de crédits d'émissions de carbone, donc un marché du carbone. Nous sommes évidemment favorables à ces deux obligations avec la nuance suivante, c'est que c'est deux obligations qui ne peuvent prendre effet qu'en vertu de décisions gouvernementales ultérieures sans lesquelles le projet de loi n° 42 ne serait, à toutes fins pratiques, qu'une coquille vide. Donc, on voudrait insister là-dessus, que, sans décision gouvernementale rapide, ce n'est qu'un pouvoir habilitant. Je pense qu'on en est tous conscients.

Nous aimerions souligner, d'autre part, des points qui nous apparaissent intéressants, importants à souligner dans le projet de loi n° 42, notamment la mention, à l'article 46.3, de l'année de référence qui est 1990, qui est l'année de référence utilisée à l'échelle internationale et par la communauté internationale au niveau des changements climatiques. Donc, nous soulignons cette référence. Nous aimerions aussi noter, à l'article 46.13, la recherche d'harmonisation avec d'autres marchés en émergence ou existants, le marché du carbone, et aussi mentionner notre appui à l'article 46.15, qui vise le versement, au Fonds vert, des sommes qui seront perçues ou qui seront générées par le fonctionnement donc dudit marché.

Nous aimerions par ailleurs proposer quatre amendements au projet de loi ? je vais y aller rondement ? essentiellement un amendement à l'article 46.3, qui inclurait un nouvel alinéa, qui serait le premier alinéa, qui encadre, qui donne des paramètres de décision que le gouvernement du Québec devra prendre en considération pour déterminer ses cibles. Nulle part dans le projet de loi à l'article 46.3 on ne fait mention de l'importance de considérer les meilleures connaissances scientifiques disponibles pour déterminer les cibles. Or, les cibles ne sont pas fixées dans le ciel ou arbitrairement, les cibles ont une seule fonction, et c'est l'article 2 de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques qui l'indique, c'est d'éviter, à l'échelle internationale, des changements climatiques dangereux pour l'espèce humaine et pour l'humanité. Donc, il y a un objectif. L'objectif, il est important et il est déterminé par la science. C'est la science qui dit, dans le fond: Il faut agir en changements climatiques.

n (17 h 10) n

Donc, il faut tenir compte de ce que les scientifiques amènent et en tenir compte. Donc, nous aimerions que le projet de loi y réfère, donc aux meilleures connaissances scientifiques disponibles. Et, en le faisant, le projet de loi n° 42 devient tout à fait cohérent avec d'autres pièces législatives qui sont introduites à la fois en Europe, dans la nouvelle directive européenne créant le marché du carbone en Europe, où c'est tout à fait conforme avec le projet de loi Waxman-Markey déposé aux États-Unis, à Washington, qui fait référence aussi aux meilleures connaissances scientifiques disponibles. C'est la même chose au niveau du Climate Change Act, en Grande-Bretagne.

Donc, le Québec ne ferait que tenir compte de cet aspect important de l'enjeu. On pense que ça a été peut-être oublié ou en tout cas peut-être trop escamoté dans le deuxième alinéa, donc on préfère vous proposer un nouvel alinéa.

Est-ce que...

Une voix: ...

M. Séguin (Hugo): Oui?

La Présidente (Mme L'Écuyer): ...

M. Séguin (Hugo): Les deuxième et troisième amendements en fait au projet de loi portent sur une harmonisation des politiques gouvernementales.

Si vous remarquez, à l'article 46.3, le Québec s'oblige à déterminer des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et l'article 46.4 met en place un marché du carbone ou système de plafonnement et d'échange afin d'atteindre les cibles fixées. On veut faire remarquer qu'un marché du carbone n'est qu'un élément parmi un ensemble d'initiatives et de politiques nécessaires à l'atteinte de cibles de réduction. La manière dont le projet de loi est articulé, c'est comme si le marché du carbone n'est que le seul moyen utilisé pour atteindre la cible. On vous propose deux amendements: un à l'article 46.3, je ne les lirai pas, ce serait trop long, mais vous l'avez au mémoire... un à 46.3, un à 46.4, qui tient compte du fait que le Québec, oui, doit se donner des cibles. C'est le propre de 46.3. Il doit aussi se donner l'obligation de mettre en place, dans le cadre d'un plan d'action, les mesures nécessaires à l'atteinte de ces cibles, un marché du carbone faisant partie intégrante d'un tel plan d'action.

Donc, c'est de reconnaître qu'un marché du carbone n'est pas le seul moyen pour atteindre les cibles. En fait, il est insuffisant, le marché du carbone, pour atteindre des cibles de réduction que le Québec devrait se donner. Alors ça, c'est les deuxième et troisième amendements.

Et le quatrième amendement porte sur le mécanisme de la reddition de comptes. C'est-à-dire que, la façon dont le projet de loi n° 42 est articulé, c'est comme s'il y avait un recul par rapport à la situation actuelle. La situation actuelle, dans la reddition de comptes au Québec, c'est un inventaire qui est fait des émissions de gaz à effet de serre du Québec année après année, et on dit, par exemple: Pour l'année 2006, le Québec a émis tant de tonnes par industrie, et ainsi de suite. Si vous lisez le projet de loi, il enjoint le ministre à transmettre au gouvernement un rapport sur l'atteinte des cibles de réduction au plus tard deux ans après l'expiration de la période pour laquelle les cibles ont été fixées. Pour nous, c'est un recul parce que la situation actuelle, elle est plus transparente, elle fait obligation d'un rapport annuel... et pas un rapport en fin de période. La période peut contenir plusieurs années, mais un rapport annuel est toujours plus intéressant. Le projet de loi ne fait pas obligation non plus de rendre public le rapport que le ministre transmet au gouvernement. Donc, on propose sous forme d'amendement que le rapport soit annuel et soit rendu public également. Donc, c'est un amendement que nous apportons, que nous aimerions voir évidemment au projet de loi n° 42.

Ça met fin finalement aux quatre amendements que nous vous proposons pour considération. Cela dit, nous voudrions profiter de l'occasion pour vous soumettre trois types de considérations générales quant à l'adoption du projet de loi n° 42. D'abord, l'importance d'agir rapidement. On le disait au départ, le projet de loi n° 42 est un pouvoir habilitant et un pouvoir habilitant qui permet la création d'un marché du carbone, et se donner des cibles de réduction, ça ne serait qu'une coquille vide sans ces deux pièces maîtresses là au jeu, c'est-à-dire un décret pour les cibles et un règlement pour mettre en place un marché du carbone.

Nous recommandons donc, Équiterre et la fondation Suzuki, que le gouvernement du Québec fasse connaître rapidement, d'ici la fin de la session parlementaire, ses intentions quant aux cibles de réduction, qui seront celles du Québec, dans la période post-Kyoto, donc la période post-2012. Nous sommes également d'avis que ces cibles doivent s'inspirer largement de celles qui ont été adoptées récemment ou proposées récemment par l'Union européenne. Et nous proposons également qu'un décret portant sur ces cibles et un projet de règlement visant la création d'un marché du carbone devront être proposés dès la rentrée parlementaire, à l'automne prochain.

Il y a un enjeux fondamental, je vais conclure là-dessus, c'est l'enjeu de l'avantage qui est conféré aux premiers arrivants dans un marché. En anglais, on appelle ça un «first-mover advantage». On a parlé tout à l'heure, avec la bourse climatique, le Marché climatique, des différents systèmes de carbone dont on voit l'émergence en Amérique du Nord. Il est crucial pour le Québec d'être parmi les premières juridictions en Amérique du Nord à établir un marché du carbone parce qu'il est, il sera une des premières juridictions à en établir les règles du jeu.

Dans cet environnement-là, le Québec n'a pas à attendre les règles du jeu qui seront fixées par un autre, et en l'occurrence les règles du jeu pourraient être fixées par le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral a fait la démonstration, à notre avis, de son incapacité à accoucher d'un système de carbone juste, équitable et environnementalement efficace, et en vertu des intérêts du Québec.

On s'arrête là. On aurait pu parler d'autre chose, mais...

La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, M. Séguin. Mme la ministre, pour les 22 prochaines minutes.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup. Monsieur, sur la foulée de votre dernier commentaire, vous parlez du leadership, d'être les premiers à bouger. Vous pensez quoi du WCI?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Séguin.

Mme Beauchamp: Peut-être juste compléter la question. C'est qu'à mes yeux je me dis: Le Québec a adhéré à un regroupement régional d'États qui sont en train d'établir, plusieurs le reconnaissent, là, parce qu'à part le RQGE, comme on le sait, qui se base uniquement sur des cibles de réduction sur le secteur énergétique, au moment où on se parle, je pense qu'on peut se dire que le regroupement WCI est la démarche la plus ambitieuse d'États fédérés souhaitant prendre un leadership pour, sur des bases réglementaires et légales, mettre en place un système d'échange et... de plafonnement et d'échange de crédits carbone.

Donc, lorsque vous plaidez pour dire: On doit être les premiers... Je me dis: On est les premiers, mais sur la base d'un groupe d'États fédérés voulant marquer la cadence et faisant en sorte qu'il y a un assez bon univers, je dirais, d'échange de crédits carbone pour que ça devienne vraiment intéressant et que ça devienne équitable aussi en termes de compétitivité de nos entreprises.

Donc, c'est pour ça que, là, je me dis juste: O.K. Mais, en réponse à votre remarque, je me disais: On est dans les leaders à l'échelle de l'Amérique du Nord avec d'autres partenaires. Et je pense que le poids qu'on retrouve au WCI, je pense, est un poids assez convaincant. En tout cas, si on l'examine... Bien sûr, il y a la présence de la Californie au niveau américain puis, quand je l'examine au niveau canadien, quatre provinces représentant tout près de 80 % de la population canadienne, tout près de 75 % de son produit intérieur brut, je me dis: On est en... Et je veux voir si vous partagez mon opinion, je me dis: On est en train de marquer la cadence, vraiment, de montrer la voie, la route à suivre et marquer la cadence avec des échéanciers très clairement établis.

Je veux juste vous confirmer que, oui, il faut que ce projet de loi soit adopté à la fin... avant la fin de présente session. Oui, il faut par décret que la cible soit adoptée avant, par exemple, avant Copenhague. Oui, il faut que les déclarations dans le registre soient un autre règlement adopté avant la fin de l'année pour qu'il soit bel et bien établi au 1er janvier 2010. Donc, je suis là en me disant: Est-ce qu'à l'intérieur du WCI qui, à mes yeux, comprend non seulement d'un point de vue... de l'intérêt de ce regroupement de 11 États par la force de son volume de transactions devient d'un réel intérêt d'un point de vue de réduction de carbone et d'échanges financiers, mais en plus ce sont des États qui, je pense, jouent leur rôle de leader par rapport à leur État fédéral, est-ce que vous trouvez que c'est une marque de leadership de la part du Québec?

Parce que j'ai cru entendre dans vos commentaires comme si c'était... qu'il fallait qu'on dépasse même le WCI. Moi, je pense que c'est stratégiquement... je pense que c'était important pour le Québec d'établir des partenariats et d'être sûr qu'à la fin de l'histoire ce ne soit pas, sur la stricte base du territoire québécois, un outil qui devient un outil d'inéquité commerciale pour nos entreprises.

Donc, je veux juste vous entendre: Est-ce que c'est le bon chemin, le WCI? Et je l'ai dit avant que vous arriviez dans cette salle, mais c'est très clair qu'on est dans un contexte de mouvance qui crée son lot d'incertitudes et de questionnements du côté industriel, et tout ça. Vous avez vous-mêmes fait référence au dépôt du projet de loi américain. Mais je suis là et je me dis: Il me semble... j'ai encore la prétention de dire: On a pris la bonne stratégie: des alliances avec des partenaires importants, capables de marquer le jeu et, à mon sens, capables, même si on devait... ce n'est pas ce qui semble vouloir se passer au niveau américain, au niveau canadien, c'est encore nébuleux, mais, même si les deux gouvernements fédéraux américain et canadien devaient ne pas du tout bouger, imaginons ce scénario, moi, je crois que, sur la base du WCI, les États membres sont capables d'instaurer un vrai marché de plafonnement et d'échange de crédits carbone. Il me semble qu'on avait bâti les bonnes alliances.

Donc, je voudrais peut-être vous entendre sur... votre message sur le leadership, et je me dis: Il me semble que c'est exactement ça qui est en train d'être fait. Non?

n (17 h 20) n

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Séguin.

M. Séguin (Hugo): Il y a deux questions à votre question. Qu'est-ce qu'on pense de WCI. On est tout à fait favorables à l'action des provinces et des États qui se sont... dont le Québec fait partie, qui se sont regroupés, notamment l'absence de leurs gouvernements fédéraux respectifs, puis qui ont décidé de ne pas les attendre puis de bouger. C'est une manifestation claire de leadership.

Ceci dit, le Québec, le premier ministre du Québec et le premier ministre de l'Ontario ont aussi voulu faire preuve de davantage d'ambition que le WCI en signant conjointement, le 2 juin 2008, une entente de principe par laquelle ils s'engageaient ? ils s'engagent toujours, d'ailleurs ? à mettre en oeuvre dans leurs deux provinces respectives un marché du carbone dès le 1er janvier 2010.

L'Ontario, d'ailleurs, a consulté ses industriels et ses parties prenantes en décembre et en janvier derniers et, dans le document de consultation du gouvernement ontarien, on ne s'y trompe pas, dans le fond, dans le leadership. On dit: Il est stratégique pour le Québec et l'Ontario d'être les premiers à mettre en oeuvre un marché du carbone avant les dates d'entrée en vigueur du WCI pour être les deux juridictions en mesure d'y établir les règles du jeu.

Et c'est pour ça, jusqu'à un... Il y a deux raisons pour lesquelles on souhaite que le Québec aille rapidement de l'avant. Un, c'est que le projet de loi est un bon projet de loi. Il faut y donner vie rapidement, par décret pour les cibles, et un règlement pour le marché du carbone, c'est bien évident. Mais nous sommes convaincus de la justesse de l'argument du gouvernement ontarien, qui dit que, conjointement, le Québec et l'Ontario devraient aller plus vite que les échéanciers du WCI et mettre en place un marché du carbone conjoint pour être ceux qui vont être... qui vont apprendre les premiers d'un marché du carbone, et donc, en influencer les autres.

Et, pour nous, c'est un argument majeur au jeu, que nous vous réitérons. En fait, on se trouve dans la situation de vouloir plaider pour le respect de l'engagement du premier ministre Charest et du premier ministre McGuinty.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Bien, ça nous permet... cet échange nous permet aussi de clarifier le fait qu'on le disait, c'est en grande mouvance, et vous êtes encore peut-être mieux placé que moi, d'un point de vue même international, pour le dire que tout ça est en grande mouvance. Sûrement que vous avez pris connaissance hier de la position du gouvernement ontarien qui, maintenant, se rallie à la cible de travail du WCI et qui, dans ses papiers émis hier, disait donc que: La cible, c'est l'établissement de ce marché de plafonnement et échange de crédits carbone pour 2012.

Peut-être mentionner donc, pour la courte histoire, c'est que ce projet a été signé au moment où l'Ontario n'était pas membre du WCI. Et nous, à l'époque, et je l'avais déjà exprimé très clairement, c'était... vraiment, vraiment l'image que j'employais, c'est d'avoir plusieurs chaudrons sur le feu, en disant: Nous, tous les moyens qu'on pouvait prendre, et c'est encore vrai aujourd'hui, pour stratégiquement et politiquement exprimer la volonté du gouvernement du Québec de presser le gouvernement fédéral canadien de faire les bons choix, on a pris tous les moyens à notre disposition, y compris cette alliance avec l'Ontario. Depuis ce temps, l'Ontario a été admis au WCI, et, vraiment, on se rallie au fait qu'on doit prendre maintenant ce grand regroupement et la cadence dictée à l'intérieur du WCI.

Je veux laisser du temps à mes collègues. Je veux quand même... Parce qu'il est important de mentionner que vous avez constitué ? et je tiens à vous en féliciter ? vous avez constitué un grand regroupement de partenaires, à l'intérieur de ce que, moi, j'ai appelé familièrement souvent «un secrétariat», là, «international», mais, je pense, maintenant vous l'avez baptisé la «campagne d'action pour le changement climatique au niveau international». Mme la Présidente, ça donne à nos invités aujourd'hui, et Équiterre et la Fondation David-Suzuki, ça leur donne une perspective internationale extrêmement précieuse, dont on ne peut pas se passer.

Je voulais juste vous demander... Donc, on s'en va aussi vers Copenhague et, honnêtement, depuis le début de nos travaux, vous êtes nos troisièmes invités, on n'a pas encore beaucoup échangé sur la question des négociations à Copenhague. À la lumière donc de vos alliances au niveau international, est-ce que vous pouvez commenter sur... Aujourd'hui, on est en juin, par rapport aux négociations à Copenhague, vous voyez comment la place, dans ces négociations internationales, de la reconnaissance de systèmes de marchés du carbone? Et, vous-même, dans votre mémoire, vous dites: Il y a la notion de la taxe sur le carbone, il y a d'autres notions, mais le gouvernement américain a indiqué son choix d'un système également de «cap and trade». Et que pensez-vous de ce système? Vous pensez que ça va prendre quelle place dans la négociation, à Copenhague, un tel système, lorsqu'on tient compte des économies émergentes? Je voudrais vous amener à commenter cela dans la perspective de Copenhague.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Séguin.

M. Séguin (Hugo): Il faut comprendre que la conférence de Copenhague, elle va... D'abord, merci, Mme la ministre, de la question. Je pense que c'est une belle question. La conférence de Copenhague va donner naissance à ce qu'on appelle la deuxième période d'engagement du Protocole de Kyoto, c'est là que devrait être élaborés les objectifs de réduction de la deuxième période.

Le premier objectif de la réduction, on la connaît, hein, c'est la période 2008-2012. Et après, 2013-2017, c'est quoi, les objectifs plus profonds, plus importants que les pays industrialisés et les autres pays non industrialisés ou en voie d'industrialisation vont se donner?

Le marché du carbone américain et nord-américain est un enjeu crucial de crédibilité de l'administration américaine dans ces négociations-là. C'est fondamental qu'il y ait un signal politique à Washington quant à la création d'un marché du carbone à l'échelle américaine pour que la Chine, l'Inde, le Brésil, la Russie, des grands pays qui sont des émetteurs de gaz à effet de serre de plus en plus croient maintenant les pays industrialisés lorsqu'ils disent: Nous ferons notre part. Si les Américains ne montrent pas qu'ils vont mettre en oeuvre un marché du carbone rapidement, il va être très difficile de convaincre les Chinois, les Indiens, les Brésiliens, les Sud-Africains, les Indonésiens de faire leur part aussi. Donc, c'est crucial.

Il faut dire qu'on a beaucoup misé, durant l'administration Bush, sur l'action de provinces comme le Québec, comme l'Ontario, le Manitoba, Colombie-Britannique et des États américains pour combler le vide qui était créé par l'absence du gouvernement fédéral américain et par l'absence maintenant du gouvernement fédéral canadien. Donc, c'est un enjeu qui est très crucial.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Vanier.

M. Huot: Merci, Mme la Présidente. À mon tour de vous souhaiter la bienvenue. Moi, compte tenu de votre expertise aussi peut-être à l'international, de tout ce que vous regardez, moi, je m'interroge. J'ai posé la question plus tôt à un groupe avant vous aussi sur toute la question de la vérification du suivi. Là, ce qu'on... disons, ce qu'on peut dire, l'expression de Mme la ministre, c'est chaque industriel, chaque entreprise remet comme une espèce de rapport d'impôt, dans le fond, sur ses émissions de gaz à effet de serre.

Donc, comment vous voyez ça, vous, comment on doit assurer la vérification de tout ça, des rapports qui sont remis, dans le fond, par les entreprises? Comment on doit faire? Quel type de mécanisme de suivi on doit mettre en place? Vous vous êtes dans doute questionnés sur ça, vous avez peut-être vu des bonnes pratiques qui peuvent exister à quelque part. Moi, j'aimerais ça vous entendre sur cette question-là, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Séguin.

M. Séguin (Hugo): Bien, c'est-à-dire, puis vous m'arrêterez si je dis des stupidités, mais, au Québec, il y a un règlement sur les déclarations obligatoires des émissions de gaz à effet de serre. À mon souvenir, c'est une déclaration qui est... c'est une autodéclaration, ce n'est pas des inspecteurs qui passent. Alors, je pense que le régime est un régime de confiance envers l'émetteur et probablement un régime aussi de vérification, une sorte de «spot check», là. J'imagine que c'est un peu comme ça que ça fonctionne. Je pense que c'est la façon la plus intelligente de faire les choses. Il ne nous apparaît pas, là, à sa face même qu'au Québec on aurait une fraude énorme sur les déclarations de gaz à effet de serre. Donc, je pense que le régime en place est relativement solide à cet effet. J'espère que je réponds à votre question.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Vanier.

M. Huot: Oui. bien, oui, je vous dirais, si on mettait tout ça en lien avec toute la question d'harmonisation peut-être du WCI, entre autres, comment on peut s'assurer... Je me questionne, là, en même temps, là: Comment on peut assurer un suivi équitable pour tout le monde, dans le fond? Est-ce que c'est quelque chose qui est relativement facile à faire, d'après vous?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Séguin.

M. Séguin (Hugo): Je pense qu'il faut distinguer deux choses: c'est la déclaration des émissions des entreprises et la validation de leur réduction. C'est deux choses complètement différentes.

Je pense que la complexité est plutôt dans la validation de ce que les entreprises vont considérer être des réductions. L'enjeu international un peu, à l'heure actuelle, dans ce qu'on appelle le mécanisme de développement propre, donc l'achat de crédits d'émission dans des pays autres que là où l'entreprise a sa principale place d'affaires, c'est un des enjeux techniques les plus complexes. Donc, comment reconnaître une véritable réduction? Ça, c'est autre chose, mais je pense qu'il faut distinguer les deux.

Je crois comprendre que votre question porte plutôt sur la déclaration des émissions par entreprise. À ce niveau-là, je pense qu'il n'y a pas de meilleure pratique. Je pense que la pratique au Québec est relativement correcte.

n (17 h 30) n

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Maskinongé.

M. Diamond: Merci, Mme la Présidente. M. Séguin, M. Duchaine, donc, à votre avis, comment le gouvernement du Québec devrait-il tenir compte de la compétition internationale dans l'établissement des plafonds d'émissions et la distribution des droits d'émissions dans le secteur industriel?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Séguin.

M. Séguin (Hugo): Merci de votre question, M. le député de Maskinongé. Notre organisation n'a pas la prétention de comprendre les mécaniques particulières d'un marché du carbone. Ce sont des choses extrêmement complexes, qui nous amènent à sortir un peu de notre zone de confort, je vous dirais. Je pense qu'il y a des experts qui peuvent vous parler, par exemple, du principe de «leakage», en anglais, comment faire pour éviter que, soumises à de la réglementation environnementale ici, des entreprises ne déménagent pas pénates dans un pays où il n'y aurait pas ce genre de mécanisme de réglementation environnementale là. Je pense que là est... la réponse à cette question-là, c'est le noeud du problème de compétitivité.

Maintenant, ce problème de compétitivité là pouvait se poser dans un contexte où, aux États-Unis, à l'échelle fédérale américaine, il ne semblait pas y avoir de mécanisme très contraignant pour les émetteurs de gaz à effet de serre. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Il semble se dégager une espèce de situation où il y a des règles communes qui vont se donner entre... qui vont éventuellement se donner entre les États-Unis et le Canada ou entre des provinces canadiennes et des États américains, ce qui vient un peu régler un peu la question de la compétitivité.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Oui. Moi, j'aimerais vous entendre encore une fois, parce que je veux profiter de votre présence, là, par le fait que vous avez beaucoup d'alliances au niveau international. Moi, je voudrais vous entendre sur quelles sont les opportunités pour le Québec par rapport à des projets qu'on appelle, là, les projets de crédits compensatoires.

On dit que des fois il pourrait y en avoir dans le secteur de la forêt, dans le secteur de l'agriculture. Comment vous voyez ça? Vous savez comme moi que c'est des secteurs où on dit encore, d'un point de vue justement scientifique, que c'est parfois difficile de vraiment quantifier les gains en termes d'évitement d'émissions de gaz à effet de serre.

Mais je voudrais peut-être un peu plus vous entendre sur... Vous qui sûrement avez une perspective très large sur le fait de dire: Non seulement il y a la lutte aux changements climatiques, mais tant mieux si on est capables de faire d'autres gains aussi d'un point de vue environnemental, la biodiversité, etc., comment vous voyez ça, les opportunités pour le Québec?

Puis avez-vous pensé aussi quelles sont les responsabilités du Québec par rapport à l'international, par rapport à ce qu'on appelle, donc, les pays en voie de développement? Je pense, lors du dernier Sommet de la Francophonie, il y avait des pays africains, par exemple, qui plaidaient beaucoup pour le soutien d'États comme l'État québécois ou d'autres États occidentaux, en disant l'importance d'appuyer des projets qui deviendraient des projets, donc, reconnus comme des crédits compensatoires, mais des projets ailleurs. Donc, je pourrais peut-être... Déjà le Protocole de Kyoto prévoit des mécanismes de développement propre.

Mais je veux plus vous entendre, c'est quelque chose dont on n'a pas encore beaucoup parlé, mais c'est quoi, votre perspective là-dessus, sur des projets qu'on appelle... qui pourraient être des crédits compensatoires?

La Présidente (Mme L'Écuyer): Il vous reste à peine deux minutes, M. Séguin.

M. Séguin (Hugo): Écoutez, on va le séparer en deux. Effectivement, c'est un enjeu qui est extrêmement compliqué, au niveau de la reconnaissance de la forêt comme puits de carbone, par exemple, qui est une façon de trouver une compensation en termes d'émissions de gaz à effet de serre. Pendant très longtemps au Canada on pensait que la forêt canadienne était un puits de carbone, donc, elle emmagasinait du carbone. On s'est rendu compte assez récemment qu'au contraire la forêt canadienne est un émetteur de carbone. Donc, au lieu de... on passait d'un puits de carbone à un émetteur de carbone. Donc, la science, elle n'est pas encore unanime sur notre capacité de se servir de nos terres, de l'affectation de nos terres à des fins de puits de carbone. Donc, je pense que c'est un enjeu pour lequel il faudrait encore mettre un peu d'effort en recherche.

D'autre part, le Québec a une personnalité internationale qu'il s'est forgée contre vents et marées pendant des décennies. Le Québec est la seule province canadienne à avoir une perspective internationale aussi intéressante, aussi progressiste que le Québec. Ça, je dis ça, là, tous gouvernements confondus. C'est une signature particulière du Québec, ça, à l'échelle internationale d'être un État fédéré qui a des prétentions internationales et qui les assume bien. Dans le dossier des changements climatiques, c'est une carte de visite immanquable, incontournable pour le Québec.

Vous amenez l'enjeu de la solidarité envers d'autres pays qui sont directement affectés par les impacts actuels des changements climatiques. Ces pays-là, c'était inévitable, c'est les pays les moins capables de faire face aux changements climatiques et à leurs perspectives. Comme société riche, très riche comparativement à ces sociétés-là, on a un devoir de solidarité qu'on peut exprimer de diverses façons, et je pense que si le Québec voulait montrer cette solidarité-là, il serait, comme quelques pays européens, très, très développé à ce niveau-là. Le Danemark, la Norvège, ce sont des pays qui ont compris leur obligation internationale et qui font preuve d'une forte solidarité envers les plus démunis.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, monsieur...

M. Séguin (Hugo): Je pense que le Québec aura un grand rôle à jouer, mais ce serait à vous à déterminer comment.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, M. Séguin. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de L'Assomption pour les 20 prochaines minutes.

M. McKay: Merci, Mme la Présidente, et bonjour, bienvenue à ces consultations particulières, et merci d'avoir, justement, collé... de vous être collés de très près au projet de loi et nous faire des recommandations même au niveau d'amendements, de libellés d'amendements, alors c'est apprécié. On a déjà, vraiment, des propositions très concrètes, là, je vous en remercie. Et elles sont suffisamment claires et précises, je crois, pour qu'on n'ait pas à vous questionner beaucoup là-dessus, vous l'avez très bien... vous les avez très bien introduites.

Par rapport à ce que vous avez mentionné récemment, dans votre récente intervention, vous disiez que, bon, le Québec, justement, a des prétentions en matière de positionnement international et les assume bien. Par rapport à Copenhague qui s'en vient au mois de décembre, comment vous pensez que le gouvernement du Québec peut, justement, imposer sa stratégie ou arriver à, à tout le moins, influencer un tant soit peu ceux qui parlent au niveau international en notre nom, c'est-à-dire le gouvernement qui est parmi les plus grands cancres par rapport à Kyoto sur la planète, c'est-à-dire le Canada?

Donc, est-ce que... Bon, vous avez mentionné que le Québec devrait faire connaître le plus rapidement possible ses cibles, des cibles qu'on espère qui seront ambitieuses. En tout cas, si on retient votre proposition d'amendement qui est de se baser sur des cibles établies... des objectifs établis scientifiquement, bien, effectivement, je pense que ces cibles vont devoir être ambitieuses. Donc, est-ce que, d'après vous, quels gestes, là, vont être... seraient nécessaires ou souhaitables pour qu'on pense que le Québec puisse influencer le plus possible la position du Canada et, j'imagine, réclamer que la position du Canada soit aussi, éventuellement, rendue publique avant Copenhague?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Séguin.

M. Séguin (Hugo): Merci, M. le député. Effectivement, le Québec a un rôle important à jouer dans l'influence qu'il peut avoir au sein de la fédération canadienne. Un des enjeux de Copenhague, ce sera les objectifs de réduction que le Canada acceptera pour lui-même dans cette négociation-là. Il est évident que la fédération canadienne n'est pas du tout unie sur cette question-là. Il y a des provinces beaucoup plus proactives, le Québec en fait partie, mais n'est pas la seule province proactive, mais en fait certainement partie, puis il y a des provinces qui préféreraient ne pas avoir d'objectifs très contraignants, si on comprend les règles du jeu.

Pour répondre concrètement à votre question, d'ici Copenhague, nous souhaitons que le gouvernement du Québec s'oblige par décret ? c'est une des obligations du projet de loi n° 42 ? s'oblige à respecter des cibles solides au niveau des réductions dans la deuxième période... période d'engagement du Protocole de Kyoto. Il y a un enjeu stratégique aussi. Il est mieux pour le Québec de définir lui-même ses propres cibles que se les faire imposer par le gouvernement fédéral. Je pense qu'il y a quelque chose d'intéressant à regarder de ce côté-là. Mais, d'autre part, le Canada peut difficilement ne pas être contraint par différentes provinces qui vont dire publiquement: Voici les objectifs que nous nous donnons. Donc, je pense qu'il y a un effet d'entraînement intéressant que le Québec peut faire.

n (17 h 40) n

D'autre part, je dois rappeler qu'il existe la loi sur les relations internationales du Québec, qui stipule très clairement que, pour se sentir lié par un accord international négocié et signé en son nom par le gouvernement fédéral, le Québec doit non seulement s'enquérir de la position fédérale, doit s'en satisfaire. S'il ne s'en satisfait pas, il doit faire les représentations nécessaires au gouvernement fédéral pour ensuite adopter, par voie de déclaration à l'Assemblée nationale, ledit projet de loi. Donc, le Québec ? et j'espère de tout coeur que c'est le rôle qu'il joue actuellement ? il doit activement, et c'est la Loi sur les relations internationales du Québec qui l'y oblige, il doit faire pression sur le gouvernement fédéral pour que la position que le fédéral défendra au nom du Québec soit cohérente avec la volonté des parlementaires du Québec.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.

M. McKay: Oui. Je pense que ça a été établi aussi assez clairement, notamment avec l'échange que vous avez eu avec la ministre tout à l'heure, que, bon, la stratégie québécoise a été modifiée, disons, par rapport à l'entente qui a été signée l'an dernier par les deux premiers ministres, là, du Québec et de l'Ontario, puisqu'à ce moment-là on mentionnait que le marché du carbone devrait être en application, là, à partir du 1er janvier 2010, et maintenant on parle plutôt de 2012. Et ce qu'on comprend, c'est que maintenant on a modifié la stratégie pour élargir aux autres provinces et états américains qui font partie de la Western Climate Initiative, donc la WCI.

J'ai cru comprendre par vos propos ? je ne sais pas si on peut aller aussi loin que ça ? que, dans le fond, la WCI était extrêmement utile lorsque les deux gouvernements fédéraux finalement reniaient les objectifs de Kyoto. Maintenant que le président Obama a pris une position radicalement différente, est-ce que la WCI... est-ce que le fait pour le Québec d'adhérer comme ça en bloc, là, avec la WCI, c'est aussi pertinent? Et est-ce que vous trouvez que le projet de loi n° 42 qui est devant nous actuellement, est-ce qu'il est trop, on pourrait dire, «WCI dépendant», ou s'il est suffisamment... il a le potentiel d'être suffisamment flexible pour s'adapter à la situation si, comme d'autres intervenants avant vous l'ont un peu anticipé, si les États américains devaient prendre un chemin différent, là, de celui qui a été emprunté jusqu'à maintenant par la WCI?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Séguin.

M. Séguin (Hugo): Je vais emprunter un terme que la ministre a utilisé: tout est en mouvance. C'est vrai. J'écoutais M. Bitton tout à l'heure, et tout est évidemment en mouvance.

Votre question: Est-ce que le projet de loi n° 42 est trop «WCI dépendant»? Il faut... On va le séparer en deux, hein? 42, il a deux obligations: il y a donner les cibles, ça, c'est indépendant de la WCI, dans le fond; et il y a le marché du carbone, qui, lui, est plus collé sur le WCI. Nous sommes d'avis, du même avis que M. Bitton tout à l'heure, que le Québec est trop petit comme marché pour avoir son propre marché du carbone. Il faudrait que d'autres experts nous fassent la démonstration inverse. Mais, à notre avis, pour qu'un marché du carbone au Québec soit viable, il faut absolument l'accrocher avec... à d'autres juridictions. Alors, pour l'instant, la seule offre sur la table pour le Québec, c'est le WCI.

D'autre part, ce n'est pas un prix de consolation, le WCI, c'est le regroupement d'États aux États-Unis et au Canada qui ont le plus réfléchi et qui sont le plus loin dans la détermination des règles du jeu d'un marché du carbone. Et c'est extrêmement stratégique pour le Québec d'y mettre pas mal d'énergie, d'autant plus qu'en déterminant les règles du jeu dans un WCI notre espoir, à la Fondation David-Suzuki et à Équiterre, c'est que les fédéraux américain et canadien n'aient pas le choix que d'adopter une grande partie de ces règles-là comme base pour les règles éventuelles de leurs propres marchés. Éventuellement, nos deux organisations, on serait très favorables à l'idée qu'il y ait un marché unifié d'une façon ou d'une autre à l'échelle nord-américaine. Mais, pour l'instant, le WCI nous apparaît le véhicule, pour le Québec, le plus approprié.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.

M. McKay: Je laisserais la parole à un collègue.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui, Mme la Présidente. Vous mentionnez que vous avez des inquiétudes par rapport à la réduction des gaz à effet de serre, notamment dans le secteur du transport, que, dans le fond, c'est un secteur qui vous apparaît plus particulièrement problématique. Est-ce que vous auriez des suggestions... Bon. Vous dites: Il faut aller vers le collectif, ça, on est d'accord. Mais des solutions, est-ce que vous auriez des précisions par rapport à des gestes qu'on pourrait faire qu'il se fait dans d'autres pays ou que vous auriez... que vous souhaiteriez qu'au Québec on puisse mettre de l'avant? Est-ce que vous auriez des exemples à cet effet-là qui pourraient nous inciter, on pourrait dire, à diminuer nos émanations au niveau du transport?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Séguin. M. Duchaine.

M. Duchaine (Thomas): Merci de poser cette question. En fait, le secteur des transports, effectivement vous soulignez que c'est le secteur principal d'émissions de gaz à effet de serre au Québec, et le poste principal, c'est l'automobile et le transport par marchandises. Et donc, à notre avis, un des points, une des cibles fondamentales, si on veut faire des gains en termes d'émissions de gaz à effet de serre ou des réductions de dépendance au pétrole et de consommation de produits pétroliers dans le secteur des transports, c'est de trouver un moyen de diminuer le nombre de voitures sur les routes. Et, pour ce faire, il faut voir plus largement le cadre du transport et penser aux enjeux d'aménagement du territoire. Et, à ce moment-là, on touche à toute une série de mesures et de politiques législatives autant que réglementaires qu'il faut regarder, notamment la loi sur l'aménagement du territoire, la Loi sur la protection du territoire agricole. Il y a un paquet de mesures et de lois en cours qui ont une influence directe sur le secteur des transports. Et donc le secteur des transports, il faut le voir plus largement, plus macro, et sortir simplement des enjeux de transport, voir tous les secteurs qui y sont directement reliés pour aller faire des gains importants en matière de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Je suis d'accord avec vous. Mais est-ce que, si je vais un petit peu plus loin, ce seraient quoi, des éléments qui sont mis en place en Europe, par exemple, ou dans d'autres pays, qui pourraient s'adapter chez nous, qui ont eu des succès?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Duchaine.

M. Duchaine (Thomas): Bien, évidemment, ce qu'on voit dans les modèles européens et même aux États-Unis, c'est, vous l'avez mentionné, les enjeux de transport de... mettre un effort substantiel vers le transport collectif. Et donc la première opération qui se fait dans ces villes-là et dans ces pays-là, par exemple sur le plan du transport automobile, c'est d'éviter les autoroutes urbaines, ce que le Québec actuellement semble, au niveau de nos politiques, on continue dans cette direction-là. À Montréal actuellement, il y a des projets sur la table qui font en sorte qu'on continue notre... à accentuer notre dépendance au transport automobile. Et c'est la direction inverse qui est prise actuellement dans le monde pour faire des gains en termes de réduction de la dépendance au pétrole et réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Donc, pour répondre à votre question, des gestes significatifs, c'est d'être cohérents en matière de transport et notamment de sortir de la direction du tout-à-l'auto vers une autre direction qui inclut des éléments de transport collectif, de transport des marchandises sur rails, d'aménagement du territoire, d'agriculture à une échelle basée sur les réseaux et les circuits courts.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte: Oui, j'aimerais ça entendre votre opinion par rapport au Fonds vert. On a... le conseil patronal nous a mentionné tantôt dans son mémoire une certaine crainte pour eux, une certaine ambiguïté par rapport aux sommes qui seraient mises dans le Fonds vert. Donc, il y aurait, dans la formulation qui est dans le projet de loi, là, il pourrait y avoir une certaine ambiguïté avec un «qui» de trop. Donc, j'aimerais ça voir avec vous qu'est-ce que... si vous voyez l'article tel que rédigé actuellement, si ça pose problème ou pas.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Séguin.

M. Séguin (Hugo): J'aurais beaucoup de misère à voir... Quelle était la problématique?

M. Turcotte: Article 46.15.

M. Séguin (Hugo): 46.15, mais quelle était la problématique qui est soulignée par le CPEQ?

La Présidente (Mme L'Écuyer): ...Saint-Jean.

M. Turcotte: Dans leur mémoire, ils mentionnaient que... vous voyez, quatrième ligne, premier alinéa de l'article 31, virgule «qui sont versées», eux mentionnaient que le «qui» semblait de trop parce qu'il... ça pourrait être mentionné que seulement les sommes qui sont versées dans le fonds serviraient pour le reste.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Séguin.

n (17 h 50) n

M. Séguin (Hugo): Écoutez, de façon générale, je n'ai pas étudié attentivement les effets pervers de l'existence de ce «qui». Je suis sûr que, si le CPEQ l'a souligné, c'est que ce n'était pas trivial pour eux, alors je suis convaincu qu'il y a peut-être quelque chose... il y a une matière à réflexion.

Ceci dit, on est très contents que les sommes qui sont perçues, qui seraient éventuellement perçues par un marché du carbone, soient versées au Fonds vert plutôt qu'au fonds consolidé. C'est un vieux débat, hein? Mais il y a une enjeu de recyclage de ces sommes-là soit pour diminuer l'impact négatif sur certains groupes, certains secteurs ou soit pour bonifier des mesures de réduction de gaz à effet de serre. Donc, on voit ça d'un très bon oeil. Mais plus que ça...

M. Turcotte: Donc, je comprends de votre intervention que vous voulez que toutes les sommes soient versées au Fonds vert.

M. Séguin (Hugo): Les sommes recueillies dans le cadre... au net j'imagine, parce qu'il a des frais d'administration, mais, au net, soient versées au Fonds vert, oui.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.

M. Turcotte: J'aurais une autre question par rapport au pouvoir de sanctionner. Dans le projet de loi, on confie le mandat au gouvernement du Québec par décret. Je voulais voir avec vous comment vous voyez ça. Est-ce que vous voyez que c'est mieux que ce soit le gouvernement par décret ou que ce serait mieux que ce soit l'Assemblée nationale qui ait le mandat de faire ça?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Séguin.

M. Séguin (Hugo): Il faudrait voir si c'est un... C'est de la mécanique parlementaire qui m'échappe un petit peu, mais j'ai l'impression que, traditionnellement, le pouvoir de sanction est un pouvoir gouvernemental plutôt qu'un pouvoir législatif, mais je peux me tromper.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte: Donc, est-ce que vous considérez que c'est une bonne chose que ce soit le gouvernement qui décide ou est-ce que vous seriez d'accord que tous les députés puissent avoir un mot à dire par rapport au pouvoir de sanctionner?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Séguin.

M. Turcotte: Les règlements, là, proprement dits, là. La réglementation.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Séguin.

M. Séguin (Hugo): Je pense que le pouvoir de l'Assemblée nationale, c'est de sanctionner le gouvernement si jamais il ne respecte pas ses propres engagements. C'est le rôle du parlementaire de veiller à ce qu'effectivement l'exécutif exécute les voeux du législatif. De là à être celui... que les parlementaires aient la responsabilité de veiller à ce que les joueurs, dans un futur marché du carbone, obtempèrent aux règlements, je pense qu'il faut laisser ça à l'exécutif.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.

M. McKay: Oui. Merci. Je sais que vous avez... vous êtes intervenu comme organisme à plusieurs reprises sur toute la question du pétrole provenant de l'exploitation des sables bitumineux, que je crois que vous avez même qualifié de «pétrole sale». Bon. On sait qu'il y a actuellement un projet de réglementation annoncé en Californie pour prendre en compte, donc, l'intensité de carbone à l'intérieur des combustibles. Je n'ai pas eu l'occasion de réfléchir beaucoup à cette question-là, donc peut-être vous pourriez un peu alimenter notre réflexion par rapport à la... le lien finalement entre ce marché du carbone qu'on veut établir ici, au Québec, et le pétrole qui vient de l'Alberta. Je sais qu'il y a un projet de pipeline, là, le Trailbreaker qui est en cours actuellement.

Donc, est-ce qu'il y aurait lieu, pour le gouvernement du Québec, d'agir rapidement puis de... pour éviter que ce projet se réalise ou est-ce qu'on ne devrait pas attendre, en 2012, que le marché du carbone s'en occupe?

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Séguin.

M. Séguin (Hugo): M. le député, je pense que vous mettez le doigt sur le problème fondamental dans la politique climatique canadienne, c'est les sables bitumineux. S'il y a une raison pour laquelle le Canada, comme gouvernement, est incapable d'arriver avec une législation environnementale qui a de la gueule, qui a du poids, en changements climatiques, c'est bien l'existence des sables bitumineux.

C'est la première source de la croissance des émissions canadiennes de gaz à effet de serre. La croissance prévue des émissions de l'Alberta au niveau des sables bitumineux est estimée par le gouvernement fédéral à 108 Mt en 2020. C'est plus, et c'est substantiellement plus que les émissions totales du Québec. Toute la croissance actuellement prévue des sables bitumineux effacerait, et de beaucoup, tout gain de la réduction de gaz à effet de serre ici, au Québec. C'est l'enjeu fondamental au Canada, c'est celui-là.

La question, c'est: Est-ce que le gouvernement canadien va réussir à imposer une contrainte aux sables bitumineux ou va lui donner la permission de continuer à croître?

Le Québec, dans un cas comme ça, a un certain nombre de choix. Il peut laisser faire et considérer que tout gain que nous ferons à l'arraché au Québec, de réduction sera complètement annihilé par l'Alberta. On peut faire ça. Ou on peut très bien dire: Qu'est-ce qu'on contrôle ici pour ne pas être complice de ça? Il y a un premier contrôle effectivement, vous le dites, il y a un projet de pipeline qui ferait transiter des sommes substantielles, des quantités substantielles de pétrole des sables bitumineux par le Québec. On peut très bien se dire, comme gouvernement: Nous, passez ailleurs, ne passez pas chez nous, passez ailleurs, question de savoir si on veut être complices ou pas.

Vous mentionnez aussi un projet de loi en Californie qui porte sur des carburants à faible teneur en carbone. Ça tombe bien, chez Équiterre, on est en train de travailler là-dessus, on se pose la question, on va soumettre un document à la consultation là-dessus bientôt. C'est une façon que le Québec pourrait se donner pour dire: Dans le «mix» de carburant qui sera vendu au Québec, ça prend un carburant qui est plus faible en carbone, et effectivement des pétroles qui sont plus lourds comme le pétrole de l'Alberta ou le pétrole du Venezuela pourraient être désavantagés dans une telle réglementation, c'est vrai, mais ce n'est pas la seule.

Dans le dernier Energy Act aux États-Unis, il y a la fameuse ligne 526. La ligne 526 du Energy Act américain dit que le gouvernement américain ne peut pas acheter pour ses propres fonctions du pétrole non conventionnel lourd en carbone. Donc, le gouvernement fédéral américain s'interdit d'acheter du pétrole de l'Alberta. C'est quand même un peu particulier. C'est une ligne budgétaire adoptée sous l'administration Bush un peu particulière, un peu bizarre, mais ça existe. Le Québec peut très bien dire: Moi, dans mes approvisionnements gouvernementaux, j'achèterai du pétrole moins dommageable pour l'environnement. Ça peut être une option, ça aussi.

Mais, encore une fois, le Québec a une question à se poser: Est-ce qu'on veut être complice de ça ou on veut faire partie de la solution?

La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, M. Séguin. Je tiens à vous remercier de votre présentation, M. Séguin et M. Duchaine, membres de la commission.

J'ajourne les travaux jusqu'à demain, après les affaires courantes, vers 11 heures, où la commission se réunira afin de poursuivre ce mandat. Je vous remercie, tout le monde, de votre collaboration.

(Fin de la séance à 17 h 57)


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