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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 16 juin 1983 - Vol. 27 N° 114

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi 17 - Loi modifiant le Code du travail et diverses dispositions législatives


Journal des débats

 

(Onze heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Blouin): La commission élue permanente du travail reprend ses travaux. Je rappelle le mandat de la commission qui est d'étudier, article par article, le projet de loi 17, Loi modifiant le Code du travail et diverses dispositions législatives.

Les membres de cette commission sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Cusano (Viau), Bordeleau (Abitibi-Est), Johnson (Anjou), Dupré (Saint-Hyacinthe), Marquis (Matapédia), Lavigne (Beauharnois), Ciaccia (Mont-Royal), Lachance (Bellechasse), Paradis (Brome-Missisquoi), Rocheleau (Hull), Mme Lachapelle (Dorion).

Les intervenants sont: MM. Bélanger (Mégantic-Compton), Champagne (Mille-Îles), Fortier (Outremont), Leduc (Fabre), Maciocia (Viger), Payne (Vachon), Polak (Sainte-Anne), Proulx (Saint-Jean), Vaugeois (Trois-Rivières).

Sans plus tarder, je cède la parole au ministre des Affaires sociales qui nous livrera, si j'ai bien compris, ses remarques préliminaires, il est le ministre du Travail par intérim.

Remarques préliminaires M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): Je travaille de façon constante, M. le Président, mais, du Travail par intérim.

Le Président (M. Blouin): Très bien! Alors, ministre du Travail au travail. M. le ministre, pour vos remarques préliminaires.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je pense que nous abordons l'article 1. Au moment où nous abordons l'article 1, je fais ces remarques préliminaires. Est-ce qu'on considère qu'elles précèdent...

Le Président (M. Blouin): Habituellement elles précèdent, selon les règlements.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je pense que beaucoup de choses ont été dites jusqu'à maintenant. Je ne dirais pas qu'elles ont toutes été pertinentes sur l'essentiel de ce projet, encore une fois, qu'on ne peut pas qualifier d'un projet de nature purement technique, c'est bien évident. Au contraire, c'est un projet d'importance. Il est d'importance non seulement par ses objectifs mais par les techniques qu'il utilise. Il est important quant à ses objectifs. L'objectif central de ce projet de loi, c'est de rajeunir et de dépoussiérer le Code du travail à l'égard de l'application de certaines des dispositions de principe qui y sont contenues depuis, dans certains cas, presque 20 ans.

Deuxièmement, quant à la technique qu'il utilise, une technique qui vise essentiellement de façon horizontale, à travers tout ce projet de loi, à favoriser la réduction des délais, à nos yeux, M. le Président, il est important que nous abordions ce projet de loi avec une grande ouverture d'esprit. J'ai remarqué, dans certains discours que j'ai entendus du côté de l'Opposition, lors de l'étude en deuxième lecture et de la motion de report, et j'ai remarqué également, dans certains énoncés qui ont été présentés devant nous, notamment par une partie du patronat, bien que l'on admette je dirai presque du bout des lèvres que la réalité syndicale dans la société québécoise est une réalité qui est là pour y demeurer et qu'elle est aussi un facteur qui peut être positif, qui peut finalement être un facteur d'évolution de la société. À toutes fins utiles, ce qu'on nous a dit dans bien des cas, je ne dis pas dans tous les cas, c'est qu'il fallait faire en sorte que tout ce qui freine la syndicalisation - et loin de moi de penser qu'il s'agit de l'accélérer, avec ce projet qui, encore, vise beaucoup plus à colmater des brèches qu'autre chose - doit être finalement maintenu.

C'est très beau et très facile de dire M. le Président: Nous sommes pour l'expression démocratique des travailleurs qui, depuis les années quarante, ont droit à l'accréditation et à la négociation collective, mais ne touchez pas au Code du travail, parce qu'il permet d'empêcher les gens de se syndiquer. Dans l'état actuel de la jurisprudence, du mode de fonctionnement des commissaires, dans certains cas. où ils sont prisonniers de certaines procédures, du Tribunal du travail, des arbitrages eux-mêmes, ce serait pour moi, M. le Président, si l'on devait persister, dans l'Opposition, à vouloir empêcher l'adoption de projet de loi avant le 22 juin, une marque évidente d'une sorte de pharisaïsme à l'égard de ce qu'est le syndicalisme.

Je sais que ce n'est pas très populaire

de tenter de défendre les syndicats, dans la situation économique actuelle. Pourquoi? L'Opposition le sait, M. le Président, et elle joue beaucoup sur cela. L'Opposition sait que, dans l'opinion publique, on identifie beaucoup des maux économiques que nous connaissons, au Québec comme ailleurs - on prétend que c'est l'une de leurs causes - à la force des syndicats. Combien de fois ai-je entendu dire: Les unions, c'est bien, mais elles sont trop fortes. On sait que ce préjugé est profondément ancré dans de larges secteurs de notre population. Dieu sait pourtant que la réalité est toute différente.

S'il est vrai que le monde syndical a manifesté son mécontentement, en certaines occasions, par ses discours, par le radicalisme de certains de ses propos, par des gestes irresponsables, à l'occasion, dans certains endroits, il n'en demeure pas moins que l'immense majorité des syndicats au Québec représente les aspirations légitimes, démocratiques, encadrées par nos lois depuis une vingtaine d'années, au nom de principes reconnus depuis une quarantaine d'années par l'ensemble des travailleurs. Je crois profondément, M. le Président, que le Code du travail, dans son état actuel, s'il n'est pas modifié par une loi comme celle que nous proposons, aura comme effet, dans sa facture actuelle, d'être un des éléments non seulement qui freinent la syndicalisation au Québec mais qui la font régresser. Or, faire régresser la syndicalisation, cela signifie dans de nombreux cas non seulement une atteinte qui correspond à la situation économique pour les centrales syndicales elles-mêmes, sur le plan de leur capacité de répondre aux exigences du financement de leurs activités, mais aussi une atteinte à l'expression démocratique, reconnue dans nos lois, de la volonté des travailleurs de se regrouper pour négocier leurs conventions collectives.

Encore une fois, si l'Opposition ne fait pas l'apport positif dont elle est capable pour améliorer certaines choses du Code du travail - en tout cas, dans le passé, le député de Portneuf, entre autres, a déjà montré qu'il en était capable, je ne sais pas si c'est vrai de son successeur comme critique en matière de travail - si l'Opposition ne fait pas une contribution positive - et nous savons que personne n'est à l'abri de la critique, ni les syndicats ni l'État lui-même, d'ailleurs - pour faire en sorte que le Code du travail ne soit pas un des facteurs qui font régresser la syndicalisation dans notre société, je pense, je suis même convaincu qu'elle aura fait son lit et cela lui sera rappelé dans les années qui viennent. Ce n'est sûrement pas, en tout cas, dans la tradition de ce parti politique qu'est le Parti libéral, qui n'a jamais été reconnu pour son progressisme en matières sociales, à l'égard des structures syndicales, c'est vrai, mais qui, néanmoins, a participé, à une époque où il avait un leadership et où il y avait une opposition et non pas 40, au Parlement, à l'élaboration de lois importantes, et qui a endossé les principes fondamentaux du Code du travail dont le projet 17 n'a que pour objectif de voir à leur application.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Pierre-J. Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président, pour commencer mon intervention dans un sens diamétralement opposé à celle du ministre, pour la commencer sans faire de partisanerie politique comme le ministre a voulu en faire tout au long de son exposé, je vais citer au ministre un éditorial paru ce matin dans La Presse. C'est un éditorial de Vincent Prince, qui est un observateur neutre de la scène politique qui, au début, avait donné son appui au projet de loi qui est devant nous et qui, ce matin, nous dit ce qui suit: "Au lendemain de la présentation en première lecture, le 20 mai dernier, du projet de loi 17, projet de loi comportant divers amendements au Code du travail, je disais qu'il s'agissait d'une réforme, somme toute, mineure et prudente de la législation actuelle. "J'avais été surtout frappé par le fait que le ministre du Travail, M. Raynald Fréchette, avait écarté pour le moment les demandes syndicales relatives à la négociation sectorielle, de même que celles touchant à la sous-traitance. J'avais retenu en particulier l'insistance apportée par le ministre à réduire les délais tant au chapitre de l'accréditation qu'à celui de l'arbitrage des griefs et je n'avais pas saisi tout l'impact des correctifs qu'on apportait à la loi antiscab. "En réalité, comme l'a dit le Conseil du patronat, les changements sont moins secondaires qu'ils peuvent apparaître à première vue et il y a lieu, dans les circonstances, d'appuyer les libéraux qui veulent empêcher l'adoption du projet tant que le gouvernement ne sera pas en mesure d'arriver avec une refonte complète et plus équilibrée de notre législation ouvrière."

M. Prince continue: "Depuis des années, on procède à des amendements à la pièce. La pratique a assez duré. Le temps est venu de se livrer à une réflexion en profondeur sur toutes nos lois du travail, d'y associer nos meilleurs esprits et les parties intéressées, de façon à mieux adapter le cadre juridique des relations de travail à l'évolution et aux exigences du milieu. Le ministre a déjà laissé entendre que ce travail de réflexion pourrait commencer à l'automne. Pourquoi, en attendant, ne jugerait-il pas plus prudent lui-même de s'en tenir au statu

quo? La situation des entreprises est déjà assez précaire sans qu'on leur crée de nouveaux embêtements. "Dans les amendements à la pièce qu'on a apportés ces dernières années au Code du travail, le Conseil du patronat note avec une désillusion bien compréhensible qu'on a toujours voulu répondre à des demandes syndicales. Les demandes patronales, elles ont été systématiquement écartées ou à peu près. "Le Code du travail - poursuit M. Vincent Prince - a été particulièrement débalancé par l'adoption, fin 1977, de la fameuse loi antiscab. Or, le projet de loi 17 vient y ajouter trois contraintes nouvelles qui réduisent d'autant le champ de manoeuvre des entreprises. Ainsi, dorénavant, en cas de grève, un employeur ne pourra plus faire appel à un entrepreneur de l'extérieur pour le dépanner en venant faire fonctionner son usine; il ne pourra plus utiliser ceux de ses employés qui ne sont pas syndiqués mais qui sont syndicables; enfin, il devra se passer aussi des cadres d'une succursale ou l'autre de son entreprise. "Pour les PME - les petites et moyennes entreprises - cela équivaut virtuellement à les forcer à fermer dès qu'une grève est déclarée." C'est un observateur neutre, Vincent Prince, qui parle. "Il y a aussi parmi les amendements du projet de loi une clause qui paraît anodine mais qui pourrait créer de graves difficultés à ces mêmes entreprises si des syndicats militants voulaient en abuser. C'est celle qui crée une présomption de culpabilité envers un employeur qui, en période d'instauration d'un syndicat, refuserait d'embaucher un candidat parce que celui-ci serait reconnu comme militant syndical. "Le Conseil du patronat fait remarquer aussi que la possibilité prévue dans le projet d'accorder l'accréditation à un syndicat qui n'a pas obtenu une majorité absolue est une dérogation majeure à notre philosophie du travail. Enfin, il a formulé des suggestions qui permettraient d'accélérer les procédures d'arbitrage sans nécessairement recourir à l'arbitre unique comme le voudrait le ministre. Ces suggestions mériteraient d'être étudiées avec bien d'autres à l'intérieur de la réflexion globale dont j'ai parlé plus haut et qui devrait précéder une réforme en profondeur."

M. le Président, cet éditorial s'inscrit dans la foulée des promesses électorales, des promessses politiques, des engagements politiques péquistes que le ministre du Travail par intérim avait lui-même livrés en 1977, qu'il a réitérés en 1979, mais qui, comme beaucoup de promesses péquistes ou d'engagements péquistes, ne se sont jamais matérialisés.

Le ministre du Travail par intérim est le superministre du développement social au

Québec. De ce côté-ci de la table, nous comprenons ses préoccupations sociales. À certains points de vue, nous les partageons, mais cette dimension sociale et cette pensée sociale du ministre, il ne faut pas qu'elles soient exercées en vase clos. Il faudra qu'un jour le ministre du Travail par intérim comprenne que sa dimension sociale découle de la situation économique du Québec. Si le message lui venait du député de Brome-Missisquoi ou d'un membre de l'Opposition, qu'il s'agisse du député de Laporte, du député de Mégantic-Compton, qu'il s'agisse du député de Sainte-Anne également, il pourrait le repousser du revers de la main, mais, lorsque c'est celui qui tous les jours est aux prises avec les finances publiques du Québec, avec la situation économique du Québec qui lui livre un message, peut-être que le ministre pourrait se montrer plus réceptif, peut-être qu'il devrait se montrer plus ouvert. (12 heures)

Peut-être que le ministre devrait se montrer plus accueillant s'il souhaite un jour pouvoir maintenir les mesures sociales qu'il prévilégie; s'il veut continuer dans sa pensée sociale, il va falloir qu'il permette au Québec de créer la richesse nécessaire pour la partager dans la communauté à ceux et à celles qui en ont le plus besoin.

Lorsque je parlais du péquisme, qui est aux prises aujourd'hui avec cette situation économique, avec des finances publiques qui ne laissent quasiment pas de marge de manoeuvre, avec des investissements qui tardent à venir, avec des fermetures d'usines, avec des pertes d'emplois, avec du chômage et de l'aide sociale, je faisais référence au ministre des Finances. J'invite le ministre au Développement social, au Travail par intérim, à réfléchir sur ce que disait, il y a aussi longtemps que le 16 novembre 1982, M. Jacques Parizeau, et c'est inscrit au journal des Débats, et je vous le cite: "Deuxièmement, sur le plan des relations de travail, il y a quelque chose d'indiscutable, il y a une sorte de flottement chez les hommes d'affaires à l'heure actuelle qu'il nous faut clairifier assez rapidement. Devant les syndicats qui nous demandent souvent l'accréditation multipatronale, des milieux patronaux pour qui l'accréditation multipatronale représente une sorte de danger perçu comme étant mortel et toute une série de formules intermédiaires, je pense qu'il est très important qu'assez rapidement, nous clarifiions la position gouvernementale à l'égard de ces questions et qu'on puisse dire aux milieux d'affaires: Voici la politique que le gouvernement entend suivre. Nous avons là - il parlait du Parti québécois, il parlait de vous aussi, M. le ministre au Travail par intérim - une responsabilité de clarification et de précision de nos positions, je me rends trop bien

compte, dans les milieux d'affaires, à quel point c'est important."

De l'autre côté de la table, on peut dédaigner les créateurs d'emplois, on peut dédaigner les employeurs, on peut créer un statut social à l'employeur au Québec où celui-ci n'a plus de marge de manoeuvre. S'il fait des profits, c'est un voleur; s'il fait des pertes, c'est un sans dessein. C'est le statut social qu'on a réservé à nos entrepreneurs au Québec.

Si vous ne croyez pas votre ministre des Finances, fiez-vous au moins au témoignage des gens qui sont venus comparaître devant cette commission. Je vous rappellerai bien brièvement une partie d'un témoignage qui reflète assez bien la vue ou la pensée des hommes d'affaires sur ce que vous faites, M. le ministre au Développement social. Cette pensée nous a été traduite, et vous allez vous en souvenir, par M. Beaulieu, qui vous a dit en vous parlant, au gouvernement: Fichez-nous donc la paix, puis laissez-nous donc travailler." C'est cela que j'ai envie de vous dire; ce n'est pas d'être antisyndical pour le moment que de nous laisser faire un peu, d'essayer de créer des jobs. On va encore être aux prises avec toutes sortes de choses et on ne saura pas comment en sortir. Je pense que je vais aller jusque là. Si on sondait les coeurs et les reins des entrepreneurs, je dis cela au ministre et peut-être qu'il va me comprendre, peut-être qu'il va comprendre, savez-vous ce qu'on a envie de faire présentement? C'est de maudire notre camp; ce n'est plus viable.

Plus loin, M. Beaulieu ajoutait: Je ne sais pas si je réponds à votre question, mais je donne le sentiment d'un employeur qui en a ras-le-bol de tous ces projets de loi inventés dans des officines en arrière et que, des fois, les ministres sont obligés de défendre; ce n'est même pas sûr. Laissez-nous travailler le temps que cela va mal.

M. le président, c'est la conception que ces employeurs, que ces créateurs d'emplois dont on a absolument besoin au Québec ont de ce que vous faites présentement. Je suis également sensible - je vais tenter d'être le plus bref possible - aux arguments qui ont été apportés de façon fort éloquente d'ailleurs par le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche lorsqu'il a pris la parole en deuxième lecture et qu'il nous a parlé du droit à la syndicalisation, qu'il nous a parlé de l'amélioration fort souhaitable des conditions de vie des travailleurs et travailleuses au Québec. Lorsqu'il a invité l'Opposition à réfléchir sur cette dimension sociale de notre avenir collectif, cela m'a touché, mais quelque chose me touche davantage. En politique, bien qu'on soit sensible à plusieurs arguments, il faut effectuer un choix, avoir des priorités. Avec 1 000 000 de personnes au Québec bénéficiaires de l'aide sociale, prestataires de l'assurance-chômage, je vous soumets respectueusement que la priorité, c'est la création d'emplois, c'est la relance économique. Bien sûr, j'aimerais voir des travailleurs et des travailleuses, qui sont sous-payés dans diverses entreprises, qui ont des conditions de travail qui ne sont pas celles dont on pourrait rêver, accéder à de meilleures conditions de travail. Bien sûr, M. le ministre, nous sommes d'accord avec vous sur ce point. Mais, prioritairement on doit présentement s'occuper de ceux qui sont plongés dans un drame, dans un drame économique, dans un drame social, dans un drame familial également...

Une voix: Les travailleurs?

M. Paradis: Oui, les travailleurs et les travailleuses. Lorsque nos usines quittent le Québec, lorsqu'on n'est pas capable d'instaurer au Québec, à cause du gouvernement qu'on a présentement et des gestes qu'il pose, un climat de confiance susceptible d'attirer chez nous l'investissement, l'emploi, le drame vécu par celui ou celle qui veut travailler est pire que le drame vécu par celui ou celle qui a un emploi et dont les conditions d'emploi ne sont pas idéales. Prioritairement, doit-on s'occuper strictement de ceux qui ont déjà un emploi et voir à améliorer leurs conditions de travail, ou doit-on s'occuper de la création d'emplois? Le drame au Québec vécu par un père ou une mère de famille qui a des bouches à nourrir et qui n'a pas de travail est encore plus dramatique que celui qu'a évoqué en deuxième lecture le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, de façon fort éloquente d'ailleurs; il est encore plus dramatique que les drames qui ont été évoqués par les parties syndicales qui se sont présentées devant nous.

À ce niveau, vous avez un rôle important à jouer; vous avez une première décision à prendre. Est-ce que votre rôle de ministre du Travail par intérim se limite carrément à une dimension sociale qui ne tient absolument pas compte du contexte économique dans lequel le Québec se retrouve aujourd'hui, de toutes ces personnes qui vivent de l'aide sociale ou de l'assurance-chômage et à la recherche d'un emploi, à inspirer aux investisseurs et aux employeurs la confiance minimale qui va leur permettre de croire qu'ils ont un rôle important à jouer dans cette société québécoise, que c'est important pour le gouvernement que des emplois soient créés dans le secteur privé? Si vous prenez cette décision, M. le ministre, vous allez engager immédiatement un processus de réforme en profondeur du Code du travail.

Par le projet de loi 17, vous allez maintenir le statu quo actuel, qui n'est pas

idéal - on vous l'accorde, M. le ministre -mais vous ne l'empirerez pas. Vous pensez raccourcir des délais avec les clauses que nous discuterons plus tard. Le résultat pratique, vous pouvez le vérifier dans le champ auprès des arbitres, auprès des procureurs syndicaux, auprès des procureurs patronaux. En changeant le texte de la loi, vous réduirez finalement les délais dans trois ans, quand la Cour d'appel ou la Cour suprême aura rendu des décisions sur la nouvelle formulation.

Vous pensez accélérer les délais en ne procédant à l'imposition d'une première convention collective que par la voie d'un seul arbitre plutôt qu'en conservant le conseil d'arbitrage que l'on connaît actuellement. Toutes les parties vous mettent en garde contre les répercussions que peut avoir le jugement d'un seul homme sur un élément aussi important qu'une première convention collective.

Vous pensez accorder des droits aux travailleurs, non pas aux travailleurs, aux syndicats, devrais-je dire, lorsque vous renforcez les dispositions antibriseurs de grève. Mais, M. le ministre, pensez-vous au droit au travail de ces travailleurs et de ces travailleuses? Pensez-vous sérieusement qu'une PME québécoise dont la marge de manoeuvre à la banque est rarement supérieure à deux ou trois mois n'est pas condamnée à la faillite si elle fait face à un syndicat militant dans le cas d'une grève? Pensez-vous qu'il est plus important d'avoir des dispositions antibriseurs de grève encore plus en avant que les dispositions les plus en avant en Amérique du Nord, qu'on a déjà, ou pensez-vous que la priorité au Québec, c'est de préserver les emplois qu'on a présentement? Ce sont des sujets de réflexion qui - je vous le dis comme je le pense, M. le ministre - ont une portée capitale sur l'avenir économique du Québec, sur la création et sur le maintien de l'emploi.

Si vous ajoutez à l'incertitude...

Le Président (M. Blouin): II vous reste deux minutes...

M. Paradis: ...constitutionnelle, l'incertitude des relations de travail - sur ce point, le ministre des Finances vous dit que vous avez une responsabilité de clarification - vous ferez en sorte que non seulement il n'y aura plus de création d'emplois, il n'y aura plus d'investissements au Québec, vous ferez en sorte qu'il y aura encore plus de pertes d'emplois. Je sais que vous pouvez me citer des chiffres de création d'emplois qui ont été publiés dernièrement, mais s'agit-il d'emplois permanents, d'emplois créés par le secteur privé?

Le Président (M. Blouin): ...M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Vous parlez - c'est mon dernier point - de régression de la syndicalisation au Québec. Bien sûr que le syndicalisme a régressé: l'économie a régressé. S'il n'y a pas d'entreprises, s'il n'y a pas de travailleurs et de travailleuses, il ne peut pas y avoir de syndicats. On vous demande d'avoir la logique de comprendre cela de l'autre côté. Lorsque le marché du travail est en expansion au Québec, avec les lois actuelles, qui ne sont pas complètes et qui ne sont pas satisfaisantes - toutes les parties en conviennent - il y a augmentation de la syndicalisation. La réponse est celle-ci: Adoptez donc des projets de loi dans tous les domaines qui assureront la relance de l'économie, la création et le maintien d'emplois et vous aurez l'appui de l'Opposition. Maintenez votre attitude et nous défendrons prioritairement ceux qui sont à la recherche d'un emploi au Québec, ceux qui vivent les drames les plus cruciaux présentement.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous permettez. Je pense que le député de Brome-Missisquoi, qui a quand même pris presque 20 minutes, me...

M. Paradis: Je m'excuse.

M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): Non, je ne lui en fais pas le reproche et je ne l'ai pas interrompu. M'accorderait-il trois minutes pour simplement ajouter quelques mots? J'avais décidé de ne pas entrer dans des contenus comme il l'a fait. Il y a une constante - à l'exception d'un article essentiellement, les dispositions antibriseurs de grève qui sont assez caractéristiques au Québec - il y a une constante: l'immense majorité des dispositions qu'on retrouve dans le projet de loi 17 et les amendements que nous y apporterons et que j'ai annoncés sont des dispositions inspirées de la législation canadienne et de celle des autres provinces. C'est fondamental, M. le Président. De présenter dans son ensemble le Code du travail québécois comme étant le plus progressif au Canada c'est démontrer une méconnaissance fondamentale du Code du travail canadien, de celui de la Colombie britannique, de celui du Manitoba et de celui de la Saskatchewan.

Évidemment, si on veut me citer l'exemple de la Nouvelle-Écosse, il faut voir que la législation sur le travail en Nouvelle-Écosse depuis quatre ou cinq ans est plutôt allée dans le sens d'une diminution de la facilité pour les travailleurs de se syndiquer. Ce n'est pas reconnu comme étant exactement la législation la plus évolutive dans le sens d'un meilleur accès. Mais, dans l'ensemble des provinces canadiennes, je vais donner seulement un exemple, on va même moins loin que certaines dispositions canadiennes dans la plupart de nos propres dispositions, y compris une disposition que nous reproche l'article cité par le député.

Par exemple, quand on parle du refus d'embauche, M. Prince dit: "La création d'une présomption contre l'employeur qui refuse d'embaucher quelqu'un." M. le Président, le Code canadien du travail non seulement crée la présomption, mais il donne un pouvoir au commissaire du travail pour obliger un employeur à embaucher quelqu'un qu'il n'aurait pas embauché, si le commissaire pense qu'il ne l'a pas embauché parce qu'il a eu des activités syndicales ailleurs. (12 h 15)

Les dispositions du projet de loi 17 vont moins loin que ça, elles disent: II peut arriver qu'il y ait un refus d'embauche, il peut arriver qu'effectivement cela soit pour un motif d'activité syndical antérieure dans une autre entreprise, il peut arriver que le travailleur gagne sa cause, et on crée une présomption, ce qui est la règle générale dans l'accréditation, il y a des présomptions en faveur des travailleurs, rarement en faveur des entreprises, pour des raisons évidentes de développement et ç'a toujours été comme ça dans notre législation du travail ici comme dans le reste du Canada.

Le Code canadien donne au commissaire canadien du travail d'obliger un employeur à embaucher une personne qu'il n'a pas embauchée pour le motif qu'il ne l'aurait pas fait parce qu'elle avait fait des activités syndicales.

Alors, le projet 17 ne crée qu'une sanction pénale. Il est important de remettre en perspective la plupart des dispositions qui sont contenues dans cette loi. Je ne disconviens pas que, dans le cas des mesures antibriseurs de grève, c'est différent. Dans ce sens-là, ce que nous visons à faire, c'est d'assurer l'interprétation qui, à notre avis, était l'interprétation ou la "volonté" du législateur au moment du projet de loi 45 en 1978 et nous le précisons, nous sommes conscients que cela soulève un débat. Les arguments que j'ai entendus de la part du patronat sont exactement les mêmes qu'il nous a servis lors de la loi 45.

Donc, M. le Président, pour terminer ces remarques préliminaires, je dirai qu'une des constantes dans ce projet, c'est que, pour l'immense majorité des dispositions qu'on y retrouve, à une exception importante près, à quelques autres aussi, mais sur des choses vraiment plus mineures, les dispositions de la loi 17 s'apparentent essentiellement à la législation comparée au Canada et si nos collègues de l'Opposition et leurs propres officines avaient décidé de faire cette revue comparative du droit canadien, ils verraient que ce n'est pas exactement la révolution.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Jonhson (Anjou): Je terminerai un peu plus tard, M. le Président, mon exposé.

M. Paradis: Compte tenu des remarques que vient d'adresser le ministre du Travail, je sais que mon droit de parole est épuisé sur les remarques préliminaires, mais pour nous en tenir quand même à des pourparlers de coulisse que j'avais eus avec le ministre et que je tiens à respecter en tout temps, je demanderais cinq minutes pour le député de Mont-Royal pour qu'il puisse répliquer strictement aux arguments qu'a donnés dans sa réplique le ministre du Travail par intérim.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Mont-Royal, en vous demandant de vous limiter à ces cinq minutes, s'il vous plaît!

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: M. le ministre s'est référé à d'autres mesures dans d'autres codes canadiens du travail. Il citait comme exemple notre Code du travail, qui se serait inspiré d'autres mesures qu'on peut trouver dans le code du travail d'autres provinces et le code canadien. Je voudrais faire remarquer au ministre que, si on prend les mesures que l'on pourrait décrire soi-disant comme les plus avant-gardistes dans tous les autres codes de travail et que l'on essaie d'en faire la totalité ou de les inclure dans nos lois, c'est de cette façon que notre Code du travail devient le plus contraignant au pays, dans tout le Canada. C'est bien beau de dire que l'on prend comme exemple certaines mesures qui existent ailleurs, qu'on s'est inspiré de cela, mais si on ne prend pas le contrepoids de cela, si on ne prend pas les autres mesures qui établissent un équilibre entre le patronat, les employeurs et les employés, c'est dans ce sens-là que la loi qui est proposée aujourd'hui, que le Code du travail que nous avons, devient complètement déséquilibré, et favorise exclusivement un secteur de notre économie. C'est dans ce sens que cela fait du tort à l'économie, que cela fait du tort aux employeurs et spécialement aux petites entreprises.

Je ne pense donc pas que cela soit tout à fait exact, que même cela puisse être exact de dire qu'on s'est inspiré d'autres mesures canadiennes et de les citer, mais si on ne connaît pas le contrepoids, les contre-mesures pour établir cet équilibre, je ne pense pas qu'on donne le vrai visage de ce qui se produit ici, au Québec. Même des commentateurs de différents milieux ont souligné les abus possibles des mesures qui sont proposées dans la présente loi. On ne veut pas faire marche-arrière et dire que, dans les mesures antibriseurs de grève, à un moment donné, c'est vrai qu'il y a eu peut-être des abus, il y a plusieurs années, en faveur des employeurs. Mais, aujourd'hui, si on va complètement à l'autre extrémité, on va forcer les petites et moyennes entreprises à fermer leurs portes, parce qu'on leur enlève le pouvoir de négocier; on leur enlève un minimum de survie. Cela ne sert à rien de dire qu'on s'inspire des autres mesures canadiennes. Il y a un abus. C'est totalement déséquilibré et c'est dans ce sens que nous nous opposons à certaines mesures qui sont présentées maintenant par le gouvernement. Ce n'est pas seulement nous. Ce sont d'autres porte-parole d'autres milieux qui le soulignent au gouvernement et qui essaient d'apporter au gouvernement des recommandations et des mises en garde pour ne pas rendre encore plus difficile la situation des entreprises et les investissements qui sont au Québec et qu'on veut voir venir au Québec.

Je pense que c'est dans ce sens qu'il ne faudrait pas strictement répondre à des pressions politiques et donner l'image que nous voulons vraiment faire quelque chose pour les travailleurs.

Si on abuse et si les mesures que nous prenons ne sont pas réalistes, si elles ne travaillent pas dans l'ensemble de toute l'économie, on ne rend pas service aux travailleurs. Si les portes se ferment dans l'industrie, on aura beau établir un principe et dire: Regardez, on a une mesure avant-gardiste dans notre Code du travail, mais si les usines ferment, ce sera un prix de consolation pas mal élevé. Ce serait très peu accepté des travailleurs de leur dire: Regardez donc, on a le meilleur, le plus beau Code du travail au monde, mais cela nous force à être en chômage. Dans ce sens, M. le Président, je pense qu'il faut rétablir l'équilibre et enlever ces mesures qui vont aller contre les intérêts des travailleurs. Parfois, en voulant trop protéger quelqu'un, on crée une situation où on le contraint et où on l'empêche de faire ce qu'il veut vraiment faire. Ouvrons donc notre esprit. Ouvrons donc les portes à un peu de liberté individuelle, à la liberté des entreprises et vous allez voir que les résultats vont oeuvrer beaucoup plus dans l'intérêt des travailleurs qu'on ne le pense. Cela ne donnera pas une image, peut-être, mais ce n'est pas ce qu'on veut, on veut la réalité. Ce sont les brèves remarques liminaires, M. le Président, que je voulais apporter à l'attention du ministre.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Beauharnois, tout le monde a évidemment le droit de parole. On peut continuer ainsi, mais il avait été convenu qu'après ces brèves remarques préliminaires, nous appellerions l'article 1.

M. Lavigne: Oui, M. le Président. Je me reprendrai à l'article 1.

Étude article par article

Le Président (M. Blouin): Très bien. J'appelle l'article 1 du projet de loi 17. M. le ministre.

Groupe non syndicable

M. Johnson (Anjou): M. le Président, l'article 1 vise simplement à soustraire, à définir, finalement, un groupe non syndicable, à toutes fins utiles, qui comprend les commissaires au placement, leurs adjoints ainsi que le commissaire de la construction, qu'on retrouve dans la loi sur l'industrie de la construction, pour le motif que les fonctions de ces personnes sont des fonctions d'une nature qu'on pourrait presque qualifier de quasi judiciaires, dans les circonstances, de la même façon que les juges, les cadres et d'autres types de travailleurs, considérés comme des travailleurs autonomes et que leurs fonctions font que c'est incompatible, en vertu de l'économie générale de nos lois, avec la syndicalisation.

M. le Président, avant que nos collègues ne présentent leurs interventions sur l'article 1, puis-je me permettre de vous demander la suspension de nos travaux jusqu'à 14 h 20, cet après-midi?

M. Paradis: 14 h 25.

M. Johnson (Anjou): 14 h 25, pour être sûrs qu'à 14 h 30, on est en train de travailler.

Le Président (M. Blouin): Nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 h 25 cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 25)

(Reprise de la séance à 14 h 39)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît;

Nous allons reprendre les travaux de la commission élue permanente du travail.

Il y a eu une modification. Je relis

donc la liste des membres et des intervenants.

Les membres de la commission sont: MM. Bisaillon (Saint-Marie), Cusano (Viau), Dean (Prévost), Johnson (Anjou), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Lafrenière (Ungava), Lavigne (Beauharnois), Mathieu (Beauce-Sud), Leduc (Fabre), Paradis (Brome-Missisquoi), Rocheleau (Hull) et Bordeleau (Abitibi-Est).

Les intervenants sont: MM. Bélanger (Mégantic-Compton), Champagne (Mille-Îles), Bourbeau (Laporte), Pagé (Portneuf), Payne (Vachon), Polak (Sainte-Anne), Proulx (Saint-Jean) et Vaugeois (Trois-Rivières).

M. le ministre, nous avons appelé ce matin l'article 1 et vous aviez la parole.

M. Johnson (Anjou): L'article 1 est-il adopté, M. le Président?

M. Polak: Le ministre a-t-il terminé son intervention sur l'article 1?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, peut-être pour éviter de revenir en réplique, étant donné que j'anticipe un peu ce que pourrait dire de pertinent le député de Saint-Henri...

M. Polak: De Sainte-Anne.

M. Johnson (Anjou): ...de Sainte-Anne, pardon...

M. Polak: C'est dans le bout d'Anjou.

M. Johnson (Anjou): Quelle confusion! Je dirai que nous excluons, en vertu de l'article 1, certaines personnes dont la nature des fonctions les rend incompatibles avec la syndicalisation.

Par ailleurs, nous ne répondons pas de façon affirmative à une demande faite notamment par la FTQ et la CSN, peut-être même la CEQ, d'inclure les personnes travaillant dans les coopératives forestières -même si elles posent certains des problèmes qui ont été évoqués par les syndicats - pour la raison que c'est un secteur dont la structure, les habitudes, le mode de fonctionnement font qu'il nous apparaît inadéquat d'intervenir à ce moment-ci. C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. M. le Président, concernant l'article 1, je dois d'abord vous dire que j'ai pris quelques notes. Vous savez comment cela fonctionne à Québec en fin de session au mois de juin: il fait beau, on mange dehors. J'ai noté quelques mots comme "arrogance". Je ne parle pas directement du ministre. J'ai inscrit le mot "arrogance". Chez nous, on dit: Ce n'est pas possible qu'il arrive encore avec un projet de loi comme celui-là. Refonte complète, cela a été mentionné ce matin par notre porte-parole. J'ai pris une autre note ici: On veut des jobs, pas de fermeture d'usines.

L'article 1. Je me rappelle, M. le Président - j'étais ici la semaine dernière et vous étiez le président - quand tous ces groupes sont venus devant nous. Il y avait des employeurs, des employés. Je me rappelle très bien M. Laberge et aussi le Syndicat des policiers de la ville de Montréal, qui n'a même pas été entendu. Finalement, j'ai réussi à faire déposer son mémoire. On a appris que personne n'est pour l'adoption de ce projet de loi et certainement pas pour l'article 1. Tout le monde est malheureux. Les employeurs disent: On est allé trop loin. Les gens des syndicats disent: On n'est pas allé assez loin.

J'ai relu l'article 1 cinq fois pendant mon voyage en avion. Je suis avocat tout de même. Je dois lire assez rapidement et comprendre. Je vais vous lire l'article 1. Prenons quelqu'un du public qui dit: Je vais commander une copie du projet de loi 17. Je suis intéressé de savoir ce qui se passe chez nous dans la province de Québec. Qu'est-ce qu'on dit à l'article 1. Il se lit comme suit: "L'article 1 du Code du travail est modifié par l'insertion, dans la neuvième ligne du sous-paragraphe 3° du paragraphe 1, - là, c'est pas mal compliqué - après les mots "la présente loi", des mots "du commissaire de la construction ou du commissaire au placement et de ses adjoints visés dans la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction (L.R.Q., chapitre (R-20),". C'est toujours la même affaire. C'est toujours une refonte d'une loi. Ce n'est pas une refonte majeure. On aurait dû procéder à une refonte majeure, mais on ne l'a pas fait. C'est notre principale critique. On revient toujours avec les morceaux. On nous présente des amendements. Pourquoi ne pouvons-nous pas nous dire: Le Code du travail est amendé par les amendements suivants et se lit maintenant comme suit: Heureusement, on a des recherchistes. Qu'est-ce qu'ils font? Regardez donc le travail que cela a donné seulement pour l'article 1. On prend l'ancien article tel quel, à côté il y a l'amendement. Il y a des gens du public ici qui disent: Que veut dire l'article 1? J'ai dû le relire cinq fois pour le comprendre. L'article 1 dit ce qu'est un salarié. C'est la définition du mot "salarié" en vertu du Code du travail. C'est très important, la définition du mot "salarié". Savez-vous pourquoi? Parce que le gouvernement péquiste nous dit: On arrive avec des amendements et on va vraiment protéger encore plus les employés jusqu'à un point tel où il n'y a plus d'emplois, il n'y a plus de travail.

On dit ici dans les notes explicatives: "II élargit - le projet de loi - la protection du droit d'association en prévoyant que les représailles et les mesures discriminatoires prises contre un salarié, c'est donc très important de savoir la définition du mot "salarié" à l'article 1. Le mot "salarié" revient tout le temps.

M. Bélanger: Oui c'est quasiment seulement cela.

M. Polak: ... Les représailles contre un salarié à cause de l'exercice par celui-ci d'un droit qui lui résulte du Code du travail à l'occasion de pratiques déloyales pour lesquelles l'employeur pourra être poursuivi et le salarié être indemnisé. Donc, le salarié a le droit d'être indemnisé s'il y a une pratique déloyale contre lui.

Je suis très content, M. le président, que Mme la députée de Dorion me suive parce que j'ai toujours de la difficulté à pénétrer auprès des péquistes afin de leur faire voir la lumière. Elle commence à me suivre, peut-être parce que vous êtes venue nous visiter à Sainte-Anne en disant que le gouvernement avait donné une belle subvention aux coopératives. Je dis toujours: On accepte les subventions mais votez pour nous.

La définition du mot "employé" est donc très importante parce qu'il y a des employés qui peuvent poursuivre pour des pratiques déloyales.

Je ne veux pas abuser de mon droit de parole, je n'ai malheureusement que 20 minutes. Autrement, je suis obligé de lire toutes ces notes explicatives où on trouve toujours que, dans les amendements, on parle des nouveaux droits des employés. Donc, il faut déterminer qui est employé. C'est très important parce que, si je ne suis pas employé, je n'ai plus ce droit qu'on me donne maintenant.

Qu'est-ce qu'on dit dans l'article 1? Il faut le lire. Par l'article 1, on amende le sous-paragraphe 3e du paragraphe 1 qui se lit comme suit - c'est l'article tel quel parce qu'on l'amende - le mot "employé" ne comprend pas... Il faut bien penser à cela. Ceux qui sont "listés" maintenant ne sont pas employés, ils ne bénéficient donc pas...

M. Bélanger: Mais ils travaillent.

M. Polak: C'est cela. On ne le sait pas. 1 une personne qui, au jugement du commissaire du travail, ... gérant, surintendant... Cela est clair. Cela veut dire que tous ceux qui sont les "boss" sont employés. D'accord. 2 un administrateur ou officier d'une corporation... si quelqu'un touche une compensation. D'accord.

Mais on commence à changer à l'article 3. Que dit l'article 3 ? La personne suivante n'est pas employée. Donc, elle ne bénéficie pas de toutes ces nouvelles protections. "Un fonctionnaire du gouvernement dont l'emploi est d'un caractère confidentiel au jugement du Tribunal du travail... Ah! Ah! On dit: "Un fonctionnaire du gouvernement." Est-ce que cela veut dire quelqu'un qui travaille pour le gouvernement provincial? Que veut dire le mot "gouvernement"?

Plus loin, dans l'article, on parle "d'organisme du gouvernement". Là, il y a déjà une contradiction et on n'a pas réglé cela dans l'amendement.

M. Bélanger: C'est vrai.

M. Polak: Quand j'ai vu le texte j'ai dit: C'est un employé du gouvernement. C'est clair, quelqu'un qui travaille pour le gouvernement provincial. Plus tard, je vous lis le reste de l'article, vous verrez qu'on parle de quelqu'un qui travaille dans un ministère ou organisme du gouvernement. Les régies, par exemple, sont-elles là-dedans, oui ou non? C'est très important, il s'agit de milliers de personnes. Je continue: "dont l'emploi est d'un caractère confidentiel au jugement du Tribunal du travail..." Donc, l'employé, le fonctionnaire du gouvernement... Celui qui doit remplir une tâche d'un caractère confidentiel. Qui décide si la tâche est confidentielle ou non? Le jugement du Tribunal du travail. Si on laisse l'article tel quel, cela laisse évidemment beaucoup de doutes. Disons qu'une secrétaire travaille dans un bureau. Elle voit des dossiers et des lettres. Est-ce que c'est d'un caractère confidentiel oui ou non? Peut-être que son employeur peut envoyer des lettres confidentielles qui n'ont rien à voir avec son travail au ministère. On ne le sait pas. En tout cas, on parle du caractère confidentiel. J'imagine que ce doit être confidentiel au point de vue de la fonction qu'il occupe. C'est normal.

Pour le cas où ce ne serait pas clair, le projet de loi dit: "au jugement du Tribunal du travail". On a donc prévu un problème et on a décidé qu'on laissait cela au jugement du Tribunal du travail.

Je continue à lire l'article: "ou au terme d'une entente liant le gouvernement à des associations accréditées conformément au chapitre VIII de la Loi sur la Fonction publique qui sont parties à une convention collective qui autrement s'appliquerait à ce fonctionnaire, tel est l'emploi d'un conciliateur." Soudainement, le législateur dit: Au cas où ce ne serait pas clair - et pour moi ce n'est pas clair du tout - je comprends, M. le député de Sainte-Anne, vous êtes peut-être plus intelligent qu'on pensait. Donc, nous avons prévu cela, on continue à dire: Tel est l'emploi d'un conciliateur. On commence à donner des

exemples de ceux qui ne sont pas employés. "Tel est l'emploi d'un conciliateur du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre." Pour moi, un conciliateur c'est celui qui, dans le domaine du travail, a des renseignements d'un caractère confidentiel. Donc, il n'était pas nécessaire de dire: "Tel est l'emploi d'un conciliateur", de nommer sa fonction, parce que, si on prend la première partie de l'article... d'identifier sa fonction. Dans la première partie de l'article, la description des mots "un fonctionnaire du gouvernement dont l'emploi est d'un caractère confidentiel", cela couvre cette personne automatiquement. Mais peut-être que vous n'en êtes pas certain, on a dit: "Tel est l'emploi du conciliateur. Donc il n'est pas employé en vertu du Code du travail. "...d'un agent d'accréditation ou d'un commissaire du travail visé par la présente loi. C'est la même chose. Quelqu'un qui travaille comme agent d'accréditation est exempté. Apparemment, on dit que cette personne aura des renseignements confidentiels et on veut l'exempter. "...un membre du personnel du Conseil exécutif, par exemple, une personne qui travaille dans le bureau du premier ministre. Par exemple, M. Jean-Roch Boivin n'est pas employé; il ne peut pas, parce qu'il est membre du personnel du Conseil exécutif. Quelqu'un qui travaille au Conseil du Trésor, pour M. Bérubé, parce qu'il peut avoir des renseignements de nature confidentielle.

On dit aussi: "...du Vérificateur général. Dans le texte, on dit: "Le Vérificateur général n'est pas un employé." Je comprends bien. Mme la députée de Dorion, lisez l'article 3 avec moi. C'est intéressant; j'ai trouvé cela juste cet après-midi. On ne parle pas du Vérificateur général; on parle vraiment du personnel du bureau du Vérificateur général, quand vous lisez bien le texte. C'est là une distinction qu'il faut faire. Ce n'est pas seulement le Vérificateur général qui n'est pas employé, mais tous ceux - cela inclut tous les secrétaires, celui qui apporte une tasse de café à quelqu'un qui travaille dans ce bureau - je ne crois pas, ceux qui sont membres du personnel du bureau du Vérificateur général; c'est comme cela qu'on doit lire. Ces gens sont tous exclus; ils ne sont pas considérés comme des employés selon le Code du travail. "...du ministère de la Fonction publique..." Tous ceux qui travaillent au ministère de la Fonction publique sont exclus. Évidemment, je me posais la question, c'est bizarre, parce qu'il y en a qui travaillent au ministère de la Fonction publique, tout de même qui n'ont pas toujours des renseignements d'un caractère confidentiel. Ce n'est pas tout ce qu'on fait ici qui a un caractère confidentiel. Mais on a pris la peine de les inclure.

Le problème dans cela, c'est qu'on fait ici une énumération. Par exemple, on dit: tel quel, tel que... Mais ceux qui ont été oubliés se demandent comment il se fait qu'ils ne sont pas inclus et insistent pour être inclus. Je vais même mentionner des ministères qui ne sont pas là-dedans, qui ont été oubliés et ils doivent deviner s'ils sont inclus oui ou non.

Ceux qui travaillent à la Commission de la fonction publique ne sont pas considérés comme employés; ils sont exclus. Cela comprend beaucoup de gens qui travaillent à la Commission de la fonction publique. On ne fait aucune distinction concernant la nature de la fonction. On ne parle pas du travail confidentiel, oui ou non.

Même ceux qui travaillent à l'Office du recrutement et de la sélection du personnel de la Fontion publique sont exclus. Je comprends mieux cela parce qu'au moins, ces gens ont des renseignements de nature confidentielle. Je comprends la confidentialité quand on parle de l'Office du recrutement et de la sélection du personnel. Mais la Commission de la fonction publique, ce n'est pas la fin du monde, là on s'informe pour demander: Est-ce que je peux postuler tel et tel emploi? Tout est affiché dans le "building". On voit ces avis tout le temps autour des ascenseurs mentionnant à ceux qui sont intéressés de postuler telle et telle fonction: S'il vous plaît, envoyez votre lettre à telle et telle adresse. Je ne sais pas ce qu'il y a de confidentiel là-dedans, mais ils sont inclus.

On continue. ...du cabinet d'un ministre... Cela veut dire tous ceux qui travaillent dans un cabinet de ministre, tous les attachés politiques, le personnel de secrétariat, etc., sont exclus. Je comprends cela parce que c'est tout de même un travail d'un caractère confidentiel. Ou d'un sous-ministre. On commence à descendre. Prenons par exemple le ministre du Travail par intérim qui est ici aujourd'hui, parce que son collègue est malheureusement malade; mais il était prêt, je pense, à retirer ce projet de loi; il a vu que c'était une grosse erreur. On ne peut révéler certaines discussions, mais tout de même on se parle entre nous. Sa réaction a été de dire: Ce n'est pas ce que je veux. Mais il est malade malheureusement; pas à cause de nous, j'étais là vendredi quand nous l'avons questionné sur la CSST, et j'espère que ce n'est pas moi qui l'ai rendu malade. Vendredi, nous étions en commission, il avait l'air fatigué; il avait des cheveux gris, moi aussi, j'ai des cheveux gris, mais j'espère que je ne suis pas malade.

Mais il y a un autre ministre qui prend sa place. Le ministre des Affaires sociales est reconnu comme un homme "tough", comme on dit en anglais. C'est un homme dur. On a même dit que c'était le dauphin.

Je ne suis pas assez impliqué dans cette affaire, pour savoir si c'est le dauphin ou pas, mais, sur le plan personnel, je n'ai rien contre lui. Je me rappelle quand il a eu son accident en ski, il marchait avec un bâton et je pensais que la cheville était cassée, ce n'était pas cela. J'avais pitié de ce ministre. Je disais: Ce n'est pas possible, cet homme siège jusqu'à minuit. On siégeait en une commission et cela a bien été. Je me rappelle très bien, parce qu'il a retiré un projet de loi privé, qu'il n'aurait jamais dû présenter. Heureusement, il a vu la lumière, parce que je l'ai convaincu de retirer le projet de loi, comme je voulais le convaincre de retirer le projet de loi 17 et, s'il vous plaît, pas le statu quo, pour le moment, c'est préférable, et de procéder avec ce qu'on appelle une refonte de fond. Malheureusement, on est rendu vis-à-vis d'un ministre "tough", dur, qui veut avoir sa loi. On a dit l'autre jour: Polak, arrêtez donc, parce que vous vous adressez à des oreilles sourdes. J'ai dit: Quoi? Des oreilles sourdes. Je sais qu'il fume, mais je ne pense pas qu'il soit sourd. Je veux que cela soit enregistré que le ministre a dit: Pardon? Et a mis sa main sur son oreille. Peut-être que, quand je dis que je parle à des oreilles sourdes, j'ai découvert quelque chose.

Savez-vous, chez nous, les candidats doivent toujours passer un "test" physique, être en forme. La surdité, ce n'est pas un handicap. On est maintenant à l'article 1, parce que le ministre insiste. Si le ministre était un homme de tête, il aurait dit: Bon, je réalise, je ne vous donne pas la victoire, je suis bien prêt à recommander à mon chef d'équipe, le député de Brome-Missisquoi, à lui dire: Laissez donc la victoire au ministre. On ne cherche pas la victoire. M. le ministre, on va vous donner une manière élégante de retirer cela. C'est compris avec vous. Pas de filibuster, ces choses-là, pas du tout. On va être raisonnable et dire: M. le ministre, c'est cela qu'on veut vraiment pour le bénéfice de tout le monde, les travailleurs, les Québécois et les Québécoises. Il a décidé: Non, j'insiste pour l'article 1.

Je continue, mais cela est juste un petit à côté. Je parlais d'un bureau de sous-ministre, tous ceux qui travaillent dans un bureau, non seulement d'un ministre, mais d'un sous-ministre en vertu de... sont exemptés, ne sont pas considérés comme des salariés. On dit même "ou organismes du gouvernement". On nous présente un amendement, on aurait dû amender ces termes en même temps, "ou organismes du gouvernement", parce que, tout à l'heure, au début de l'article 1, paragraphe 3, on parle des fonctionnaires du gouvernement. Cela était clair. Plus loin maintenant, on voit: dans quelque ministère ou organisme du gouvernement. Qu'est-ce que cela veut dire?

Est-ce qu'Hydro-Québec est considérée comme organisme du gouvernement, et la Régie des alcools? Je ne le sais pas. Je vois le ministre qui dit non. Il ne dit pas non en paroles, il le dit avec sa tête, à cause de... Je ne dis pas qu'il est sourd, mais disons qu'il peut avoir le problème de me suivre. Il fait le signe, M. le Président, vous notez cela, je suis content de pouvoir le dire parce que c'est enregistré, il fait signe que non.

Je me pose la question. Quand on dit "organisme du gouvernement", parce qu'on est soit à l'emploi du gouvernement ou pas, organisme du gouvernement pour moi, cela veut dire un organisme qui est contrôlé par le gouvernement, où le gouvernement a beaucoup à dire. La CSST, est-ce que c'est un organisme du gouvernement? Je ne le pense pas moi-même. Je pense qu'Hydro-Québec est peut-être plus contrôlée par le gouvernement. Le ministre des Finances possède toutes les actions d'Hydro-Québec. C'est pour cela que, de temps en temps, je regarde et me demande où M. Parizeau garde ces millions d'actions? C'est beaucoup, c'est un gros paquet. Avec celui qui est le détenteur de toutes les actions d'Hydro-Québec, il y a un lien quelque part. Organisme du gouvernement... Là, on dit, je finis l'article et je vois, fait partie du service de direction du personnel. Ces gens sont exclus.

Qu'est-ce qu'on dit maintenant dans l'amendement? Dans l'amendement on dit: Veuillez lire après les mots "la présente loi", et je reviens aux deux tiers de ce que je viens de lire, les mots suivants: "Du commissaire de la construction ou du commissaire au placement et de ses adjoints visés dans la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction." Au point de vue pratique, cela voudrait donc dire que le commissaire de la construction et le commissaire au placement et ses adjoints ne sont plus considérés comme des salariés. Qu'est-ce qui arrive avec ceux qui travaillent dans leurs bureaux et qui connaissent toutes sortes de secrets sur le plan confidentiel? C'est qu'on parle dans l'article des mots "caractère confidentiel". Le commissaire du travail parle ... et sa secrétaire connaît tous ses petits secrets. Vous savez, avec la FTQ, j'ai fait référence à M. Laberge, je demandais à M. Laberge: Est-ce que le projet de loi 17 c'est un cadeau pour ce que vous avez fait pour le gouvernement? Il a répondu, non, parce que cela ne sera pas un cadeau de grande valeur. Il ne dit pas: Ce n'est pas un cadeau. Il dit que c'est un cadeau de peu de valeur, un petit cadeau, disons. (15 heures)

J'aurais dû lui demander: Est-ce le commencement, le début d'un cadeau? Il aurait probablement répondu oui. Quand je vois, donc, que le commissaire au placement

et ses adjoints ne sont plus salariés, qu'arrive-t-il à ceux qui travaillent dans leurs bureaux? Cela n'a pas été couvert. Je n'ai pas préparé les amendements. Je suis prêt à le faire, mais je ne veux pas retarder inutilement, parce que le ministre va dire: Regardez donc les libéraux, comment ils prennent la... Regardez donc! M. le Président, n'oublions jamais une chose. J'ai été ici jusqu'à minuit la semaine dernière. On a eu la commission parlementaire avec tous les organismes, mais, à minuit, on nous donnait leurs mémoires. Le groupe se présentait et on était ici. Par exemple, je me rappelle très bien la CSD. La CSD était ici, le groupement ouvrier de M. Hétu. On nous a présenté le mémoire quand ils s'installaient. Je pense qu'au point de vue de la préparation, de la chance qu'on nous a donnée pour prendre connaissance de ce projet de loi, cela a été fait, comme toujours, à la fin de la séance, avec rapidité, sans aucune chance de l'étudier.

Je suis content, au moins, d'avoir soulevé le problème des gens à l'article 1, seulement à l'article 1, ce que cela veut dire, cette affaire confidentielle. J'aimerais avoir des réponses, peut-être des amendements. Peut-être qu'on devrait dire: Ses adjoints ainsi que leurs employés, par exemple. C'est une suggestion, je sais cela. Mon chef d'équipe n'est peut-être pas d'accord avec cela. C'est lui qui pilote; je suis le soldat et j'exécute les ordres que j'ai reçus. Donc, on m'a demandé de faire une recherche sur l'article 1. Je l'ai faite. J'ai examiné les autres articles aussi. Je me réserve donc, M. le Président - parce que mon temps est coupé - de parler sur l'article 2, par exemple. Mais, pour le moment, je soulève ce problème et je demande au ministre qui, tout de même... parce qu'il n'est pas seulement médecin, il est avocat. Je pense qu'il n'a jamais pratiqué comme avocat. Il aurait dû, parce que s'il avait pratiqué comme avocat, il aurait retiré ce projet de loi. Il aurait compris ce que cela veut dire, la vie au jour le jour.

M. le Président, excusez-moi. J'ai soulevé quelques points et j'espère avoir des réponses.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Sainte-Anne. M. le ministre, juste avant de vous donner la parole, je dois vous souligner que la liste que j'ai lue au début de cette séance n'était pas la bonne et que la liste à laquelle il faut faire référence est celle de ce matin, en la modifiant en changeant le nom de M. Fortier (Outremont) pour celui de M. Bourbeau (Laporte). M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Oui, M. le Président, brièvement. Je pense que je n'aurai pas l'occasion d'intervenir souvent dans ce débat qui va nous permettre sans doute d'être à l'article 2 à 18 heures. Le député de Sainte-Anne s'est permis de passer des commentaires sur le métier que j'ai exercé à une certaine époque et peut-être porter des jugements sur ma façon d'exercer ce métier comme avocat. Je ne relèverai pas ses commentaires sous forme de question de privilège; je sais que ce n'est pas autorisé, M. le Président. Je dirai simplement que je sais que le député de Sainte-Anne est un avocat qui a fait sa réputation dans son coin comme avocat, mais que, chose certaine, il ne semble pas s'efforcer, à l'occasion des commentaires qu'il a faits sur l'article 1, de nous démontrer que, de fait, il est un très bon avocat.

M. Paradis: M. le Président, très brièvement, sur la question soulevée par le ministre. Je comprends les propos du ministre, qui n'a pas écouté attentivement les représentations et qui est allé s'asseoir au fond de la salle. Peut-être à cause des problèmes auditifs qu'a soulignés le député de Sainte-Anne, il n'a pas compris ce que le député de Sainte-Anne lui disait. L'intervention du député de Sainte-Anne était capitale pour la définition du mot "salarié". Lorsqu'on parle à tous les articles du mot "salarié", il faut s'entendre sur une définition au début. C'était là le sens de l'intervention du député de Sainte-Anne.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Comme vous pouvez le constater, nous en sommes à l'article 1 d'un projet de loi qui comporte 110 articles. C'est aussi un projet de loi, comme l'a dit le ministre lui-même -ce sont ses paroles, je crois - qui n'est peut-être pas révolutionnaire, mais qui a quand même son importance. Je voudrais relever quelques propos du ministre lorsqu'il a dit, par exemple, que le Parti libéral du Québec défendait les patrons au lieu de défendre les salariés. Oui, c'est à peu près ce que vous avez laissé voir: que c'était bon, que c'était peut-être populaire de tenter de dire que les syndicats étaient trop forts et qu'on préférait, nous, défendre les chefs d'entreprise, etc., que de défendre les salariés. L'article 1 parle justement des salariés et j'ai l'impression que ce sera l'article le plus long à adopter dans tout le projet de loi, parce que, justement, on traite du mot "salarié". Nous, c'est évident qu'on défend les salariés. On se souviendra qu'en décembre 1982 lorsque le gouvernement a voté des lois telles que la loi 70, la loi 105, la loi 111 qui s'attaquaient directement aux salariés, là, le Parti lébéral n'a pas hésité à passer des journées et des nuits complètes à défendre ces salariés.

II y a des choses également que mon collègue de Sainte-Anne ne comprend pas dans l'article 1. J'ai le même problème, M. le Président. Lorsqu'on parle des commissaires au placement, est-ce qu'on doit voir dans cela ceux qui ont à faire appliquer le fameux règlement de placement, le règlement 5, qui interdit aux gens de travailler sur la construction s'il n'ont pas, au préalable ou les années précédentes, travaillé un certain nombre d'heures? Si tel est le cas, on aimerait le savoir. Mais, ici, on parle de commissaires au placement. Est-ce que ce sont seulement ceux qui prennent les demandes, qui, en quelque sorte, supervisent l'embauche dans le domaine de la construction ou ceux qui sont qualifiés par l'Office de la construction du Québec pour refuser l'embauche de travailleurs compétents? C'est pourquoi, M. le Président, l'article 1 est d'une extrêmeme importance. Il faut qu'on s'entende très bien sur le mot "salarié" parce que le mot salarié revient, comme le dit mon collègue, régulièrement. Et je comprends mal également... - Bonjour M. le Président, je vous salue - que ce gouvernement qui se veut le défenseur des salariés, qui se veut le gouvernement le plus près des salariés, fasse une exception de quasiment la totalité des gens qui travaillent dans la fonction publique et des chefs de cabinet - cela serait peut-être pratique d'être syndiqué comme chef de cabinet parce que j'ai l'impression que le chef de cabinet du premier ministre aimerait avoir un syndicat pour venir à sa défense de temps à autre, mais il n'en n'a pas. On ne veut pas le lui accorder avec l'article 1, si je le comprends tel qu'il est rédigé présentement. On ne couvre pas les chefs de cabinet, on ne couvre même pas les membres sous-ministre, les membres des ministères.

Alors, le mot "salarié", pour nous, est beaucoup trop vague tel qu'il est rédigé dans cet article. Il faut le définir. Cela paraît simple. Je vois le député de l'autre côté dont le mot "salarié" n'attire pas l'attention. Il faut savoir ce qu'est un salarié. Il faut savoir qui on défend ici, qui on veut protéger. Je présume que ce projet de loi-là n'a pas été fait dans le but seulement de faire un projet de loi, de dire: on va apporter la loi 17. Ce n'est pas tombé du ciel. Il y sûrement des technocrates qui ont travaillé très fort, qui ont préparé le projet de loi. Eux, peut-être, savent ce qu'on veut dire par le mot "salarié" et pourront le dire au ministre. Lui pourra nous transmettre exactement la définition du mot "salarié". Est-ce qu'un député est un salarié? Un ministre? Il pourrait être deux salariés, parce qu'il a deux fois le salaire. On ne le retrouve pas dans l'article. Cela paraît peut-être simple de dire: Mon Dieu! un salarié c'est un salarié! D'accord, cela est simple si on dit qu'un salarié, c'est quiconque touche une certaine rénumération. Cela est un salarié. Si on veut l'interpréter comme cela... Mais, à ce moment-là, je ne vois pas pourquoi exclure tout ce monde-là: les surintendants, les contremaîtres, les représentants des employeurs. Cela peut aller loin.

J'ai été en affaires très longtemps, M. le Président, pardon, Mme la Présidente et je voudrais en informer le ministre. Il y en avait beaucoup qui étaient de mes représentants et qui étaient syndiqués et j'étais fier qu'ils le soient. Je ne vois pas pourquoi on dirait: Parce que tu es le représentant d'un employeur, tu n'a pas le droit de te syndiquer. Si on veut favoriser la syndicalisation, nous, nous sommes d'accord, on va favoriser tout le monde. On ne fera pas de discrimination avant même que la loi soit adoptée.

Nous arrivons à l'article 1. À l'article 1, comme je l'ai mentionné - il y 110 articles - déjà, on ne s'entend pas! On ne s'entend pas pour démarrer. Je ne dis pas qu'on ne pourra pas passer à travers ce projet de loi, mais j'ai l'impression que cela sera certainement difficile, parce que l'article 1 est toujours ce qui donne la base. C'est la pierre de lancement, c'est de là qu'on part. Là on sait vraiment, on a défini exactement qui on défend, qui on veut protéger, pour qui ce projet de loi est voté -si jamais il est voté effectivement - M. le Président, Mme la Présidente. Le ministre m'a fait sourire. Il a quand même l'air sympathique, il se promène un peu partout, on se demande si c'est lui vraiment qui doit défendre ce projet de loi-là ou si c'est un spectateur qui vient vous voir à l'oeuvre. Alors, c'est pourquoi... M. le Président, je vais terminer immédiatement, mais je me réserve le droit de revenir car je crois que je n'ai pas pris mes vingt minutes.

Je vais continuer à étudier l'article 1 et j'aurai sûrement d'autres commentaires à faire avant l'adoption de l'article 1. Merci.

La Présidente (Mme Lachapelle): Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui désireraient intervenir sur l'article 1?

M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Je vous remercie de l'attention que vous me portez, Mme la Présidente. Pour comprendre l'article 1 dans son essence, dans sa substance, il s'agit d'analyser minutieusement les exclusions au mot "salarié" qu'on y apportait traditionnellement tout en prenant bien soin de les comparer avec les nouvelles exclusions qu'on veut y ajouter et de vérifier en même temps si on n'en a pas soustrait.

Je pense que c'est notre devoir comme parlementaire de procéder de cette façon, sinon, ce serait donner carte blanche à un gouvernement qui a un préjugé défavorable

aux travailleurs, aux salariés. On l'a vu à l'occasion des lois 70, 105 et 111. Ce gouvernement est allé jusqu'à suspendre les deux chartes des droits et libertés qui s'appliquent au Québec, la charte canadienne ainsi que la charte québécoise.

J'y viens sans plus tarder, Mme la Présidente. Le mot "salarié" au niveau du Code du travail, traditionnellement, avant qu'on n'adopte le présent projet de loi, inclut une personne qui travaille pour un employeur moyennant rémunération.

Cependant, et c'est là qu'on peut juger l'approche gouvernementale, ce mot ne comprend pas, premièrement, une personne qui, au jugement du commissaire du travail, est employée à titre de gérant, de surintendant, de contremaître ou de représentant de l'employeur dans ses relations avec ses salariés.

M. Bélanger: Cela n'a pas de bon sens.

M. Paradis: Déjà on judiciarise le processus. On implique des délais, des dépenses pour se présenter devant le commissaire du travail pour argumenter. On voit déjà ce que la CSD, la Confédération des syndicats démocratiques, dénonçait...

Une voix: La Centrale...

M. Paradis: La Centrale des syndicats démocratiques - excusez-moi - dénonçait et cela a été également dénoncé par la CSN. On voit déjà ce que les centrales syndicales dénonçaient.

La deuxième exclusion: un administrateur ou un officier d'une corporation, sauf si une personne agit à ce titre, à l'égard de son employeur, après avoir été désignée par les salariés ou une association accréditée.

Donc, s'il faut se fier à la rédaction choisie et utilisée par le législateur, on s'aperçoit que ce ne sont pas tous les administrateurs et officiers d'une corporation. On crée des exceptions dans l'exception, sans doute dans le but de faciliter la compréhension.

Troisièmement, sont également exclus les fonctionnaires du gouvernement dont l'emploi est d'un caractère confidentiel, au jugement du Tribunal du travail - encore une fois la judiciarisation, les délais, les coûts -ou aux termes d'une entente liant le gouvernement et les associations accréditées - ce gouvernement-là appelle encore cela "des ententes" les décrets qu'il impose, beau vocabulaire! - conformément au chapitre VIII de la Loi sur la Fonction publique qui sont partie à une convention collective. Un décret, il appelle encore cela une convention collective, M. le Président. J'étais pour dire Mme la Présidente, mais je viens d'apercevoir la députée de Dorion à son siège. Elle a quitté le siège qu'elle a occupé de façon digne...

Le Président (M. Blouin): II y a eu substitution, M. le député.

M. Paradis: II y a eu substitution de personne, M. le Président, mais c'est important pour le journal des Débats, parce que le genre est important.

Je continue: à une convention collective qui, autrement, s'appliquerait à ces fonctionnaires. Tel est l'emploi d'un conciliateur du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Bélanger: Cela n'a pas de bon sens.

M. Paradis: Au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre les conciliateurs ne sont pas définis comme des salariés au sens du Code du travail.

M. Bélanger: Ils ne sont pas payés.

M. Paradis: Un agent d'accréditation. Celui qui relève du Code du travail, au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, n'est pas considéré comme un salarié au sens du Code du travail, dont la responsabilité incombe au ministère du Travail ou au ministre du Travail, ou au ministre du Travail par intérim ou de façon permanente. (15 h 15)

Un agent d'accréditation ou un commissaire du travail visé dans la présente loi, un membre du personnel du Conseil exécutif - là, on entre dans le coeur - un membre du personnel du Conseil exécutif, quelle que soit sa fonction, parce que là on est chez les politiciens, on est dans le bureau du premier ministre, personne n'est syndiqué - du Conseil du trésor - personne -du Vérificateur général du Québec, du ministère de la Fonction publique, de la Commission de la fonction publique, de l'Office du recrutement et de la sélection du personnel de la fonction publique, du cabinet d'un ministre ou d'un sous-ministre ou d'un membre du personnel qui, dans un ministère ou organisme du gouvernement fait partie du service du personnel ou d'une direction du personnel - et là on ajoute au niveau du ministère du Travail - du commissaire de la construction, du commissaire au placement et ses adjoints ne sont plus considérés comme des salariés.

Vous savez ce que cela veut dire? Cela veut dire que le gouvernement est pour le syndicat, mais chez les autres. Il a un préjugé favorable aux salariés mais pas chez lui, ailleurs que chez lui. Le député de Mont-Royal me dit ailleurs. C'était en référence à la commission de l'énergie et des ressources, où on a parlé du saccage à la Baie-James. Vous savez que c'était

difficile de prouver que cela s'était fait dans le bureau du premier ministre mais, très tôt, on a réussi à prouver que ce n'était pas ailleurs que dans le bureau du premier ministre que cela s'était réglé. Je ferme la parenthèse, parce que vous allez certainement me dire que c'est légèrement irrégulier.

Même si on pouvait raccrocher des points comme je l'ai fait, hier soir, avec le chef de cabinet du premier ministre, qui a déjà été arbitre avec son ancien associé qui a réglé... En tout cas, je pourrais recommencer l'histoire, mais je crois que vous la connaissez et vous êtes convaincu comme nous le sommes de ce qui est arrivé là, M. le Président. De toutes ces exceptions au premier article, ne trouvez-vous pas cela extraordinaire que ce gouvernement exclut la définition de "salariés" au centre du travail à peu près tout le monde qui est près du gouvernement, à partir du bureau du premier ministre, du Conseil du trésor, du ministère du Travail, c'est-à peu près la place où il va rester le moins de salariés au sens du Code du travail? Je comprends, avec les abus qu'on va retrouver dans le Code du travail, avec le déséquilibre qui sera créé, le gouvernement ne veut pas être lié par la loi, mais il est prêt à l'imposer par exemple au secteur privé et à faire payer le secteur privé au risque et au prix d'hypothéquer - si vous me passez le mot, M. le notaire, le député de Beauce-Sud - la relance économique, d'hypothéquer la création d'emplois et d'hypothéquer le maintien de l'emploi au Québec. C'est bon pour les autres mais ce n'est pas bon pour eux. Comprenez-vous quelque chose dans cela?

C'est la même chose lorsqu'arrive le temps de respecter des signatures sur des conventions collectives. Dans le secteur privé, le patron qui signe et le syndicat qui signe ou l'employé qui signe, il faut que cela se respecte. Mais, au gouvernement, c'est différent. Le respect de la signature, le respect des salariés, le respect des syndicats, le respect de la liberté d'association, le respect de la négociation, c'est bon pour les autres, mais ce n'est pas bon pour eux. Eux, ils ont le monopole de la vérité, ce n'est pas compliqué, cela c'est pour le respect de la signature.

Pour le respect des droits et libertés individuelles, il y a une Commission des droits et libertés de la personne, qui a été créée par le Parti libéral, cela s'applique au Québec, cela s'applique à tout le monde, sauf à eux, c'est bon pour les autres mais ce n'est pas bon pour eux. Cela, c'est important. C'est un gouvernement qui légifère non pas en fonction d'un principe, non pas en fonction d'un préjugé favorable dans un sens ou dans un autre, c'est un gouvernement qui légifère des obligations pour les autres et qui n'accepte aucune responsabilité. Je l'ai dit, hier soir, je le répète, aujourd'hui, je le répéterai chaque jour, afin que le ministre finisse par comprendre. Ce n'est pas compliqué, ils ne veulent pas de responsabilité parce que, lorsque on leur dit que c'est leur responsabilité, ils nous disent que non, ce n'est pas leur responsabilité, c'est la faute des autres. C'est la faute à Ottawa, c'est la faute aux Anglais, c'est la faute à Reagan aux États-Unis, c'est la faute à la Communauté économique européenne. C'est un gouvernement d'irresponsabilités, qui croit qu'il n'a aucune obligation mais c'est le gouvernement qui impose à chaque groupe de citoyens dans la société le plus d'obligations sans prendre la responsabilité de son geste. Cela va être la faute de quelqu'un d'autre, à un moment donné, s'il y a une industrie qui refuse de s'implanter au Québec, parce qu'on a le Code du travail le plus contraignant en Amérique du Nord. Cela va être la faute des autres. Vous savez pourquoi? Parce que les autres, aux États-Unis, n'ont pas de Code du travail aussi contraignant. Ce ne sera pas la faute de ce gouvernement, parce que les autres au Canada n'auront pas de Code du travail aussi contraignant. On va dire: C'est la faute des autres et c'est la faute du gouvernement fédéral, parce qu'on va avoir le Code du travail le plus contraignant.

Mais c'est trop facile comme approche, M. le ministre. On va s'asseoir, si vous le voulez bien. On va mettre fin à l'adoption de ce projet de loi et on va tenter de vous aider à donner suite à vos engagements de 1977 et de 1979. On va tenter de procéder à une réforme en profondeur du Code du travail qui ne sera pas basée sur une situation conflictuelle - on ajoute du conflictuel à du conflictuel - qui ne sera pas basée sur la judiciarisation des relations de travail. Et on va tenter, avec les partenaires du monde patronal, du monde syndical, les employeurs et les travailleurs, aussi ceux qui n'ont pas d'emploi, les chômeurs et les bénéficiaires de l'aide sociale, de voir s'ils ne seraient pas prêts à accepter des emplois à certaines conditions et voir quelles sont leurs conditions à ces gens-là. On va arrêter de penser qu'on a le monopole de la vérité. On va écouter ces gens. On va les entendre et on va tenter de bâtir un Code du travail dans la concertation, un code dont le critère ne sera pas le conflictuel, mais la productivité. On va tenter de produire des richesses. Et quand on aura des richesses, on va penser à améliorer encore davantage nos conditions de travail. On va également penser à répartir ces richesses parmi les plus nécessiteux dans la société.

En attendant, continuez, si vous êtes entêtés, si c'est une question d'orgueil, si c'est une question de cadeau à faire à quelqu'un... Il y a peut-être une centrale syndicale qui vous a rendu des services et

que vous voulez récompenser! Si c'est cette question, continuez à vous entêter, mais ce que vous faites va compromettre la relance économique, va créer davantage de chômage en nous faisant perdre des emplois et, en créant un climat de non-confiance et d'incertitude, va empêcher les investisseurs de venir ici. Vous aurez à supporter, que vous le vouliez ou que vous ne le vouliez pas, une responsabilité absolue et ultime. Ce sera le vote des électeurs. Il n'y en aura pas d'autres, parce que le vote en commission parlementaire - je le concède - n'inquiète pas le ministre. Chez la majorité servile, lorsque le ministre va tirer sur la chaîne, les bras vont se lever et il va l'emporter. Le nombre est là en commission, mais, lorsqu'on arrivera devant le peuple dans des élections partielles - c'est la première occasion, le 20, lundi prochain - on va voir ce que les gens pensent de votre déconnexion de la réalité. Quand on arrivera aux élections générales -le plus tôt possible, on le souhaite - les gens pourront se prononcer sur ce qu'ils pensent du contenu de ce projet de loi.

Ce projet de loi est identique, en quelque sorte, à celui de la science et de la technologie qui en est présentement à la deuxième lecture ou en commission parlementaire, un projet de loi qui est dénoncé par tout le monde, les éditorialistes, les journalistes, les universités, les professeurs et tous ceux qui s'occupent de la recherche. Il est dénoncé par tout le monde, mais le gouvernement procède quand même. Quant aux modifications au Code du travail, personne n'est satisfait: le Conseil du patronat, les chambres de commerce, l'Association des manufacturiers canadiens, section Québec, sont braqués contre ce projet de loi. Cela va faire fuir les jobs du Québec. Oui, M. le Président, mais les syndicats qui représentent les salariés sont définis à l'article I. Vous aviez raison de le souligner. Ces syndicats ne sont pas satisfaits, sauf l'ami Louis Laberge, de la FTQ, qui est plus satisfait, sans être complètement satisfait, parce qu'à ce moment-là, il aurait appelé cela un gros cadeau. Mais il y a peut-être d'autres cadeaux qui s'en viennent. Au lieu de donner un gros cadeau à la FTQ comme on l'a fait dans le cas de LG 2, on a peut-être décidé, cette fois, de procéder par une série de petits cadeaux. On va scruter, de notre côté, à la pièce, chacune des lois qui nous sont apportées, parce qu'une série de petits cadeaux, cela peut finir par être un gros cadeau. Le problème, c'est que c'est la même conclusion qu'un gros cadeau, parce que cela fait une grosse facture quand on a analysé toutes les petites factures. Le problème, c'est que ce n'est pas le PQ, ce n'est pas le Parti québécois qui paie la facture. Ce sont les électeurs des comtés de Brome-Missisquoi, électeurs de Beauce-Sud, de Mégantic-Compton et de Mont-Royal. Ce sont aussi vos électeurs de l'autre côté de la table. Mais vous n'avez pas l'air de vous soucier tellement de cela. Votre silence est d'ailleurs éloquent sur ce projet de loi quant aux effets que cela peut avoir sur vos électeurs. J'aurais pensé que quelqu'un qui a des salariés dans son comté serait intéressé à ce projet de loi.

N'importe quel des députés de l'autre côté... Je vois le député de Saint-Hyacinthe qui sourit; il n'en a peut-être pas de salariés, je ne le sais pas. La députée de Dorion a sans doute à coeur l'intérêt de ses salariés, mais qu'elle le dise! Ce n'est pas dans le silence qu'on va retrouver ce qu'elle a à coeur, M. le Président. Si elle est d'accord, qu'elle nous dise pourquoi, qu'elle réfute nos arguments, qu'elle nous dise qu'elle croit que ces dispositions ne nuiront pas à la relance économique; que le Conseil du patronat, que la Chambre de commerce, que l'Association des manufacturiers ne connsaissent rien à l'économie, ne connaissent rien à la création d'emplois, que le PQ a le monopole de la vérité et que c'est dans l'amendement proposé à l'article 1, le monopole de la vérité, M. le Président.

En terminant, M. le Président, je fais un appel au ministre pour qu'il repense à son affaire. S'il y a déjà pensé, qu'il y repense. S'il n'y a pas déjà pensé, pas qu'il y repense, mais commence à y penser. Qu'il commence à penser que, devant le refus ou la non-acceptation globale par la société de son projet de loi, il serait gagnant, il apparaîtrait comme quelqu'un de raisonnable, comme quelqu'un à l'esprit ouvert s'il acceptait de le retirer et s'il acceptait de donner suite aux promesses qu'il a faites lui-même alors qu'il était au Travail de façon continue - pas au Travail de façon intérimaire - des promesses qu'il a faites en 1977 et 1979 de modifier au plus tôt et en profondeur le Code du travail pour que, au lieu que ce soit un handicap, une hypothèque à l'économie québécoise, cela devienne un outil de développement économique auquel pourront participer tous les salariés, tous les travailleurs, toutes les travailleuses, tous les employeurs, toutes les employeuses également de la province de Québec. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Brome-Missisquoi. M. le député de Mont-Royal vous avez la parole.

M. Ciaccia: M. le Président, les changements que le ministre veut apporter à l'article 1, je pense que cela nous démontre les raisons pourquoi vraiment on devrait procéder à une refonte complète du Code du travail et ne pas arriver avec de petits changements ou des changements à la pièce, qui vont seulement créer plus d'ambiguïté,

qui vont créer des difficultés et qui ne démontrent pas une cohérence ou une philosophie.

Quand on voit toute la liste des gens qui sont exclus du mot "salarié", la première question qui nous vient à l'esprit c'est: Quelle est la philosophie du gouvernement pour exclure des gens de la définition du mot "salarié", qui ne seront pas syndiqués, qui n'auront pas le bénéfice du Code du travail? On voit une liste de personnes, de catégories de personnes. Il y en a qui sont spécifiquement nommés, il y en a d'autres à qui l'on donne une discrétion. On laisse cela au jugement du commissaire du travail.

Quand on rentre dans le domaine politique, même dans certains aspects administratifs du gouvernement, on exclut ses membres, ses travailleurs du mot "salarié"; ce qui veut dire qu'ils n'auront pas toute la protection nécessaire.

La première question qu'il faut se poser c'est: Quelle est la philosophie du gouvernement pour inclure ou pour exclure une catégorie de travailleurs du mot "salarié"? Aujourd'hui, on arrive avec une autre exclusion spécifique. On dit: Sont exclus du mot "salarié": le commissaire de la construction, le commissaire au placement et ses adjoints. Ils ne sont plus considérés comme salariés.

Au lieu d'apporter des changements sans une philosophie de base, ce serait préférable que le gouvernement définisse ses objectifs, que le gouvernement dise: Voici les catégories de personnes, les gens qui sont exclus du mot "salarié", et voici les raisons pour lesquelles le mot "salarié" ne comprend pas ces travailleurs. (15 h 30)

Actuellement, il est difficile de voir le raisonnement, à savoir pourquoi certaines gens sont inclus et pourquoi d'autres sont exclus. C'est le premier problème que je vois dans l'approche que le gouvernement utilise maintenant. Il n'y a pas de philosophie, il n'y a pas de raisonnement, pas de critères, pas de normes. Je pense que c'est un des aspects les plus importants parce que, si on définit le mot "salarié", cela comprend tous ceux qui peuvent se prévaloir du Code du travail. Si on exclut certaines catégories de personnes dans cette définition du mot "salarié", cela veut dire qu'on empêche toute cette catégorie de gens d'utiliser les mesures protectrices incluses dans le Code du travail. C'est la première objection.

Deuxièmement, M. le Président, le gouvernement accuse les membres de l'Opposition de vouloir défendre le patronat contre les syndiqués. Ces accusations sont absolument sans fondement pour la seule raison que nous sommes contre ce projet de loi et que nous voulons établir un équilibre dans notre société afin de ne pas donner l'impression ou l'image qu'on veut favoriser un groupe au détriment de l'autre.

Comme nous l'avons souligné, si nous apportons des mesures trop contraignantes au Code du travail, si nous défavorisons les petites et moyennes entreprises, les employeurs, cela ne peut pas favoriser et les syndiqués et les travailleurs. Cela ira contre eux. Quand le gouvernement nous accuse de vouloir défendre le patronat ou les employeurs par rapport aux syndiqués, c'est absolument faux. Nous cherchons une approche un peu plus équilibrée.

Je voudrais porter à l'attention du gouvernement le fait qu'il reconnaît lui-même une distinction entre les différentes catégories d'employés. Il y a ceux qui sont définis dans le projet de loi, qui sont assujettis au Code du travail, et il y a ceux à qui le gouvernement dit: Non, vous êtes des cadres, vous occupez des postes confidentiels, vous travaillez pour un certain ministère, ou vous occupez certains postes administratifs. Il y a donc une reconnaissance de la part du gouvernement qu'il y a vraiment différentes catégories d'employés. Je présume que le gouvernement, en définissant ceux qui sont exclus de la définition de "salarié", avait à l'esprit qu'on cherchait à établir un certain équilibre, que certaines catégories de personnes seraient assujetties au Code du travail et que certaines ne le seraient pas.

Si j'utilisais l'argument que le gouvernement utilise contre nous, dans le sens qu'on veut un équilibre, si je voulais faire la même démagogie que le gouvernement, je pourrais lui dire: Écoutez, voulez-vous pénaliser une certaine catégorie d'employés? Est-ce que vous reconnaissez différentes catégories d'employés et que vous ne voulez pas leur donner les mêmes droits, les mêmes avantages, les mêmes mesures protectrices?

Non, je ne pourrais pas, en toute honnêteté, utiliser un tel argument, parce qu'il faut reconnaître que certaines catégories d'employés ne font pas partie du Code du travail pour des raisons très spécifiques; ce sont des cadres ou des personnes plus proches des employeurs. C'est donc une distinction qui est même reconnue par le gouvernement.

De la même façon que le gouvernement reconnaît cette distinction, même s'il n'y a pas de philosophie de base pour en arriver à cette distinction, le gouvernement devrait reconnaître qu'il y a des mesures qui ne doivent pas être mises en application, être incluses dans ce projet de loi, parce qu'elles vont à l'encontre du bien-être de tous les Québécois, de tous les employés, même si ces mesures semblaient moins contraignantes pour les employeurs.

C'est une critique qui a été faite par le Conseil du patronat, par les employeurs. Ils ont dit au gouvernement: Vous avez le

Code du travail le plus contraignant en Amérique du Nord. Puisque nous devons faire la concurrence, non seulement dans les limites territoriales du Québec, on est tous assujettis au même Code du travail, et aux mêmes règlements, peut-être qu'on pourrait dire que la concurrence est égale partout. Ce n'est pas cela qui arrive. La concurrence se fait avec d'autres provinces qui n'ont pas les mêmes mesures contraignantes que nous avons. Si le coût de production est moindre, si c'est plus facile, avec moins de harcèlement, moins de réglementation, la mobilité des travailleurs, la mobilité des capitaux, les investissements vont plutôt se faire sous d'autres juridictions, dans d'autres régions qu'au Québec.

C'est le but des représentations qui sont faites par le Conseil du patronat, par les employeurs, et c'est le but que nous cherchons, rétablir cet équilibre. Si le gouvernement ne veut pas reconnaître cet équilibre, pourquoi reconnaît-il qu'il faut exclure du mot "salarié" certaines catégories d'employés? Il reconnaît qu'il faut avoir des exceptions, qu'il faut avoir un équilibre entre les salariés, les employeurs, les employés. Si on pousse ce raisonnement à sa conclusion, à sa conclusion logique, nous devons réaliser qu'il faut aussi établir un équilibre entre tous les différents secteurs de notre société et de notre secteur économique. Je pourrais demander au ministre, s'il veut exclure les employés de la définition de salariés, si c'est parce que le Code du travail est trop contraignant et que, quand on a des règles qui sont trop contraignantes, naturellement il faut faire des exclusions. Là il faut dire: Écoutez, il y a tellement de difficultés, il y a tellement de contraintes qui sont contenues dans le Code du travail qu'il faut exclure de ce code certains employés, certains travailleurs, parce que cela devient trop difficile pour eux, cela devient trop difficile pour l'employeur, cela devient trop difficile pour le mettre en application et on exclut du mot "salarié" d'autres personnes, comme nous le voyons dans le projet de loi actuel.

Mais, plutôt que de toujours procéder par des exclusions qui mènent à l'ambiguïté, à la difficulté d'application, qui mènent à des complications législatives, il est plutôt préférable d'avoir un Code du travail qui est moins contraignant, qui a moins d'exclusions, qui serait plus juste. C'est presque une admission de la part du gouvernement que le Code du travail n'est pas juste et équitable. Si on veut continuellement ajouter des exclusions, à la minute qu'on exclut du mot "salarié" une catégorie d'employés ou des postes, c'est admettre que le Code du travail est trop contraignant pour les postes en question. Aujourd'hui, nous allons avoir quatre sous-paragraphes pour l'article 1. Demain, on va venir avec d'autres exclusions. Pourquoi? Je voudrais savoir quelle est la justification. Il me semble que cela serait beaucoup plus logique de la part du gouvernement que, plutôt que de procéder à des changements à la pièce, où il est obligé d'apporter des exclusions à des règlements ou à des lois qui sont trop restrictives et qui sont ouvertes à l'abus, il procède à une refonte totale. On pourrait arriver à une définition du salarié qui aurait une philosophie de base, qui aurait des normes, des critères, plutôt que de laisser cela à la discrétion d'un poste, à une personne, ou d'inclure, d'ajouter des exclusions.

Je pense que même le ministre actuel, qui remplace le ministre du Travail pour les fins du projet de loi, a reconnu lui-même en 1979 qu'il fallait procéder à la réforme du Code du travail. Lisons ces lignes dans la Presse du 5 mai 1979: "Le ministre du Travail, M. Pierre-Marc Johnson, envisage maintenant la possibilité d'une réforme du Code du travail à compter de l'automne prochain." Cela voulait dire l'automne 1979. Ce n'est pas M. Fréchette, le ministre actuel du Travail, le député de Sherbrooke, qui a dit cela. C'est le ministre qui remplace le ministre du Travail pour les fins de ce projet de loi. Je trouve que cela devient encore plus difficile de sa part de justifier l'approche qu'il utilise maintenant. Je pense que c'est ironique que ce soit lui qui nous apporte d'autres petites mesures, petites dans le sens que ce ne sont pas des changements considérables, mais ils ont des conséquences assez lourdes pour ceux qui sont affectés.

Il me semble qu'il serait beaucoup plus logique pour le gouvernement de prendre un peu de recul. Il n'y a rien de désastreux ou de déshonorable qu'un gouvernement admette que peut-être que les mesures qui sont proposées ne sont pas les bonnes et admette que c'est une erreur de faire adopter ce projet de loi à la vapeur, en fin d'une session. Je pense que le public comprendrait. Ce serait son sens des responsabilités que le gouvernement démontrerait en disant: Oui, nous avons proposé des changements à un projet de loi, mais, vu qu'on a reçu tellement de représentations contre la mise en application et l'adoption de ce projet de loi, nous voulons prendre le temps nécessaire, reculer un peu, revoir et repenser le projet de loi à la lumière des représentations qui nous ont été faites par les différents intervenants. Je pense que cela serait une façon d'agir honorable et responsable pour un gouvernement.

Mais quand un gouvernement s'entête à dire qu'il veut faire adopter le projet de loi, qu'il l'a introduit à l'Assemblée Nationale et que, parce qu'il a posé ce geste, il ne recule pas, quand c'est l'Opposition qui démontre les failles du projet de loi, parce que ce sont d'autres intervenants, je pense que cela démontre de l'irresponsabilité, à moins qu'on se soit engagé envers certains amis du parti

en disant: Écoutez, vous voulez ces termes dans le projet de loi. Nous avons fait une entente verbale, entre nous, pour répondre à certaines exigences de certaines personnes; si tel est le cas, cela peut justifier l'approche que le gouvernement prend maintenant et cela peut être une raison pour laquelle le gouvernement veut nous obliger à adopter ce projet de loi à la fin de la session, à la vapeur, contre les représentations des intervenants du milieu.

Mais si le gouvernement voulait agir d'une façon responsable, tenir compte des lourdes conséquences de ce projet de loi pour l'économie du Québec, pour les entreprises, je pense que ce serait tout à fait dans l'ordre et tout à fait responsable et équitable pour les gens concernés que le gouvernement révise sa position. Par pur hasard, le premier article du projet de loi démontre que le gouvernement a une mauvaise approche. On veut aussi exclure trois ou quatre postes de la définition du mot "salarié" afin que le commissaire de la construction, le commissaire au placement et ses adjoints, par exemple, ne soient plus considérés comme des salariés.

Il me semble qu'il devrait y avoir des normes, des critères pour déterminer ceux qui seront appelés salariés et qui seront assujettis au Code du travail et ceux qui seront exclus pour des raisons très précises, pour des critères qui seront établis. C'est cela une révision du Code du travail, c'est d'arriver à quelque chose qui a du bon sens, que le monde peut comprendre. On peut inclure dans une loi toutes sortes de règlements, toutes sortes d'exceptions, d'inclusions ou d'exclusions. Ce n'est pas la façon de légiférer. Car chaque loi doit avoir un esprit. Il faut pouvoir comprendre les objectifs d'une loi. Chaque article lui-même doit aussi avoir un esprit. Il faut comprendre quel est l'esprit de l'article 1, à quel but, à quel objectif le gouvernement veut arriver en excluant du mot "salarié" certaines catégories d'employés. (15 h 45)

À la façon dont le gouvernement a rédigé les changements et même à la façon dont l'ancien projet de loi a été adopté, on ne peut pas voir vraiment la philosophie d'aujourd'hui, les critères, les normes, les objectifs clairs d'un gouvernement qui souhaite que la population comprenne.

Si je suis un salarié, pourquoi devrais-je être inclus dans le Code du travail ou pourquoi devrais-je en être exclu? Ce n'est pas à la discrétion d'un commissaire, ce n'est pas parce que le gouvernement a décidé de m'exclure dans un projet de loi qu'il adoptera à la fin de juin. Quelles en sont les conséquences? Je me demande si c'est parce que c'est trop contraignant qu'on veut m'exclure. Cela n'a pas de raison d'être.

Pour ces raisons, M. le Président, j'inviterais le ministre à montrer un peu plus de sagesse, à être logique avec lui-même et à se conformer aux engagements qu'il a pris le 5 mai 1979 quand il nous a promis une réforme du Code du travail à compter de l'automne 1979. Qu'il nous dise aujourd'hui: On n'adoptera pas ce projet de loi, on peut étudier quelques autres articles, mais on procédera à une réforme du Code du travail l'automne prochain. Plaçons ce projet de loi sur les tablettes pour le moment, parce que cela répondra aux demandes de tous ceux qui sont venus devant cette commission pour intervenir et faire des représentations au gouvernement.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Mont-Royal.

M. le député de Beauce-Sud, vous avez la parole.

M. Mathieu: Merci, M. le Président. Vous comprendrez mon intérêt pour ce projet de loi. Quand on représente une région comme la mienne, que plusieurs ténors du gouvernement viennent vanter en nous traitant de Japonais du Québec, nous vantant le miracle beauceron, est-ce que cela s'est fait à partir d'un Code du travail chromé ou idéal? Je ne pense pas.

C'est pourquoi je ne voudrais pas que les modifications que l'on tente de faire au Code du travail aient des conséquences néfastes, qu'elles viennent asphyxier le phénomène du miracle beauceron, qu'elles viennent stériliser l'esprit d'entrepreneurship et qu'elles viennent provoquer une hémorragie de notre jeunesse, ce qu'il y a de plus important.

Il y a des problèmes préoccupants. Tantôt, je parlerai du problème causé par la modification du mot "salarié", mais je pense qu'il faudrait se préoccuper des salariés et également des ex-salariés, des futurs salariés, faire qu'il y ait des conditions favorables dans le futur et se préoccuper également des futurs ex-salariés.

Dans une période difficile comme celle que nous vivons présentement, comment pouvons-nous rester insensibles aux vrais problèmes qui confrontent la population? 430 000 chômeurs, si ce n'est pas davantage; 375 000 assistés sociaux chefs de famille, donc à peu près 600 000 à 700 000 personnes qui dépendent de l'aide sociale. Si on prend les chômeurs et les assistés sociaux, plus de 1 000 000 de personnes vivant du secours direct de l'État.

Est-ce que le projet de loi 17 qui est à l'étude nous aidera à améliorer cette situation? Je prends, par exemple, le drame que vit notre jeunesse. On dit: Les jeunes ne travaillent pas. Que leur offre le gouvernement? On leur offre trois choses. On dit: Vous pouvez avoir les prestations d'aide

sociale, c'est-à-dire 147 $ par mois. Je trouve qu'on les plafonne bas. Il ne faut pas connaître l'idéal, l'ambition et le talent de nos jeunes pour accepter une telle chose. On leur dit également: Vous pouvez toujours quitter la province, aller aux États-Unis ou en Alberta. J'appelle cela une hémorragie. La première solution, l'aide sociale, c'est une asphyxie. La deuxième solution, l'exil, c'est une hémorragie.

M. Lavigne: M. le Président, je n'ai pas d'objection à laisser les députés de l'Opposition faire leur filibuster, il n'en reste pas moins qu'ils devraient s'en tenir à la pertinence du débat. On est rendu dans les prestations aux assistés sociaux.

M. Ciaccia: Une question de règlement.

Le Président (M. Blouin): Un moment, s'il vous plaît! J'avais déjà exprimé discrètement au député de Beauce-Sud...

M. Ciaccia: Si vous me permettez, sur la question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je crois que les propos du député de Beauce-Sud sont entièrement pertinents au débat, parce que l'article 1 parle de salariés.

M. Mathieu: C'est cela.

M. Ciaccia: En démontrant qu'il y a des jeunes qui ne peuvent pas obtenir des emplois, qu'ils ne peuvent pas être des salariés, ne peuvent pas gagner leur vie, je crois que l'on est tout à fait dans la pertinence de l'article 1. Je ne vois pas comment la question de règlement...

Le Président (M. Blouin): Vous savez très bien, M. le député de Mont-Royal, que ce n'est pas parce que le mot "travail" est dans l'article 1 que nous pouvons aborder indéfiniment les problèmes de travail qui pourraient survenir partout au Québec, à tout moment, ou ailleurs dans le monde.

Ce que je dis simplement au député de Beauce-Sud, c'est, dans l'esprit de l'article 1, d'essayer le plus possible - évidemment, je compte sur la largeur d'esprit des membres de la commission - d'avoir des propos pertinents.

M. Mathieu: Quand on parle du mot "salariés", on ne peut pas s'empêcher de parler des ex-salariés, on ne peut pas s'empêcher de parler des futurs salariés et, avec ce gouvernement, on ne peut pas s'empêcher de parler des futurs ex-salariés également. Il me semble que je suis dans la pertinence, M. le Président, mais je vais tâcher de me restreindre pour me conformer à votre désir.

Vous me savez un homme docile, face à l'autorité du président. Si vous avez remarqué, je n'ai jamais contesté vos décisions, ni celles de vos prédécesseurs, de vos successeurs...

Le Président (M. Blouin): Je vous en remercie, M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: ...et de vos collaborateurs.

Je voudrais simplement terminer l'exposé de l'idée que j'avais commencé relativement à notre jeunesse. Je vous promets de ne pas être long, environ 30 secondes, pour dire: Que leur offre-t-on dans le moment à ces jeunes qui désirent? Que désirent-ils avant tout? C'est de devenir des salariés, c'est de gagner leur vie, c'est d'avoir des emplois. La question que je me pose est: Est-ce que le travail que nous faisons en adoptant ce projet de loi 17 va favoriser ce voeu? Si vous prenez les sommets québécois de la jeunesse qui ont eu lieu dans plusieurs régions du Québec, dont la mienne, quel est leur voeu? Que disent les jeunes? Ils disent: On veut du travail, on veut être des salariés en fin de compte. C'est ce qu'ils veulent. Si vous avez suivi les activités du sommet québécois de la jeunesse dans vos régions respectives, c'est certainement le message que les jeunes vous ont passé. Donc, que leur offre-t-on dans le moment? Je conclus mon point de vue sur cela. On leur offre l'asphyxie avec l'aide sociale, on leur offre l'exil avec la solution du travail à l'extérieur du Québec, ou on leur offre toujours la clandestinité, mais travailler pas de carte, on sait ce que cela donne. Cela donne la prison, cela donne les travaux communautaires. J'ai un cas pas mal patent. C'est un jeune qui a été condamné parce qu'il avait peinturé et n'avait pas la carte de l'OCQ. Savez-vous ce qu'il a eu comme sentence? On l'a condamné à peinturer pendant 30 heures en travaux communautaires. Il dit: Si je n'avais pas le droit de peinturer pour gagner ma vie, comment se fait-il que j'aie le droit de peinturer pour faire des travaux communautaires?

J'aimerais qu'on profite de ce débat pour corriger de telles anomalies. Pour revenir plus directement à la pertinence que vous souhaitez ardemment, ce projet de loi 17, Loi modifiant le Code du travail, qu'est-ce qu'il nous dit dans ses notes explicatives? Vous savez que, pour interpréter un projet de loi, normalement, les notes explicatives sont importantes. On nous dit: Ce projet de loi a avant tout pour objet de modifier plusieurs dispositions. Je tiens à le rappeler, parce que cela a probablement échappé aux députés ministériels, les notes explicatives, je trouve

cela important de les rappeler pour être sûr qu'on est bien dans la pertinence du débat par la suite. Je recommence donc. "Ce projet de loi a avant tout pour objet de modifier plusieurs dispositions du Code du travail concernant le droit d'association, l'accréditation, les conventions collectives, le règlement des différends et des griefs et les mesures antibriseurs de grève. "En premier lieu, il élargit la protection du droit d'association en prévoyant que les représailles et les mesures discriminatoires prises contre un salarié - et voici la pertinence - à cause de l'exercice par celui-ci d'un droit qui lui résulte du Code du travail constitueront des pratiques déloyales pour lesquelles l'employeur pourra être poursuivi et le salarié être indemnisé. Il précise de plus qu'un commissaire du travail pourra ordonner le paiement d'intérêts sur une indemnité due par l'employeur et qu'une ordonnance de réintégration d'un salarié -"salarié" encore - sera exécutoire malgré tout appel."

Je reviens, M. le Président, à l'article 1. Vous savez à quel point ces droits statutaires sont difficiles à cerner.

Mme la Présidente, je salue votre arrivée et je me réjouis toujours quand je vous vois présider nos travaux. C'est un honneur pour moi d'avoir à me soumettre à une aussi douce présidence. Je me dois de vous dire maintenant, puisque nous sommes rendus à l'article 1, que je dois citer l'article pour la bonne intelligence de nos travaux, parce qu'il se peut que certains de nos collègues, plus ou moins distraits, n'aient pas eu l'occasion de lire l'article. Je trouve cela très important de nous plonger directement dans le contexte. Donc, je lis l'article 1: "L'article 1 du Code du travail (LRQ, chapitre C-27) est modifié par l'insertion, dans la neuvième ligne du sous-paragraphe 3 du paragraphe 1, après les mots "la présente loi" des mots "du commissaire de la construction ou du commissaire au placement et de ses adjoints visés dans la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction (LRQ, chapitre R-20)."

Mme la Présidente, avez-vous compris quelque chose là-dedans? Vous comprenez qu'il faut absolument expliciter davantage, parce que c'est tellement touffu. Il n'y a absolument rien à comprendre pour le profane. Or, si on veut comprendre quelque chose, allons donc au chapitre C-27, tel qu'il existe présentement. Le troisième alinéa du sous-article du paragraphe 1 se lit comme suit. Je cite le droit actuel: "1. salarié, une personne qui travaille pour un employeur moyennant rémunération." On nous dit ce qu'est un salarié; une personne qui travaille pour un employeur moyennant rémunération. Jusque-là, cela va bien. Cela ne cause pas de problème. La phrase continue: "Cependant, ce mot ne comprend pas - il va y avoir une liste d'exclusions, on va citer les personnes qui ne sont pas considérées comme des salariés au sens du Code du travail premièrement, "une personne qui, au jugement du commissaire du travail, est employée à titre de gérant, de surintendant, contremaître ou représentant d'un employeur dans ses relations avec ses salariés." Or, ici, pour que cette exclusion au premier sous-alinéa du paragraphe 1 se réalise, il faut donc qu'il y ait eu une procédure judiciaire quelque part, puisqu'on dit "une personne qui, au jugement du commissaire du travail"... Donc, il faut que le commissaire du travail se soit penché sur le litige ou ait été saisi du litige. On nous parle d'une loi qui veut déjudiciariser. Il me semble que c'est absolument le phénomène contraire que l'on obtient. (16 heures)

Deuxième exclusion, c'est-à-dire que n'est pas salarié un administrateur ou officier d'une corporation. Alors, l'administrateur ou l'officier d'une corporation n'est pas salarié sauf si - on l'exclut mais là on le réintègre, c'est très limpide, très transparent et très facile à suivre - une personne agit à ce titre à l'égard de son employeur après avoir été désignée par les salariés ou une association accréditée. Donc, l'administrateur ou l'officier d'une corporation que l'on exclut de la liste des salariés peut être inclus si une personne agit à ce titre à l'égard de son employeur après avoir été désignée par les salariés ou une association accréditée.

Qu'est-ce qui va décider si l'administrateur ou l'officier de la corporation a agi à ce titre à l'égard de son employeur ou pas? Il y a quelqu'un qui devra décider cela quelque part. Cela me semble, M. le Président, pas trop conforme aux besoins de notre société, le monde des affaires, d'avoir des articles clairs, limpides, faciles à interpréter, qui ne portent pas flanc à litige.

Je vois mon collègue, le député de Mégantic-Compton, qui a eu de nombreux salariés sous ses ordres. Peut-être serait-il en quelque sorte à la fois inclus et exclu lui-même comme salarié. Si on prend l'article 1, il est exclu mais, à la deuxième exclusion, peut-être l'inclut-on lorsqu'on dit: un administrateur ou officier d'une corporation. Je conçois que mon collègue était administrateur et même officier d'une corporation.

Maintenant, qu'entend-on par corporation ici? Qu'est-ce qu'on entend par corporation? Est-ce une corporation de la couronne, une corporation en vertu de la première partie de la Loi sur les compagnies du Québec, une corporation en vertu de la seconde partie de la Loi sur les compagnies du Québec, une corporation en vertu de la

troisième partie de la Loi sur les compagnies du Québec, une corporation en vertu de la Loi des sociétés commerciales canadiennes? Alors, c'est quoi une corporation?

Il y a beaucoup d'autres extensions qu'on peut donner à ce terme. Il semble avoir une ambiguïté ici que le législateur aurait certainement eu avantage à clarifier. Je reviens à l'exemple de mon collègue de Mégantic-Compton, qui est sûrement un administrateur d'une corporation, qui est un officier d'une corporation. Peut-être se retrouvera-t-il son propre salarié sans même le savoir, M. le Président? En fait, de clarté cela ne pêche pas par excès.

Si justement il devient son propre salarié, son droit va s'éteindre par confusion. Comme on le dit dans le Code civil, on ne peut pas être créancier et débiteur en même temps. Cela n'a pas été prévu.

Troisième exclusion: Est "salarié" une personne qui travaille pour un employeur moyennant rémunération sauf, troisièmement, un fonctionnaire du gouvernement. Normalement, les fonctionnaires sont salariés, dont l'emploi est de caractère confidentiel au jugement du Tribunal du travail. Alors, encore une procédure judiciaire pour déterminer si l'emploi est à caractère confidentiel ou pas. Qui prendra l'initiative de le faire déterminer? Toujours la "judicarisation", Mme la Présidente.

Je disais à M. le député de Sainte-Anne comme j'étais heureux de travailler sous une si douce férule. Nous devrions faire pression pour qu'elle accepte la vice-présidence de l'Assemblée nationale.

M. Polak: J'ai déjà demeuré à Dorion, après Saint-Jacques.

M. Mathieu: Donc, n'est pas un salarié un fonctionnaire du gouvernement dont l'emploi est à caractère confidentiel au jugement du Tribunal du travail ou aux termes d'une entente liant le gouvernement et les associations accréditées - ce sera clair, on saura s'il y a entente et il n'est pas besoin de procédures judiciaires, je suis satisfait - conformément au chapitre VIII de la Loi sur la fonction publique qui sont parties à une convention collective qui, autrement, s'appliquerait à ce fonctionnaire. Tel est l'emploi d'un conciliateur du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Je pense qu'ils deviennent inclus. On a dit qu'un salarié, c'est toute personne qui travaille pour un employeur moyennant rémunération, sauf un fonctionnaire du gouvernement...

La Présidente (Mme Lachapelle): M. le député... s'il vous plaît!

M. Mathieu: Je demanderai le consentement pour 20 minutes encore.

M. Johnson (Anjou): Ah non! non, non, merci!

La Présidente (Mme Lachapelle): Je regrette, il y a d'autres intervenants qui ont levé la main.

M. Mathieu: C'est dommage que le ministre me refuse cela.

En concluant, Mme la Présidente, je voudrais vous faire une mention. En étudiant ce projet de loi, je me dis que le Québec peut bien avoir le Code du travail le plus avant-gardiste, le plus chromé, s'il n'y a pas d'emplois, il n'y aura pas de travailleurs et, à ce moment-là, ce code ne sera utile à personne. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lachapelle): Merci, M. le député.

M. le député de Mégantic-Compton.

M. Bélanger: Merci, Mme la Présidente. Comme je l'avais dit au début, j'étais persuadé que mes collègues allaient développer des arguments sur lesquels j'aimerais revenir et il y en a effectivement.

On a parlé d'un engagement envers une certaine centrale syndicale, c'est notre crainte à nous aussi du Parti libéral que les travailleurs ne soient pas favorisés mais plutôt qu'une certaine centrale syndicale soit favorisée.

Cela se comprend également lorsqu'on voit les dernières déclarations en ce sens que le président d'une centrale syndicale est prêt à venir témoigner disant que le bureau du premier ministre n'est pas intervenu dans le règlement hors cours.

Nous, de l'Opposition, sommes en droit de nous imaginer que cela peut, par exemple, faire partie d'une certaine forme de négociation de dire: Vous allez nous aider et un service en attire un autre. Pour nous acquitter de notre dette, nous vous aiderons dans l'embarras où se trouve actuellement le premier ministre du Québec.

On a développé un autre argument qui est pas mal fantastique, Mme la Présidente, et je vais vous en parler quelques minutes. J'ai été surpris moi-même à la lecture -c'était peut-être la dixième fois - de l'article 1. "Un agent d'accréditation n'a pas le droit de faire partie du syndicat." Cela est drôle et quasiment incroyable. Cela veut dire un cuisinier qui tente de vendre sa salade et qui dirait: Moi, je ne peux pas en manger. Comment voulez-vous que les travailleurs soient en confiance, comment voulez-vous que des travailleurs puissent aller voir un agent d'accréditation et que cet agent dise: Je suis bien prêt à t'aider, c'est fantastique le syndicalisme, sauf que je suis exclu. Cela n'a quasiment pas de bon sens, pas de sens.

On verrait mal un pharmacien sans

aucun poil sur la tête en train de vendre un produit miracle pour faire pousser des cheveux. C'est ce qu'on retrouve dans le projet de loi, M. le Président. On retrouve qu'un agent d'accréditation, celui qui doit jouer le rôle principal dans l'accrédiation, dans la formation d'une centrale syndicale, n'a pas le droit de se syndiquer. Cela n'a quasiment pas de bon sens, pas de sens.

De quelle façon voulez-vous donner confiance aux travailleurs? Cela n'a aucun sens. C'est comme un vendeur qui voudrait vendre un avion et qui dirait: II vole très bien, vous pouvez l'essayer, oui, mais moi, je n'embarque pas. Il ne pourra pas vendre son appareil, voyons donc! Il faut d'abord que la première personne impliquée, qui est l'agent d'accréditation, soit convaincue que c'est une bonne chose. Il faut évidemment qu'il en fasse partie et déjà, à l'article 1, on retrouve des exemptions comme cela.

On en retrouve une autre: Le commissaire du travail n'a pas le droit, n'est pas considéré comme un salarié. Encore une fois, à qui les travailleurs vont-ils faire confiance? Toutes ces personnes qui sont des personnes auxquelles le travailleur doit avoir une confiance quasiment aveugle pour embarquer dans une centrale syndicale, les travailleurs les rencontreront et diront: Parfait, on va essayer de te vendre notre salade, mais nous n'avons pas le droit d'y participer. Cela n'a aucun sens. Cela démontre encore une fois, et je crois qu'il faudra constamment revenir sur cela, qu'on ne peut pas faire à la pièce ce qui demande d'être fait au complet. On ne pourra jamais. On peut rénover; on peut remplacer une fenêtre, mais on n'aura jamais reconstruit l'édifice. Il faut reconstruire cet édifice du Code du travail en totalité. Nous ne sommes pas les seuls à l'avoir dit. J'ai eu ce privilège d'assister à la commission parlementaire, malheureusement peut-être pas à toutes les séances, mais à plusieurs. Il y a eu consensus dans le sens qu'il fallait tout simplement imposer une statut quo jusqu'à l'automne, jusqu'à ce qu'on ait le temps de revoir en profondeur la refonte du Code du travail au Québec, à partir de consultations, non pas ce qu'on fait en ce moment! On a encore une fois pondu cela à la vapeur. On nous dit maintenant: II y a des lacunes dans notre Code du travail. On a trouvé deux, trois, quatre, cinq ou dix petits points qu'il faudrait corriger immédiatement. Mais on ne peut pas construire quelque chose de solide si la base, si l'empattement n'est pas solide. Cela vous sert à quoi de monter un magnifique édifice? Il s'écroulera un jour ou l'autre. Surtout si vous avez l'intention dans les prochains mois de refaire l'intérieur de cet édifice au complet, pourquoi peinturer? Pourquoi essayer de lui donner plus d'attrait? C'est un manque de logique qui ne me surprend pas. Depuis trois ans que je suis ici à l'Assemblée nationale, j'ai vu le manque de logique du gouvernement à plusieurs occasions. J'ai l'impression qu'on en verra encore, parce qu'il semblerait qu'on continue dans le même sens. Ce n'est pas ici que j'ai développé la plus grande logique en voyant de quelle façon le gouvernement se comportait avec les lois. Mais, pour une fois, c'est important. Nous assistons - et tout le monde est d'accord là-dessus - à une certaine reprise de l'économie. Cela redémarre lentement, mais sûrement. Les perspectives sont très bonnes, je voudrais le dire au ministre. L'inflation est contrôlée tout aussi bien aux États-Unis, en Europe qu'au Canada, grâce à des politiques qui ont été mises de l'avant, dans certains cas, par le gouvernement fédéral, avec sa politique des 6% et 5%, ce qui a amené une façon de réduire l'inflation sans toutefois toujours arriver avec l'augmentation des taux d'intérêt ou la restriction du crédit.

Il y a effectivement de l'espoir en l'avenir. Je suis l'un de ceux qui sont très optimistes et je ne suis pas le seul. Je peux dire que je côtoie les gens du monde des affaires assez fréquemment aussi bien en tant que député qu'en tant qu'homme d'affaires moi-même. Nous devrons - je vais vous le dire bien honnêtement - tenter de développer les meilleurs arguments au monde pour convaincre le gouvernement que ce n'est pas la meilleure façon de nous aider dans la relance économique que d'introduire immédiatement ces modifications à la pièce à notre Code du travail.

Notre Code du travail est déjà convenable. Il faut qu'il soit revu - nous sommes d'accord - mais de façon bilatérale, c'est-à-dire qu'on retrouve à l'intérieur du Code du travail des avantages pour les patrons, des avantages pour les travailleurs, pour s'assurer qu'au Québec, notre Code du travail ne soit pas le plus restrictif qui puisse exister en Amérique du Nord, comme nous le retrouvons en ce moment.

Ce n'est pas parce que nous ne voulons pas que tout le monde ou tous les travailleurs puissent être syndiqués, mon Dieu! Non. Nous avons à coeur, comme tout le monde, les intérêts des travailleurs. Mais je ne suis pas convaincu qu'il faille absolument avoir ce projet de loi 17 pour avoir d'excellentes relations de travail au Québec.

J'ai tout récemment visité le plus grand centre industriel du Québec, Bécancour, où j'ai pu voir les entreprises qui ne sont justement pas syndiquées, où l'on compte 1500, 1700 ou 2000 employés sans aucune espèce de syndicalisation. Ces travailleurs sont satisfaits de leurs conditions de travail parce qu'elles sont tout à fait enviables pour n'importe quelle entreprise où on a un taux de syndicalisation à 80% et 90%.

Ce n'est pas l'urgence. Cette loi 17 n'est pas demandée par le milieu. L'article 1, le premier article - c'est cela qui est décourageant - on a de la difficulté à s'entendre sur cet article ce n'est pas croyable. Mes collègues ont développé un tas d'arguments qui sont tous justifiés. C'est la pure vérité. Qu'est-ce qu'un salarié? Pourquoi pourrait-il faire partie d'une centrale syndicale et l'autre d'à côté, qui est salarié aussi, ne le pourrait pas? Je vois justement un représentant du cabinet du ministre, pourquoi n'aurait-il pas le droit de faire partie d'un syndicat? J'aimerais qu'il soit protégé. C'est probablement parce qu'il a de bonnes conditions de travail dans le moment, c'est évident, on le sait. Il semblerait que les attachés politiques et tous ceux qui travaillent au cabinet sont très bien rémunérés et qu'ils ont des conditions de travail un peu spéciales. (16 h 15)

Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas certaines revendications à faire, certains litiges. Peut-être qu'on a changé sa limousine, qu'elle n'est pas belle, pas à son goût, pas la bonne couleur. Peut-être qu'on pourrait s'en plaindre. On n'a peut-être pas un téléviseur couleur comme dans la limousine de l'ex-ministre de l'Environnement. Peut-être qu'on pourrait faire un grief. On a le droit de se plaindre. Si certaines limousines ont un téléviseur et que d'autres n'en ont pas, c'est un motif à grief. Mais pourquoi ces gens n'auraient-ils pas le droit de faire partie d'une centrale syndicale?

Nous allons évidemment tenter d'en convaincre le gouvernement et nous allons le faire dans le but de protéger les travailleurs. Cela ne veut pas nécessairement dire tous les travailleurs du Québec - les travailleuses également, parce qu'il n'y a pas seulement les travailleurs, il y a autant de travailleuses que de travailleurs. Cela ne veut pas nécessairement dire aux travailleurs et aux travailleuses du Québec: La syndicalisation vous est facilitée, cela va marcher sur des roulettes, cela va aller rapidement. Je l'ai dit et je le répète et nous le répétons souvent: Lorsqu'il n'y aura plus d'entreprises au Québec, lorsqu'il n'y aura plus de salariés, cela donnera quoi d'avoir un Code du travail qui facilite l'accréditation syndicale? Cela sert à quoi de dire à ces gens, à ces travailleurs...

M. le Président, il faut que je vous dise un mot là-dessus. Le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche nous racontait qu'au Québec il y avait des employeurs qui faisaient travailler leurs employés 60, 70 heures et, lorsque arrivait le temps de la paie, ils n'en marquaient que 40. Moi, je n'ai jamais vu cela de ma vie et je vous le dis ici, c'est enregistré au journal des Débats. Si tel est le cas, si cela peut exister au

Québec, qu'on dénonce ces employeurs et qu'on les mette en prison, M. le Président. Ils ne sont pas dignes d'être patrons. Ils ne sont tout simplement pas dignes de faire des affaires ici au Québec.

Moi, j'en doute beaucoup et je ne peux pas voir, je ne peux pas concevoir comment le ministre peut avoir fait une telle affirmation, parce que c'est très grave. Je vais le répéter pour la deuxième fois: S'il y en a qui ont vu cela, j'aimerais qu'on le dise. Où cela se pratique-t-il? Qu'on les dénonce le plus rapidement possible. C'est du vol, de faire travailler un salarié et ne pas le payer en conséquence. Tu nous as produit un bien, tu nous as offert un service, mais on ne te paie pas. Ce n'est peut-être pas un hold-up avec une arme, mais c'est quand même un vol. Cela devrait être dénoncé et ces patrons devraient perdre leur permis parce que nous savons tous qu'au Québec, pour faire fonctionner la moindre petite entreprise, on doit avoir au moins un permis. Parfois on doit en avoir quatre ou cinq. On est tellement surréglementé. Un employeur qui aurait le front, l'audace de commettre un tel crime, c'est-à-dire de faire travailler ses employés sans les rémunérer, devrait être condamné et soyez assurés que nous du Parti libéral, ici de ce côté, nous serions sans pitié pour un employeur qui oserait faire une telle chose.

Je n'ai aucune hésitation à vous dire que pas un seul ou une seule de mes collègues ne défendrait un tel employeur. Au contraire, il serait condamné, après avoir été dénoncé sur la place publique avec toute l'énergie et toute la vigueur dont nous sommes capables. Cela est simple. Il ne faudrait pas croire que nous sommes ici pour défendre des employeurs qui n'ont pas le courage de respecter la plus élémentaire décence, qui est de dire: Tant d'heures travaillées, tant d'heures payées. Par contre, il faut défendre également le petit entrepreneur pour qui la syndicalisation dans certains cas, si on y va comme c'est proposé dans le moment, peut être la fin, la faillite de son entreprise.

Je pense que nous en sommes conscients. J'ai rencontré des salariés tout récemment qui sont venus à mon bureau pour me dire à peu près ceci: un représentant syndical était parti de Montréal pour les visiter et leur dire que s'ils voulaient adhérer à telle ou telle centrale syndicale -je ne me souviens plus laquelle - les conditions de travail seraient meilleures; de plus longues périodes de vacances, de plus longues périodes de temps pour le dîner, un meilleur salaire. La seule chose qu'il avait oublié de leur dire, c'est que l'entreprise pourrait faire faillite et qu'ils se retrouveraient en vacances pour l'année. C'est exactement ce qui est arrivé, ils se sont retrouvés immédiatement...

M. le Président, je vois le ministre dire: On va abolir les syndicats. On est ici justement pour défendre les syndicats, parce que vous en enlevez trop, vous excluez trop de travailleurs, il y en a trop qui n'ont pas le droit de se syndiquer. Il ne faudrait pas penser qu'on veut... Voyons doncl On va abolir les syndicats. Il n'y a personne de sensé au Québec qui voudrait prononcer une telle phrase. Je ne le pense pas. Abolir les syndicatsl Personne n'a proposé cela. Tout ce que nous proposons, tout ce que nous allons dire et continuer de dire - et nous allons faire le débat public...

M. Johnson (Anjou): C'est de s'en débarrasser plutôt que de les abolir.

M. Bélanger: Ce n'est pas de s'en débarrasser.

M. Johnson (Anjou): Ah! Ah bon!

M. Bélanger: C'est tout simplement de faire en sorte de revoir le Code du travail, la refonte au complet et qu'il y ait - comme je l'ai mentionné tout à l'heure - une certaine partie, certains avantages pour le patronat et certains avantages pour le travailleur. Il y a quand même une mentalité au Québec qui est peut-être récente, il faut l'admettre - "récente", cela veut dire une dizaine d'années - c'est que les patrons sont conscients que, sans employés, ils ne peuvent tout simplement pas réussir et les employés sont également conscients que, sans leur patron, eux non plus ne peuvent pas gagner leur vie. Il y a au Québec actuellement 400 000 personnes qui se cherchent un patron. Des chômeurs, cela cherche un patron. C'est aussi simple que cela. Ces chômeurs-là ne trouvent pas que c'est si mauvais que cela, les patrons. Ils se lèvent le matin de bonne heure pour aller sur la route. Ils se déplacent pour tenter de se trouver un patron. Cela veut donc dire que le patron...

Une voix: ...II serait temps...

M. Bélanger: M. le Président, je voudrais bien terminer mes deux minutes, parce que j'arrivais justement au coeur du sujet. Il faut faire en sorte... C'est fini?

Le Président (M. Blouin): En concluant, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Soyez assuré de la collaboration du Parti libéral pour faire en sorte que ce projet de loi soit modifié ou bonifié au maximum, pour qu'il soit acceptable, pour que ce projet de loi soit un projet de refonte du Code du travail et qu'il fasse en sorte que nous activions l'économie du Québec et non le contraire comme on peut s'y attendre avec le projet de loi qui nous est présenté. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Mégantic-Compton. Y a-t-il d'autres intervenants?

M. Johnson (Anjou): L'article 1 est-il adopté, M. le Président? L'article 1 est adopté, M. le Président?

M. Bourbeau: M. le Président...

Le Président (M. Blouin): M. le député de Laporte, vous avez la parole.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Je sais gré à mon collègue, le député de Brome-Missisquoi, de m'avoir permis de participer aux travaux de cette commission, non pas que je me considère comme étant le plus grand expert dans les lois du travail. Comme diraient certains de mes collègues, je ne suis pas avocat, mais il reste quand même que cela tombe sous le sens commun que, lorsque certains projets de loi sont bien rédigés, l'Opposition, règle générale, est d'accord, surtout quand le fond y est. Quand il arrive qu'on nous présente des projets de loi qui sont à caractère excessif, il est bien évident qu'à ce moment-là, il est du devoir de chacun et surtout des députés de faire connaître publiquement leur opposition.

En ce qui concerne le projet de loi qu'on a ici, qui s'intitule "Loi modifiant le Code du travail et diverses dispositions législatives", ce qui m'étonne, c'est de voir comment il semble que ce projet de loi a été préparé. Je ne sais pas s'il a été préparé à la sauvette, mais il arrive certainement à la dernière minute, comme un cheveu sur la soupe. Il est assez étonnant qu'un projet de loi aussi important, en termes d'épaisseur -je tiens le projet de loi devant moi et il a environ un pouce d'épaisseur, plutôt deux centimètres - soit présenté comme cela à l'Opposition et qu'on s'attende que, dans l'espace de quelques jours, l'Opposition va laisser passer un document semblable sans souligner le caractère excessif d'une telle loi. Je pense qu'en termes de démocratie, ce n'est pas très bien servir la démocratie que de tenter de passer à la vapeur un projet de loi semblable et ne pas permettre un débat public et ouvert au sein de la population. Quand on regarde le contenu du projet de loi, on parle évidemment à l'article 1 -puisque nous en sommes à l'article 1 - de la définition d'un salarié. On dit dans les notes explicatives au sujet de ce texte de l'article 1 - je pense qu'on s'y réfère - que "ce projet de loi a avant tout pour objet de modifier plusieurs dispositions du Code du travail concernant le droit d'association, l'accréditation, les conventions collectives, le règlement des différends et des griefs et les

mesures antibriseurs de grève." En premier lieu - et c'est là qu'on touche à l'article 1 -il élargit la protection du droit d'association en prévoyant que les représailles et les mesures discriminatoires prises contre un salarié, à cause de l'exercice par celui-ci d'un droit qui lui résulte du Code du travail, constitueront des pratiques déloyales pour lesquelles l'employeur pourrait être poursuivi et le salarié être indemnisé. Il précise de plus qu'un commissaire du travail pourra ordonner le paiement d'intérêts sur une indemnité due par l'employeur et qu'une ordonnance de réintégration d'un salarié sera exécutoire malgré l'appel. On voit donc, M. le Président, qu'il est très important de définir ce qu'est un salarié, parce que des droits sont attachés et des privilèges aussi à ceux qui peuvent être inclus dans la définition du mot salarié. Par voie de conséquence, tous ceux qui ne sont pas inclus dans la définition ne peuvent pas jouir des avantages que confère l'appartenance à cette catégorie de citoyens qu'on appelle des salariés.

Il est donc important de se poser la question: Qu'est-ce qu'un salarié? Il y a plusieurs définitions du mot salarié. On peut aller dans le dictionnaire Larousse, ou dans le Quillet, ou dans le Petit Robert. Mais le projet de loi quant à lui a sa propre définition du mot "salarié". Je ne voudrais pas, M. le Président, retourner aux origines latines ou grecques pour tenter de définir l'étymologie du mot "salarié". D'ailleurs je n'ai pas emporté avec moi de tels dictionnaires, je serais mal à l'aise de le faire. Le projet de loi, quant à lui, nous dit ce que c'est. On dit que c'est essentiellement une personne qui travaille pour un employeur. Alors, il faut au départ qu'il travaille. Cela exclut déjà certains membres de la société qui ne travaillent pas. Et moyennant rémunération, encore là, quelqu'un qui travaille bénévolement, je pense bien, ne pourrait pas être compris dans la définition du mot "salarié" quelqu'un qui travaillerait bénévolement ou qui donnerait ses services moyennant considération autre qu'une rémunération en argent. Je pense qu'il y a une certaine imprécision ici, parce que le mot rémunération pourrait donner lieu à plusieurs interprétations. Qu'est-ce qui arriverait, par exemple, M. le Président, à quelqu'un qui serait rémunéré d'autre façon qu'en argent, par des services par exemple? Est-ce que la rémunération d'un individu sous forme de troc serait acceptable pour justifier le mot "salarié"? Je ne le sais pas, mais je pense que c'est une des imprécisions du projet de loi.

De toute façon, ce que l'on sait, c'est que le mot salarié ne comprend pas certains individus. Et, tout à fait par hasard, on se rend compte qu'essentiellement la majorité des gens qui ne sont pas compris dans le mot "salarié" sont des gens qui sont très rapprochés du gouvernement. Est-ce qu'il y a une relation de cause à effet entre le fait que le gouvernement est celui qui nous présente le projet de loi et le fait que la majorité des gens qui sont exclus de la définition du mot "salarié" sont justement des gens qui sont rattachés de près au gouvernement? Je pense qu'on peut se poser la question.

Toujours est-il qu'au paragraphe 1, on nous dit que le mot "salarié" ne comprend pas une personne qui, au jugement du commissaire du travail, est employée à titre de gérant, de surintendant, de contremaître ou de représentant de l'employeur dans ses relations avec ses salariés. Alors, je pense bien que le paragraphe 1, le sous-paragraphe 1, est assez clair et qu'on peut comprendre pourquoi on exclut ces gens-là.

Le paragraphe 2 nous dit que la définition du mot "salarié" ne comprend pas également un administrateur ou un officier d'une corporation, sauf si une personne agit à ce titre à l'égard de son employeur, après avoir été désignée par les salariés ou une association accréditée. Là, M. le Président, il y a encore une certaine confusion. (16 h 30)

À moins d'être un avocat spécialisé en droit du travail, on mélange le mot "salarié", parce qu'on dit qu'un salarié ne comprend pas un administrateur, un officier d'une corporation, sauf si une personne agit à ce titre à l'égard de son employeur après avoir été désignée par les salariés. Mais de quels salariés parle-t-on, M. le Président, puisque justement on est en train de définir ce qu'est un salarié? Si on définit un salarié et que, dans la définition, on emploie le mot "salarié" pour dire ce qu'est un salarié, il faudrait qu'il y ait une deuxième définition pour dire que le mot "salarié" employé dans le deuxième paragraphe signifie... Là, on devrait donner une deuxième définition du mot "salarié". Sans cela, on nage en pleine confusion, M. le Président.

D'ailleurs, je dois avouer qu'avec ce gouvernement on nage de plus en plus en pleine confusion. Un jour, on a un ministre du Travail; le lendemain, on en a un autre. À un moment, on a un président de commission; deux minutes après, on a une présidente. Si on n'arrête pas de rendre la situation de plus en plus confuse et d'employer le mot "salarié" à toutes les sauces, on ne s'y retrouvera pas. Quant à moi, qui ne suis pas un expert en droit du travail, je dois avouer que j'ai beau avoir fait certaines années d'études, je trouve que c'est assez ambigu d'employer le mot "salarié" deux fois, surtout quand on est en train de définir ce qu'est un salarié. C'est à peu près l'équivalent de la quadrature du cercle.

Finalement, M. le Président, pour la

définition du mot "salarié", on dit au paragraphe 3 que cela ne comprend pas un fonctionnaire du gouvernement. Au départ, si on regarde cela de près, il y a plusieurs fonctionnaires au gouvernement. Je n'ai pas l'intention de les nommer tous. De toute façon, je n'en ai pas le temps dans le délai de 20 minutes qui m'est imparti.

Une voix: Consentement.

M. Johnson (Anjou): Consentement pour...

M. Bourbeau: Mais il m'apparaît qu'au départ en tout cas... Oui, quoi?

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. Bourbeau: Je peux les nommer.

M. Johnson (Anjou): Consentement.

M. Bourbeau: L'ex-ministre des Affaires sociales et nouveau ministre du Travail me fait signe que j'ai le consentement.

M. Johnson (Anjou): Je suis encore ministre des Affaires sociales.

M. Bourbeau: Ce que je trouve un peu étrange dans ce projet de loi, c'est qu'il semble que ceux qui l'ont rédigé n'aient pas été de grands experts en matière de droit du travail. Je tentais tout à la l'heure de faire une comparaison. Comment pourrait-on démontrer que n'est pas nécessairent un bon ministre du Travail qui veut l'être? Je ne sais pas si j'aurais la permission de lire quelque chose. Je pense que c'est quand même pertinent. J'étais en train de lire tout à l'heure un extrait de L'Art poétique, de Boileau. Au chant IV - j'aimerais citer quelques paragraphes pour prouver mon point - on dit ceci: "Dans Florence jadis vivait un médecin - remarquez que cela n'a rien à voir avec le ministre du Travail, c'est écrit comme cela - savant hâbleur, dit-on, et célèbre assassin." Lui seul y fit longtemps la publique misère: "Là le fils orphelin lui redemande un père;" Ici le frère pleure un frère empoisonné:" L'un meurt vide de sang, l'autre...

Le Président (M. Blouin): M. le député de Laporte.

M. Johnson (Anjou): M. le député de Laporte, à l'ordre!

Le Président (M. Blouin): M. le député de Laporte, je suis moi-même un amant de la littérature, mais je ne crois pas que la lecture que vous êtes en train de faire puisse se relier directement à l'article 1 du projet de loi 17, Loi modifiant le Code du travail et d'autres dispositions législatives. Je vous demanderais donc de revenir à la pertinence du sujet, s'il vous plaît.

M. Paradis: Sur la question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député de...

M. Paradis: Brome-Missisquoi.

Le Président (M. Blouin): ... Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le Président, je n'ai jamais entendu au complet la citation que nous faisait le député de Laporte. Peut-être que votre éducation, votre culture littéraire vous remémorent des souvenirs en entendant cette citation. Tant qu'on ne l'a pas entendue dans sa substance, comment peut-on dire qu'elle n'illustre pas notre point, comme nous l'a indiqué d'ailleurs avant ses propos le député de Laporte? Si cela explique le point qui nous concerne, en vertu de quel article de notre règlement pourrions-nous interdire au député de Laporte de se servir de cet exemple si poétique?

M. Johnson: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, sur la question de règlement, est-ce que - le député de Laporte pourra me corriger - c'est bien Boileau qu'il cite?

M. Bourbeau: Oui, Boileau, L'Art poétique, de Boileau.

M. Johnson (Anjou): Non pas Jean-Paul, que je connais à Anjou?

M. Bourbeau: Non.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai l'impression que Boileau est décédé un peu avant le dépôt du projet de loi 17 et, dans les circonstances, cela m'étonnerait que ce soit pertinent.

M. Polak: M. le Président, une question de règlement.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Je connais très bien ce poème. Vous verrez, à la fin, on dit...

Le Président (M. Blouin): Le poème! ah bon! Vous connaissez bien le poète?

M. Polak: ...dans le poème... On peut le citer textuellement, parce qu'il est très long, il a plusieurs pages. Mais, à un moment donné, la phrase s'y trouve. C'est cela la définition d'un employé, vouz allez trouver cela dans le texte. Vous l'avez-vu cela? Je le vois. Qu'il le lise au complet, vous allez trouver le mot "employé" dans cela.

M. Bourbeau: Est-ce que je peux prendre la parole sur la question de règlement quelques secondes. Le ministre vient de nous dire que Boileau était décédé. Évidemment, je pense que la majorité des gens ici s'en doutait un peu. Mais ses écrits sont demeurés, ses écrits demeurent.

M. Mathieu: Je ne savais même pas qu'il était malade.

M. Bourbeau: Mon collègue ici, le député de Beauce-Sud, vous expliquera, si vous le lui demandez, que les écrits demeurent, c'est d'ailleurs la devise des notaires. L'Art poétique qu'a écrit Boileau, avant de mourir, évidemment, est un texte très important. C'est que j'étais en train de vous dire. Si vous m'aviez permis, M. le Président. Si vous ne me le permettez pas, je ne continuerais pas, c'est sûr, mais je vous aurais démontré que ce médecin dont on parlait ici...

Le Président (M. Blouin): Résumez la pensée, cela serait peut-être préférable.

M. Bourbeau: Je suis en train de le faire. Ce médecin dont on disait qu'il n'était pas très compétent en médecine, puisque je disais tout à l'heure qu'il était responsable de plusieurs décès...

Le Président (M. Blouin): M. le député de Laporte, vous voulez dire qu'il enterrait ses erreurs?

M. Bourbeau: On disait: "Le rhume à son aspect se change en pleurésie"; en parlant du médecin, vous comprenez que c'est un médecin qui... "Et par lui la migraine est bientôt frénésie." Ce qui est arrivé dans ce cas et arriverait peut-être aussi aujourd'hui à ceux qui nous présentent ce projet de loi, c'est que le médecin en question après s'être rendu compte qu'il ne ferait pas fortune dans sa profession, a changé de métier et est devenu un maçon. Et, dans son nouveau travail...

Le Président (M. Blouin): C'est plus pratique.

M. Bourbeau: ...il s'est révélé compétent. Ce qui tend à prouver que, parfois, les gens et les ministres ne sont pas employés à bon escient. Si on permettait aux gens - M. le Président, je vous demanderais de rappeler la commission à l'ordre, parce que j'ai l'impression que mes paroles ne sont pas très écoutées...

M. Johnson (Anjou): Une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre, une question de règlement.

M. Bourbeau: Ce que j'étais en train de dire... Est-ce que j'ai toujours la parole?

Le Président (M. Blouin): Le ministre m'avait demandé la parole, mais je crois que...

M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai une question de règlement, est-ce que j'ai bien entendu le député de Laporte dire qu'il voulait qu'on soit sérieux à cette commission?

M. Bourbeau: Oui, j'étais en train d'expliquer...

Le Président (M. Blouin): II ne s'agit pas d'une question de règlement, M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Je m'excuse.

M. Bourbeau: Si vous me permettez, je n'ai pas ri du tout. Je suis en train d'expliquer...

Le Président (M. Blouin): M. le député de Laporte, vous avez la parole.

M. Bourbeau: ...que si on nous apportait des projets de loi rédigés par des gens compétents, qui s'y connaissent en matière de droit du travail, comme, par exemple, le député de Brome-Missisquoi, qui est assis à votre gauche, voilà un député qui est compétent pour parler de droit du travail.

Le député de Brome-Missisquoi est premièrement avocat, ce qui est assez utile quand on rédige des projets de loi; deuxièmement, c'est un avocat pratiquant, qui a pratiqué et peut-être encore qu'il pratique aujourd'hui.

Le Président (M. Blouin): Faites-vous allusion à ses convictions religieuses, M. le député?

Une voix: II va à la messe tous les jours.

M. Bourbeau: II a pratiqué dans le domaine du droit du travail, une spécialisation en droit du travail. Voilà quelqu'un qui est particulièrement doué et équipé pour parler de droit du travail et

pour faire la critique d'un projet de loi comme celui que nous avons devant nous.

M. le Président, s'il n'en était que de moi, je ne pourrais pas prétendre avoir beaucoup d'expérience et de compétence en matière de droit du travail, mais j'ai rencontré le député de Brome-Missisquoi qui m'a expliqué longuement, en long, en large et en profondeur, les éléments essentiels de ce projet de loi. J'ai été à même de comprendre deux choses: premièrement, que le député de Brome-Missisquoi est très compétent en la matière et, deuxièmement, que le projet de loi qu'on nous présente n'a pas été rédigé par des gens qui ont la même compétence que celle que détient le député de Brome-Missisquoi.

M. Johnson (Anjou): ...l'un après l'autre, si vous voulez.

M. Bourbeau: Ce que je vous dis là, M. le Président, je le tiens de bonne source; je le tiens du député de Brome-Missisquoi lui-même. Enfin, c'est ce que j'ai déduit de l'essentiel de ce qu'il m'a dit. Peut-être que je fais erreur. En fait ce ne sont pas les mots textuels qu'il a employés mais si, par hasard, ce que je déduis... Déjà, M. le Président?

Une voix: Consentement.

M. Bourbeau: ... des paroles qu'a prononcées le député de Brome-Missisquoi, si ce n'est pas exactement ce qu'il a dit, j'aimerais bien que vous lui donniez la parole immédiatement après moi pour qu'il puisse corriger un peu les erreurs que j'aurais pu faire.

Toujours est-il qu'il est manifeste que ce projet de loi, et surtout l'article 1, ne rencontre pas les meilleurs intérêts de la collectivité. On exclut de ce projet de loi toute une foule de gens qui sont très près du gouvernement. Cela frôle même le conflit d'intérêts, si je peux dire. En quelque sorte, le gouvernement a un conflit d'intérêts parce qu'il inclut dans la définition du mot "salarié" à peu près tout ce qu'il y a d'autre au Québec que ceux qui sont sous sa gouverne et à son emploi. Je pense qu'on fait là deux classes de citoyens, deux poids et deux mesures. Un poids pour les salariés ordinaires et une mesure différente pour les salariés qui sont proches du gouvernement. C'est très facile, quand on est législateur, de se favoriser soi-même et je ne pense pas que ce soit à l'avantage...

Le Président (M. Blouin): Vous concluez, M. le député de Laporte?

M. Bourbeau: Je conclus, M. le Président, en disant qu'il est dommage que le gouvernement nous arrive avec un projet de loi semblable à la dernière minute, à la sauvette, à la fin d'une session, alors qu'on aurait intérêt à ce que ce projet de loi soit déposé sur la place publique et amplement discuté, qu'on fasse un large consensus dans la population. Plutôt que cela, on tente d'arriver à la vapeur, de mettre l'Opposition devant un fait accompli. Étant un de ceux qui croient que la démocratie a des droits, je ne peux faire autrement que de m'ériger en faux contre une telle façon de procéder. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Laporte.

M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: Le député de Laporte a dit au début de son intervention qu'il s'y connaissait très peu en droit du travail. D'ailleurs, on l'avait remarqué dès ses premières paroles. Mais ce qui m'a le plus surpris, c'est qu'il a déclaré à la commission qu'après avoir rencontré le député de Brome-Missisquoi, il avait pu juger que celui-ci était un très grand connaisseur dans ce domaine. J'ai de la peine à saisir.

M. Paradis: Sur la question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): S'agissait-il là d'une question de règlement?

M. Paradis: Strictement pour répliquer, parce que...

Le Président (M. Blouin): Oui, mais je pense...

M. Paradis: Non, je tiens à répliquer, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui, même si vous tenez à répliquer...

M. Paradis: C'est un peu comme quelqu'un qui serait régisseur à la Régie du logement et qui ne connaîtrait pas cela.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Brome-Missisquoi!

M. Dupré: Je ne serais pas resté là pendant dix ans.

M. Paradis: Non, ils s'en sont rendu compte rapidement.

Le Président (M. Blouin): Puisqu'il n'y a pas...

M. Bélanger: Heureusement qu'il n'était pas syndiqué.

Le Président (M. Blouin): Est-ce qu'il y

a d'autres intervenants?

M. Polak: Sur quel article, M. le Président?

Le Président (M. Blouin): Sur l'article 1.

M. Johnson (Anjou): Sur l'article 1, M. le Président, est-ce que nos savants collègues ont d'autres propos au sujet desquels ils nous entretiennent?

M. Lavigne: M. le Président, si vous me permettiez, je prendrais quelques minutes...

M. Bélanger: Ne retardez pas les travaux pour rien.

M. Lavigne: ...pour faire comprendre quand même aux gens de l'Opposition que plusieurs de leurs affirmations au cours de leurs interventions sont complètement erronées.

Le projet de loi 17 qui est à l'étude présentement, qui tente de modifier le Code du travail en vigueur actuellement, à ce que je sache, n'est pas encore adopté. Tout au long de leurs interventions, les gens de l'Opposition, du Parti libéral, nous ont dit qu'on vivait une crise économique, que les PME fermaient, qu'il manquait de patrons. Ils nous faisaient un portrait épouvantable de la situation économique. À ce que je sache, le projet de loi 17, qui est censé être la terreur sur la terre, n'est pas encore en vigueur. Donc, ce n'est pas à cause du projet de loi 17 que cela va mal.

M. Bélanger: Cela va être pire. (16 h 45)

M. Lavigne: Vous proposez le statu quo. Si on propose le statu quo, cela va continuer à aller mal comme vous venez de nous le dire tout au long de vos propos. Si on regarde le taux de chômage qu'on a connu en 1981, 1982 et même 1983, il est énorme. Je ne suis pas sûr si on faisait une comparaison entre les effets du Code du travail sur le taux de chômage et les effets des taux d'intérêt qu'Ottawa nous a imposés. Je pense qu'il y a un paquet, si vous me permettez l'expression, de PME qui ont échoué, qui ont fermé leurs portes et qui ont créé du chômage bien plus à cause des taux d'intérêt surélevés qu'à cause des effets du Code du travail.

M. le Président, il y a à peine 30% des salariés du Québec qui sont syndiqués. Il y a donc au-delà de 70% des gens qui ne sont pas encore syndiqués. On l'a dit et je suis tombé là-dessus d'accord avec certains propos des gens de l'Opposition quand on disait que cela prenait des patrons et aussi des employés. Uniquement des employés, cela n'irait pas. Uniquement des patrons, cela n'irait pas non plus.

S'il y a aujourd'hui des syndicats et des syndiqués, c'est à mon avis parce que, dans le passé, on le sait fort bien, il y a eu d'énormes abus de la part de la partie patronale face aux employés, sans quoi le syndicalisme ne serait même pas né. Le syndicalisme est né à partir d'abus commis par les patrons envers les employés. Je pense que même les gens de l'Opposition endossent ce fait.

Par ailleurs, quand on dit dans le projet de loi 17 qu'on veut introduire des mesures pour favoriser davantage la syndicalisation, ils se dressent contre cela. Donc, il y a là une incohérence dans le raisonnement de l'Opposition qui est inacceptable. C'est absolument cela votre langage, messieurs.

M. Paradis: C'est votre compréhension, ce n'est pas notre langage.

M. Lavigne: Ce qui serait idéal, dans une société idéale qu'on ne connaîtra jamais, ce serait une espèce d'harmonie qui pourrait régner entre les patrons et les employés, sans syndicat. Le syndicalisme, finalement, c'est un mal nécessaire, si vous me permettez. Dans une société idéale, c'est cela: l'employé ne se sent pas exploité par son patron, il sent une justice de la part de son patron, il n'a pas besoin de se syndiquer parce qu'il va sentir cette justice qui vient de la part du patron. Du fait qu'on a connu dans les années passées des abus patronaux, le syndicalisme est né, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, et cela semble vous faire énormément peur, messieurs.

C'étaient les quelques propos que je voulais tenir pour rétablir un peu l'ordre qui règne ou qui ne règne pas dans l'esprit des gens de l'Opposition. Des fois, ils sont pour les patrons, des fois, ils sont pour les syndiqués. On ne sait pas trop finalement de quel côté ils sont. Par contre, on veut amener une loi qui va aider la syndicalisation et ils se dressent contre. Je ne comprends pas. M. le Président, il va falloir leur laisser encore du temps pour nous faire comprendre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Beauharnois. L'article 1 est-il adopté?

M. Paradis: Sur division.

Le Président (M. Blouin): Article 1 adopté sur division. Article 2. M. le ministre.

Le refus d'embaucher une personne

M. Johnson (Anjou): M. le Président, l'article 2 introduit essentiellement un principe qu'on retrouve dans la plupart des autres législations canadiennes notamment au

niveau du Code du travail canadien, en ce sens qu'un employeur qui refuserait d'employer une personne à cause de l'exercice que cette personne fait d'un droit découlant du Code du travail s'expose à des pénalités.

Je ferais remarquer que, dans le Code canadien du travail, les dispositions prévoient qu'un employeur qui refuse d'embaucher quelqu'un pour les motifs qu'il a déjà eus ou qu'il a exercé des droits découlant du Code canadien du travail s'expose à une décision du commissaire du travail fédéral, qui peut imposer à l'employeur l'embauche de cette personne. Ce n'est pas cela que nous faisons à l'article 2. Nous disons simplement que l'employeur qui refuserait d'embaucher une personne pour les motifs qu'elle a déjà exercé dans le passé des droits découlant du Code du tavail est dans une position où il s'expose à des sanctions pénales.

Deuxièmement, cet article implique à l'égard non pas de ceux qu'on embauche, mais de ceux qui travaillent dans une entreprise, que les mesures discriminatoires ou les représailles exercées à l'égard des personnes qui travaillent dans cette entreprise, les menaces de renvoi ou toute autre menace ou l'imposition de sanctions par l'employeur par un quelque autre moyen, aux fins de contraindre le salarié à s'abstenir d'exercer ses droits, exposent également l'employeur à des clauses pénales.

Mais il faut lire cet article avec d'autres articles qui font que, quand il agit de cette façon à l'égard d'un de ses employés - et non pas d'un employé qui veut venir se faire embaucher - à ce moment, le commissaire du travail peut intervenir et modifier la sanction qui a été imposée ou prendre les mesures jugées utiles et indemniser, le cas échéant, le travailleur qui a été victime de telles représailles.

Je dirais encore une fois, simplement pour corriger, et de toute évidence, M. le Président, en écoutant nos collègues d'en face, que cela fait maintenant huit ou neuf heures, je pense, que nous sommes en commission parlementaire et que j'ai été à même de constater, je le comprends, que nos collègues ont peut-être du travail à faire sur d'autres projets de loi. Je ne parle pas du député de Brome-Missisquoi, qui a sûrement travaillé son dossier, même s'il ne le laisse pas paraître beaucoup, mais je pense aux autres députés qui ont malheureusement dit à plusieurs reprises, et notamment au député de Mont-Royal, qui, pourtant, est un homme d'expérience sur le plan juridique.

Je pense qu'ils ont démontré dans la plupart des cas leur ignorance des lois canadiennes et de la législation en matière de relations de travail qu'on retrouve ailleurs au Canada. On ne peut pas s'attendre que tous les membres de la commission aient fait des études dans ces domaines, mais je suis sûr, connaissant la quantité des ressources que le gouvernement met à la disposition du Parti libéral au niveau de ses services de recherche, qu'ils ont tous les instruments nécessaires pour faire des analyses de qualité qui - j'en suis sûr - ont été faites, mais que personne ne semble avoir lues de l'autre côté.

Dans le cas des dispositions qui touchent l'article 14 du Code du travail, à partir de l'article 2 du projet de loi 17, il faut bien comprendre que ce sont des mesures normales qui auraient du exister, d'ailleurs, depuis un certain temps et qui visent simplement à garantir à celui qui tente d'exercer ses droits de façon normale qu'il ne sera pas victime d'un comportement anormal de la part de l'employeur, et de lui donner le bénéfice d'une présomption comme dans la plupart des choses, d'ailleurs, qu'on retrouve tant au Canada, dans les autres provinces, qu'au Québec à l'égard d'autres droits. On sait que la notion de présomption en faveur du travailleur est une chose courante dans les lois du travail au Québec comme ailleurs, par exemple aux États-Unis, comme un peu partout, je crois, ma foil dans tous les endroits civilisés dans le monde. Je me refuse à croire, M. le Président, que l'Opposition voudrait qu'on devienne un endroit qui n'est pas civilisé, même si parfois son comportement nous permet de constater qu'effectivement on ne vit peut-être pas dans une société parfaitement civilisée.

Dans les circonstances, je souhaite que cet article soit adopté rapidement, étant donné que je suis sûr que les études approfondies qu'en ont faites nos collègues de l'Opposition leur auront permis de constater que le projet de loi est fort bien rédigé, qu'il s'inspire des principes généraux, à la fois du Code du travail et de la législation du travail en Amérique du Nord, de façon générale. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, l'article 2 amende l'article 14. À l'article 14, il y a présentement une certaine prohibition - c'est vrai - mais il faut comparer le texte de l'article 14 comme il existe maintenant à l'amendement suggéré, parce que le texte actuel est le suivant: "Aucun employeur, ni aucune personne agissant pour un employeur ou une association d'employeurs ne doit refuser d'employer une personne." Jusqu'à ce point-là, le texte reste identique dans l'amendement suggéré mais, maintenant vient tout le changement. Le texte actuel dit: "Aucun employeur... ne doit refuser d'employer une personne parce qu'elle est membre ou officier d'une association." C'est le texte actuel. Donc, si quelqu'un est

membre ou officier d'une association..." Un employeur ne peut pas, à cause de cela, refuser d'employer quelqu'un. Mais on va beaucoup plus loin dans l'amendement parce qu'on y dit que l'employeur ne peut pas refuser d'employer une personne à cause de l'exercice par cette personne d'un droit qui, lui, résulte du présent code.

La différence est énorme. Encore une fois, je suis très content que la députée de Dorion m'écoute. Quand j'ai parlé tout à l'heure de l'article 1, elle m'a suivi, elle a pris des notes. Je pensais qu'on voterait sur l'article 1, mais on n'a pas voté. Je suis content qu'elle me suive, parce que je pense qu'on commence à avoir du succès avec nos arguments. Vous voyez qu'il est impossible d'accepter cet amendement. Nous sommes allés tellement loin dans le texte que la députée de Dorion, une femme intelligente tout de même et certainement respectée dans son comté, constate que les péquistes sont allés trop loin quand ils ont dit: Si quelqu'un exerce n'importe quel droit résultant du présent code, on ne peut plus congédier cette personne. Mais là, évidemment, cela n'a pas de bon sens. C'est incroyable. Cela mènera aux abus et aux conflits de partout. N'importe quel employé dira: M. l'employeur, vous m'avez refusé tel et tel droit que j'ai en vertu du code; vous n'avez plus le droit de me congédier parce que vous l'avez fait non pas pour une raison légitime, mais parce que j'ai exercé un droit.

Le ministre accepte cela totalement. Pour lui, c'est très beau. Il se réfère même à la législation canadienne, mais elle ne dit pas cela du tout. Je ne sais pas si le ministre a le texte de la législation canadienne devant lui, je ne l'ai pas, mais je peux vous dire que..

M. Johnson (Anjou): C'est pour cela que vous la connaissez.

M. Polak: Oui. Je voudrais tout de même que le ministre n'ait pas ce petit sourire de dédain; je n'aime pas cela. Je fais valoir mon argument. Je suis député, comme lui; je le respecte; je n'ai jamais ri. Je ne suis pas d'accord avec ses arguments; j'ai dit dans mon comté que je le trouvais arrogant - c'est son bon droit - mais pas de rire. Mais quand je dis que je n'ai pas textuellement... Excusez-moi?

M. Johnson (Anjou): Nous sommes dans un pays libre. Je peux rire si je veux, surtout si vous êtes risible.

Le Président (M. Dupré): À l'ordre1. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Polak: Je demande que vous disiez au ministre d'arrêter de m'interrompre.

Le Président (M. Dupré): M. le député, vous avez la parole, M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Je ne veux pas non plus que ce temps soit volé sur mes 20 minutes.

Le Président (M. Dupré): Oui.

M. Polak: J'insiste sur mes 20 minutes.

Une voix: La loi 111 vous interdit de rire.

M. Polak: Je commençais à avoir du succès avec mon argument auprès de la députée de Dorion. Le ministre a peur de cela; c'est pourquoi il intervient maintenant. Il sait que cela commence à craquer. Il sait très bien que l'amendement à l'article 2 n'a qu'un sens. Je commence à avoir une adhésion dans le Parti péquiste; je suis content qu'il y ait au moins une ouverture finalement. Mais le ministre veut arrêter cela.

M. Johnson (Anjou): Est-ce comme cela à la télévision?

M. Polak: M. le Président, pour revenir sur le texte de la loi canadienne, quand on le lit, on s'aperçoit que ce n'est pas du tout le même texte qu'on nous suggère à l'amendement de l'article 2. Nous, à Québec, on nous suggère: À cause de l'exercice par une personne d'un droit qui lui résulte du présent code..." N'importe quel droit....

M. Johnson (Anjou): ...résultant du code.

M. Polak: C'est cela, qui résulte du présent code. Voulez-vous que je lise le code?

M. Johnson (Anjou): Oui!

M. Polak: De la première page jusqu'à la dernière. Vous verrez qu'il y a beaucoup de droits là-dedans. Pour quelqu'un qui cherche à créer des problèmes à son employeur, c'est très facile de trouver n'importe quel droit, il y a beaucoup de droits qui sont très généraux. On peut dire: Voici, M. l'employeur, vous m'avez renvoyé à cause de l'exercice d'un tel droit, juste un, n'importe lequel, et l'employeur ne peut plus agir. Donc, nous sommes simplement allés beaucoup trop loin. Comparons cela avec le texte qui existe tel quel, où on dit: Parce qu'une personne est membre ou officier d'une association. Je comprends cela, si on dit à quelqu'un: Vous êtes membre de tel ou tel syndicat, je vous congédie à cause de cela. Je comprends cela dans le texte actuel et nous sommes d'accord avec cela. Nous n'avons jamais dit qu'on devrait enlever ou

radier l'article 14 du texte actuel. Mais d'aller du point À au point Z, il y a tout de même une grande distinction on est allé beaucoup trop loin. (17 heures)

II y a une énorme différence. On ne peut jamais accepter cela et répéter l'argument, cela relève de la loi canadienne. Ce n'est simplement pas vrai. Ne commencez pas à citer un petit article de la législation canadienne, il faut lire tous les articles ensemble dans le contexte de la loi et vous allez voir que ce n'est pas du tout la même chose. Deuxièmement, à l'article 14, dans le texte actuel on dit: "...ou par l'imposition d'une peine ou par quelque autre moyen, à contraindre un salarié à s'abstenir de devenir membre ou officier ou à cesser d'être membre ou officier d'une association de salariés." Donc, dans le texte actuel, l'employeur est empêché de forcer un salarié à s'abstenir de devenir membre d'une association. C'est le texte actuel. On n'a rien contre cela. Cela était clair. C'est un cas spécial où un employeur, pour éviter qu'un syndicat puisse s'installer chez lui, dans son commerce, forcerait quelqu'un à s'abstenir à devenir membre.

Regardons maintenant le texte suggéré, le texte dit. On dit maintenant: "...ni chercher par intimidation, mesures discriminatoires ou de représailles, menace de renvoi ou autre menace, ou par l'imposition d'une sanction ou par quelque autre moyen à contraindre le salarié..." Donc, contre n'importe quel moyen, on a ouvert la porte énormément, d'une telle manière que si un employeur avait une bonne raison de suspendre ou congédier un employé, maintenant, a cause de ce texte-ci, on est allé tellement loin que l'employé peut dire: Savez-vous, M. l'employeur, vous exercez une mesure discriminatoire. Qu'est-ce que cela veut dire? Une mesure discriminatoire, c'est toujours le texte très large qui ouvre la porte à toutes sortes d'abus, à toutes sortes de problèmes et certainement que les relations entre employeurs et employés ne vont pas être améliorées par ce nouveau texte qui nous est suggéré.

Le ministre a fait une remarque avec laquelle je suis d'accord. Il dit que l'article 14, il faut le lire avec les articles qui suivent parce que vous allez voir les sanctions qui s'appliquent. Si l'employeur est en contradiction ou viole une des dispositions de l'article 14 qui est très large maintenant dans son texte, vous allez le voir dans les articles suivants. Je sais que nous discutons l'article 2. Donc, je n'ai pas le droit d'invoquer le texte de l'article 3 et de l'article 4, parce qu'on parle de l'article 2. Je vous dis que la sanction à la violation de l'article 2, c'est très grave. C'est une sanction inférant que l'employeur peut recevoir l'ordre de réintégrer le salarié, même après des mois, des mois, et des mois, si l'affaire est pendante devant les tribunaux, on peut lui dire: Vous, M. l'employeur, vous avez violé l'article 14, vous allez donc réintégrer l'employé avec toutes sortes de pénalités, les indemnités, les intérêts. Cela n'a jamais existé auparavant. C'est aller très loin.

Le ministre, tout à l'heure, a été honnête quand il a dit: On prend l'article 14, il y a des sanctions. Il nous avertit au moins qu'il y a des sanctions en cas de violation de l'article 14. J'étais ici, M. le Président, vous n'étiez pas ici, je crois, on a siégé jusqu'à minuit quand tous ces mémoires nous ont été présentés par les associations des employeurs et des employés. Drôle d'affaire, je me rappelle. On avait le Conseil du patronat, l'Union des municipalités, la Fédération des travailleurs, ce n'étaient pas tous des représentants du monde des employeurs, il y avait le monde syndical aussi. M. Laberge était ici. M. Hétu, de la CSD aussi. Savez-vous ce qui est arrivé? On a parlé de l'article 2, personne n'était content de cela. Les employeurs ont dit: Cela peut aller trop loin. C'est dangereux. Cela ouvre la porte à des abus, à des chicanes, à des contestations, cela peut amener finalement la ruine d'une compagnie, surtout dans le cas des PME.

J'ai posé la question à l'avocat qui était ici, celui de la compagnie Domtar, c'était tout de même le vice-président des relations de travail de Domtar, une compagnie où le gouvernement du Québec a un intérêt assez substantiel. Je me le rappelle très bien, parce que j'ai mon fonds de retraite de Domtar. Du moment que le Québec a acheté des actions dans Domtar, nos actions sont tombées de 30 $ à 22 $. J'ai perdu beaucoup d'argent dans mon fonds de retraite. J'étais la victime de l'investissement du Québec dans Domtar.

L'avocat de Domtar en charge des relations de travail était ici et il nous a dit, quand je lui ai posé la question, que l'article 2 aurait une conséquence néfaste. C'est très dangereux, pas seulement l'article 2, tout le projet de loi qui est devant nous, dans le cas des PME. Je me le rappelle très bien. Domtar peut vivre avec cela, elle a les moyens de faire cela. C'est un peu comme la CSST, on est toujours en face de la même situation avec le gouvernement actuel. On fait de la législation qui s'applique à tout le monde indépendamment de la taille, de la vulnérabilité d'une compagnie. On voit donc que l'article 2 ne peut créer que des problèmes et des chicanes.

Les représentants du monde syndical sont venus ici. Qu'ont-ils dit? On a parlé de l'article 2, du principe, et ils ont dit: On n'est pas allé assez loin. Car ils voulaient vraiment avoir un autre concept. Ils ont dit qu'ils préféraient vraiment avoir une refonte totale du Code du travail au lieu d'arriver

avec une "piecemeal legislation".

Pourquoi continuer avec cela? Nous en sommes maintenant à l'article 2 et déjà il y a là un principe qui n'est pas acceptable, certainement pas pour le monde des patrons. Les syndicats ont dit: On va l'accepter, parce que cela va un peu plus loin que la situation actuelle...

M. Johnson (Anjou): Qu'est-ce qui est acceptable pour un Parti libéral comme principe? C'est juste ce que je veux savoir.

M. Polak: À l'article 2, en vertu de la situation économique actuelle, ce qui est acceptable pour nous c'est que, d'une manière gracieuse, vous retiriez cela. Vous serez un héros et pas nous. J'ai même suggéré à mon chef d'équipe: S'il vous plaît, donnez une chance au ministre de dire... pas de grandes conférences de presse...

M. Johnson (Anjou): Est-ce que vous êtes d'accord avec l'article 2 en principe?

M. Polak: On va vous aider à le retirer parce que c'est ce qu'on veut vraiment, et ce sera mieux pour la province de Québec, pour tous les citoyens, les Québécois et les Québécoises. On veut garder les emplois et non les perdre.

L'article 2 fait partie de tout ce projet de loi 17. On a discuté jusqu'à minuit avec tous ces gens-là des cinq grands principes. Tous ces principes ne sont pas acceptables.

Les amendements à l'article 2, pour le monde syndical... Vous étiez ici, M. le ministre, je me rappelle très bien quand ils ont parlé, j'étais ici. Ils ont dit carrément: On va l'accepter, cet article ne va pas assez loin, mais c'est mieux que rien. Ils ne poussaient pas du tout. J'ai posé la question et ils ont dit: On n'est pas venu ici pour ce projet de loi. Ils seront très contents si ce projet de loi est retardé, si on cherche d'abord la relance.

On voit tout le temps des annonces du gouvernement dans les journaux: Tout le monde va soutenir la relance économique. Je suis totalement pour une telle attitude, mais ne commencez pas encore à bouleverser la situation et à créer encore des problèmes et des chicanes entre les patrons et les employés en arrivant avec des projets de loi qui contiennent des petites mesures ici et là mais qui ne régleront pas vraiment le problème.

Le ministre me demande si le Parti libéral est contre l'article 2. Ma réponse est donc: On est contre ce projet de loi, y inclus l'article 2. Quand on prend séparément un article et un autre, au point de vue du principe, le principe de l'article 2, de protéger l'employé, nous sommes pour cela. Nous sommes pour la protection de l'employé, mais nous sommes contre les chicanes, les problèmes, les recours aux tribunaux constamment, devant le commissaire du travail. Vous connaissez cela, M. le Président, le ministre était ici quand tous ces gens nous l'ont dit. Là, par exemple, le monde syndical et le monde du patronat étaient d'accord sur une chose: il faut que ces disputes arrêtent. Les délais, cela prend des années, des années et des années et il n'y a pas de solution. Tout le monde est d'accord avec cela et nous autres aussi.

On n'a rien pour abréger et réduire les délais, on est pour cela, mais le principe qui se trouve dans ce projet de loi ne règle absolument rien, ne règle pas le problème de fond et c'est une manière de procéder qui n'apportera que des conséquences néfastes.

Ce matin, d'ailleurs, le député de Brome-Missisquoi a cité l'article de M. Vincent Prince. M. Prince n'a pas parlé de l'article 2, il a parlé du projet de loi. C'est intéressant, parce que le ministre doit tout de même être d'accord avec le fait que M. Prince est tout de même quelqu'un qui a droit de parler, qui écrit des articles intelligents, qui a étudié - il en a le droit comme nous - le projet de loi. Il a dit carrément qu'il est pour la position adoptée par le Parti libéral, l'Opposition, à savoir que ce n'est maintenant pas le temps de procéder. C'est tout ce qu'on dit.

Du point de vue du contenu, le ministre veut faire de la petite politique. Est-ce que vous êtes pour l'article 2, oui ou non? Si vous dites oui, je vais vous citer. Citez donc cela, M. le ministre, exactement comme je l'ai dit. Nous ne sommes pas pour le projet de loi, y inclus l'article 2, parce que cela fait partie d'un tout qui n'est pas acceptable.

En ce qui concerne le principe de l'article 2 visant à protéger les droits des travailleurs, nous ne sommes pas contre ça. L'article 14, tel qu'il existe maintenant, existe dans le code. Lisons-le cet article 14. L'article 2, M. le Président, c'est un amendement à l'article 14... Lisons l'article 14. On vit déjà avec l'article 14, on ne proteste pas contre cet article. On ne vous demande pas de retirer l'article 14. Cela est déjà un principe qui va très loin et on l'a accepté; on vit avec lui et on n'a rien contre, mais on est contre les amendements. Vous commencez à ouvrir la porte. Vous ne donnez aucun droit de plus aux ouvriers; tout ce que vous donnez, c'est le droit aux chicanes, le droit d'aller en appel, le droit d'aller devant le commissaire au travail, ce sont des délais d'une autre année. Les avocats vont faire beaucoup d'argent avec l'article 2, c'est sûr, je peux vous assurer que les avocats qui se spécialisent dans de tels litiges vont avoir ce qu'on appelle en anglais "a full day". Il n'y a rien de mieux pour un avocat que l'article 2 - et mon

collègue vient de me dire: Les médecins aussi; il va sans doute parler là-dessus. Quand je vois l'expression "mesures discriminatoires", je peux vous assurer, M. le Président, que les avocats vous attendent avec l'expression "mesures discriminatoires". Ils vont demander des interprétations devant la cour, ils vont aller en appel, ils vont faire n'importe quoi pour interpréter, dans tel et tel cas, s'il s'agit d'une mesure discriminatoire.

Vous cherchez les problèmes. Vous me demandez: Est-ce que vous êtes contre l'article 2? Je suis certainement contre la formulation de l'expression "formules discriminatoires" parce que, par cela, vous allez forcer les pauvres employés, les pauvres syndicats à payer des frais d'avocat. Ils en ont parlé l'autre jour. M. Laberge était ici, il a dit qu'il était tanné d'être obligé de payer de milliers et des milliers de dollars par dossier et nous sommes d'accord avec ce raisonnement que c'est abuser du pouvoir judiciaire. Vous ouvrez une brèche ici, vous ouvrez la porte toute grande par une telle formulation. Cela n'a plus à rien à voir avec les droits des ouvriers.

M. le Président, que le ministre ne se gêne pas pour dire: Ah! les libéraux sont contre les droits des ouvriers! Je pense que, en ce qui concerne la situation, notre...

M. Jonhson (Anjou): Ils le savent, de toute façon.

M. Polak: Oui, M. le Président, quand on prend la position du Parti libéral maintenant, celle du Parti québécois et celle du monde syndical, je connais votre position depuis le mois de juin 1982, jusqu'à présent, car j'étais ici quand ils ont marché devant le Parlement au mois de juin, j'ai marché avec eux, j'étais le bienvenu. M. le ministre était caché derrière les rideaux. J'étais ici avec le président du Conseil du trésor et je lui ai dit: Venez donc avec moi; c'est votre gang, on va marcher ensemble. S'il y en a 20 000 qui sont venus par autobus de Montréal, allons-y, nous aussi. Mais il a préféré rester en dedans. Nous, nous y sommes allés; tous ces gens avaient voté pour le Parti québécois mais ils ont compris une chose: c'est que, pour cette loi et la loi que vous avez imposée dernièrement en décembre, janvier et février, il y a un prix à payer.

Lundi, on aura une réponse de l'électorat qui, peut-être, va indiquer une certaine réaction. Qu'on ne vienne plus avec cette vieille stratégie et dire: Vous autres, vous ne connaissez rien au monde syndical, c'est à nous. Mais ce n'est plus vrai du tout. Ne commencez pas à dire: Est-ce que vous êtes contre l'article 2? Nous sommes contre tout changement qui a pour fins d'activer des débats, des contestations, de faire gaspiller de l'argent d'entraîner des frais d'"avocasserie". À ce point de vue-là, nous sommes contre cela. Nous sommes d'accord avec le raisonnement du syndicat et du côté patronal qui ont indiqué cela.

Donc, en ce qui concerne l'article 2, on n'a encore une fois donné aucun droit de plus, on a ouvert toute grande la porte aux chicanes et les avocats sont prêts à en tirer avantage.

Combien de temps me reste-t-il, M. le Président?

Le Président (M. Blouin): Vous devez conclure, M. le député.

M. Jonhson (Anjou): Une autre phrase.

M. Polak: Donc, en ce qui concerne l'article 2, M. le Président, je sais que le ministre n'écoute pas, tout à l'heure, quand je parlais au début à propos de l'article 1, j'ai dit: II est sourd et, à un moment donné, il a fait un geste signalant qu'il a peut-être un problème d'audition. Je ne sais pas. Au moins la députée de Dorion a écouté, elle a pris des notes. J'aimerais qu'elle nous parle de l'article. Je l'invite plus tard à donner une réponse sur le plan pratique sur ce que va donner l'article 2 dans son comté, car, son comté et le mien sont quelque peu similaires sur le plan économique et ce serait très intéressant de connaître sa réaction. (17 h 15)

Les petits soldats commencent à voir clair. Mais, pour vous, les grands patrons, les chefs, vous n'avez aucun moyen de pénétrer. C'est malheureux et c'est triste. Merci. Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Sainte-Anne merci beaucoup. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, an employer or a person acting on his behalf shall not a) discharge, suspend, transfer, lay off or otherwise discipline an employee, refuse to employ or continue to employ a person or discriminate against a person in regard to employment or condition of employment because the person is a) or purposes to become or seeks to induce another to become a member or an officer of trade union or b) participates in the promotion, formation or administration of a trade union.

M. le Président, ces dispositions dont je viens de faire lecture sont contenues dans le Code canadien du travail et elles correspondent à la ratification par l'État canadien de la convention no 87 de l'Organisation internationale du travail. On sait que l'Organisation internationale du

travail regroupe des représentants patronaux, syndicaux et des États; on sait aussi que ces conventions prennent habituellement des années et parfois même des décennies avant d'être rédigées, dans certains cas; avant que ce ne soit ratifié par les pays, cela prend beaucoup de temps.

Or le Canada a ratifié ce principe contenu dans la législation canadienne. Ce principe est fort simple, c'est qu'on ne doit pas exercer, à toutes fins utiles, de mesures discriminantes. On pourait parler longuement de la notion de mesures discriminatoires ou discriminantes à l'égard de quelqu'un qui exerce ses droits en vertu d'une législation sur le travail au nom de la liberté d'association et du droit à l'accréditation pour négocier des conventions collectives. Il est contenu dans la législation canadienne.

La législation canadienne va beaucoup plus loin que ce que nous proposons en plus de cela. La législation canadienne, M. le Président, crée une présomption en faveur de celui dont on refuse l'embauche pour ces motifs alors que nous ne créons pas de telles présomptions, si vous avez lu le texte attentivement.

Deuxièmement, elle prévoit qu'il peut être ordonné à l'employeur d'embaucher une personne qu'on aurait refusé d'embaucher, ce qu'on ne prévoit pas dans la loi 17. Cela est prévu dans le Code canadien du travail qu'il peut y avoir une ordonnance d'embaucher; nous, nous ne prévoyons pas d'ordonnance d'embaucher.

Troisièmement, on applique à l'égard des mesures discriminatoires chez les personnes qui sont déjà des employés la notion de présomption qu'on retrouve de façon générale dans notre législation sur le travail.

M. le Président, si l'Opposition a un amendement à suggérer et nous dit qu'elle est prête à adopter le projet de loi 17 à partir d'une formulation légèrement différente de l'article 17 qui ne remettrait pas en cause son application, nous sommes ouverts. Nous aurions cru d'ailleurs - cela fait neuf heures que l'on est ici - que, après neuf heures de débats, l'Opposition aurait proposé des choses concrètes. Rien n'est venu, M. le Président. On a préféré, ici, depuis un certain nombre d'heures, attiser les préjugés. On a préféré nous entretenir très longuement dans des discours sur la notion de salarié qui, ma foi, n'étaient pas pour le moins très pertinents. On a eu droit aux brillantes explications du notaire, le député de Laporte, évoquant un discours de M. Jean-Paul Boileau à un de ses électeurs au sujet des maçons qui n'avaient pas de carte pour travailler comme médecin. On a eu droit à des choses de cette nature depuis un certain temps.

Pour terminer quand même plus sérieusement que ce qu'on entend depuis tout à l'heure de l'autre côté, je répète que ce principe de la non-discrimination au niveau de l'embauche comme au niveau de celui qui est en formation de syndicat dans une entreprise dans laquelle il est déjà un employé, est un principe qu'on retrouve dans la législation canadienne et que, même à l'égard de la notion d'embauche, le projet de loi 17 va beaucoup moins loin que la législation canadienne.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Merci, M. le Président. J'ai écouté attentivement les propos du ministre, qui a tenté de se trouver une porte de sortie en parlant d'un principe de base, alors que nous sommes en train de discuter d'un amendement à un principe déjà contenu dans le Code du travail. Il serait peut-être bon de rappeler au ministre, en lui en faisant la lecture, l'actuel article 14 contenu dans le Code du travail. L'article 14 se lit comme suit: "Aucun employeur, ni aucune personne agissant pour un employeur ou une association d'employeurs ne doit refuser d'employer une personne parce qu'elle est membre ou officier d'une association, ni chercher par intimidation, menace de renvoi ou autre menace, ou par l'imposition d'une peine ou par quelque autre moyen, à contraindre un salarié à s'abstenir de devenir membre ou officier ou à cesser d'être membre ou officier d'une association de salariés. "Le présent article n'a pas pour effet d'empêcher un employeur de suspendre, congédier ou déplacer un salarié pour une cause juste et suffisante dont la preuve lui incombe."

C'est là l'état de notre droit. C'est l'état actuel du principe de l'article 14 de notre Code du travail et dont les travailleurs peuvent se prévaloir. Que propose le ministre du Travail par intérim? Que propose le gouvernement du Parti québécois? Il propose un nouvel article 14 qui, désormais, devra se lire comme suit: "Aucun employeur, ni aucune personne agissant pour un employeur ou une association d'employeurs ne doit refuser d'employer une personne à cause de l'exercice par cette personne d'un droit qui lui résulte du présent code - on parle du Code du travail - ni chercher par intimidation, mesures discriminatoires ou de représailles, menace de renvoi ou autre menace, ou par l'imposition d'une sanction ou par quelque autre moyen à contraindre un salarié à s'abstenir ou à cesser d'exercer un droit qui lui résulte du présent code."

Je conviens que le côté ministériel - le ministre du Travail par intérim - et l'Opposition - le député de Sainte-Anne qui

vient de parler et ceux qui prendront la parole par la suite, le député de Brome-Missisquoi - peuvent diverger d'opinion quant à l'opportunité de modifier le texte de l'article 14. Il serait important, lorsqu'on semble adopter des positions aussi contradictoires, de tenter de se trouver, chez les observateurs, chez les parties intéressées, des alliés qui, après avoir analysé ces modifications, sont en mesure, soit de soutenir notre argumentation, soit de la contredire. Un ministre péquiste qui va chercher ses sources à Ottawa dans le Code canadien, cela m'inquiète, M. le Président. Vous en conviendrez. Quand tu n'as pas de sources au Québec et que tu es ministre péquiste, c'est inquiétant. Il y a peut-être des sources, mais le ministre n'a peut-être pas pu les trouver au Québec. On va lui en trouver une tantôt et on va revenir sur la différence importante qui existe entre ce qui est contenu dans le Code canadien du travail et ce que nous propose le ministre du Travail par intérim.

Avant de procéder à cet exercice, on va se remémorer les éléments, les passages et les idées qu'ont émis les personnes qui ont eu la gentillesse de venir nous éclairer sur cet aspect du projet de loi. Je cite la CSD, pages 2 et 3 de son mémoire. Que pense ce syndicat? C'est un syndicat qui représente des salariés au sens du Code du travail. La CSD nous dit ce qui suit par la bouche de son président: "C'est une mesure légale, positive certes, mais elle n'a pas pour effet direct de rehausser la protection consentie actuellement au droit d'association. "Aussi généreux soient-ils au premier abord, ces amendements ne s'appliqueront pas aussi facilement qu'un coup de ciseau. Ils s'appliqueront plutôt par suite de débats devant le commissaire du travail, de retards de procédures dilatoires pour être finalement tranchés par le Tribunal du travail; car il s'agit d'un nouvel article de loi qu'il faudra tester et clarifier par la caste juridique. Mais rien ne sera changé pour le travailleur lésé, car il devra sûrement attendre deux ans avant que justice soit faite!"

Donc, selon la CSD, il n'y a pas d'amélioration. Au contraire. Il y a une judiciarisation du processus, il y a prolongation des délais. C'est une opinion qu'il faut quand même respecter. Que nous dit le Syndicat des professionnels et des techniciens de la santé du Québec quant à cet amendement? "Concernant ces changements à l'article 14, nous sommes dans l'impossibilité de déduire que le texte proposé continuera de protéger l'individu, membre ou officier d'une association. Ces amendements proposés à l'article 14 protégeront davantage le salarié qui exercera d'autres droits prévus dans le présent Code du travail que celui de devenir membre ou officier d'une association de salariés."

Comprenez-vous ce que cela veut dire? Cela n'ajoute rien, cela va protéger d'autres droits. Cela va ouvrir une porte à des abus. C'est le Syndicat des professionnels et des techniciens de la santé qui dit cela, M. le ministre. Ce n'est pas un libéral, ce n'est pas le député de Brome-Missisquoi, ni le député de Laporte ni le député de Mont-Royal qui vous disent ces choses, c'est le Syndicat des professionnels et des techniciens de la santé du Québec. La partie syndicale vient de s'exprimer.

Voyons maintenant ce que nous dit l'association qui représente plusieurs employeurs, le Conseil du patronat du Québec. Voilà ce que nous dit le Conseil du patronat du Québec: "Les employeurs s'opposent à ce que les nouvelles dispositions du code régissent l'embauche: le critère premier à l'embauche doit demeurer la compétence - si vous aviez cela comme critère pour recruter vos candidats au Parti québécois, on aurait peut-être un meilleur gouvernement. Il suffirait d'avoir exercé un droit résultant du code et de postuler un emploi pour alléguer, le cas échéant, un refus discriminatoire de la part de l'employeur..." "Telle que rédigée, cette proposition risque d'entraîner beaucoup de litiges." On vous dit la même chose que du côté syndical: la judiciarisation, encore une fois, et les délais. Cet article impose un fardeau inutile à l'entreprise dont le seul critère d'embauche doit demeurer la compétence. De l'autre côté, est-ce qu'on croit à cela?

Que nous dit une autre association d'employeurs, celle qui emploie 80% des salariés et qui s'occupe du secteur de la manufacturation. L'Association des manufacturiers du Canada, section Québec, nous dit ce qui suit: "À première vue, cet amendement déborde le cadre strict du Code du travail jusqu'à présent consacré exclusivement aux relations entre un employeur et ses salariés. En second lieu, cet amendement accorde un privilège aux candidats qui exercent ou ont exercé un droit leur résultant du code, par rapport aux autres postulants pour un même emploi." C'est intéressant comme approche, on va privilégier une certaine classe par rapport à d'autres. "Inacceptable en principe - c'est la position de l'Association des manufacturiers du Canada, section Québec - l'amendement l'est encore davantage lorsque l'on songe à son application."

Dans le contexte annuel, l'Association des manufacturiers du Canada, section Québec, ne voit ni l'urgence ni la nécessité d'un tel amendement. Au surplus, s'il était adopté, il en résulterait des injustices graves sans compter les coûts imputés à l'employeur.

Que nous dit la Chambre de commerce de la province de Québec concernant cet

amendement à l'article 14? On nous dit ce qui suit: "Cette nouvelle disposition est beaucoup trop large: tout exercice d'un droit deviendrait présomption..." Vous n'avez peut-être pas vu cela, M. le ministre, il faudrait l'analyser. "Or les lois des autres provinces -écoutez bien cela quand vous allez chercher vos arguments ailleurs - ou du Canada ne laissent pas la porte ouverte à tel genre de présomption aussi large..." Vous allez plus loin que les autres, c'est ce qu'on vous dit, M. le ministre. Quand vous allez plus loin, vous risquez de vous égarer parce que vous avez du mal à suivre les autres. "N'étant pas définies, ces notions de "représailles" et "mesures discriminatoires" pourront être invoquées à tout propos. Elles serviront à qualifier à peu près n'importe quel comportement de l'employeur."

M. le Président, c'est l'essentiel du message que nous ont livré et les parties syndicales et patronales. Je ne vois pas, dans ces propos, où vous pouvez trouver un appui au Québec. Sous une réserve je vous ai dit tantôt, je pense en avoir décelé un quelque part, on va l'isoler et on va le commenter plus tard. (17 h 30)

Donc, comme tout bon ministre, vous avez tenté d'aller chercher des appuis ailleurs qu'au Québec, tout comme le ministre de l'Énergie et des Ressources a fait durant la commission sur le saccage de LG 2 à la Baie-James. Il n'y avait pas d'éditoriaux, il n'y avait pas d'articles de journaux au Québec pour appuyer sa position; il est allé en chercher ailleurs M. le Président.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Brome-Missisquoi, je vous invite à revenir à la pertinence du débat, s'il vous plaît!

M. Paradis: J'aurais aimé vous dire qu'il est allé les chercher au Québec, mais il est allé les chercher ailleurs. C'était simplement pour illustrer que les ministres péquistes en sont rendus à une même pratique. Cela illustre très bien en quoi consiste cette pratique. Ils n'ont plus d'appui au Québec, ni dans le monde syndical ni dans le monde patronal. Ils n'ont d'ailleurs plus d'appui dans leurs dossiers où ils tentent de camoufler leur manque de transparence, où ils trompent l'Assemblée nationale du Québec.

Tantôt, le ministre a lu des extraits en anglais du Code canadien du travail. Je comprends que, dans la flopée des députés d'arrière-ban péquistes, il y en a qui ne comprennent pas cette langue et que c'était plus sécurisant pour le ministre de les citer en anglais pour que la flopée ne fasse pas la différence entre le texte français du Code canadien du travail et le texte français proposé dans le projet de loi 17. Je comprends qu'il ait voulu les garder dans l'ignorance.

Vous me permettrez de citer en français, cette fois-ci, le Code canadien du travail et d'indiquer au ministre...

M. Johnson (Anjou): Ce n'est pas la version qui prévaut devant les tribunaux canadiens.

M. Paradis: Je ne sais pas devant quels tribunaux a plaidé le ministre du Travail, mais la Loi sur les langues officielles s'appliquant, la version française a...

M. Johnson (Anjou): Si elles sont contradictoires... Une prépondérance?

M. Paradis: Non, non, pas une prépondérance, ni la version anglaise. Les deux versions sont officielles, M. le ministre.

Une voix: D'égal à égal. M. Paradis: D'égal à égal.

M. Johnson (Anjou): Si elles sont contradictoires?

M. Paradis: Si elles sont contradictoires?

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. Paradis: Ces gens savent rédiger les lois et elles ne sont pas contradictoires. "Nul employeur - écoutez bien, c'est écrit dans le Code canadien du travail - et nulle personne..." Vous faites bien d'intervenir, M. le député, c'est le genre de faussetés que des ministres péquistes véhiculent dans la province de Québec. Ils ne sont même pas au courant de ce qui se passe devant les tribunaux canadiens. Ils véhiculent ce genre de faussetés et ils tentent de se faire élire là-dessus. Le peuple québécois est un peuple trop lucide, trop instruit pour les suivre dans le précipice où ils veulent les conduire.

Le Code canadien du travail se lit de la façon suivante en version officielle: "Nul employeur et nulle personne agissant pour le compte d'un employeur ne doit "a) refuser d'embaucher ou de continuer à employer ou suspendre, transférer, mettre à pied, ni autrement prendre contre une personne des mesures discriminatoires en ce qui concerne un emploi, le salaire ou autres conditions d'emploi, ni intimider, menacer ou prendre d'autres mesures disciplinaires à l'encontre d'une personne parce que cette personne - là, on spécifie quels sont les éléments de la présomption, ce que le ministre ne fait pas, il dit: C'est le code au complet, là-bas on qualifie - "(i) se propose de devenir ou cherche à

inciter une autre personne à devenir un membre, dirigeant ou délégué d'un syndicat ou collabore au développement, à la formation ou à l'administration d'un syndicat, "(ii) a été exclue définitivement ou temporairement d'un syndicat pour une raison autre que le défaut de paiement des conditions périodiques, contributions et droit d'adhésion que tous les membres du syndicat sont uniformément tenus de payer pour adhérer ou rester adhérents au syndicat, "(iii) a témoigné ou peut témoigner dans une procédure prévue par la présente partie, y a autrement participé ou peut autrement y participer, "(iv) a fait ou est sur le point de faire une divulgation qu'elle peut être requise de faire dans une procédure prévue par la présente partie. "(v) a présenté une demande ou déposé une plainte en vertu de la présente partie, ou "(vi) a participé à une grève qui n'est pas interdite par la présente partie ou exercé un droit quelconque en vertu de cette dernière; "b) imposer dans un contrat de travail une condition qui empêche ou a pour effet d'empêcher un employé d'exercer un droit quelconque que leur reconnaît la présente partie; "c) suspendre ou renvoyer un employé, lui imposer une peine pécuniaire ou autre, ni prendre contre lui une autre mesure disciplinaire, en raison de son refus de s'acquitter de tout ou partie des fonctions et responsabilités..."

Le principe c'est qu'on a délimité. On sait à quoi s'en tenir; on ne nage pas dans le vague pour ne pas dire dans la divagation du ministre du Travail par intérim. C'est la différence entre la rédaction du code canadien et c'est là qu'on vous dit que vous allez trop loin. C'est là que les syndicats et que les employeurs ne sont pas satisfaits au Québec. Ce n'est pas plus compliqué que cela.

Quand je vous ai dit que vous avez tenté d'aller chercher, dans une autre juridiction, dans une juridiction qui vous pue au nez - pour utiliser le vocabulaire de votre premier ministre - une justification aux gestes que vous posez, vous auriez dû être assez transparent pour nous dire que vous aviez, ici même au Québec, trouvé une justification, l'appui nécessaire qui vous permettait d'aller dans le sens que vous proposez à l'article 2 du présent projet de loi. Je sais que je ne vous surprendrai pas en vous annonçant que cet appui vous vient de Louis Laberge, de la FTQ. Le petit cadeau!

Dans son mémoire, il y avait cet appui. Je ne comprends pas que vous l'ayez passé sous silence. Pourtant, c'était évident à la lecture même du mémoire. Que dit M. Laberge: "Par rapport au premier projet de loi, on n'a pas retenu nos suggestions pour élargir le champ des activités dont le code assure le libre exercice. "Cela étant, nous sommes satisfaits du texte présent." Je savais qu'il y aurait quelqu'un de satisfait au Québec, ici. Cette satisfaction s'explique. Votre manque de transparence ne n'explique pas parce que l'argument était facile à donner. Cela s'explique par le contenu d'un article du Devoir du samedi 30 avril 1983, rédigé par Rodophe Morissette et qui s'intitule "Les chefs des centrales syndicales répondent aux questions du Devoir."

Allons voir ce qu'avait prévu, à l'époque, M. Louis Laberge, président de la FTQ, qui donne tout son appui au ministre du Travail par intérim. "La réforme du Code du travail, procédée en deux temps." Dixit Louis Laberge. Tout à fait par hasard, c'est comme cela que cela va se produire. "M. Laberge a déploré récemment que le ministre du Travail, M. Raynald Fréchette, s'apprête à déposer, en mai, à l'Assemblée nationale des amendements au Code du travail qui ne contiendront que des réformettes, quitte à retarder d'un an - il ne parlait pas de l'automne, il parlait d'un an, mais l'avenir va peut-être lui donner raison -la réforme en profondeur qui s'impose". M. le Président, j'en ai pour deux ou trois minutes, c'est ma conclusion. Pourtant, le chef de la FTQ ne voit pas d'emblée d'un mauvais oeil pareille stratégie en deux temps. La centrale compte en exploiter la dimension politique. Intéressant! M. Laberge continue: "D'abord, il est absolument déterminé à le faire quant au régime de négociation dans le secteur public. Ensuite, il doit le faire pour asseoir solidement la constitutionnalité du Tribunal du travail contestée actuellement en Cour suprême du Canada. Aussi, la FTQ compte-t-elle sur la période préélectorale pour décrocher des concessions importantes au plan de la réforme en profondeur du code. Nous sommes pragmatiques, en somme", nous dit l'ami Louis.

M. le Président, si le PQ a des cadeaux à faire à Louis Laberge, qu'il les fasse à partir des fonds qu'il perçoit pour le Parti québécois, mais qu'il ne le fasse pas avec l'argent, les droits de l'ensemble des contribuables, de l'ensemble des concitoyens que nous représentons ici. Quand nous voyons les centrales syndicales non satisfaites...

Le Président (M. Blouin): Concluez, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Je conclus là-dessus, M. le Président. Quand nous voyons toutes les associations de patrons non satisfaites, quand nous voyons le ministre obligé de nous faire croire que le seul appui qu'il pourrait obtenir viendrait d'Ottawa, nous sommes plus

qu'inquiets et cette incertitude que vous créez, nous ne la tolérerons pas et nous voterons contre cet amendement au Code du travail, M. le ministre.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député. M. le député de Laporte, vous avez la parole.

M. Bourbeau: M. le Président, c'est avec beaucoup d'attention que j'ai écouté les propos de mon collègue, le député de Brome-Missisquoi, qui a fait un brillant plaidoyer à l'encontre non seulement de l'article 2, mais aussi à l'encontre de l'ensemble du projet de loi.

M. le Président, si vous avez écouté comme moi, d'une façon attentive...

Le Président (M. Blouin): J'ai bien noté, M. le député, l'évaluation que vous faites de l'intervention de votre confrère. Évidemment, je fais preuve d'une certaine largesse. Je vous rappelle toutefois que l'intervention aurait du porter en tout sur l'article 2.

M. Bourbeau: Je suis bien d'accord. Je n'ai aucunement l'intention de ne pas respecter vos directives. Vous avez conclu quand même, comme moi - c'est ce que vous venez de dire - que le député de Brome-Missisquoi a fait un exposé magistral, c'est le moins qu'on puisse dire, de sa conception de l'article 2 et du projet de loi d'une façon générale. Pendant les quelques minutes qui ont précédé, j'ai tenté de voir comment je pourrais aller encore plus loin que le député de Brome-Missisquoi dans cette direction, mais je dois avouer qu'il m'a littéralement cloué le bec par la limpidité de ses propos et également...

M. Johnson (Anjou): Adopté, M. le Président?

M. Bourbeau: Dans les circonstances et afin de permettre de faire avancer plus rapidement les travaux de la commission, je vais passer la parole à mon collègue de Mont-Royal.

M. Johnson (Anjou): C'est le président, je pense, qui fait cela...

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Laporte. M. le député de Mont-Royal, vous avez la parole.

M. Ciaccia: Je crois que c'est une règle élémentaire de notre Législature que la rédaction d'un article d'un projet de loi doit se faire de façon claire, précise, sans ambiguïté, afin que tout le monde puisse le comprendre et que cela n'ouvre pas la porte à des conflits d'interprétation, à des difficultés d'application et à des abus possibles chez ceux qui pourraient se prévaloir d'un tel article ou d'un tel projet de loi. Je crois que l'article 2, tel qu'il est rédigé présentement dans le projet de loi, ne répond aucunement à cette règle très élémentaire de notre Législature. À l'appui de cette interprétation ambiguë de l'article 2, je pourrais citer, par exemple, la position de la CSD sur le projet de loi 17. Son mémoire, à la page 3, parle de cette mesure et affirme ce qui suit: "C'est une mesure légale, positive certes, mais elle n'a pas pour effet direct de rehausser la protection consentie actuellement au droit d'association. "Aussi généreux soient-ils, au premier abord, ces amendements ne s'appliqueront pas aussi facilement qu'un coup de ciseau. Ils s'appliqueront plutôt par suite des débats devant le commissaire du travail, de retards, de procédures dilatoires, pour être finalement tranchés par le Tribunal du travail... Mais rien ne sera changé pour le travailleur lésé, car il devra sûrement attendre deux ans avant que justice soit faite!"

II y a de l'ambiguïté. Il y a des conflits possibles. On pourrait demander au gouvernement, premièrement, pourquoi il est allé aussi loin dans cette voie ambiguë, dans cette façon presque démesurée de l'interprétation possible. On parle de mesures discriminatoires. Peut-être que le ministre pourrait nous donner quelques exemples qu'il a à l'esprit. Quelles sont ces mesures discriminatoires? On sait que nous avons une charte des droits où il y a certaines définitions des mesures discriminatoires, mais quelle est la portée, dans ce projet de loi, dans cet article, des mots "mesures discriminatoires", parce que cela serait trop facile pour quelqu'un d'invoquer qu'il y a des mesures discriminatoires. Il n'y a pas de définition. Le fardeau de la preuve va être sur l'employeur. Cela peut causer des difficultés innombrables. (17 h 45)

Si le ministre, si le gouvernement a quelque chose de précis, une philosophie ou quelque mesure spécifique à proposer, qu'il le fasse de cette façon plutôt que d'ouvrir la porte complètement à des ambiguïtés, à des conflits, à des mesures possibles de chantage, à des abus possibles et à des termes non pas définis dans le projet de loi, mais qui peuvent ouvrir la porte à toutes sortes d'interprétations. C'est une des remarques que j'aurais à formuler sur l'article 2.

Le ministre a cité tantôt le Code canadien du travail, et je crois que la Chambre de commerce de la province de Québec a fait allusion elle aussi au Code canadien du travail. Elle a formulé des critiques assez valables je crois, sur l'article 2. Dans son mémoire, la Chambre de commerce a porté à l'attention du gouvernement le fait qu'un employeur ne pourrait refuser d'employer - je cite le

mémoire - "une personne à cause de l'exercice par cette personne d'un droit qui lui résulte du présent code". Actuellement, cette protection ne s'applique qu'aux membres et officiers d'un syndicat. L'article 14 actuel, rédigé avant le projet de loi ou l'amendement proposé par le gouvernement, se lit comme suit: "Aucun employeur, ni aucune personne agissant pour un employeur ou une association d'employeurs ne doit refuser d'employer une personne parce qu'elle est membre ou officier d'une association ni chercher par intimidation, menace de renvoi ou autre menace, ou par l'imposition d'une peine ou par quelque autre moyen, à contraindre un salarié à s'abstenir de devenir membre ou officier ou à cesser d'être membre ou officier d'une association de salariés."

L'amendement proposé par le ministre élargit considérablement l'application et la portée de l'article. Et je continue de citer la Chambre de commerce de la province de Québec: "Cette nouvelle disposition est beaucoup trop large: tout exercice d'un droit deviendrait présomption; ceci couvre autant le fait de signer une carte, d'avoir cherché à former un syndicat chez un employeur précédent, d'avoir déposé un grief, d'être présent lors d'un scrutin, d'être membre d'un syndicat, etc. "Selon qu'il est écrit, je continue de citer le mémoire, ces activités syndicales pourraient avoir eu lieu chez quelque employeur précédent, l'employeur éventuel étant présumé être au courant de ces faits." On élargit la portée ou les abus possibles et je pose la question suivante: Pourquoi le ministre a-t-il voulu introduire une telle mesure dans le projet de loi? Nous avons déjà apporté à l'attention du gouvernement le fait que le Code du travail du Québec est déjà le plus contraignant au Canada et si on le rend encore plus contraignant, si on le rend encore plus difficile, et si on y introduit des mesures... Si on les prenait individuellement, on pourrait dire: C'est vrai qu'on ne veut pas qu'un employeur... J'accepte le principe qu'un employeur ne devrait pas faire de discrimination à l'endroit d'un employé qui s'est engagé dans certaines activités syndicales. Je pense que nous acceptons tous ce principe qu'il ne devrait absolument pas y avoir de discrimination.

M. Johnson (Anjou): Ah oui? Le député de Sainte-Anne disait le contraire, tout à l'heure. Branchez-vous! C'est quel caucus qui parle?

M. Ciaccia: M. le Président, si le ministre me laisse terminer...

M. Johnson (Anjou): West Island? Gérard D.?

Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît! M. le ministre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: On accepte ce principe, mais je pense que ce principe est déjà inclus dans l'article 14, tel que rédigé. On a l'impression, encore ici, que le gouvernement veut tellement donner l'impression ou l'image que c'est vraiment lui, le défenseur des syndicats, des syndiqués ou des travailleurs, qu'il va rédiger n'importe quel article pour essayer de transmettre cette image, mais, en rédigeant l'article 2 comme il l'a fait, il va beaucoup plus loin que le principe que je viens d'énoncer, à savoir que j'accepte le fait qu'il ne faut pas avoir de discrimination. Cependant, ce n'est pas seulement dans ce cas-ci entre un employeur et un employé à propos d'activités syndicales. Nous avons une charte des droits, cela définit et cela empêche la discrimination; cela ne l'empêche pas, mais cela donne des droits à des gens qui se sentent lésés pour certaines activités ou certains actes discriminatoires à leur égard. Le principe est acceptable, mais c'est dans la rédaction, c'est dans la portée et la façon dans laquelle le gouvernement introduit cet article et essaie de le rendre tellement contraignant que cela ouvre la porte à des abus. Cela ouvre la porte à du chantage, cela ouvre la porte à des abus. Les négociations et les jeux en sont alors complètement déséquilibrés.

On voudrait proposer, on prône une société équilibrée où on pourrait éviter les abus de part et d'autre. Je ne suis pas plus en faveur des abus d'un secteur de la population que de l'autre. Je suis contre tous les abus. Mais il ne faut pas charrier, il faut être raisonnable et ne pas nous présenter des projets de loi qui, sous prétexte d'empêcher des abus, d'une part, d'une partie de la population qui amènent des abus, ouvrent la porte à d'innombrables autres abus, à tant d'abus qu'on trahit le principe qu'on veut défendre. C'est cela que j'ai contre l'article 2: la façon dont il est rédigé, la façon dont il ouvre la porte à tous ces abus possibles.

Toujours à propos de l'explication des représentations apportées à l'attention du gouvernement sur cet article 2, on dit que les lois des autres provinces ou du Canada ne laissent pas... On déforme, on détourne, on essaie de créer de fausses impressions. Quand le ministre fait référence aux lois canadiennes dans les autres provinces, il n'explique pas les distinctions. Le principe, c'est bien beau. Oui, le principe est là, mais il y a une distinction fondamentale entre ce que les lois des autres provinces et les lois canadiennes contiennent et la façon dont le ministre a rédigé cet article. Les lois des autres provinces canadiennes, telles qu'apportées à l'attention du ministre par le mémoire de la Chambre de commerce de la province de Québec - je cite une partie de

ce mémoire - "...ne laissent pas la porte ouverte à tel genre de présomptions". C'est-à-dire que l'on vise n'importe quel syndiqué ou employé qui a été actif dans un syndicat ou qui a participé à certaines activités, que ce soit en signant une carte de membre ou en commettant l'acte le plus innocent auquel il a le droit et pour lequel personne ne peut lui faire de reproche. Mais là, le projet de loi ouvre la porte en inscrivant que, si cette activité se produit et que l'employé n'est pas engagé pour d'autres raisons, peut-être que c'est parce qu'il y a eu dix personnes qui ont présenté une demande d'emploi et il y en a eu une qui a été engagée...

M. Johnson (Anjou): M. le Président, question de règlement.

M. Ciaccia: ...celle qui n'a pas été engagée...

M. Johnson (Anjou): Question de règlement.

M. Ciaccia: ...viendra maintenant...

Le Président (M. Blouin): M. le ministre, une question de règlement.

M. Johnson (Anjou): Peut-être pourriez-vous m'éclairer, M. le Président, si je choisis la voie normale pour cela - je donnerai deux minutes de plus au député. Sûrement qu'il a des choses intéressantes à nous dire. Dans le texte de loi - je ne sais pas s'il l'a cité; peut-être qu'on n'a pas le même texte - il n'est pas question de présomption dans le cas du refus d'embauche.

M. Ciaccia: Ce n'est pas une question de règlement. Si le ministre a quelque chose à dire après que j'aurai terminé... Mais tant que...

M. Johnson (Anjou): Vous citez le mauvais projet de loi. Je pense qu'il n'a pas le droit de parler d'une autre loi ici.

M. Ciaccia: Je vais en venir à l'article 2.

L'arrogance du ministre n'est dépassée que par son manque de respect pour le droit de parole des députés de l'Opposition. Je ne sais pas lequel Je son arrogance ou de son manque de respect de notre droit de parole est le plus fort.

Si le ministre pouvait seulement s'exprimer bien modérément, je crois que cela a été très bien jusqu'à maintenant... Chacun a exercé son droit de parole...

M. Johnson (Anjou): Vous demanderez cela aux gens qui ont témoigné à la commission parlementaire sur le saccage à LG 2 comment vous les respectiez?

M. Paradis: On pourrait poser la question au juge Jasmin.

M. Ciaccia: Quelle question a-t-il posée?

Le Président (M. Blouin): S'il vous plaîtl

M. Paradis: II veut que nous demandions aux gens qui ont témoigné lors de la commission parlementaire concernant le saccage à LG 2 comment on les a respectés?

Le Président (M. Blouin): M. le ministre et MM. les membres...

M. Ciaccia: Vous pourriez le demander au juge Jasmin, vous pourriez le demander à tous ceux qui ont dit la vérité, mais ne le demandez pas à ceux qui ont eu des trous de mémoire.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Mont-Royal...

M. Ciaccia: Est-ce que je peux continuer?

Le Président (M. Blouin): ...sur la pertinence, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Ne le demandez pas au chef de cabinet du premier ministre. Peut-être que vous pourriez le demander à ceux qui n'ont pas été invités, comme M. Maurice Pouliot...

Le Président (M. Blouin): Est-ce que vous pourriez revenir à la pertinence?

M. Ciaccia: ...et à M. Yvan Latouche. Vous pourriez le leur demander.

M. Bourbeau: La pertinence vient de haut.

Le Président (M. Blouin): J'adresse cette remarque, M. le député de Laporte, à tous les membres de la commission.

M. Bourbeau: Surtout au ministre, je présume, n'est-ce pas?

Le Président (M. Blouin): Tout le monde, le ministre aussi. M. le député de Mont-Royal, à propos de l'article 2, s'il vous plaît.

M. Ciaccia: À l'article 2... Le fardeau de la preuve... Je ne devrais même pas répondre au ministre, parce que le but de ses interruptions... Il prend les mauvaises habitudes du ministre de l'Énergie et des Ressources. Juste comme on arrivait à des points importants, on se faisait interrompre

pour nous empêcher d'en venir à la conclusion de certains arguments très pertinents. Je pense que c'est une mauvaise habitude que le ministre copie du ministre de l'Énergie et des Ressources.

Les lois des autres provinces du Canada ne laissent pas la porte ouverte à des présomptions aussi larges. Elles les limitent au cas où l'employeur serait au courant des activités syndicales visées, c'est-à-dire celles de ses propres employés. Par exemple, le Code canadien du travail, à l'article 184, alinéa 3, est exprimé au présent, ce qui élimine les actions passées d'une personne et énumère des activités syndicales précises.

Quand le ministre me dit qu'il n'y a pas de présomptions, mais le fardeau de la preuve... peut-être le ministre pourrait nous éclairer ou peut-être que je me trompe, si un employé invoque une telle discrimination ou invoque que la raison du refus de l'embauche est qu'il a exercé, dans le passé, un droit contenu dans le Code canadien du travail, comment un employeur va-t-il prouver que la raison pour laquelle il ne l'a pas embauché, ce n'était pas parce que cet employé avait exercé un droit contenu dans le Code du travail? C'est parce que l'employeur a exercé un certain droit qu'il avait d'employer M. X, M. Y ou M. Z. M. le Président, le ministre ouvre la porte à de tels abus, et c'est absolument inexact de dire que le ministre s'est inspiré du droit canadien. Je ne pense pas qu'il ait été bien inspiré, si inspiration il y a eu. Même s'il s'en est inspiré, il a commencé avec quelque chose qui est peut-être inclus dans les codes des autres provinces du Canada, mais il l'a changé à sa manière ou à la manière du gouvernement pour ouvrir la porte à des abus plus que possibles, à des abus qu'on peut même identifier et à des abus qu'on devrait éviter.

La question qu'on se pose, c'est comment il se fait qu'on veut éviter des abus, d'une part, mais on ne peut pas éviter les abus des autres, d'autre part. Je pense qu'on va revenir à l'approche que nous suggérons au ministre d'avoir une approche un peu plus équilibrée parce que, dans la conjoncture actuelle de notre développement économique et des investissements au Québec, ce n'est pas de cet article 2 qu'on a besoin, ce n'est pas ce genre de loi.

Ce qui m'étonne, M. le Président, c'est que, avec tout le chômage que nous avons, avec toutes les possibilités de développement qui existent, avec toutes les autres choses que nous devons vraiment considérer en priorité pour l'avancement économique de la population, on est en train de perdre notre temps sur des articles comme l'article 2, qui vont contraindre et qui vont restreindre des droits, qui vont susciter des questions discriminatoires, qui vont donner des droits à quelqu'un qui se sent lésé de façon ambiguë, conflictuelle. On encourage l'affrontement, la confrontation.

Qu'on aille donc adopter des projets de loi qui vont promouvoir l'économie, qui vont régler les problèmes qui existent. Le chômage chez les jeunes, les investissements qui ne se font pas au Québec, dans toutes les autres industries, l'industrie du vêtement, l'industrie pharmaceutique. Il y a une foule de problèmes. Mais non, ce n'est pas à cela qu'on donne la priorité. On veut donner une image, on veut rembourser les amis du parti et on essaie d'introduire un projet de loi qui va donner cette impression qu'on est pour les travailleurs quand, en effet, M. le Président, ce ne sera pas productif, mais bien le contraire.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Ce projet de loi, c'est un abus.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Mont-Royal...

M. Ciaccia: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): ...je suis obligé de vous interrompre. Il est 18 heures et, à moins de consentement pour poursuivre après 18 heures, nous devons mettre fin à nos travaux.

M. Johnson (Anjou): Nous pourrions consentir à ce qu'il finisse sa phrase. Il n'y a pas de consentement pour lui-même. Je vois bien l'intolérance du député envers lui-même et je la comprends.

M. Ciaccia: En ce qui me concerne, il y a consentement, mais je ne voulais pas donner de consentement afin que le ministre cesse d'induire cette commission parlementaire en erreur.

Le Président (M. Blouin): II est 18 heures. Sur ce, la commission élue permanente du travail ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 01)

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