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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le vendredi 9 mars 1984 - Vol. 27 N° 262

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 42 - Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous plaît!

Bonjour mesdames et messieurs. La commission élue permanente du travail reprend ses travaux avec le mandat d'entendre les représentations des personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Les membres de la commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Cusano (Viau), M. Lachance (Bellechasse), M. Fréchette (Sherbrooke), Mme Harel (Maisonneuve), M. Lafrenière (Ungava), M. Lavigne

(Beauharnois), M. Maltais (Saguenay), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Polak (Sainte-Anne), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Baril (Arthabaska).

Les intervenants à la même commission sont: M. Marx (D'Arcy McGee), M. Champagne (Mille-Îles), M. Fortier (Outremont), M. Leduc (Fabre), M. Pagé (Portneuf), M. Payne (Vachon), M. Proulx (Saint-Jean), M. Vaugeois (Trois-Rivières). Le rapporteur à la commission est M. Lavigne (Beauharnois).

Aujourd'hui, nous allons entendre quatre groupes dans l'ordre suivant: Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, Mouvement d'aide aux accidentés (es) du travail du Québec, CLSC Seigneurie de Beauharnois et mémoire collectif des chargés de cours du programme santé et sécurité du travail de la Faculté de l'éducation permanente de l'Université de Montréal.

On avait prévu une séance cet avant-midi et une autre cet après-midi sauf, s'il est possible, du consentement des deux partis, de rejoindre les deux groupes de cet après-midi, il est possible que tout se fasse dans la même séance, c'est-à-dire poursuivre après l'heure normale.

J'appelle...

M. Cusano: M. le Président.

Le Président (M. Paré): ...maitenant le premier groupe. L'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec. M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, avant de demander à nos prochains invités de prendre place à la table, compte tenu des poursuites judiciaires envers un des groupes qui est venu ici témoigner en commission parlementaire, je vous demanderais de lire l'article 53 du projet de loi 90, Loi sur l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Paré): Avec plaisir, M. le député de Viau, de façon à rassurer les gens qui viennent comparaître devant la commission. L'article 53 de la Loi sur l'Assemblée nationale se lit comme suit: Le témoignage d'une personne devant l'Assemblée, une commission ou une sous-commission ne peut être retenu contre elle devant un tribunal, sauf si elle est poursuivie pour parjure. Cela dit, j'inviterais maintenant le porte-parole de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec à s'identifier et à nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec

M. Thibault (Raymond): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés. Mon nom est Raymond Thibault, je suis vice-président des opérations des usines à la compagnie Normick Perron et président de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec. Je présente mes collègues ici à la table: À mon extrême droite, M. Guy Mallette, directeur des ressources humaines pour le groupe Gérard Saucier; M. Denis Dessurault, directeur des relations industrielles du groupe Normick Perron Inc.; M. Richard Lacasse, directeur général de l'Association des manufacturiers de bois de sciage; M. Aubert Tremblay, directeur du service des relations industrielles de l'Association des manufacturiers de bois de sciage; M. Jean-Yves Gonthier, président et directeur des relations industrielles du groupe Forex Inc.; M. André Séguin, directeur des opérations forestières de la compagnie Laberge et Laberge, de Saint-Félicien.

Messieurs, il nous fait plaisir de vous présenter notre mémoire. Ce matin, nous avons déposé au secrétariat de la commission les annexes à ce mémoire qui n'avaient pas été déposées en même temps que le mémoire.

L'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec tient à remercier les membres qui composent cette commission parlementaire de lui permettre de présenter ses commentaires ainsi que ses recommandations sur le projet de loi 42

intitulé Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Avant de vous exposer nos commentaires et recommandations sur le projet de loi, nous aimerions décrire brièvement l'Association des manufacaturiers de bois de sciage du Québec. Fondée en 1957, l'association regroupe actuellement 150 membres opérant 160 usines dans tout le Québec et représentant 75% de la production du bois de sciage du Québec. Environ 90% de ses membres sont des PME.

Notre production annuelle est de 7 500 000 mètres cubes de bois de sciage et de 3 700 000 de tonnes anhydres de copeaux. Nous employons 17 000 travailleurs dont 10 000 dans les usines et 7000 en forêt, sans compter quelque 50 000 emplois indirects. Notons en passant qu'en forêt, le taux de syndicalisation est de 85% et, dans les usines de sciage, il dépasse les 50%, ce qui est nettement supérieur à la moyenne du secteur privé. Nous versons annuellement en salaire 300 000 000 $. Quant à nos cotisations à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, elles ont représenté en 1983 plus de 30 000 000 $. Il est important de noter que la valeur de nos ventes totales est de 1 300 000 000 $ dont les deux tiers vont à l'extérieur du Canada.

Pour cette raison, il nous apparaît essentiel de bien contrôler nos coûts, notamment dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail si on ne veut pas affaiblir notre position concurrentielle sur le marché international.

À cet égard, M. le Président, nous sommes d'avis que contrairement à ce que M. le ministre Fréchette a déjà déclaré publiquement, le projet de loi 42 coûtera beaucoup plus cher aux employeurs dans l'avenir parce qu'il ouvre la porte à un laxisme inacceptable de la part de la CSST et des professionnels de la santé et à des abus intolérables de la part des travailleurs.

Je tiens à souligner, M. le Président, que les employeurs de notre association ont toujours pris et continueront de prendre leurs responsabilités quant aux différentes lois visant à protéger le travailleur. Cependant, il faut préciser que, tout en étant d'accord avec certains aspects du projet de loi 42, il nous apparaît que certaines modifications nous semblent nécessaires pour en faciliter l'application et pour s'assurer que les excès que l'on connaît actuellement ne se répètent plus.

Par ailleurs, M. le Président, nous sommes conscients que la refonte de la Loi sur les accidents du travail est un travail énorme. Il va sans dire que cette loi, qui existe depuis 1931 et qui a été amendée à maintes reprises, avait besoin d'une mise à jour complète afin d'en clarifier les principes et les modalités d'application.

Je tiens à rappeler que le monde patronal réclamait depuis longtemps une refonte de la loi. Nous sommes heureux de constater que certaines de nos demandes ont été retenues dans le projet de loi. Nous pensons, par exemple, à l'indemnité de remplacement de revenu à vie qui n'est plus versée, avec l'indexation, jusqu'au décès et aux sommes forfaitaires versées aux bénéficiaires en cas de décès du travailleur accidenté plutôt qu'à un pourcentage à vie d'une indemnité de remplacement de revenu.

Cependant, nous constatons malheureusement que plusieurs de nos demandes n'ont pas été retenues sans compter les problèmes soulevés par de nombreux changements à la loi actuelle et les non moins nombreuses ambiguïtés introduites dans le projet de loi. Il apparaît essentiel d'apporter certains amendements au projet de loi pour en faciliter l'application, en diminuer certaines largesses et pour s'assurer que cessent les abus du système que l'on connaît actuellement.

Commentaires et recommandations sur le projet de loi 42 intitulé, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. À la lumière des faits que nous venons d'exposer, nous croyons sincèrement que les commentaires et recommandations contenus dans notre mémoire visent à rendre le projet de loi juste et équitable, à la fois pour les travailleurs et pour les employeurs.

Pour plus de clarté, nous avons développé cinq grands thèmes que nous exposerons à tour de rôle en traitant des articles qui s'y rattachent. Ce sont: 1- la notion d'accident; 2- la notion d'indemnisation; 3- la notion du droit de retour au travail; 4- le pouvoir discrétionnaire de la commission; 5- la présomption en faveur du travailleur. Suivront ensuite quelques recommandations sur des articles en particulier.

D'abord, la notion d'accident, article 2, paragraphe 1. "Accident du travail: un événement soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle."

La notion d'accident, telle que définie à l'article 2, a été élargie. Le terme "imprévu" est disparu, ce qui ouvre la porte à des actes prémédités, tels que l'automutilation ou le suicide. Référence, résolution A-340-80, sections 3 et 4 de la CSST; voir l'annexe A. De plus, on ne retrouve plus la notion d'imprudence grossière et volontaire, décrite à l'article 3.1b de la loi actuelle, ce qui signifie qu'un travailleur peut délibérément ignorer les règlements de sécurité du travail sanctionnés par le Comité paritaire de la santé et de la sécurité du travail et avoir droit aux indemnités prévues dans le projet de loi sans en avoir les obligations. Il a droit à une

indemnité en cas de lésion professionnelle, mais il n'est pas obligé de respecter les méthodes de travail et les règlements de sécurité.

Avec la résolution A-840-80 adoptée par la CSST le 5 mars 1980, la définition d'accident est tellement large qu'il est à peu près impossible pour l'employeur de démontrer qu'il ne s'agit pas d'un réel accident du travail, le cas échéant. Il est malheureux de noter, par exemple, l'augmentation subite de la fréquence d'accidents du travail juste avant la fermeture d'un camp forestier à la fin de la saison. Prenons le cas de cette entreprise forestière dans la région du Lac-Saint-Jean qui, en 1982 et 1983, dans les jours précédant la fermeture de ses trois chantiers, a vu sa fréquence d'accidents augmenter de 32% à 515%, selon les endroits. Exemple à notre annexe B.

De plus, on constate que la définition d'accident dans la loi actuelle a été interprétée par le Service du contentieux de la CSST, de telle sorte qu'un accident survenu au cours "d'une partie de balle molle organisée par l'employeur en dehors des heures et des lieux de travail pour promouvoir l'entreprise ou la bonne entente entre employés" est considéré comme un accident de travail si un des joueurs est blessé. Référence: résolution A-340-80 section 3.5a de la CSST. Comment peut-on définir de façon si large la notion d'accident?

Nous recommandons donc, M. le Président, de définir de façon plus claire et plus restrictive la notion d'accident; de rajouter le mot "imprévu" comme dans la loi actuelle; de rajouter la notion d'imprudence grossière et volontaire; de réduire partiellement l'indemnité de remplacement de revenu d'un travailleur qui a fait preuve d'imprudence grossière et volontaire pour l'inciter à travailler de façon sécuritaire; de recouvrer les indemnités versées au travailleur qui a fait une fausse déclaration quant au fait accidentel ou à la lésion professionnelle et de lui imposer une amende pour réduire les abus, comme dans le cas du contribuable qui fraude le ministère du Revenu, par exemple.

Deuxièmement, notion d'indemnisation. 2.1 La notion d'indemnisation est une des pierres angulaires de la loi actuelle et du projet de loi 42. L'AMBSQ est entièrement d'accord avec la philosophie sous-jacente à l'indemnisation, à savoir le remplacement d'un pourcentage du revenu qu'un travailleur aurait normalement tiré d'un emploi, n'eût été de sa lésion professionnelle, afin de lui permettre de maintenir un revenu décent.

Cependant, nulle part on ne tient compte des sommes que le travailleur peut recevoir d'une assurance-prêt prévoyant le remboursement automatique en cas d'incapacité, de prêts hypothécaires ou de prêts personnels. Nulle part non plus, on ne tient compte du fait que lors d'une incapacité totale de quelques mois dans l'année fiscale, la non imposition des indemnités de remplacement de revenu permet au travailleur de récupérer une grande partie de l'impôt payé pendant les mois travaillés, ce qui revient à dire que dans plusieurs cas, retirer une indemnité de remplacement de revenu équivaut à un revenu supplémentaire à ce que le travailleur aurait normalement retiré d'un emploi.

Si on est d'accord sur le principe de majorer l'indemnité de remplacement de revenu d'un travailleur qui ne reçoit pas ce qu'il devrait recevoir, on se doit aussi d'être d'accord avec le principe de réduire cette indemnité lorsqu'elle donne au travailleur un revenu net plus élevé que s'il avait travaillé et ce, dans certaines situations précises dont nous donnerons l'exemple plus loin. De plus, il est essentiel que l'on mette sur pied des mécanismes pour inciter le travailleur à demeurer ou retourner au travail. À ce sujet, l'article 75 du projet de loi parle d'une prime additionnelle comme incitatif à retourner au travail. Mais ce n'est vraiment pas suffisant.

Nous croyons sincèrement en la légitimité de la philosophie du remplacement de revenu, mais nous déplorons le fait qu'il y a des profiteurs du système actuel et que ce sera pire si le projet de loi est adopté tel quel. Aussi, répétons-nous qu'il faut des mesures incitatives à demeurer ou à retourner au travail et qu'il faut mettre sur pied des mécanismes permettant d'éviter qu'un travailleur tire un revenu net supérieur à la suite d'une lésion professionnelle.

Voici donc, M. le Président, nos commentaires et recommandations basés sur ces énoncés. 2.2 Article 58. "L'indemnité de remplacement du revenu est égale à 90% du revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi". Considérant que 90% du revenu net retenu ou du salaire net régulier est un pourcentage trop élevé pour inciter le travailleur à retourner le plus tôt possible au travail; considérant que rares sont les régimes d'assurance publics ou privés qui prévoient un pourcentage du revenu net aussi élevé, nous recommandons que ce pourcentage soit réduit à 75% du revenu net retenu et que tous les articles du projet de loi 42 s'y rattachant soient modifiés en conséquence. 2.3 Article 54, paragraphe 1. "L'employeur verse au travailleur son salaire net régulier pour toute la journée lorsque ce travailleur devient incapable d'exercer son emploi au cours de cette journée en raison d'une lésion professionnelle."

Considérant que le versement du salaire net régulier pour toute la journée dans les cas de lésion professionnelle mineure ne

nécessitant pas en réalité l'intervention des médecins est un indicatif à l'abus; considérant qu'il n'y a pas de maximum assurable pour l'indemnisation de la journée de l'accident; considérant que le travailleur devrait supporter une partie des coûts du régime d'indemnisation; nous recommandons vigoureusement l'élimination pure et simple de l'article 54, paragraphe 1.

Article 53: "L'employeur au service duquel se trouve le travailleur lorsqu'il devient incapable d'exercer son emploi verse à ce travailleur, à l'époque où son salaire lui aurait été normalement versé, 90% de son salaire net régulier pour chaque jour où il aurait normalement travaillé, n'eût été de son incapacité, pendant les quatorze jours complets suivant le début de cette incapacité."

Considérant que la CSST avait introduit l'obligation pour l'employeur de payer les cinq premiers jours suivant le début de l'incapacité du travailleur afin, disait-on, d'accélérer le paiement des prestations parce que la CSST n'était pas suffisamment équipée pour améliorer elle-même ces longs délais de paiement; considérant que la CSST a, depuis, décentralisé ses opérations en région et s'est équipée de systèmes d'informatique sophistiqués pour répondre adéquatement aux usagers; considérant qu'actuellement, l'employeur paie les cinq premiers jours au travailleur, qu'il en réclame ensuite le remboursement à la CSST, que cette dernière doit vérifier à son tour la réclamation de l'employeur pour, finalement, procéder au remboursement de celle-ci, et que tout cet exercice représente une perte de temps et un dédoublement de travail dont l'employeur assume toujours les frais; nous recommandons l'élimination de l'article 53 et la prise en charge par la CSST du versement des indemnités à partir de la journée suivant le début de l'incapacité. 2.5 Articles 55 et 59. Considérant que la définition du salaire net régulier diffère largement de la définition du revenu net retenu; considérant que la définition du salaire net régulier n'impose pas de maximum annuel assurable comme l'indique l'article 61; considérant que les calculs faits par la CSST sont basés sur la table du revenu net retenu pour le remboursement de la réclamation de l'employeur; nous recommandons l'élimination de la notion du salaire net régulier et l'utilisation en toutes circonstances de la table du revenu net retenu comme cela se fait actuellement. 2.6 Article 57, paragraphes 3 et 4. Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu s'éteint au premier des événements suivants: trois ans après la date où une rente de retraite devient payable au travailleur en vertu de la Loi sur le régime de rentes du Québec ou d'un régime équivalent au sens de cette loi, lorsque cette rente lui devient payable avant l'âge de 65 ans; ou au 68e anniversaire de naissance du travailleur ou, si celui-ci est victime d'une lésion professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 65 ans, quatre ans après la date du début de son incapacité d'exercer son emploi.

Considérant que l'indemnité de remplacement de revenu vise le remplacement d'un pourcentage du revenu qu'un travailleur aurait normalement tiré d'un emploi; considérant qu'un travailleur qui retire une rente de retraite est un travailleur qui, en règle générale, n'aurait plus retiré un revenu d'emploi; nous recommandons que l'indemnité de remplacement de revenu à l'article 57, paragraphes 3 et 4, cesse au moment où une rente devient payable. 2.7 Article 61. "Aux fins du calcul de l'indemnité de remplacement du revenu autre que celle que vise l'article 53, le revenu brut annuel d'emploi ne peut être inférieur au revenu brut annuel déterminé sur la base du salaire minimum alors en vigueur ni supérieur au maximum annuel assurable".

Considérant que cet article couvre les employés occasionnels à temps plein ou à temps partiel; considérant que supporter la différence des coûts entre ce que le travailleur tirait de son emploi et le minimum annuel prévu par la Loi sur les normes du travail serait une charge additionnelle injuste par rapport aux salariés payés; nous recommandons que l'article 61 soit maintenu, mais qu'on ajoute que la différence des coûts soit imputée à l'ensemble des employeurs de cette catégorie. 2.8 Article 63. "Le revenu brut d'un travailleur est déterminé sur la base du revenu brut prévu par son contrat de travail...". Considérant que dans le cas des travailleurs saisonniers et des travailleurs occasionnels à temps plein ou à temps partiel, il est impossible de se baser sur le contrat de travail prévu; considérant que ce type de travailleur retire à chaque année des prestations d'assurance-chômage; considérant que depuis janvier 1983, la CSST tient compte pour les travailleurs forestiers des revenus bruts provenant d'un ou de plusieurs emplois ainsi que des prestations d'assurance-chômage pour déterminer le revenu brut annuel servant de base au calcul de l'indemnité; nous recommandons que le contenu de la politique intitulée "Politique relative à la réparation financière" section 3.2 du Manuel de la réparation de la CSST soit annexée au projet de loi et en devienne partie intégrante.

(10 h 30) 2.9 Article 124. "Les indemnités versées en vertu de la présente loi sont incessibles, insaisissables et non imposables, sauf l'indemnité du revenu qui est saisissable pour le paiement d'une dette alimentaire

conformément à l'article 553 du Code de procédure civile." Considérant que les indemnités qui sont versées pour une incapacité de moins d'un an dans une année fiscale précise ne sont pas imposables; considérant que, dans ce cas, le travailleur recouvre une grande partie ou la totalité des impôts payés durant la période de l'année où il a retiré un revenu d'emploi; considérant que, dans bien des cas, au cours d'une année fiscale, un travailleur retirera un revenu net supérieur à celui qu'il aurait normalement retiré de son emploi; par conséquent, nous recommandons que, dans le cas d'incapacité de moins d'un an, les indemnités de remplacement de revenu soient déclarées par le travailleur sur son rapport d'impôt afin d'éviter que le travailleur ne gagne net plus que ce qu'il aurait normalement tiré de son emploi, ce qui va totalement à l'encontre du principe de remplacement du revenu. 2.10. Obligation pour l'employé de déclarer toute somme reçue d'assurance privée pour remboursement de prêts hypothécaires ou autres. Considérant que de nombreux travailleurs détiennent des polices d'assurances qui paient en cas d'incapacité le remboursement mensuel de prêts hypothécaires ou autres; considérant que le remboursement de ces prêts par des compagnies d'assurances pendant la période d'incapacité constitue un revenu important; considérant que ce revenu s'additionne à l'indemnité du revenu du travailleur et a comme résultat de lui procurer un revenu net de beaucoup supérieur à celui qu'il aurait normalement tiré d'un emploi; considérant que selon la Loi sur l'aide sociale, article 31, et selon les règlements de cette même loi, section 5, article 40, l'employé est tenu de déclarer de tels montants (voir l'annexe C); en conséquence, nous recommandons que le travailleur soit dans l'obligation de déclarer toute somme reçue en vertu d'un régime d'assurance-prêt quel qu'il soit ou de toute autre somme, et ce, afin de respecter le principe de remplacement du revenu et afin d'inciter le travailleur à retourner le plus tôt possible au travail. 3. Notion du droit de retour au travail. 3.1. La notion du droit de retour au travail nous apparaît comme un principe louable en soi, mais qui ne tient pas compte des difficultés d'application qui s'y rattachent. Nous sommes d'accord pour reconnaître qu'un employé puisse réintégrer son ancien poste, conformément aux délais prévus à l'article 147, mais sous certaines réserves. Quant à lui offrir un autre poste qui devient disponible s'il ne peut occuper son ancien poste de travail, cela peut être acceptable, mais sous certaines réserves également.

Nous croyons sincèrement que le droit de retour au travail devrait s'inspirer de ce qui existe actuellement dans les conventions collectives pour établir des normes minimales à respecter pour les entreprises non syndiquées. De plus, pour éviter les problèmes d'application, il est essentiel que les plaintes découlant de l'interprétation de ces normes minimales suivent les procédures normales de grief plutôt que d'être jugées par la commission dans les cas des entreprises syndiquées. Pour les entreprises non syndiquées, la commission devrait faire les représentations auprès de l'employeur et, s'il n'y a pas d'entente, le travailleur pourrait demander la nomination d'un arbitre en vertu du Code du travail du Québec.

M. le Président, pour illustrer ce que nous avançons, voici quelques commentaires relatifs à certains articles du projet de loi. 3.2, article 150: "Le travailleur a le droit de réintégrer son emploi avec le salaire et les avantages dont il bénéficiait s'il avait continué à l'exercer." Nous ne contestons pas le droit pour le travailleur de réintégrer son emploi. Cependant, il nous semble nécessaire d'apporter certaines précisions concernant ce droit. Par exemple, il faut pouvoir tenir compte des changements technologiques survenus depuis son départ, avant de décider si le travailleur peut réintégrer son poste. De plus, lorsqu'un travailleur est en période de formation au moment d'une lésion professionnelle, il serait injuste de lui accorder le salaire et les avantages dont il aurait bénéficié s'il avait complété cette formation. Un autre exemple nous démontre les difficultés d'application de ce droit, à savoir un travailleur qui a trois mois de service, qui subit une lésion professionnelle et est absent pendant près de deux ans. Le travailleur qui le remplace aura alors près de deux ans d'ancienneté, mais devra quand même céder son poste au travailleur accidenté qui n'a, lui, que trois mois de service. Ceci devient difficilement applicable dans les entreprises syndiquées. 3.3, articles 154, 155 et 156. Le délai de quatorze jours qu'a le travailleur après la date d'assignation - article 156 - pour décider s'il occupera un autre emploi disponible est peu réaliste. En effet, cela signifie que lorsqu'un emploi devient disponible, l'employeur, après avoir avisé la commission - article 155 - devra quand même faire son recrutement pour combler ce poste et entraîner un nouveau travailleur en attendant que la commission détermine une date d'assignation et que le travailleur accidenté prenne une décision. On voit bien ici les difficultés que ces délais entraînent.

De plus, il faudrait préciser à l'article 156 que le travailleur, en plus de posséder les qualifications nécessaires, devrait être en mesure de rencontrer immédiatement les mêmes standards au niveau de la productivité que les autres travailleurs qui offrent leurs services pour cet emploi. 3.4, article 158. "Le nouvel employeur d'un établissement aliéné ou concédé,

autrement que par vente en justice, a les mêmes obligations que l'ancien employeur à l'égard du travailleur.

Cependant, si l'acquéreur d'un établissement vendu en justice y exerce les mêmes activités que celles qui y étaient exercées avant la vente, il a les mêmes obligations que l'ancien employeur à l'égard du travailleur."

Pour ce qui est de la vente en justice, il nous paraît injustifié que l'acquéreur ait les mêmes obligations que l'ancien employeur à l'égard du travailleur.

Nous recommandons donc l'élimination de la deuxième partie de l'article 158. 3.5, articles 160 à 170. Quant aux articles 160 à 170, nous recommandons carrément leur élimination car ils ont pour seul effet de causer des délais extrêmement longs et des procédures très coûteuses qui n'avantagent aucune des deux parties. Nous recommandons plutôt la procédure de griefs pour les entreprises syndiquées et la nomination d'un arbitre en vertu du Code du travail pour les entreprises non syndiquées.

Quatrièmement: Pouvoirs discrétionnaires de la commission. 4.1. À la lecture du projet de loi, on se rend compte que la commission possède tellement de pouvoirs discrétionnaires qu'elle devient pratiquement omnipotente et peut aller à l'encontre d'à peu près n'importe quel article du projet de loi si elle le juge approprié. Le projet de loi devient, à toutes fins utiles, un guide à suivre pour la commission et non une loi à appliquer. On a noté, M. le Président, 37 articles dans le projet de loi établissant les pouvoirs discrétionnaires de la commission.

Nous allons vous en citer, M. le Président, parmi ceux qui nous ont le plus frappés. 4.2, article 73. "La commission peut déterminer le revenu brut d'un travailleur d'une manière autre que celle que prévoient les articles 63 à 72, si elle le croit plus équitable en raison de la nature particulière du travail de ce travailleur."

Le projet de loi contient dix articles portant sur la détermination du revenu brut et décrit avec force détails la façon de procéder. Par contre, l'article 73 dit noir sur blanc que la "commission peut déterminer le revenu brut d'un travailleur d'une manière autre que celle que prévoient les articles 63 à 72". À quoi sert de déterminer des procédures si la commission n'est pas tenue de les respecter? 4.3, article 80. "La commission détermine, en tenant compte notamment de la formation, de l'expérience de travail et de la capacité physique et intellectuelle du travailleur: Premièrement, l'emploi qu'il est capable d'exercer et deuxièmement, le revenu net retenu qu'il pourrait tirer de cet emploi."

L'article 80 précise que c'est la commission qui décide de l'emploi qu'un travailleur peut exercer et du revenu net qu'il pourrait tirer de cet emploi. Ici encore, on peut constater l'étendue du pouvoir discrétionnaire de la commission.

Nous recommandons que cette décision soit laissée conjointement au médecin et à l'employeur. 4.4, article 120. "La commission peut payer une indemnité de remplacement du revenu en un ou plusieurs versements équivalant au capital représentatif de cette indemnité ou selon une périodicité autre que celle que prévoit l'article 112 lorsque, etc."

L'article 120 établit que la commission peut modifier la période des versements d'indemnité en les versant, par exemple, une fois par six mois au lieu d'une fois par deux semaines. D'autre part, la commission peut capitaliser une indemnité de remplacement de revenu et la verser en un ou plusieurs versements équivalant au capital représentatif de cette indemnité.

D'abord, comment peut-on être certain qu'un travailleur victime d'un accident à l'âge de 20 ans ne pourra plus jamais occuper son emploi ou un autre emploi jusqu'à 68 ans? D'ailleurs il est dit à l'article 120, paragraphe 3, que la capitalisation de l'indemnité peut être faite dans le but d'aider à la réadaptation du travailleur. C'est donc dire qu'on admet qu'il peut travailler puisque l'on capitalise son indemnité pour lui permettre de se réadapter dans un autre emploi ou à son compte.

De plus, en capitalisant de la sorte l'indemnité, on impute le montant total à la capitalisation au dossier de l'employeur dans une même année alors qu'autrement l'employeur n'aurait été débité que du montant annuel normal de l'indemnité sur une période de trois ans. 4.5, article 122. L'article 122 quant à lui, permet à la commission de décider s'il y a lieu de refuser, de réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité même si le travailleur fournit de faux renseignements, omet ou refuse de se soumettre à un examen médical, etc.

Il nous semble inacceptable, M. le Président, que même si un travailleur obtient une indemnité de façon frauduleuse, la commission ne soit pas obligée de refuser, réduire ou suspendre cette indemnité.

Donc, M. le Président, nous recommandons fortement une révision complète des pouvoirs discrétionnaires de la commission afin d'éviter que le projet de loi 42 ne devienne qu'un guide à suivre pour cette dernière. De plus, nous recommandons la formation d'un bureau de révision composé d'un nombre égal de membres répartis entre le monde patronal, syndical et la CSST. Le local de ce bureau de révision devra être situé dans un édifice autre que ceux de la

CSST.

Toute plainte provenant d'un travailleur ou d'un employeur portant sur quelque article que ce soit de la loi, à l'exception de la section II portant sur le retour au travail, devrait être entendue par le Bureau de révision.

Le Bureau de révision remplacera le principe de la reconsidération administrative qu'on retrouve dans le projet de loi et contre lequel nous nous opposons totalement. 5. Présomption en faveur du travailleur. 5.1. Le projet de loi 42 consacre, comme le fait la loi actuelle depuis 1931, la notion de présomption en faveur du travailleur. Cette notion avait sans doute ses raisons d'être à l'origine. Mais a-t-on toujours raison de présenter le travailleur comme une personne qui a besoin d'être surprotégée et l'employeur comme un individu qui abuse des travailleurs et à qui on ne fait pas confiance? D'autant plus que nous avons démontré que dans de nombreux cas, cette notion de présomption en faveur du travailleur entraîne des abus aberrants dont l'employeur, dans tous les cas, assume les frais.

Citons seulement les articles 117 et 248 du projet de loi. Article 117. L'article 117 établit que la commission peut verser une indemnité avant de rendre sa décision sur le droit à cette indemnité et si, par la suite, elle rejette la demande, elle ne peut recouvrer les montants versés en trop à moins qu'ils n'aient été obtenus par fraude. C'est donc dire qu'on incite le travailleur à réclamer une indemnité pour quelque raison que ce soit puisque même si sa demande est rejetée, il n'a pas à rembourser ce qu'il a reçu. Ce n'est certainement pas une mesure incitative pour le travailleur à demeurer ou à retourner au travail.

Article 248. "Lorsqu'une décision de la commission rendue à la suite d'une reconsidération administrative ou une décision de la Commission des affaires sociales annule ou réduit le montant d'une indemnité de remplacement du revenu, les sommes déjà versées à un bénéficiaire ne peuvent être recouvrées, à moins qu'elles n'aient été obtenues par fraude."

L'article 248 va encore plus loin en établissant que la commission, à la suite d'une reconsidération administrative ou à une décision de la Commission des affaires sociales, ne peut recouvrer du travailleur ce qu'il a reçu s'il y a réduction ou rejet de la demande d'indemnité et ce, à moins qu'il n'y ait eu fraude.

Quand on sait qu'il faut des mois, voire des années avant de connaître la décision de la CSST ou de la Commission des affaires sociales, il est évident que le travailleur a avantage à contester toute décision prise par la commission et à laisser passer les mois jusqu'à ce qu'une décision finale soit prise. À ce jeu, le travailleur ne peut que gagner. (10 h 45)

Ce ne sont là, M. le Président, que deux articles du projet de loi qui illustrent bien que la présomption en faveur du travailleur peut engendrer des excès. Nos recommandons donc que tous les articles du projet de loi portant sur cette présomption en faveur du travailleur soient révisés afin d'éviter de tels abus et surtout afin de forcer la commission à récupérer les sommes versées en trop. 6. Autres articles. 6.1, article 10. "L'employeur qui accorde un contrat d'entreprise est considéré l'employeur des travailleurs de l'entrepreneur tant que celui-ci n'a pas fait la déclaration prescrite par la présente loi et qu'il n'a pas été cotisé par la commission. "Cependant, l'entrepreneur qui est un employeur visé dans le chapitre IX demeure l'employeur de ses travailleurs."

Nous recommandons l'abandon de l'article 10 qui rend l'employeur responsable des employés d'un entrepreneur à qui il accorde un contrat de service. En plus d'entraîner des délais inutiles lorsque l'entrepreneur n'est pas inscrit à la commission, nous considérons que chaque entrepreneur doit assumer ses responsabilités vis-à-vis de la loi et de ses propres employés, étant un employeur au même titre que celui qui retient ses services. 6.2, article 11. L'article 11 indique que le travailleur autonome est considéré un travailleur de l'employeur qui utilise ses services. Selon la définition même de travailleur autonome, un employeur n'a aucun contrôle sur les méthodes utilisées, l'horaire de travail et les conditions dans lesquelles le travail est effectué par ce type de travailleur. Comment un employeur peut-il être responsable d'un travailleur sur lequel il n'a aucune autorité? D'autant plus que ce travailleur a la possibilité de s'inscrire à la commission en vertu de l'article 21.

Nous recommandons donc le retrait pur et simple de cet article. 6.3, article 45. Nous recommandons que l'article 45 soit modifié pour inclure le droit à l'employeur d'avoir accès au dossier afin d'être en mesure de pouvoir se défendre lorsqu'il y a des doutes sur une réclamation, sans avoir toujours à le faire par l'entremise d'un médecin. 6.4, article 48. Nous recommandons d'ajouter ce qui suit: Si le certificat médical prévu à l'article 134 indique que le travailleur accidenté est en mesure d'occuper un autre poste de travail, le travailleur accidenté doit, à la demande de l'employeur et avec le consentement du professionnel de la santé, occuper cet autre poste de travail et l'employeur lui verse alors son salaire normal. Voir notre annexe D. 6.5, article 96. En ce qui concerne

l'indemnité, en cas de décès, à une personne autre qu'une personne à charge visée dans les articles 92 à 95, nous recommandons d'ajouter, ainsi qu'aux autres articles portant sur ce sujet, que ces personnes devront faire la preuve de leur admissibilité aux indemnités. 6.6, article 99. Mère et père d'un travailleur décédé sans avoir de personne à charge. Nous recommandons le retrait de l'article 99 étant donné qu'il n'y a aucune raison d'indemniser des personnes qui n'étaient, d'aucune façon, dépendantes du travailleur décédé. 6.7, article 115. Abandon du travail la journée du retour à l'emploi. Nous recommandons d'ajouter que le salaire ou revenu gagné par le travailleur pendant cette journée soit déduit du versement de son indemnité de remplacement de revenu. 6.8, article 129. Droit du travailleur de choisir l'établissement de santé et le professionnel de la santé. Nous recommandons d'ajouter la phrase suivante: À condition que le travailleur exerce ce droit à l'intérieur de sa région. C'est, évidemment, dans le but d'éviter des dépenses inutiles pour les frais de déplacement et de séjour. 6.9, article 134. À la fin du premier paragraphe de l'article 134, nous recommandons d'ajouter: et il doit remettre immédiatement à l'employé, à chaque visite, un certificat médical pour l'employeur indiquant le nom du travailleur, la durée de l'incapacité à son poste de travail normal, sa capacité de travail pour un autre poste, et le médecin traitant doit signer ce certificat médical. De plus, nous suggérons que le médecin ajoute son diagnostic sur le certificat médical. 6.10, article 142. Nous recommandons que la CSST soit dans l'obligation de consulter l'employeur au moment de la préparation du plan de réadaptation. 6.11, article 171. Nous recommandons de remplacer cet article par le suivant: Le travailleur victime d'une lésion professionnelle ou, s'il est décédé ou incapable d'agir, son représentant, doit en aviser l'employeur le jour même et doit lui remettre le certificat médical prévu à l'article 134 pour avoir droit à l'indemnité de remplacement du revenu. 6.12, article 173. Prescription de six mois pour que le travailleur produise sa réclamation à la CSST s'il est incapable d'exercer son emploi pendant plus de quatorze jours.

Nous recommandons de remplacer l'article, au complet par ce qui suit: En cas de prolongation de la période d'incapacité ou en cas de rechute, le travailleur accidenté remet le certificat médical prévu à l'article 134 à son employeur dès que possible. 6.13, article 175. Le registre pour une lésion professionnelle causant une incapacité de moins d'un jour. Beaucoup de compagnies ont déjà des formulaires en plusieurs copies qui sont remplis par le supérieur immédiat du travailleur qui subit une lésion professionnelle, signés et datés à la fois par le supéreur immédiat et le travailleur qui en reçoit une copie.

Nous recommandons le choix du formulaire pour les entreprises qui ont déjà un système équivalent au registre proposé. 6.14, article 193. La classification des établissements. Considétant que la prévention des accidents de travail est la préoccupation première des employeurs, des travailleurs et de la CSST; considérant qu'une prévention efficace doit se faire par secteur d'activité et non pour un ensemble d'activités diverses; considérant que lorsque diverses activités sont classées dans une seule unité, il est difficile pour un employeur d'identifier sur quel secteur d'activité il doit prioritairement faire porter ses efforts en termes de prévention; considérant que lorsqu'un secteur d'activité à haut risque d'accidents est classé dans la même unité qu'un secteur d'activité à bas risque, cela peut donner l'impression que tout va bien étant donné le bas taux de cotisation qui en résulte, nous recommandons que l'article 193 soit retiré et remplacé par le suivant: Lorsque des activités de nature diverse sont exercées dans un établissement, la commission classe cet établissement dans plusieurs unités, comme si ces unités étaient des établissements distincts. 6.15, article 199. Les pénalités en cas de retard pour transmettre les informations sur les salaires gagnés et les salaires à payer. L'évaluation à 200% des salaires déclarés dans le dernier état et à 250% des salaires à déclarer en cas de retard pour ces déclarations nous paraît exagérée et non fondée. 6.16, article 214. Considérant que l'employeur et le travailleur partagent toujours les régimes d'assurance collective, lorsqu'il en existe un; considérant que l'employeur et le travailleur partagent les coûts du Régime de rentes du Québec et du Régime d'assurance-chômage du Canada; considérant qu'il est nécessaire de mettre sur pied des mesures pour inciter le travailleur à travailler de façon sécuritaire en conformité avec les règlements de sécurité de l'entreprise et du gouvernement, tel que le veut la philosophie de la loi 17; considérant qu'il est normal que les travailleurs partagent les coûts des lois administrées par la CSST, comme dans les cas cités plus haut, nous recommandons que l'article 214 soit modifié de telle sorte qu'une formule de partage des coûts entre les employeurs et les travailleurs soit établie en se basant sur des formules éprouvées, telles que celles de la Régie des rentes du Québec, de la Commission d'assurance-chômage, du régime d'assurance collective, etc.

6.17, article 243. La non-obligation d'un employé de la CSST de signer une décision qu'il a rendue.

Il nous apparaît étrange qu'un employé de la CSST n'ait pas à assumer la responsabilité de sa décision. Si le nom de l'employé de la CSST apparaît, mais non sa signature, ce dernier pourra toujours imputer une erreur à quelqu'un d'autre.

Nous recommandons, par conséquent, que cet article soit modifié pour obliger une personne qui rend une décision à la signer.

Conclusion. L'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec croit que le projet de loi 42 a besoin de sérieuses modifications et que de nombreuses précisions doivent lui être apportées. Nous avons éprouvé des difficultés énormes à en faire une analyse minutieuse et nous devons malheureusement admettre que nous ne sommes pas pas sûrs de l'avoir bien compris. Nous avons constaté, M. le Président, que même le personnel juridique de la CSST ne pouvait nous expliquer les sens de certains articles. La réglementation qui pourrait découler d'un tel projet de loi serait d'une telle complexité qu'elle causerait des cauchemars d'application tant chez les employeurs que chez le personnel de la CSST. Bien plus, il faudrait des centaines d'interprétations internes à la CSST pour tenter de se retrouver dans cette loi qu'on pourrait qualifier de fouillis inextricable. Les industriels du sciage, comme tous les autres, d'ailleurs, font face à une réglementation de plus en plus lourde et également de plus en plus coûteuse. Le projet de loi, dans son libellé actuel, ne fera qu'empirer les choses. Nous acceptons de continuer, comme par le passé, à assumer nos responsabilités d'employeurs et faire tout en notre pouvoir pour protéger l'intégrité physique du travailleur, mais de grâce ne nous compliquez pas la tâche inutilement. C'est en ce sens que nous avons fait de nombreuses recommandations et nous souhaitons qu'elles soient reçues favorablement.

En terminant, j'aimerais, au nom de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, remercier les membres de cette commission parlementaire de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue. Merci beaucoup.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. Thibault. M. le ministre.

M. Fréchette: Je vous remercie, M. le Président. Je voudrais, tout d'abord, remercier M. Thibault et les membres de son association qui l'accompagnent, pour deux motifs, le premier étant de s'être imposé le travail de rédiger ce long mémoire qui va dans beaucoup de détails du projet de loi et ensuite, pour être venus en commission parlementaire, en audition publique, faire part des observations qu'on retrouvait dans ce mémoire. Comme je viens de vous le signaler, il est à ce point étoffé et détaillé que l'on va facilement comprendre qu'il serait inutile d'espérer de pouvoir entreprendre la discussion sur chacun des aspects que vous y soulevez. On pourrait en avoir pour une bonne partie de la journée.

Par ailleurs, il y a des aspects que vous nous soumettez pour appréciation et, finalement, décision sur lesquelles je souhaiterais qu'on puisse, même à l'intérieur du temps qui nous est imparti, procéder à un échange d'opinions pour préciser davantage un certain nombre de choses. Dans l'introduction de votre mémoire, en remarques préliminaires, comme plusieurs d'autres groupes l'ont fait, d'ailleurs, vous procédez à une évaluation que je qualifierais de philosophique par rapport à l'ensemble de l'administration du système de la santé et de la sécurité au Québec. Les préoccupations que vous nous soumettez nous ont d'ailleurs été soulevées par plusieurs autres organismes et, assez curieusement, très souvent, ces préoccupations sont de même nature, arrivent aux mêmes conclusions, mais pour des motifs qui sont tout à fait contraires les uns aux autres.

Il reste qu'on arrive fréquemment très souvent aux mêmes conclusions. Il est une première observation, M. Thibault, dans le cadre de cette évaluation générale sur laquelle j'aimerais vous entendre préciser. Vous avez signalé que le "système" - entre guillemets - faisait en sorte qu'on pouvait déceler, dénombrer ce que vous avez qualifié, dans votre mémoire, comme étant des abus des professionnels de la santé. Je pense qu'on va tous convenir qu'il n'y a pas de système parfait. Il n'y a pas non plus de systèmes qui font en sorte que personne ne se trompe jamais. Mais, est-ce que vous pourriez, peut-être à partir des expériences que votre association a vécues, peut-être à partir d'une évaluation globale que vous faites de toute la situation, préciser davantage ce à quoi vous faites référence quand vous parlez d'abus des professionnels de la santé? Est-ce que, par exemple, vous avez en tête ce qu'on est convenu d'appeler des certificats de complaisance? Est-ce que vous avez en tête d'autres situations? Je serais intéressé à ce que vous nous précisiez ce à quoi vous faites référence, ce à quoi vous pensez quand vous parlez des abus des professionnels de la santé. (11 heures)

M. Thibault: Si vous permettez, M. le ministre, je demanderais à notre directeur des relations extérieures de l'association, qui a travaillé dans ces détails, de répondre à votre question. Je demanderais à M. Tremblay de répondre à cette question que nous avons étudiée, hier, une partie de la

journée.

M. Tremblay (Aubert): M. le Président, lorsqu'on parle d'abus des professionnels de la santé, on pense surtout à l'outillage. Il n'y a pas beaucoup de médecins du travail au Québec. On n'a pas encore formé beaucoup de médecins du travail au Québec. On fait plutôt référence à des situations où le professionnel de la santé est très mal outillé pour juger des situations. On pense à de nombreux travailleurs qui...

Une voix: M. Tremblay, pourriez-vous vous rapprocher du micro?

M. Tremblay (Aubert): On pense à de nombreux travailleurs qui, pour un motif ou un autre, après avoir fait une visite chez un professionnel de la santé duquel ils n'ont pas obtenu satisfaction, font la tournée des professionnels de la santé de leur région, ce qui se traduit presque inévitablement, dans la plupart des situations, par l'émission d'un certificat attestant d'une incapacité quelconque et qui se traduit souvent par des périodes d'incapacité qui nous apparaissent injustifiées. C'est un premier problème.

Un deuxième problème: les professionnels de la santé sont quand même très loin des milieux industriels au Québec. Cette situation entraîne peut-être le fait que le professionnel, n'ayant que la version de l'accidenté par rapport à son milieu de travail, cela occasionne chez lui un certain nombre de doutes et, en cas de doute, le professionnel de la santé ne prend aucune chance. Il demande au travailleur de rester chez lui pour un certain nombre de jours. C'est, à toutes fins utiles - peut-être que M. Thibault ou quelqu'un d'autre à la table pourrait ajouter autre chose - ce qu'on voulait dire par "abus des professionnels de la santé".

M. Thibault: Lorsqu'on a imposé à l'employeur de payer les cinq jours, il a été souvent mentionné - nous pourrions même apporter des exemples à la commission si c'était nécessaire - que le nombre d'accidents ou le nombre de jours accordés pour un accident que je qualifierais de bénin ont augmenté considérablement. Nous avons été à même de constater cela dans maintes et maintes entreprises parmi nos membres à l'occasion de l'imposition de ces cinq jours. Je pense même qu'à ce moment-là, surtout au début, on croyait que ces cinq jours, de toute façon, étaient payés. Pourquoi ne pas donner cinq jours où normalement on en aurait peut-être accordé deux? Je pense qu'avec des exemples... Hier, on a passé cela en revue encore une fois et on pourrait facilement vous fournir des exemples pour déterminer le nombre de jours: un, deux ou trois jours accordés. Aujourd'hui, on accorde beaucoup plus souvent cinq jours. Beaucoup de professionnels m'ont dit personnellement et je l'ai entendu dire: De toute façon, ils sont payés, ces cinq jours-là, qu'on les accorde ou non. Alors, aussi bien donner cinq jours.

M. Fréchette: À partir d'une réflexion aussi simple que celle dont vous venez de nous faire part - simple dans le sens qui ne souffre pas beaucoup de discussion - à savoir, comme, de toute façon, tu es payé, je vais te donner un certificat t'autorisant à t'absenter du tavail pour une période de cinq jours, vous dites que ce genre de situation est, à votre connaissance, et vous avez même des dossiers qui vous permettraient d'en identifier certaines...

Vous avez consacré votre mémoire, dans son premier chapitre qui en regroupe six, à la notion d'accident, votre première préoccupation étant, dans la définition du terme "accident", la disparition du terme "imprévu". Voici la première observation que je ferai à ce sujet. Est-ce qu'on ne va pas convenir que, par définition, par nature, un accident est toujours un événement qui a le caractère d'imprévisibilité et que le terme "imprévu" soit là ou non, quand toujours on fait référence à l'accident du travail, cela ne change pas essentiellement grand-chose dans l'appréciation, la définition ou la notion d'un accident? Il me semble que si on faisait le tour des dictionnaires, on retrouverait dans ces définitions que, de toute façon, l'accident revêt toujours un caractère imprévu. Si, autrement, l'accident était par définition quelque chose de prévu, j'imagine bien que ce serait simple et facile de faire de la prévention. Je ne sais pas si mon évaluation vous apparaît loufoque ou si elle a une espèce de sens; en tout cas, je souhaiterais pouvoir vous entendre sur cela.

M. Thibault: Alors, M. Denis Dessureault, s'il vous plaît.

M. Dessureault (Denis): Pour éviter toute forme d'interprétation qui pourrait devenir large dans son application par le personnel de la CSST, il serait peut-être préférable d'ajouter tout de même le mot "imprévu" pour préciser que cela sera un événement imprévu.

M. Fréchette: En d'autres mots, M. Dessureault, trop fort ne casse pas, c'est cela.

M. Tremblay (Aubert): Je veux juste ajouter un petit complément. Écoutez, je n'ai pas de formation juridique, je suis en relations du travail. Sauf que, après vérification auprès de certains procureurs et même dans les documents d'analyse du personnel de la Commission de la santé et

de la sécurité du travail d'un avant-projet de loi dont la définition est à peu près identique à celle qu'on a là, le personnel juridique de la CSST a lui-même dit que la disparition ou les modifications de cette définition ouvrait la porte à l'automutilation et au suicide. C'est une évaluation qu'on a faite à partir de consultations juridiques et de documents qu'on a lus en provenance de la CSST.

M. Fréchette: C'est évidemment un aspect sur lequel cela peut-être regardé. Mais ma seule préoccupation était de connaître un peu plus à fond les motifs pour lesquels vous souhaitez ce changement.

M. Thibault: M. le ministre, j'ajouterais ceci sur cette question. Dans notre annexe B, qu'on n'a pas pu distribuer avant ce matin, lorsqu'on mentionne, par exemple, l'expérience au Lac-Saint-Jean lorsque des exploitations forestières se terminent parce qu'elles sont saisonnières, c'est à ce moment que les accidents augmentent de 32% à 500%. Je me demande jusqu'où cela est-il prévu ou imprévu?

M. Fréchette: Toujours à ce chapitre de la notion ou de la définition de l'accident, vous nous avez remis des annexes, ce matin, et mon attention est particulièrement attirée par le contenu de l'annexe A. Vous nous dites - et à cet égard plusieurs nous l'on dit, nous l'ont rappelé depuis le début de nos travaux - l'interprétation qu'ont faite la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le bureau de révision, la Commission des affaires sociales, de la notion ou de la définition de l'accident est à ce point large que cela déborde carrément des conditions généralement reconnues pour qu'il s'agisse d'un accident.

Je vous signalerai que plusieurs personnes, entreprises, organismes, groupes ou individus ont fait le test des tribunaux de droit commun. Ils sont allés au-delà et en dehors des instances de la Commission de la santé et de la sécurité du travail elle-même, en dehors de la Commission des affaires sociales pour obtenir des tribunaux de droit commun une définition, ou une interprétation de la définition qu'on retrouvait dans la loi du terme "accident". À l'intérieur même du document que vous nous remettez l'on retrouve des jugements, autant de la Cour supérieure que de la Cour d'appel - je ne sais pas s'il y en a de la Cour suprême mais j'en ai identifié au moins une couple de ces jugements qui sont de la Cour supérieure et de la Cour d'appel - qui ont donné des définitions de la notion d'accident qui comprend cette espèce de libéralité dont vous parlez. Par exemple, il y a le jugement de la Cour d'appel qui est rapporté dans la première page de votre annexe, jugement de 1970 qui a interprété comme je viens de vous le dire la notion ou la définition d'accident. Or, est-ce que je n'ai pas raison de croire que les décisions rendues autant par les instances de la commission elle-même que par la Commission des affaires sociales sur la notion d'accident qui a été confirmée par les tribunaux de droit commun, confirment cette espèce de libéralité ou cette espèce de notion large dont vous parlez? À ce moment-là, il devient passablement difficile de donner d'autres définitions de l'accident que celle qui a été en quelque sorte déterminée par les tribunaux de droit commun eux-mêmes, en dehors de toute instance de la commission encore.

M. Tremblay (Aubert): Vous avez raison d'une certaine manière, sauf qu'on est devant la situation où on a devant nous un nouveau projet de loi qui ne fait pas que confirmer les définitions ou les interprétations actuelles. On élargit de façon très sensible la notion d'accident. D'abord, sur le plan de sa définition même dans le projet de loi, j'ai moi-même de la difficulté à en faire le tour lorsque je dois me référer, par exemple, à "accident" qui me réfère à "lésion professionnelle" et à "lésion professionnelle" qui me réfère de nouveau à "accident". D'autre part, à l'article 27 du projet de loi, on admet carrément que l'omission, ou les conséquences, ou l'aggravation d'une blessure à la suite d'un traitement d'un professionnel ou à un manquement à l'occasion d'un plan de réhabilitation ou en toute autre circonstance est également considéré comme étant une conséquence de cet accident. Ce que nous trouvons incorrect à l'intérieur de cet aspect de l'article 27, c'est qu'on n'a aucun contrôle comme employeur sur les actes des professionnels de la santé. Ce n'est pas l'employeur qui contrôle cela. Alors, on serait probablement d'accord pour payer ce sur quoi on a un certain contrôle, mais ce sur quoi on n'a pas de contrôle, tout au moins au niveau des coûts, non pas que le travailleur en soi cela ne lui cause pas un problème, on est tout à fait d'accord que cela lui cause un problème, on pense que cela ne devrait pas nous être imputé comme employeur.

Dans ce projet de loi on élargit l'interprétation qu'on avait faite de la notion d'accident jusqu'à maintenant, qui était déjà suffisamment large à notre point de vue.

M. Fréchette: M. le Président, j'ai une dernière observation à faire à ce chapitre. Évidemment, je ne vous demande pas de partager mon opinion. Je vous dis simplement mon évaluation de la situation, quitte à la discuter ou à la contester. Mais les changements qui interviennent dans le projet de loi 42 par rapport à la définition et la

notion d'accident, cet élargissement dont vous parlez, n'est-il pas la suite presque normale de l'interprétation qu'effectivement les tribunaux de droit commun ont donné à la notion d'accident? Encore une fois, je ne vous demande pas pour aucune espèce de motif de partager mon opinion, mais il me semble que quand on y regarde de près, les tribunaux de droit commun ont été les instances qui ont fait en sorte que cette notion ou cette définition d'accident que l'on retrouve dans la loi actuelle a effectivement été élargie par eux. Si les tribunaux de droit commun en sont arrivés à ces conclusions, n'est-ce pas à la loi à s'ajuster aux décisions des tribunaux? S'ils ont élargi la notion ou la définition d'accident, il me semble que la loi doive suivre les indications ou les avenues que les tribunaux de droit commun ont ouvertes.

Je vous réitère que vous n'êtes pas engagés par ce que je suis en train de vous dire, mais je voulais simplement ajouter au raisonnement qui a présidé à ces dispositions dans la loi.

M. Thibault: ...M. Dessureault.

M. Dessureault: M. le Président, compte tenu de l'élargissement qu'on fait dans la loi ou dans le projet de loi du terme "accident", n'est-il pas possible que les tribunaux de droit commun élargissent encore davantage la notion d'accident?

M. Fréchette: Alors là vous êtes d'avis que malgré le fait que les tribunaux de droit commun se soient déjà et abondamment prononcés sur la notion d'accident de travail, s'il y a des changements dans les textes de loi il y a le danger que cela ouvre davantage? (11 h 15)

M. Dessureault: M. le ministre, oui je le crois. Les interprétations qu'ont faites les tribunaux de droit commun partaient de l'ancienne loi avec l'ancienne notion d'accident. Alors, il peut y avoir une autre interprétation plus large avec le nouveau texte de loi.

M. Fréchette: Cela va à ce chapitre. Vous consacrez - c'est tout à fait normal -une bonne partie de votre mémoire à un chapitre que vous avez intitulé: Indemnisation. Là-dessus, je vais être très bref et simplement vous dire ce que j'ai déjà dit à plusieurs autres groupes sinon à tous les groupes qui sont venus en commission. Il s'agit du volet économique de la loi et, à cet égard, avant d'avoir procédé à l'analyse de toutes les représentations qui nous ont été faites autant par les organismes syndicaux, Association de travailleurs et travailleuses accidentés, que par les représentants patronaux, vous allez comprendre que l'on ne puisse pas, ce matin, vous indiquer de façon très précise, quelle direction pourrait être prise eu égard au chapitre de l'indemnisation. Sauf, que je vous signale que nous notons vos représentations, elles sont écrites, elles sont enregistrées et elles vont très certainement être mises dans la balance avec toutes les autres représentations que nous avons reçues quand arrivera le temps des décisions finales.

Quant au droit de retour au travail, je suis heureux de constater - à moins que j'aie mal compris - que le principe lui-même, vous êtes disposés à l'accepter. Ce qui semble vous faire problème, ce sont les modalités qui entourent la possibilité d'inscrire dans la loi une politique du droit de retour au travail.

Là-dessus également, je vous signale que plusieurs organismes, plusieurs invités de la commission ont attiré notre attention. Cela va de la contestation formelle du principe lui-même jusqu'à son acceptation, mais acceptation étant par ailleurs conditionnée à certaines balises. La réserve qui nous est le plus souvent soumise, les représentations qu'on nous fait le plus souvent, ce sont les difficultés que cela peut représenter par rapport au principe sacré -tout le monde en convient - de l'ancienneté.

Là-dessus, je ne vous cache pas que cela nous commande une réflexion profonde. Les premières observations qui ont suivi le dépôt du projet au mois de novembre dernier semblaient nous indiquer que les parties étaient disposées à accepter d'accorder une espèce de "priorité" de retour au travail à un accidenté tout en mettant de côté, l'expression est trop forte, tout en atténuant la portée de l'ancienneté mais, au fur et à mesure qu'on a avancé, plusieurs organismes nous ont dit: L'ancienneté est un concept en soi si important qu'il faudra être très prudent à cet égard et essayer de voir s'il n'y a pas lieu de retenir dans la loi amendée que l'ancienneté doit continuer de conserver toutes ses créances. C'est une première observation qui, comme je vous le dis, retient très sérieusement notre attention.

Voici la possibilité que l'on a émise. Est-ce que nous ne pourrions pas, quant à nous, nous contenter d'inscrire dans la loi le principe du droit de retour au travail et laisser aux parties - là où il y a des syndicats, des associations accréditées - le soin de négocier elles-mêmes les modalités de retour au travail? Le législateur se contentant de consacrer le principe dans la loi et de demander aux parties qui doivent vivre quotidiennement avec la loi d'essayer de s'entendre entre elles sur les modalités d'exercice d'un droit de retour au travail. J'apprécierais connaître vos observations par rapport à cette suggestion qui nous a été faite et dont on a parlé abondamment pendant tous les travaux de la commission.

M. Thibault: C'est un fait, M. le ministre, que nous sommes d'accord avec le principe du retour au travail. Je pense que nous l'avons assez clairement défini. Par contre nous avons plusieurs réserves, celle sur l'ancienneté en est une que nous notons. Ce n'est peut-être pas pour nous la primordiale, la première ou la plus importante des réserves. Elle est importante à notre point de vue, c'est un fait. Elle est probablement plus importante pour l'employé. Nous avons une réserve assez grande également à savoir à quel endroit doit travailler un employé lorsqu'il doit retourner au travail. Nous disons dans notre rapport que le plus important est que le spécialiste de la santé, c'est-à-dire le médecin, et l'employeur sont les mieux placés pour juger quel emploi ce travailleur peut occuper dans l'entreprise.

Il nous paraît difficile que dans tous les genres d'entreprises partout au Québec un employé de la CSST, aussi professionnel qu'il puisse être, connaisse tous les aspects d'une usine de sciage - par exemple, dans notre cas - ou d'une usine de rabotage, etc.

Nous notons dans notre rapport que le professionnel de la santé fait sa partie du travail à ce point de vue et l'employeur, avec son personnel qui connaît le travail, peuvent placer le travailleur avec les commentaires du médecin.

M. Tremblay (Aubert): Cela nous surprend que ce droit ne soit pas assorti de son corollaire qui serait l'obligation. À l'annexe D on vous a soumis une politique actuelle de la commission. Vous savez que les travaux légers existent dans nos entreprises depuis longtemps. D'ailleurs, dans la presque totalité des conventions collectives dans l'industrie du sciage, le droit de retour au travail y apparaît déjà. Cela nous surprend un peu qu'on n'ait pas ce corollaire de l'obligation.

M. Fréchette: Ce n'est peut-être pas exprimé dans la loi de la façon que vous le dites, mais il me semble que lorsqu'on regarde les balises qui accompagnent le droit de retour au travail, on en vient presque nécessairement à la conclusion que le droit de retour au travail est assorti de l'obligation de respecter des balises très strictes, ne serait-ce que le délai pendant lequel le droit de retour au travail peut s'exercer, ne serait-ce que l'obligation, lorsque l'avis est envoyé à l'employé, d'y retourner. À défaut de respecter cet avis de retourner au travail, le droit à l'indemnité est perdu. Il me semble - d'ailleurs c'est ce que les syndicats nous ont dit avec beaucoup d'insistance depuis le début des travaux -que quand on regarde ces différentes balises, ces différentes conditions, ça ne nous amène pas à d'autres conclusions que le droit est finalement assorti de telles balises que ça devient aussi une obligation à un moment donné, sans quoi tous les droits sont perdus, non seulement le droit de retour au travail mais le droit au paiement de l'indemnité.

Je vous réitère que c'est la lecture qu'on en a faite, c'est également la lecture qu'en ont fait les représentants de salariés. À cet égard, il ne manquerait, pour rejoindre votre objectif, que de trouver un article dans la loi dans lequel on inclurait que cela constitue une obligation. Je suis peut-être trop restrictif, mais...

M. Tremblay (Aubert): Le droit est très bien exprimé et le corollaire nous apparaît beaucoup plus nuancé que le droit lui-même.

Il y a effectivement des dispositions qui font que si l'employé, après un certain nombre de jours, ne répond pas ou ne donne pas une réponse affirmative, il perdra un certain nombre d'éléments. Il semble que cela devrait être un petit peu plus clair au niveau de l'énoncé de principe en tout cas.

M. Fréchette: C'est une question de texte finalement et d'énoncé de principe comme vous le dites.

M. Tremblay (Aubert): C'est ça.

M. Fréchette: Une dernière question au chapitre de l'ancienneté, M. le Président. C'est M. Thibault qui l'a soulevée. Elle est importante également et plusieurs nous en ont parlé. Il s'agit de cette espèce d'obligation dans laquelle se retrouverait l'employeur qui reprendrait à son service un accidenté qui a été absent pendant 18, 22 ou 23 mois, qui aurait accumulé, selon votre expression, autant d'ancienneté que la période de temps qu'il a passée à l'intérieur de l'entreprise. On serait obligé de demander à ce salarié, qui a été 12, 15 ou 18 mois à l'emploi de l'entreprise, de donner sa place à un travailleur ou une travailleuse qui aurait été accidenté après seulement trois mois et demi ou quatre mois de service.

Je ne sais pas si cette politique existe chez vous, mais le sens commun des choses et beaucoup de témoignages qu'on a entendus en commission nous amènent à la conclusion suivante. Cela semble être une philosophie acceptée dans le milieu du travail, dans l'ensemble des principes de relations du travail, que lorsqu'on retient les services d'un travailleur ou d'une travailleuse pour remplacer, autant pour des motifs de congé de maladie, d'accident du travail, de congé annuel, d'absence autorisée au sens très large du terme, qu'on l'informe qu'il est là pour un temps limité seulement. Il est là pour le temps que cela prendra au travailleur ou à la travailleuse qu'il remplace de revenir dans sa fonction. Cette philosophie n'existe-t-elle pas chez vous ou est-ce que cela ne n'est

pas - il y a, à la table, devant nous, beaucoup d'experts en relations du travail -une politique, une philosophie généralement reconnue que de procéder de cette façon?

M. Tremblay (Aubert): Là-dessus, M. le ministre, M. Thibault a mentionné, au début de son mémoire, que nous représentions la petite et moyenne entreprise. Notre préoccupation est surtout du côté de la petite et moyenne entreprise qui compte très peu d'employés. Lorsqu'il s'agit de travaux spécialisés, de travaux pour lesquels on a besoin d'un véritable spécialiste, cela devient, sur le plan économique, un fardeau très lourd de conséquences. On ne connaît pas nécessairement la solution. Il reste que l'énoncé que vous venez de faire en termes de relations du travail, de manière générale, dans les entreprises moyennes ou les grandes entreprises, c'est vrai, j'admets ce principe. C'est au niveau de la PME précisément pour laquelle on a une préoccupation en regard de ce problème.

M. Fréchette: J'ai une dernière question là-dessus, M. Tremblay. Vous dites que le principe comme tel, c'est effectivement vrai. C'est ainsi que, quotidiennement, on vit ces situations. Vous nous avez indiqué ou quelqu'un d'entre vous nous a indiqué que plusieurs de vos entreprises étaient effectivement syndiquées et que, dans les conventions collectives, on retrouvait des philosophies, des principes de droit de retour au travail après une absence pour maladie ou après un accident du travail. Comment procède-t-on dans ces situations? Quand on remplace le travailleur ou la travailleuse qui est en congé autorisé, pour maladie ou autrement, qu'est-ce qu'on dit à celui qu'on engage pour le remplacer, à partir des conditions qu'on retrouve dans vos conventions collectives?

M. Thibault: Là-dessus, M. le ministre -c'est votre question du tout début - c'est un fait et je pense que nous rejoignons l'idée que vous énonciez tantôt à ce sujet. Cela existe dans la majorité des conventions collectives et la formulation la plus populaire, c'est que, lorsqu'un travailleur revient après un accident du travail, il occupe le poste qu'il occupait, avec tous ses droits, pour autant qu'il peut faire le travail comme un autre travailleur. C'est la formulation la plus populaire. S'il ne le peut pas, il fait un travail plus léger.

M. Fréchette: D'accord.

M. Thibault: Sur ce principe, nous nous rejoignons assez facilement.

M. Fréchette: Bien. Quand on parlait tout à l'heure de la possibilité de remettre aux parties elles-mêmes le soin de négocier les conditions de retour au travail, peut-être que si on avait en notre possession l'une ou l'autre ou plusieurs de vos conventions collectives qui nous permettraient de voir quels mécanismes vous avez négociés, cela pourrait aussi nous être très utile dans la prise d'une décision à cet égard. Je ne sais pas si vous en avez... En tout cas, si vous n'en aviez pas aujourd'hui et que vous n'avez pas d'objection à nous en faire parvenir, j'apprécierais que, dans les jours qui viennent, vous nous envoyiez cette documentation.

M. Thibault: Nous pourrions, dans les jours qui viennent, vous en faire parvenir plusieurs modèles. Nous en avons ici, évidemment...

M. Fréchette: Bien.

M. Thibault: ...mais vous en aurez un exemplaire plus détaillé.

M. Fréchette: Merci, M. Thibault.

M. Tremblay (Aubert): Je veux simplement ajouter ceci, M. le ministre. Vous pourriez sans doute vous adresser au service de recherche du ministère du Travail où toutes nos conventions sont déposées. (11 h 30)

M. Fréchette: Oui, cela pourrait peut-être aller plus vite par votre intermédiaire. Je sais que, finalement, on pourrait mettre la main dessus, c'est sûr. Elles sont sans doute déposées au bureau du commissaire général.

M. le Président, une dernière petite période, si vous me le permettiez quant à un autre chapitre très important soulevé par nos invités. C'est celui qu'il est maintenant convenu d'appeler, dans le langage de la santé et de la sécurité ou de la Commission de la santé et la sécurité du travail, les pouvoirs discrétionnaires ou les pouvoirs réglementaires qu'on évalue exagérés dans bien des milieux. Je vais seulement faire une observation d'ordre général à cet égard et, ensuite, vous indiquer quelles sont les intentions qu'on tentera de concrétiser dans des amendements au projet de loi. C'est un fait qu'il y a beaucoup de pouvoirs réglementaires, autant dans la loi actuelle qu'on en retrouverait dans le projet de loi 42 s'il était adopté suivant sa forme et teneur actuelle. Personne ne va contester cela.

Par ailleurs, il faut penser au corollaire de cette nécessité; il faut que quelqu'un, quelque part, à un moment donné, prenne des décisions. Il est évident que quelle que soit la nature de la décision que peut prendre un officier de la CSST, à partir de l'interprétation d'un règlement ou d'un

pouvoir décisionnel dont il peut être investi, cela va retomber dans le champ d'application avec des conséquences que l'une ou l'autre ou les deux parties n'apprécieront pas. Mais, à partir de toutes les observations qui nous ont été faites, il faut, de toute évidence, penser à des possibilités. Il faut aussi être conscient que toute possibilité à cet égard ne réglera pas assurément les problèmes de façon aussi claire et aussi spontanée que le souhaiteraient les parties.

La loi actuelle permet à la Commission de la santé et de la sécurité du travail de faire des règlements dans 26 champs d'application différents les uns des autres. Ce que nous faisons avec le projet de loi 42, nous transférons dans la loi les règlements qui existent actuellement, de sorte que c'est à partir de la loi que les gens qui doivent travailler dans ce secteur devront travailler et non plus à partir des règlements. Lorsque je vous parlais tout à l'heure de parallèles ou d'inconvénients, c'est qu'il va falloir prendre la loi telle qu'elle est dans le sens que, lorsqu'on transfère un règlement et qu'on l'introduit dans la loi, cela devient liant pour toutes les parties. Lorsqu'une interprétation aura été faite par des instances judiciaires décisionnelles, il va falloir s'en tenir à cela, parce que ce sera la loi. Dans la loi actuelle, on réduit au strict minimum les possibilités de réglementation dans cinq champs de juridiction où il pourrait y avoir des règlements. Il y avait une sixième clause de la nature d'une clause omnibus qui permettait à la commission de faire de la réglementation pour toute matière qu'elle jugeait nécessaire. On fera disparaître également cette clause omnibus.

Dans ces circonstances - je pense que toutes les parties se sont plaintes de ce pouvoir réglementaire ou discrétionnaire; je n'en disconviens pas, et c'est revenu avec une constance qui ne s'est pas démentie autant à la commission parlementaire de décembre qu'à celle que nous sommes en train d'avoir - et à partir de toutes ces représentations, nous convenons que toute la réglementation qui peut être transférée dans la loi le sera, mais nous voulons, par ailleurs, attirer l'attention de ceux qui nous font ces représentations que cela risque de rendre la loi elle-même un peu plus complexe, très certainement plus technique. Il va falloir, pendant un certain temps, avant que les règlements deviennent loi, qu'ils reçoivent une interprétation sur laquelle tout le monde devra s'entendre.

Finalement, ma dernière observation là-dessus. Est-ce qu'on n'est pas en face de deux maux et qu'on essaie de choisir le moindre? Je ne sais pas si c'est comme cela qu'il faut évaluer cela. C'est très négatif comme évaluation, mais on ne peut pas avoir de système parfait. Tous ces pouvoirs, encore une fois, les pouvoirs de réglementation vont devenir loi et il va falloir que l'on fasse son chemin, de part et d'autre, avec ces dispositions législatives. Encore une fois, lorsque les interprétations auront été faites de façon à guider tout le monde, on vivra avec cela. Cela peut prendre un certain temps et cela peut créer des difficultés d'interprétation, de complexifié pour un moment et devenir plus techniquement difficile pour le temps que cela prendra.

Voilà les observations que je voulais soumettre et les échanges d'opinions que je voulais faire avec nos invités. Je veux simplement, en terminant, les remercier de la démarche qu'ils se sont imposée autant pour la préparation de leur mémoire que pour le temps de venir nous l'expliquer et de dialoguer avec nous. Nous allons tenir compte des observations que vous nous avez faites. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci. Moi aussi j'aimerais d'abord souhaiter la bienvenue au nom de notre formation politique à l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec. À la lecture de votre mémoire, et en pensant aussi aux questions du ministre, celui-ci n'a plus d'autre choix que de commander du papier, maintenant, pour réécrire son projet de loi. Je pense que vous avez fait une lecture exhaustive du mémoire article par article. Depuis le début de la semaine, je pense que les revendications que vous avez faites ont été faites aussi par d'autres invités, par d'autres groupes. Cependant, là n'est pas mon but, ce matin, de relever article par article votre mémoire, sauf qu'il y a quand même des points bien précis que j'aimerais discuter avec vous.

Le premier pourrait peut-être toucher le domaine de la prévention. J'aimerais connaître - parce que vous n'avez pas particulièrement traité de ce chapitre, lorsqu'on considère que les usines de bois de sciage sont classées comme des usines un peu hasardeuses - au niveau de la prévention dans chacune des usines que vous représentez ou dans l'ensemble, le fonctionnement ou les programmes que vous avez mis en marche en collaboration avec la CSST.

M. Thibault: Je pense que sur cette question, nous pouvons vous dire que depuis l'avènement de la loi 17, la formation des comités de santé et de sécurité du travail, dans une multitude de compagnies que nous représentons, les comités de santé et de sécurité et même paritaires existaient bien avant cela. Je pense qu'on peut mettre cela en preuve assez facilement, parce que des procès-verbaux existent, etc. J'aimerais peut-être ajouter que l'industrie du sciage n'est

sûrement pas parmi les entreprises les plus hasardeuses, là où il y a le plus d'accidents. Je ne crois pas.

Évidemment, il y a des risques. C'est de la machinerie, il y a des scies, etc. C'est sûr que c'est peut-être plus dangereux que de siéger à l'Assemblée nationale ou bien travailler dans un bureau, mais ce n'est pas parmi les plus dangereuses.

M. Maltais: Cela dépend du côté qu'on est.

M. Fréchette: Ce sont les ascenseurs qui sont dangereux.

M. Thibault: II reste qu'aujourd'hui, je peux vous dire qu'il existe, avec une association qui existe également et qui est en question actuellement au niveau des associations paritaires de prévention, des travaux à ce niveau encore. Dans les entreprises, je peux vous dire ici que dans la très forte majorité des comités de santé et de sécurité paritaires existent sur la base de la loi.

M. Maltais: Si j'ai posé cette question, c'est tout simplement qu'on avait eu des rumeurs qu'il ne se faisait rien dans la prévention, mais je préférais que vous décriviez vous-même le travail de la prévention qui se fait dans vos usines.

M. Thibault: Oui, je pourrais peut-être ajouter qu'il existe, pour ce qui est des entreprises de sciage, nos entreprises de sciage et les activités forestières, une association de sécurité qui est là depuis de nombreuses années, qui possède un personnel d'au-delà de 15 à 18 personnes - je le donne sous réserve - qui dispense - des cours aux travailleurs, à l'équipe de surveillance et également aux inspecteurs pour la prévention et la surveillance des équipements.

M. Maltais: J'aimerais revenir sur un point précis, à la page 15 de votre mémoire, concernant le retour au travail. Lorsque vous parlez du travailleur en formation qui subit un accident et qui revient ensuite, cela cause certainement un problème. De quelle façon envisagez-vous cette situation? Je fais référence aux articles 154, 155 et 156, à la page 15.

M. Tremblay (Aubert): Si on parle globalement du droit de retour au travail, on a déjà mentionné tout à l'heure, lors d'une question de M. le ministre, qu'au départ, on est d'accord sur le principe. Mais on a un problème quant au corollaire, et on a surtout un problème quant aux modalités d'application. Surtout, par exemple, lorsqu'on pense que la commission, selon les cas, va elle-même déterminer la capacité physique et la capacité de travail de l'individu. En vertu de quels critères va-elle déterminer cela? En vertu de critères qui sont identifiés à l'article 80, c'est-à-dire la formation, la compétence, l'expérience, etc. Mais il nous apparaît qu'à la commission, il manque un élément; il manque un élément très valable. Quel est le travail exécuté par le bonhomme? Quel est le milieu de travail de l'entreprise? Je ne pense pas qu'à la commission on ait toute l'expertise nécessaire pour prendre une décision de cette nature.

Quant au travailleur qui est en formation, c'est l'aspect économique qui, pour nous, est important. Vous savez, quand on paie des taux de cotisation qui vont jusqu'à 17 $ des 100 $ par liste de paie, qu'on a amorti un programme de formation avec un individu qui, au bout de deux mois, subit un accident, on reconnaît bien le préjudice qu'il a subi, mais vous êtes aussi probablement au courant que dans l'industrie du sciage, nos marges de profit sont très minimes. C'est fondamentalement l'aspect économique qui nous préoccupe. Il nous préoccupe sur plusieurs points, en particulier sur le paiement de la première journée, ou du jour de l'accident qui va, de façon très certaine - pour lequel on pourrait vous apporter des exemples - venir également augmenter nos coûts.

M. Maltais: D'accord. Un peu plus loin, à la page 18 de votre mémoire, vous parlez de la contradiction sur le mode de l'établissement du revenu. Vous dites que le projet de loi contient dix articles portant sur la détermination du revenu brut. Et, par contre, à l'article 73: "La commission peut déterminer un revenu d'un travailleur."

M. Tremblay (Aubert): M. Maltais, d'abord on a beaucoup de difficulté à savoir ce que veut dire "revenu brut", "revenu brut annuel", "revenu net". J'ai cherché partout...

M. Maltais: On ne se comprend pas non plus, nous.

M. Tremblay (Aubert): J'ai cherché partout dans le projet de loi pour voir où on s'en allait et je ne le sais pas. Sauf que ce que j'ai trouvé dans le projet de loi, c'est que, malgré tous les mécanismes qui sont décrits pour déterminer le revenu, la commission peut, sans égard à cela, prendre n'importe quel autre mécanisme si elle le juge approprié. C'est à ce pouvoir qu'on en a. Quant aux définitions elles-mêmes, on l'a dit et M. Thibault l'a répété dans notre mémoire, on ne les comprend pas; on est très loin d'être certain qu'on a bien compris. On ne trouve pas de définitions suffisamment précises.

M. Maltais: Vous avez parlé brièvement avec le ministre de l'augmentation du délai de cinq jours à quatorze jours. Dans le préambule de votre mémoire, vous dites que cette loi va occasionner des coûts additionnels pour votre industrie. Est-ce que c'est une partie qui est reliée à cela? Comment cela se vit-il quotidiennement dans vos usines? Quels sont les coûts qui pourraient être imputables à cela et les tracasseries que cela occasionnerait?

M. Thibault: Évidemment, depuis l'imposition du délai de cinq jours... On parle de l'augmenter à quatorze jours. Quand on est parti de zéro à cinq jours, cela a occasionné de très gros coûts. Maintenant qu'on veut augmenter encore ce délai, cela va sûrement augmenter les coûts; cela ne peut pas être autrement. Je pense que quand on y réfléchit un peu... Dans le temps on disait surtout que la commission n'était pas en mesure de pouvoir rémunérer le travailleur assez rapidement, on demandait à l'employeur de le faire en attendant et on refaisait le processus ensuite. Si, aujourd'hui, on étend ce délai à quatorze jours, cela veut dire qu'il va falloir encore payer ces quatorze jours et ensuite, la commission va encore faire le même travail, repayer l'employeur en plus du montant de l'administration, etc. Alors, le même travail, on double du travail pour rien, à notre avis, et ce sont des coûts à tout moment. (11 h 45)

M. Tremblay (Aubert): J'aimerais ajouter un élément qui est bien important, M. Maltais, à ce chapitre. Ces quatorze jours ne sont pas assujettis au salaire maximum annuel assurable également, ce qui représente hors de tout doute une augmentation de nos coûts. Encore une fois, revenir sur le premier jour qui lui, hors de toute représente une augmentation de nos coûts puisque dans plusieurs de nos conventions collectives con-tractuellement nous n'étions pas engagés à payer le jour de l'accident.

M. Maltais: II y a un autre article que vous avez explicité assez longuement, l'article 120, concernant la capitalisation de la rente. Vous trouvez que cela vous a fait une imputation financière trop lourde lorsque quelqu'un doit continuer sur une rente, peut-être, pour le restant de ses jours et que la commission vous capitalise immédiatement cette rente, alors que normalement, vous auriez à débourser son salaire sur une période annuelle. De quelle façon, voyez-vous cela pratiquement? C'est à la page 19. À moins, qu'on n'ait pas le bon mémoire. Cela va bien.

M. Tremblay (Aubert): Effectivement, le principe auquel on réfère, c'est un peu le principe de l'amortissement en situation comptable. Lorsqu'on fait un investissement dans nos entreprises, on étale l'amortissement sur plusieurs années, de manière à ne pas pénaliser indûment nos profits, surtout lorsqu'on n'en a pas. Ce qui fait que l'on aimerait que ce principe soit retenu également au niveau de la capitalisation ou tout au moins qu'il soit étendu sur une période de trois ans.

M. Maltais: Dans un autre temps...

M. Tremblay (Aubert): Je voudrais juste ajouter un élément au niveau de la réadaptation du travailleur qui nous apparaît important et qu'on a tout à fait omis dans notre mémoire. On aimerait voir à l'intérieur de ce chapitre, ce n'est pas qu'on soit en désaccord sur cela... mais qu'au moins les guides utilisés par la commission pour l'accomplissement des plans de réadaptation soients inscrits dans la loi.

M. Maltais: Hier, l'Association du camionnage du Québec a parlé amplement -j'aimerais connaître votre point de vue sur cela - au sujet du travailleur autonome. On sait que dans le genre d'entreprise que vous avez, vous faites souvent appel à des travailleurs autonomes sur lesquels vous n'avez pas de contrôle et souvent même pas l'identité de la personne, puisque vous requérez finalement des services de machinerie. Lorsqu'on vous envoie l'équipement nécessaire, vous ne connaissez pas l'individu qui fait fonctionner cet équipement et l'individu peut changer. On connaît également votre responsabilité vis-à-vis de cet individu. Vous en avez parlé dans un article de votre mémoire. On ne peut quand même pas se permettre de laisser un travailleur non couvert par cette loi. Je pense que c'est au niveau de la responsabilité qui vous incombe. Ne connaissant même pas l'individu, vous assumez une responsabilité pour lui. On sait que cela vous cause des problèmes surtout à longue échéance parce que vous êtes responsables de sa rente si la personne est blessée gravement. En partant du principe où la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles est universelle pour tous les travailleurs, aussi le partage de la responsabilité de l'employeur devrait avoir une certaine équité, comment voyez-vous le fonctionnement quotidien de vos entreprises?

M. Thibault: Nous touchons ce point dans notre mémoire. Les exemples que vous donnez, c'est sûr qu'on vit régulièrement avec eux, ce sont des artisans. Nous embauchons énormément d'artisans. On le dit au début de notre mémoire d'ailleurs, les emplois indirects sont très importants dans notre entreprise. Actuellement, la loi prévoit que l'artisan qui est seul, qui n'a pas

d'employé, ce qui est plus rare dans nos entreprises... Dans nos entreprises, souvent, cela fonctionne sur des périodes de 24 heures par jour, alors l'artisan qui possède un camion va le faire marcher sur deux ou trois quarts par 24 heures, cela veut dire que l'artisan peut avoir son numéro de la CSST et être directement qualifié d'employeur aussitôt qu'il a un employé. Actuellement, c'est ce qui existe dans la majorité de nos cas, mais dans d'autres secteurs de nos activités, cela fonctionne seulement sur un quart de travail, c'est-à-dire de jour. À ce moment-là, l'artisan est seul et est comme un de nos employés au niveau de la CSST.

Dans le mémoire, nous espérons que la commission va accepter notre position, c'est-à-dire que cet artisan soit considéré également comme l'artisan qui a un employé. Il est employeur, en fait. À ce moment-là, c'est une petite entreprise, c'est un propriétaire d'équipement qui offre des services. On demande qu'il soit considéré comme un employeur au niveau de la CSST et qu'il ne soit pas considéré comme un employé de l'entreprise. Ce serait très simple, il s'agirait presque de changer une virgule dans la loi, parce que aussitôt qu'il a un employé, il devient un employeur. Alors, c'est ce que nous recommandons.

M. Tremblay (Aubert): II ne faut pas oublier non plus que ce travailleur autonome n'exerce pas son métier seulement chez un seul employeur; il exerce son métier chez plusieurs employeurs dans plusieurs situations et à plusieurs cas. Ce serait un motif additionnel de faire en sorte que... pas qu'on ne veuille pas qu'il soit couvert par la loi, on est tout à fait d'accord qu'il le soit, mais cela doit être sa responsabilité comme employeur de se couvrir.

M. Maltais: À l'article 129, à la page 26, vous allez me permettre de ne pas être tout à fait d'accord avec vous concernant le droit du travailleur de choisir l'établissement professionnel de santé: Nous recommandons d'ajouter "à condition que le travailleur exerce le droit à l'intérieur de sa région"; j'aurais préféré que vous ajoutiez "là où les services existent". Parce que, connaissant la façon dont les affaires sociales fonctionnent, on sait qu'il y a des régions privées de tout spécialiste et de tout médecin compétent dans certains domaines de réparation physique. Même si on doit éviter l'abus, on ne doit quand même pas priver un travailleur dans un article de loi qui permettrait d'aller se faire traiter dans les établissements spécialisés. Je prends comme exemple la Côte-Nord, M. le ministre, où nous sommes complètement dépourvus de soins de santé, et vous le savez très bien. Je verrais très mal les gens de la Côte-Nord se faire soigner au centre hospitalier régional de

Baie-Comeau puisqu'il n'y a même pas d'anesthésiste. Alors, dans cet article on devrait peut-être l'étendre là où les services le permettent.

M. Thibault: Nous parlons évidemment du manque de service dans les régions éloignées. Moi aussi je suis de La Sarre, Abitibi, nous connaissons ces problèmes, mais quant à la réponse à cette question, deux des membres aimeraient répondre, M. Dessureault et ensuite M. Tremblay.

M. Dessureault: Nous sommes d'accord qu'on devrait se faire soigner là où les services existent, mais ce qu'on veut dire, c'est que si les services existent dans la région où le travailleur se trouve, il devrait se faire soigner dans la région, dans la mesure où ces services existent dans cette région.

M. Thibault: Je pense que cela le suppose.

M. Maltais: Cela va. Je reviens finalement à la conclusion du ministre. Je garderai quelques minutes, M. le Président, parce que mon collègue de Louis-Hébert a des questions à poser. Concernant les pouvoirs discrétionnaires de la commission, vous n'êtes pas les seuls, bref, tout le monde a déploré ce fait. Ces pouvoirs discrétionnaires sont quand même omniprésents dans l'entreprise. Ils sont omniprésents un peu partout. Le ministre disait: Entre deux maux, il faut choisir le moindre, mais ce n'est quand même pas une solution d'envergure. On devrait peut-être aller un peu plus loin là-dedans et que ces pouvoirs discrétionnaires deviennent des pouvoirs paritaires. Puisqu'on se vante souvent d'avoir la paritarisme à la CSST, cela ne pourrait-il pas s'appliquer au niveau de l'entreprise également?

M. Tremblay (Aubert): J'aimerais que vous précisiez votre question.

M. Maltais: C'est parce que vous vous êtes plaints des pouvoirs discrétionnaires de la CSST quant au retour du travail, au certificat de médecin, ainsi de suite et, finalement, l'employeur n'a pas son mot à dire. Et en reconnaissant le principe du droit au retour du travail, vous subissez quand même, en autorité, la CSST. C'est un des pouvoirs discrétionnaires.

M. Tremblay (Aubert): Ce qu'on veut dire finalement, au niveau des pouvoirs discrétionnaires, c'est qu'à la lecture du projet de loi, on a une confiance inébranlable en la commission. On a tellement confiance en elle qu'on lui permet même de prendre des décisions et on soustrait ses officiers à

l'obligation de les signer. C'est pour vous dire qu'il y a un ensemble d'éléments ou de politiques... Vous avez référé à un conseil d'administration paritaire, je pourrais vous citer un certain nombre de politiques de la CSST qui n'ont jamais passé par le conseil d'administration paritaire. Entre autres, la politique actuellement appliquée pour l'indemnisation des travailleurs forestiers, à ma connaissance, n'a jamais été adoptée par le conseil d'administration de la CSST.

Sans compter que, compte tenu de l'ensemble des pouvoirs discrétionnaires et du manque de précision qu'on retrouve autour de la définition des termes, je ne sais ce qu'on pourrait faire lorsqu'on aura des cas à soulever ou à contester, j'ai personnellement l'impression qu'on va se ramasser de façon constante dans des bureaux de procureur, d'ensemble des parties et qu'on sera constamment devant les tribunaux. De toute façon, la CSST aura raison puisqu'elle a tous les pouvoirs en vertu des dispositions de la loi.

M. Thibault: Je pense, si vous le permettez...

M. Tremblay (Aubert): Nous notons dans plusieurs articles ces pouvoirs discrétionnaires, les points que nous croyons exagérés concernant les pouvoirs discrétionnaires. Nous en revenons à la parité lorsqu'on parle du bureau de révision. À ce moment, il existe toutes sortes de formules déjà. Par exemple, prenons seulement l'assurance-chômage, il y a un genre de tribunal à trois parties qui peut prendre les décisions dans des cas de révision. C'est là que nous proposons qu'il pourrait y avoir une parité au niveau des décisions ou des révisions. Cela n'exclut pas l'autre étape de la Commission des affaires sociales, mais je pense qu'avant cela - au lieu que ce soit laissé seulement à la commission - nous pourrions être impliqués.

M. Maltais: Dans votre conclusion, vous nous informez d'un constat, c'est quand même très important. Vous avez constaté que même le personnel légal de la CSST ne pouvait vous expliquer le sens de certains articles. Dans l'application, si le personnel de la CSST n'est pas capable d'expliquer cela, comment voulez-vous que les entreprises et les travailleurs le comprennent? Vous dites plus loin: "La réglementation qui pourrait en découler d'un tel projet de loi serait d'une complexité qui causerait des cauchemars d'application. Bien plus, il faudrait certaines interprétations internes de la CSST pour tenter de se retrouver dans cette loi."

Je pense que votre message est très clair et je ne vous demanderai pas d'élaborer là-dessus, parce que vous le dites d'une façon bien concrète. Mais je pense que le ministre, en tout cas, devrait écouter d'une oreille très attentive lorsqu'on constate que ses employés ne sont pas capables d'expliquer une loi qui est à la veille d'être adoptée; on devrait l'enlever. Je vous remercie et je laisse la parole à mon collègue de Louis-Hébert.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Je veux tout d'abord souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec. Le ministre a tenté de répondre à l'inquiétude que vous manifestiez dans votre mémoire, au tout début, concernant l'absence de caractère imprévu dans la définition d'accident. Si j'ai bien compris son raisonnement, cela allait de soi qu'un accident était un événement imprévu et qu'on n'avait pas besoin de le dire. Sauf que, évidemment, un accident aussi est un événement soudain et pourtant on le dit. Quand on veut définir une chose, il faut en définir les caractéristiques. Et si on prenait accident au sens courant des choses, on ne parlerait pas même d'événement, on dirait: Un accident du travail, c'est un accident attribuable à toute cause survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail. Un accident du travail, c'est un accident qui survient à l'occasion d'une occupation professionnelle, ou quelque chose comme ça. À ce moment-là, bien sûr, on se référerait à la notion ordinaire, courante et acceptée dans les faits et dans les dictionnaires, du mot "accident". (12 heures)

Étant donné qu'on tente de définir "accident" ou qu'on en fait le tour en parlant d'un événement soudain, je pense que les inquiétudes que vous manifestez sur le caractère imprévu qui ne s'y retrouve pas sont fort fondées. J'attirerais l'attention du ministre sur cela, parce que c'est extrêmement important. Je pense que si on veut avoir un projet de loi qui se tienne, il faut que ses assises soient solides. Si on parle d'accident, qu'il s'agisse bien d'accident. Et si on n'est pas sûr que la CSST est un organisme qui s'occupera vraiment des accidents, mais qui pourrait s'occuper d'autres événements souvent mais non imprévus, je pense que c'est malsain et que ça donne ouverture à toutes sortes d'abus.

Les explications du ministre ne m'ont pas satisfait, personnellement. J'ai l'impression qu'elles ne devraient pas vous satisfaire. Je vous encourage à continuer vos représentations dans ce sens-là. Surtout si on coupe cette définition du mot "accident" à la présomption, je pense à l'article 26 qui dit que tout ce qui se passe sur les lieux du

travail est présumé être un accident du travail ou être le fait d'une lésion professionnelle, tout ça mis ensemble peut amener certaines conclusions, des interventions ou des évaluations de la CSST qui mettront et les employeurs et les travailleurs dans une situation de porte-à-faux parce que la CSST doit s'occuper des véritables accidents du travail. Tout le monde est d'accord que pour ce qui est des accidents du travail elle s'en occupe de la meilleure façon, avec compétence et avec des moyens efficaces pour remplir sa tâche. C'était une première remarque que je voulais faire en passant et elle m'apparaissait nécessaire.

En ce qui concerne le retour au travail, je voudrais savoir si ce concept de retour au travail pourrait s'allier chez vous avec ce qu'on a entendu ailleurs et ce qui existe probablement chez vous et ce qui pourrait se faire, tout ce qui s'appelle travail léger, tâche restreinte, etc. Est-ce que des expériences se font? Des ouvertures seraient-elles possibles de ce côté-là pour permettre une réinsertion rapide des travailleurs accidentés? Très souvent on se rend compte qu'un des problèmes pour le travailleur est le fait que d'être coupé pendant une période de temps assez longue du milieu du travail, rend d'autant plus difficile sa réinsertion. Que ce soit au niveau psychologique où toutes sortes d'éléments peuvent entrer en ligne de compte. On nous a suggéré à plusieurs endroits qu'un des moyens d'obvier à cette coupure, à ce hiatus, était l'utilisation des tâches restreintes, sous réserve de surveillance médicale, d'acceptation de médecin traitant, etc. Il y a toutes sortes de précautions à prendre là-dessus. Est-ce que vous pourriez considérer ce concept comme étant une chose qui pourrait se faire dans votre domaine?

M. Tremblay (Aubert): On a déposé, M. Doyon, en annexe D, une politique adaptée à la séance du 26 septembre 1979 par la CSST qui nous satisferait totalement si on y enlevait la disposition 3-4: "l'accidenté est consentant à effectuer ce travail." Parce que la notion ou le concept des travaux légers existe dans nos entreprise depuis fort longtemps et on a effectivement observé la même tendance à une réhabilitation plus rapide et une diminution des problèmes psychosociaux dans la mesure où on est capable de l'intégrer, où notre bonhomme revient au travail très rapidement. Si on le perd pour la première semaine on l'a perdu pour trois mois.

M. Dessureault: J'aimerais ajouter à ce niveau-là, M. le député, que ce ne sont peut-être pas des pratiques très courantes, mais ce sont des pratiques qu'on a dans nos industries. Lorsqu'un travailleur n'est plus apte à faire le travail qu'il faisait régulièrement auparavant, avant l'accident du travail, mais s'il est apte à faire un autre travail qui demande moins d'exigences physiques, on fait notre possible pour le réintégrer, et on le fait. Je dois, cependant, avouer que, souvent, on a des difficultés avec les syndicats, parce que cela exige des transferts, cela exige des permutations. Il faut que l'autre employé accepte de changer de poste. C'est peut-être la difficulté, mais ce sont des pratiques que nous avons.

M. Doyon: Merci. La lecture de votre mémoire et l'étude qu'on peut en faire nous obligent à réaliser que le projet de loi 42 a besoin de nombreuses améliorations. Tel que présenté actuellement, il est plein de bonnes intentions, mais l'enfer aussi est pavé de bonnes intentions, comme on dit. Il est plein de bonnes intentions, mais au point de vue pratique, concernant l'opération quotidienne du système, cela va créer des problèmes considérables. On a été à même de constater que, du côté des travailleurs, il y avait un refus d'accepter le système qu'on leur présentait pour des raisons qui sont différentes des vôtres, bien sûr, et que, de votre côté et du côté des employeurs en général, on retrouvait de nombreuses réticences très bien fondées à ce sujet. On s'est aussi aperçu, en filigrane, dans la présentation des mémoires qui nous a été faite, - c'est le moins qu'on puisse dire -que la CSST subit actuellement une crise de confiance de la part des utilisateurs ou des gens qui ont recours à ses services.

À cet égard, je ne peux m'empêcher de terminer ma courte intervention par une invitation au ministre de faire en sorte que des mesures soient prises rapidement pour que la CSST recouvre la confiance dont elle a besoin pour s'acquitter de ses fonctions et de ses tâches. C'est un organisme qui coûte des millions de dollars à la société québécoise. C'est un organisme que nous payons, les contribuables du Québec, qu'on le paie par les biens qu'on achète, qu'on le paie par les exportations qui sont faites et avec lesquelles on est moins concurrentiel, etc. Il y a 100 000 façons. Le ministre doit se rendre compte que la situation a atteint un stade qui nécessite son intervention en tant que ministre responsable.

Je remercie l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec d'avoir de nouveau pris la peine de porter à notre attention, avec des faits à l'appui, avec des exemples concrets, les lacunes de ce projet de loi qui sont nombreuses. Plus on cherche, plus on en trouve. Cela me donne l'impression d'être un devoir bâclé, fait pour se débarrasser. Si j'ai un souhait à formuler, c'est qu'on recommence ce mauvais devoir et qu'on nous enlève les pâtés qu'il y a dessus. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Louis-Hébert.

Comme il n'y a pas d'autre intervenant, je voudrais, au nom de tous les membres de la commission, remercier les représentants de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec pour la présentation de leur mémoire.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Boucher): J'invite maintenant le Mouvement d'aide aux accidentés(es) du travail du Québec, représenté par M. Rosaire Guay, président, et M. Marc Bellemare, avocat, à s'approcher.

M. Guay.

M. Guay (Rosaire): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés...

M. Cusano: M. le Président.

M. Guay (Rosaire): ...je m'appelle Rosaire Guay, président...

Le Président (M. Boucher): Un instant. M. le député de Viau.

M. Cusano: Je m'excuse, M. Guay.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous voulez que je lise l'article 53?

M. Cusano: Oui, avant de procéder à la présentation de votre mémoire, M. Guay, j'aimerais bien que le président lise...

M. Guay (Rosaire): Pourriez-vous parler plus fort afin que je vous comprenne, s'il vous plaît?

M. Cusano: Je demande tout simplement au président de lire un article de la Loi sur l'Assemblée nationale avant que vous ne procédiez à la présentation de votre mémoire.

Le Président (M. Paré): M. le député de Viau, je me rends à votre demande en lisant l'article 53. "Le témoignage d'une personne devant l'Assemblée, une commission ou une sous-commission ne peut être retenu contre elle devant un tribunal sauf si elle est poursuivie pour parjure."

M. Guay.

Mouvement d'aide aux accidentés (es) du travail du Québec

M. Guay (Rosaire): Parfait. M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, je m'appelle Rosaire Guay, président du Mouvement d'aide aux accidentés (es) du travail du Québec. J'ai, à ma gauche, Me Marc Bellemare, conseiller juridique du mouvement.

Le Mouvement d'aide aux accidentés (es) du travail du Québec a été incorporé le 4 mai 1978 en vertu de la troisième partie de la Loi sur les compagnies du Québec. Étant président-fondateur et unique travailleur bénévole au service de cet organisme, j'ai tout d'abord localisé le mouvement dans mon propre logement à Donnacona.

Profondément animé par le désir d'améliorer le sort des accidentés du travail, j'étais sensibilisé quotidiennement à la condition de nombreux travailleurs accidentés habitant dans le comté de Portneuf, la plupart ayant été, au moment de l'accident, à l'emploi de la compagnie de papier.

Ayant moi-même été victime d'un grave accident de travail en 1942, j'ai pu, par l'expérience acquise dans mon propre cas, contribuer à de nombreuses réouvertures de dossiers et à de nombreuses contestations devant les tribunaux chargés d'évaluer les avantages qui sont redevables aux accidentés du travail.

Pour ma part, les combats que j'ai menés contre la Commission de la santé et de la sécurité du travail, anciennement la Commission des accidents du travail, m'ont permis d'obtenir, en 1971, une augmentation de mon taux d'incapacité à 60%. Malgré l'amputation, à cause de ma faible instruction, la CSST me refuse toujours une rente d'invalidité pour laquelle je suis actuellement en instance de révision.

En 1980, nous avons aménagé dans un petit sous-sol de quatre pièces, le membership ayant déjà atteint presque 2000 membres. En 1982, nous avons aménagé dans des locaux rénovés au 165 rue Notre-Dame, Donnacona, dans le but d'améliorer les conditions de traitement des dossiers, le service de nos membres et les conditions de travail du personnel du mouvement.

Actuellement, nos effectifs sont composés de six travailleurs permanents et d'un à temps partiel. Deux avocats indépendants sont spécifiquement rattachés -je m'excuse, M. le Président, j'hésite quelquefois - au mouvement et consacrent chacun une journée par semaine, dans nos locaux, au traitement de certains dossiers particulièrement litigieux, à des entrevues et à la préparation des nombreux dossiers qu'ils doivent plaider chaque semaine devant les bureaux de révision, la Commission des affaires sociales, la Cour supérieure ou même la Cour d'appel du Québec. (12 h 15)

Le mouvement est actuellement composé de plus de 3000 membres provenant de toutes les régions du Québec, et même du Nouveau-Québec, de la Baie-James, de la Côte-Nord, de Montréal et de l'Abitibi.

Le mouvement est financé exclusivement par ses membres, n'étant

soutenu par aucune autre source. Cette indépendance lui procure une plus grande objectivité et une meilleure marge de manoeuvre. N'étant rattaché à aucun organisme gouvernemental ou public de subvention ni aucune centrale syndicale organisée. Les objectifs fondamentaux du Mouvement d'aide aux accidentés (es) du travail se répartissent principalement en trois volets. Si vous permettez, M. le Président. Le mouvement procure à ses membres tous les conseils portant sur leurs droits et privilèges et la procédure leur permettant d'accéder à un meilleur traitement. Principalement diffusée par nos trois lignes téléphoniques permanentes, l'information passe également par le biais des médias d'information organisés.

Les conférences de presse que nous avons données ces dernières années de même que les dossiers spécialisés que nous avons publiés ont reçu un accueil enthousiaste dans la population et ont bénéficié d'une excellente couverture de la part des médias d'information.

De plus, le succès qu'a connu le mouvement depuis sa fondation peut être justifié et caractérisé principalement par les raisons suivantes: L'absence de ressource organisée et structurée axée sur la réparation des lésions professionnelles et la compensation des traitements des accidentés; l'action concrète plutôt que la défense d'intérêts et d'orientations exclusivement idéologiques; la juridiction finale d'appel exercée par la Commission des affaires sociales depuis le 1er septembre 1977, qui a permis au mouvement d'obtenir des résultats fort concluants dans la compensation des lésions professionnelles suite aux évaluations erronées de la CSST. Je vous ferai remarquer, M. le Président, que la Commission des affaires sociales, c'est vous qui l'avez demandée, enfin, pour que les accidentés aillent devant la Commission des affaires sociales; le recours collectif suggéré par un membre du mouvement et présenté à la Cour supérieure du Québec en avril 1982. Cette procédure visait à faire rouvrir massivement 30 000 dossiers d'accidentés victimes de lésion permanente et dont les évaluations étaient injustes et illégales. Cette initiative a permis au mouvement de se faire mieux connaître, accroissant ainsi sa crédibilité, sa force et son taux de succès à rencontrer les objectifs visés.

En tant que président et porte-parole du Mouvement d'aide aux accidentés (es) du travail du Québec, il me fait plaisir de présenter devant cette commission parlementaire le fruit d'une analyse sérieuse et approfondie de ce projet de loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles qui fut adopté en première lecture au cours de l'automne dernier. Toutefois, il nous faut d'abord préciser que même si nous sommes d'accord avec la volonté gouvernementale de modifier en profondeur une loi désuète et vieille de plus de 50 ans, notre présence ici ne doit nullement être interprétée comme une approbation des orientations et nouveaux mécanismes suggérés par ce projet de loi.

En effet, nous partageons cette volonté de changement, mais devons déplorer que le projet de loi 42 contient plusieurs requêtes substantielles en rapport avec les droits qui sont reconnus aux accidentés du travail en vertu de la loi actuelle. Donc, entre la proposition gouvernementale et la loi actuelle, nous privilégions nettement cette dernière, bien qu'il serait nettement souhaitable que la version initiale très insatisfaisante soit modifiée dans le sens des propositions que nous avançons dans les pages suivantes.

Dans les faits, la CSST sait fort bien que les employeurs accusent un délai moyen de 21 jours avant de produire cette déclaration. Le projet de loi 42 reconnaît par son article 172 qu'un délai de 20 jours est raisonnable et mérite d'être approuvé au texte de la loi. Nous considérons, quant à nous, ce délai comme abusif et demandons que le délai actuel de 48 heures soit maintenu afin de ne pas retarder indûment le traitement des dossiers.

Afin d'assurer le respect scrupuleux des dispositions portant sur l'obligation de déclarer un accident de travail ou une maladie professionnelle, nous suggérons qu'aucune amende dans un tel cas ne soit jamais inférieure à 1000 $. Nous suggérons en outre d'abolir la nécessité pour le travailleur de présenter une demande de prestation. Actuellement, la formule de demande de prestation de la CSST s'intitule "Avis d'accident et demande de prestation." Il appartient donc à l'employeur de transmettre cet avis avec la signature du travailleur et la demande de prestation est ainsi automatiquement faite.

Si le gouvernement ne devait pas retenir cette suggestion et que la prescription de six mois prévue par l'article 173 du projet de loi devait être maintenue, il y aurait lieu à tout le moins de prévoir que cette prescription ne soit pas de rigueur, comme c'est le cas dans l'article 21,5 de la loi actuelle. De plus, il y aurait lieu de prévoir que la prescription des six mois ne commence à courir que du jour où l'employeur a transmis à la commission l'avis d'accident prévu par l'article 172 du projet de loi.

Responsabilité civile d'un employeur ou d'un tiers.

La loi actuelle prévoit qu'un travailleur accidenté n'a aucun recours civil en responsabilité contre son employeur même dans le cas où celui-ci a commis un acte criminel à l'origine de l'accident. Nous

demandons que cette exonération de responsabilité contenue à l'article 7,1 aliéna 2 de la Loi sur les accidents du travail actuelle soit enlevée et qu'un travailleur accidenté puisse poursuivre directement en responsabilité civile son employeur, lorsqu'il s'est rendu passible d'une infraction au sens du Code criminel ou de la Loi sur les accidents du travail lorsqu'il a commis le geste générateur de l'accident.

Il faudrait donc amender l'article 259 du projet de loi en conséquence. En ce qui concerne le recours du travailleur accidenté contre un employeur assujetti au projet de loi et qui n'est pas son employeur personnel, nous suggérons que l'article 260,1 soit modifié en prévoyant seulement en cas d'acte criminel au sens du Code criminel mais également dans les cas d'infraction à la Loi sur les accidents du travail.

Admissibilité des domestiques et des travailleuses au foyer:

Je m'excuse si j'hésite quand je parle des fois, remarquez bien que ce n'est pas un accident du travail, c'est un accident de naissance, merci.

Le recensement canadien de 1976 révèle qu'il y avait à cette époque au Québec, 651 285 femmes ayant des enfants de moins de 25 ans et ne travaillant pas à l'extérieur du foyer. De ce nombre, 41% avaient des enfants de moins de six ans, et 26% avaient des enfants âgés de six à onze ans. En 1977, lors de l'évaluation des projets de loi sur la Loi sur l'assurance automobile, le gouvernement québécois décidait d'introduire un droit de compensation pour la femme au foyer victime d'un accident d'automobile.

Nous considérons qu'il est temps que le gouvernement introduise cette fois les travailleuses et les travailleurs ménagers au foyer comme étant inclus dans la définition de "travailleur" prévu au porjet de loi 42. ...travaille exclusivement au foyer; a la charge permanente et a la responsabilité d'enfants mineurs sur lesquels elle exerce l'autorité parentale; ne retire aucun revenu personnel provenant de l'extérieur du foyer. L'évaluation des indemnités qui seraient payables à ce travailleur au foyer serait faite en fonction des mécanismes prévus et déjà expérimentés sous la Loi sur l'assurance automobile du Québec.

Par ailleurs, considérant que la femme ou l'homme au foyer ayant charge de ménage exerce avant tout un rôle social, il serait juste de considérer, aux fins de la Loi sur les accidents du travail et des maladies professionnelles, le gouvernement du Québec comme étant son employeur tenu personnellement au paiement des indemnités. (12 h 30) - Le gouvernement du Québec suppor- terait donc directement le coût de ces prestations, lesquelles seraient accordées et versées suivant les normes prévues à la Loi sur les accidents du travail, tout comme dans les cas où la Loi sur l'indemnisation des victimes d'acte criminel reçoit son application.

Rapports médicaux et expertises. Nous demandons que l'article 46 du projet de loi soit amendé afin de prévoir qu'un travailleur accidenté ait le droit de recevoir gratuitement une copie intégrale de son dossier médical et de réadaptation dans les 30 jours de la demande.

En vertu de l'article 133 du projet de loi, si l'employeur a le droit de faire examiner un travailleur accidenté par un médecin de son choix, un seul examen par réclamation par un seul médecin ne devrait pas être toléré. De plus, le travailleur devrait se voir reconnaître le droit strict d'accès à tous les rapports médicaux et expertises pratiqués par les médecins de l'employeur dans les 30 jours de l'examen médical.

Les prestations pour indemnité de remplacement de revenu. Paiement des quatorze premiers jours. L'article 53 du projet de loi prévoit que l'employeur devra payer le salaire du travailleur accidenté pendant les quatorze premiers jours, contrairement aux cinq premiers jours prévus dans la loi actuelle. Nous maintenons que, contrairement à l'alinéa 3 de l'article 53 du projet de loi, le travailleur ne devrait jamais être appelé à rembourser l'employeur pour les sommes versées s'il n'y a pas eu fraude de sa part. 100% du salaire. Nous sommes déçus de constater que le projet de loi maintient le revenu net retenu à 90% du revenu gagné par le travailleur au moment de l'accident. Nous considérons que le travailleur qui a risqué sa vie et sa santé au profit de l'entreprise exploitée par son employeur et qui est devenu incapable d'occuper son emploi dans ce contexte n'a pas à être pénalisé et qu'il devrait être compensé à raison de 100% de son salaire. En effet, l'accidenté du travail est devenu incapable d'occuper son emploi en posant un geste à l'avancement de la cause de son employeur. Nous suggérons donc que l'article 58 du projet de loi soit modifié, qu'il soit prévu 100% plutôt que 90%.

Pour le travailleur occupant plusieurs emplois, la base servant à évaluer l'indemnité de remplacement du revenu devrait être fondée sur les revenus provenant de tous les emplois occupés au moment de l'accident et non seulement de l'emploi au cours duquel le travailleur a été blessé.

Nous demandons que peu importe son âge, le travailleur accidenté soit compensé en fonction des capacités d'exercer l'emploi au cours duquel il a été blessé ou un autre emploi plus approprié à sa condition résiduelle.

En conséquence, il faut toujours évaluer l'incapacité permanente non seulement en fonction d'une lésion d'un préjudice esthétique, des douleurs ou de la perte de jouissance de la vie, mais bien principalement en fonction des conséquences qu'aura cette lésion sur la capacité de travailler résiduelle de l'accidenté, sur la capacité de travailler.

Nous demandons donc que l'inaptitude de reprendre le travail soit un critère d'évaluation ajouté et intègre - je m'excuse, il va falloir que je change de lunettes - à l'article 81 du projet de loi, afin de confirmer ces dispositions de l'article 38.4 de la loi actuelle sur laquelle est basée une jurisprudence stable et constante.

Nous exigeons également que ce règlement tienne compte de la possibilité de faire une évaluation au mérite de chaque cas et non en fonction d'une grille mathématique abstraite et non conforme à la réalité des accidentés du travail.

Incompatibles avec les méthodes d'évalutation des tribunaux civils. Exemple: À l'âge de quinze ans, Mme Anne Matthews a été victime d'un grave accident qui l'a rendue totalement invalide. Après avoir intenté une action en responsabilité civile contre la ville de Jonquière, responsable de cet accident, la Cour supérieure lui reconnut une indemnité de l'ordre de 505 000 $ pour 100% d'incapacité permanente. Si Mme Matthews avait été victime d'un accident du travail dans la même circonstance, mais compensée suivant les normes prévues au projet de loi 42, une indemnité ridicule de l'ordre de 46 667 $ lui serait versée. Le juge Chouinard qui a rendu ce jugement rapporté en 1982 CS-11-22 a été nommé à la Cour d'appel, plus haut tribunal du Québec, depuis que ce jugement a été rendu.

M. Jean-Guy Lemaire a été victime d'un grave accident à l'âge de 49 ans. Une action intentée en Cour supérieure permit au juge de constater qu'il était invalide et qu'il bénéficiait d'une incapacité permanente de l'ordre de 100%. Le juge Marcel Nichols, depuis promu à la Cour d'appel du Québec, lui accorda arbitrairement une indemnité de l'ordre de 150 000 $. Si M. Lemaire avait été victime d'un accident de travail réglé en vertu du projet de loi 42, on lui aurait versé, pour les séquelles identiques, une indemnité absolument ridicule de l'ordre de 33 511 $.

Nous exigeons que les indemnités prévues à l'annexe B du projet de loi 42 soient au moins quintuplées et qu'il soit possible pour un accidenté du travail devenu invalide de retirer une indemnité viagère.

Encore là, il est évident que nous déplorons le recul inacceptable du projet de loi 42. Nous exigeons que les rentes versées aux personnes à charge, en vertu de la loi actuelle, suivent les mécanismes introduits le 1er janvier 1979 par le chapitre 57 des lois de 1978. Nous souhaiterions même que ces pourcentages correspondant aux rentes actuellement versées et stipulées à l'article 2 du paragraphe 35 de la loi actuelle soient abolis, et que les personnes à charge bénéficient d'une rente correspondant à 100% du salaire qui était versé au travailleur de son vivant au moment où il a été tué.

Assistance médicale. Nous demandons que l'article 103 prévoie généralement les remboursements de tous les frais médicaux et autres nécessités par la survenance d'un accident du travail et rendus souhaitables ou nécessaires par l'opinion du médecin traitant du travailleur.

La revalorisation de l'indexation des prestations. Dans un premier temps, nous nous opposons à ce que le projet de loi 42 confère, par le biais de l'article 108, un quelconque pouvoir à la CSST de fixer d'elle-même l'indice de revalorisation. Même dans un cas où aucune donnée ne serait disponible, il est impératif que le législateur stipule dans le projet de loi 42 une référence scientifique et objective permettant au travailleur d'avoir l'assurance que le taux d'indexation sera réaliste.

Nous demandons donc le statu quo également en ce qui concerne la formule d'indexation et nous souhaiterions que l'article 41 de la loi actuelle soit réintroduit dans le projet de loi 42. Toutefois, nous croyons que devrait être laissé au travailleur le droit à un pourcentage d'indexation plus élevé que celui prévu à la Loi sur le régime des rentes du Québec, si ce dernier était en état de démontrer qu'il aurait bénéficié d'une plus grande augmentation de revenu s'il était resté au travail, en vertu d'un contrat, d'un décret, d'une convention collective, d'une loi ou d'un règlement, ou d'une entente spécifique avec son employeur. Nous appliquerions donc ici le même principe que celui qui est prévu à l'article 63 du projet de loi en matière de fixation de base de salaire. (12 h 45)

Nous souhaiterions qu'il soit prévu, de façon large, que toutes les prestations prévues à la présente loi soient assujetties à l'indexation annuelle au 1er janvier de chaque année à l'exception des prestations prévues à la section 1 du chapitre 4 de la présente loi.

L'indemnité de remplacement de revenu, quant à elle, devrait être revalorisée à la date anniversaire de la dernière augmentation de salaire dont a bénéficié le travailleur accidenté.

La réadaptation et le droit au travail. Nous demandons que cette barrière, cet obstacle de trois mois de service continu soit aboli. Nous demandons que le droit au travail existe de façon absolue pour permettre un retour de l'accidenté chez tous les

employeurs où il occupait, au moment de l'accident, un emploi qu'il lui a été rendu impossible de poursuivre à cause de son accident du travail.

Nous demandons donc que le droit au travail soit conféré au travailleur accidenté jusqu'à ce qu'il puisse retourner au travail suivant l'opinion de son médecin traitant ou qu'il soit déclaré invalide, ou qu'il ne puisse réintégrer aucun emploi compatible.

Nous demandons que tous les avantages, principalement ceux de vacances et de maladie, soient accumulés en faveur du travailleur lorsqu'il est absent à cause d'un accident du travail, comme c'est le cas d'ailleurs pour les travailleuses bénéficiant d'un retrait préventif du fait de leur condition de grossesse, ou de danger manifeste par leur emploi à l'endroit de l'enfant qu'elles allaitent.

Nous demandons qu'un délai de 20 jours soit appliqué dans le cas d'un retour au travail.

Les mécanismes de contestation. Toutefois, plutôt que d'indiquer les droits d'appel et la procédure à suivre à l'endos de la décision, comme le fait actuellement la CSST, nous privilégions l'usage adopté par la Régie de l'assurance automobile du Québec qui stipule les projets d'appel à la fin de la correspondance décisionnelle.

Il devrait être également stipulé, dans le cadre de l'article 243 du projet de loi 42, que les intéressés sont tous avisés de la décision, ainsi que leur représentant.

D'autre part, nous demandons qu'il soit prévu au projet de loi 42 que la CSST doive rendre une décision écrite sur un point donné, lorsqu'elle en est requise par une partie, et ce, dans les 30 jours de la demande.

Il s'agirait d'une forme très légitime et très élémentaire de contrôle du travail sur l'administration de son dossier. D'autre part, il serait nécessaire, selon nous, de préciser dans le projet de loi que tout paiement effectué devrait être accompagné d'une décision écrite et motivée, afin que des chèques non identifiés soient transmis à l'accidenté.

L'existence du Bureau de révision. Nous sommes d'accord avec l'abolition des bureaux de révision. Nous aimerions, toutefois, que le projet de loi prévoie qu'un travailleur puisse exiger une audition judiciaire dans les cas où il le désire devant le service de révision.

Il est également important que tous les frais d'expertise, en moyenne 250 $ par médecin, les pertes de salaire et les frais de déplacement et de séjour soient à la charge du bureau de révision dans le but de permettre à l'accidenté d'assurer sa défense de façon pleine et entière.

Nous demandons que, contrairement à l'article 247 qui limite la juridiction de la Commission des affaires sociales à certains cas limites, la Commission des affaires sociales ait une juridiction finale d'appel dans tous les domaines où la CSST peut se prononcer.

Nous demandons que tous les appels portant sur la matière suivante soient jugés d'urgence, soit qu'une audition soit tenue par la Commission des affaires sociales, dans les 30 jours suivant l'appel, et qu'une décision soit rendue par cette dernière dans les 30 jours suivant l'audition à moins d'entente entre les parties.

Reconsidération d'une décision par la même instance décisionnelle. Nous nous opposons donc à ce que les différents détenteurs de pouvoirs décisionnels "taponnent" dans les dossiers où ils ont commis des erreurs et reconsidèrent leur décision quelques mois ou même quelques années après qu'elle ait été rendue, revendiquant ainsi un remboursement de la part du travailleur.

Il est particulièrement abusif que la CSST puisse reconsidérer une décision rendue par la Commission des affaires sociales qui détient une juridiction finale d'appel. Pour ceux qui connaissent l'état des relations entre la Commission des affaires sociales et la CSST, une disposition telle que l'article 250 apparaît particulièrement répugnante. Nous assisterons inévitablement à un "taponnage" de dossiers qui entraînera des conséquences peu souhaitables sur le droit des accidentés.

Seule une telle disposition empêchant la reconsidération est susceptible d'empêcher que les droits des accidentés soient bafoués et de faire en sorte que les fonctionnaires de la CSST prennent leurs responsabilités en étudiant scrupuleusement les dossiers et en rendant des décisions fondées, articulées et consécutives à une étude réfléchie des dossiers.

Nous demandons que toutes les prestations prévues à la loi soient revalorisées (amender l'article 106 du projet de loi). Aucune prestation reçue de bonne foi par un travailleur ne serait remboursable; seuls les cas de fraude au sens du Code criminel seraient remboursables à la CSST, article 117 et article 53,3 à amender.

Amender l'article 124 du projet de loi pour prévoir qu'en plus de bénéficier de l'insaisissabilité - excusez-moi, je me suis compliqué la situation avec cela - et de la non-imposabilité, les bénéfices et prestations provenant de la Loi sur les accidents du travail sont d'ordre public et aucune convention à l'effet contraire ne peut en limiter la portée ou la jouissance en faveur du travailleur. L'article 17 de la loi actuelle prévoit cette disposition qui doit être introduite dans le projet de loi actuel.

Tous les retards sur les paiements d'indemnité accusés par la CSST devraient être réparés par un versement d'intérêt suivant la Loi sur le ministère du Revenu,

l'article 212 du projet de loi prévoyant d'ailleurs que ce taux d'intérêt s'applique sur les cotisations que les employeurs sont en défaut de payer à la CSST. (13 heures)

Dans le cas où le travailleur est porteur d'une incapacité préexistante à l'accident, la CSST devrait, et non pas pourrait, comme le prévoit l'article 217 du projet de loi, imputer les coûts relatifs à cette incapacité préexistante à un fonds spécial, afin que les coûts de l'incapacité préexistante ne soient pas supportés directement par l'employeur ou que ce dernier ne soit pas incité à refuser l'embauche d'accidentés du travail ou de personnes handicapées de peur d'être appelé à supporter les coûts en cas d'accident.

La confidentialité et les rapports médicaux. La personne responsable de l'application et du respect des dispositions législatives portant sur l'accès aux rapports médicaux et aux confidentialités devrait être indépendante de la CSST et dépendre d'un organisme public distinct.

De plus, on devrait pouvoir pourvoir au remplacement de cette personne à tous les deux ans afin d'éviter qu'elle ne soit, dans les faits, assimilée au fonctionnement administratif de la CSST.

Les services médicaux et les experts. Il est fondamental que les médecins chargés d'analyser les dossiers des accidentés et de faire des recommandations au service de l'indemnisation soient désignés, rémunérés et choisis par un organisme autre que la CSST.

Dans ce contexte, ne serait-il pas nécessaire qu'une équipe de médecins, formés spécifiquement en santé du travail et entourés de professionnels dans des disciplines paramédicales, comme l'ergothérapie, la physiothérapie et la réadaptation professionnelle soient rattachés au ministère des Affaires sociales et affectés, pour une période maximale de deux ans, à des organismes publics indemnisateurs comme la CSST, la RAAQ et la RRQ?

En assurant ainsi la rotation de ces médecins, on assurerait une meilleure impartialité et objectivité et on s'assurerait que l'indépendance professionnelle de ces derniers favoriserait un jugement plus objectif dans le traitement des dossiers des personnes accidentées ou mutilées.

Quant aux experts, nous insistons sur le fait que l'expert chargé de rédiger le rapport d'expertise portant notamment sur les dommages corporels permanents soit choisi par l'accidenté mais rémunéré par la CSST.

Le service de reconsidération administrative. Nous insistons sur la nécessité de détacher administrativement les fonctionnaires qui auront oeuvré au sein du service de reconsidération afin qu'ils soient totalement indépendants de la CSST.

Il est inutile d'espérer que le fléau d'appels à la Commission des affaires sociales sera réduit si l'unité de reconsidération administrative dont la création est expressément prévue par le projet de loi 42 n'est pas tout à fait indépendante de la CSST.

Nous suggérons que les membres du bureau de révision soient également affectés de façon rotative aux différents organismes indemnisateurs québécois, développant ainsi une expertise souhaitable et bénéficiant d'une indépendance toute naturelle leur permettant de rendre des décisions réalistes.

Réparation d'injustices antérieures. Enfin, dans les dispositions transitoires au projet de loi 42, nous souhaitons évidemment que la loi actuelle sur les accidents du travail, hautement préférable à ce qui est suggéré par le projet de loi 42, soit au moins applicable aux travailleurs dont le dossier est actuellement actif. D'autre part, nous aimerions que certaines dispositions à portée rétroactive soient introduites dans le projet de loi 42 concernant les cas suivants.

L'article 38.4: Nous avons parlé au début de la présentation de notre mémoire de l'absence d'évaluation du degré d'inaptitude à reprendre le travail chez les travailleurs qui ont été évalués par la CSST avant le 1er avril 1980. En effet, avant cette date, la commission n'évaluait les taux d'incapacité partielle permanente qu'à partir de la nature de la lésion et non en fonction des conséquences de cette même lésion sur la capacité de travailler résiduelle du travailleur.

Au nom de tous les accidentés qui ont été mal évalués, nous demandons qu'une procédure rémédiatrice soit apportée, soit par le biais d'une indexation massive des rentes dont ils bénéficient actuellement, soit par le biais d'une réévaluation systématique de ces dossiers et d'une application de la formule d'évaluation de l'inaptitude à reprendre le travail en vigueur à la CSST depuis le 1er avril 1980. Bien que fort conservatrice dans l'évaluation des taux, cette formule constitue néanmoins une façon d'évaluer l'inaptitude à reprendre le travail, et nous considérons que chaque travailleur strict a un droit à cette évaluation.

Les personnes à charge d'avant 1979. L'on sait que le 1er janvier 1979 entrait en vigueur le chapitre 57 des lois de 1978 modifiant substantiellement le régime d'évaluation de rentes et de prestations payables tant aux travailleurs accidentés qu'à leurs personnes à charge.

Dans le cas où des travailleurs sont décédés des suites d'un accident ou d'une maladie professionnelle avant le 1er janvier 1979, l'ancien régime s'appliquait, prévoyant pour les personnes à charge des rentes mensuelles forfaitaires qui ne variaient pas selon le salaire gagné par le conjoint au moment de l'accident.

Par ailleurs, le 1er janvier 1979, la nouvelle loi prévoyait une indemnité mensuelle mais, cette fois, basée sur le revenu gagné par le défunt travailleur au moment de son décès.

Le regroupement des femmes, dont les maris sont décédés des suites d'amiantose, qui présentera un mémoire à cette commission parlementaire, fera d'ailleurs grandement état de cette injustice que vivent ces veuves dont les maris sont décédés avant le 1er janvier 1979.

Les veuves en question bénéficient encore aujourd'hui de cette même rente forfaitaire instaurée par les anciennes lois, lesquelles ont été revalorisées suivant l'indice d'indexation prévu à la Loi sur le régime de rentes.

Toutefois, dans le but d'assurer la justice auprès de ces personnes à charge, nous suggérons qu'il leur soit accordé une indexation massive des prestations alors prévues afin qu'elles deviennent plus réalistes et plus susceptibles de leur procurer un niveau de vie convenable.

Le Président (M. Boucher): M. Guay, étant donné l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 14 h 30, pour permettre aux gens d'aller se restaurer. Nous procéderons à la période de questions avec le Mouvement d'aide aux accidentés(es) du travail du Québec au retour.

(Suspension de la séance à 13 h 14)

(Reprise de la séance à 14 h 50)

Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission parlementaire du travail reprend ses travaux.

Nous sommes informés, M. Guay, que votre procureur ne pourra être présent avant 15 heures.

M. Guay (Rosaire): Dans quelques minutes, parce qu'il fallait qu'il soit en Cour supérieure à 14 heures. Étant donné qu'il y a des questions techniques, des questions de droit, j'aurais bien aimé qu'il soit là. Remarquez bien qu'un autre représentant du mouvement m'accompagne, Me Lise Bibeau, qui pourra m'éclairer lorsque des questions seront posées.

Le Président (M. Boucher): M. Guay, avec le consentement des membres de la commission, nous pourrions attendre que votre procureur revienne.

M. Guay (Rosaire): Oui.

Le Président (M. Boucher): En attendant, on pourrait entendre un autre groupe, quitte à revenir par la suite avec la période des questions.

M. Guay (Rosaire): La période allouée à l'autre groupe, est-ce que cela va s'échelonner sur trois heures?

Le Président (M. Boucher): II reste deux groupes à entendre d'ici 18 heures. Alors, on pourra probablement revenir pour la période des questions après avoir entendu les représentants du CLSC Seigneurie de Beauharnois.

M. Guay (Rosaire): Parfait, M. le Président.

M. Cusano: M. le Président, il y a consentement.

Le Président (M. Boucher): II y a consentement. M. le député de Viau, je vous remercie.

J'appelle le CLSC Seigneurie de Beauharnois représenté par le Dr Arnold Aberman ainsi que le Dr Roger Hobden, le Dr Bernard Chartrand et le Dr Pierre Dongier.

Si vous voulez bien vous identifier et présenter les personnes qui vous accompagnent.

Comité ad hoc pour le respect du diagnostic du médecin traitant

M. Aberman (Arnold): Je suis le Dr Arnold Aberman. Je suis un médecin traitant. Un autre médecin, le Dr Roger Hobden, vient de partir, mais il sera de retour dans une minute. À ma gauche, c'est le Dr Bernard Chartrand, médecin.

Je voudrais simplement relever une erreur à l'ordre du jour. Nous ne représentons pas le CLSC Seigneurie de Beauharnois. Nous représentons le Comité ad hoc pour le respect du diagnostic du médecin traitant. C'est inscrit comme tel, parce que c'est l'adresse où la commission parlementaire peut obtenir d'autres renseignements. Je travaille là-bas, mais je ne représente pas le CLSC.

Le Président (M. Boucher): Nous prenons note du changement.

Dr Aberman, vous pouvez procéder à la lecture de votre mémoire.

M. Aberman: Le projet de loi 42 et le respect du médecin traitant. Une commission parlementaire concernant le projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, tiendra ses audiences vers la mi-février. En tant que médecins, généralistes ou spécialistes traitant des accidentés du travail, serons-nous plus respectés avec ce nouveau projet de loi?

Hélas! nous sommes obligés de répondre par la négative.

En effet, déjà en avril 1983, une pétition signée par 79 médecins, généralistes et spécialistes, parue dans le journal La Presse, a dénoncé les abus de la CSST et appuyé les revendications de l'ATTAQ, Assemblée des travailleuses et travailleurs accidentés du Québec, à savoir le respect par la CSST du diagnostic et du traitement du médecin traitant au sujet des patients accidentés du travail.

Dans le projet de loi 42, cette requête n'a pas trouvé d'écho, au contraire, on lit, à l'article 132, que: "La Commission décide de la nécessité, de la nature, de la suffisance ou de la durée de l'assistance médicale." Au plan médical, la CSST s'arroge ainsi tous les droits, et on peut se demander quelle valeur elle accordera alors aux diagnostics et aux traitements des médecins traitants au sujet des patients accidentés du travail. Que reste-t-il à faire comme médecin si la commission décide effectivement des éléments énumérés dans l'article 132 cité plus haut?

Deuxièmement, dans l'article 129, le projet de loi réaffirme le droit du travailleur au médecin et à l'établissement de son choix. "Le travailleur a droit aux soins de l'établissement de santé et du professionnel de la santé de son choix." Mais, dans le paragraphe suivant, ce principe est quelque peu atténué lorsqu'on lit: "Cependant, dans l'intérêt du travailleur, si la commission estime que les soins requis par l'état de ce dernier ne sont pas disponibles dans un délai raisonnable dans l'établissement qu'il a choisi, ce travailleur peut se rendre dans l'établissement que lui indique la commission pour y recevoir plus rapidement les soins requis." Comme médecins traitants, on ne peut que louer une telle volonté de diligence de la part de la commission, mais nous nous interrogeons cependant sur la pertinence que ce soit la CSST et non le médecin traitant qui propose le nouveau lieu de traitement.

En troisième lieu, on fait une exception au principe de la confidentialité pour les travailleurs accidentés. En effet, à l'article 45, on lit: "Malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (L.R.Q., chapitre A-2.1), le professionnel de la santé désigné par l'employeur au service duquel se trouve le travailleur lorsqu'il est victime d'une lésion professionnelle a droit d'accès au dossier médical ou de réadaptation que la commission possède au sujet de ce travailleur." Pourquoi cet accroc à la confidentialité pour le travailleur accidenté et risquer ensuite de nuire à la relation patient-médecin, puisque le travailleur sait que son employeur connaîtra tout son dossier médical y compris des éléments non pertinents à sa réclamation?

En dernier lieu, nos patients accidentés du travail peuvent s'attendre à être obligés de se soumettre à l'examen d'un médecin choisi par l'employeur et souvent aussi à l'examen du médecin expert de la CSST. L'article 133 dit: "Le travailleur qui réclame une prestation doit, à la demande de son employeur ou de la commission, se soumettre à l'examen d'un professionnel de la santé choisi et payé par l'employeur ou la commission, selon le cas, relativement à la lésion professionnelle dont il a été victime." Que d'examens! et autant de tracasseries pour le travailleur accidenté, en plus d'être un manque de respect pour le diagnostic et le traitement du médecin traitant, puisqu'il s'agit, à toutes fins utiles, d'un contrôle de la pratique médicale. Et si des examens supplémentaires s'avéraient nécessaires ou justifiés dans certains cas, pourquoi ne pas reconnaître à l'accidenté le droit de choisir librement le spécialiste qu'il ou elle ira consulter?

La CSST dit vouloir éliminer ainsi les certificats de "complaisance" de la part des médecins. Comme il a déjà été mentionné dans la déclaration du mois d'avril 1983, signée maintenant par plus de 125 médecins, il existe des organismes au Québec, légalement constitués, pour recevoir des plaintes et enquêter s'il y a complaisance de la part des médecins. Il faut admettre que les décisions de ces organismes sont d'autant plus crédibles que ces derniers fonctionnent indépendamment des sommes versées par les entreprises.

Pour terminer, à l'occasion de la commission parlementaire, nous réitérons notre demande à l'honorable ministre, M. Raynald Fréchette, d'inclure dans le projet de loi 42 des dispositions qui empêchent la CSST et l'employeur d'intervenir dans l'investigation et le traitement des accidentés et qui obligent la CSST à respecter le diagnostic et le traitement du médecin traitant. Signé: Le comité ad hoc "Pour le respect du diagnostic du médecin traitant." Qui a signé? 115 médecins ont signé la lettre en plus de l'effectif de l'Association des médecins des CLSC du Québec. Si vous voulez, nous avons ici les originaux des signatures de ces 115 médecins.

Le Président (M. Boucher): Merci, Dr Aberman. M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, je vous remercie. Je remercie le Dr Aberman et ses collègues, qui sont à la table, d'être venus nous soumettre leur mémoire. En fait, le mémoire ne touche qu'un des aspects de la loi, mais par ailleurs un aspect fort important, celui du chapitre qu'on pourrait globalement identifier comme étant celui de l'assistance médicale.

Je suis bien conscient que je vais me répéter par rapport à des choses qui ont déjà

été dites depuis que nous sommes là, mais je pense que pour les besoins de la discussion, c'est nécessaire que nous le fassions. Je comprends que votre première préoccupation, c'est la nécessité de, non seulement privilégier ou de prioriser le diagnostic du médecin traitant, mais de l'accepter à l'exclusion de tout autre évaluation médicale. Cela me semble être la conclusion à laquelle il faut en arriver par l'audition et la lecture de votre mémoire. (15 heures)

Une première observation, ou plutôt une question d'ordre général. Est-ce que la revendication que vous nous soumettez implique que, de toute évidence, seulement le rapport du médecin traitant doit être retenu? Deuxièmement, malgré toute la bonne volonté, toute la bonne foi que peut avoir un médecin qui traite un accidenté, ce rapport ne peut être autre chose que la réalité et la vérité? En d'autres mots, vous n'acceptez pas - je parle des principes -qu'aucun autre professionnel de la santé puisse - je ne vous dis pas de la CSST ou d'ailleurs - évaluer, analyser la nature des conclusions auxquelles vous arrivez?

M. Aberman: Je répondrai à cela en disant que c'est vrai que, premièrement, ce qu'on veut, c'est la reconnaissance du médecin traitant du travailleur ou de la travailleuse accidenté. Mais on reconnaît aussi le fait que la CSST pourrait intervenir dans les dossiers des accidentés du travail. Et, en conséquence, ce que nous voulons, c'est que si jamais la CSST tient compte seulement du diagnostic du médecin traitant, qu'il revienne encore à l'accidenté du travail d'obtenir une deuxième opinion de la part d'un spécialiste pour confirmer ou non le diagnostic du médecin traitant.

M. Fréchette: À supposer qu'il y ait une différence appréciable entre le diagnostic du médecin traitant et le deuxième médecin que l'accidenté lui-même aurait choisi, théoriquement en tout cas, cela peut être possible, devant quelle situation allons-nous nous retrouver? Qu'est-ce qu'il faudra faire après cette deuxième évaluation?

M. Aberman: On a discuté de cela ensemble et nous trouvons que compte tenu des procédures, si cette expertise va en faveur des travailleurs et des travailleuses ou les compagnies où les travailleurs auraient le droit de contester ces décisions à une instance d'arbitrage...

M. Fréchette: À une instance d'arbitrage.

M. Aberman: Oui, à une instance.

M. Fréchette: Les choses dont on a parlé depuis quelques jours maintenant et la direction vers laquelle on pensait devoir aller rejoignent passablement ce qu'on est en train de discuter actuellement. Je pense que la seule chose qui nous sépare, c'est le choix du deuxième médecin. La proposition qu'on a discutée depuis un bon moment et qui pourrait - je dis bien qui pourrait - devenir coucher dans la loi, si vous me passez l'expression, ce pourrait être essentiellement la suivante: Le médecin traitant a donné tous ses services à son patient. Il est rendu au stade où il est en mesure de procéder à l'évaluation, ce qu'il fait. Il doit de toute évidence soumettre son expertise à une instance qui va devoir prendre des décisions en relation avec les conclusions qu'on y retrouve. Personne jusqu'à maintenant en tout cas, et vous venez de confirmer cela, n'a nié le droit à l'instance qui va devoir décider de se faire confirmer le diagnostic du médecin traitant, enfin, se faire indiquer que le diagnostic posé par le médecin traitant est vraiment conforme à la réalité objective et subjective des faits.

Ce dont on discute, c'est que cette appréciation pourrait être faite par un médecin de la CSST avec les conséquences suivantes: À supposer que le diagnostic du médecin traitant soit confirmé par le médecin de la CSST, tous les deux en arrivent à la même conclusion. Cette décision serait finale. Elle lierait la commission et personne ne pourrait en discuter, sauf les parties si elles étaient d'avis qu'il faille faire revoir cette opinion. Mais là on serait en face d'une opinion qui est confirmée et cela lierait le dossier pour autant que la commission est confirmée. Elle ne pourrait pas intervenir quant au contenu de la conclusion.

Si, par ailleurs, on retrouvait cette différence dont on parlait tout à l'heure, ce qui est toujours possible aussi, non seulement l'alternative, mais la décision serait effectivement de soumettre à une instance arbitrale... il faut bien être réservé dans les termes parce que ce ne sera peut-être pas cela qui sera retenu comme termes, mais pour les besoins de la discussion parlons d'une instance arbitrale essentiellement médicale qui, elle, trancherait le litige entre les deux.

Qui seraient les médecins qui siégeraient à cette instance? C'est autre chose. Les corporations de professionnels venus témoigner depuis une dizaine de jours nous ont toutes indiqué qu'elles étaient disposées à collaborer à cet égard. Ce qui pourrait être fait, ce serait de demander aux différentes corporations de s'informer auprès de leurs membres respectifs quels sont ceux qui seraient disposés à agir comme espèce d'arbitres ad hoc quand arrive le temps de litiges de ce genre-là? Par exemple, les omnipraticiens nous informent que 250 de

leurs membres sont disponbibles pour ce genre de travail. La liste qui nous est envoyée est soumise ensuite au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre où siègent des représentants du patronat et des représentants des syndicats. C'est le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre qui nous informe qu'il a procédé à l'étude des candidatures qui lui ont été soumises et c'est également lui qui demande au ministre responsable de l'application de la loi de retenir les candidatures que le conseil consultatif a aussi retenu. Ce sont ces professionnels de la santé qui deviendraient les arbitres ad hoc dont je vous parlais tout à l'heure.

Ai-je raison de penser que la seule distance qui nous sépare dans ce processus, c'est le choix du deuxième médecin? Quant au reste, sommes-nous pas mal sur la même longueur d'onde?

M. Aberman: Nous voulons tous essayer d'améliorer la situation en termes d'expertise médicale et en termes du respect des médecins traitants. Il y a deux éléments où je trouve que cela accroche. Premièrement, c'est la question en dehors du bureau médical; pour nous, ce n'est pas clair. Est-ce le bureau médical qui sera décisionnel à la première instance, ou si ce sera l'expert choisi, ou le médecin traitant du travailleur accidenté? Deuxièmement, si le bureau médical, dans sa sagesse, détermine qu'il n'est pas d'accord avec le médecin traitant et veut une deuxième expertise, on a de la misère à distinguer les spécialistes à savoir qui peut faire ou ne pas faire une expertise. Supposons que l'ensemble des spécialistes à Québec ont eu leur certificat de spécialisation de la corporation, si ce sont les mêmes spécialistes qui soignent les gens ordinaires qui ne sont pas des accidentés du travail, qui ont le droit de faire des opérations, de faire des investigations d'emblée sur la population en général, nous avons de la misère à comprendre pourquoi il y a une partie des spécialistes qui sont disponibles à faire les expertises chez les travailleurs et les travailleuses accidentés. C'est pour cette raison que nous retenons -si tu veux, si c'est un principe - la question de toujours donner aux travailleurs et aux travailleuses accidentés de choisir leur médecin traitant et le spécialiste si une expertise est demandée par le CSST et que le CSST soit liée à la décision de ce spécialiste en faveur ou non des travailleurs et des travailleuses accidentés. Ensuite on pourrait avoir des instances d'appel d'après le résultat de l'expertise.

M. Fréchette; Je pense que, effectivement, il y a une distance qui nous sépare qui est essentiellement reliée au choix du professionnel pour la deuxième opération.

À part cette réserve, quant au reste du mécanisme, il me semble y avoir un certain nombre de choses sur lesquelles on est en train...

M. Aberman: On peut s'entendre.

M. Fréchette: ...de faire un petit consensus.

M. Aberman: Oui.

M. Fréchette: Deux autres petites observations. Il est évident, vous le réclamez dans votre mémoire, cela a déjà été dit, je vous l'ai répété ce midi, je vais le redire à la toute fin de la commission, mais l'article 132 sera effectivement amendé pour rejoindre l'objectif que vous visez et il en est de même de l'article 52 dans le cas des pneumoconioses où exactement le même phénomène va se produire...

Essentiellement, ce que tout le monde a l'air de vouloir rechercher comme objectif ultime, c'est de faire en sorte que la commission ne soit pas l'instance décisionnelle qui lie toutes les parties mais plutôt - c'est quant à la forme qu'on peut avoir de petites discussions - que l'instance décisionnelle qui lie les parties, ce soit l'instance médicale.

M. Chartrand (Bernard): Oui, mais à la condition que cette instance médicale soit choisie par l'accidentée...

M. Fréchette: Je vous ai parlé de réserve et quand je parlais de réserve, c'est à ce...

M. Chartrand: Au mieux nous ne voudrions pas de liste, mais au pire s'il y en a une, qu'elle soit le plus large possible parce que ce que le Dr Aberman voulait dire tout à l'heure, c'est que, dans la société, on considère une expertise médicale comme un acte médical. Et dans la société, quelqu'un qui a une maladie quelle qu'elle soit, peut choisir n'importe quel professionnel qui va lui poser cet acte médical. Alors on se dit, dans le cas d'un accident du travail ou d'une expertise d'un acte médical: Pourquoi ce citoyen qui, à la suite d'une malchance, est un accidenté ne pourrait pas choisir comme il peut choisir d'autres types de traitements?

M. Fréchette: Je ne suis pas en train de vous dire que je n'accepte pas votre raisonnement. Je vous dis simplement qu'on est au stade de l'évaluation des modalités des processus et que c'est un aspect important de la question, qui a été soulevé d'ailleurs par plusieurs intervenants. Mais le principe fondamental étant que, à tous égards et peu importent les modalités qui seront retenues, la commission doit être

délestée, si vous me passez l'expression, de son pouvoir actuel en faveur d'un pouvoir décisionnel médical. C'est cela. Cela va, M. le Président, merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. J'aimerais, Dr Aberman, vous remercier pour votre présentation. Je crois qu'elle est très claire. Je comprends très bien votre présentation dans le sens que, comme vous venez de le dire, dans la vie d'une personne, accidentée ou non, lorsque celle-ci va consulter un médecin et qu'on lui dit qu'il y a un certain problème médical, elle va peut-être tenter d'avoir une deuxième opinion. Personnellement, je peux vous dire que, dans certains cas que j'ai vécus, même le médecin traitant m'a suggéré d'aller voir quelqu'un d'autre afin que la personne soit assurée que le diagnostic est bien posé, cela pour mettre la personne à l'aise psychologiquement plus que d'autre chose. Alors, je rejoins le fait qu'il y ait respect. J'ai remarqué que même aux États-Unis, les médecins dépensent beaucoup d'argent en publicité, demandant aux gens de ne pas se satisfaire du diagnostic d'un seul médecin avant de se soumettre à une intervention chirurgicale, de consulter d'autres médecins. Je crois que cela est normal pour rassurer la personne, psychologiquement, que c'est bien cela, qu'il est peut-être nécessaire de le faire. (15 h 15)

Je comprends votre intervention et je voudrais que vous me corrigiez si je me trompe. Vous prétendez, avec raison, que l'individu choisit son médecin. C'est la contestation de la part de la CSST sur votre diagnostic à laquelle vous vous opposez.

M. Aberman: Est-ce que je peux répondre?

M. Cusano: Oui.

M. Aberman: Nous ne contestons pas le fait que la CSST a le droit de poser des questions sur le diagnostic du médecin traitant. Ce que nous contestons, c'est le rôle décisionnel du bureau médical en matière des traitements et de la durée des traitements déterminés par le médecin traitant. Ce que nous proposons, si la CSST pose des questions sur le diagnostic et sur les traitements du médecin traitant, c'est de demander aux travailleurs et aux travailleuses accidentés d'être examinés par un spécialiste de leur choix qui va acheminer un rapport à la CSST et que cette dernière soit liée à ce rapport.

M. Cusano: Pour qu'on se comprenne bien. Il y a un tel cas dans mon comté - je ramasse beaucoup de cas de CSST dans mon comté - où un accidenté du travail a vu son médecin traitant et ce dernier a suggéré une certaine intervention. Les médecins de la CSST ont suggéré d'autres interventions. C'est ce à quoi vous vous opposez, c'est-à-dire que vous ne comprenez pas pourquoi un médecin de la CSST dicterait à un médecin comment il doit agir et quel devrait être son comportement vis-à-vis d'une maladie ou d'une lésion particulière. Est-ce que c'est bien cela?

M. Aberman: Oui, en partie.

M. Cusano: Si, dans les amendements que le ministre semble disposé à faire, on y inscrivait une espèce d'obligation de la part de l'accidenté à voir deux médecins de son choix, est-ce que ce serait mieux que la formule qui semble être proposée par le ministre?

M. Aberman: C'est-à-dire de proposer à l'accidenté de confirmer ou d'infirmer la décision du médecin traitant en allant voir deux spécialistes?

M. Cusano: D'aller voir un autre spécialiste de son choix.

M. Aberman: De son choix, oui.

M. Cusano: Ce serait mieux que la proposition qui...

M. Aberman: Oui, ce serait beaucoup mieux.

M. Cusano: Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Merci. Il n'y a pas d'autre intervenant.

M. Lavigne: M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Je voudrais simplement souligner que nous avons l'honneur d'accueillir des gens du comté de Beauharnois. Je sais que le Dr Aberman travaille depuis fort longtemps au CLSC Seigneurie de Beauharnois et je suis fier de voir qu'il y a des médecins de la région qui s'intéressent, d'une façon toute particulière, aux lois du travail. Je sais que le projet de loi 42, dans le monde du travail, particulièrement dans le comté de Beauharnois qui est un comté où on retrouve beaucoup de travailleurs d'usine... Cela me rassure de voir que les médecins de la région sont attentifs à ce que le gouvernement adopte une loi en ce qui a trait aux lois du travail, particulièrement aux lois qui

touchent la santé et la sécurité du travail. Un premier pas a déjà été fait avec la loi 17 et la création de la CSST. Je pense qu'il était de notre devoir, comme législateurs, de mettre sur pied une loi comme le projet de loi 42 pour autant, évidemment, qu'elle atteigne les objectifs que nous visons comme société. Le projet de loi 42 ne pourra peut-être pas répondre à toutes les attentes de la partie patronale, non plus à toutes les attentes de la partie syndicale, mais le gouvernement se doit de trancher là où on pense que c'est mieux de trancher, selon nos aspirations et notre volonté de vivre dans une société plutôt que dans une autre. C'est là le voeu du gouvernement de faire en sorte que ce projet de loi réponde le mieux possible aux attentes des travailleurs de notre société. Je voudrais remercier particulièrement les médecins du comté de Beauharnois qui sont venus présenter un mémoire et qui s'intéressent de très près à la préparation de ce projet de loi. Je vous remercie, messieurs.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Je suis heureux de voir que le député de Beauharnois se réveille et se réjouit de la venue de médecins de son comté. Je vous signale, M. le Président, que jamais, depuis le début de la commission, il n'a posé des questions aux représentants, il ne s'est intéressé au fond de la loi. Nous venons d'avoir droit à une pause publicitaire commerciale...

M. Lavigne: M. le Président.

M. Doyon: ...absolument pas nécessaire.

M. Lavigne: M. le Président.

M. Doyon: M. le Président, il aurait été beaucoup plus utile pour le député de Beauharnois...

Une voix: Question de règlement.

M. Doyon: ...de s'occcuper du fond du dossier, de suivre ce qui a été discuté ici en commission, de poser des questions aux représentants ou aux témoins plutôt que de venir faire sa petite courbette habituelle à laquelle on s'attendait et qui ne fait absolument pas avancer le dossier. C'est un député qui profite de cette occasion pour que ce soit enregistré au journal des Débats. Une vérification pure et simple auprès du journal des Débats vous permettra de vous rendre compte que, pendant les nombreuses journées que nous avons consacrées à ces travaux tous ensemble, le député de Beauharnois a été absent du débat, qu'il a posé très peu de questions. Il était absent comme si cela ne le regardait pas. Comme par hasard aujourd'hui, parce que nous avons le plaisir et l'honneur de recevoir un groupe de médecins qui vient de Beauharnois, il se manifeste. Personne n'est dupe de cette façon de faire qui ne fait pas avancer le débat et qui est simplement une salutation cordiale - nous la faisons aussi - dont le député de Beauharnois aurait pu se passer, compte tenu de son peu d'implication jusqu'à maintenant dans le dossier lui-même.

M. Lavigne: M. le Président, compte tenu que le député de Louis-Hébert m'a mis très largement en cause dans ses propos, je voudrais justement, selon sa suggestion, que toutes mes interventions contenues au journal des Débats soient relevées.

M. Doyon: Ce ne sera pas long.

M. Lavigne: M. le Président, lorsque le député de Louis-Hébert est intervenu, est-ce que je l'ai empêché de parler?

Le Président (M. Boucher): M. le député de Louis-Hébert!

M. Lavigne: Je lui demanderais, s'il vous plaît...

M. Fréchette: ...patient.

M. Lavigne: ...M. le Président, qu'il respecte les propos du député de Beauharnois. Au contraire. Je ne sais pas quelle mouche a piqué le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: La mouche de la vérité, la même que d'habitude.

M. Lavigne: Je peux vous dire que, effectivement...

M. Cusano: Est-ce qu'il a l'intention de finir sur une mauvaise note?

Le Président (M. Boucher): Cela allait bien.

M. Cusano: Cela allait très bien avant que le député de Beauharnois ne prenne la parole.

M. Lavigne: Justement, M. le Président, ce que le comité de Beauharnois vient de réclamer dans son mémoire et l'une des premières interventions faites à cette commission concernaient l'article 132 portant sur la reconnaissance du médecin traitant. Cela a été l'une de mes premières interventions.

Une voix: C'est la première.

Une voix: La seule, une des seules.

M. Lavigne: Elle était très importante et très pertinente. La preuve, c'est qu'on la retient. Je me souviens très bien d'une autre intervention portant sur l'IVAC. S'il y en a un qui est intervenu très largement là-dessus et non seulement en commission, mais au caucus des députés et si, aujourd'hui, il y a des changements majeurs à ce niveau, sans vouloir me flatter, c'est très important pour moi, M. le Président, que je puisse faire une mise au point. Toute la question de l'IVAC, l'indemnité aux victimes d'acte criminel, sans vouloir mettre une fleur à mon chapeau, c'est le député de Beauharnois qui est intervenu là-dessus. Vous en étiez même témoin au conseil et le ministre pourra en témoigner très largement. Je me demande que viennent faire les bas propos du député de Louis-Hébert dans le projet de loi en question. Je lui demanderais, M. le Président.

M. Cusano: ...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauharnois, question de règlement de la part du député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, j'ai beaucoup de difficultés...

M. Doyon: La vérité choque.

M. Lavigne: Tu es malade. C'est une fausseté.

M. Doyon: La vérité choque.

M. Cusano: M. le Président, les mots prononcés par le député de Beauharnois disant qu'il a fait des interventions au conseil des députés du Parti québécois, qu'ont-ils à voir avec notre discussion concernant les médecins? Cela me fait plaisir de savoir qu'il va retenir beaucoup de choses. Il va certainement influencer le ministre autrement que d'autres peuvent le faire, mais qu'on termine la pause publicitaire et continuons. Si vous avez des questions à poser, allez-y.

Le Président (M. Boucher): Je regrette, face à nos invités, que cette prise de bec se fasse en famille. Dr Aberman, avez-vous quelque commentaire à faire là-dessus?

M. Aberman: Non pas là-dessus, mais j'ai deux ou trois commentaires à faire. Je veux seulement souligner, comme on l'a dit au début, que ce mémoire n'est pas présenté par le comté de Beauharnois ou le CLSC Seigneurie de Beauharnois, il est présenté par un comité des médecins traitants.

M. Doyon: C'est cela.

M. Cusano: Tu connais très bien ton comté.

M. Aberman: Je travaille à Beauharnois. Les autres médecins ici présents ne travaillent pas à Beauharnois, ils travaillent à Montréal.

Une voix: Je ne suis pas de Beauharnois.

M. Aberman: Je veux seulement souligner ce point.

La deuxième chose, on a passé beaucoup de temps à parler des médecins traitants, ce qui est justement le fond de notre mémoire, mais je voulais quand même signaler deux autres éléments, particulièrement celui concernant les examens mensuels imposés ou faits par les médecins des compagnies chez le travailleur accidenté. On a longuement discuté de cette question. Nous trouvons qu'à l'étape des traitements, de la part des travailleurs accidentés et des médecins, la confidentialité devrait être primordiale. Les dossiers ne devraient jamais être acheminés au médecin de la compagnie sans un avis écrit du travailleur ou de la travailleuse. Nous tenons beaucoup à cela parce que cela fait partie de la confidentialité entre les travailleurs, les travailleuses et les médecins, les rapports entre les deux. Si la loi brise cette confidentialité, cela peut avoir un impact important dans ce rapport. Nous trouvons que si le dossier va en instance d'arbitrage, les médecins de compagnies devraient avoir droit à des éléments pertinents à l'accident ou à la maladie et non pas les éléments qui n'y sont pas pertinents.

Nous avons souligné cela dans notre mémoire parce qu'avec la loi actuelle et la loi 42, la confidentialité du dossier est brisée sans l'avis du travailleur ou de la travailleuse.

M. Fréchette: Juste une question d'information là-dessus, docteur. L'essentiel de votre argumentation, c'est de nous dire que le médecin de la compagnie devrait être mis en possession que des seuls éléments et circonstances de l'accident lui-même. À supposer qu'une situation préexistante chez un travailleur puisse être aggravée par le fait d'un accident du travail, est-ce que vous plaidez dans le sens que la situation préexistante chez un accidenté qui n'a aucune relation avec un accident du travail, mais qui peut être aggravée par un accident du travail, ne doit pas être connue du médecin de la compagnie?

M. Aberman: Je passe la parole au Dr Hobden.

M. Hobden (Roger): Pour répondre à ce

point, je pense que vous avez entièrement raison. Prenons l'exemple d'une dermatose et que le patient a des antécédents d'allergie ou de maladie de peau antérieure ou toute autre affection qui est médicalement connue comme pouvant aggraver ou jouer un rôle dans une dermatose professionnelle, je pense qu'il faut transmettre tous ces documents, tous ces renseignements. Également, si le patient a une pathologie de la colonne vertébrale, le médecin de la compagnie ou la CSST voudront savoir si au préalable le patient a eu des problèmes de la colonne, s'il y avait des problèmes à la naissance, s'il avait de l'usure de la colonne, etc. Cela tombe sous le sens.

M. Fréchette: Ce n'est pas là-dessus que vous avez des réserves. C'est sous d'autres renseignements qui pourraient n'avoir aucune relation ni aucune conséquence sur la situation qui serait celle de l'accidenté après son accident du travail.

M. Aberman: Exactement. M. Fréchette: Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. Comme il n'y a pas d'autre intervenant, je voudrais remercier le Comité ad hoc pour le respect du diagnostic du médecin traitant. Pour conclure sur une note humoristique, je voudrais vous dire que je suis assuré que le ministre regardera vos recommandations d'une oreille attentive, comme le disait un des membres de la commission ce matin. Merci.

Comme convenu, j'appellerai maintenant M. Rosaire Guay ainsi que Me Marc Bellemare pour la période de questions que nous avions retardée compte tenu des obligations de Me Bellemare. M. le ministre, si vous voulez procéder à la période de questions pour le Mouvement d'aide aux accidentés (es) du travail du Québec représenté par M. Rosaire Guay et Me Marc Bellemare. (15 h 30)

Mouvement d'aide aux accidentés (es) du travail du Québec (suite)

M. Fréchette: M. le Président, je serai d'ailleurs relativement bref puisque le mémoire de M. Guay est très explicite en soi et touche à un très grand nombre de sujets qui font l'objet de dispositions que l'on retrouve dans la loi. J'ai noté quelques sujets sur lesquels on pourrait peut-être essayer d'obtenir un peu plus de renseignements. Avant de le faire, cependant, M. le Président, je voudrais remercier M. Guay de sa précence ici et sans doute aussi de ce qu'il s'est imposé comme travail pour préparer ce mémoire tout à fait exhaustif, comme je l'ai dit tout à l'heure. Autant sa présence ici que le travail qu'il nous soumet ne font que confirmer son grand intérêt pour les membres de son organisme et pour l'ensemble des travailleurs et travailleuses accidentés du Québec. Je voulais prendre le temps de le dire publiquement et, encore une fois, transmettre mon appréciation à M. Guay.

Comme je viens de vous le dire, M. Guay, étant donné que votre mémoire est à ce point complet et à ce point explicite, il n'est sans doute pas nécessaire d'approfondir la période de questions et réponses, et je vais me limiter à un, deux ou, au maximum, à trois aspects de votre mémoire.

La première considération que je voudrais vous soumettre, c'est la suggestion que vous faites quant au délai pour l'avis d'accident, le délai prévu dans la loi actuelle par rapport à celui qui est dans la loi 42 et qui passerait de 48 heures à 20 jours. Votre représentation ou votre demande, c'est de laisser les choses dans leur état actuel et de garder ce délai de 48 heures ou de 2 jours. Je voudrais simplement vous demander, M. Guay, si vous aviez, en formulant cette demande, tenu compte qu'il y a maintenant une disposition dans la loi qui fait en sorte que les 14 premiers jours sont, de toute façon, payés par l'employeur et, qu'à toutes fins utiles, si on tient compte de cette disposition des 14 jours, le délai passerait de 2 jours qu'il est actuellement à 6 jours? Les 14 premiers jours, ils sont de toute façon payés. Je me demandais simplement - peut-être que Me Bellemarre peut me donner une réponse là-dessus - s'il y a eu une relation ou une concordance qui a été faite entre la demande que vous nous soumettez et cette disposition du paiement des 14 premiers jours?

M. Bellemare (Marc): Si je peux me permettre de répondre à votre question, M. le ministre, je pense que dans l'esprit des recommandations qui sont contenues dans le mémoire, on fait une distinction entre le délai de 14 jours à l'intérieur duquel l'employeur doit verser les prestations - 14 jours suivant l'accident - et le délai à l'intérieur duquel l'employeur doit produire l'avis d'accident. Et je vais vous dire pourquoi. Premièrement, on sait que le traitement des dossiers à la commission prend généralement un temps assez long afin d'étudier l'ensemble des documents médicaux et également d'analyser les circonstances de l'accident. Souvent, les circonstances de l'accident vont faire en sorte que la relation à établir entre cet accident et la lésion subséquente peut être crédible ou non. Je pense qu'il est impérieux de maintenir une obligation de déclarer l'accident avec célérité, précisément pour permettre à l'employeur et au travailleur, dans la description du fait accidentel à l'aide de la

formule RA-1, parce que cette description suit le cheminement du dossier pendant deux ou trois ans si cela va jusqu'à la Commission des affaires sociales et cela constitue un élément de preuve important qui est généralement considéré avec toute son importance par les tribunaux qui sont appelés à statuer sur le cas. En attendant 20 jours, nous craignons que les faits de l'accident soient modifiés ou ne soient pas réellement fidèles aux circonstances réelles de l'accident. Par exemple, on parle de la pesanteur d'un poids qui a écrasé une jambe. On peut parler de la dimension d'un bout de bois avec lequel le travailleur a chuté. On parle de détails qui peuvent paraître insignifiants mais qui ont toute leur importance dans l'évolution du dossier. Notre crainte, c'est qu'en donnant 21 jours, les avis d'accident soient préparés le 40e jour suivant l'accident et qu'on n'ait pas toutes les données pertinentes.

D'ailleurs actuellement avec un délai de deux jours qui n'est pas vraiment respecté par la grande majorité des employeurs, dans les faits, c'est 20 jours. Je pense qu'on doit maintenir la loi à 48 heures pour obtenir un délai de 20 jours dans la pratique, plutôt que de prendre des délais de 20 jours et d'obtenir dans la réalité le décuple ou dix fois ce délai, ce qui nous donnerait 200 jours. Dans les faits, quelle garantie avons-nous que le délai va être respecté à 20 jours plutôt qu'à 2 jours comme dans l'ancienne loi?

M. Fréchette: Deux observations sur cela, M. Bellemarre. Je pense que le délai moyen dans l'état actuel des choses, c'est à peu près 16 jours, cela peut peut-être rejoindre 20. Dans certains cas, c'est plus de 20, dans d'autres, c'est moins.

M. Bellemare: Cela a diminué.

M. Fréchette: Voici l'autre observation que je voulais vous faire. En introduisant la politique des 14 jours et en greffant à cette politique le fait que l'employeur de toute façon sera remboursé pour le paiement qu'il aura fait de l'absence des 14 premiers jours, c'était d'essayer de faire en sorte d'éviter à l'employeur l'obligation de procéder dans un laps de temps relativement court à deux avis: un premier avis déclarant l'accident et, après l'expiration des 14 jours, un deuxième avis pour réclamer ses 14 jours. Ce à quoi nous pensions, c'était à un mécanisme qui aurait fait en sorte qu'à l'intérieur de 20 jours, donc entre le 14e et le 20e, un avis soit envoyé qui contiendrait les renseignements des deux situations: la déclaration de l'accident comme tel et la réclamation ou le remboursement pour le paiement des 14 premiers jours. C'est dans cette optique que la proposition est retrouvée dans la loi 42. Cela nous apparaissait rester à l'intérieur de limites quand même relativement raisonnables. C'est pour cela que c'était là.

M. Bellemare: Si je peux compléter ma réponse de tout à l'heure, à ce moment, on se demande pourquoi on n'a pas prévu un avis de 14 jours plutôt que de 20 jours? D'une part, je pense qu'il y a cette question qui ne trouve pas de réponse dans votre explication. Il y a également le fait que, de toute façon, l'employeur, de par sa position, défend économiquement les intérêts qui sont quand même différents de ceux du travailleur; on sait qu'automatiquement l'importance des prestations que le travailleur va obtenir va avoir une influence directe sur les cotisations que l'employeur paie. Il faut prévoir dans la loi des dispositions strictes et abréger au maximum les délais à l'intérieur desquels les avis d'accident doivent être déposés. Encore aujourd'hui, au Québec, malgré la sévérité du délai dans la loi actuelle, on sait qu'il y a un nombre important d'accidents du travail qui ne sont pas déclarés. Je pense que c'est à la base du système autant au plan statistique qu'au plan économique; il faut que tous les accidents du travail soient déclarés le plus fidèlement possible. Je ne vois pas pourquoi on ne maintiendrait pas le délai de 2 jours. Si dans la pratique cela prend 20 jours, alors on atteint le même objectif.

M. Fréchette: Cela va. Je souhaitais pouvoir entendre vos remarques et vos représentations. Vous m'avez éclairé.

Il y a deux autres chapitres que je voulais aborder mais je suis bien conscient qu'avec nos invités qui vous ont précédés on en a largement discuté, c'est la question de l'assistance médicale. Vous avez vu quelle est la suggestion des médecins qui vous ont précédés, vous avez vu également quelles ont été les paramètres de la discussion que nous avons eu, ici, autour de la table depuis un bon moment. M. Guay, ou M. Bellemarre, est-ce que vous avez des observations à faire par rapport aux deux positions dont je viens de parler, celle qui nous a été soumise par vos prédécesseurs immédiats à la table et celle dont on discute ici autour de la table depuis un bon moment?

M. Guay (Rosaire): M. le ministre, lorsque l'accidenté a passé son expertise devant les médecins de la Commission des accidents du travail, que ce soit Reinhardt ou Copty, - je pourrais vous en nommer d'autres - que la Commission des accidents du travail a pris une décision selon le rapport de leur expert, nous, dans notre organisme, on envoie l'accidenté chez un de nos experts. Le verdict ne nous arrive pas toujours pareil comme celui de la

Commission des accidents du travail, soyez-en sûr. Il y a un conflit entre la CSST et nous. Cela crée un conflit et c'est pour cela qu'il y a un tas de procédures qui s'engendrent, soit au bureau de révision, soit à la Commission des affaires sociales. Cela prend trois ans avant qu'une telle situation soit réglée. Or, en fait, pour couper au plus court, je demanderais un arbitre libre entre les deux médecins, qui soit nommé par le collège des médecins, mais qui ne soit pas attaché à la CSST ni à la Commission des affaires sociales.

M. Fréchette: Alors, M. Guay, je suis en train de réaliser que quand on met les alternatives les unes à côté des autres, cela va finir par être une simple question d'agencement par rapport aux modalités, parce que sur le plan des principes, il semble bien que tout le monde est d'accord sur au moins deux choses: la première de ces choses étant que la commission ne doit plus avoir ce pouvoir décisionnel final, d'une part, donc, des changements importants à l'article 132, et que, deuxièmement, l'instance décisionnelle finale soit une instance à vocation médicale et la décision de cette instance devrait lier la commission. Sur ces deux aspects, il me semble que pas mal de monde commence à souscrire à cette formule. Évidemment, il peut y avoir des divergences quant aux modalités, quant à la structure et quant à la façon de choisir, mais des deux principes fondamentaux, il me semble que plusieurs sont d'accord sur les deux choses dont je viens de vous parler. Enlevez à la commission la décision finale et retenez que la décision finale, c'est l'instance médicale qui l'adopte.

M. Guay (Rosaire): C'est cela.

M. Fréchette: L'autre aspect et le dernier, quant à moi, M. le Président, dont je voulais dire un tout petit mot, c'est toute la question des mécanismes d'appel. Je pense que vous y étiez aussi quand on en a discuté un peu.

M. Guay (Rosaire): Oui.

M. Fréchette: II y a de toute évidence des changements qui vont devoir être faits, c'est sûr. Maintenant, là où la discussion continue de se faire, là où les questions se posent, c'est sur les modalités qu'il va falloir retenir pour les mécanismes d'appel. Encore là, une chose qui apparaît certaine, c'est quelle que soit la structure qui sera retenue, il faudra que cette structure soit totalement et entièrement indépendante de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, politiquement indépendante, dans le sens le plus noble du terme. Pourquoi cela doit être comme cela? C'est évident qu'au fur et à mesure que les travaux ont progressé, l'accent a été mis là-dessus, parce que chez les gens qui doivent traiter avec la commission des accidents du travail se sont développés ces sentiments qu'on nous exprime assez spontanément depuis un bon moment qui font que l'atmosphère ou l'attitude des relations humaines n'est pas à son meilleur. Un des raisons pour lesquelles c'est comme cela - enfin, j'ai cru percervoir cette situation-là - c'est très précisément à cause des réserves qu'on a vis-à-vis du bureau de révision. Alors, cela me convainc davantage de la nécessité de trouver une formule qui fera en sorte que les matières appelables seront décidées par une instance autre qu'un organisme relié à la commission elle-même. (15 h 45)

La deuxième chose très importante aussi en matière d'appel, c'est qu'actuellement, vous pouvez aller devant la Commission des affaires sociales uniquement quand vous discutez de la justesse d'une indemnité, du quantum d'une indemnité ou du droit à l'indemnité. Vous ne pouvez pas aller devant la Commission des affaires sociales pour d'autres sujets.

Il y a pourtant des décisions qui sont rendues par la commission et qui ont des conséquences importantes sur les intérêts autant des travailleurs que des employeurs. Par exemple, une décision qui est rendue à la suite d'une inspection en termes de santé et de sécurité, une décision qui concerne l'employeur quant à sa cotisation, sa classification. Autant de matières dans lesquelles actuellement la commission décide, mais qui ne sont pas appelables à une instance extérieure.

L'autre avenue vers laquelle nous nous dirigeons, c'est de faire en sorte que toute décision de la commission puisse être portée en appel devant une instance extérieure à la commission elle-même. Je n'irai pas plus loin quant aux mécanismes de ces instances, mais ce sont les objectifs qui sont visés. À cet égard, je ne sais pas - j'ai dû m'absenter un peu ce matin - si c'est le genre de choses, du moins, quant au principe, que vous souhaiteriez voir introduites dans la loi, M. Bellemare, les matières appelables et l'instance elle-même.

M. Bellemare: D'accord. Dans le mémoire qu'on vous a soumis, vous remarquez qu'on est favorable à ce que la Commission des affaires sociales ou toute autre instance finale d'appel possède une juridiction totale et complète. On ne voit pas pourquoi, suivant le principe que vous venez d'énoncer qu'on partage à 100%, la Commission des affaires sociales ou le tribunal d'appel posséderait une juridiction limitée dans la mesure où on comprend que le principe qu'il faut que la commission soit assujettie à un contrôle judiciaire, je pense

qu'il est important de l'étendre à l'ensemble des matières qui sont de sa compétence.

Dans le projet de loi 42, je pense qu'il y a une petite faille à ce niveau. C'est qu'on ne reconnaît expressément que toutes les matières sont appelables et même que ce n'est pas le cas finalement, il y a des matières comme le retour au travail et l'assistance médicale qui ne sont carrément pas appelables, comme dans la loi actuelle. On demanderait que ce soit rectifié.

Maintenant, en ce qui concerne la nature du tribunal ou l'identité du tribunal comme telle, on a senti à travers vos arguments et les sujets que vous avez abordés depuis le début de la commission parlementaire qu'on semble s'orienter vers un tribunal nouveau qui pourrait être différent des tribunaux qu'on connaît actuellement, bureau de révision qui va être appelé à disparaître et la Commission des affaires sociales.

Permettez-moi de faire un bref rappel en arrière concernant la Commission des affaires sociales. Dans les premiers mois de l'élection du Parti québécois, en 1976, le gouvernement québécois a adopté une loi qui visait à doter la Commission des affaires sociales d'une juridiction d'appel en matière d'accidents du travail. C'était à la grande satisfaction de tous les intéressés autant du côté de la commission qui se disaient: Enfin, on va se faire confirmer par un tribunal supérieur et à la grande satisfaction également des élus et des accidentés qui disaient: Enfin, on va pouvoir se présenter devant quelqu'un d'indépendant.

Sauf que les années qui ont suivi ont démontré qu'il y avait quand même des politiques importantes en vigueur à la CSST qui ne correspondaient pas tout à fait à l'objectif visé par le législateur. Je pense, notamment, au problème de l'article 38.4 qui a pris une importance démesurée avec le temps. Le président de la FTQ parlait d'un budget de 40 000 000 $ qu'on allait sauver avec la loi 42 parce qu'on faisait sauter l'IRT, je pense que c'est le résultat ou l'aboutissement d'une démarche de la Commission des affaires sociales qui a fait ressortir cette carence au niveau de l'évaluation des incapacités permanentes. On en est tous fiers aujourd'hui que le tribunal d'appel qui s'appelle la Commission des affaires sociales ait finalement trouvé quelque chose de vicieux ou quelque chose d'anormal dans les procédures d'évaluation. Cela a été, je pense, le début d'une certaine difficulté dans les relations entre les deux organismes: CSST et la Commission des affaires sociales.

Par la suite, est venu le fameux recours collectif dont on a été les principaux instigateurs et qui demandait une réouverture massive des dossiers, je pense que cela a été de nature à faire ressortir encore la différence dans les évaluations entre les deux tribunaux. En 1982, il y a une décision de la Commission des affaires sociales qui déclarait que le règlement que la commission avait adopté le 20 décembre 1978 et qui porte sur le quantum ou le taux des déficits anatomophysiologiques, qui quantifiait les lésions - par exemple, qui dit: Pour un mal de dos tu as 2%, pour une main, tu as 25% et pour un oeil, tu as 18% - n'avait pas d'existence légale à partir du 1er janvier 1979. Cela est une décision de la Commission des affaires sociales. J'ai le dossier dans ma valise parce que je suis également dans ce dossier au plan judiciaire. C'est ce qui fait que la Commission des affaires sociales considère que le fameux règlement ne lui est pas applicable, pour les lésions qui seraient survenues à partir du 1er janvier 1979 jusqu'au mois de septembre 1982; le règlement ne serait pas applicable. Alors, on évalue les lésions elles-mêmes. Ce qui fait que dans les causes qu'on plaide, actuellement, à la Commission des affaires sociales, on n'est limité par aucun règlement, ni en ce qui concerne le déficit médical, ni en ce qui concerne l'inaptitude de retour au travail. Alors, c'est l'arbitraire total. Ce qui fait que, en pratique, on se fie sur n'importe quel barème et on en arrive à des taux d'incapacité beaucoup plus élevés. Je pense que cela n'a pas été, non plus - cette décision, qui déclarait le règlement légalement inexistant - de nature à améliorer les relations.

Par contre, ce qu'il faut retenir de tout cela, c'est que la Commission des affaires sociales a fait son travail. La commission a été honnête, objective et a rendu des décisions qui lui apparaissaient convenables. On tente, je ne sais pas par quel moyen, aujourd'hui, de soumettre une proposition qui viserait à créer un nouveau tribunal en laissant croire que ce nouveau tribunal réglerait les problèmes de délais ou les problèmes de fonctionnement qu'on connaît.

Je pense que le fait qu'il y ait, actuellement, plus de 4000 ou 4500 dossiers, qui sont en instance d'appel devant la Commission des affaires sociales, est un indice non pas de l'inefficacité de ce tribunal - parce que je pense qu'il est extrêmement populaire auprès de tout le monde, même les employeurs vont souvent à la Commission des affaires sociales quand ils sont insatisfaits de la décision de la commission - mais un symptôme de difficultés importantes et d'un très haut taux d'insatisfaction de la part des intéressés vis-à-vis de la CSST. Je pense qu'il y aurait lieu de maintenir la Commission des affaires sociales comme juridiction d'appel.

Une autre chose que je pourrais ajouter, c'est que la commission a développé, au fil des années, depuis 1977, une expertise

au plan médico-légal. On se présente devant des gens qui sont compétents, des médecins et des avocats qui ont une longue expérience dans le domaine de l'évaluation; ils connaissent les barèmes, la jurisprudence, les accidentés. Ils sont habitués dans le secteur médico-légal, l'approche vis-à-vis des dossiers, des problématiques vécues par les accidentés. Cela a pris sept ans pour développer cette expertise-là. Dans les premiers temps, à la Commission des affaires sociales, il y avait des gens qui ne connaissaient pas grand-chose là-dedans; ils ont appris avec le temps. Il y a des accidentés qui se sont familiarisés avec le processus devant la Commission des affaires sociales. C'est un tribunal qui est connu et qui fait un bon travail. Il y a également l'aspect que je pourrais peut-être appeler multijuridictionnel, si vous voulez; le fait que la Commission des affaires sociales possède des juridictions en matière de Régime de rentes du Québec, en matière d'assurance automobile, en matière d'aide sociale, en matière d'accidents de travail. Ce qui fait que, bien souvent, un seul individu peut avoir des difficultés dans les quatre domaines. Alors, l'approche vis-à-vis de la Commission des affaires sociales est beaucoup plus facile dans la mesure où il connaît le fonctionnement de ce tribunal.

On a très souvent des cas où l'accidenté a été victime d'un accident du travail, dans un véhicule automobile, et, par conséquent, qui réclame une rente d'invalidité, par exemple. C'est un cas type et il y en a plusieurs comme cela. Ils vont, à un moment donné, se ramasser devant la Commission des affaires sociales sous les trois aspects.

Si on crée un tribunal indépendant de cette structure, qu'on connaît déjà, et qu'on lui donne une juridiction en matière d'accidents du travail, on va prendre combien de temps avant d'être satisfait de la qualité des décisions rendues par le nouveau tribunal et les accidentés vont prendre combien de temps avant de se familiariser avec le système, qui est déjà extrêmement complexe? On sait que, au Québec, on a tellement de petits tribunaux, un peu partout, et que les gens sont tous mêlés; pourquoi on ne maintiendrait pas la commission et qu'on ne la développerait pas sous son aspect accident du travail, en nommant de nouveaux commissaires et en accélérant le fonctionnement des dossiers? Cela prend 25 mois, aujourd'hui, avant d'être entendu.

M. Fréchette: Remarquez, M. Bellemare, je suis bien disposé à vous suivre sur la piste que vous nous ouvrez. Mais, à partir du même raisonnement que vous nous soumettez, c'est-à-dire le temps nécessaire pour arriver à établir ou à retenir la culture de la philosophie générale de la santé et de la sécurité, combien de temps, dans votre estimation, cela va prendre à la Commission des affaires sociales pour établir cette culture, quand on pense à élargir la juridiction d'appel à tous les autres champs décisionnels de la commission?

M. Bellemare: Oui.

M. Fréchette: Cotisation, droit de retour, santé et sécurité, enfin les matières d'appel vont être sérieusement nombreuses maintenant.

M. Bellemare: Oui, oui.

M. Fréchette: Toujours à partir du même raisonnement que vous nous développez, c'est-à-dire le temps nécessaire à n'importe quel organisme de faire cette culture dont on parle, cela va aussi devenir une question importante.

M. Bellemare: Certainement, mais je pense qu'il y a quand même une connexité dans toute cette affaire. Tout ce dont vous me parlez en matière de réparation et de lésion professionnelle, c'est relié à une lésion, à une blessure. C'est bien souvent l'importance de cette blessure qui va conditionner ou justifier l'assistance médicale. C'est bien souvent la blessure qui va justifier des traitements de physiothérapie. C'est bien souvent la nature de la lésion qui va justifier le port de telle prothèse ou de telle orthèse. C'est bien souvent la nature de la lésion qui va déterminer si le travailleur est apte à faire le même travail ou non. C'est également en fonction de la nature de la lésion que le tribunal va être en mesure de déterminer si le travailleur est apte à faire le travail qu'on lui a suggéré. Il y a fondamentalement des relations tellement évidentes entre tous ces domaines que la Commission des affaires sociales ayant développé une expertise, je pense qu'elle va se familiariser, avec une facilité déconcertante, avec toutes les autres matières.

M. Fréchette: Cela va. Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre.

M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord vous remercier, M. Guay, de votre mémoire. Il est très précis, très clair. J'espère qu'il pourra influencer le ministre à apporter des amendements sérieux au projet de loi 42.

J'ai quelques questions, mais avant de les poser, j'aimerais porter ceci à l'attention

du ministre, comme vous l'avez fait. Vous avez mentionné l'article 103 du projet de loi qui fait suite à un article, c'est-à-dire les articles 101 et 102 en ce qui concerne les indemnités pour dommages causés à des vêtements en raison du port de prothèse ou d'orthèse. Il y a, à l'article 103, une franchise de 25 $ sur le montant de 300 $ par année qui serait alloué. Voici un autre exemple où on essaie de compliquer les choses pour des gens dont la vie est déjà compliquée, d'y ajouter une franchise de 25 $. Le montant de 300 $ par année est, je pense... Je ne suis pas en mesure d'évaluer si ce montant est équitable ou non. Imposer un ticket modérateur à des personnes qui sont dans une situation assez difficile, il me semble que c'est un autre article du projet de loi, M. le ministre, qu'on pourrait faire sauter complètement parmi tant d'autres, parce que celui-là est aussi aberrant que plusieurs autres.

Ma question plus précise est la suivante. À la page 29 de votre mémoire, vous semblez accepter le principe que certains coûts devraient être imputés non pas à l'employeur, mais à un fonds spécial. Vous parlez précisément d'un travailleur qui, dans une situation d'incapacité préexistante, trouve un emploi et peut avoir des difficultés. À cause de cette situation préexistante, on pourrait refuser de l'embaucher. Vous dites que les coûts de l'incapacité préexistante ne doivent pas être défrayés directement par l'employeur et qu'ils devraient être imputés à un fonds spécial. Est-ce que vous êtes également d'accord que d'autres mesures sociales du projet de loi devraient être imputées à un fonds spécial et non aux employeurs? (16 heures)

M. Bellemare: Écoutez! Si, dans le mémoire, il a été prévu qu'on demandait que la commission doive imputer à un fonds spécial ce qui peut être relié à une condition personnelle pour éviter que les travailleurs accidentés soient pénalisés en termes d'embauche, c'est parce qu'on pense que c'est le seul cas où cela devrait s'appliquer. Je réponds à votre question par la négative, parce qu'en matière de réadaptation sociale, de droit de retour au travail, je pense que c'est une conséquence très directe et très évidente de l'accident en soi que cela doit être assumé par l'employeur. Je pense que c'est l'ébauche élémentaire d'une politique de prévention qui fait que les cotisations augmentent avec le nombre d'accidents.

M. Cusano: C'est très clair. Vous mentionnez aussi à la page 32 qu'il est nécessaire de résoudre le fameux problème relié à l'article 38.4 de la présente loi. En toute connaissance de cause, vous dites que beaucoup de gens sont impliqués à cause de la mauvaise application de la loi par la

Commission de la santé et de la sécurité du travail. Vous suggérez deux choses. Vous dites que le problème à l'article 38.4 pourrait être résolu soit par le biais d'une indexation massive des rentes ou par une réévaluation systématique des dossiers. Si on vous donnait le choix, laquelle des deux, pensez-vous, serait la plus équitable et résoudrait un problème qui dure depuis longtemps?

M. Bellemare: Cela a été intégré dans le mémoire, mais lorsque j'ai entendu le président de la FTQ dire qu'on économisait 40 000 000 $ en abrogeant toutes les dispositions portant sur l'IRT, l'inaptitude de retour au travail, je pense que cela répondait en partie à la question de savoir si c'est pertinent de présenter une telle demande dans le mémoire, parce qu'on se demande si cela sera accepté. Finalement, ce qu'on demande là-dedans, c'est que la loi soit appliquée à tous les accidentés dès sa mise en vigueur. Je pense qu'on se situe plus loin que cela en ce sens que le projet de loi 42 ne reprend même pas la même disposition qui prévoyait et qui prévoit encore actuellement qu'il faut tenir compte de l'inaptitude de retour au travail. Avant de se demander si on va l'appliquer aux accidentés depuis 1931, on pourrait peut-être se demander d'abord si on va l'appliquer aux accidentés après que le projet de loi 42 soit adopté. Je ne sais pas si vous me suivez.

M. Cusano: Oui, je vous suis.

M. Bellemare: De la façon dont c'est parti, finalement, on aura vraiment appliqué l'article 38.4 et, tenu compte de l'aptitude au travail d'un travailleur du 1er avril 1980 jusqu'au moment où le projet de loi 42 soit adopté, parce qu'avant le 1er avril 1980, on n'en tenait pas compte et dans le projet de loi 42, on n'en tient pas compte non plus, cela aura été une bien mince victoire sur les 55 ans. Entre les deux finalement, je pense que le plus cher serait de rouvrir tous les dossiers. Cela va de soi. L'alternative, c'est une indexation massive. Dans la loi actuelle sur les accidents du travail, je pense qu'à l'article 39, on a déjà adopté, il y a quelques années, une disposition prévoyant une indexation massive, dans certains cas de 60%, pour de vieilles rentes qui ne correspondaient vraiment plus au coût de la vie. Dans ce cas-ci, on pense qu'en indexant d'un certain pourcentage toutes les rentes des accidentés qui ont été mal évalués, cela réglerait le problème, moralement et légalement.

M. Cusano: Très bien. Je vous remercie pour la présentation de votre mémoire.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le

député de Viau. Comme il n'y a pas d'autre intervenant, je remercie les représentants du Mouvement pour la défense des accidentés (es) du travail.

J'invite immédiatement l'autre groupe, les représentants qui veulent présenter un mémoire collectif des chargés de cours du programme santé et sécurité du travail, de la Faculté de l'éducation permanente de l'Université de Montréal. Les représentants sont M. Yves Clermont, avocat; M. André Desjardins, sociologue; M. Julio Fernandez, andragogue; M. Richard Goyette, licencié en droit; Mme Colette Hubert, ergonome; M. Guy Lachaîne, sociologue; Mme Francine Lalonde, historienne; Mme Georgia Lazarakis, infirmière; M. Florian Ouellet, relations industrielles et M. Michel Perreault, sociologue. Si vous voulez vous identifier.

Chargés de cours en santé et sécurité du travail de la Faculté

de l'éducation permanente de l'Université de Montréal

M. Ouellet (Florian): Si vous permettez. Florian Ouellet. Je coordonne le groupe. Je vais vous présenter les gens au fur et à mesure. Avant j'aimerais, au nom de tous mes collègues, vous remercier de l'honneur qui nous est fait de nous accueillir et de nous permettre de présenter notre point de vue sur le très important projet de loi 42. La façon de procéder qu'on a prévue, notre déroulement, d'abord on va essayer de ne pas vous donner un cours. On va essayer d'éviter cette formule même si on est tous des enseignants dans le programme santé et sécurité. Du moins, si on le fait, on va essayer de le faire à la façon de l'éducation permanente c'est-à-dire en tenant compte de vos expériences à vous autres aussi et en essayant d'apprendre avec vous autres. Le thème qu'on va traiter exclusivement est le thème de la réadaptation parce qu'on considère que c'est à la fois un minimum et la pierre angulaire aussi de tout bon régime d'indemnisation des victimes du travail.

On ne peut pas imaginer qu'il y ait un bon régime et qu'on s'occupe du sort fait aux travailleurs et aux travailleuses par le biais des accidents du travail sans qu'il y ait au bout du compte un très bon régime de réadaptation. Nos arguments, on va les présenter de la façon suivante. D'abord, Yves Clermont, où est-il, tu veux bien t'identifier.

M. Clermont (Yves): Avocat, chargé de cours au certificat de santé et sécurité du travail.

M. Ouellet (Florian): Yves Clermont va faire la lecture de notre court mémoire. Ensuite, André Desjardins, ici à mes côtés, va parler de réadaptation, définition, conception de la réadaptation. Il sait un peu de quoi on parle. Georgia Lazarakis va illustrer la négation du droit à la réadaptation en parlant tout particulièrement des personnes immigrantes. Ensuite, Francine Lalonde et Michel Perreault vont traiter de l'analyse des coûts économiques et des coûts sociaux de l'absence de réadaptation. Suivra, vous avez identifié nos deux chargés de cours, Guy Lachaîne qui va nous présenter des options de réadaptation eu égard à l'organisation du travail. Cela va? Colette Hubert, elle va nous parler d'ergonomie, des possibilités qu'offre l'ergonomie en matière de réadaptation. Julio Fernandez, qui est là et moi-même, allons faire le lien entre la réadaptation et la formation des adultes, cela va de soi. Richard Goyette et Yves Clermont vous présenteront une proposition, une suggestion d'amendement au projet de loi 42 qui rendrait effectif le droit à la réadaptation. Si vous me permettez, j'aurai le privilège de conclure rapidement à la suite de nos présentations et nous répondrons à vos questions. Si vous n'avez pas d'objection, on aimerait fonctionner comme cela, M. le Président.

M. Fréchette: Cela va très bien.

Le Président (M. Boucher): Allez-y, cela va très bien.

M. Ouellet (Florian): Tout de suite on passe à Yves Clermont.

M. Clermont: D'abord, l'introduction porte un titre qui, à notre avis, est très éloquent. De la fabrique de handicapés. Année après année, avec une constance et une régularité digne d'un mécanisme d'horlogerie bien huilée notre système industriel fabrique des travailleurs handicapés.

Alors qu'à une époque qui n'est pas si lointaine, le nombre de décès en milieu de travail choquait et impressionnait fortement l'opinion publique, on a assisté à un revirement, ces derniers temps. C'est le nombre de blessures graves qui attire désormais le plus l'attention. Peut-être s'agit-il uniquement d'une transformation attribuable à la conjoncture économique ou à une acceptation d'un phénomène jusque-là inacceptable?

Par suite de la transformation des modes de production, de l'apparition de la machinerie, de la mécanisation et de la division du travail, les accidents, lésions ou blessures, peu importe comment on les appelle, ont envahi manufactures, usines et chantiers.

Parallèlement à la production et à la consommation de masse de biens, de produits et de services, est apparue dans la société la production de masse de travailleurs handicapés. Les travailleurs victimes d'accident du travail qui ne peuvent plus

occuper leur emploi sont traités comme tout objet usé ou brisé par l'usage abusif. On ne leur accorde plus aucune valeur, et s'il est pour l'instant impossible de leur faire prendre le même chemin que les objets "rebutisables", il est du moins évident que notre société les marginalise à ce point que l'effet est bien souvent comparable. En somme, nos modes de production ont produit un phénomème d'exclusion sociale et de marginalisation des victimes de ces modes de production.

Si le régime mis en place par la récente Loi sur la santé et la sécurité du travail peut contribuer à mettre un terme à cette hécatombe, il n'en demeure pas moins que les résultats escomptés par l'application de cette loi n'apparaîtront que dans plusieurs années et que, d'ici là, le nombre d'exclus ne fera qu'augmenter.

Nous vivons dans une société qui se caractérise par sa productivité supérieure. Pour apprécier la valeur de cette société et son degré d'évolution, il faut s'interroger sur le sort réservé aux victimes de cette productivité.

Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui l'empêche de continuer à occuper son emploi se trouvera dans une situation particulièrement dramatique, que ce soit dans le cadre de notre régime actuel d'indemnisation ou en vertu des nouvelles dispositions proposées.

En matière de réadaptation, peut-on prétendre qu'il existe des classes de travailleurs handicapés? En d'autres mots, peut-on parler de discrimination? Oui, il existe des pratiques discrimminatoires; elles sont permises par l'anonymat et par les imprécisions du texte de loi actuel qui autorise l'arbitraire administratif sous le couvert d'une légalité formelle.

Nous prétendons que la loi actuelle est à l'origine de l'injustice qui règne aujourd'hui en matière de réadaptation, qu'elle est source de discrétion, de discrimination, et qu'il devient urgent pour le législateur d'agir afin de régulariser une situation qui n'a guère évolué depuis 1928. Un régime qui vise essentiellement l'indemnisation correspond peut-être à la mentalité de l'époque où il a été adopté, mais pas à la nôtre.

Sous les pressions sociales insistantes, le régime s'est quelque peu ajusté aux besoins des travailleurs handicapés par le travail. L'introduction de l'assistance médicale et d'une certaine forme de réadaptation sociale en constitue une certaine preuve.

Si le législateur a l'intention de répondre aux besoins de réadaptation, il doit se doter de moyens adéquats pour en garantir l'universalité et l'efficience; il se doit donc de légiférer de manière ferme et absolue. La mise en place et l'application cohérente d'un programme de réadaptation ne doivent comporter ni équivoque, ni expédient, ni palliatif.

On pourrait penser qu'effectivement, le législateur propose dans le projet de loi 42 un programme consistant et rationnel qui marque une amélioration considérable par rapport à la loi actuelle. Mais en réalité, le régime proposé, pas plus que le régime actuel, n'offrent de garanties nécessaires et suffisantes pour témoigner d'une volonté politique claire et déterminée d'améliorer le sort que l'on réserve aux travailleurs rendus handicapés par le travail.

Nous pouvons d'autant plus douter de cette volonté que l'article 140 du projet de loi 42 ne fait que légaliser les politiques existantes qui sont, en partie du moins, à l'origine du chaos actuel, pour ne pas dire K.-O.

Énumérons-en certains éléments. En ce qui a trait à la réadaptation sociale, le projet de loi conserve la même structure et réaffirme en grande partie la garantie de discrétion accordée à la commission; plus particulièrement, le chapitre VI instaure un régime, encore une fois, basé sur des politiques administratives; aucune précision n'est donnée quant à la durée du programme de réadaptation.

Les articles 138 à 144 du projet de loi 42 portent à équivoque quant à l'universalité du droit à la réadaptation. S'il arrive qu'avec le nouveau régime, la commission ne juge admissible que les travailleurs qui l'étaient déjà dans l'ancien, nous n'améliorons rien. Le droit à la réadaptation ne comporterait donc pas l'universalité de principe que semble lui conférer l'article 138. Cette limitation nous fait retomber dans l'arbitraire administratif que nous avons dénoncé. (16 h 15)

Permettez-moi de faire une lecture des articles 138, 139, 140, 141, 142, 143 et 144 qui traitent du régime de réadaptation. 138. Le travailleur a droit à la réadaptation que requiert son état en raison d'une lésion professionnelle en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle. 139. Dans l'exercice des fonctions qui lui incombent en matière de réadaptation, la commission peut: développer et soutenir les activités des personnes et organismes qui s'occupent de réadaptation et coopérer avec eux; évaluer l'efficacité des politiques, des programmes et des services de réadaptation disponibles; effectuer ou faire effectuer des études et des recherches sur la réadaptation; prendre toute mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle. 140. La commission doit pour assurer au travailleur l'exercice de son droit de réadaptation: dispenser ou donner accès à des services de réadaptation physique et psychosociale et d'assistance professionnelle; adopter une politique de réadaptation portant

sur le paiement des frais ou l'octroi de subvention pour permettre l'adaptation d'une résidence, d'un poste de travail ou d'un véhicule aux possibilités d'un travailleur handicapé en raison de sa lésion professionnelle et pour favoriser l'emploi d'un tel travailleur; adopter une politique de subventions pour favoriser l'embauche ou la création d'emplois pour les travailleurs victimes d'une lésion professionnelle; adopter une politique d'assistance financière pour couvrir les frais d'aide personnelle à domicile du travailleur incapable, en raison de sa lésion professionnelle, de prendre soin de lui-même. 141. La commission décide de l'admissibilité d'un travailleur à la réadaptation en tenant compte notamment de la gravité de sa lésion professionnelle et de ses effets sur la réinsertion sociale et professionnelle du travailleur. 142. La commission prépare un plan de réadaptation pour chaque travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'elle déclare admissible. 143. Ce plan de réadaptation comprend notamment, selon les besoins du travailleur: un programme de réadaptation fonctionnelle, médicale, sociale et professionnelle; un programme d'intégration sociale et professionnelle; un programme de formation professionnelle; un programme de retour en emploi. Ce plan peut-être modifié pour tenir compte de circonstances nouvelles.

Finalement 144. La commission peut prendre des mesures pour faciliter la réadaptation d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle ou d'un travailleur qui a droit à une indemnité de remplacement du revenu, en raison de l'exercice de son droit au retrait préventif prévu par la Loi sur la santé et la sécurité du travail en vue de prévenir une éventuelle rechute reliée à son emploi.

Quant aux droits et aux garanties du bénéficiaire, ils ne sont pas considérés dans le projet de loi 42.

Afin de mieux comprendre sa situation, le travailleur handicapé qui s'adresse à la commission n'est pas à la recherche d'un centre de main-d'oeuvre ou d'un service de placement - j'ajouterais même d'une garderie - il a pour objectif de retourner au travail. À cause des conséquences physiques, psychologiques et sociales, familiales et autres, résultant de la lésion dont il a été victime, sa situation a changé. Certains s'en sortiront après avoir passé un dur moment allant même jusqu'à la "sinistrose". Pour d'autres, c'est comme si le monde s'était effondré. Nombre de travailleurs sont désorientés.

Le travailleur handicapé se trouve "dépossédé" de son problème, et ce n'est pas uniquement parce que la CSST le prend en charge et adopte des méthodes protectionnistes à son endroit, mais bien parce qu'il se voit placé dans une situation où il n'est même pas en mesure de comprendre ce qui lui arrive, et les conséquences réelles de son accident. Nombre d'accidentés ne savent pas exactement ce dont ils souffrent, ni comment vivre avec leur handicap, ni encore le degré d'incapacité fonctionnelle qui les afflige, si ce n'est pas un pourcentage qui en soi, ne veut rien dire. Ce n'est pas que les travailleurs soient incapables de comprendre, c'est tout simplement qu'on ne leur explique pas ce qu'il leur arrive.

Les travailleurs les plus exposés à des accidents graves sont très souvent ceux qui n'ont, pour gagner leur vie, d'autres choix que l'usine ou le chantier. Ils sont peu scolarisés et, dans la majorité ds cas, n'ont qu'une expérience de travail limitée. Ils sont réellement défavorisés par le régime et cette défaveur s'accentue avec le vieillissement.

Ainsi ces derniers se voient offrir des programmes axés sur la recherche d'emplois, d'une durée d'un an. Ces emplois sont généralement les moins rémunérateurs et les plus dévalorisants.

Quant aux protocoles conclus entre la commission et les accidentés, ils sont trop souvent négligés; un accidenté peut même se faire répondre sans vergogne que son protocole n'a aucune valeur.

Les services de réadaptation ne se donnent souvent pas la peine de faire de longues recherches: ils offrent aux accidentés un emploi de garde de sécurité. À de nombreuses reprises, nous avons constaté que le travailleur, après avoir subi un lourd préjudice, voit diminuer constamment son niveau de vie.

La commission ne s'intéresse pas véritablement aux capacités résiduelles du travailleur; elle achète son temps pendant un an ou deux. D'une part, la société se trouve ainsi privée d'un potentiel important et, d'autre part, le travailleur perd tout sentiment d'appartenance et d'estime de soi.

Les fameux programmes de réadaptation. Partant de la conception que nous venons de dénoncer et qui risque de se perpétuer par l'adoption du projet de loi 42, nous risquons également de perpétuer les défauts majeurs des programmes actuels de réadaptation.

Le plus connu est sans doute le programme de recherche d'emploi; le travailleur reçoit une assistance financière pendant la période où il est à la recherche d'un nouvel emploi.

Nous avons des réserves quant à la légalité de ce programme qui irait à l'encontre du paragraphe a de l'article 3 et de l'article 42 de la loi actuelle sur les accidents du travail.

Nous estimons que, tout au long du processus de réadaptation, le travailleur a

droit à une indemnité pour incapacité totale temporaire.

La loi ne reconnaît, en effet, que deux régimes d'indemnité, l'un temporaire et l'autre permanent. La réadaptation ne pouvant être assimilée à un régime d'indemnité, il apparaît évident qu'elle doit s'y ajouter.

D'autres programmes semblent également contrevenir à la loi, notamment le régime de stabilisation économique, qui vise à assurer au travailleur une stabilité économique qui lui permette de conserver un emploi approprié à ses capacités, mais dont le salaire est inférieur au salaire gagné dans l'emploi occupé lors de l'événement ayant donné droit aux prestations. Ainsi, elle permet au travailleur de maintenir des conditions de vie comparables à sa situation préaccidentelle. C'est ce que nous retrouvons dans le Manuel de politique de la réparation, à la section 5.5 de la page 1.

Il en va de même du programme de stabilisation sociale. Pour bénéficier des dispositions prévues par la présente politique, le travailleur doit satisfaire aux conditions suivantes: répondre aux conditions générales d'admissibilité en réadaptation; être incapable de reprendre le travail au cours duquel il a été blessé; pouvoir difficilement s'adapter à quelque autre occupation rémunérée appropriée.

Ces programmes, de même que les modalités d'évaluation de l'inaptitude à reprendre le travail (IRT), visent essentiellement à soustraire de l'application de la loi les travailleurs les plus démunis, ceux qui souffrent des plus grands handicaps.

Le régime de réadaptation qui, à notre avis, est lui aussi illégal, a pour effet de priver les accidentés de sommes auxquelles ils sont admissibles. Il n'en est pas moins appliqué par la commission. En effet, le mode de calcul de l'IRT doit être établi par règlement, mais la commission qui a vu son projet de règlement refusé par le gouvernement a décidé de l'utiliser quand même sous forme de directives, soit sa politique relative à la réparation sociale et professionnelle, évaluation de l'inaptitude à reprendre le travail.

Nos recommandations. Voici les mesures que nous proposons.

Que les droits et modalités d'admissibilité des bénéficiaires soient précisés par la loi;

Que les articles afférents à la réadaptation sociale soient rédigés de manière à éviter toute confusion;

Que les pouvoirs en matière de réadaptation soient clairement déterminés par la loi et non pas par le moyen de directives, manuels d'opération, guides, politiques administratives, comme c'est le cas actuellement; quant au paragraphe d, nous le biffons;

Que toutes les dispositions de la loi, y compris le régime de réadaptation, soient assujetties à un mécanisme de révision et d'appel, c'est-à-dire bureau de révision ou/et Commission des affaires sociales.

En somme, nous soutenons que la réadaptation pose des problèmes d'une envergure sociale qui déborde les considérations individuelles, patronales, syndicales, médicales, etc. Ces problèmes nécessitent une prise de position qui rejoint l'intérêt supérieur de l'ensemble de la collectivité.

Pour illustrer notre propos, nous citons un passage d'une recherche effectuée à l'Université de Montréal sur la problématique syndicale de l'intégration au travail des personnes handicapées: "Un gain sur la question de la réintégration des travailleurs handicapés pourrait être une porte ouverte à l'intégration. Dans la mesure où l'on réussira à avoir une force suffisante pour faire adapter des postes de travail à des accidentés du travail pendant leur période d'emploi, on réussira à créer des conditions qui permettront à certaines personnes handicapées d'accéder au marché du travail plus facilement. Dans la mesure où l'on réussira à faire réintégrer les travailleurs handicapés, les autres personnes handicapées en profiteront parce qu'on aura réussi à affaiblir les préjugés par rapport aux personnes handicapées. En ce sens, la réintégration peut être un modèle d'action pour ébranler les préjugés. La question de la réintégration est également mieux connue des organisations syndicales et, à ce niveau, le terrain semble plus propice pour sensibiliser les membres. Mais si le mouvement syndical ne réussit pas à faire réintégrer les travailleurs accidentés, à obtenir l'adaptation des postes de travail, comment réussira-t-il la bataille pour les autres personnes handicapées?

Nous avons montré, au chapitre II, que, à ce niveau, les organisations syndicales se heurtent aux employeurs et à l'État. Les employeurs et le gouvernement interpellent le mouvement syndical sur la question de l'intégration alors qu'eux-mêmes n'ont pas fait la preuve de la volonté de réintégrer les travailleurs handicapés. Face à cela, d'aucuns se demanderont si la cause des personnes handicapées n'est pas utilisée pour sabrer dans les droits acquis des travailleurs; l'État demande aux travailleurs de faire des concessions sur leurs acquis, alors qu'il n'exige que la bonne volonté des employeurs pour intégrer au travail les personnes handicapées.

Nous soutenons que certains droits élémentaires doivent être inscrits dans le projet de loi afin de fournir aux travailleurs handicapés les garanties minimales suivantes: Le droit strict pour tout bénéficiaire à la réadaptation sociale que nécessite son état,

en raison d'une lésion professionnelle; le droit, pour tout travailleur, à une indemnité de remplacement de revenu tant qu'il n'a pas réussi à surmonter le handicap causé par la lésion professionnelle; le droit, pour tout travailleur, de bénéficier de tous les avantages prévus au régime tant qu'il n'a pas retrouvé son équilibre physique, psychique et financier préalable; le droit, pour tout travailleur, d'être admissible à la réadaptation sociale, tant qu'il n'a pas surmonté les conséquences qu'entraîne, pour lui, une lésion professionnelle.

À titre de conclusion, notre intervention ne vise qu'un seul but: nous voulons que l'accidenté du travail puisse bénéficier de services de réadaptation professionnels, outre des indemnités financières ou une assistance médicale.

Le bilan des dernières années, quant au sort réservé aux travailleurs victimes d'accidents et de maladies du travail, n'a rien de positif. Au contraire, il jette un discrédit sur l'administration et ressemble plus à un système de camouflage d'une réalité sociale qu'à un programme social.

On ne peut plus justifier que, jour après jour, des travailleurs qui, initialement, apportaient leur contribution dans divers domaines, se trouvent ainsi exclus de la société.

On ne peut plus ignorer cette masse grandissante de citoyens qui n'ont plus les moyens de s'intégrer à la société et de se prévaloir de tous les droits que cela représente.

D'ailleurs, notre société n'a pas les moyens de se priver de tant de talents et de compétences. Elle ne peut pas se permettre de compenser, par des services accessoires, le rôle que la commission ne joue pas.

En somme, nul n'a encore eu la volonté ou le courage politique de prendre des mesures précises pour assurer aux travailleurs handicapés l'accès à une vie normale. Et l'on ne sortira pas de cette impasse tant que les autorités gouvernementales ne prendront pas, en la matière, une position ferme qui débouchera sur des mesures précises, capables de corriger une situation que l'on a trop souvent laissé se détériorer.

Est-ce trop demander? Non, bien au contraire. Le régime actuel est ruineux pour les premiers concernés, pour les institutions et pour la société toute entière. La ressemblance entre le régime proposé et celui que nous dénonçons nous fait craindre le pire: la perpétuation du gaspillage humain, social et économique que nous connaissons depuis trop longtemps.

M. Ouellet (Florian): Je vous remercie. Je passe tout de suite la parole à André Desjardins sur la question de la réadaptation, définition, conception et ainsi de suite. (16 h 30)

M. Desjardins (André): Merci, Florian. Mesdames, messieurs, mon propos consistera, essentiellement, à bien souligner, d'une manière globale, et en abordant la problématique de fond, l'importance primordiale et le rôle central de la réadaptation dans le processus de réintégration au travail des travailleurs devenus handicapés à la suite d'un accident du travail ou à l'acquisition d'une maladie industrielle.

Vous n'êtes pas sans savoir que le genre de société dans laquelle nous vivons, l'intégration au travail, c'est-à-dire le statut socioprofessionnel d'une personne est le pilier central de toute son intégration sociale et du reste de son existence. C'est donc l'idée que les conséquences d'une perte d'emploi ou d'une rétrogradation importante dans l'emploi sont très graves pour l'individu, sa famille et aussi pour le reste de la société. Il y a une polémique actuelle et même peut-être qu'elle date de quelques années maintenant qui dit, comme cela, qu'étant donné que nous vivons dans une société à haute technologie où le travail devient de moins en moins important en ce sens que cela prend de moins en moins de travail humain pour faire fonctionner l'ensemble de la machine sociale, il serait peut-être temps de penser à faire en sorte que le travail en soit plus tellement comme il l'est depuis un certain temps, depuis longtemps le pilier social de l'intégration au travail des individus et le facteur principal de valorisation de l'individu.

Écoutez, on n'approfondira pas le sujet ici. Il y en aurait pour des heures. Je veux tout simplement dire à propos de cela que si vraiment nous voulons modifier ces valeurs, il faudrait quand même veiller à ce que dans cette société dite de loisirs cela prend très peu de travail humain pour faire fonctionner l'ensemble de la machine. Il faudrait peut-être veiller à ce que l'éventuelle minorité de ceux qui auront un emploi ne devienne pas une nouvelle élite avec de nouveaux privilèges dont celui d'avoir une vie décente comparé à une masse de non-travaillants qui elle connaîtrait une situation bien déplorable. Cela dit, si on parlait un peu des coûts familiaux et sociaux de la perte de l'emploi ou d'une rétrogradation importante. Certains de mes collègues ici présents vont en parler dans le détail, mais on sait tout de suite que le chômage et, par la suite, l'aide sociale, cela coûte cher non seulement en impôt, mais aussi en misère humaine, en détérioration des milieux familiaux avec toute la panoplie des conséquences bien connues, alcoolisme, délinquance des enfants de familles... et j'en passe.

Ces coûts sociaux et familiaux deviennent probablement, selon moi, d'autant plus importants lorsque la perte d'emploi est causée par l'acquisition de handicaps graves ou relativement graves par les travailleurs,

parce qu'alors cela ajoute le facteur du traumatisme du handicap acquis chez l'individu lui-même qui l'a acquis et dans son milieu familial. Si on parlait maintenant un peu de ce fameux choc qui succède à l'acquisition de handicaps. La question est relativement complexe, mais pour résumer un peu disons que le travailleur devenu handicapé, contrairement à la personne handicapée dès sa naissance et sa tendre enfance, sa problématique à lui pour ce qui est de l'intégration au travail est d'une certaine façon moins grave que celle du handicapé de naissance ou de celui qui le fut dès sa tendre enfance, parce que son intégration sociale est déjà faite. Il a déjà un milieu familial; il a déjà certains acquis; il a appris à se comporter convenablement dans la société de telle sorte qu'il a pu tirer son épingle du jeu, etc., ce qui n'est pas le cas du handicapé de naissance ou de celui qui le fut dès son enfance qui part de zéro de ce côté, étant donné qu'il a été toujours relativement exclu des réseaux sociaux normaux; mais le problème de l'accidenté du travail, c'est son choc. C'est beau de dire que son intégration sociale est déjà faite, mais comme je l'ai mentionné tantôt, on vient de lui enlever le pilier central de cette intégration. Autrement dit, tout à coup tout son édifice s'effondre, et c'est vraiment atroce la plupart du temps. C'est justement à cause de ce choc et de cette destruction qu'on peut espérer momentanée, mais qui hélas! trop souvent est permanente, de tout l'édifice socioprofessionnel et familial d'un individu, c'est à cause de la gravité de ce choc et de toutes ses implications que la réadaptation prend toute son importance, parce que la réadaption veut dire tout simplement de réadapter un invididu qui était déjà adapté, mais qui ne l'est plus, autrement dit de réparer les dégâts, de recoller les pots autant que faire se peut.

Il y a l'aspect physique. Il faut, comme on le dit communément, d'abord le "repatcher" physiquement. C'est tout un contrat, surtout dans les cas d'accident grave. Je vais vous donner un exemple. On estime que la réadaptation complète et fonctionnelle d'un paraplégique total est au minimum de deux ans, si ce n'est pas trois. Pourtant, la paraplégie, c'est-à-dire la paralyse totale des membres inférieurs à la suite d'une brisure de la colonne vertébrale au niveau des reins n'est pas le handicap le plus grave, même si la victime se retrouve en fauteuil roulant et qu'elle a des espèces de paralysies multiples à cause de brisures variées le long de la colonne vertébrale qui font que l'individu est pour ainsi dire X, Y, Z, sans vouloir faire de... Cet individu est encore beaucoup plus difficile à réintégrer, à soigner et à réadapter qu'un paraplégique total.

À l'aspect physique s'ajoute l'aspect social de la réintégration. Cela prend des travailleurs sociaux, des psychologues, un tas de ressources pour aider l'individu à se remonter du traumatisme occasionné par l'acquisition d'un handicap et surtout d'un handicap grave. Là, il est même question de plus de trois ans avant de réussir à reconstruire un individu de telle sorte qu'il devienne aussi fonctionnel qu'avant malgré son infirmité acquise. On va me dire que tout cela est bien beau, que ce sont des arguments qu'on a appelés humanistes, etc. En principe, tout le monde est d'accord avec l'énoncé selon lequel la réadaptation devrait être la plus complète possible, mais cela coûte trop cher.

Je veux terminer mon exposé en disant que, comme nous allons aussi le démontrer lors des exposés suivants, nous sommes d'avis que l'absence ou l'incomplétude de la réadaptation coûte encore plus cher à la société que de se payer le luxe, qui n'en est pas un, selon nous, d'une véritable et complète réadaptation dans le but de la réintégration à l'emploi. Merci.

Une voix: Merci, André. Le Président (M. Boucher): Merci.

Une voix: Mme Georgia Lazarakis. Le Président (M. Boucher): Allez-y.

Mme Lazarakis (Georgia): Permettez-moi, M. le Président, de dire quelques mots à l'intention des travailleurs non syndiqués et surtout des travailleurs immigrants parce qu'ils sont des travailleurs peu connus par la grande majorité des Québécois et des Québécoises.

C'est bien connu que les travailleurs non syndiqués constituent les deux tiers de l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise. Les deux tiers de ces travailleurs se retrouvent seuls, la plupart du temps, pour négocier leurs conditions de travail et leurs conditions de santé et de sécurité. Ce n'est pas un hasard que, dans cette catégorie, on trouve les travailleurs les plus démunis, les travailleurs qui sont peu informés ou mal informés, et leurs conditions de travail sont inférieures à celles des travailleurs syndiqués.

Ce n'est pas non plus un hasard que, dans cette catégorie, on retrouve la majorité des travailleurs immigrants qui exécutent les travaux les plus durs et les plus pénibles. Ces derniers, à cause des barrières linguistiques, se dirigent la plupart du temps là où le travail est à la pièce, là où les conditions sont pénibles et les conditions de santé et de sécurité sont inexistantes. Je pourrais vous donner certains exemples très brefs. Une dame m'a dit: II n'y a pas un jour où je suis allée à mon travail sans pleurer. Il y en a une autre qui travaille au

rendement et qui m'a dit: Chaque fois que la machine se brise, je commence à avoir des crampes dans l'estomac. Il y en a une autre qui m'a dit: J'ai peur d'aller aux toilettes parce que j'ai peur d'être congédiée. Pour les deux tiers des travailleurs, le projet de loi 42 représente une possibilité, mais la forme présente ne laisse pas beaucoup d'espoir.

J'aimerais parler de l'aspect du retour au travail, parce que je trouve que c'est très important et cela touche beaucoup de travailleurs non syndiqués, surtout des travailleurs immigrants. Le projet de loi 42 prévoit le retour au travail de la victime d'une lésion professionnelle dans l'établissement où elle exerçait son emploi avant son accident. Il s'agit d'un droit de réintégration à son emploi avec le salaire et les avantages dont elle bénéficierait s'il n'y avait pas eu arrêt de travail.

Le droit de retour au travail est assuré pour une période d'un an si elle occupait un emploi dans un établissement comptant 20 travailleurs au début de sa période d'absence ou de deux ans si elle occupait un emploi dans un établissement comptant plus de 20 travailleurs au début de sa période d'absence. Il semble que les droits des victimes des lésions profesionnelles dépendent du nombre de travailleurs dans l'établissement. Présentement, 30% des travailleurs québécois travaillent dans de petites entreprises. Aussi, on sait que le nombre de non-syndiqués dans les petites entreprises est plus élevé. Alors, de mon point de vue, je pense que cet article, particulièrement, s'applique aux travailleurs les plus démunis. (16 h 45)

Je me pose la question suivante: Qu'arrive-t-il si le travailleur doit s'absenter plus longtemps qu'une période d'un an? Pourquoi existe-t-il cette distinction entre les travailleurs qui travaillent dans les grandes entreprises par rapport à ceux dans les petites entreprises? Comme j'en parlais au début, les conditions de travail sont plus pénibles, ils font un travail manuel, alors ils sont plus vulnérables aux accidents. Évidemment, ces accidents n'apparaissent pas dans les statistiques de la santé et de la sécurité parce que ces gens ne les déclarent pas à cause des problèmes linguistiques. Il n'y a pas non plus de recherche faite dans ce domaine, alors on n'a pas grand-chose pour vous le démontrer. Cependant, il y a une étude de statistiques qui s'est faite en Allemagne fédérale; elle démontre que le taux d'accidents pour les travailleurs étrangers est 250 fois plus haut que pour les travailleurs allemands.

Cette situation n'est pas la même ici, mais on pourrait considérer quand même que c'est semblable. La raison est celle-ci: C'est que, d'abord, à cause de la barrière linguistique, les travailleurs ne peuvent pas lire les étiquettes, ni les instructions. La deuxième chose, c'est que les travailleurs étrangers occupent les emplois les plus dangereux, ceux que les Allemands refusent. Je considère qu'il se produit exactement la même chose chez les travailleurs immigrants au Québec.

Aussi, on sait bien que les accidents sont plus graves chez les immigrants parce qu'ils font les travaux les plus dangereux et des travaux manuels. Alors, l'application de l'article 147 peut forcer le retour au travail prématuré et, par conséquent, faire augmenter les risques d'aggravation de l'état de santé des victimes de lésions professionnelles.

Aussi, le projet de loi 42 refuse le droit de retour au travail pour les travailleurs qui n'ont pas trois mois de service continu et à ceux qui n'ont pas un contrat de travail déterminé. Alors, le projet de loi exclut les travailleurs de la construction, les travailleurs saisonniers et aussi les travailleuses qui travaillent dans les ateliers de couture, car ils ferment continuellement.

Aucun programme de réadaptation et de retour au travail ne peut être efficace sans suivi. Chez les syndiqués, on pourrait considérer que le syndicat pourra obtenir de donner un support minimal; mais je vous pose cette question-ci: chez les non-syndiqués, qui peut assurer ce rôle? On sait très bien que les conditions les plus pénibles existent dans les milieux non syndiqués. Je suis très pessimiste pour une réadaptation harmonieuse de la victime d'une lésion professionnelle dans son milieu, surtout s'il n'y a pas un suivi du programme de réadaptation.

Je voudrais aussi vous poser une autre question: est-ce que vous avez trouvé une formule de réadaptation pour les travailleurs unilingues immigrants? Dans les cas de retour au travail des victimes de lésion professionnelle, le projet de loi ne prévoit aucun remplacement des revenus si l'entreprise a fermé ses portes. En effet, les non-syndiqués, qui travaillent en grande majorité dans les petites entreprises, sont les plus menacés par les fermetures. Je vous donne un exemple, juste pour illustrer ce propos. Une travailleuse, dans la confection du vêtement pour dames, victime d'une lésion professionnelle, se retrouve, à la suite de la fermeture de son atelier de couture, avec son handicap sur le marché du travail. Les chances de trouver un emploi sont minimes. Mais si, en plus, c'est une travailleuse immigrante, les chances sont inexistantes. La seule possibilité qu'elle peut envisager, c'est l'aide sociale avec toutes les conséquences qui s'y rattachent. Je vous remercie de votre attention.

M. Ouellet (Florian): Si Georgia dit qu'il y a une différence entre les travailleurs

syndiqués et non syndiqués, si j'en crois les mémoires des centrales syndicales, il ne semble pas que ce soit encore là l'idéal. Imaginez un peu qu'est-ce que c'est pour ces personnes immigrantes?

Je passe la parole à Francine et à Michel sur l'aspect des coûts.

Mme Lalonde (Francine): Bonjour! On a parlé, dans le mémoire, de la discrétion administrative et des droits que nous voulons assurer contre cette discrétion administrative. Il nous semble en effet que dans la période que nous vivons, peut-être en particulier, la discrétion administrative risque d'être la porte ouverte aux économies. Il est évident qu'il existe une certaine pression sociale relativement à l'économie, mais il nous semble qu'il faut argumenter et lutter contre cela. Les compagnies, les entreprises font valoir que les coûts qui leur incombent sont trop importants. Michel Perreault va parler de coûts dont elles ne parlent pas et dont elles devraient parler qui sont plus grands encore.

Je veux dire, quant à moi, quelques mots sur les coûts qui incombent à l'individu qui est touché et les coûts qui incombent à l'ensemble de la société.

Je pense que c'est de ceux-là dont il faut parler pour justement affirmer et réaffirmer le droit à la réadaptation. En l'absence de ce droit effectif il y a un gaspillage social inacceptable.

André a dit tantôt le drame individuel que constitue pour l'individu un accident grave, une maladie. Permettez-moi d'insister sur le trauma, l'isolement, l'inquiétude, les drames individuels et familiaux. Tout le monde connaît des travailleuses ou des travailleurs qui ont eu des problèmes énormes à la suite de cela, des enfants qui ne l'endurent pas. Il y a bien sûr la perte d'intégrité physique. Souvent la perte d'emploi qu'on n'est pas capable de retrouver, une manière de déqualification sociale générale - il y a des études qu'on n'a pas besoin de nommer ici, qui l'ont montré à satiété - et également un handicap à surmonter. Alors, il nous semble que les coûts pour la réadaptation ne peuvent pas être vraiment mis en opposition au fait qu'un individu qui loue sa force de travail, du fait qu'il a un accident dans ce cadre, se voit ensuite déqualifié socialement. Il peut devenir un individu de deuxième ou de troisième zone. Il nous semble qu'il est normal que la Mutuelle d'assurances des employeurs assume les moyens d'une complète réadaptation socioprofessionnelle avec le maintien du revenu.

La société maintenant. On a évalué récemment que le chômage comporte un coût important. Le chômage au Québec qui est beaucoup plus élevé que dans la plupart des provinces canadiennes comporte un coût. Un coût non seulement parce qu'on doit défrayer le coût des prestations d'assurance-chômage ou du bien-être social après l'assurance-chômage, mais également une perte économique. Quand les chômeurs deviennent -parce qu'ils sont handicapés et qu'on ne les aide pas à surmonter leur handicap - des chômeurs définitifs, cette perte devient elle aussi définitive.

Le régime public sous une forme ou sous une autre assume déjà beaucoup des effets consécutifs au travail chez les travailleurs. Nous savons tous qu'il y a une série de maladies non reconnues qui a l'effet du vieillissement, l'effet simultané de plusieurs agents agresseurs qui éliminent du marché du travail à toutes fins utiles des travailleuses et des travailleurs bien avant terme et qui se retrouvent sur le bien-être social après une période d'assurance-chômage. Il y a des travailleurs accidentés qui émargent aussi au budget déjà de l'assistance sociale et il y a tous les effets sociaux liés aux accidents pour la famille. Une famille qui perd - on n'entrera pas dans le détail, mais cela arrive souvent - son revenu principal, de ce fait, non seulement le père et la mère, mais l'ensemble des enfants, peuvent se retrouver vraiment dans une situation extrêmement difficile, de sorte que la société toute entière, par le biais de l'ensemble des autres régimes, doit payer. C'est pour cela qu'il nous importe d'affirmer le droit à la réadaptation, non seulement pour des motifs humanitaires, mais aussi pour des motifs sociaux. Le travailleur qui n'a pas été aidé à surmonter son handicap devient souvent un chômeur définitif, souvent un assisté social. Il me semble qu'il y a des économies à court terme qui deviennent des gaspillages à long terme, surtout dans une période de chômage élevé.

M. Perreault (Michel): J'aimerais aborder un peu l'angle de la prévention, la relation entre les coûts d'un régime de compensation et de réadaption - d'ailleurs, on veut insister sur la réadaptation - et la prévention et essayer de regarder les coûts sous une autre approche. Normalement, ce qu'on peut essayer de prévoir, c'est une augmentation de la prévention, si on arrive à prévenir les accidents et maladies du travail, qui devrait amener un baisse au niveau des coûts de la réparation, de la réadaptation. C'est un argument qui semble irréfutable. C'est un peu dans ce sens qu'au Québec on a légiféré dernièrement avec le projet de loi 63, mais cette relation entre la prévention et la réparation semble, lorsqu'on examine d'autres faits, un peu simple. Il semblerait plutôt qu'il y aurait une relation, une augmentation jusqu'à un certain point des coûts de la réparation qui pourrait amener une augmentation de l'investissement dans la prévention qui, ultimement, devrait amener

une baisse dans la réparation.

Si on regarde plusieurs études, le moteur principal de la prévention réside en grande partie dans les coûts ou dans la couverture du régime de réparation, indemnisation réadaptation. Entre autres, une étude récente de Jessica Pearson, qui a été faite pour le compte de NIOSH aux États-Unis et qui portait sur la réduction des effets des radiations dans les usines de mines d'uranium a démontré qu'en plus d'une réglementation plus sévère, le principal facteur de la diminution ou de l'élimination des dangers pour les travailleurs résidait dans un meilleur régime de compensation. Je la cite. C'est ma traduction: Notre étude confirme l'observation fréquente que les intérêts des gens non organisés sont pris en compte seulement quand leurs maladies sont traduites en termes de coût monétaire. Notre étude suggère que les différentes agressions sur l'environnement et l'individu recevront la considération qu'elles méritent seulement quand elles cesseront d'être supportées, payées, de façon cachée par le grand public et qu'elles entreront dans l'équation des gains de la perte économique.

En réalité, lorsqu'on regarde cela, pour une entreprise, faire de la prévention nécessite un investissement. Cela coûte de l'argent. Plusieurs facteurs peuvent être pris en considération pour justifier de tels investissements. Un des premiers facteurs sont évidemment la hausse de la production. Il est prouvé - il y a plusieurs méthodes de calcul pour cela; vous en avez sûrement entendu parler; il y a celle du contrôle des pertes - qu'en éliminant, en prévenant les accidents, on économise énormément d'argent au niveau de la production, on élimine plusieurs arrêts de travail, des arrêts de production; on élimine tous les coûts de remplacement de la main-d'oeuvre; on élimine ultimement aussi les arrêts de travail ou les sabotages qui sont dus à des conditions de travail trop défavorables. (17 heures)

Un autre facteur qui peut justifier de tels investissements dans la prévention, c'est celui de l'amélioration de la qualité de la production. Évidemment, quand les travailleurs sont accidentés ou malades, ils ont à être remplacés par des gens qui connaissent moins bien le travail. À ce moment-là, la production s'en ressent, non seulement dans la quantité, mais beaucoup dans la qualité.

Il y a, dans les coûts à tenir compte, la baisse de la compensation. Normalement, on va essayer d'investir dans la prévention pour diminuer les coûts de compensation. Donc, pour les entreprises, cela doit entrer en ligne de compte.

Si on en arrivait, par nos différents régimes actuels, à diminuer ou à maintenir égaux les coûts de compensation du régime actuel, par exemple, le projet de loi 42, sans éliminer les dangers et sans éliminer les conséquences, je pense que ce serait assez désastreux. On pourrait constater qu'au Québec, les coûts indirects qui sont assumés par l'ensemble de la société et aussi par l'entreprise augmenteraient. Ce sont les coûts dont André et Francine ont parlé, les coûts de l'aide sociale, les coûts du chômage, qui, finalement, sont assumés en partie par les entreprises étant donné qu'elles doivent augmenter les salaires pour que les gens puissent payer leurs impôts.

Mais les conséquences directement sur notre système de production, pour nos entreprises, seraient très graves. Nous assisterions donc à une augmentation croissante des coûts de production - cela existe au Québec; c'est prouvable - et nous assisterions également à une baisse de la qualité de notre production, ce qui nous conduirait à court et à long terme à une baisse de notre compétitivité face aux différents marchés mondiaux.

On peut résumer de tout ceci que l'étendue de la couverture, incluant notre propos, celui de la réadaptation, demeure et devrait demeurer encore un des plus grands incitatifs à la prévention dans les entreprises. Si on diminue cette couverture ou si on ne l'étend pas assez, on "désincite" les entreprises à faire une prévention qui nécessite des investissements.

Évidemment, on va poser les fameuses questions - elles doivent être posées -concernant la capacité de payer de l'ensemble du système. Je crois qu'à cet égard, il faut essayer de dépasser le niveau de stricte logique économique que nous avons abordée jusqu'à maintenant et il faut aller vers une logique davantage sociale en même temps qu'économique.

Si, à l'heure actuelle - nous sommes dans une conjoncture où il semble parfois préférable de dire: Nous n'augmenterons pas la couverture ou même nous la diminuerons -cette société accepte une telle situation, les conséquences nous apparaissent assez graves et elles conduisent à un cercle vicieux de baisse de la production, de baisse de la qualité et d'augmentation des coûts, c'est-à-dire que nous acceptons qu'il y aura de plus en plus d'accidents et de maladies du travail.

Si notre réponse est, au contraire, oui et qu'on décidait d'y aller en assurant une meilleure couverture, nous sommes convaincus que notre société y gagnerait en termes d'énergie, en termes de capacité mise à corriger des problèmes plutôt que de réparer les pots cassés. Nous pourrions assister à une augmentation de la production, à une augmentation de la qualité ou de la production et, ainsi, à une plus grande compétitivité de nos entreprises face au marché mondial.

Cela nous apparaît d'autant plus crucial

à l'heure actuelle où nous assistons à un tournant, à la révolution technologique. Les nouvelles technologies peuvent amener des problèmes et plusieurs études sont en train de le confirmer. Concernant les écrans cathodiques, une étude récente de ces appareils démontrait - je pense que c'est à la Régie de l'assurance-maladie - qu'en raison des problèmes qu'ils causent, on est obligé de donner des pauses, on est obligé de varier les éclairages, et on a assisté, dans cette entreprise, à un taux de roulement de 30% de la main-d'oeuvre. Ce sont des coûts qu'on ne considère pas souvent. Ce sont des coûts dont on n'entend pas souvent parler, mais combien en coûte-t-il pour faire rouler environ 30% de la main-d'oeuvre et donner des pauses? Si on en arrivait, comme société, à valoriser la prévention au point de vue de la santé et de la sécurité du travail, on pourrait améliorer notre production et cela nous donnerait un avantage compétitif énorme sur le marché mondial puisque - bien souvent, on le constate - l'argument santé et sécurité du travail devient de plus en plus un facteur de vente important. Si on regarde, ici, au niveau du textile et du papier, il y a beaucoup de notre machinerie qui est maintenant importée de l'étranger parce qu'elle est davantage sécuritaire que ce qui est fabriqué en Amérique du Nord.

Si, comme dernière alternative, on jugeait qu'on est incapable de payer à court terme, étant donné la conjoncture, qu'on ne peut pas étendre cette couverture, il est à se demander s'il n'y aurait pas un autre choix qui pourrait être fait comme société, qui serait celui d'aider notre système de production, d'aider les entreprises en les soutenant pour les rendre davantage, au niveau de la prévention, productives. Cela peut avoir l'air simpliste. Mais si on regarde le moindrement l'évolution historique, nous constatons qu'il y a à peu près une vingtaine d'années, seulement quelques maladies du travail étaient reconnues; il y a à peu près cinq ans, il y a eu une réforme qui a reconnu d'autres maladies du travail. Avec la nouvelle annexe du projet de loi 42, on reconnaît d'autres maladies du travail. C'est un fait que si cela ne change pas, les maladies vont continuer de se propager et vont être de plus en plus reconnues. Finalement, on continue à se comporter dans un cercle vicieux. Je vous remercie de votre attention.

M. Ouellet (Florian): Merci. Avec Michel, vous avez constaté qu'on entre déjà dans une perspective... Le diagnostic du problème est plus de l'ordre des solutions à apporter. C'est déjà le nerf de la guerre de toutes les solutions à apporter. On va continuer. Pour le reste, c'est davantage axé sur, justement, des avenues de solutions, avec Guy Lachaîne, sur l'organisation du travail. C'est une autre avenue de solution.

M. Lachaîne (Guy): Bonjour tout le monde. Et afin d'appuyer les recommandations du mémoire portant sur le souhait de voir se développer de nouvelles perspectives en termes de réhabilitation, mon intervention va porter sur la question de l'organisation du travail.

Alors, options de réintégration au niveau de l'organisation du travail. L'un des aspects souvent négligés dans la problématique de réadaptation sociale, problématique marquée surtout par les modalités d'indemnisation, est celui des possibilités réelles de flexibiliser les stratégies d'organisation du travail.

Je mettrai donc ici l'emphase sur les possibilités qui nous apparaissent peu coûteuses à ce niveau. La flexibilisation des stratégies d'organisation du travail aurait pour effet d'accroître les possibilités et la qualité de la réadaptation sociale tout en ouvrant d'ailleurs de nouvelles perspectives quant à l'intégration des personnes handicapées et à l'adaptation du travail aux travailleurs vieillissants qui, il faut le rappeler, constituent un groupe de plus en plus important de la main-d'oeuvre québécoise.

Plusieurs études des stratégies d'organisation du travail dans différents sites d'entreprises industrielles ou de services démontrent, pour un même poste de travail ou pour une description de tâche donnée, la possibilité d'utiliser du personnel handicapé sans pour autant diminuer la productivité ou accroître les frais de gestion du personnel. Ma collègue de gauche va vous parler de ces possibilités plus en détail, dans quelques instants.

C'est dans cette optique qu'il nous apparaît possible et souhaitable de songer à développer, au sein des entreprises, ce que nous appellerons un programme d'options de réintégration. Alors, les options en question: Nous pourrions définir ainsi ces options de réintégration. Dans un premier temps, pourquoi ne pas songer à développer, pour les emplois existants et ce, dans le cadre de plan d'embauche et de promotion, une liste des postes accessibles à certains types de handicapés, sans que la productivité ne soit touchée. Nous faisons remarquer aux membres de la commission qu'il existe déjà une liste impressionnante d'emplois dont l'exercice demeure possible pour les personnes possédant divers handicaps. À ce sujet, on pourrait référer au document de l'Office des personnes handicapées du Québec, qui s'intitule: Intégration au travail des personnes atteintes d'un handicap, juin 1980.

D'autres options de réintégration sont aussi possibles. Dans un deuxième temps, par exemple, pour une description de tâches

donnée, que comporte un poste de travail, il s'agirait de déterminer la proportion des tâches non réalisables par un individu, selon la nature du handicap, et d'évaluer les possibilités de redistribution des tâches entre différentes postes de travail pour limiter l'impact du handicap au plan de la productivité. Là aussi, plusieurs exemples peuvent être donnés quant à des réaménagements possibles. D'autant plus que, dans bon nombre de cas, le handicap n'affecte que moins de 20% des tâches requises par les postes de travail.

Dans un troisième temps, pensons à l'option suivante. Plusieurs postes de travail ne sont pas accessibles aux personnes handicapées à cause des caractéristiques techniques très spécifiques, comme par exemple, le manque de flexibilité anthropométrique, l'accès limité aux contrôles de commande, etc. Encore une fois, la prochaine intervenante pourra développer cet aspect.

La même remarque pourrait s'appliquer pour ce qui est de l'aménagement général du milieu de travail sans lequel la réintégration deviendrait un vain mot. Pourquoi ne pas songer, dans ce contexte, dans le cadre des changements technologiques ou de la modernisation des lieux de travail, comme c'est actuellement le cas dans à peu près tous les pays industriels et aussi au Québec, à demander aux entreprises d'introduire une plus grande flexibilité quant à la notion d'individu moyen standard requis pour la réalisation de la production? Nous reviendrons tantôt sur cet aspect. Une telle préoccupation dans le cadre de planification de l'organisation des milieux de travail s'avérerait peu coûteuse et fort rentable du point de vue de la réadaptation.

Dans un quatrième temps, l'option possible à explorer résiderait au plan des horaires de travail et du travail partagé. Pour plusieurs individus, la possibilité de la réadaptation passe par une intégration progressive au marché du travail. Si les programmes de travail à temps partagé ou à temps partiel doivent connaître un essor, il serait sûrement fort intéressant de développer la possibilité que ces emplois s'adressent en priorité aux individus dont les capacités nécessitent un tel retour graduel au marché du travail. Ce ne sont là que quelques options de réintégration possible à développer dans les stratégies d'organisation du travail, et ce, sans que les coûts et les charges sociales de l'entreprise soient considérablement alourdis et sans que la problématique de la réintégration s'oppose ipso facto à la problématique de la rentabilité à l'intérieur de l'entreprise.

Nous croyons que ces options seraient réalisables dans le cadre des paramètres suivants: 1- peu ou pas de coûts pour l'entreprise; 2- pas de statut particulier pour le travailleur handicapé pour ce qui est de ses options de réintégration au travail. Dans ce sens, les possibilités offertes par la réorganisation du travail et la flexibilité des postes, des tâches pourraient s'appliquer à l'ensemble des travailleurs à l'intérieur de l'entreprise, un peu en fonction de l'évolution de leurs capacités et de leurs goûts; 3-absence d'entente particulière ou de convention collective parallèle afin d'éviter l'érosion des droits syndicaux. Il ne s'agit pas de construire des chasses gardées pour les travailleurs handicapés mais plutôt de leur reconnaître un droit qui devrait finalement être partagé par l'ensemble des travailleurs.

En conclusion, je pourrais dire qu'une telle orientation des programmes de réadaptation amènerait sûrement une diminution des préjugés et des fausses perceptions qu'ont les gens face aux personnes handicapées en général et face aux travailleurs handicapés pour ce qui est de leur potentialité et de leur rendement. On mettrait ainsi en évidence, ce qui à mon avis est excessivement important, une dimension oubliée de l'organisation sociale souvent handicapante pour tous ceux qui dérogent d'une façon ou d'une autre à la norme moyenne idéaliste.

Afin de rendre, d'une façon ou d'une autre, possibles les options suggérées, il nous apparaît nécessaire, d'une part, d'intégrer tant au niveau consultatif que décisionnel les travailleurs susceptibles d'être victimes de lésion professionnelle et leur organisation démocratique au processus de décision relatif à l'organisation du travail dans l'entreprise, d'autre part, d'intégrer la personne handicapée dans le processus de redéfinition de sa propre tâche. (17 h 15)

M. Ouellet (Florian): Merci. Il y a cinq ou dix ans, au Québec, quand on disait ergonomie, les gens nous disaient: Quoi, économie? Là on répétait "ergonomie". On disait "agronomie" qu'est ce que cela fait là? On ne connaissait pas ce mot. Dieu sait que cela veut dire adapter le travail aux hommes et aux femmes qui le font. C'est assez curieux. D'autant plus qu'en Europe, cela fait depuis 1942 que cela est devenu une discipline très développée qui s'enseigne et qui se pratique dans bien des entreprises. Mme Colette Hubert va nous dire un peu à quoi cela peut servir.

Mme Hubert (Colette): La réinsertion socioprofessionnelle est le but ultime de la réadaptation de tous les accidentés. Cette réinsertion comporte plusieurs étapes. La première consiste en l'évaluation des capacités de travail de l'accidenté. Cette évaluation fonctionnelle vise à établir le potentiel de travail malgré le handicap consécutif à l'accident. Souvent, l'évaluation du potentiel de travail est faite de façon théorique à partir d'un diagnostic médical.

Par exemple, on va déterminer qu'une personne qui a subi des blessures au dos est apte à effectuer un travail léger en position assise. Lorsqu'on fait une évaluation fonctionnelle, souvent on réalise que ce n'est peut-être pas le cas. Théoriquement, cela semble très beau, mais en pratique, la personne peut avoir à changer de posture, changer de position à tous les 15 ou 20 minutes, ne pas être capable de tolérer la position assise pendant une journée complète de travail.

C'est simplement lorsqu'on fait une évaluation des capacités fonctionnelles de la personne qu'on peut arriver à déterminer ses capacités de travail, ce qu'elle peut tolérer, ce qu'elle ne peut pas tolérer.

Alors, pour faire une évaluation fonctionnelle, le travailleur doit effectuer différentes tâches et ainsi on peut déterminer ses capacités de travail, son endurance, sa tolérance.

La deuxième étape consiste en l'analyse ergonomique du travail que l'accidenté croit pouvoir exécuter compte tenu de ses capacités, de ses intérêts et de ses aptitudes. Cette analyse permet de connaître toutes les exigences de ce travail tant au point de vue physique que mental de même que les conditions dans lesquelles il s'effectue. On analysera, par exemple, les gestes de travail, les mouvements qui sont requis pour effectuer le travail: la posture, la cadence, l'aménagement, les exigences visuelles. On fait des liens entre toutes les exigences du travail pour tenter de déterminer ce qui est requis d'une personne pour effectuer ce travail. Est-ce que c'est possible d'adapter ce travail et de le modifier pour l'adapter aux capacités d'une personne en particulier?

Ces adaptations sont parfois très simples. Souvent, il s'agit simplement de réaménager l'équipement, de réaménager le poste de travail différemment, de réaménager les outils au poste de travail afin de permettre à un travailleur accidenté d'occuper ce poste. D'autres exemples, l'utilisation d'un gabarit pour maintenir une pièce si la personne a une diminution de fonction dans une des mains. Il y a d'autres adaptations qui sont plus répandues pour des secrétaires sourdes, par exemple. On adapte la machine à écrire. Au lieu d'entendre la cloche au bout de la ligne, c'est une lumière qui s'allume sur la tablette où la personne a son texte à dactylographier de façon qu'elle ne perde pas de temps continuellement à vérifier.

Il y a toutes sortes d'adaptation de ce type qui sont assez simples et qui peuvent permettre à une personne accidentée soit de réintégrer le même travail ou un autre poste de travail.

La troisième étape consiste à aider l'accidenté sur le plan psychologique particulièrement s'il a été absent du marché du travail pendant longtemps. Il est irréaliste de penser qu'un accidenté peut reprendre le travail sans aucune appréhension, alors que c'est le travail lui-même qui a été la cause de ses problèmes. Ses appréhensions peuvent être, par exemple, la peur de ne pouvoir accomplir le travail, la peur d'avoir un autre accident. Il peut appréhender aussi la façon dont il sera accueilli dans le milieu du travail, la réaction des autres face à son handicap. Pour certains accidentés, c'est un problème qui est très important de savoir de quelle façon ils seront perçus par les autres. Il y a des accidentés, par exemple, qui ne veulent par retourner dans le même milieu de travail, parce qu'ils se disent: Mes confrères m'ont connu en pleine forme, capable de travailler; je ne veux pas retourner, parce que maintenant, je n'ai plus les mêmes capacités. Ils ont de la difficulté à faire face à cette situation.

La quatrième étape consiste à travailler auprès de la direction et des employés de l'entreprise qui embaucheront le travailleur accidenté. Le milieu doit être prêt à intégrer l'accidenté. Par exemple, lorsqu'on essaie de réintégrer un travailleur accidenté dans le monde du travail, on nous dit souvent: II ne sera pas capable. On va le prendre; on va essayer, mais on est sûr qu'il ne sera pas capable de faire le travail. Déjà, on part d'un point de vue négatif. Il y a une certaine préparation qui doit être faite auprès de l'entreprise et auprès des autres employés. La reprise du travail devrait se faire de façon graduelle ou selon la tolérance de l'accidenté.

Enfin, un suivi s'impose pendant un certain temps, afin de voir comment l'accidenté évolue dans son nouveau milieu. Trop souvent les contacts cessent dès que l'accidenté recommence à travailler.

La réinsertion sociale est un travail d'équipe où le principal acteur est l'accidenté lui-même. Le travailleur doit être encouragé à se prendre en charge, les membres de l'équipe multidisciplinaire lui offrant l'aide dont il peut avoir besoin.

Plusieurs ressources existent déjà, mais elles travaillent de façon isolée. Il nous paraît urgent que la CSST mette sur pied des équipes multidisciplinaires de réinsertion socioprofesssionnelle et que tous les travailleurs accidentés aient accès à ces services. Merci.

M. Ouellet (Florian): Une petit anecdote en passant, plutôt une information. On n'a pas tellement d'ergonomistes au Québec. On peut les compter sur les doigts de la main. Pourtant, quelqu'un que je connais bien, un de nos concitoyens, est revenu de France il y à peu près quatre ou cinq mois avec un doctorat en ergonomie. Après avoir eu des petits contrats, ayant de la misère à vivre,

il vient de partir pour les États-Unis où on lui offre un très beau salaire. Il y travaillera peut-être le reste de sa vie. J'espère qu'il reviendra, mais c'est curieux. C'est peut-être symptomatique aussi, mais des formateurs et des institutions pour faire de la formation, même la formation des adultes, on n'en manque pas. C'est ce dont Julio va nous parler.

M. Fernandez (Julio): Merci. Je veux vous éviter un long exposé. Je vais essayer d'être bref. Peut-être que, de cette façon, je vais m'assurer de capter votre attention en permanence. Je veux toucher trois points. Le premier touche certains concepts, certaines idées de base qu'on retrouve dans la loi lorsqu'on parle de réadaptation. Envisagé du point de vue de la formation, il s'agit d'une signification tout à fait autre. Lorsqu'on parle de réadaptation, les travailleurs accidentés ont-ils vraiment besoin d'une réadaptation? Lorsqu'on parle de réadaptation, on suppose qu'au départ, il y avait une adaptation au travail. Est-ce vrai? L'expérience nous le démontre - on a déjà parlé des immigrants - si on regarde les statistiques au niveau de la commission, on se rend compte qu'une grande partie des travailleurs accidentés sont des travailleurs peu scolarisés, qui n'ont pas beaucoup d'expérience dans le travail qu'ils réalisent. Je pourrais dire que ce sont des travailleurs désadaptés, au départ.

Le processus auquel ils sont soumis après leur accident vise la réadaptation, une réadaptation qui ne tient pas compte de ces données. Je me demande si, parfois, les difficultés qu'on a soulignées ici vis-à-vis de l'intégration en milieu de travail, ne trouvent pas leur compte dans la méconnaissance ou plutôt dans la non-considération de cette donnée de départ. Souvent, les travailleurs accidentés n'étaient pas aptes à réaliser le travail qu'ils faisaient. Ceci suppose, d'après moi - quand on parle de formation - que le travail de réadaptation devrait beaucoup plus avoir une orientation d'adaptation à un travail qu'éventuellement à un nouveau travail.

Donc, il y a là une donnée nouvelle qu'on retrouve peut-être dans l'esprit du projet de loi et qui n'est pas clairement définie, une intention de réorientation en milieu de travail. À peu près tous les autres ont touché au problème, à savoir comment c'est difficile pour un travailleur accidenté de revenir dans son milieu de travail. Ceci veut dire que l'insertion sociale et la réinsertion sociale sont aussi soumises à ces mêmes faiblesses des données de départ.

Les solutions dans la pratique nous montrent qu'une adaptation sociale se traduit par un renforcement de la désadaptation qui explique, parfois, l'arrivée de nouveaux accidents chez les accidentés. Souvent, cela se traduit aussi par une exclusion de l'accidenté dans son propre milieu de travail. L'importance du travail dans une autre revalorisation personnelle et sociale a déjà été signalée. Je ne toucherai pas à ces problèmes.

Un autre point, est-ce qu'il y un âge pour se former? Est-ce qu'il y a un âge limite chez les adutes à partir duquel un adulte accidenté ne pourrait pas éventuellement changer d'orientation? Notre expérience au niveau de l'université, la même expérience au niveau du système collégial, au niveau des commissions scolaires, nous montre que la population étudiante vieillit de plus en plus. Ce qu'il y a de grave parfois - même si on ne le retrouve pas dans des discours, mais il est implicite dans le réflexe - c'est encore de penser qu'il y a un âge pour apprendre, pour travailler et pour mourir. Ce n'est pas vrai.

L'éducation permanente nous montre que de plus en plus de personnes entrent dans un processus de formation et de réorientation, souvent permanente, de leur capacité de travail. Premièrement, il n'y a pas d'âge limite pour apprendre. S'il y en avait un, il faudrait le situer tard dans la vie. Deuxièmement, est-ce que la capacité d'apprendre est aussi diminuée par l'âge? Je dirais non. Là, on trouve encore dans certaines écoles des tendances qui vont soutenir qu'un individu, qui pendant toute sa vie a réalisé un type de travail qui pourrait être un type de travail concret, ne pourrait pas avoir accès à d'autres types de travaux qui demandent beaucoup plus une pensée formelle. Ce n'est pas le cas. Il y a là -souvent, c'est une lacune qu'on n'arrive pas à combler - une absence de recherche et de réflexion, au niveau des universités et aussi au niveau des gouvernements, pour pouvoir trouver le mode de reconversion facile, les modes de fonctionnement et les modes de penser chez les individus. Cela va être, et c'est déjà une exigence que le développement technologique va nous imposer. (17 h 30)

Troisième et dernier point, j'aurais voulu parler de rentabilité. Je pense - il y a passablement d'arguments qui le soutiennent - que l'investissement en formation est un investissement rentable. Si un accidenté de 45 ans demande ou exige un investissement au point de vue de sa formation, je prendrais cela de la façon suivante pour décider. Cette personne a 20 ou 25 ans de vie utile à donner à la société. Donc, un investissement en formation est à considérer. C'est une personne qui, par les taux d'espoir de vie, a 30 ou 35 ans de vie familiale ou comme citoyen qu'il lui reste à vivre. Donc, l'investissement en formation est aussi rentable. C'est juste cela. J'ai réussi mon coup.

M. Ouellet (Florian): Voilà ce que cela donne d'avoir un doctorat en andragogie.

Je n'ajouterai pas tellement long non plus. Je vais essayer d'être très bref mais j'ai une proposition à faire à la commission et à la CSST en même temps. Il arrive que des gens du service de réadaptation nous envoient des bénéficiaires. Ils sont admis en priorité absolue dans ce programme, le programme de santé et de sécurité du travail où on est tous. Je ne vois pas pourquoi cela ne pourrait pas se généraliser un peu. Je pense qu'il y a aussi d'autres instances dans la société, sur le plan de la formation, cégep, etc. qui pourraient faire la même chose, accorder priorité. Pourquoi en réadaptation, ne prendrait-on pas des personnes qui ont vécu le phénomène de la réadaptation pour se former? Il ne s'agit pas d'accorder un privilège à du monde. Il s'agit peut-être d'une forme de "positive action" et cela ouvrirait la porte à beaucoup de gens qui sont en réadaptation, à ceux qui sont les victimes de ce Dieu de la productivité, ceux qui n'ont pas tellement d'autres moyens. Un autre aspect que cela pourrait amener, c'est sur le retour au travail. Parfois il est très difficile de ramener quelqu'un au travail dans la même entreprise mais, si on passe par le biais de la formation, on ouvre la porte à toute la sphère organisationnelle de l'entreprise. On ouvre la sphère au poste de responsable de prévention et de tous les autres postes qui demandent une capacité particulièrement intellectuelle plutôt qu'une capacité physique. Mon ami Desjardins me disait la semaine dernière: C'est aberrant, on a des personnes qui sont victimes, limitées physiquement quelque part, on leur coupe un morceau de leur capacité physique et on essaie de les réorienter nécessairement dans le physique. Cela n'a pas d'allure. Alors qu'elles ont un immense potentiel intellectuel, comme tout le monde, lequel est ignoré. Cela est une perspective différente. Cela est une vision différente des choses, d'une mentalité différente. C'est de miser sur le potentiel du monde plutôt que de miser sur ce qui leur manque, ce qui a trop été fait au Québec en matière de réadaptation. C'est tendre à faire monter les gens quelque part plutôt que de les envoyer dans la sous-production quand on n'est pas dans les sous-produits de la société, c'est-à-dire sous le bien-être social ou autre chose. C'est très différent comme perspective. Je ne dis pas que cela s'applique universellement, mais cela s'applique certainement beaucoup plus qu'on ne le fait actuellement, cela s'appliquerait beaucoup plus.

On est arrivé à notre proposition quant à un amendement au projet de loi 42 qui ferait effectivement du droit à la réadaptation un droit.

Je passe la parole à M. Richard

Goyette que vous connaissez, je pense, déjà.

M. Goyette (Richard): Principalement, à la lecture du projet de loi 42, ce dont on s'aperçoit, c'est qu'il n'y a pas de droit à la réadaptation, c'est-à-dire ce qui paraît apparent au niveau du droit à l'article 138 est, par la suite, complètement biffé par l'article 142 qui institue une discrétion administrative, puisque c'est la commission qui déclare admissibles les gens. Il n'y a aucun moyen de réaliser ou de se donner des critères à savoir si telle ou telle personne handicapée serait plus ou moins handicapée, du moins, il ne semble pas y avoir, à l'intérieur du projet de loi, ce type de critère qui pourrait rendre objectif le droit à la réadaptation et, bien sûr, le droit au service qui s'ensuit et aux indemnités. Pour notre part, nous faisons une proposition sur quatre articles. Tout à l'heure, on a déposé les textes à l'arrière de vous. Le premier article se lirait comme suit: "Tout bénéficiaire a droit à la réadaptation sociale que requiert son état en raison d'une lésion professionnelle ou des conséquences qu'elle entraîne pour lui une telle lésion." Cela est le premier point, c'est le droit général en matière de réadaptation, en conséquence d'une lésion subie. Il semble qu'à venir jusqu'à maintenant cela ressemble un peu... du moins c'est la suite qui pourrait s'intégrer dans le projet de loi 42. Il n'y a rien de révolutionnaire. Sauf, qu'elle touche aussi les bénéficiaires. Cela nous apparaît quand même important qu'en matière de réadaptation on ne touche pas uniquement le travailleur, mais aussi le bénéficiaire car la réalité, c'est que cela ne touche pas seulement le travailleur, cela touche aussi le bénéficiaire au sens de la loi.

Par exemple, une étude du ministère des Affaires sociales sera publiée bientôt portant sur les enfants nés morts ou nés difformes à cause des contaminants. Or, il est fort probable, pour les enfants qui naîtront vivants à la suite de cela, que cela peut être une conséquence directe, puisque ce sont des contaminants résultant du travail, et qu'ils pourraient être des bénéficiaires au sens de la loi, de même que le conjoint d'un travailleur accidenté pourrait bénéficier du régime de réadaptation sociale. Les indemnités, c'est une chose, mais j'entends la réadaptation sociale dans le sens psychologique, médical, etc., des suites qui peuvent survenir d'un accident grave, d'un décès pour les enfants ou pour le conjoint. C'est pour cela que le premier texte ne concerne pas uniquement le travailleur, mais la réalité qu'on rencontre tous les jours, si on ne se ferme pas les yeux.

Le deuxième, tout travailleur à droit à l'indemnité de remplacement du revenu tant qu'il n'a pas réussi à surmonter le handicap causé par la lésion professionnelle. Déjà, on

commence à se donner des critères objectifs plutôt que discrétionnaires, afin d'accorder un droit en matière de réadaptation sociale. Ce serait un deuxième point, puisque, là, on parle de surmonter le handicap et non pas de couper n'importe quand la réadaptation avec des critères purement subjectifs, tels que le délai d'un an, celui de deux ans, des cours qui ne sont pas donnés qui devraient l'être présentement par le centre de main-d'oeuvre. Si on veut trancher du passé au présent, ce serait le type de droits qui permettraient de donner des acquis au travailleur handicapé.

Le troisième, un travailleur est considéré handicapé tant qu'il n'a pas atteint de façon fonctionnelle - nous insistons sur ce mot - l'équilibre physique, psychique et financier qu'il avait avant l'accident. Cela détermine la durée. Il est pour le moins aberrant qu'on tente, par des durées purement subjectives, comme je le disais avant, de déterminer la durée de la réadaptation par des programmes qui ne répondent pas à la réalité du travailleur. Avec ce type d'article, la réadaptation a un but précis, et c'est un droit. On doit remettre le travailleur accidenté dans l'équilibre fonctionnel qu'il avait avant l'accident. C'est le but de la réadaptation sociale. Si le but de la réadaptation sociale, c'est uniquement une question de temps, on va lui donner un an. Cela paraît bien. Cela empêche, à part cela, de payer les rentes, comme actuellement. Qu'on se le dise. Selon nous, un droit, ce serait cela.

Le quatrième point, tout bénéficiaire est considéré admissible à la réadaptation sociale, tant qu'il n'a pas surmonté les conséquences qu'entraîne pour lui la lésion professionnelle. C'est le critère d'admissibilité, c'est celui de surmonter les conséquences de la lésion professionnelle. Là, avec ces quatre articles, au moins, on ne serait pas toujours et continuellement sujet à l'arbitraire et à la discrétion de la commission. Il s'agit pour nous, dans notre intervention, de prévenir cela, de trancher carrément concernant la réadaptation sociale qui existe depuis 1928 ou 1931, qui a été continuellement renouvelée, ressassée et élargie par l'article 56 de la loi 114, en 1978, et qui apparaît quand même dans le projet de loi 42, mais toujours de façon aussi discrétionnaire. Si on veut en finir avec cela, il n'y a pas trente-six solutions, c'est qu'on accorde le droit dans la loi, qu'on comptabilise la durée dans la loi par des critères, mais non pas des critères de durée qui ne font pas face à la réalité; il faut que cette durée fasse face à la réalité du travailleur, et, bien sûr, l'indemnité y est liée.

D'autre part, si on donne un droit à quelqu'un, on doit aussi en donner le corollaire. Je parle des droits d'appel. Il serait illusoire de donner une admissibilité à la réadaptation sociale, des indemnités en réadaptation sociale, des fournir des services en réadaptation sociale et aucun droit de regard d'un tribunal quelconque en réadaptation sociale, parce qu'on sait ce qu'il arriverait. Il arriverait ce qu'il arrive présentement. Cela ne brasse pas gros en réadaptation sociale. À ce moment-là, nous croyons que non seulement ce qu'on voit à l'article 247, l'indemnité, le montant d'indemnité ou le quantum de l'indemnité, doit être couvert par le droit d'appel, mais tout le processus de réadaptation, ou la définition de prestation, par exemple, qui apparaît à la loi, les services fournis, l'assistance financière, etc., tout cela doit être couvert dans les droits d'appel, puisque la réadaptation sociale n'est pas uniquement une indemnité. L'indemnité est le sous-produit de la réadaptation sociale. La réadaptation sociale essentiellement, ce n'est pas l'indemnité.

Il faudrait un amendement à l'article 57 qui prévoit que l'indemnité de remplacement de revenu s'éteint si, par exemple, une personne a une rente d'invalidité. Prenons le cas d'une personne qui deviendrait totalement invalide dans le sens travail et pourrait très bien bénéficier de la réadaptation sociale. On ne voit pas pourquoi, d'ailleurs, une personne invalide toucherait uniquement les rentes, ce serait, en tout cas, tout simplement de transférer la responsabilité. La réadaptation sociale pourrait quand même exister pour une personne totalement invalide pour des traitements, des soins, de la réintégration personnelle de cette personne et non uniquement au niveau du travail.

Il y a aussi l'article 102 sur les prothèses qui touche, je pense, la réadaptation sociale. Il n'est pas couvert à l'article 102 la notion de "à l'occasion du travail". Un travailleur handicapé qui aurait une prothèse et qui verrait cette prothèse -parce qu'il retourne au travail - brisée à l'occasion du travail c'est-à-dire qu'un confrère de travail échapperait une masse sur sa prothèse ne se la verrait pas rembourser. C'est l'article 102 tel quel puisqu'au niveau de la prothèse ne parle que du fait du travail et non pas de l'occasion du travail, de même que la franchise. On ne peut concevoir, encore une fois, que ceux qui ont déjà payé les coûts de production par leur travail et leur handicap aient une franchise à payer quand ils sont handicapés à même la prothèse. Principalement c'est le but de notre intervention: garantir les droits et surtout sortir cela de la discrétion de la commission. Merci.

M. Ouellet (Florian): Alors, on sait que la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la CSST, a le droit à la réadaptation en tant que service. On voudrait

que ce soit les personnes, les travailleurs et les travailleuses victimes qui aient le droit à la réadaptation. Ce n'est pas seulement une question de service.

Ma petite conclusion ne sera pas longue. Premièrement, la question de la non-qualification. Vous connaissez sans doute cette recherche extrêmement importante qui a été faite il y a quelques années par Astrid Girouard-Lefebvre sur l'appauvrissement des petits salariés. Elle démontre dans sa recherche le processus d'appauvrissement des petits salariés, ce qui fait qu'il y a bien trop de gens qui se retrouvent sur le bien-être social à un moment donné. Ce processus passe - si je me souviens bien -majoritairement, par le fait d'un accident de travail et aussi par l'absence de réadaptation et qu'en fin de compte, les périodes de chômage s'allongent, les périodes de bien-être social arrivent et, éventuellement, c'est fini puisque la personne est non qualifiée, déclassée, "rebutisé" comme on le dit dans notre texte, et on l'envoie quelque part ailleurs.

On s'étonne, dans notre société québécoise, que les travailleurs et les travailleuses ne s'intéressent pas tellement à la chose financière et économique; bon Dieu! il y a de quoi. Si c'est cela que l'on vit à l'autre bout, il y a de quoi et vraiment de quoi. Pour moi, ce n'est pas étonnant qu'il y ait une espèce d'écoeurement face à l'industrie, à l'entreprise. Ce sont des choses qui sont essentielles, absolument et extraordinairement importantes. On ne peut pas vivre sans cela. Il y a toute une mentalité à transformer. On ne transformera pas la mentalité face aux finances si on ne transforme pas la mentalité face au bien-être ou au sort qui est fait aux victimes de la productivité de notre industrie. (17 h 45)

Deuxième point de conclusion. Je pense que le projet de loi 42 dénote une absence de considération de l'aspect économique, de la dynamique économique inhérente à la réadaptation tout comme à la santé et à la sécurité du travail. Il y a là du développement économique à faire et on ne le pense pas. Sauf, qu'on voit aussi à travers cela une pensée micro-économique, on voit les coûts en termes purement pour l'entreprise. On ne les voit pas pour l'ensemble des secteurs industriels. C'est un peu comme si on se disait que l'on va dépolluer la rivière des Prairies en demandant à la ville de Montréal-Nord d'abord de faire son bout. Cela n'a pas d'allure. Il faut nécessairement penser globalement.

Un troisième point. Je pense qu'on a démontré, du moins on a essayé de le faire, qu'il y a des solutions et que toutes les solutions à tout le moins ne sont pas utilisées. Il reste que, sur tous ces points, il appartient maintenant à l'État d'agir. D'abord de comprendre, de légiférer, c'est ce que vous êtes en train de faire. Il ne faudrait pas manquer votre coup, il ne faudrait pas retourner à 1931. Il appartient aussi à l'État de ne pas briser ce que le même gouvernement a fait en matière de prévention, c'est-à-dire par le projet de loi 42, il ne faudrait pas tout de même annuler ce qu'on a fait avec le chapitre 63, l'ancien projet de loi 17. Nous pensons qu'il appartient à l'État de comprendre, de légiférer, et de faire en sorte qu'on puisse agir. Si cette loi n'est pas suffisamment articulée et si elle ne correspond pas à ce qu'on vous propose ici, il n'y a pas grand-monde dans la société qui va pouvoir agir, ce serait cela le malheur.

Sur ce, je serais heureux de passer à vos questions.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Ouellet.

M. le ministre.

M. Fréchette: Je vous remercie, M. le Président. Je veux aussi remercier les intervenants que nous venons d'entendre, autant pour le mémoire écrit pour les interventions verbales qui ont complété effectivement toute la philosophie que l'on retrouve dans le document qui demeure au dossier.

M. le Président, nous venons d'entendre le dernier des 43 mémoires que nous avons entendus jusqu'à maintenant après dix jours d'audition en commission parlementaire.

Évidemment, tous ces mémoires ont été très importants. Mais celui qui vient de nous être soumis retient particulièrement mon attention à trois chapitres bien particuliers, d'abord, à cause de la pertinence et de l'importance du sujet qu'il traite. Je vous signalerai un certain nombre de choses, eu égard au sujet. Effectivement, on en a discuté au cours de ces auditions, au cours des dix derniers jours, mais pas en profondeur comme on vient de le faire. J'aurais été un peu malheureux si l'occasion ne nous avait pas été donnée de nous livrer à cette réflexion. C'est davantage intéressant et important que cela se fait en conclusion de nos travaux. C'est également fort intéressant, par les suggestions qui son faites autant sous forme écrite que verbale. Je vous dirai dans un instant comment ces suggestions peuvent être accueillies, quel sort on peut réserver aux représentations que vous nous avez soumises.

Finalement, un autre volet qu'on n'a pas négligé au cours des auditions, mais sur lequel on n'a peut-être pas mis l'emphase qu'on aurait dû y mettre - remarquez que je puis ainsi que ceux qui sont autour de la table être responsables au premier chef de

cette évaluation - mais, là on vient d'y mettre le doigt de façon on ne peut plus claire, c'est la nécessité qui existe d'avoir des relations ou des conditions de travail décentes pour assurer que la santé et la sécurité auront toute l'attention qu'elles requièrent. Quand on nous a fait des interventions sur cette science de l'ergonomie et les suggestions qu'on nous a mises sur la table, c'est la réflexion qui m'est venue spontanément à l'esprit. Les conditions de travail d'une convention collective ont une importance capitale en termes de prévention et, de façon globale, de santé et de sécurité. Encore une fois, cela est volet qui n'est peut-être par revenu suffisamment souvent et avec suffisamment d'emphase au cours de nos travaux.

M. le Président, les inquiétudes qui nous ont été soumises, cet après-midi, procèdent d'un phénomène qui a été identifié tout au cours des travaux de la commission, autant à l'égard de la politique de la réadaptation et de la politique globale de la sécurité et de la santé qu'à l'égard de l'ensemble des dispositions que l'on retrouve dans le projet de loi 42. Ces inquiétudes procèdent - cela m'apparaît tout à fait normal qu'il en soit ainsi - des pouvoirs réglementaires qui sont dans la loi actuelle et qui sont, à certains égards, reconduits dans le projet de loi 42, lesquels pouvoirs réglementaires débouchent sur des décisions que doivent prendre ceux qui administrent les règlements et qui inévitablement se traduisent souvent par ce que l'on considère comme une discrétion mal exercée, une discrétion qui a plutôt l'allure à plusieurs égards de choses imposées.

Je le signale à nouveau, je le réitère, M. le Président, ces pouvoirs réglementaires qui permettent l'interprétation qui peut débloquer sur ce qu'on identifie comme étant de la discrimination, ont été constants dans tous nos travaux au cours des dix derniers jours. C'est une des raisons pour lesquelles certaines décisions sont, à toutes fins utiles, déjà prises à ce chapitre-là. Je vais me contenter de les résumer très rapidement.

Dans l'état actuel du projet de loi, il y a 26 chapitres différents de prévus dans lesquels la commission peut procéder à établir de la réglementation. Évidemment, c'est un champ qui est très vaste; c'est un champ qui permet d'établir toutes sortes de règles qui, inévitablement, peuvent et même, je dirais, doivent conduire à cette situation qui nous est décrite depuis un bon moment.

La décision vers laquelle nous nous dirigeons et que nous retiendrons sans doute, qui deviendra la loi, c'est de faire en sorte que ce que sont actuellement des règlements, des politiques qui ont été adoptées par voie réglementaire en vertu de l'actuelle loi et qui nous apparaissent être nécessaires dans l'application des politiques de santé et de sécurité, seront transposés dans la loi, de sorte que le cadre législatif sera très bien délimité et, deuxièmement, il liera, de façon claire, ceux et celles qui devront vivre avec les dispositions de la loi.

Deuxièmement, nous allons procéder à amender l'article 266 du projet de loi pour y faire disparaître le sixième paragraphe qui, dans son état actuel, permettrait encore à la commission de généralement prescrire toute mesure qu'elle estimerait utile à la mise en application du présent projet de loi. Même si 20 champs d'application sont disparus, il reste que ce sixièmement est l'équivalent d'une clause omnibus ou à peu près qui permettrait effectivement de pouvoir refaire toute espèce de réglementation et de commencer à revivre avec le même phénomène de méfiance, le phénomène dans bien des cas d'agressivité. En faisant disparaître ce sixième paragraphe, il va maintenant être clair que la commission ne pourra faire des règlements que dans les cinq cas prévus à l'article 266. Je pense qu'il faut nous rendre à l'évidence, par ailleurs, que cela peut peut-être, pour un temps en tout cas, créer aussi un certain nombre d'obstacles. Il va falloir que, ce qui était autrefois des règlements et qui devient de la loi soit interprété. Il va falloir que quelqu'un, quelque part à un moment donné arrive à déterminer ce que veut dire cet article de loi. Il m'apparaît évident que pour une période de temps encore, il va falloir que les parties vivent un certain nombre de difficultés pour arriver à des intreprétations qui soient claires et finales de cette réglementation qui sera devenue de la loi. Quoi qu'il en soit, il nous est apparu évident après l'audition d'autant de mémoires que le voeu d'à peu près tous les intervenants c'est effectivement de procéder de la façon dont je viens de vous l'expliquer plutôt que de laisser ces pouvoirs réglementaires.

Maintenant, il y a aussi un autre aspect qui a été préoccupant pour vous - cela est d'ailleurs apparu dans la plupart des interventions que nous avons entendues -c'est que vous réclamez avec insistance et avec une argumentation qui est presque irréfutable qu'il faudrait retrouver dans la loi une disposition en vertu de laquelle un droit d'appel serait permis en matière de réadaptation.

Qand nous terminerons nos travaux - je ne sais pas dans combien de temps -j'annoncerai effectivement en termes d'amendements qui sont prévus à la loi que le droit d'appel sera étendu à toute décision que la commission rendra y incluant la politique de la réadaptation sociale. C'est là une autre situation qui nous est apparue aller à l'évidence même au fur et à mesure que les travaux progressaient, au fur et à mesure que des représentations nous étaient faites, compte tenu des intérêts très précis et qui

sont en cause quand on parle de réadaptation sociale, compte tenu de l'importance de la matière. Cette décision a donc été prise d'étendre le droit d'appel à toute matière qui procède d'une décision de la commission, donc cela inclut l'appel quant aux politiques de réadaptation.

Maintenant, M. le Président, quant à la politique elle-même de la réadaptation, là aussi - toujours à partir des représentations qui ont été faites et à partir des deux phénomènes plus globaux ou plus généraux dont on vient de parler pouvoirs discrétionnaires, atmosphère, méfiance, agressivité, etc. - la décision est maintenant prise. Il va rester à écrire des textes législatifs. La décision est maintenant prise d'introduire, d'inclure dans la loi les politiques de réadaptation. Votre mémoire contient des suggestions qui m'apparaissent tout à fait pertinentes et qui vont très certainement nous être utiles aux fins de la rédaction des textes législatifs dont je viens de vous parler. Sur le plan du principe, je pense que l'on peut d'ores et déjà tenir pour acquis qu'effectivement toute la politique de réadaptation se retrouvera dans les dispositions de la loi et non plus par voie réglementaire.

Il faut être conscient qu'on va peut-être - enfin, on verra à l'application ce que cela peut donner - pour encore un temps à cet égard être obligé de vivre avec l'optique qu'il va falloir à un moment donné qu'une instance avec juridiction finale procède à interpréter un texte de loi. Ce que je suis en train de vous dire, c'est que ce n'est pas parce que cela sera strictement dorénavant dans la loi que nos problèmes sont terminés. Soyons conscients de cela tous ensemble. Il va falloir - comme je viens de le dire, et les parties vont très certainement s'impliquer dans ce processus - aller devant une instance décisionnelle pour demander qu'on nous donne une interprétation très précise de ce que cela peut vouloir dire. Est-ce qu'on devra penser par exemple, pour n'importe quel genre de motif, que l'on doive à un moment donné se retrouver devant la Cour supérieure, la Cour d'appel, ou la Cour suprême? Je ne le sais pas, mais c'est un danger dont nous devons tous, me semble-t-il, ensemble, être conscients. La technique qu'il y a autour de cela, l'interprétation juridique qu'il va y avoir autour de cela, va faire en sorte que pour une certaine période de temps, que je ne suis pas en mesure de mesurer ou de tenter de mesurer, c'est un phénomène avec lequel il va falloir vivre. (18 heures)

Le Président (M. Boucher): Je ne voudrais pas présumer des intentions des membres...

M. Fréchette: J'achève, M. le Président...

Le Président (M. Boucher): ...de la commission, mais compte tenu de l'heure, étant donné que nous devions ajourner à 18 heures, est-ce qu'il y a consentement pour que l'on continue quelques minutes jusqu'à 18 h 15, 18 h 20?

M. Fréchette: Je peux difficilement avoir des objections quant à moi.

M. Cusano: Il n'y a pas d'objection de ma part non plus, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Alors, il y a consentement, M. le ministre.

M. Fréchette: De toute façon, j'avais terminé, M. le Président.

Je voudrais simplement réitérer que nous allons introduire dans la loi les politiques de réadaptation sociale. Cela ne sera pas simple pour les motifs que je viens de dire. Cela ne sera sans doute pas simple non plus de les écrire. Cela ne sera sans doute pas simple non plus de déterminer quel sera le contenu de tel ou tel autre article; mais c'est la décision qui est maintenant prise d'y procéder avec autant de rigueur possible, quitte à voir les réactions que ceux et celles qui vivent avec cette loi, qui sont venus nous faire des représentations, pourraient y avoir et quel autre genre de suggestions pourraient être faites aux fins d'améliorer les processus qu'on retrouverait dans la loi, lorsque le projet de loi sera réimprimé, qu'il sera déposé en deuxième lecture.

M. le Président, ce sont les commentaires d'ordre très général que je voulais soumettre à ce stade-ci. Évidemment, on aurait pu continuer pendant longtemps la discussion tellement le sujet est intéressant et important, mais l'horloge nous suit de très près et je dois ici terminer.

Merci.

Le Président (M. Paré): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. Mesdames et messieurs, je vous remercie de votre témoignage. Vous avez été très intéressants, très clairs et très pertinents.

Le ministre nous a indiqué auparavant, vous l'avez entendu vous-mêmes, qu'il a beaucoup d'amendements à apporter au projet de loi 42. J'ose espérer que vos recommandations seront prises en considération. En ce qui me concerne, vos interventions suscitent certainement un débat très long. Pour ne pas passer à la vapeur vos préoccupations et les préoccupations de l'ensemble de la société, une fois que le ministre aura procédé à l'évaluation du projet de loi et à l'impression de tous les amendements qui s'imposent, il sera

certainement nécessaire de procéder à une autre consultation. Je me contenterai à ce moment de ne pas poser de questions. Merci

Le Président (M. Paré): Merci.

M. Clermont: Est-ce qu'il nous serait possible d'intervenir très rapidement? M. Richard Goyette, je crois, aurait quelques questions à vous poser et j'en aurais une dernière.

Le Président (M. Boucher): Allez-y.

M. Goyette: La première, c'est sur ce que dit le ministre quant à l'intégration des règlements dans la loi. Or, on sait qu'en matière de réadaptation, il n'y a qu'un seul règlement et, pour le reste, ce ne sont uniquement que des politiques administratives. Ce n'est pas le pouvoir réglementaire, bien sûr, il nous inquiète en partie, mais ce qui est encore plus inquiétant, c'est le pouvoir des discrétions administratives, le pouvoir de faire des politiques administratives. Quand on voit par exemple, que la commission adopte des politiques ou la commission peut ou etc., c'est ce type de discrétion que je vise. Présentement, à la réadaptation sociale, le bloc de directives est quand même volumineux. Je ne sais pas si le ministre compte intégrer peut-être à peu près 100 pages...

M. Fréchette: Vous me demandez, à ce stade-ci, quel sera le contenu des dispositions législatives. Je ne peux être responsable de vous dire à ce stade-ci, ce sera A, B, C, D et D sera divivé en i, ii, iii, lorsqu'on vient à peine de décider du principe lui-même. Il est évident qu'il va falloir bâtir des textes législatifs qui seront basés sur ce qui existe déjà, ne serait-ce que des règles administratives. Comme vous le dites, il doit y avoir des politiques là-dedans. Elles sont bonnes ou mauvaises, mais il doit y avoir quelque chose. Vous nous suggérez des textes intéressants aussi. Il y a des spécialistes en la matière qui vont être en mesure sans doute de nous donner aussi le matériel dont nous avons besoin pour bâtir une politique que nous allons évaluer à tout le moins convenablement dans les circonstances. C'est à partir de tout cela que nous allons essayer de bâtir un texte législatif. Je ne suis pas en train de vous dire qu'il va être d'une clarté à travers laquelle il n'y aura pas de problème possible, qu'il va être d'une interprétation que personne ne pourra contester. Ce n'est pas cela que je suis en train de vous dire. Ce que je suis en train de vous dire, c'est que nous allons faire un effort que j'espère aussi louable que possible pour rejoindre les objectifs qui nous ont été transmis pendant tout le temps de la commission. Lorsque nous allons arriver avec un texte en deuxième lecture, ce ne sera pas non plus coulé dans le béton. Je ne suis pas non plus en train de vous dire qu'on va recommencer une nouvelle commission parlementaire de dix ou de quinze jours pour réévaluer tous les amendements. Cela fait six mois qu'il y a une commission parlementaire concernant la Commission de la santé et de la sécurité du travail, mais il y aura une commission parlementaire qui procédera à l'étude du projet de loi article par article. Enfin, le processus ne se termine pas par notre exercice d'aujourd'hui, mais vous me demanderiez de vous dire ce qu'il y aura dans la loi, je ne serais pas responsable si j'entreprenais immédiatement d'aller dans le détail des dispositions qu'on y retrouvera.

M. Clermont: Les propos que vous avez tenus précédemment, la relation, par exemple, entre l'amélioration des conditions de travail, le Code du travail et à la loi sur les lésions professionnelles, cela m'amène à vous poser une petite question. Évidemment, je n'attends pas un réponse d'une façon immédiate. Est-ce qu'on peut penser qu'un jours, les diverses lois que l'on retrouve dans le domaine du travail seront intégrées dans un véritable Code du travail?

M. Fréchette: Avez-vous une idée du genre de débat qu'on pourrait entreprendre?

M. Clermont: Je sais, et c'est la raison pour laquelle j'ai dit que je n'attendais pas une réponse immédiate à la question.

M. Fréchette: II y a un processus qui s'enclenche pour la révision du Code du travail, tel que nous le connaissons actuellement. Jeudi prochain, je vais être en mesure de donner beaucoup plus de précisions quant à ce processus. La seule réponse que je peux vous donner à ce stade-ci, c'est qu'il m'apparaît évident que, dans la procédure qui s'enclenche, le sujet que vous mettez sur la table va très certainement faire l'objet d'intenses discussions.

M. Clermont: Merci.

M. Ouellet (Florian): Pour ma part, j'aimerais dire qu'à la suggestion de M. le député de Viau, je crois, s'il y a une volonté de consultation de votre part, c'est bien entendu que nous serons prêts à y répondre avec beaucoup d'enthousiasme même. Je vous remercie d'avoir...

M. Cusano: C'est simplement pour dire que ce n'est pas seulement une consultation personnelle que j'envisageais, c'est plutôt une consultation formelle. La consultation personnelle, je pense qu'on peut la faire à

n'importe quel moment, et je suis sûr que, si je viens vous voir, vous allez me répondre, mais c'est la question d'avoir une consultation formelle ici au salon rouge qui m'inquiète.

M. Ouellet (Florian): Nous avions compris que vous parliez à titre de membre de la commission.

M. Cusano: Oui, mais aussi à titre de membre de l'Opposition, et ce n'est pas l'Opposition qui décide s'il y a une commission parlementaire.

M. Ouellet (Florian): D'accord.

Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de la commission, je remercie les chargés de cours du Programme santé et sécurité du travail de l'Université de Montréal d'avoir présenté ce mémoire. Étant donné que c'est le dernier mémoire que nous devions entendre, avant de terminer, je pense qu'il y aurait peut-être lieu pour chacun des deux côtés de la table, de faire des remarques, s'il y a lieu.

M. Fréchette: Très brièvememnt, M. le Président. J'avais préparé un long discours, M. le Président, d'une quinzaine de pages, mais je vais le laisser de côté. Au stade où nous en sommes, vous allez comprendre que mes premières remarques seront pour marquer notre appréciation vis-à-vis de tous les intervenants que nous avons entendus depuis le début de nos travaux. Je vous signalais tout à l'heure, M. le Président, nous avons entendu 43 mémoires, 49 nous ont été soumis et nous avons tenu dix journées d'auditions. Tous ces mémoires, comme je le disais aussi, sont tout à fait pertinents, fort bien préparés et identifient d'une façon on ne peut plus claire les inquiétudes que les uns et les autres ont manifestées.

Alors, il m'apparaîssait, M. le Président, tout à fait important de remercier tous ceux et toutes celles qui se sont imposé la tâche immense d'écrire ces documents et de venir les livrer ici à la commission parlementaire et accepter en même temps d'échanger des opinions avec les membres de la commission.

Je voudrais aussi, M. le Président, à ce stade-ci, remercier mes collègues du côté ministériel et également mes collègues du côté de l'Opposition. Je pense que tout le monde a accompli un extraordinaire boulot depuis que nous sommes attelés à cette tâche. Les uns et les autres, là aussi, ont travaillé avec beaucoup de sérieux, sont intervenus sur des sujets d'importance. Il est maintenant clair que toutes les interventions qui ont été faites - du moins les interventions qui concernent la loi elle-même, je ne vous parle pas des autres interventions - vont évidemment être fort utiles pour compléter et achever le processus d'adoption de la loi 42.

M. le Président, vous allez aussi me permettre - j'aurai l'occasion de le faire dans une autre circonstance mais je pense qu'il faut que ce soit fait publiquement - de remercier aussi les membres du personnel de la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui ont travaillé avec acharnement à la préparation du projet de loi 42 et depuis - pas des semaines ni des mois -maintenant plus de quatre ans. Vous savez -je le disais tout à l'heure mais ce n'est pas du tout malicieux ce que je suis en train de dire - depuis une année, les gens de la Commission de la santé et de la sécurité du travail sont souvent sur la place publique. On entend souvent des témoignages qui tournent autour et alentour de l'agressivité, la méfiance. Je pense que ces gens sont assez responsables pour pouvoir accepter ce genre de critiques. Ils sont également assez responsables pour pouvoir réaliser des choses qu'il faut changer quand c'est le temps de les changer. Je pense que ce que je viens de dire en termes d'amendements est assez clair à cet égard. À un moment donné, il faut aussi que toute la vérité ait sa place. Je ne serais pas honnête avec moi-même si je ne vous disais pas très spontanément combien j'ai apprécié autant leur travail que leur collaboration.

M. le Président, je viens de vous signaler que je n'allais pas entreprendre d'identifier les uns après les autres les amendements que je soumettrai au Conseil des ministres pour la réimpression du projet de loi. Ce serait trop long. De plus, la plupart sinon tous les amendements que j'ai annoncés sont déjà connus de tous ceux qui sont venus en commission parlementaire. Je les ai signalés à la presse en début d'après-midi de sorte que ce serait peut-être superflu que de procéder à ce qui serait finalement, uniquement et strictement de la répétition.

Motion proposant la réimpression du projet de loi

Cependant, M. le Président, je vais devoir, compte tenu des exigences de notre règlement, malgré le fait que je n'annonce pas dans le détail chacun des amendements, faire la motion prévue à l'article 119. Cette motion prévoit que lorsqu'un projet de loi doit être réécrit avant son dépôt en deuxième lecture, la commission qui l'a étudié doit adopter une motion pour faire en sorte que le rapport de la commission indique qu'il y aura réimpression ou réécriture.

M. le Président, ma conclusion, c'est donc cette motion en vertu des dispositions de l'article 119 de notre règlement. Je fais

donc motion pour que cette commission recommande la réimpression du projet de loi 42, le tout conformément à l'article 119, paragraphe 2 du règlement de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Boucher): Alors, la motion étant déposée, est-ce qu'il y a des interventions...

M. Cusano: II y aurait quelques commentaires à faire...

Le Président (M. Boucher): sur la motion? M. le député de Viau.

M. Cusano: Premièrement, M. le Président, permettez-moi de dire qu'il a été très agréable pour 99,9% du temps, en ce qui regarde les relations de ce côté de la table et de l'autre côté de la table. Je crois que c'est assez un bon record pour une commission parlementaire. On a eu une indication depuis le début de la commission parlementaire dans un sens que le ministre avait l'intention d'apporter des changements majeurs. Je suis heureux qu'après cette consultation, même si on est maintenant rendu à la quatrième ou cinquième version d'un projet de loi qui circule depuis un bon moment, le ministre, contrairement à d'autres qui l'ont précédé, réalise que le projet de loi a été mal écrit, est confus et qu'il doit être réimprimé. Nous l'avons dit à plusieurs reprises, cette réimpression est nécessaire car le projet de loi, tel que nous l'avons devant nous, reflète l'image de ceux qui l'ont conçu. On n'a jamais su si c'était la CSST ou le ministère qui a rédigé ce projet de loi, mais une chose est sûre, c'est qu'il reflète la situation qui règne, soit au ministère ou à la CSST.

J'espère que les amendements seront connus à part ceux qui ont été annoncés cet après-midi. J'espère que le texte précis sera connu rapidement.

Pour citer un de vos collègues, M. le ministre, l'ex-ministre de l'Éducation: II se hâte lentement. J'espère que vous allez vous hâter d'une façon un peu plus vite que de la façon dont le fait l'ex-ministre de l'Éducation.

Cela étant dit, je vous souhaite bonne chance. Vous avez un gros boulot, ce n'est pas seulement les quelques amendements que vous avez annoncés qui doivent être changés, tout le projet de loi doit être réécrit. Il est à espérer que le prochain sera très clair et que tout le monde le comprendra avec ces remarques. Il ne faut pas oublier aussi le fait qu'il y a d'autres lois qui sont touchées ici de façon indirecte, c'est-à-dire qu'elles ont été un peu cachées dans ce projet de loi, vos droits qui sont amendés. J'exprime à ce moment le désir, comme je l'ai déjà fait auparavant, que lorsqu'on parle de la loi touchant l'indemnisation des victimes d'actes criminels et de la loi favorisant le civisme, je crois qu'elles devraient faire l'objet d'un dépôt de loi séparé pour qu'on puisse vraiment connaître la volonté du gouvernement. Avec cela en espérant que vous allez donner suite aux recommandations qui vous ont été faites des intervenants et de l'Opposition. C'est avec toutes ces considérations, que nous allons voter en faveur de la réimpression du projet de loi.

Le Président (M. Boucher): Cette motion voulant que le projet de loi 42 soit réimprimé est adoptée?

M. Cusano: Adopté, M. le Président. M. Fréchette: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Il me fait plaisir, en tant que président, de mettre fin aux travaux de cette commission. Ce n'est pas moi qui l'ai présidée à venir jusqu'ici, mais il reste qu'en ajournant la commission, je mets fin en même temps à douze ans de travaux parlementaires suivant le règlement actuel, puisque, lors de l'ouverture de la prochaine session, avec la réforme parlementaire, nous aurons un nouveau règlement et une nouvelle procédure.

Sur ce, je remercie les membres de la commission. La commission élue permanente du travail ajourne ses travaux sine die.

M. Cusano: M. le Président, j'espère que vous avez raison, mais il ne faut pas oublier que le nouveau règlement n'est pas encore adopté.

Le Président (M. Boucher): On espère que tout ira bien.

(Fin de la séance à 18 h 21)

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