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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 27 août 1991 - Vol. 31 N° 3

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi n° 125, Code civil du Québec


Journal des débats

 

(Seize heures onze minutes)

Le Président (M. Lafrance): Mesdames et messieurs, avant de déclarer ouverte la sous-commission pour l'étude détaillée du projet de loi 125, vous me permettrez certaines remarques.

On a parlé tout à l'heure d'un moment historique, soyez assurés que c'est pour moi aussi un moment historique puisque je suis relativement nouveau en politique, et j'aimerais vous remercier tous et toutes de la confiance que vous me témoignez en me nommant président de cette sous-commission.

Pour ma part, j'aimerais vous assurer dès le départ de toute mon application dans l'exécution de mon mandat, de mon impartialité aussi dans les débats qui vont suivre. Et je vais tenter de donner le droit de parole et faire tout mon possible pour donner le droit de parole et de contribution à tous et toutes, membres de cette importante sous-commission. Je m'engage également à respecter les procédures coutumières, ou encore réglementer au meilleur de mes capacités.

On a mentionné tout à l'heure le caractère consensuel de la motion pour former cette sous-commisslon et me nommer président. Soyez assurés que je l'apprécie au plus haut point et que c'est certainement dans un esprit de collaboration et dans un caractère décontracté, que vous avez mentionné, Mme la députée de Hoche-laga-Maisonneuve, que je pense que nous allons mener à terme cet important mandat.

On a parlé de mon expérience aussi; à cause de mon âge, j'ai évidemment une expérience derrière moi. Je ne suis pas avocat de formation, quoique j'ai une certaine formation juridique que j'ai acquise personnellement. En retour, j'aimerais demander la collaboration de tous et de toutes afin que nous puissions accomplir notre travail avec diligence, efficacité, et surtout dans les meilleurs délais possible. Je dis meilleurs délais possible, parce que nous réalisons que nous nous attaquons à un projet de loi qui compte 3144 articles. C'est donc une tâche colossale que nous avons devant nous. Et comme le disait M. le ministre, voilà quelques instants, c'est un gros morceau effectivement, et la lourdeur de nos responsabilités est évidente, quoiqu'elle ne doive pas évidemment nous empêcher de progresser le plus rapidement possible.

Alors, sans plus de commentaires préliminaires, j'aimerais déclarer cette sous-commission comme étant ouverte. Je réalise que nous avons le quorum. Et j'aimerais rappeler le mandat de la sous-commission qui est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 125, Code civil du Québec.

Est-ce que, Mme la secrétaire, il y a des remplacements à annoncer?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Alors nous en sommes aux déclarations d'ouverture et j'inviterais M. le ministre, s'il vous plaît.

Remarques préliminaires M. Gii Rémillard

M. Rémillard: Oui, M. le Président, je vous remercie. M. le Président, le 18 décembre 1990, je présentais devant l'Assemblée nationale le projet de Code civil du Québec. Dès la présentation de ce projet, j'invitais tous les intéressés, et plus particulièrement le Barreau du Québec et la Chambre des notaires du Québec, à me faire part de leurs observations sur le contenu des règles proposées dans le projet de loi 125.

Lors de mon intervention dans le cadre de l'adoption de principe de ce projet de loi le 4 juin dernier, je soulignais devant l'Assemblée nationale les principales orientations de cette réforme et les bienfaits qui en découleraient pour l'ensemble de la société québécoise. Comme je le mentionnais alors, je cite: "Le Code civil est une loi qui constitue un point de référence constant et rejoint la vie de tous les individus dans tous les événements et toutes les relations qui ont pour eux une signification et une portée sociale. Il est la trame sur laquelle se construit le tissu social."

À cette occasion, M. le Président, la porte-parole de l'Opposition officielle, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, soulignait certaines questions sur des points fort pertinents. Dans l'état du droit actuel, M. le Président, nous n'avons aucun intérêt à proposer l'adoption de mesures qui sont, à leur face même, inconstitutionnelles et ce serait là très mal servir les intérêts du Québec, étant donné les objectifs du projet de loi qui consistent notamment à doter les Québécois et les Québécoises d'une loi qui leur assure une sécurité juridique. C'est dans ce contexte, M. le Président, que nous avons décidé d'éliminer certaines possibilités que nous aurions de légiférer dans un domaine qui n'est pas de notre responsabilité, selon la Constitution canadienne, en ce qui regarde, entre autres, le mariage et le divorce. C'est dans cet esprit, donc, que les dispositions sur le divorce n'ont pas été reprises dans le projet de loi 125. Cette mesure découle d'une réalité qui est donc juridique, constitutionnelle, mais ne signifie pas pour autant que nous renoncions à des démarches formelles avec le gouvernement fédéral pour que

nous puissions, dans la prochaine réforme constitutionnelle, avoir pleine juridiction dans ces domaines importants. Il n'est pas exclu en effet que ce sujet puisse faire l'objet de discussions constitutionnelles futures avec le gouvernement fédéral ou qu'il soit abordé ou discuté dans le cadre des travaux de la Commission d'étude des questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté ou de la Commission d'étude sur toute offre d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle.

Dans un autre ordre d'idées, M. le Président, Mme la porte-parole de l'Opposition officielle s'interrogeait sur le silence dans le projet de loi à l'égard de certaines questions de fond qui sont débattues dans notre société, telles que les nouvelles techniques de reproduction et 4a propriété des embryons surnuméraires, le besoin d'une législation minimale régissant les effets de l'union de fait, ainsi que la reconnaissance du testament biologique.

En réponse à Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, donc concernant les nouvelles techniques de reproduction, je me permets de rappeler d'une part que c'est la première fois qu'il est proposé au Québec des règles minimales en la matière. Le projet du Code civil du Québec prévoit en effet que la contribution au projet parental d'autrui par un apport de force génétique ne permet de fonder aucun lien de filiation entre l'auteur de la contribution, le donneur, et l'enfant issu de cette procréation. Il prévoit aussi la responsabilité, envers la mère de l'enfant, du conjoint qui aurait consenti à ce qu'elle soit inséminée, mais qui, au moment de la naissance, refuserait de reconnaître l'enfant qui en serait issu. Cependant, la contestation de paternité sera possible dans le cas où il serait démontré que l'enfant ne provient pas de l'insémination médicalement assistée. Il prévoit de plus que les conventions de procréation ou de gestation pour le compte d'autrui, les contrats de grossesse, sont nulles.

Mentionnons aussi la confidentialité des renseignements nominatifs relatifs à la procréation médicalement assistée d'un enfant, sous réserve de la possibilité de les obtenir lorsqu'un préjudice grave à la santé de l'enfant risque d'être causé s'il est privé de ces renseignements.

D'autre part, je me permets de rappeler, M. le Président, que le rôle du Code civil est d'établir les principes généraux du droit de la personne. Son objectif n'est pas de régir chacun des aspects de l'application d'une technologie particulière, et c'est sur cet aspect que je veux insister d'une façon toute particulière. À cet égard, vous conviendrez avec moi qu'il s'agit d'un sujet qui déborde le cadre normal d'un Code civil puisqu'il fait appel à des pratiques médicales et hospitalières tout en soulevant de façon parallèle des questions d'éthique professionnelle en évolution constante. Il en est de même quant à la propriété des embryons surnuméraires. Ces questions, aussi fondamentales soient-elles, nécessitent à mon avis une réflexion plus approfondie, plus spécifique. Dans ce contexte, j'entends proposer sous peu l'institution d'un organisme indépendant voué à la révision permanente de notre droit. Cet organisme, qui porterait le nom d'Institut québécois de réforme du droit, aurait pour mandat de consulter différents milieux, d'effectuer des études concernant différents domaines du droit et de formuler des propositions de réforme législative qui seraient ultérieurement analysées et, s'il y a lieu, prises en charge par les autorités politiques L'expérience de la révision du Code civil qui a débuté II y a 36 ans nous enseigne qu'il est on effet souhaitable de maintenir do façon permanente l'effort de révision et de modernisation de notre droit afin qu'il soit toujours mieux adapté aux valeurs et aux besoins de la société C'est ainsi que des questions comme celles portant sur la problématique entourant les nouvelles techniques de reproduction ainsi que la propriété des embryons surnuméraires pourraient être appronfondies.

Ceci m'amène, M. le Président, à répondre de la situation juridique des conjoints de fait Même si les propositions inscrites au projet de Code civil du Québec sont les mêmes que cellos retenues en 1980 lors de l'adoption de la Loi instituant un nouveau Code civil et portant réforme du droit de la famille, il s'agit d'un sujet qui nécessite lui aussi les analyses plus spécifiques. Dans le cadre de ma réflexion sur le projet de loi 125, il m'est apparu préférable comme principe de base d'assurer une plus grande protection des enfants dont les père et mère vivent en union de fait, quitte à développer des études qui ont été continuées par le gouvernement actuel sur l'ensemble de la situation des conjoints de fait, Incluant les conjoints de même sexe. Il serait plus facile de proposer des orientations pouvant découler de la cessation de ces unions. Dans cet esprit, la réforme du Code civil assouplit les règles d'adoption d'un enfant par le conjoint de fait, de son père ou de sa mère, en n'obligeant plus le parent à devoir renoncer au lien de filiation pour procéder par la suite à l'adoption de son enfant. A ce titre, j'entends de plus proposer devant cette commission un amendement visant à étendre la responsabilité du conjoint de fait qui consent à un projet de procréation médicalement assistée, non seulement à l'égard de la mère mais également à l'égard de l'enfant issu du projet.

Concernant le testament biologique, Mme la députée de Hochelaga-Malsonneuve soulevait l'absence des dispositions spécifiques précisant le droit du malade de refuser de recevoir des soins à la fin de sa vie, se référant à un projet de loi en ce sens qui aurait été déposé devant la Législature ontarienne. À ce sujet, permettez-moi de rappeler qu'en 1989 je parrainais l'étude devant l'Assemblée nationale de la loi portant

réforme de la curatelle publique, loi par laquelle le législateur venait Introduire au Québec le mandat en cas d'Inaptitude, tout en précisant les règles relatives au consentement aux soins d'une personne inapte. Par ce mandat, l'on a permis à une personne d'y inscrire ses choix concernant les traitements qu'elle pourrait refuser, advenant des problèmes graves de santé.

Le projet de loi 125 reprend ces dispositions en reconnaissant la valeur morale de cet écrit, puisqu'il prévoit que la personne qui consent à des soins pour autrui ou qui les refuse est tenue d'agir dans le seul intérêt de cette personne en tenant compte, dans la mesure du possible, des volontés que cette dernière a pu manifester. Quant au projet de loi ontarien auquel se référait Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve lors de son intervention concernant le testament biologique, II est imporant de préciser qu'il reprend, ce projet de loi de l'Ontario, les mesures adoptées par le Québec en 1989, sans reconnaître l'application intégrale du testament biologique.

Dans un autre ordre d'idées, certaines inquiétudes m'ont été soulevées par les représentants du milieu juridique quant aux incertitudes que pourrait soulever la consécration de la tutelle légale des père et mère par rapport à l'enfant conçu mais non encore né. À la lumière des principes reconnus par la Cour suprême dans l'affaire Chantale Daigle et pour éviter que l'introduction d'une tutelle ne suscite de nouveaux débats juridiques, j'entends proposer un amendement devant cette commission visant à préciser que cette tutelle ne s'appliquera qu'aux droits patrimoniaux de l'enfant conçu mais non encore né.

Dans le cadre de son intervention lors de l'adoption du principe du projet de Code civil du Québec, Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve abordait aussi la question de la confidentialité des dossiers d'adoption. Ce sujet met en lumière deux principes tout aussi importants l'un que l'autre, soit le droit à la connaissance d'un enfant à ses origines et le droit au maintien de l'équilibre affectif et psychologique de l'enfant ainsi que des membres de sa famille d'adoption. Après avoir soupesé les conséquences de ces enjeux, il m'est apparu opportun d'étendre la possibilité qu'ont l'adopté majeur ou ses parents biologiques de lever la confidentialité d'un dossier d'adoption, lorsque les parties y consentent, au mineur qui désirerait retracer ses parents biologiques, moyennant le consentement de toutes les parties, à savoir le mineur adopté, ses parents biologiques et ses parents adoptifs. L'obtention préalable des consentements prévus par cette règle vient minimiser les risques de contrecoups psychologiques et répond à l'équilibre recherché entre l'exercice d'un droit et la protection des individus. De plus, il m'est apparu tout aussi important de codifier dans le projet de loi une jurisprudence permettant au tribunal de lever la confidentialité d'un dossier en faveur de l'adopté mineur ou majeur lorsque sa santé est en jeu et de proposer l'ouverture de cette règle aux enfants ou proches parents biologiques de l'adopté lorsque le fait d'être privé de ces renseignements présente un risque grave à leur santé. Cette ouverture au principe de la confidentialité m'apparaît de mise puisqu'elle ajoute au droit de connaître ses origines un élément vital qui ne saurait être négligé, respectant ainsi le juste équilibre entre l'exercice d'un droit et les risques qu'il peut comporter.

Le principe de la confidentialité en matière d'adoption soulève indirectement celui de la confidentialité des dossiers de l'auteur de la contribution au projet parental d'autrui par un apport de force génétique ou la procréation médicalement assistée. Bien que le principe de l'ouverture à la connaissance de ses origines revêt de l'importance, il s'agit ici d'un cas où il aurait été difficile de favoriser l'exercice de ce droit sans risquer de compromettre pour l'avenir l'existence même de cette technique. En effet, cette technique fait appel à la contribution gratuite de donneurs. Il serait difficile de reconnaître, en matière de procréation médicalement assistée, l'exercice de ce droit à l'enfant qui en résulte sans risquer l'arrêt du don de sperme et, par voie de conséquence, empêcher un couple qui désire avoir un enfant de pouvoir procréer lorsque, pour ce couple, cette technique s'avère le dernier espoir possible. En contrepartie, il m'est apparu justifié de permettre une ouverture à la confidentialité du dossier concernant le donneur lorsque la santé de l'enfant issu de ce don sera en danger et ce, sur autorisation du tribunal. J'entends, de plus, proposer aux membres de la commission un projet d'amendement qui permettra d'étendre la règle aux descendants d'une personne issue d'une procréation médicalement assistée lorsque le fait d'être privé de tels renseignements présentera un préjudice grave à leur santé. Telles sont, M. le Président, les principales questions qui font appel, à certains égards, à l'exercice d'un choix de société. Les précisions que je viens d'apporter visent à éclairer les membres de cette commission sur le bien-fondé des enjeux que représente la réforme et la nécessité de doter le Québec d'une loi adaptée à ces nouvelles réalités.

D'autres questions pertinentes ont été soulevées par la députée de Hochelaga-Maison-neuve et font appel à une bonification des règles au même titre que certaines interventions qui m'ont été faites par des représentants des milieux juridiques, sociaux et économiques. Après analyse, j'entends proposer, au cours des travaux de la présente commission, certains ajustements qui m'ont paru opportuns. Ainsi, en matière de consentement aux soins pour les mineurs de 14 ans et plus, le problème qui m'a été dénoncé concernait l'emploi, aux articles 14, 15, 16, 17, 18 et 24 du projet de loi, du mot "exigé" à la

place du mot "requis" tel qu'utilisé à l'article 42 de la Loi sur la protection de la santé publique. Selon certains, ce changement serait susceptible de changer le droit actuel. À ce sujet, permettez-moi de rappeler que le mot "exigé" a été introduit au moment des consultations publiques formelles et informelles sur les projets de loi 106 en 1982, 20 en 1984 et repris lors de la réforme de la curatelle publique en 1989 et qui n'avait, jusqu'à récemment, posé aucune difficulté.

Ceci dit, cependant, M. le Président, devant la demande issue tant des milieux juridiques que sociaux à l'effet qu'il vaudrait mieux éviter une polémique juridique sur les changements potentiels que pourrait entraîner l'emploi du qualificatif "exigé" à l'égard des soins de santé prodigués aux mineurs de 14 ans et plus, j'entends proposer un amendement à ces articles de manière à assurer le maintien du terme actuel.

Un autre sujet qui mérite l'attention est celui relatif au processus de liquidation en matière de succession proposé par le projet de loi 125. Suite à une réaction négative de la part du milieu juridique pour le motif, notamment, de la lourdeur du processus proposé, les échanges que j'ai eus avec le Barreau du Québec et la Chambre des notaires m'ont conduit à mettre sur pied un groupe de travail tripartite: ministère de la Justice, Barreau du Québec et Chambre des notaires. Ce groupe a eu pour mandat de réexaminer la question en vue de proposer des aménagements permettant de bonifier le processus de liquidation proposé tout en assurant la protection des droits individuels. Les propositions qui m'ont été faites, suite à ces travaux, me permettront de soumettre aux membres de cette commission des amendements qui devraient répondre aux inquiétudes qui ont été soulevées. (16 h 30)

Au chapitre des créances prioritaires, certains intervenants ont également fait valoir leur opposition au caractère prioritaire accordé aux créances du ministère du Revenu. Après réflexion sur les arguments soulevés, je crois nécessaire de rappeler, d'une part, que cette règle reprend le droit actuel en matière de privilèges et que, d'autre part, il s'agit de créances qui doivent être collectées dans l'intérêt général de la société québécoise. Renoncer au caractère prioritaire de ces créances reviendrait à renoncer à la perception de sommes dues à l'État et, par voie de conséquence, accepter de faire supporter par l'ensemble des contribuables le manquement d'un citoyen à ses devoirs à l'égard de l'État. Dans ce contexte, M. le Président, j'entends donc proposer le maintien, sur ce point, des règles contenues dans le projet de loi 125.

Au chapitre des effets de la personnalité juridique des personnes morales, certains ont soulevé une ambiguïté entourant la généralité de la règle relative au voile corporatif et ont proposé, sans s'opposer à son bien-fondé, une approche plus restrictive. Après analyse, Je tiens à souligner que cette mesure vient codifier le droit existant dégagé par la jurisprudence. Elle vise essentiellement à éviter que le recours à l'institution d'une personne morale ne serve à camoufler une fraude, un abus de droit ou encore une contravention à une règle d'ordre public au détriment d'engagements intervenus avec un tiers de bonne foi. C'est d'ailleurs avec sagesse quo les tribunaux ont senti le besoin de lever le voile corporatif de certaines corporations suivant des circonstances qui ont été reprises dans l'énoncé de la règle proposée dans le projet de loi 125. Toutefois, suite aux représentations qui m'ont été faites, il m'apparait opportun de proposer un ajustement permettant de corriger une certaine ambiguïté sur la portée do la règle par le biais d'un amendement visant à supprimer l'expression "entre autres", de sorte que la règle prévoirait expressément tous les cas où le voile corporatif pourrait être levé par le tribunal, facilitant donc d'autant son application.

La nouvelle notion d'hypothèque mobilière proposée par le projet de Code et son effet sur les quotas de production détenus par les producteurs agricoles m'auront permis aussi de rassurer les représentants du monde agricole sur leur appréhension quant aux conséquences possibles que pourrait représenter, pour eux, l'ouverture à ce mode de financement sur le transfert potentiel de quotas agricoles. Tel qu'il appert du mémoire soumis par l'Union des producteurs agricoles sur le sujet, l'Union ne s'oppose pas au principe de l'hypothèque mobilière. La demande de l'Union vise à exclure, dans une loi particulière d'application de l'hypothèque mobilière, "aux quotas de production agricole". Cette demande fait présentement l'objet d'un examen sérieux, tant au ministère de la Justice qu'au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, dans le cadre de travaux complémentaires qui me permettront de proposer, dès que le projet de loi 125 sera adopté, une loi d'application visant à adapter, dans la mesure du possible, l'ensemble de notre législation aux principes contenus dans le nouveau Code civil du Québec.

Parmi les représentations qui m'ont été fartes, je tiens à souligner l'ouverture éventuelle du champ d'application des règles concernant la convention d'arbitrage à certaines matières matrimoniales. Il s'agit là d'un sujet qui revêt, pour moi, beaucoup d'intérêt puisqu'il vise à permettre le règlement de conflits en favorisant la déjudiciarisation de recours qui aboutissent actuellement devant les tribunaux. Or, le système judiciaire, que plusieurs qualifient de système d'adversaires, n'est pas conçu en sol pour régler les problèmes d'ordre émotif ou psychologique. Le recours à un arbitre devrait permettre, en l'absence du décorum judiciaire, de favoriser la diminution des tensions et le traumatisme émotionnel.

Dans ce contexte, M. le Président, j'entends donc proposer, lors des travaux de la commission, un projet d'amendement visant à reconnaître l'arbitrage en matière familiale lorsque le litige naît et qu'il s'agit de droits patrimoniaux. Cette ouverture ne devrait pas couvrir, toutefois, les questions relatives à la protection et à la garde des enfants. Il m'apparaît Important, en effet, de poser Ici une balise afin d'assurer que les droits des enfants seront préservés et tranchés par le tribunal qui, en ce domaine, a su développer une expertise importante.

Le dernier point que je veux soulever avant que ne débutent les travaux de la sous-commission a trait à la responsabilité du fabricant, distributeur ou fournisseur d'un bien meuble. Il s'agit de la règle permettant à ces derniers de pouvoir s'exonérer d'un dommage occasionné par un défaut de sécurité d'un bien qu'on leur oppose en démontrant qu'ils n'avaient pas commis de faute et qu'il leur était impossible de connaître l'existence de ce défaut lors de la fabrication du bien, en raison des règles de l'art existantes au moment de sa fabrication. Cependant, et suite aux représentations qui m'ont été faites par les représentants du milieu juridique, lesquels rejoignent en partie mes propres préoccupations, j'ai demandé qu'une nouvelle analyse de la situation soit effectuée en tenant compte d'un juste équilibre entre le fabricant et l'utilisateur. Je verrai à présenter devant cette commission le résultat de cette nouvelle réflexion sur ce point des plus importants.

En terminant, M. le Président, je voudrais souligner que je demeure confiant que le projet de Code civil du Québec que nous nous apprêtons à étudier saura répondre aux besoins de la société québécoise. À ce sujet, je me réfère aux résultats positifs des consultations qui ont eu lieu depuis la présentation du projet de Code en décembre dernier, tant auprès du Barreau du Québec et de la Chambre des notaires qu'auprès d'associations ou de regroupements représentant les différents milieux sociaux et économiques. Depuis le mois de décembre dernier où j'ai présenté, en première lecture, ce projet de loi, nous avons eu l'occasion de rencontrer, d'une façon informelle - mais je dirais aussi extrêmement fructueuse - beaucoup de groupes qui ont un intérêt direct dans cette réforme du Code civil - sur certains de ses aspects - de même que, d'une façon tout à fait privilégiée, bien sûr, la Chambre des notaires et le Barreau. Et je tiens à les remercier pour leur très grande collaboration.

J'ai eu personnellement, avec le bâtonnier du Québec et le président de la Chambre des notaires - des partenaires qui sont indispensables dans l'administration de la justice au Québec - plusieurs rencontres qui m'ont permis de constater, entre autres, que le milieu juridique désire que soit mené à terme ce projet d'envergure dont les travaux remontent, comme on le sait, à plus de 35 ans. Elles m'auront permis, aussi, ces rencontres que j'ai eues tout au long des derniers mois, de constater que leur collaboration nous était acquise afin de pouvoir doter le Québec d'une loi appelée à établir le régime juridique privé qui prévaudra au cours du XXIe siècle.

M. le Président, je dois dire que c'est pour nous tous, membres de cette sous-commission, un privilège que de participer d'une façon aussi étroite à l'élaboration d'un projet législatif de cette envergure pour notre société québécoise. La réforme du Code civil est véritablement un projet de société. C'est aussi, par le fait même, bien sûr, une très lourde responsabilité. Le Code civil touche tous les aspects de la vie, de notre naissance à notre décès. Nous devons être très conscients de cette importance de la réforme du Code civil et de nos travaux, par conséquent. Mais il ne faut pas aussi tomber dans l'excès contraire et refuser de légiférer ou de décider parce que nous n'aurions pas, sur certains aspects, atteint tout le degré de perfection que nous aimerions pouvoir atteindre. Cela fait maintenant plus de 36 ans que l'on y travaille. On ne peut pas priver plus longtemps la société québécoise des avantages d'un droit privé adapté à notre réalité sociale, politique, économique, culturelle. Il y a un temps pour étudier, il y a un temps pour élaborer et il y a un temps pour décider. Le temps est maintenant venu pour nous de décider, de légiférer. Avec la collaboration de tous mes collègues qui sont ici présents et qui ont accepté de siéger, avec la collaboration de l'Opposition, je suis convaincu que, dans un temps qui nous permet d'une façon réaliste d'aborder l'ensemble de cette réforme, nous pourrons nous acquitter avec efficacité de cette grande responsabilité qui est la nôtre.

M. le Président, en terminant, j'aimerais souligner la présence de personnes qui sont impliquées, pour certains et certaines, depuis presque les tout débuts dans ces travaux les plus sérieux, dans cette réforme du Code civil. Et je sais que ce n'est pas sans émotion qu'ils sont ici, aujourd'hui, à cette première rencontre que nous avons de notre sous-commission. J'ai tout d'abord avec moi, à ma gauche, le sous-ministre de la Justice, Me Jacques Chamberland, qui, avec beaucoup de maîtrise et de détermination, dirige l'administration du ministère et qui a accordé une attention tout à fait particulière à nos travaux concernant la réforme du Code civil. Il y a maintenant trois ans que je suis ministre de la Justice; lorsque la première fois on a établi nos plans de travail et qu'on a décidé de procéder avec la réforme du Code civil, c'est ensuite avec beaucoup de détermination que Me Chamberland a travaillé avec nous et donc monté une équipe qui était déjà au travail, qui faisait déjà un travail remarquable au sein du ministère de la Justice. Est venue aussi s'ajouter Mme Lise Morency, sous-ministre associée, qui est venue

avec toute sa compétence, en particulier lorsqu'elle était secrétaire au Comité de législation, secrétaire générale adjointe au Conseil exécutif. En ce qui regarde le Comité de législation, elle avait acquis une expérience exceptionnelle dans la rédaction législative et cette expérience, elle a donc pu la mettre au service de l'équipe de rédaction du Code civil.

Je voudrais souligner la présence et la très grande collaboration des personnes suivantes. Tout d'abord, Mme la directrice de la direction des études et orientations qui a dirigé l'équipe de légistes qui travaillent sur le dossier de la réforme au ministère de la Justice, Me Marie-José Longtin, M. le coordonnateur du droit civil au ministère, Me André Cossette, ainsi que les neuf légistes qui suivront les travaux de la commission et qui ont travaillé très fort depuis les dernières années, les derniers mois pour que nous puissions en arriver maintenant à cette commission parlementaire, Me Aidée Frenette, Me Gina Bienjonetti, Me Pierre Charbonneau, Me Louise Caron, Me France Fradette, Me Denise McManiman, Me Michèle Ringuette, Me Albert Bélanger, Me Frédérique Sabourin, ainsi que Me Julienne Pelletier, de mon cabinet. Et je me permets d'insister d'une façon toute particulière sur le travail tout à fait exceptionnel que fait, au niveau de mon cabinet, Me Julienne Pelletier.

Nous avons nos experts et, parmi ces experts qui sont avec nous, Me Jean Pineau, conseiller expert, donc, sur la réforme, qui a donné toute son expertise dans ces travaux concernant la réforme du Code civil et je le remercie pour ce qu'il a fait et je le remercie d'être avec nous aujourd'hui pour continuer ces travaux.

M. le Président, en terminant, j'aimerais peut-être dire que j'entends dans cette sous-commission, laisser place le plus possible à l'expression tout d'abord de nous, comme membres de cette commission, comme élus, bien sûr, mais que je n'hésiterai pas à faire appel à nos experts qui sont ici. Je vois aussi Me François Frenette, de la Faculté de droit de l'Université Laval. Je vois M. Claude Masse, qui est aussi ici, qui est professeur de droit à l'Université du Québec, et ces éminents spécialistes viennent pour nous aider à faire le travail le plus complet possible. Je sais qu'aussi Me Monique Ouellette-Lauzon, qui est professeur à la Faculté de droit à l'Université de Montréal, sera avec nous. Ils travaillent d'une façon toute particulière avec l'Opposition pour apporter des commentaires, et qu'on puisse donc en arriver aux éléments les plus complets. De notre côté, il se peut aussi que, sous certains aspects spécifiques, d'autres spécialistes puissent se joindre à nous. Mais je veux vous dire, M. le Président, que je n'hésiterai pas, comme ministre responsable de ce dossier, à faire appel à nos experts. Je ne voudrais pas que cette commission devienne un débat d'experts et je sais que ça ne le deviendra pas, parce que nous en sommes dans cette étude article par article à l'aspect non seulement technique mais aussi pratique. Il faut être conscients de l'application de tous ces aspects techniques que nous avons et c'est à nous, comme élus, membres de cette commission, d'etre capables de les apprécier dans leur réalité. Je soulignais tout à l'heure l'apport que Mme la députée de Groulx a déjà fait au niveau de la commission des institutions et je sais que là encore elle apportera sa contribution pour justement nous apporter des cas très concrets qui nous permettent de coller à la réalité les différents problèmes que nous avons à discuter. (16 h 45)

Alors, voilà, M. le Président, les quelques remarques que je voulais faire, très conscient de l'ampleur de la tâche mais très conscient aussi, M. le Président, qu'il s'est fait un travail remarquable de collaboration avec l'Opposition qui nous permet, je pense, d'envisager ces travaux d'une façon très positive pour qu'on puisse en arriver à une réforme qui serait la plus complète possible, et j'ai très confiance qu'on puisse y arriver dans un avenir quand même prochain étant donné toutes nos responsabilités parlementaires. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, M. le ministre. J'inviterais maintenant le porte-parole de l'Opposition officielle. Mme la députée de Hochelaga-Malsonneuve, à nous faire ses déclarations d'ouverture si elle le désire, lui rappelant, comme veut la coutume, en rapport avec le temps pris par M. le ministre, qu'elle dispose de 33 minutes. Mme la députée.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Oui. Je crois comprendre, M. le Président, qu'il y a déjà une entente, je pense, entre les leaders pour que nous consacrions plus de temps que de coutume, compte tenu de l'ampleur du dossier, à ce moment-ci de l'ouverture de nos travaux. Mais comme je ne veux pas abuser et, par ailleurs, je veux aussi rendre justice au discours qui m'a été préparé entre autres et surtout aux questions très techniques que je souhaitais aborder et pour lesquelles je n'aurais peut-être pas le temps de le faire, je souhaiterais avoir le consentement pour que le discours soit déposé tel que lu de manière à ce qu'il soit connu et puisse servir aux différents légistes qui auront a examiner ces questions. Alors, ça me permettrait de m'en tenir à l'essentiel de ce que je souhaite vous présenter maintenant, en ayant la garantie que le discours sera déposé au Journal des débats. Est-ce que ça vous conviendrait?

M. Rémillard: Pour ma part, M. le Président, je ne peux que saluer cette façon de faire de la part de la députée de Hochelaga-Maison-

neuve.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. Alors, il y a consentement.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Bon. Al-je besoin, évidemment, d'assurer le ministre, je pense qu'il n'a pas besoin de cette assurance, mais les membres de cette commission, l'adjoint parlementaire, de toute la collaboration de l'Opposition à l'occasion de cette phase délicate et cruciale que nous entreprenons aujourd'hui. J'ai déjà eu l'occasion de lui dire personnellement combien j'ai la conviction que nous étions privilégiés, lui et moi, de faire partie de l'équipe qui franchira la ligne d'arrivée de cette course à relais et à obstacles qui aura été, depuis plus de 30 ans, la révision du Code civil. D'autant plus que j'ai la conviction que nous complétons une époque à jamais révolue d'une révision globale et colossale qu'aucun de tous les gouvernements sensés qui se succéderont à l'Assemblée nationale ne voudra plus jamais entreprendre.

À l'aube du XXIe siècle, la société québécoise n'a plus les moyens, n'aura pas les moyens de ranger pieusement son Code civil au grenier avec ses papiers de famille. Je le dis immédiatement et simplement et maintenant, pour marquer l'importance que cela revêt pour l'Opposition, nous ne pourions envisager de compléter les présents travaux de notre sous-commission avant d'avoir obtenu la garantie, non seulement du ministre mais aussi de son gouvernement et du Conseil du trésor, de la création d'une commission de réforme du droit qu'on peut appeler institut de réforme du droit, indépendante du ministère de la Justice et mise en place de façon permanente. Une telle commission s'impose pour fournir les instruments d'évolution du Code civil plutôt que de confier, comme ce fut le cas, à des lois statutaires élaborées en marge, sinon à l'encontre du Code, le soin d'ajuster le droit à la réalité. Mais elle s'impose d'autant plus que rous pourrons, durant la présente commission parlementaire, travailler beaucoup plus à l'aise en cessant de travailler avec une ligne d'horizon qui se perd à l'infini pour travailler en fonction de la société d'aujourd'hui. Et ce que nous pouvons, dans le fond, laisser de mieux en héritage aux générations futures, c'est un Code civil en constante évolution plutôt qu'un bijou de famille démodé.

Ceci étant dit, permettez-moi de saluer l'équipe de légistes du ministère, particulièrement Mme la sous-ministre Morency, Me Cosset-lo, Me Longtln et Me Pineau, avec qui j'ai eu déjà le plaisir de travailler, et je voudrais également féliciter le député de Chapleau - je lai fait à l'ouverture de nos travaux, je le réitère - pour sa récente nomination à titre d'adjoint parlementaire à la réforme du Code civil. Pour ma part, je serai accompagnée tout au long des travaux par Mme la députée de Ter-rebonne qui est bien connue pour sa détermination, sa rigueur et sa grande implication dans les dossiers de protection du consommateur. Je la remercie d'avoir accepté cette invitation à participer aux travaux de notre sous-commission. Et j'aimerais remercier également Me Fernande Rousseau, qui est au dossier ce que Julienne est au ministre, si je comprends bien.

Depuis deux mois et pour la durée de l'étude du projet de loi, le ministre a bien accepté de mettre à la disposition de l'Opposition officielle les services de trois juristes émérites dans leur champ d'expertise. J'aimerais vous les présenter, la communauté juridique les connaît déjà très bien, les membres de la sous-commission apprendront à les connaître. Il s'agit de Me Monique Ouellette, qui est professeure de droit à l'Université de Montréal et qui est responsable des livres du Code civil concernant les personnes, la famille et le droit international privé, et de Me François Frenette, qui, dois-je comprendre, a été collègue du ministre de la Justice sur les bancs de la faculté de droit. C'est bien le cas?

M. Rémillard: Oui. Peut-être je pourrais apporter une petite précision. Il y a déjà plusieurs années, nous faisions nos thèses de doctorat en France ensemble. Mon sujet de thèse était la prépondérance du gouvernement fédéral dans le fédéralisme canadien et le sujet de thèse du professeur Frenette était l'emphytéose. Il avait quelques quolibets sur mon sujet de thèse et j'en avais certains sur le sien. Mais qui eusse cru, à ce moment-là, que je me repenchasse, comme ministre, sur l'emphytéose avec toutes les implications qu'elle signifie dans notre droit présent! mon collègue avait une vision que je n'avais pas, à ce moment-là je dois dire.

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie de cette précision, M. le ministre. Madame, s'il vous plaît.

Mme Harel: Oui. Alors, simplement ajouter que Me Frenette est membre de l'étude Martel, Gagnon & Frenette de Québec, de même que de l'étude Brunet & Frenette et conseiller en matière de succession. Il sera donc conseiller en matière de succession, biens, priorités et hypothèques et en matière de publicité des droits. Et puis, enfin, de Me Claude Masse, professeur à l'Université du Québec à Montréal, bien connu pour les nombreux dossiers dont il est chargé en matière de protection du consommateur et qui sera chargé des livres concernant les obligations, les contrats nommés, la preuve et la prescription. Je tiens à les remercier pour la rigueur, la disponibilité dont ils ont fait preuve tout au cours de l'été. Nous nous sommes retrouvés dans cette Assemblée pendant les vacances de la construction, en plein mois de juillet, et je veux

leur dire à quel point ils ont été indispensables dans la préparation des travaux de cette sous-commission.

Avant d'aborder en détail certaines questions qui préoccupent l'Opposition, je voudrais insister sur certaines questions que j'ai soulevées lors du discours de deuxième lecture et qui n'ont pas été abordées dans le discours d'ouverture du ministre, notamment sur la nécessité dans notre tradition crviliste de "dire le droit" en accordant une grande importance à la définition des termes. À ce stade-ci de la révision du Code, nous ne pouvons nous soustraire à l'examen, article par article, du projet de loi 125 pour en écarter les concepts vagues, contradictoires ou antinomiques qui sèment la confusion et pourraient amener une interprétation tantôt large, tantôt restrictive de la part des tribunaux. "Dire le droit", c'est aussi, j'y reviendrai, examiner certaines questions de fond qui sont passionnément débattues dans notre société - le ministre y a fait allusion - la question du testament biologique, la place des conjoints de fait dans notre système juridique, celle des conjoints de même sexe ou la protection des renseignements personnels à l'égard des tiers. À ce stade-ci de nos travaux, sans prétendre incorporer le droit autochtone dans le Code civil, il s'agit, au minimum, certainement d'adopter par exemple une définition de la propriété beaucoup plus enveloppante que celle qui nous est actuellement proposée et qui contrecarre toute nouvelle approche dans ce domaine.

Un second aspect que j'ai soulevé, lors de ce discours de deuxième lecture, est certainement celui du statut des commentaires explicatifs sur le sens et la portée des modifications introduites par le projet de loi 125. Le ministre a produit des commentaires qu'il a dit être préliminaires, ne laissant finalement aucune indication quant à leur statut. Il importe, selon nous, de leur conférer un caractère officiel par un véritable dépôt à l'Assemblée nationale lors de l'adoption finale du projet de loi. Les commentaires explicatifs constitueront un outil indispensable à l'interprétation du droit, notamment en regard du nouveau langage juridique utilisé pour exprimer le droit existant.

En troisième lieu, je n'ai pas à insister à nouveau sur l'importance de doter la société québécoise d'une commission - appelons-le institut permanent de réforme du droit - à l'instar de nombreuses provinces au Canada, dont la Colombie-Britannique, le Manitoba, la Nouvel-le-Écosse, l'Ontario, la Saskatchewan et même Terre-Neuve.

Finalement, je voudrais à nouveau insister sur le manque flagrant de perspectives constitutionnelles du projet de loi 125. Au moment même où le ministre responsable du dossier constitutionnel prétend rehausser la place et l'importance du Québec dans le cadre de la redéfinition d'un nouveau fédéralisme canadien, le ministre de la Justice néglige, lui, de revoir tous les aspects du droit civil québécois qui ont le plus grand besoin d'une redéfinition des champs de juridiction des deux ordres de gouvernement. C'est d'autant plus déroutant qu'il s'agir, en l'occurrence, du même homme qui occupe les deux fonctions. En négligeant de remettre on cause l'intervention du gouvernement du Canada en ce qui a trait, par exemple, non seulement aux conditions de validité du mariage ou au divorce mais aux ordres de collocation des créanciers et des sûretés lors d'une faillite, à l'intérêt légal, aux contrats de crédit et de services bancaires, aux lettres de change et aux problèmes qui en résultent en matière de paiement, le projet de loi 125 endosse à l'avance et sans discussion tous les carcans constitutionnels qui ont freiné le Code civil et ont rendu son application parcellaire jusqu'à maintenant. Cetto attitude nous semble incohérente et il nous semble que le ministre doit rapidement y remédier en recherchant et en affirmant la prépondérance du Code civil comme contrat social des Québécoises et des Québécois sur toutes les autres sources de droit civil.

L'examen attentif, article par article, que nous entreprenons aujourd'hui s'impose d'autant plus que le projet de loi 125 multiplie les nouveaux concepts applicables et les conflits d'interprétation potentiels. À cet égard, trois considérations s'Imposent à la suite d'une étudo plus approfondie que nous avons menée cet été.

La première est que, là où le droit était relativement clair et articulé et là où il avait passé l'épreuve du temps, le projet propose des rédactions complètement différentes qui demanderont à être réinterprétées par nos tribunaux. Il n'y a pas un seul secteur du droit civil où les règles actuellement applicables ne sont pas reformulées en grande partie, et j'y reviendrai.

La deuxième constatation est que, là où II y a des changements majeurs et des modifications, les modifications sont introduites à la pièce, sans préoccupation des répercussions sociales de ce qui est proposé. Par exemple, aucune étude des impacts socio-économiques en ce qui a trait à l'endettement des Québécois n'est venue éclairer les choix du ministre sur les très Importantes répercussions que ne manqueront pas de provoquer des pans entiers du projet, notamment l'Introduction de l'hypothèque mobilière qui pourrait, par exemple, provoquer la résurgenco des compagnies de finance. Il y a là une attitude qui nous apparaît assez désinvolte et qui. dans les faits, cadre mal avec l'importance que l'on prétend accorder au Code civil. Le ministre aura certainement à expliquer les contradictions flagrantes au niveau de certaines règles de justice sociale que l'on nous propose, et j'y reviendrai.

La troisième constatation est la présence de contradictions manifestes entre diverses parties du projet de loi comme si ('interrelation entre les différents livres du Code n'avait pas fait

l'objet d'une attention suffisante. J'en donnerai des exemples. (17 heures)

Alors, qu'il me soit permis d'illustrer ces trois constatations. Reprenons donc la première. S'il est vrai, comme le prétend le ministre, que le projet de loi 125 ne fait que réaffirmer le droit existant dans la plupart des cas, alors pourquoi modifier la formulation de toutes les règles? Le ministre de la Justice, à bon droit, a souvent insisté sur sa préoccupation de permettre une déjudiciarisation des conflits sociaux, notamment en droit civil. Il rejoint en cela, d'ailleurs, les demandes d'à peu près tous les intervenants qui souhaitent régler des litiges sans recourir aussi souvent que maintenant aux procédures longues et coûteuses qui entravent l'appareil judiciaire, frustrent les justiciables et font augmenter inutilement les coûts de la justice. Cependant, cet objectif de déjudiciarisation est en contradiction flagrante avec certaines techniques législatives employées dans le projet de loi 125; par exemple, comment croire que ces nouveaux textes ne provoqueront pas de plus grandes incertitudes, incertitudes qui entraîneront à leur tour un besoin de clarification par les tribunaux de première Instance, des décisions qui seront portées en appel, décisions des cours d'appel qui vont être contredites ou renversées par d'autres décisions? On n'en sort pas. Nous allons au Québec vers une judiciarisation des litiges de droit civil pour au moins les 25 prochaines années si le projet de loi 125 est adopté tel que présenté.

Par exemple, prenons le cas de l'intégrité de la personne et des soins. La prétention est à l'effet que rien n'est changé par rapport à la présente situation et qu'on a tout simplement apporté quelques précisions. Pourtant, une multiplicité de concepts nouveaux sont introduits qui devront être interprétés par les tribunaux pour en assurer une application uniforme d'un centre hospitalier à l'autre, d'un médecin à l'autre. Les articles 10 à 26 du projet de loi 125 utilisent plus de dix termes différents pour qualifier les soins. Il est question de soins exigés et de soins non exigés par l'état de santé, de soins inusités, de soins inutiles, de soins intolérables, de soins d'hygiène, de soins urgents, de soins bénins, de soins innovateurs, de soins expérimentaux, de soins présentant un risque sérieux ou des effets graves et permanents. Sous prétexte de raffinement, la même profusion se retrouve aux articles 75 à 83 traitant du domicile et de la résidence. Ainsi, on parle de domicile, de résidence, de demeure affective, de dernier domicile connu, de résidence habituelle, de résidence familiale, d'habitation, de principal établissement, d'endroits où les principales activités sont exercées et d'endroits où la personne se trouve.

Les problèmes de rédaction au chapitre du droit des personnes que nous venons de mention- ner sont également présents en matière d'obligations, de responsabilités, de contrats nommés. Ainsi, l'adoption de formulations un peu floue laisse beaucoup de place à l'interprétation judiciaire et peuvent rendre l'application d'une disposition fort arbitraire. La situation est aggravée lorsque le législateur entend soumettre la violation d'une règle imperative à des sanctions comme la nullité d'un contrat ou les dommages-intérêts. Les conséquences peuvent alors être fort graves. Des formulations qui emploient les termes "notamment", par exemple les articles 36, 299, 1465, 1619 et 2854, et "entre autres", par exemple aux articles 316 et 325, ajoutent beaucoup d'incertitude et d'arbitraire à l'interprétation qui peut leur être donnée. S'ajoutent des formulations lourdes. Cette lourdeur semble parfois être le signe distinctrf de plusieurs parties du projet de loi, et j'en donnerai des exemples, M. le Président, les articles 1392, 1457, 1547, 1558 et 1571 et de nombreux autres qui donnent le ton à tout le projet.

Dans l'immense majorité des cas, les commentaires déposés en mai dernier n'expliquent souvent pas le sens des nouveaux concepts employés ou même la source d'interprétation que l'on doit privilégier pour les concepts anciens qui peuvent avoir plusieurs sens. Nous pouvons donner trois exemples, il en existe évidemment de nombreux autres: le concept d'entreprise, le concept d'intérêt général et celui d'abus de droit. Le Code civil québécois utilisait jusqu'à maintenant le concept de commerçant pour distinguer les opérations privées des opérations conclues dans le but d'en tirer un profit; plusieurs effets peuvent en découler, notamment en matière de preuve, de solidarité, en matière d'assujettissement à des règles dérogatoires ou imperatives comme celles qui concernent la protection des consommateurs. Cette notion de commerçant élaborée par notre jurisprudence depuis plus d'un siècle écarte les professionnels et les artisans de son application. Le projet de loi 125 remplace la notion de commerçant par la notion d'entreprise et d'entrepreneur, notamment en ce qui concerne la définition du contrat de consommation que l'on retrouve à l'article 1381 et dans de nombreuses autres sections.

Quel est le sens de cette notion d'entreprise? Les professionnels visés par le Code des professions seront-ils visés par les règles qui concernent les contrats de consommation? Cette question est évidemment fort importante. Rien dans le projet ou les commentaires élaborés à son propos ne permet de le savoir. À ce sujet, la doctrine risque, de son côté, de n'être que de peu de secours puisque, me dit-on, seuls deux auteurs québécois ont élaboré valablement sur la notion d'entreprise et ils ne s'entendraient pas sur plusieurs questions reliées à ce concept. Alors, quelle sera la portée de la notion d'entreprise? Nous aurons évidemment à examiner cette question lors des travaux de notre commission.

Un autre exemple réside dans la notion d'intérêt général, surtout employée à l'article 1413 du projet de loi, où il est dit: "La nullité d'un contrat est absolue lorsque la condition de formation qu'elle sanctionne est essentielle ou s'impose pour la protection de l'intérêt général. " Le droit civil et la doctrine ont employé, jusqu'à maintenant, la notion ancienne d'ordre public pour approcher ce type de situation. Les auteurs et nos tribunaux après eux ont, depuis plusieurs années, établi plusieurs types d'ordre public pour déterminer dans quels cas les sanctions applicables sont de nullité relative ou de nullité absolue. Le projet de loi entend maintenant utiliser dans certains cas la notion d'intérêt général en lieu et place de la notion d'ordre public en déclarant que la doctrine, à propos de l'ordre public, explique clairement la portée de cette notion. Nous avons remonté à la source et il nous paraît que ce concept d'intérêt général n'est ni clarifié par la doctrine ni par la jurisprudence. Le projet de loi 125 ne le définit pas lui-même.

D'ailleurs, le projet pousse la confusion jusqu'à employer en parallèle les notions d'ordre public, par exemple à l'article 1409, et d'intérêt public, par exemple à l'article 981. En quoi l'intérêt général est-il différent de ce que nous entendons depuis plus d'un siècle par l'ordre public? Nul ne le sait. Le problème n'est pas mineur puisque la sanction du non-respect d'une conduite qui irait à l'encontre d'une règle d'intérêt général est la nullité absolue pure et simple, c'est-à-dire une nullité qui ne peut être ratifiée et qui peut être alléguée et plaidée par toute personne Intéressée et non seulement par les parties contractantes. Il nous semble que les conséquences juridiques d'une telle situation puissent être considérables pour la stabilité des contrats au Québec et c'est évidemment là un autre concept qu'il nous faudra examiner lors des travaux de cette sous-commission.

Un dernier exemple - il est tout aussi important que ceux que j'ai fournis jusqu'à maintenant - est le concept d'abus de droit. Cette notion d'abus de droit a fait l'objet, depuis plus de 20 ans au Québec, d'une vaste controverse jurisprudentielle où certains de nos tribunaux y ont vu un cas de responsabilité sans faute alors que d'autres, maintenant majoritaires, n'y voient simplement qu'un des cas d'application de la responsabilité pour faute que le projet de loi 125 reconnaît aux articles 1453 et 1454. Plutôt que de s'en tenir à ce courant en apparence définitif de notre jurisprudence sur l'abus de droit, le projet de loi 125 relance tout le débat en proposant l'adoption de l'article 7.

Je crois comprendre que nous aurons l'occasion d'examiner plus à fond, entre légistes et juristes, cette disposition contenue à l'article 7 puisqu'il n'est plus question ici de faute et la formulation de la disposition semble insister plutôt sur le résultat de l'abus plutôt que sur sa cause.

L'importance de la faute dans l'application de ce principe n'est plus affirmée par l'article 7 et les commentaires déposés en juin ne traitent pas de cette question pourtant cruciale Cette question nous apparaît d'autant plus Importante que la notion non avouée de responsabilité sans faute semble être réutilisée dans la partie du projet de loi qui traite des troubles de voisinage, par exemple, aux articles 975 du projet et suivants. Nous pensons que cette ambiguïté conceptuelle doit absolument être clarifiée en sous-commission puisqu'on risquerait autrement d'avoir inutilement codifié nos règles de droit tout en relançant un débat que nos tribunaux ont déjà mis 20 ans à régler. Il apparaît que, si le ministre entend proposer l'adoption d'un prlnclpo de responsabilité sans faute, II doive le dire clairement et évidemment s'en expliquer.

Alors, d'autre part, mon second propos portait sur le manque de vision d'ensemble et les contradictions qui nous apparaissent assez flagrantes entre le discours d'équité et certaines nouvelles règles socialement rétrogrades qui sont introduites ou qui, sous le couvert de contrôle d'équité, peuvent provoquer soit une démission de responsabilités face à des engagements dûment contractés ou introduire une véritable instabilité contractuelle. D'abord le ministre a déjà fait grand cas de sa volonté légitime d'étendre les contrôles d'équité à la plupart des contrats voulant ainsi, nous dit-Il, protéger les petits contractants contre les abus de pouvoir de ceux qui sont en position de force économique. C'est ainsi que le ministre a fait grand cas de sa volonté d'étendre les contrôles d'équité. Cette intention est fort louable si elle n'était en contradiction avec le fait que, dans des domaines où les contractants les plus faibles étaient jusqu'ici protégés contre ces abus, le ministre se propose maintenant d'abolir leurs droits. C'est ainsi que le projet de loi 125 propose de lier les contractants non pas seulement aux clauses d'exonération ou de limitation de responsabilités qu'ils ont dûment acceptées, ce qui étaient pour l'essentiel l'état du droit existant, mais égale ment aux avis, qu'ils soient affichés ou non, dont les contractants pouvaient avoir connaissance, à l'article 1471, au moment de la passation du contrat.

De même, le projet de loi propose que tout vendeur, même un fabricant ou un vendeur spécialisé, puisse vendre sans aucune garantie légale, même à l'égard d'un vice caché qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer, à l'article 1724. C'est là un recul radical à l'égard des droits accordés par l'article 1527 de l'actuel Code civil.

Autre exemple flagrant, le projet de loi propose d'adopter une nouvelle régie qui permettrait à tout fabricant d'échapper à sa responsabilité à l'égard des dangers cachés que peut présenter son produit en démontrant qu'il ne

pouvait pas connaître ce danger lors de la fabrication, modifiant par là l'état du droit affirmé depuis 1979 par la Cour suprême à l'effet que le fabricant est présumé, de façon absolue, connaître les vices des produits qu'il fabrique. Comment expliquer un tel renversement de fardeau sur les épaules des consommateurs?

Il y a dans l'histoire du droit civil québécois peu d'exemples pratiques d'abus aussi flagrants que les clauses d'exonération de responsabilités, de vente sans garantie légale et les transpositions des risques de produits sur les seules épaules des utilisateurs d'un produit. Pourtant, le projet de loi 125 propose de donner force de loi et de revenir en arrière. Le résultat net serait de faire perdre des protections légales qui existent présentement. Il nous semble que ces trois propositions particulières, je les reprends, les clauses d'exonération et de limitations de responsabilités, la vente sans garantie légale et la responsabilité du fabricant sont non seulement en contradiction flagrante avec les objectifs généraux de justice contractuelle mais abrogent des droits expressément reconnus par nos tribunaux depuis de nombreuses années.

Nous aurons l'occasion de revenir sur ces importantes questions. Je ne ferai pas lecture de l'argumentaire que nous avons développé sur ces questions, sauf peut-être pour rappeler que nous retrouvions dans le mémoire déposé au Conseil des ministres lors de la présentation du projet de Code civil une explication sans doute en regard de cette question de la responsabilité du fabricant, et je cite ce mémoire. C'est signé par le ministre. Ce mémoire a été déposé par le ministre de la Justice. "Je considère, dit-il, cependant souhaitable de conserver la possibilité pour le fabricant de s'exonérer si le vice de sécurité ne pouvait pas être connu ou envisagé lors de la mise en marché du bien. Empêcher cette exonération introduirait à l'égard du fabricant un régime de responsabilités strictes sans faute, en le tenant responsable de faits qu'il ne pouvait pas connaître. Certes, cette dernière approche serait favorable au consommateur mais elle pourrait nuire sérieusement à l'entrepreneurship et au développement de nouveaux produits." Nous pensons que le ministre ignore que cette approche favorable au consommateur constitue l'état actuel de notre droit surtout depuis la décision de la Cour suprême dans Kravltz et l'adoption de l'article 53 de la Loi sur la protection du consommateur. Nous deviendrions une terre propice au développement de nouveaux produits, avec tout ce que cela comporte de risques pour les consommateurs. Les fabricants n'auraient qu'à démontrer qu'ils ne pouvaient connaître les risques de ces nouveaux produits au moment où ils les ont fabriqués. On comprend tout de suite que les entreprises qui se livreront à de telles initiatives ne seront pas incitées, de par la nature du régime juridique qui leur sera applicable, à faire des recherches approfondies, éclairées sur les risques de ces mêmes produits avant de les lancer dans le public. Ce sont les usagers qui risquent donc d'assumer ces risques. (17 h 15)

D'autre part, évidemment, il faut comprendre que le nouveau régime s'appliquerait, bien sûr, à tous les fabricants, même à ceux qui auront fabriqué ces produits à l'étranger. Il se pourrait évidemment que nous puissions devenir une terre privilégiée non pas de fabrication mais d'expérimentation pour des produits fabriqués ailleurs. Ce n'est sans doute pas ce que le ministre souhaite et je n'ai pas de doute, quant à moi, que la compensation des victimes québécoises de la thalidomide - somnifère prescrit par ordonnance à des femmes enceintes, ayant causé, de façon imprévue, des malformations chez les embryons - aurait été rendue pratiquement impossible avec le type de mesure qui nous est proposé pour stimuler l'entrepreneurship au Québec. C'est, bien sûr, clairement inacceptable en ce qui concerne la responsabilité des fabricants.

Alors, M. le Président, j'aurai l'occasion de déposer, sur cette question de la réduction de la responsabilité des fabricants, sur, évidemment, l'importante question de l'édulcoration de la notion de force majeure et celle relative à la modification de la faute lourde et les clauses d'exclusion ou de limitation de responsabilités les notes que j'ai préparées. Et je voudrais, évidemment, aborder le troisième aspect que je signalais tantôt, soit celui du manque d'interrelation entre les différentes parties du projet de loi 125.

Le Président (M. LeSage): Certainement, madame, en vous rappelant que vous avez maintenant 29 minutes d'écoulées.

Mme Harel: Est-ce que vous me le rappelez pour m'indiquer que je dois terminer dans quelques minutes, là? Quel est le...

Le Président (M. LeSage): Bien, on avait... Évidemment, il y a une certaine souplesse dans tout ça, là. C'est parce que M. le ministre avait pris 33 minutes et on essaie de partager le temps.

Mme Harel: Alors, comme on a, de toute façon, déjà convenu que le tout pourrait être déposé et considéré dans le Journal des débats, je voudrais peut-être terminer en reprenant certaines questions que nous aurons d'ailleurs à examiner dès le début de l'étude article par article de nos travaux.

M. Rémillard: M. le Président, si vous me le permettez, je peux dire à Mme la députée, si elle veut continuer, que nous, on prend bonne note de tout ce qu'elle nous dit et tout ça va nous aider ensuite. On va étudier ça, on va revoir

tout ça. Alors tout ce que vous nous dites... Mme Harel: Ça va?

M. Rémillard: ...ce n'est pas du temps perdu. Ça va... Disons que tous vos commentaires qui seront précisés, probablement, par après... Mais ici on va tout reprendre ça, on va prendre tous vos commentaires, on va tout étudier ça. Alors, je pense que pour nous c'est intéressant de vous entendre.

Le Président (M. LeSage): Je vous remercie, M. le ministre. Alors, s'il y a consentement, madame, on vous écoute.

Mme Harel: Est-ce que, à ce moment-là, je peux poursuivre sans... Bon.

Le Président (M. LeSage): C'est ça.

M. Rémillard: Comme vous voulez. Si vous aimez mieux déposer, vous pouvez déposer aussi. Mais, si vous voulez poursuivre, je n'ai aucun problème.

Mme Harel: Bon. Bien alors, je poursuis, si vous me le permettez.

Sur cette question de la réduction de la responsabilité des fabricants, la réforme proposée par le projet aux articles 1464, 1465 et 1469 est évidemment très importante et surtout lourde de conséquences et va certainement exiger toute notre attention. À cet égard, la jurisprudence a, jusqu'ici, unifié les concepts de responsabilité civile des fabricants et des vendeurs autour de la notion bien connue de vice caché qui peut s'appliquer tout autant à la compensation des dommages matériels, à la perte d'usage et de valeur du bien défectueux qu'aux dommages corporels qui peuvent en résulter. Face à cette unicité, le projet de loi propose un dédoublement des concepts applicables et des fondements de la responsabilité. La notion de défaut de sécurité serait le concept applicable en matière de responsabilité extracontractuelle et la notion de vice caché resterait applicable en matière de responsabilité contractuelle, notamment en matière de vente. Le contenu de ces deux notions et surtout les conditions de leur application sont différents. L'effet net de cette distinction proposée serait de confiner la réparation des dommages corporels au concept de défaut de sécurité, d'obliger l'application du concept de vice caché dans les cas de dommages matériels causés au co-contractant ou à l'acquéreur subséquent mais pas au cas des tiers qui, eux, ne pourraient réclamer la compensation de leurs dommages matériels qu'en vertu du concept de défaut de sécurité, puisqu'ils ne seront visés par aucun contrat, et de faire dépendre la perte de valeur et d'usage du bien vendu uniquement de la notion de vice caché. On se retrouve encore ici avec le projet de loi devant de nouvelles cllstinc tlons et de nouvelles difficultés pratiques, dont on se demande à nouveau en quoi elles peuvent améliorer le droit existant.

Ce qui frappe à la lecture de l'article 1465, qui définit le nouveau concept de défaut de sécurité, c'est que l'essentiel de son contenu ost visé par les actuelles notions de vice cacha oi d'obligation d'informer. Et évidemment la ques tion incontournable, ce serait de savoir pourquoi dédoubler les bases conceptuelles applicables. J'en ai parlé, la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Kravitz perdrait une partie importante de ses effets avec l'adoption du projet de loi puisqu'elle ne pourrait s'appliquer aux cas do dommages corporels de l'acheteur ou même de l'acquéreur subséquent en raison du dernier membre de l'article 1454 qui limite la compensa tion des dommages corporels aux seules règles de la responsabilité extracontractuelle.

Deuxième constatation, la responsabilité imposée par le projet aux fabricants, distribu teurs, fournisseurs, grossistes ou détaillants du bien en ce qui a trait aux défauts de sécurité est en apparence, du moins, une présomption do responsabilité. C'est la première conclusion que l'on peut tirer à la lecture du premier alinéa de l'article 1464 qui déclare que le fabricant est tenu de réparer le préjudice causé à autrui par le défaut de sécurité du bien et, au deuxième alinéa, qu'il en est de même pour les vendeurs spécialisés. La présomption de responsabilité, souvent confondue avec la responsabilité stricte, permettrait, s'il s'agissait véritablement de cela, de tenir ces personnes responsables pour les défauts de sécurité du bien dans tous les cas autres que le cas de force majeure, de faute de la victime et de faute d'un tiers. Il s'agirait là d'une solution avantageuse pour les victimes de ces produits mais on est bien obligés de cons tater que tel n'est pas le cas, puisque le deuxième alinéa de l'article 1469 permet à ses défendeurs de s'exonérer en démontrant qu'ils ne pouvaient connaître le défaut de sécurité de leur bien compte tenu de l'état des connaissances au moment où ils l'ont fabriqué, distribué ou fourni Ce sera dans ce cas a la victime d'assumer seule les risques des incertitudes de la science et dans certains cas des innovations technologiques Nous ne sommes pas ici en présence d'une présomption de responsabilité et surtout pas en présence d'un cas de responsabilité stricte, mais seulement devant une présomption de connaissan ces qui pourra facilement être renversée surtout par les vendeurs spécialisés et les distributeurs du bien. Pour ce qui est du fabricant, on détruit ainsi tout le bénéfice de la décision de la Cour suprême rendue dans l'arrêt Kravitz qui a tenu le fabricant à une présomption non renversable de connaissance du vice. La solution proposée - je l'ai rappelé - constitue un net retour en arrière et nous ramène même plus loin à certains égards que là où nous en étions avant la décision

rendue par la Cour suprême. II y a déjà 70 ans. Alors, évidemment, nous ne pouvons qu'être désemparés devant les effets possibles de cette nouvelle politique dans le secteur de la fabrication des médicaments, des biotechnologies, des produits chimiques forts complexes que nous produisons de plus en plus dans notre société industrialisée. La victime innocente de ces produits n'est-elle pas plus digne de protection que les fabricants qui en retirent un profit? Au mieux, la solution qui est proposée engagera les victimes dans des frais judiciaires et d'expertises supplémentaires qui s'ajouteront à ceux que nous connaissons déjà, et ils sont pourtant considérables, dans ce type de litige pour tenter de démontrer que les risques concernés pouvaient raisonnablement être reconnus, alors que le fabricant peut démontrer qu'il ne les connaissait pas. Il faut évidemment de toute évidence faire marche arrière en ce qui concerne le concept de défaut de sécurité qui est proposé.

Un dernier aspect sur cette question, en signalant qu'on semble faire grand cas de la directive du 25 juillet 1985 de la Communauté européenne relative à la responsabilité des fabricants et on semble penser adopter une solution identique à ce qui est proposé. Et à cet égard, on prétend imiter au Québec ce qui a trait dans la directive à l'exonération de responsabilité des fabricants dans les cas de dommages liés à l'état des connaissances et au risque des innovations technologiques. Il est peut-être utile de répéter ici qu'il serait hasardeux de balayer le droit existant au Québec pour copier la directive européenne alors que cette directive n'a, dans les 12 pays de la Communauté économique européenne, qu'un caractère supplétif par rapport à leur droit commun qui reconnaît, pour la grande majorité d'entre eux, le principe de la présomption de connaissance absolue ou celui de la responsabilité stricte des fabricants. Il n'y a donc pas de raison pour modifier chez nous un droit civil qui se rapproche dans les faits du droit interne de la plupart des pays européens.

Sur la question des clauses d'exclusion ou de limitation des responsabilités, le projet de loi 125 permet d'exclure ou de limiter sa responsabilité dans le cas des obligations contractuelles et seulement pour le préjudice matériel, à l'article 1471. Nos tribunaux ont pourtant exigé lusqu'ici très majoritairement que de tels avis prévus à 1471 soient portés à la connaissance du contractant pour qu'on puisse les lui opposer. Comment comprendre qu'on nous propose maintenant de lier le créancier de l'obligation non pas à un avis qui a été accepté et connu mais à un avis qui pouvait l'être? On nous propose de permettre par ce moyen non seulement la limitation de responsabilité mais l'exonération pure et simple. Et il ne faudrait pas se laisser impressionner par une jurisprudence minoritaire qui permet, dans le cas d'un usage répété d'un service de stationnement par exemple où se trouve une affiche bien en vue, de conclure à une acceptation tacite de la part de ce type d'utilisateur. Cette jurisprudence est peut-être utile dans certains cas limités mais l'ériger en principe général marque certainement un net recul par rapport à une longue évolution juris-prudentielle. Le fait de limiter l'exercice de ces avis aux cas de dommages matériels seulement ne règle qu'une partie du problème. Comment, en outre, comprendre que les auteurs du projet en viennent à proposer de donner pleine valeur juridique à des avis d'exclusion ou de limitation de responsabilités dans des cas où le créancier de l'obligation ne les connaît pas et ne les a pas acceptés mais pouvait en avoir connaissance en même temps qu'il est proposé d'accorder aux tribunaux de larges pouvoirs sur les clauses dites abusives? Ne tombe-t-il pas sous le sens que la clause abusive par excellence est celle où on peut s'exonérer complètement de ses obligations par suite d'un avis qui n'a pas été connu ou accepté par le cocontractant mais qui pouvait l'être? Il faudra évidemment faire préciser cette formulation en commission parlementaire.

Quelques mots, M. le Président, sur la question de l'interdiction de l'option. Le deuxième alinéa de l'article 1454 du projet de loi interdit d'opter en faveur du régime extracontractuel de responsabilité lorsqu'un dommage matériel ou moral a été causé par suite d'un manquement à une obligation contractuelle. Le litige ne sera réglé, dans ces cas, qu'en vertu des règles contractuelles. L'option sera également interdite dans les cas où le dommage causé sera de nature corporelle. Dans ce dernier cas, toutefois, ce n'est pas le régime de responsabilité contractuelle qui s'appliquera, même lorsque le dommage corporel a été causé dans le cadre de la mauvaise exécution d'un contrat, mais le seul régime de responsabilité extracontractuelle. Le projet opère donc un double choix. Il met de côté tout le courant récent des décisions de la Cour suprême qui s'est prononcée d'une manière favorable à l'option et il complique, nous apparaît-il, immédiatement après, la simplicité du résultat logique qui s'ensuit en dédoublant les fondements de responsabilité. La réparation des dommages matériels et moraux résultant du contrat sera confinée aux seules règles contractuelles alors que la réparation de tous les dommages corporels sera régie par les seules règles extracontractuelles. Les effets de ces choix et distinctions seront, comme nous le verrons ici, très importants pour le droit civil québécois. (17 h 30)

Évidemment, la première question à se poser c'est pourquoi modifier ce qu'une longue évolution jurisprudentielle a établi en matière d'option des régimes de responsabilité contractuelle et délictuelle. L'expérience des 30 dernières années a bien démontré que cette possibilité de recourir aux règles du régime délictuel, même lorsque les parties ont passé entre elles un contrat valable

qui trouve application, offre des gages de souplesse et de respect des règles d'ordre public. Ce qui apparaissait comme un problème doctrinal sérieux, à savoir la prééminence théorique du contrat sur l'ordre public délictuel, n'a pas empêché les tribunaux d'opter sur le terrain pour des solutions simples et logiques. Il faut bien voir ici que ce que la Cour suprême a décidé à au moins trois reprises dans un passé récent, ce n'est pas que le manquement à un devoir contractuel constitue automatiquement une faute à caractère délictuel qui rendrait applicables les règles de ce régime, mais bien que le fait d'avoir passé un contrat avec le débiteur de l'obligation n'empêche pas le créancier de démontrer que ce dernier a, par ailleurs et en vertu des règles propres à la responsabilité délictuelle, manqué à ses devoirs élémentaires de prudence. On voit mal pourquoi le projet de loi viendrait compliquer à nouveau ce que la pratique du droit a rendu simple et clair.

Mais admettons que nous introduisions cette question et que nous options pour l'une ou l'autre solution. Le résultat qui consiste à refuser l'option pourrait au moins avoir lui aussi le mérite d'être relativement simple. On appliquerait le contrat et seulement le contrat lorsque les dommages causés l'ont été à l'occasion de sa mauvaise exécution et, dans les autres cas, on appliquerait les règles de la responsabilité extracontractuelle, mais le projet de loi ne fait rien de tout cela. Il nous lance dans une distinction entre dommages matériels et moraux, d'une part, et dommages corporels, d'autre part, ce qui aura de nombreuses et difficiles répercussions pratiques. Il n'échappe à personne qu'un même accident ou fait dommageable peut causer à la fois des dommages corporels et matériels. Si la solution adoptée par le projet de loi est maintenue, quel tribunal aura juridiction pour entendre l'affaire? Celui du lieu de passation du contrat pour l'attribution des dommages matériels ou celui où le dommage corporel a été causé? On voit mal comment deux tribunaux différents pourraient se saisir l'un du dommage matériel et l'autre du dommage corporel. Ce problème peut être réglé sans trop de mal par des précisions apportées au Code de procédure civile mais d'autres questions soulevées par cette distinction seront beaucoup plus difficiles à régler. C'est ainsi qu'il pourrait être fréquent que les débiteurs d'une obligation contractuelle ayant causé des dommages matériels dans le cadre de l'exécution d'une entreprise soient jugés non solidaires entre eux par suite de l'application de l'article 1521 du projet de loi, alors que les mêmes débiteurs responsables du même acte dommageable pourraient être jugés, cette fois, solidaires en ce qui a trait à la réparation des dommages corporels par suite, cette fois, de l'application de l'article 1522 du projet de loi.

De même, les dommages matériels pourraient soulever ta question de leur prévisibilité en vertu de l'article 1611 du projet, alors que le problème ne se posera pas en ce qui a trait à la compensation des dommages corporels qui sont, eux. tous réclamables, prévisibles ou non. On note également que la mise en demeure sera, règle générale, de rigueur en ce qui a trait aux dommages matériels causés lors de l'exécution d'un contrat mais qu'elle ne sera pas nécessaire dans les cas de dommages corporels causés par le même contrat. Un même acte dommageable va donc entraîner toute une série de conséquences pratiques différentes et souvent opposées selon que le dommage causé sera matériel ou corporel.

L'objectif premier de cette distinction de régimes entre la réparation des dommages matériels et les dommages corporels semble être de permettre au débiteur de l'obligation d'exclure ou de limiter sa responsabilité dans le cas de dommages matériels alors qu'il ne pourrait aucunement exclure ou limiter sa responsabilité pour le préjudice corporel ou moral causé à autrui selon l'article 1470 du projet de loi. En apparence, on semble vouloir faciliter la compensation du préjudice corporel alors que la réparation du préjudice matériel pourra, lorsqu'on est en présence d'un contrat, dépendre davantage de la volonté des parties et des principes de la liberté contractuelle. Cette impression pourrait s'avérer, elle aussi, Illusoire. Il est loin d'être évident que l'on facilitera avec le nouveau Code la compensation du préjudice corporel par rapport au préjudice matériel. Le fait de soumettre la compensation du préjudice corporel à la responsabilité extracontractuelle obligera le créancier à faire la preuve dans la plupart des cas de la faute de son débiteur en vertu de l'article 1453 du projet de loi, alors que le fardeau de la preuve de ce même créancier sera bien davantage allégé en matière de dommages matériels, s'il bénéficie par ailleurs d'une obligation contractuelle de résultat.

Ce qui nous échappe par-dessus tout, hors toutes ces considérations, c'est la raison d'être de cette distinction entre la réparation du dommage matériel et la compensation du dommage corporel. Les problèmes pratiques causés par ce choix législatif seront nombreux et fort ardus. Pour quelles raisons nous lancer dans cette voie? Quels problèmes juridiques, quels problèmes sociaux veut-on régler avec une intervention de la sorte? Pourquoi tant de complexité? Se rend-on compte que ces règles feront en sorte, dans certains cas, que l'on traitera la victime d'un dommage matériel do façon moins favorable si elle a passé un contrat avec l'auteur du dommage que si elle n'en a passé aucun? Ces questions restent entières et nous aurons évidemment à les examiner très sérieusement lors des travaux de cette présente commission. Et ce n'est pas tout, M. le Président, je crois que nous aurons l'occasion d'en reparler. Je bénéficie d'un sursis, là, que le ministre m'a offert à l'ouverture de ces travaux

mais, comme je le disais, je ne voudrais pas en abuser. Alors, j'entends déposer l'ensemble de tous ces textes qui vont préciser l'objet de ce qui nous préoccupe présentement.

M. le Président, je voudrais cependant aborder la question des priorités et des hypothèques, avant de compléter, et j'aimerais revenir brièvement également à certaines questions des premiers livres que nous aurons à traiter.

Alors, en matière de priorités et dhypothè-ques, il semble qu'il y a des corrections très importantes à introduire de façon à remédier à certaines incohérences parfois fâcheuses dans le livre dédié aux priorités et aux hypothèques. Il nous semble, de façon générale, que les nouvelles dispositions du projet facilitent l'obtention du crédit pour un débiteur tout en rendant plus difficile l'exercice du recours au créancier - nous pensons évidemment, entre autres, à la dation en paiement - où, est-il à craindre, les créanciers chercheront et trouveront dans la fiducie établie à titre onéreux un moyen qui pourrait être à la fois commode et expéditif de contourner la nouvelle réglementation envisagée par le projet de loi qui, on le sait, rend la réalisation de la sûreté beaucoup plus compliquée. Donc, la fiducie établie à titre onéreux pourrait devenir la sûreté par excellence capable de couvrir et d'englober, même pour le simple particulier, par opposition à la personne qui exploite une entreprise, des situations comparables à celle d'une hypothèque sur une universalité de biens présents et à venir. Nous avons eu l'occasion de faire connaître cette préoccupation aux légistes du ministère quant aux effets pervers, d'une certaine façon, qui pourraient en résulter.

Le projet maintient sous forme de priorités, à l'article 2637, certains privilèges qui sont déguisés, en fait, en priorités sans qu'il ne soit nécessaire de les publier, comme les frais de justice, les dépenses faites dans l'intérêt commun, les créances de ceux qui ont un droit de rétention, les créances de l'État pour sommes dues en vertu des lois fiscales et les créances des municipalités et commissions scolaires pour les impôts fonciers. La raison d'être de telles priorités demeure discutable à moins d'invoquer le bien-être supérieur de certaines personnes, notamment l'État. Et le projet de loi conserve, sous forme d'hypothèques légales, des privilèges connus du droit actuel comme ceux de la couronne, ceux du vendeur impayé et ceux des administrateurs d'une copropriété. Il s'agit là à nouveau d'une tentative de conservation de privilèges dont on avait pourtant annoncé la disparition. Nous souhaitons examiner très attentivement cette question et, évidemment, celle de l'instauration d'un régime de sûretés identique en matières mobilière et Immobilière basé sur l'hypothèque.

Considérant les déplacements habituels auxquels sont assujettis les biens meubles et compte tenu des limites et imperfections du régime de publication des droits réels mobiliers, il est facile de reconnaître que l'hypothèque mobilière offrira une garantie inférieure à celle procurée par l'hypothèque immobilière et il nous semble qu'il y ait lieu de réviser les choix qui sont déjà faits. Nous présenterons un amendement à l'effet de limiter l'hypothèque mobilière aux meubles qui sont aujourd'hui susceptibles de gage, de nantissements commercial et agricole, d'une cession en stock, ainsi que ceux assujettis à une forme généralisée d'enregistrement, par exemple les véhicules automobiles, en pensant qu'avec le temps le champ de ces derniers biens pourrait être élargi.

Quelques mots sur une question absolument vitale, centrale, fondamentale et primordiale qui est celle de la publicité des droits. Le projet de loi 125 opère une modification en profondeur des règles de l'enregistrement connues à ce jour. Il propose de passer d'un système d'enregistrement des actes ou documents à un système d'enregistrement des droits spécifiquement identifiés lors de la réquisition de leur inscription. En soi, la chose paraît louable quoique les difficultés soulevées par son implantation soient énormes. La première difficulté, d'ordre matériel, implique l'informatisation de tous les bureaux d'enregistrement du Québec, ce qui paraît peu probable dans les délais envisagés pour la mise en vigueur du nouveau Code, si l'on tient compte des coûts qui s'y rattachent. La deuxième difficulté a trait à l'implantation d'un cadastre juridique plutôt qu'un cadastre simplement géographique. Une telle implantation fait primer la décision d'un expert, l'arpenteur-géomètre, sur celle exprimée par les parties dans un acte. Qui plus est, le processus d'implantation risque d'être long tellement il y a de lots et de parties de lots au Québec à soumettre à la rénovation cadastrale. La troisième difficulté touche au report des droits sur tout lot immatriculé, report qui s'effectue par voie de rapport d'actualisation dressé par un notaire. Comme tout lot nouvellement immatriculé oblige au report des droits et comme les rapports sont d'une confection délicate en raison du sérieux des études exigées en chaque cas, il est à prévoir que la mise en vigueur des dispositions concernant la publicité des droits doive être décalée dans le temps par rapport aux autres dispositions. Il est évidemment à prévoir que les justiciables aient à subir des lenteurs importantes une fois l'application effective des nouvelles règles.

Je termine, M. le Président, en faisant valoir notre satisfaction quant à certains amendements qui sont intervenus ou qui interviendront aux livres I et II, notamment pour préciser à l'article 193, alinéa 2, que le tuteur intervient pour protéger l'intérêt patrimonial de l'enfant conçu mais non encore né. J'avais fait état en juin dernier de mon inquiétude quant à l'interprétation qui pouvait être donnée au deuxième

alinéa de l'article 193. Ma préoccupation rejoignait d'ailleurs celle exprimée par plusieurs groupes dont le Conseil du statut de la femme. Il était impérieux que l'état actuel du droit soit confirmé en ce qui a trait à l'enfant conçu mais non encore né. C'est ce que le ministre entend faire par cet amendement qu'il nous annoncé.

D'autre part, nous constatons avec beaucoup de satisfaction que le ministre entend présenter un amendement de façon à ce que le conjoint qui a consenti à la procuration médicalement assistée et qui, par la suite, ne reconnaît pas l'enfant engage sa responsabilité vis-à-vis ce dernier et vis-à-vis sa mère. C'étaient là des représentations que j'avais faites au moment de l'examen en deuxième lecture.

Alors, M. le Président, sans doute à l'ouverture de ces travaux, devons-nous convenir que non seulement nous avons une responsabilité de choisir clairement les voies dans lesquelles nous entendons nous engager lorsqu'il y a des changements majeurs qui sont introduits dans le Code, mais nous avons aussi une responsabilité à l'égard de la rédaction même du Code civil, de la formulation même des diverses dispositions. Nous ne pouvons nous soustraire à cette obligation d'en faire un examen attentif et judicieux. Je répète que, même si nous nous enlevons des épaules ce fardeau de travailler pour la postérité, même si nous nous traçons comme ligne d'horizon celle de travailler pour la société d'aujourd'hui, nous avons envers nos concitoyens une responsabilité à cet égard. Je vous remercie. (17 h 45)

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, Mme la députée, de ces remarques exceptionnellement longues qui sont, je pense, parallèles avec le projet de loi et je remercie tous les membres de leur consentement. Je pense que ces déclarations d'ouverture sont importantes pour nous mieux guider au travers les débats qui nous attendent et aussi peut-être accélérer l'adoption des articles par la suite en précisant ici les voies qu'on compte prendre. Je pense que M. le député de Westmount a souligné qu'il aimerait faire des déclarations d'ouverture aussi. M. le député de Westmount.

M. Holden: Le ministre voulait dire un mot...

M. Gil Rémillard (réplique)

M. Rémillard: Non. Tout simplement, peut-être, si vous me permettez, M. le Président...

Le Président (M. Lafrance): Certainement, M. le ministre.

M. Rémillard:... si le député de Westmount me le permet, très rapidement. Évidemment, je ne répondrai pas point par point au discours de la députée de Hochelaga-Maisonneuve qui nous a présenté des remarques très complètes. On a pris bonne note de ces remarques-là, certaines qu'on connaissait, d'autres qui arrivent et dont on prend bonne note, qu'on va regarder attentive ment; je veux l'en assurer. Elle a souligné des amendements que nous avons déjà annoncés et entre autres, elle a souligné certains points au sujet desquels j'ai déjà annoncé des amendements. Entre autres, en ce qui regarde la responsabilité du fabricant, j'ai dit, M. le Président, dans mes notes tout à l'heure que nous revoyons cette question. Dans cette question, comme dans toutes les autres questions que nous avons étudiées, pour ma part, ce que je recherche, et je pense que c'est ce que nous recherchons tous, c'est un juste équilibre. La règle de l'équité pour moi, c'est un juste équilibre des forces qui sont en relation dans notre société en ce qui regarde les rapports privés sous le règne juridique du Code civil. Et ce que ça signifie pour moi, c'est que, d'une part, vous avez des fabricants, d'autre part, vous avez des consommateurs; il ne faut pas pénaliser le consommateur qui est très souvent démuni devant une telle situation où il a à subir finalement des conséquences par rapport à un produit qui tout à coup devient néfaste pour sa santé, par exemple.

Maintenant, II ne faut pas non plus perdre de vue que les commerçants ne sont pas seulement des grands commerçants, des grandes multinationales, mais il y a beaucoup de petits commerçants, de fabricants qui vont fabriquer, par exemple, des produits qui sont susceptibles éventuellement... On ne sait pas comment Ies choses évoluent, la technique, comment elle évolue, mais, dans 10 ans, 15 ans ou 20 ans après, tout d'un coup on découvre que c'est cancérigène ou je ne sais trop quoi. Alors, ce qu'on recherche, c'est un juste équilibre et j'ai demandé qu'on se repenche sur cette question, qu'on la revoie et que je revienne devant cette commission avec le fruit de cette réflexion.

En ce qui regarde l'Institut de réforme du droit, donc cet organisme qui va nous permettre d'adapter régulièrement l'évolution du Code civil à notre société, j'entends mettre la dernière main à un mémoire à ce sujet-là dans les prochains jours et faire les démarches administratives qui s'imposent, mais on peut considérer que, pour ma part, cet institut sera créé, parce que nous sommes tous conscients qu'on ne doit plus recommencer une deuxième fois tout ce processus aussi long, aussi difficile pour quo notre société puisse se prévaloir d'un système juridique adapté à son évolution.

Quelques mots aussi, M. le Président, que je voudrais dire sur la déjudiciarisation. Je me permettrais de dire que je suis un tenant de la déjudiciarisation; depuis que je suis ministre de la Justice que |e m'efforce de développer tous les mécanismes qui peuvent faire en sorte quo le citoyen ait une accessibilité plus grande à la justice, et la déjudiciarisation est certainement

un aspect important de cette accessibilité à la justice. Cependant, M. le Président, il faut bien faire attention et je voudrais mettre en garde tous les participants à cette commission contre une exagération de la signification de ce terme. Nous avons des tribunaux, et ces tribunaux font partie de notre système démocratique. Les tribunaux présidés par un juge, avec tout le formalisme que ça entraîne, représentent une garantie du respect de notre démocratie et, par conséquent, il faut être bien conscient qu'on doit prendre en considération cette institution, donc, judiciaire qui fait partie de notre démocratie lorsqu'on a à étudier un problème qui met en cause les droits et les libertés en particulier, que ce soit, comme je l'ai mentionné dans mes notes, en ce qui regarde, par exemple, les enfants, le droit des enfants lorsqu'il y a séparation dans un couple, ou en ce qui regarde aussi les personnes qui sont plus démunies et qui ont besoin du tribunal pour recevoir une juste représentation en fonction d'une décision qui doit être prise par une personne extérieure qui, dans ce cas-là, doit être membre du système judiciaire. Cependant, M. le Président, il est évident qu'on peut faire des efforts considérables pour déjudiciariser et rendre encore la justice plus accessible.

Donc, en conclusion, M. le Président, ce que je peux vous dire c'est que nous avons pris bonne note des remarques de Mme la députée, que. d'une façon générale, ses propos sont accueillis ici avec beaucoup d'intérêt, excepté lorsqu'elle dit que nous manquons de vision que nous avons moins d'intérêt sur ces aspects mais, en ce qui regarde les commentaires pratiques que nous connaissions déjà par les articles de M. Masse et que nous voyons dans la bouche maintenant de Mme la députée, nous les accueillons avec beaucoup d'intérêt et nous en ferons une analyse approfondie pour pouvoir revenir et discuter tous ces points qui ont été soulevés.

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, M. le ministre. M. le député de Westmount.

M. Richard B. Holden

M. Holden: Merci, M. le Président. Je vois que nous sommes rendus à la dernière étape de ce long voyage de réforme du Code civil. J'avais un an de pratique du droit quand M. Duplessis a nommé le juge, parce que M. Duplessis était et premier ministre et ministre de la Justice, et il a...

Une voix:...

M. Holden: Eh oui! Un ciel bleu. Et il a nommé le juge Rinfret pour présider ou commencer la réforme, et ensuite il y avait le professeur Crépeau Je crois qu'en remerciant tout le monde qui a travaillé si longuement à cette réforme on devrait se souvenir de ceux qui ont travaillé depuis ces 32 ou 33 années.

Vous savez, M. le Président, que ce projet de loi va remplacer une loi adoptée en 1865 par la Législature de la province du Bas-Canada intitulée l'Acte concernant le Code civil du Bas Canada. Pour ceux et celles qui se demandent quand le Québec a été officiellement reconnu comme société distincte, ce serait peut-être la bonne date. Plus que toute autre loi québécoise, M. le Président, plus que la Charte des droits même, plus que le Code du travail, plus que la réforme de la santé et même la charte des langues, le Code civil est à la base de notre société et de notre système de droit. Parmi ceux qui ont travaillé, les codificateurs des années 1857 à 1865, il y avait... Je me souviens d'avoir étudié les rapports des codificateurs. Il y avait d'éminents juristes anglophones tels que l'honorable juge Charles Day et les avocats Thomas McCord et Thomas Ramsay. Mon fils, qui est aussi avocat, m'a fait remarquer que cette réforme du Code et cette étude détaillée, c'est probablement la législation la plus importante que j'aurai étudiée pendant mon séjour à l'Assemblée nationale. Et je suis entièrement d'accord avec lui et c'est pour ça que je remercie encore une fois les deux majorités d'avoir accepté que je siège à cette sous-commission.

Notre tradition civiliste n'est pas limitée aux juristes francophones. Je dois signaler qu'au cours des années, parmi les théoriciens québécois sur le Code civil, il y a eu des avocats anglais et juifs qui ont contribué énormément au développement et au progrès dans l'interprétation et la compréhension du Code. Je pense notamment à l'honorable Car) Goldenberg et l'honorable juge en chef George Challies, qui ont tous les deux écrit des oeuvres sur certains aspects du Code, oeuvres citées maintes fois devant nos tribunaux. Tout ça, M. le Président et M. le ministre, pour souligner l'importance du Code civil chez les anglo-Québécois.

Je note en feuilletant les commentaires du Barreau qu'il est occasionnellement question du texte anglais du projet, soit que l'anglais diffère du texte français ou qu'on se sert de mots qui n'existent pas en langue anglaise. Sans vouloir miner le travail de ceux qui ont traduit ou rédigé la version anglaise, j'espère que j'aurai l'opportunité de travailler avec eux pour assurer une concordance absolue et convaincante entre les deux.

Lors du récent congrès du Barreau du Québec, j'ai écouté avec grand intérêt les commentaires de Me Chamberland, le sous-ministre qui était avec nous tout à l'heure, au sujet de la philosophie juridique contenue dans le projet de loi que nous allons étudier. Et ce que je dégage de ces commentaires, c'est que le législateur, le gouvernement et tous ceux qui ont travaillé avaient à l'esprit certains principes de base. D'ailleurs, le sous-ministre en a mentionné plusieurs.

First, he mentioned technological change. These were matters that were never dreamed of by the original codifiers and I am glad to see that a lot of computer proving... the whole idea of the computer and there is a lot of technological change which is reflected In the new Code. I am very happy with that. The integration of traditional legal thinking and the new concept of charters of rights and freedoms, I am glad to see that integrated in the new system that we have in front of us. The expansion of the notion of legal persons, the "personne morale", I am very impressed with the expansion of that notion and I guess we will have a lot of time to study that during our hearings.

I also like the more equitable approach to the delicts and contracts. That is an area where maybe my own experience may be of some assistance. I must say that the Member for Hochelaga-Maisonneuve certainly proved to us the worth of her experts because, even in the introductory comments, I also noticed some of the texts that I have heard from some of her experts. We will have a lot of time to discuss those matters here.

I also like the idea of bringing Québec law into harmony with other jurisdictions in Canada and elsewhere. The jurisprudential trends which are reflected in the new Code, I felt, were rather well done. The Member for Hochelaga-Maisonneuve says that you have turned counter, you have turned the clock back on some of the jurisprudence but I thought a lot of it was accurately reflected in the Code on such matters as real property decisions, estate decisions, and the product liability question which will be brought up again and which you are going to amend. The corporate veil and the jurisprudence are reflected in your new Code, which I like. I also like the idea of returning into the Code certain of the private law aspects which were not incorporated in the Code.

Notre tâche a été considérablement allégée parce que certaines sections du Code ont déjà fait l'objet d'études lorsqu'on a amendé certaines sections comme le droit de la famille, les successions, le chapitre sur les biens et certains contrats nommés. Mais je crois qu'il y a matière à réflexion et à travail jusqu'à probablement Noël, M. le ministre. Peut-être Noël, mais j'espère qu'on va finir avant la fermeture de la session à Noël.

Et même rendu là, M. le ministre, on nous annonce déjà d'autres propositions législatives portant sur l'application de la réforme, notamment en ce qui a trait à la procédure civile et aux mesures de droit transitoire. Alors, notre travail reste à faire. J'anticipe avec plaisir notre travail et j'ai hâte de commencer. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie de vos commentaires, M. le député de West- mount. M. le ministre. Madame.

Mme Harel: Est-ce que j'ai la parole?

Le Président (M. Lafrance): J'aimerais peut être tout d'abord demander à M. le ministre s'il a des commentaires aux commentaires que vient faire M. le député Westmount.

Mme Harel: C'est une question tout à fait personnelle, peut-on dire, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Alors, allez y. madame. (18 heures)

Mme Harel: J'ai apprécié l'intervention du député de Westmount et je ne voulais pas l'interrompre immédiatement quand iI a pris la parole après le ministre. Mais je ne peux pas, M. le Président, passer sous silence les dernières remarques du ministre. Malgré son effort pour se corriger, je dois comprendre qu'il est retombé dans son partemalisme habituel. S'il me fait grief d'utiliser l'argumentaire des juristes qui agissent comme conseils pour l'Opposition - et je n'ai pas apprécié qu'il nomme nommément un de ces juristes - alors, je vais lui faire le même grief d'utHIser l'argumentaire de ses légistes. Je ne pensais pas qu'on en serait à ce niveau-là ou à ce climat-là, M. le Président. Je le note mais je crois comprendre que c'est là un précédent fâcheux qui ne se répétera pas.

M. Rémillard: M. le Président...

Le Président (M. Lafrance): M. le ministre

M. Rémillard: Si vous le permettez... Je suis peiné de voir la réaction de Mme la députée et je retire certainement mes paroles Ce n'était pas dans ce sens du tout... Je faisais référence à une partie importante des remarques de Mme la députée sur la responsabilité du fabricant. J'ai dit que je retrouvais là des remarques du professeur Claude Masse, dont j'avais parlé aussi en introduction en le présentant, dont il nous avait fait part parce que c'est l'une des grandes spécialités du professeur Masse. Alors, j'ai tout bonnement dit que je retrouvais là des commentaires qu'on avait par le professeur Claude Masse et je ne l'ai pas dit de façon péjorative, loin de là. Je pense que, dans la mesure où vous voulez vous référer à des commentaires que j'aurais faits d'un spécialiste, hormis que ça déplaise au spécialiste en conséquence... Si mes paroles ont pu vous blesser ou toucher Me Masse, |e n'avais pas l'Intention de le faire et je les retire immédiatement avec mes excuses. Je n'avais aucune intention de vous toucher sur un point que je n'avais pas vu.

Mme Harel: À ce moment-là, s'il faut les interpréter comme signifiant que les travaux de

Me Masse sont bien connus et pourront vous inciter à modifier votre projet de loi, alors, ça me va.

M. Rémillard: Je vais compléter ma pensée en vous disant que je vous avais dit qu'on était en réflexion et que cette réflexion a été initiée et par des commentaires de Me Masse et d'autres commentaires reçus aussi. Manifestement, nous savons que M. Masse est intervenu à plusieurs reprises sur la place publique. Je retrouvais ces commentaires-là dans les propos de Mme la députée et, donc, je me suis permis de faire la relation. Si cette relation a su blesser Mme la députée, je retire cette relation immédiatement.

Mme Harel: Écoutez, ce n'est pas nécessairement blesser, mais je la trouve inopportune parce que... Est-ce que je dois à ce moment-là chercher des relations, dans les propos du ministre, dans les points de vue de ses légistes, s'aglt-il plus du point de vue de Me Cossette ou de Me Pineau ou s'agit-il plus du point de vue de Me Longtin? Je ne pense pas que ce soit là une erre d'aller qui nous mènera loin.

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, madame.

M. Rémillard: J'en prends bonne note, M. le Président, toujours dans le même esprit.

Le Président (M. Lafrance): M. le ministre, voulez-vous commenter les propos du député de Westmount?

M. Rémillard: Oui, si vous me le permettez, simplement. M. le député de Westmount, qu'on a le plaisir d'avoir sur cette commission, a fait référence aux travaux qui ont été menés depuis les 36 dernières années. Entre autres, il a parlé de l'Office de révision du Code civil. Je voudrais rendre un hommage tout particulier, entre autres, au professeur Paul-André Crépeau, qui a été président de cet office de révision et qui a déposé son rapport de réforme du Code civil à l'Assemblée nationale en 1978, rapport qui a profondément inspiré la réforme que nous avons maintenant. Je m'en voudrais de ne pas souligner tous les travaux qui ont été faits et, en particulier, ceux menés par cet Office de révision du Code civil sous la direction éclairée de Me Paul-André Crépeau, professeur à l'Université McGill. Voilà, M. le Président.

J'ai pris aussi bonne note, bien sûr, de tous les commentaires de M. le député de Westmount. Je suis convaincu que ses préoccupations, à bien des égards, sont aussi les nôtres et que, dans la discussion et même certaines corrections qu'on va apporter, on va pouvoir répondre à ces préoccupations.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

Documents déposés

À ce stade-ci de nos travaux, j'aimerais vous lire officiellement la liste des documents déposés à la sous-commission, avec leur code numérique pour les besoins de référence, il va de soi.

Tout d'abord Commentaires sur le projet de loi 125, Code civil du Québec, de la Commission des droits de la personne, sous le code numérique 1-D; Mémoire de la Commission des services juridiques concernant le projet de loi 125, sous le code numérique 2-D.

Suivent sept mémoires du Barreau du Québec sur le projet de loi 125, tout d'abord: Théorie générale des obligations, sous le code numérique 3-D; Mémoire traitant du crédit-bail et du louage, sous le code numérique 4-D; Du dépôt, du prêt et du cautionnement, sous le code numérique 5-D; De la vente et de la donation, sous le code numérique 6-D; De la convention d'arbitrage, sous le code numérique 7-D; De l'affrètement, du transport et de l'assurance maritime, sous le code numérique 8-D; et, finalement, Des personnes, sous le code numérique 9-D.

Également les commentaires de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie sur le projet de loi 125, sous le code 10-D; lettre d'appui de la Fédération des familles souches québécoises inc. aux commentaires de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie, sous le code numérique 11-D; lettre d'appui du Centre interuniversitaire de recherche sur les populations, Universités du Québec à Chicoutimi, Laval, McGill, aux commentaires de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie, sous le code numérique 12-D; et, finalement, lettre du 12 août 1991, de M. Orner Beaudoin-Rousseau, de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec inc., et réponse de la secrétaire de la commission, Mme Giguère, sous le code numérique 13-D.

Alors, nous en arrivons à l'étude détaillée des articles de loi et j'aimerais faire appel... Oui? Mme la députée.

Motion proposant d'entendre divers organismes

Mme Harel: C'est-à-dire, M. le Président, nous en sommes à l'étape des motions et je souhaiterais, à ce moment-ci de nos travaux, que nous puissions entendre la motion que j'aimerais déposer à l'effet de tenir des consultations particulières. Alors, je vais en faire lecture, M. le Président. "Il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la sous-commission des institutions tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 125, des consultations particulières quant à tous les

articles dudit projet et qu'à cette fin elle entende te Barreau du Québec, la Chambre des notaires du Québec, la Commission des services juridiques du Québec, la Commission des droits de la personne du Québec, le Conseil du statut de la femme, le Bureau des assurances du Canada et l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec."

Le Président (M. Lafrance): Alors, je me réfère à l'article 244 auquel vous faites référence, et je pense que votre motion est recevable à ce stade-ci de nos débats. Alors vous avez la parole madame.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je pensais que l'information avait été transmise au ministre que nous entendions déposer cette motion. J'en avais fait, moi, la demande dès aujourd'hui, de façon à ce que le ministre puisse examiner cette motion qui, dans le contexte où nous la présentons, ne veut en rien retarder nos travaux.

Nous pensons que nous pourrions fort bien débuter l'examen article par article et prévoir de suspendre au moment justement où nous conviendrions de recevoir... Il s'agit de sept organisations majeures, qui ont soit déjà présenté des mémoires devant cette commission ou fait connaître leur intention de le faire. Et nous pensons, M. le Président... Vous voyez que par exemple demain nous allons interrompre toute la journée les travaux de la sous-commission pour vaquer à des responsabilités autres dans des commissions qui se rencontreront en groupes de travail, soit sur les offres du fédéral ou sur la souveraineté. Alors, il y a donc déjà des précédents où il s'est avéré qu'on ne pouvait pas siéger, là. Ce n'est pas mon intention, bien au contraire, de retarder les travaux. Je dois vous dire que c'est la seule motion que j'entends déposer, mais il me semblait très très important de le faire à ce stade-ci. Je peux même accepter de suspendre de façon à ce qu'on puisse laisser le temps au ministre. Moi je le croyais sincèrement informé de notre intention de présenter cette motion. Alors, on peut facilement suspendre et puis voir à procéder à l'examen et revenir sur cette question s'il y a consentement. Je le répète, mon objectif à ce moment-ci n'est vraiment pas, au contraire, de retarder nos travaux, mais je crois vraiment que, si on poursuit un objectif de célérité, il vaut mieux examiner avec les associations qui ont souvent consacré des sommes considérables de travail et qui pourraient être mises à contribution par cette commission... Je trouverais ça regrettable, M. le Président, qu'on écarte cette expertise-là. Je sais très bien qu'il s'agit là de documents écrits qui sont à la disposition des membres de la commission mais il n'en reste pas moins que leur présentation orale devant une commission leur permet d'identifier les priorités incontour- nables pour elles, et de bien faire saisir l'importance de ces questions par les membres de la commission. Alors, voilà l'objet de ma motion.

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, Mme la députée. Mol je pense que techniquement, à ce stade de nos travaux, votre motion est recevable, mais je demanderais à M. le ministre si à ce stade-ci il voudrait apporter dus commentaires, peut-être?

M. Rémillard: M. le Président, mon premier commentaire c'est de dire que c'est regrettable, quand je pense qu'hier encore je parlais avec la députée de Hochelaga-Maisonneuve pour préparer cette commission dans un esprit de collaboration, pour qu'on puisse procéder le mieux possible et je n'ai jamais entendu parler d'une telle motion, jamais entendu parler ni de proche ni de loin d'une telle motion. C'est une motion qui a beaucoup d'Importance, M. le Président, parce qu'il faut bien comprendre que nous avons entendu tous ces groupes déjà, qui ont déjà produit des mémoires dans d'autres projets de loi qui ont été discutés, qui ont aussi fait valoir leurs opinions à bien des niveaux. Nous les avons rencontrés au courant de l'été pour plusieurs, nous sommes ouverts, évidemment, à les ren contrer d'une façon Informelle, mais il demeure, M. le Président, que, si nous ouvrons la consultation encore une fois au niveau de l'ensemble des intervenants, on parle de 7 groupes, pourquoi ne parlerait-on pas de 12 groupes, de 20 groupes? Qui est-ce qui va tracer la ligne? Qui va décider que certains groupes viendront et d'autres ne viendront pas? Il y a de la dis crimination, et les gens pourront dire: Écoutez, nous aurions voulu être Interrogés, nous aurions voulu aussi déposer.

M. le Président, on nous arrive avec une motion et j'avoue que je suis tout simplement pris par surprise. Il me semble que dans une commission comme celle-ci on ne devrait pas être pris par surprise, autant dans nos argumentations sur le fond qu'au point de vue marche que nous entendons suivre, processus que nous entendons suivre. Je déplore cette façon de faire, M. le Président. Je la déplore fortement. Je crois que nous avons tous le même objectif, essayer d'en arriver aux résultats les plus concluants, les plus intéressants possible pour la société québécoise. M. le Président, en me présentant cette motion comme ça sans m'en parler avant, d'aucune façon, sans en parler à personne de ce côté-ci, on est pris par surprise par une motion et je trouve ça extrêmement déplorable, M. le Président.

Le Président (M. Ufrance): Merci, M. le ministre. Mme la députée, est-ce que vous voulez maintenir la motion présentée? (18 h 15)

Mme Harel: M. le Président, moi ce que je

trouve extrêmement déplorable, c'est que le ministre se crispe de cette façon, là. Ça va mal débuter les travaux que nous avons à mener si le ministre, à la moindre occasion, se crispe comme il le fait maintenant. Je lui répète ce que je lui ai dit. Je croyais très sincèrement que l'information lui avait été transmise ce matin même. Et il m'était évident, quant à moi, que l'information dovalt lui être transmise.

Ceci étant dit, ce n'est pas là un argument suffisant pour écarter cette motion parce que le ministre peut peut-être légitimement réagir comme il vient de le faire, mais je lui propose de peut-être y repenser lors de l'interruption du souper et de voir si sa réaction sera la même à l'ouverture de nos travaux. Il me semble que la motion dit bien qu'il ne s'agit pas de faire venir l'ensemble des intervenants. La motion dit clairement qu'il s'agit d'entendre les sept organisations qui sont mentionnées. Est-ce que j'ai besoin de les rappeler, M. le Président? Mais est-ce que j'ai besoin de rappeler que le mieux est l'ennemi du bien et qu'à prétendre ne pas pouvoir entendre tout le monde on ne peut justifier d'entendre personne? Il y a, dans l'argumentaire que le ministre a développé, l'idée de discrimination. C'est bien la première fois, depuis 10 ans que je siège à ce Parlement, qu'on invoque la discrimination lorsqu'on présente une motion pour tenir des audiences particulières. Si tant est que c'était de la discrimination, cette disposition-là ne ferait pas partie de notre règlement, c'est la disposition qui prévoit qu'on puisse entendre des gens plutôt que d'autres. Et d'autant plus, M. le Président, que ce n'est pas parce qu'on entend tout le monde qu'on est justifié d'entendre personne, là. Ce n'est pas parce qu'on n'entend pas tout le monde que c'est discriminatoire. Ce qu'on propose de recevoir, ce sont les organismes qui ont présenté des mémoires devant notre commission ou qui entendent le faire. Et je ne crois pas que jamais, sur le projet de loi 125, ces organismes aient pu être entendus publiquement; je ne crois pas que jamais le Parlement leur en a fourni l'occasion. Et les avant-projets... Ais-je besoin de rappeler ne serait-ce encore une fois les différents sujets que j'ai abordés tantôt, y compris la responsabilité du fabricant et bien d'autres concepts que l'on ne retrouvait pas ou qu'on retrouvait bien différemment formulés dans les avant-projets de loi... Or, c'est évident, M. le Président, que ça peut très bien se comprendre et ça peut absolument d'autant plus se justifier que nous sommes devant un nouveau projet de loi, et le tout est différent de la somme des parties. Il faut bien comprendre que même les groupes qui auraient déjà fait des représentations sur les différentes parties peuvent, au moment où il y a justement souvent une absence d'interrelations entre les différents livres du Code, vouloir faire des Interventions pour y remédier et en faciliter l'harmonie.

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, madame. Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Je connais très bien le désir de perfection de la députée de Hochelaga-Maison-neuve. Je connais son sens du professionnalisme, je la connais très bien parce que j'ai eu l'occasion de siéger à plusieurs reprises à la commission des institutions et peut-être l'occasion ailleurs aussi, au moment où on a étudié entre autres la loi 146, si elle se rappelle bien. Je pense qu'à ce moment-ci il serait peut-être de mise d'étudier article par article et de ne plus tergiverser en recevant un groupe... C'est sûr que, si on en reçoit un, tous les autres vont vouloir qu'on les reçoive. Il est certain qu'il y aura toujours un groupe ou l'autre qui aura des choses, des remarques à faire sur un article ou l'autre de la loi. Si, avec les conseillers qui sont là pour vous soutenir, ceux qui sont ici pour soutenir le ministre, et la bonne volonté de chacun de nous, on n'arrive pas justement à faire le mieux possible... Il y aura toujours des choses qui vont accrocher pour un groupe ou pour un autre à un certain moment, mais je pense que la perfection est presque impossible à atteindre dans un document comme celui-ci. Et je pense qu'on doit s'en tenir à la bonne volonté, à l'expertise des gens qui nous entourent et arrêter de se dire: Bon. Un veut qu'on l'écoute, un autre veut qu'on l'écoute; ça n'arrêtera pas jamais. Ce n'est pas parce que je veux contredire la députée de Hochelaga-Maisonneuve; je pense que ce n'est pas mon habitude. Mais je donne mon opinion en simple députée de Groulx. Alors, c'était mon opinion à ce moment-ci.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la députée. M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: M. le Président, seulement un mot concernant la motion. Que Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve ait avisé le ministre qu'elle présentera la motion ou non, je pense que ce n'est pas la question. La question de fond, c'est de savoir si vraiment, en entendant le Barreau du Québec, la Chambre des notaires, si je prends les deux premières qui sont citées dans la motion, eux qui ont déjà étudié depuis au delà 20 ans, 25 ans... Combien d'années se sont-ils penchés? Combien d'avocats, combien de notaires, combien de juristes se sont penchés sur ce sujet-là? Ils ont écrit des mémoires, ils ont pris position, ils ont défendu avec rigueur en privé et en public leur position. On sait quelle est leur position. Je me pose des questions. Mme la députée a dit qu'ils n'ont jamais été entendus en public comme tel devant une commission. C'est vrai. Mais, par contre, leurs écrits sont là. Les discussions ont eu lieu. Ils ont rencontré le ministre. Ils ont certainement rencontré l'Opposition. On sait leur position. Je ne vois en rien qu'est-ce qui pourrait faire avancer les travaux

de la commission de les entendre de nouveau présenter la même position. Je ne dis pas si c'était un projet de loi avec moins d'importance que le Code civil, mais, depuis nombre d'années, des avocats, des notaires, des juristes se sont penchés sur la question. Ils ont pris position. Je suis d'accord, il y a divergence d'opinions sur certains sujets de profondeur. Mme la députée les a mentionnés. Mais je doute fort en les entendant de nouveau, une autre fois, qu'ils vont changer leur position.

Je soumets respectueusement que c'est le temps du choix, le moment de prendre une décision. On a entendu, on a étudié depuis des années, puis là c'est le temps de passer à l'action. Je soumets respectueusement dans les circonstances que la motion que nous avons... Si on avait tout le temps de nouveau de les entendre, mais le ministre nous a dit qu'il veut que la loi soit adoptée dans un certain échéancier. Ça fait au-delà d'une trentaine d'années qu'on étudie. Pourquoi ne pas procéder tout de suite? Dans les circonstances, M. le Président, je suis du même avis que M. le ministre et Mme la députée qui vient juste de parler que nous devrions procéder immédiatement à l'étude article par article, tel que nous en avons reçu le mandat.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le député. Est-ce que vous voulez exercer votre droit de réplique, madame? Mme la députée de Terrebonne?

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je pense que c'est évident que la notion de temps est importante. Mais, compte tenu de l'ampleur du projet de loi, si on s'entendait pour limiter le temps, on n'est pas obligé d'entendre chaque groupe, que ce soit très, très long. Il y a sept groupes, le maximum avec lequel on peut se retrouver c'est sept heures. Ce n'est quand même pas un temps, je pense, qui retarderait indûment les travaux de la commission et qui empêcherait le ministre de passer la loi, tout comme nous le souhaitons, dans les délais voulus parce que ce n'est vraiment pas une motion qui a pour but de retarder les travaux, absolument pas, mais de permettre un dernier tour de table. Alors, la notion de temps ne m'apparaît pas vraiment un élément qui peut nous empêcher de le faire.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la députée de Terrebonne. Alors, je pense que vous avez tous reçu une photocopie du texte de la motion. J'aimerais peut-être le lire à tout le monde pour le Journal des débats. "Il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la sous-commission des institutions tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 125, Code civil du Québec, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet et qu'à cette fin elle entende le Barreau du Québec, la Chambre des notaires du Québec, la Commission des services juridiques du Québec, la Commission des droits de la personne du Québec, le Conseil du statut de la femme, le Bureau des assurances du Canada et l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec. "

M. Kehoe: M. le Président, avant de procéder plus loin, je fais une proposition de suspendre les travaux - II reste seulement cinq minutes - jusqu'après 8 heures ce soir pour donner l'opportunité au ministre justement de se pencher sur la question. Je fais la motion d'ajourner les travaux jusqu'à 20 heures.

Le Président (M. Lafrance): Si tout le monde y consent et si on veut continuer stir cette motion proposée par Mme la députée, on peut certainement suspendre. C'est que le temps est un peu serré. Par contre, si la sous-commission veut décider tout de suite sur l'adoption de la motion, on peut sûrement le faire s'il n'y a pas d'autre intervenant.

M. Kehoe: Je propose de suspendre jusqu'à 20 heures.

Le Président (M. Lafrance): Alors, la sous-commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures ce soir. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 26)

(Reprise à 20 h 17)

Le Président (M. Lafrance): Je réalise qu'on a le quorum. Alors, j'aimerais déclarer cette séance de travail pour ce soir officiellement ouverte. Deux petites remarques administratives: tout d'abord, je remarque que nous avons des difficultés vis-à-vis de l'alimentation puisque toutes nos facilités sont fermées ici pour l'été. peut-être jusqu'au mois d'octobre même, mais je demanderais quand même à tout le monde d'essayer d'être le plus ponctuel possible afin que l'on puisse faire progresser nos travaux le plus rapidement possible. J'aimerais également confirmer pour ce soir que nous avons prévu de terminer aux alentours de 22 heures.

Je vous rappelle que nous avons terminé les remarques préliminaires, les déclarations d'ouverture et qu'avant de commencer l'étude détaillée des articles du projet de loi nous avons eu une motion présentée par Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve et un court débat s'est ensuivi avant la fin des travaux, qu'on a annoncée à 18 h 30. Alors, j'aimerais savoir s'il y a d'autres commentaires sur la même motion à ce stade-ci. M. le ministre.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. J'ai eu

l'occasion pendant les quelques minutes que nous avons eues entre notre ajournement et maintenant de réfléchir à tout ça, de consulter et de faire aussi des vérifications. Nous avions discuté à plusieurs reprises, Mme la députée de Hochela-ga-Maisonneuve et moi-même et, aussi, à bien d'autres niveaux, sur la façon dont on procéderait pour faire cette étude article par article et on avait dit: II faut éviter d'ouvrir à l'audition des parties parce que, de par l'ampleur du Code civil, nous savons que beaucoup d'intervenants sont touchés d'une façon directe, d'une façon parfois accessoire, mais il y a beaucoup d'intervenants et, bien sûr, ça découle, par la nature même de ce projet de loi, la réforme du Code civil qui nous touche, de notre naissance à notre décès. Par conséquent, il est évident que beaucoup d'intervenants peuvent être touchés et veulent s'exprimer. Ils se sont exprimés. Nous avons eu plus de 200 mémoires et beaucoup de personnes, sans présenter des mémoires, sont venues nous rencontrer. J'en ai rencontré, pour ma part, comme ministre. Les groupes des légistes en ont rencontré plusieurs. À mon cabinet, Mme Pelletier, Me Pelletier a rencontré énormément de personnes aussi qui sont venues témoigner devant nous. Nous avons communiqué à l'Opposition tous les mémoires qu'on a reçus. S'il en manque, je ne sais pas si certains n'ont pas été communiqués par un oubli ou je ne sais trop quoi, on pourra le faire. On pourra même déposer ces mémoires en commission, M. le Président, officiellement si ça peut nous aider. Mais chaque mémoire qui nous a été soumis a été analysé, a été situé dans le contexte de notre étude de cette réforme du Code civil.

Nous avons eu une relation très suivie avec le Barreau et la Chambre des notaires. Plusieurs rencontres ont eu lieu entre le Barreau, la Chambre des notaires, les légistes et mon cabinet. J'ai assisté à certaines de ces rencontres et nous avons utilisé une méthode très systématique. Tous les points qu'ils avaient à faire valoir, nous les avons vus et on sait que la Chambre des notaires et le Barreau sont les premiers intervenants, je dirais, dans ce dossier-là parce que c'est eux qui sont les spécialistes, de par leur formation professionnelle, de la loi. Donc, ça ne veut pas dire qu'ils sont les seuls touchés, bien sûr que non, mais ce sont les professionnels qui utiliseront cette loi pour exercer leur profession. Donc, c'est les premiers intervenants.

Nous avons donc consulté, nous avons écouté, je crois, d'une façon tout à fait exceptionnelle, et je crois que je peux affirmer que les gens qui avaient à nous faire valoir leur position l'ont fait à tous les niveaux. Nous avons eu des mémoires de personnes même seules qui nous ont écrit. J'ai pris même connaissance personnellement de certains sur des points bien particuliers, entre autres en ce qui regarde les nouvelles technologies de reproduction. Tous ces éléments qui peuvent toucher aussi les questions d'éthique ont soulevé des commentaires chez bien des gens, et j'ai reçu des lettres, j'ai reçu des mémoires plus formels.

M. le Président, dans la motion que nous présente Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve, elle fait référence à sept groupes ou associations de personnes. Mais pourquoi sept? Quel est le critère qui peut nous déterminer sept? Je regarde ici et je vois la Commission des services juridiques du Québec, la Commission des droits de la personne, le Conseil du statut de la femme, le Bureau des assurances, l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, mais on pourrait en ajouter aussi beaucoup d'autres qui voudraient intervenir. Et, si ces gens interviennent, d'autres groupes ont aussi certains intérêts qui sont parfois divergents. Je ne voudrais pas citer trop d'exemples pour compliquer plus le dossier. Mais, qu'est-ce que vous voulez, c'est notre rôle de trancher, de discuter, d'avoir les points de vue différents qui nous sont donnés, et on les a par les mémoires. Qu'on tranche, c'est le temps de trancher maintenant, après 36 ans.

Dans la mesure où on ouvre, comme ça, à entendre des gens, ce n'est pas une question de temps, parce que ça peut prendre sept heures. Sept heures, ce n'est pas énorme, dans le travail qu'on a à faire, ce n'est pas ça qu'est le problème. Le problème, c'est en toute justice - il faut être juste, il faut être équitable puisqu'on fait un code civil - si on entend ces personnes, ces groupes, ces associations, pourquoi n'entendrait-on pas d'autres groupes, d'autres personnes, d'autres associations qui, j'en suis certain, ont autant d'intérêt et sont aussi intéressés à venir témoigner devant nous?

Alors, M. le Président, pour ma part, je ne peux pas... Je pense, un nom me vient comme ça, par exemple, l'Office de la protection du consommateur, qui n'est pas là. Probablement qu'ils aimeraient faire valoir leur point de vue, parce qu'ils nous ont écrit. Ils ont fait valoir leur point de vue par un mémoire; on l'a pris en considération, de très bons commentaires, d'ailleurs. Vous avez les arpenteurs-géomètres, vous avez aussi... J'ai rencontré dernièrement, tout dernièrement, les architectes. Ils sont venus me rencontrer; ils ont fait valoir leur point de vue, on a un mémoire des architectes qu'on a communiqué à l'Opposition. Ces gens-là, on en reçoit, on va recevoir des gens comme ça. Ça soulève beaucoup d'intérêt, et pour cause. Mais où va-t-on s'arrêter?

M. le Président, c'est le temps que l'on puisse décider en toute connaissance de cause. Ces gens-là peuvent faire valoir leur point de vue et, je le mentionne encore une fois, les mémoires, nous les recevons. Chaque mémoire est analysé, communiqué à l'Opposition, communiqué à la commission. Il est analysé par les légistes. On en discute lorsqu'on touche les différents

articles. Il me semble que le processus démocratique est très, très bien servi et qu'il ne serait pas bien servi si, justement, on acceptait une telle motion qui se limite strictement à sept groupes ou sept associations.

M. le Président, j'aimerais mieux qu'on se réserve la possibilité, comme commission, sur un point qu'on considérerait comme essentiel ou qui nous pose vraiment et en toute conscience... On dit: Écoutez, là on a besoin d'un éclairage, il y a un mémoire là-dessus, Mme la députée a soulevé des questions, j'en ai soulevé aussi des questions difficiles. On n'a pas la science infuse; malgré toutes les consultations qu'on a faites, il se peut fort bien qu'on se retrouve et qu'on dise: Ce serait peut-être bon d'entendre telle ou telle personne ou d'entendre même une association. Qu'on se réserve ce droit-là ponctuellement, qu'on le voie à chaque cas, de quelle façon on peut le faire.

M. le Président, je ne peux pas accepter cette motion-là parce qu'en conscience je me devrais, comme ministre de la Justice, si je faisais ça, de l'ouvrir à beaucoup d'autres associations et je ne vois pas quels critères objectif on pourrait trouver pour faire notre choix, si ce n'est celui que la commission en arrive sur un point ou qu'on arrive à la conclusion qu'on a vraiment besoin d'un éclairage et qu'on demande, à ce moment-là, à une association de venir témoigner pour préciser ce point-là. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, peut-être pour conclure, M. le Président, je note avec beaucoup de satisfaction l'intervention du ministre à l'effet qu'il serait possible que, dans le cours de nos travaux, nous convenions d'entendre l'un ou l'autre des groupes qui pourraient venir nous donner un éclairage qui nous permettrait de poursuivre l'examen amorcé. Évidemment, c'est avec regret que je constate que le ministre entend, je pense, voter contre cette motion. J'interviens parce que j'ai l'impression que c'est le même processus mental qui l'amène, par exemple, non pas depuis six ans, malgré que ça fait déjà six ans qu'il n'y a pas eu d'indexation du seuil d'admissibilité à l'aide juridique, mais, avec le même processus, le ministre a souvent argumenté et plaidé qu'il ne pouvait indexer l'aide juridique sans offrir de corriger les difficultés qui pouvaient se présenter à la classe moyenne, comme si on invoquait souvent le mieux pour ne pas faire immédiatement le bien. Je le revois reprendre finalement le même processus mental parce que, maintenant, il nous dit: C'est une question de justice. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas le temps, ce ne serait finalement que sept heures au maximum, donc l'équivalent d'une journée parlementaire, mais c'est qu'en toute justice, plaide-t-il, ce serait injuste pour certains d'être Invités tandis que d'autres ne le seraient pas.

Moi, je dois vous dire que là vraiment je suis surprise de cette argumentation-là parce qu'elle n'a jamais été invoquée lors de motions semblables pour conduire des consultations particulières. Justement, s'il y a des consultations particulières, s'il y a cette possibilité-là dans notre règlement de mener des consultations particulières, c'est parce qu'il y a la possibilité pour une commission de décider d'entendre certains groupes plutôt que d'autres. C'est quelque chose qui est très évidemment régulièrement utilisé comme façon de travailler en commission parlementaire. Je ne sache pas que ces collègues qui ont eu à réagir à des motions semblables n'aient jamais invoqué le fait qu'ils ne pouvaient pas entendre tout le monde pour finalement refuser d'en entendre quelques-uns. (20 h 30)

Si par exemple le ministre avait considéré que, parmi ces groupes, parmi les sept groupes, il y en avait certains qui n'étaient pas représentatifs ou qu'il aurait fallu en ajouter, c'aurait été évidemment une autre façon de travailler. Mais je ne peux pas, M. le Président, c'est évident, retenir comme argumentation le fait que parce que on ne peut pas entendre tout le monde on ne peut pas en entendre certains. Si ceux-là ne sont pas ceux qu'on devrait entendre, ça, ça se discute. Mol, |e me demandais, par exemple, la Commission des droits de la personne du Québec, qui a déposé un mémoire, a-t-elle été entendue par les légistes? Est-ce qu'il y a eu des rencontres avec la Commission des droits de la personne du Québec?

M. Rémillard: Oui, M. le Président...

Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.

M. Rémillard:... le mémoire a été analysé, et je crois, de mémoire, et c'est ce qu'on me dit, Mme Longtin a rencontré les gens de la Commission des droits de la personne.

Mme Harel: La Commission des droits de la personne. Est-ce qu'il en a été de même pour la Commission des services Juridiques?

M. Rémillard: Et pas simplement à une reprise, comme je l'ai dit, à plusieurs reprises. La Commission des services juridiques, on me dit aussi que, oui, à quelques reprises.

Mme Harel: Vous voyez, M. le ministre...

M. Rémillard: Et, vous savez, je veux simplement compléter, si ces associations, ces groupes veulent encore intervenir au niveau des légistes, et que l'Opposition veuille être présente

à certaines rencontres informelles, je pense qu'on n'a absolument aucun problème à ce niveau-là. Dans la mesure où les gens veulent faire valoir des points de vue, tant que le projet de loi n'est pas adopté on est ouvert à ce qu'on regarde tous ces aspects-là. Nous n'avons qu'un objectif, faire le Code civil le plus complet possible, le plus parfait possible. Mais, à un moment donné, il faut avoir des limites.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je prends donc acte du refus dans le fond du ministre de procéder à cette consultation particulière. Je ne partage pas ses arguments mais il les a plaides, mais je constate avec satisfaction, je le répète, que le ministre entend rendre possible, si tant est que l'état de nos travaux le nécessitait, que la commission puisse entendre l'un ou l'autre de ces groupes ou quelque autre qui pourrait venir nous apporter un éclairage particulier.

Le Président (M. Lafrance): D'accord, merci.

M. Holden: Je veux demander une question. Est-ce que ces gens-là veulent venir? Est-ce que le Barreau a demandé à venir ou la...

Le Président (M. Lafrance): Est-ce que Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve peut répondre?

Mme Harel: Je ne sais pas si le député de Westmount connaît cette procédure, mais la seule façon de le faire, M. le député, ce serait de voter en faveur de la motion et de leur proposer.

M. Rémillard: Je peux peut-être compléter, M. le Président, j'ai rencontré le bâtonnier à deux reprises même tout dernièrement, dont une en particulier où nous avons discuté du Code civil. J'ai rencontré plusieurs autres membres du Barreau impliqués dans les commentaires du Code cMI, parce qu'ils nous ont fourni de la documentation dont certains commentaires qui viennent de nous arriver ce matin sur les personnes, et on s'est expliqué sur les questions d'audition, et Ils comprennent très bien, pour la raison que je viens d'évoquer; on en a parlé, ils comprennent très bien. Ce qu'ils veulent, par contre, c'est qu'on tienne compte de leur point de vue. C'est un travail très sérieux et je dois rendre hommage, tant au Barreau qu'à la Chambre des notaires, où les gens ont fait un travail remarquable. C'est incroyable, ces chambres professionnelles, le travail qui a été donné bénévolement...

M. Holden: Depuis des années.

M. Rémillard: ...pour préparer des commentaires et c'est un travail, vous pouvez en être assurés, c'est très bien fait. D'ailleurs, je crois que sur bien des points on améliore le Code par les commentaires qui nous ont été faits et par le Barreau et par la Chambre des notaires. Alors, ils sont entendus, ils sont aussi pour nous une aide précieuse.

M. Holden: Si je peux ajouter, je crois qu'il y a un représentant ou plus du Barreau qui va être là tout le temps, n'est-ce pas?

M. Rémillard: Toujours.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas d'autre intervention, j'en conclus que la motion...

Mme Harel: Je ne sais pas à quoi veut conclure le député de Westmount en mentionnant qu'il y a un représentant du Barreau qui...

M. Holden: Bien, le Barreau suit de près ce que nous faisons et...

Mme Harel: Mais ça n'a pas à voir avec la motion qui est présentée.

M. Holden: Non, mais je me demandais s'ils voulaient absolument venir témoigner ou quoi.

Mme Harel: Alors...

Le Président (M. Lafrance): D'accord, merci. Je me permets quand même de vous référer aux sept mémoires du Barreau qui ont été déposés officiellement auprès de la sous-commission et j'invite évidemment tous les membres à en prendre connaissance attentivement. Et, si j'en conclus des délibérations, la motion...

Mme Harel: Nous allons procéder au vote, M. le Président?

Le Président (M. Lafrance): Oui. Vous voulez procéder au vote?

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Lafrance): D'accord.

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Lafrance): Oui, par appel nominal. Est-ce que c'est nécessaire qu'on relise la motion? Vous en avez une copie, je pense, là. Alors, on va procéder par appel nominal.

La Secrétaire: Pour ou contre la motion présentée par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve)? Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve)?

Mme Harel: Pour.

La Secrétaire: Mme Caron (Terrebonne)?

Mme Caron: Pour.

La Secrétaire: M. Holden (Westmount)?

M. Holden: Je vais m'abstenir, M. te Président.

La Secrétaire: Mme Bleau (Groulx)?

Mme Bleau: Contre.

La Secrétaire: M. Hamel (Sherbrooke)?

M. Hamel: Contre.

La Secrétaire: M. Kehoe (Chapleau)?

M. Kehoe: Contre.

La Secrétaire: M. Rémillard (Jean-Talon)?

M. Rémillard: Contre.

La Secrétaire: M. Lafrance (Iberville)?

Le Président (M. Lafrance): Je m'abstiens. Alors, la motion, telle que présentée, a été rejetée.

Étude détaillée

Nous en arrivons donc à l'étude détaillée du projet de loi et j'aimerais en appeler tout d'abord à la disposition préliminaire qui est contenue au début du projet de loi. Est-ce qu'il y a des commentaires relativement à cette disposition préliminaire?

Dépôt de commentaires sur le Code civil

M. Rémillard: M. le Président, me permet-triez-vous tout d'abord de déposer... Nous avons tous les commentaires et, dans un souci de transparence le plus complet possible, le ministre n'a pas plus de commentaires ou d'informations que les autres membres de la commission. Nous sommes tous ici sur le même pied et nous avons tous les mêmes informations devant nous. Je n'ai pas d'autres commentaires que ceux qui sont ici. Peut-être que, officiellement, je devrais déposer à la commission les quatre premiers commentaires. Ils sont ici, ils sont déposés. Maintenant, une question pratique, M. le Président. Est-ce que je devrais lire les commentaires à chaque article? Nous avons tous ces commentaires. Est-ce que je dois les lire quand même ou si on devrait simplement lire où on a des questions où on veut soulever des discussions?

Mme Harel: C'est ça.

M. Rémillard: Ou la dernière option?

Le Président (M. Lafrance): Mme la députée de Hocheiaga-Malsonneuve?

Mme Harel: Alors, M. le Président, on pout considérer comme lus les commentaires de façon à les déposer. M. le ministre va déposer officiellement au secrétariat de la commission...

M. Rémillard: C'est fait, là. Mme Harel: C'est déjà fait. M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: Alors, on peut les considérer comme lus de manière à ce qu'ils apparaissent au Journal des débats.

Le Président (M. Lafrance): D'accord? Mme Harel: On est d'accord?

Le Président (M. Lafrance): Alors, je pense qu'il y a consentement. J'accepte le dépôt de ces documents et j'invite évidemment tous les membres à en prendre connaissance au fur et à mesure des travaux de notre commission.

Disposition préliminaire

Est-ce qu'il y a des commentaires concernant la disposition préliminaire?

M. Holden: M. le Président, si, à un moment donné, il est question de quelques détails de traduction, est-ce que le texte anglais va être adopté automatiquement quand on adopte le texte français?

M. Rémillard: Normalement, oui, mais c'est en révision. Actuellement, le texte anglais est en révision. On avait, étant donné l'ampleur de la tâche, à revoir toute la traduction. Donc... Alors, en deuxième lecture, j'aurai à proposer des amendements... en troisième lecture.

M. Kolden: Est-ce qu'il y aurait moyen... C'est le professeur Brierley qui s'en occupe?

M. Rémillard: Je pense qu'il est Impliqué directement.

M. Holden: Est-ce qu'il y aurait possibilité que, je ne sais pas mol, M. Kehoe et mot ayons accès à ces travaux avant que ça devienne officiel?

M. Rémillard: Ahl Écoutez, on pourra voir ça certainement. Je pense que ça peut aussi favoriser une meilleure traduction, donc de meilleurs travaux. Moi, je n'ai pas d'objection.

M. Holden: J'ai une grande confiance dans

le professeur Brlerley, mais...

M. Rémillard: Oui, qui est un très bon professeur de McGIII. On pourra revoir un mécanisme qui vous permettra, M. le député de Westmount, de voir cette traduction avant que ce soit officiellement...

M. Holden: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires sur la disposition préliminaire, on va en conclure que c'est adopté.

Des personnes

De la jouissance et de l'exercice des droits civils

J'aimerais présentement en venir au livre premier, Des personnes, celui qui traite des personnes, et au titre premier, De la jouissance et de l'exercice des droits civils, et appeler l'article 1. Est-ce qu'il y a des commentaires sur cet article? Alors, adopté. Article 2.

Mme Harel: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Mme la députée de Hochelaga-Malsonneuve.

Mme Harel: Oui, c'est à propos du patrimoine, M. le Président. Vous me permettez? Juste une seconde.

Le Président (M. Lafrance): Oui. Mme Harel: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article 3. Aucun commentaire? Adopté. Article 4. Aucun commentaire? Adopté. Article 5. Aucun commentaire? Alors, adopté. Article 6. Aucun commentaire? Alors, adopté. Article 7. Aucun commentaire?

Mme Harel: Oui, oui. Non, non.

Le Président (M. Lafrance): Pardon?

Mme Harel: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.

M. Rémillard: Non, je pense que vous avez des commentaires à ce niveau-là?

Mme Harel: Oui, mais je pensais que vous vouliez proposer la suspension de l'article 7 ou vous préférez...

M. Rémillard: Bon, on peut peut-être... Peut-être que la meilleure façon, ce serait de suspendre notre étude de l'article 7 pour le moment, M. le Président. On devrait y revenir avec des informations complémentaires qu'on devrait obtenir dans un avenir prochain.

Le Président (M. Lafrance): O.K. Alors, si je comprends bien, il y a consentement. D'accord. On passe à l'article 8.

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Lafrance): Adopté. L'article 9. Adopté.

De certains droits de la personnalité De l'intégrité de la personne

Nous arrivons au titre deuxième, chapitre premier, article 10.

Mme Harel: Une seconde, M. le Président. Le Président (M. Lafrance): Oui.

M. Rémillard: II y a un amendement à cet article. Est-ce que je devrais lire l'amendement au tout début, oui?

Le Président (M. Lafrance): Oui, s'il vous plaît, M. le ministre.

M. Rémillard: L'amendement se lirait comme suit: L'article 10 du projet est modifié par le remplacement, dans le second alinéa, des mots "il ne peut être porté atteinte à sa personne" par les mots "nul ne peut lui porter atteinte".

Mme Harel: Quel est l'effet de l'amendement?

M. Rémillard: C'est une modification qui est purement formelle, mais on revient au texte précédent pour que ce soit plus clair. On a eu des commentaires à l'effet que cette... C'est une question formelle, beaucoup plus de linguistique parce qu'il y avait "toute personne" et ensuite "à sa personne", alors on l'a adopté.

Mme Harel: Alors l'amendement est adopté.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. Adopté, avec l'amendement. Article 11. Adopté? (20 h 45)

Mme Harel: Non, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Non, pardon. Commentaires, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Des soins

Mme Harel: Alors, M. le Président, là, il s'agit de la section portant sur les soins. Peut-être est-il plus intéressant à ce moment-ci de nos travaux de rappeler ce que j'en disais au moment de l'ouverture à l'effet que, dans cette section, on retrouve plus exactement 10 concepts différents de soins - c'est bien ça? - 10 termes différents pour qualifier les soins. Alors, il va falloir certainement porter un regard très attentif sur les articles 11 à 26.

Je voudrais immédiatement, M. le Président, faire valoir qu'il n'y a pas de bonnes raisons de ne pas examiner attentivement le projet de loi 125, quelles qu'en soient les parties, y compris celles qui auraient pu être, par exemple, adoptées dans le cadre de la loi 20 qui est déjà adoptée depuis cinq ans. Il n'y aurait pas de bonnes raisons de considérer que, parce que cela aurait pu déjà être adopté, il n'y aurait pas lieu de réexaminer la question. On le fera pour le droit de la famille qui a été adopté il y a 10 ans, je pense bien qu'il faut le faire pour le droit des personnes et des biens qui l'a été il y a cinq ans, même s'il n'a pas été mis en application, comme vraisemblablement l'Institut de réforme du droit que le ministre nous a annoncé aujourd'hui pourra, dans 2 ou 3 ans, refaire ce même exercice.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires, M. le ministre?

M. Rémillard: Là-dessus, M. le Président, je suis d'accord pour dire que ce n'est pas parce que ça a été adopté dans le projet de loi 20 que, par le fait même, on doit s'abstenir de tout commentaire. Ceux qui ont procédé à l'étude du projet de loi 20 l'ont fait avec beaucoup de compétence. Ils ont discuté de beaucoup beaucoup de ses aspects. La seule chose au sujet de laquelle je me permettrais de mettre en garde les gens de l'Opposition, les membres de cette commission, c'est qu'on ne reprenne pas des grandes discussions qui ont eu lieu à ce moment-là et où on a pris des positions, je pense, qui sont tout à fait conformes à l'évolution de notre droit et de notre société. Cependant, c'est sûr que, si on trouve un moyen de parfaire certains aspects, je pense qu'on peut parfaire assez bien. Donc, ce n'est pas parce que ça a été adopté dans le projet de loi 20 qu'on doive s'abstenir de tout commentaire. Simplement, il faudrait quand même être conscients qu'il y a déjà eu beaucoup de travaux parlementaires de faits sur cette loi et il ne faudrait quand même pas penser qu'on repart à zéro.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, j'en retiens de votre intervention, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, que vos remarques avaient trait à l'ensemble de la section comme telle. J'appelle l'article 11 spécifiquement.

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Lafrance): Adopté. L'ar tide 12?

Mme Harel: M. le Président, je dois vous dire que je préférerais, pour cette section, que nous lisions la disposition que nous allons adopter.

M. Rémillard: Oui. Bien. Alors, voulez-vous que... On va commencer à l'article 12, donc? On lit.

Mme Harel: D'accord. Oui.

M. Rémillard: "Celui qui consent à des soins pour autrui ou qui les refuse est tenu d'agir dans le seul intérêt de cette personne en tenant compte, dans la mesure du possible, des volontés que cette dernière a pu manifester. "S'il exprime un consentement, II doit s'assurer que les soins seront bénéfiques, malgré la gravité et la permanence de certains de leurs effets, qu'ils sont opportuns dans les circonstances et que les risques présentés ne sont pas hors de proportion avec le bienfait qu'on en espère.

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article 13?

M. Rémillard: 'En cas d'urgence, le consentement aux soins médicaux n'est pas nécessaire lorsque la vie de la personne est en danger ou son intégrité menacée et que son consentement ne peut être obtenu en temps utile. "Il est toutefois nécessaire lorsque les soins sont inusités et devenus Inutiles ou que leurs conséquences pourraient être intolérables pour la personne."

Le Président (M. Lafrance): Merci. Des commentaires?

Mme Harel: Qu'est-ce que le ministre entend par soins inusités?

M. Rémillard: Un soin inusité, c'est un soin qu'on utiliserait d'une façon très exceptionnelle et dont on n'a pas une très grande expérience d'application. C'est dans des circonstances difficiles, extrêmement difficiles, un moyen qu'on veut utiliser qui, habituellement, n'est pas utilisé, mais, étant donné la situation, qu'on veut utiliser. Donc, par conséquent, l'élément de risque est beaucoup plus élevé dans un cas pareil.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

Mme Harel: II ne s'agit pas d'une expérimentation, par exemple.

M. Rémillard: Ce n'est pas l'expérimentation, mais bien l'utilisation d'un traitement ou d'un médicament ou d'une façon de faire qui n'est pas normalement utilisé parce qu'on ne l'a pas utilisé souvent - normalement, le terme n'est pas bon - on ne l'a pas utilisé très souvent. C'est inusité. La situation peut être inusitée, donc, elle demande, par le fait même, un remède, un traitement ou une façon de faire inusité, ou on peut se retrouver dans une situation où la condition de la personne nécessite qu'on fasse ce traitement inusité. Par conséquent, il en résulte un degré de risque élevé. Pour bien bien protéger, quand même, le patient, la personne, à ce moment-là, il y a une exception au principe qui est établi dans le premier alinéa.

Mme Harel: Dans les notes additionnelles qui sont fournies à l'article 13, dans le projet de commentaires détaillés, il est dit que la présente disposition diffère du texte adopté en 1987 qui permettait de passer outre au refus de traitement lorsque la vie est en danger. Ce changement d'orientation respecte le consensus social qui s'est dégagé au cours des dernières années sur la primauté accordée à la qualité de la vie plutôt qu'au maintien de la vie à tout prix dans des conditions Inacceptables. Il est important de noter, toutefois, que le respect du refus de traitement se distingue essentiellement de l'euthanasie. Cette dernière implique une intervention positive pour mettre fin à la vie, alors que le respect du refus du traitement consiste plutôt à cesser tout traitement autre que ceux visant à soulager les souffrances de la personne à l'approche de la mort et à laisser agir la nature.

M. Rémillard: Je pense que ces commentaires situent fort bien cet article. Vous savez, il s'agit, en fait, entre autres, de l'acharnement thérapeutique. On veut que la personne ait cette dignité. En fait, ce qui nous gouverne en premier lieu, c'est le respect de la dignité de l'être humain. Cette dignité, maintenant, lorsqu'on parle de soins de santé, on la comprend par le consentement qui doit être donné et on la comprend aussi par des traitements qui doivent faire en sorte de respecter la dignité humaine. Lorsque c'est la fin, qu'il n'y a vraiment plus de possibilité de redonner la santé, il y a maintenant un consensus social qui se dégage fort bien, que dans l'esprit du respect de la dignité humaine on évite les acharnements thérapeutiques et on laisse la dignité à la personne de pouvoir mourir dignement.

Mme Harel: Vous avez fait valoir, dans votre discours d'ouverture, que la législation que l'Ontario s'apprêtait à adopter était inspirée par des dispositions québécoises - ai-je bien compris? - et que, par là même, ces dispositions étaient en deçà de ce qu'on pouvait retrouver. Est-ce que c'est le cas?

M. Rémillard: Oui. On a fait vérifier par les légistes la situation de la loi de l'Ontario et la loi de l'Ontario reprend les même principes, exactement les mêmes principes et ne va pas plus loin, ne va pas moins loin non plus, va à peu près dans le même sens que nous.

Mme Harel: Que les dispositions du Code civil?

M. Rémillard: Que les dispositions que nous présentons aujourd'hui, sur le mandat.

Mme Harel: Vous avez écarté, à ce moment-là, le testament biologique, l'application du testament biologique dans ses effets pratiques.

M. Rémillard: Oui. On a écarté le testament biologique après bien des consultations. Il est accepté, comme je le mentionnais tout à l'heure, qu'il y ait le respect de la dignité humaine qui implique le droit de mourir dignement. Le testament biologique soulève encore de nombreuses questions dans notre société. Par exemple, beaucoup de groupes s'y opposent en disant que le testament est fait lorsque vous êtes en bonne santé et que, par conséquent, lorsque arrive le temps de son application, vous n'avez plus la disponibilité mentale de pouvoir réagir et qu'il y a là une relation de consentement qu'actuellement, dans la société, à certains niveaux, on n'est pas tout à fait prêt encore à accepter. Je pense que c'est une situation qui est en évolution, tout ce domaine-là est en évolution. Ce que nous avons présentement comme règle situe fort bien l'évolution de la société et du droit aussi, même jurisprudentiel, et est en fonction du droit comparé dans les autres pays comparables au nôtre. Cependant, il m'apparaît évident que, lorsqu'on parlait, tout à l'heure, d'un institut de réforme du droit, que c'est l'un des sujets qui devra être suivi de très près par un institut et qui devra faire en sorte qu'on puisse évoluer en fonction de l'évolution des mentalités et du consensus social.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Oui, un instant.

Mme Bleau: M. le Président...

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Groulx, certainement.

Mme Bleau:... en attendant que les réflexions se fassent de l'autre côté, moi, je peux vous dire, je pense que M. le ministre a parlé de la situation de santé de mon mari. J'ai eu, dernièrement, à répondre à un médecin qui m'a dit - c'est pour démontrer où en sont justement ces discussions-là au niveau de la médecine: Au cas où votre mari ferait une autre thrombose - ce qui peut arriver, parce que c'est un caillot, il peut en monter un autre - est-ce que vous seriez d'accord à ce qu'on le tienne en vie artificiellement? J'ai dû déjà, c'est dans le dossier, dire: Non, d'aucune façon, et pour moi-même non plus. Alors, déjà, je crois que les médecins, en tout cas les plus jeunes - moi, ce n'est pas un vieux médecin, c'est un médecin qui est au début de la quarantaine...

Une voix:... un jeune.

Mme Bleau: Oui, j'appelle ça jeune, quand on regarde Madeleine, c'est jeune. Alors, si les médecins posent une telle question, c'est parce que c'est déjà un peu rentre dans nos moeurs d'avoir à choisir si on veut, oui ou non, être tenu artificiellement en vie. Alors, je pense qu'à mesure que l'évolution va se faire ça va être de moins en moins problématique. On va choisir ce qu'on veut.

Le Président (M. Lafrance): Merci. M. Holden: M. le Président...

Le Président (M. Lafrance): M. le député de Westmount.

M. Holden:... est-ce que le ministre pourrait nous dire... Il a dit que certains groupes et certaines associations ou organisations s'opposent. Sans les nommer, est-ce que c'est plutôt dans le domaine de la religion ou du côté médical? Quels genres de groupes s'opposent?

M. Rémillard: Ce n'est pas nécessairement au point de vue religieux. Je me souviens des intervenants dans le domaine social, dans le domaine médical aussi où on remet encore en cause le consentement et la validité du consentement qui est donné. Maintenant, il faut bien comprendre aussi que, lorsque vous avez le mandat pour inaptitude, ça équivaut quasiment à un testament biologique, si ce n'est qu'on ne l'encadre pas et qu'on n'en fait pas une norme juridique. Dans la mesure où vous donnez un mandat à quelqu'un de prendre une décision à votre place, dans un cas d'inaptitude, et que vous détaillez ce mandat, par conséquent, vous pouvez aller dans une certaine direction qu'il est à vous de déterminer. Ce n'est pas un testament biologique, mais il faut dire que, sous bien des égards et sous bien des aspects et je devrais dire à certaines fins, ça se ressemble.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: M. le ministre, est-ce que ça couvre le cas où la personne souffre d'une façon très dramatique et qu'elle ne veut pas ou ses proches parents, son épouse ne veulent pas qu'elle continue de vivre? Est-ce que ça va jusque-là ou si c'est seulement le cas où II n'y a aucune espérance médicale qu'elle revienne de sa maladie?

M. Rémillard: Ça dépend toujours, tout d'abord, de l'aptitude de la personne à consentir aux soins. La première règle qu'il faut retenir, c'est la règle que la personne doit consentir aux soins, dans un premier temps. Si la personne est Inapte, à ce moment-là, dans une situation normale, II y a... Ou bien elle a fait un mandat, c'est pour ça que nous encourageons énormément les gens à faire des mandats, nous savons maintenant que, lorsqu'on a refait la Loi sur la curatelle publique, on a permis ces mandats entre personnes aptes pour dire: Quand je serai inapte, vous prendrez les décisions en fonction de ma personne. Alors là, la personne, dans un cas comme celui-là, M. le député de Chapleau, la personne qui aurait le mandat de voir à vos intérêts quant à votre personne, l'Intégrité de votre personne, la dignité de votre personne, pourra décider: Écoutez, débranchez; il n'y a plus à faire, donc ça va. (21 heures)

Dans un cas d'urgence, c'est ce qu'on voyait ici, la personne, soit que le médecin prend la décision sur place parce qu'il est là, soit qu'il peut consulter quelqu'un qui a la responsabilité juridique de cette personne, soit parce que c'est un mineur, soit parce que c'est une personne inapte qui a un mandataire... Mais c'est dans ces cas-là, donc, que va jouer cette relation. Sinon, on va se référer au corps médical et à la personne qui est directement responsable de vos soins.

M. Kehoe: Dans le cas où la personne souffre d'un cancer incurable, et souffre d'une façon très, très dramatique, et lui est encore habile, il est encore capable de prendre une décision par lui-même, à ce moment-là, dans cet article-là est-ce que c'est couvert s'il peut prendre les moyens médicaux, je ne dirais pas, peut-être que c'est aller trop loin, de mettre fin à sa vie ou de...

M. Rémillard: Non, là ça serait à ce moment-là un suicide, et ce n'est pas accepté. Cependant, ce que cette personne peut faire, elle peut dire: Écoutez, moi, je suis lucide et je décide que j'en ai assez de vos soins, je ne veux plus avoir de ces soins, parce qu'il y a toujours le consentement aux soins qui est le principe général. Alors, tant que la personne est lucide.

elle dira: Moi, c'est terminé, écoutez, votre traitement je ne veux plus l'avoir. Et le médecin devra respecter cette volonté dans la mesure où elle est exprimée avec tout le consentement. Il faut que la personne soit apte à exprimer le consentement.

M. Kehoe: D'accord.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres membres qui désirent intervenir? Mme la députée.

Mme Harel: Bien, il y a peut-être un aspect de l'argumentation qui est assez faible contre le testament biologique, c'est cet argument qui veut que, le consentement ayant été donné avant la perte de lucidité, finalement, le caractère irrévocable du testament biologique est entaché d'une certaine façon du fait que le consentement ne peut pas être donné au moment même où les gestes sont posés. Mais le mandat, également, a un caractère irrévocable; si la situation de la personne se détériore, le mandat qu'elle a signé acquiert un caractère Irrévocable.

M. Rémillard: Vous savez, ce que vous me dites, oui, c'est vrai dans le sens que le mandat, comme je le mentionnais tout à l'heure, lui, il est irrévocable. Donc, si vous êtes inapte, vous êtes sur un lit, vous êtes dans le coma, et vous avez donné un mandat lorsque vous étiez apte à une personne de prendre une décision, c'est cette personne-là qui peut dire: Eh bien, écoutez, il n'y a plus rien à faire, vous laissez faire le traitement. Dans ce sens-là, votre volonté que vous avez exprimée quand vous étiez apte à confier un mandat, elle est respectée lorsqu'il s'agit même de provoquer un décès, parce qu'on ne procède plus à l'acharnement thérapeuthique.

Cependant, lorsque c'est vous qui avez donné ce consentement, vous avez écrit un testament biologique, ce que les gens disent, c'est vous qui écrivez, et que vous ne pouvez plus, ou une personne qui vous aime n'est plus là pour prendre la décision... Le mandat est basé sur une relation de confiance. C'est quelqu'un en qui vous avez confiance, et puis vous dites: Quand je serai inapte, cette personne-là en qui j'ai confiance, qui m'aime, que j'aime, va prendre la meilleure décision dans mon intérêt. Je ne dis pas que le corps médical ne peut pas le faire, mais je dis que le mandat est donc basé sur cet élément consensuel, basé sur un degré d'affection ou peu importe comment vous l'appelez. Alors que, dans un autre cas, le testament qui serait biologique, lui, vous le faites, mais l'exécution du testament est laissée à quelqu'un qui n'a pas de lien d'affinité avec vous. Alors, c'est un aspect important qui fait que les gens disent: Un instant là, ce n'est pas pareil. Le résultat est semblable en bout de ligne, mais le cheminement que vous suivez n'est pas pareil. Et je crois que ça mérite une réflexion beaucoup plus sérieuse dans le cas du testament biologique.

Mme Harel: On peut quand même faire valoir qu'il y a 500 000, un demi-million de Québécois qui ont déjà signé, je crois, une pétition en faveur de l'introduction dans nos lois du testament biologique. Et le ministre invoque, à raison là, le fait que, contrairement aux professionnels de la santé ou aux médecins, c'est une personne qui nous aime à qui on confie un mandat. Mais justement, très souvent, la personne qui nous aime ne veut pas que l'on meure, et c'est souvent ce qui amène des personnes à préférer le testament biologique pour écarter du déchirement de la décision des personnes qui les aiment.

M. Rémillard: Je ne sais pas si, Mme la députée, vous faites référence à 500 000 signatures sur une pétition, ou 500 000 mandats, parce qu'il y a beaucoup de mandats qui sont donnés actuellement parce que tous les formulaires s'en vont, et ça va très bien, les gens donnent des mandats. Mais vous me parlez d'une pétition et j'avoue que je ne suis pas au courant de cette pétition.

Mme Harel: Bon, ça va me faire peut-être, pas peut-être, ça va me faire plaisir de vous faire parvenir dès demain, ou de transmettre aux autres membres de la commission le projet de testament biologique qui circule présentement au Québec et en faveur duquel sont apposées 500 000 signatures.

M. Rémillard: Est-ce que vous voulez parler du projet de la Commission des services juridiques?

Mme Harel: Non, c'est un projet qui est mis de l'avant par deux chercheurs d'un organisme qui s'appelle Mourir dans la dignité.

M. Rémillard: J'apprécierais que vous puissiez me le faire parvenir.

M. Holden: M. le ministre, est-ce que vos gens...

Le Président (M. Lafrance): M. le député de Westmount.

M. Holden: Excusez-moi, M. le Président. Le Président (M. Lafrance): Oui.

M. Holden: Est-ce que vos gens ont consulté à travers par exemple les États des États-Unis et...

M. Rémillard: C'est l'état du droit actuellement, au point de vue droit comparé, qui est

accepté d'une façon générale. Le testament biologique n'est pas encore rendu dans le consensus social des moeurs.

M. Holden: Ça s'en vient

M. Rémillard: Ça s'en vient. Moi, je vous dis personnellement, mon hésitation vient justement que ce n'est pas la même chose que le mandat. Les gens disent très souvent: Écoutez, on peut donner un mandat, pourquoi on ne pourrait pas faire notre testament biologique? L'élément est différent, et dernièrement je rencontrais des médecins qui pratiquent à la maison Sarrazin, ici tout près sur le chemin Saint-Louis, où c'est des gens en phase terminale, et le Or Bonenfant, qui fait un travail remarquable, extraordinaire là-bas, où c'est des gens en phase terminale, me disait: Écoutez, jusqu'en dernier, les gens, règle générale, tiennent beaucoup à la vie, tiennent à la vie, peu importe si à un moment donné ils ont voulu, peut-être, ils ont eu un moment de découragement, mais, jusqu'à la fin ils se battent pour la vie, et c'est dans l'instinct de l'humain de se battre pour vivre. Il y a des exceptions, des moments qui amènent un suicide ou un découragement et on dit c'est fini, c'est terminé, mais l'humain se bat pour protéger sa vie pendant toute son existence. Et, dans ce contexte-là, la volonté qu'il va exprimer dans un moment où il y aura un soleil, il y a la joie de vivre et il rédige un testament biologique disant: Moi, voici ce que je peux faire... Dans des circonstances plus difficile, il y a une mise en question quelquefois au point de vue de la volonté. Moi, je ne suis pas fermé à ça, le testament biologique, bien au contraire. Pour ma part, j'ai procédé par un mandat comme bien du monde, mais au point de vue consensus social je pense qu'on n'est pas encore rendu là.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Hochelaga-Malson-neuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. On me fait valoir notamment que dans la législation américaine il y a un encadrement du testament biologique, il n'est valide que pour 5 ans. Il doit donc être renouvelé. D'autre part, il y aurait un délai de 15 jours qui doit s'écouler entre le diagnostic fatal et le testament. Il faut bien comprendre qu'introduire un concept comme celui-là, c'est l'encadrer dans un ensemble de dispositions qu'on ne retrouve pas présentement dans notre Code, mais je suis d'avis qu'il s'agit-là d'un concept sur lequel inévitablement on va devoir se pencher.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la députée. Est-ce qu'il y aurait d'autres Interventions sur cet article 13? Est-ce que j'en conclus qu'on peut l'adopter? Alors, adopté J'appelle l'article 14.

M. Rémillard: II y a un amendement de proposé, M. le Président. Le projet est modifié par le remplacement, aux articles 14, 15, 16, 17, 18 et 24, partout où II se trouve, du mot "exigés" par le mot "requis". Deuxièmement, à l'article 16, remplacer, à la première ligne du premier et du deuxième alinéa, le mot "requise" par "nécessaire" et, à l'article 23, remplacer, au deuxième alinéa, le mot "nécessités" par "requis".

M. le Président, il est préférable de maintenir le terme "requis" utilise en droit actuel pour éviter que le changement du terme soit interprété comme reflétant l'intention du législateur d'apporter ainsi un changement à la règle de fond, alors que ce n'est absolument pas ce que nous voulons faire. De par les commentaires que nous avons eus, on a donc été amenés à proposer cet amendement.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Étant donné que Mme la députée dn Hochelaga-Maisonneuve avait demandé qu'on list» chacun des articles de cette section, est-ce quo je pourrais vous demander de lire l'article avec l'amendement contenu dans l'article 14?

M. Rémillard: Oui "Le consentement aux soins requis par l'état de santé du mineur est donné par le titulaire de l'autorité parentale ou par le tuteur. "Le mineur de quatorze ans et plus peut néanmoins consentir seul à ces soins. Si son état requiert qu'il demeure dans un établissement de santé ou de services sociaux pendant plus de douze heures, le titulaire de l'autorité parentale ou le tuteur doit être informé de ce fait. "

Le Président (M. Lafrance): Merci.

M. Holden: M. le Président, je vous signale que le texte anglais, cette fois-ci, est plus correct parce qu'on dit "required" et on fart un amendement en conséquence.

Le Président (M. Lafrance): Merci.

Mme Harel: C'est l'état du droit existant, M. le Président.

M. Rémillard: Oui. Il n'y a aucun changement.

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Lafrance): Adopté tel qu'amendé. J'appelle l'article 15.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. "Lorsque l'Inaptitude d'un majeur à consentir aux soins requis par son état de santé est

constatée, le consentement est donné par le mandataire, le tuteur ou le curateur. Si le majeur n'est pas ainsi représenté, le consentement est donné par le conjoint ou, à défaut de conjoint ou en cas d'empêchement de celui-ci, par un proche parent ou par une personne qui démontre pour le majeur un Intérêt particulier."

Le Président (M. Lafrance): Merci.

Mme Harel: Alors, c'est de droit nouveau, ça, je crois? C'est un ajout au texte de 1987.

M. Rémillard: Oui. C'est un droit nouveau qui vient compléter un peu toujours la même attitude que nous avons face au mineur et à la personne qui peut prendre une décision pour lui.

Mme Harel: C'est en concordance avec les nouvelles dispositions sur le mandat?

M. Rémillard: Exactement. Tout est en concordance directement.

Mme Harel: Je pense que c'est une amélioration, ça.

M. Rémillard: C'était directement avec la curatelle. Une amélioration qui est amenée avec notre loi sur la curatelle publique.

Le Président (M. Lafrance): Alors, l'article 15 est adopté tel qu'amendé. J'appelle l'article 16. (21 h 15)

M. Rémillard: Oui. "L'autorisation du tribunal est requise en cas d'empêchement ou de refus injustifié de celui qui peut consentir à des soins requis - au lieu de "exigés" - par l'état de santé d'un mineur ou d'un majeur inapte à donner son consentement; elle l'est également si le majeur inapte à consentir refuse catégoriquement de recevoir les soins, à moins qu'il ne s'agisse de soins d'hygiène ou d'un cas d'urgence. "Elle est, enfin, nécessaire - au lieu de "requise" - pour soumettre un mineur âgé de quatorze ans et plus à des soins qu'il refuse, à moins qu'il y ait urgence et que sa vie ne soit en danger ou son intégrité menacée, auquel cas le consentement du titulaire de l'autorité parentale ou du tuteur suffit."

Le Président (M. Lafrance): Alors, si je comprends bien, M. le ministre, en début d'article vous gardez le premier "requise".

M. Rémillard: Non.

Le Président (M. Lafrance): Vous le changez pour "nécessaire".

M. Rémillard: C'est changé.

Le Président (M. Lafrance): Je pensais qu'il l'avait lu. D'accord. Merci. C'est parce qu'il y en a deux "nécessaire". D'accord. Est-ce qu'il y a des commentaires sur cet article 16 tel que lu et avec la proposition d'amendement?

Mme Harel: D'abord, au premier alinéa, on a remplacé "les soins usuels" par "les soins d'hygiène". Est-ce que ça signifie une interprétation plus restrictive?

M. Rémillard: Non. Ce n'est pas... C'est peut-être plus limité, oui. C'est à la suite, si ma mémoire est bonne, de représentations au niveau hospitalier, médical. On nous avait fait valoir que des soins usuels, ça pouvait mener quand même à une difficulté à définir le mot "usuel" comme tel et que ça posait une ambiguïté. Dans un cas aussi difficile qui engage souvent des responsabilités, on voulait être sûr, au niveau hospitalier, au niveau corps médical et tous les intervenants du domaine de la santé, qu'on pouvait se référer à un critère qui était plus facilement cernable au point de vue application. Alors, c'est comme ça que, lorsqu'on parle de soins d'hygiène, les soins d'hygiène sont plus facilement déterminables.

Mme Harel: En même temps plus restreints.

M. Rémillard: C'est plus restreint comme possibilité. C'est plus restreint. Peut-être c'est plus restreint. Usuel, oui, usuel aurait été peut-être plus large, beaucoup plus ambigu aussi.

Mme Harel: Avez-vous l'intention, dans les commentaires explicatifs, d'apporter des précisions quant aux définitions, par exemple, des différents soins? Dans le cas, par exemple, des soins d'hygiène?

M. Rémillard: Bon. Soins d'hygiène, voyez-vous, ce n'est pas une notion nouvelle comme telle. On la retrouve dans notre loi sur la curatelle publique, où on retrouve le concept de soins d'hygiène. C'est déjà là. Dans le contexte hospitalier, des soins d'hygiène, c'est une notion qui est aussi assez bien comprise. Il s'agit de soins concernant la propreté, la dignité de l'être humain dans sa personne. De par les consultations qu'on a faites, la notion de soins d'hygiène ne posait pas de difficulté de définition.

Mme Harel: Et, quant au deuxième alinéa, je crois comprendre qu'il y a une modification de rédaction en regard de ce qu'on y retrouvait en 1987. Dorénavant l'autorisation du tribunal sera nécessaire. Donc, on pourra soumettre un mineur âgé de 14 ans et plus à des soins qu'il refuse.

M. Rémillard: Par le tribunal. Par l'autorisation du tribunal...

Mme Harel: Oui.

M. Rémillard: ...lorsque...

Mme Harel: Le recours au tribunal pour imposer des soins que le mineur de 14 ans et plus refuse. Et on ne peut pas le faire, par exemple, si je comprends bien, lorsque la personne est majeure. Donc, entre 14 et 18 ans on pourra recourir au tribunal pour imposer des soins, c'est bien ça?

M. Rémillard: C'est ça.

Mme Harel: C'est nouveau, ça. C'est de droit nouveau.

M. Rémillard: Ou!. Voyez-vous, quand on lit attentivement, donc...

Mme Harel: La notion de soins, là, par exemple...

M. Rémillard: Une transfusion... Mme Harel: ...on pourrait imposer...

M. Rémillard: ...sanguine. C'est l'exemple classique.

Mme Harel: On pourrait le faire, imposer la transfusion sanguine entre 14 et 18 ans mais, à 18 ans, on ne pourrait pas l'imposer?

M. Rémillard: Parce que la personne est majeure, donc elle peut prendre sa pleine volonté, le plein consentement, dis-je.

Mme Harel: On me fait valoir que le mineur, à ce moment-là, peut consentir seul, mais il ne peut pas refuser seul.

M. Rémillard: S'il refuse, il faut bien dire... Excusez-moi, allez-y. Simplement vous dire qu'à moins qu'il y ait urgence et que sa vie ne soit en danger ou son intégrité menacée... C'est dans des conditions...

Mme Harel: C'est ça. C'est à l'inverse, c'est parce que, s'il y a urgence, si la vie du mineur âgé de 14 ans et plus est en danger ou son intégrité menacée, là il n'y a pas besoin de l'autorisation du tribunal. L'autorisation du tribunal est requise lorsque l'on veut imposer des soins à un mineur âgé de 14 ans et plus qui le refuse.

M. Rémillard: Exactement. Lorsque le mineur le refuse et qu'on juge qu'il devrait l'avoir quand même, on doit s'adresser au tribunal pour aller à rencontre de sa volonté. Ça ne veut pas dire que sa vie soit en danger, mais s'il y a urgence et que sa vie soit en danger ou son intégrité menacée, à ce moment-là, on n'a pas besoin d'aller au tribunal évidemment parce que là ça veut dire qu'il a le temps de mourir plusieurs fols avant qu'on ait le consentement. Alors, c'est une mesure d'urgence.

Mme Harel: Par exemple, dans les cas d'anorexie qui surviennent souvent à l'adoles cence, dans la mesure où II y aurait la vie, par exemple, d'une anorexique qui serait en danger, le titulaire de l'autorité parentale ou le tuteur pourrait soumettre ce mineur de 14 ans et plus à des soins...

M. Rémillard: ...si sa vie est en danger... Mme Harel: ...ou s'il y a urgence.

M. Rémillard: ...sinon, il faut passer au tribunal.

Le Président (M. Lafrance): Merci Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y a d'autres Interventions? L'article 16 est adopté, tel qu'amendé. J'appelle maintenant l'article 17.

M. Rémillard: "Le consentement aux soins qui ne sont pas requis par l'état de santé du mineur de quatorze ans et plus est donné, conjointement, par le mineur et par le titulaire de l'autorité parentale ou le tuteur. "Le mineur peut, toutefois, y consentir seul si les soins sont bénins ou n'entraînent aucun risque sérieux pour la santé ni effet grave et permanent."

Le Président (M. Lafrance): Merci.

Mme Harel: Le ministre va convenir que, si...

Le Président (M. Lafrance): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: ...on pouvait assez facilement comprendre à quoi se référaient les soins d'hygiène, il va devoir nous expliquer ce que sont les soins bénins, parce que l'explication ne s'impose pas d'elle-même.

M. Rémillard: Ce n'est pas un terme qui implique des critères objectifs qu'on peut déterminer à coup sûr. Je pense que "bénin" va se comprendre en fonction de chacune des situations. On dit: "Le mineur peut, toutefois, y consentir seul si les soins sont bénins ou n'entraînent aucun risque sérieux pour la santé ni effet grave et permanent." Le "ou" d'une certaine façon vient donner un peu d'éclairage sur le sens de "bénin". C'est bénin, c'est qu'il n'y a aucun

risque sérieux pour la santé. Il n'y a pas d'effet grave et permanent, donc c'est ce qui est bénin. Alors, la périphrase qui suit ce terme "bénin" vient en quelque sorte un petit peu donner les balises et ces balises, c'est: II n'y a pas de risque sérieux, il y a toujours un risque à recevoir un soin, vous pouvez recevoir un médicament qui est inoffensif normalement et qui, tout à coup, provoque une réaction ou je ne sais trop quoi. Mais, normalement, ça n'a pas un risque sérieux pour la santé, ça n'a pas d'effet grave ou bien permanent. Alors, trois critères qui viennent encadrer la définition, je ne dirais pas une définition, mais je dirais la situation parce qu'il s'agit bien d'une situation qu'on doit donner au mot "bénin". Je ne crois pas qu'on puisse donner une définition de "bénin" mais bien plus une situation. Si on se réfère au Petit Robert, je vois ici qu'à "bénin" on parle d'inoffensif, on parle d'anodin, on parle donc sans conséquence grave. C'est un petit peu ce qu'on a dit dans les mots qui suivent.

Évidemment, on connaît tous des gens qui ont eu la nouvelle à un moment donné: Votre tumeur est bénigne, et ils étaient très heureux. On en connaît d'autres, c'est d'autres résultats aussi, et c'est malheureux. Donc, le sens de "bénin" en termes médicaux ou de santé, il se comprend, bien que je ne crois pas qu'il soit possible de le définir, mais beaucoup plus de le situer. C'est ce qu'on a voulu faire avec la périphrase qui suit.

Mme Harel: Dans quelle catégorie doit-on entrer, par exemple, la contraception?

M. Rémillard: Ça, c'est une interprétation qu'il faut voir en fait en fonction, par exemple, du critère... Prenons les trois critères: n'entraîne aucun risque sérieux - premièrement, il faudrait l'interpréter en fonction de la notion de risque sérieux pour la santé - ni effet grave et permanent. Alors, c'est l'effet qui doit être grave et permanent. Vous prenez l'exemple de la contraception, si vous utilisez ces trois critères, et vous l'appliquez, vous pouvez avoir une réponse que vous appliquez.

Mme Harel: Mais quelle réponse apportez-vous?

M. Rémillard: Je pense que c'est tout à fait subjectif et ça peut être en fonction de l'interprétation médicale qui peut être apportée.

Mme Harel: C'est donc dire que, finalement, chaque professionnel de la santé pourra, subjectivement, comme vous nous le dites, interpréter différemment ce deuxième alinéa.

M. Rémillard: II peut l'apprécier. Il va l'apprécier en fonction de son éthique, en fonction de sa responsabilité médicale, en fonction de chaque cas qu'il a devant lui aussi et en fonction toujours de mes trois critères que je viens de vous citer et qui sont dans l'article eux-mêmes. C'est vraiment cas par cas.

Mme Harel: On peut, par exemple, constater que la contraception n'est pas considérée comme exigée par l'état de santé.

M. Rémillard: Maintenant...

Mme Harel: Je m'excuse, M. le ministre.

M. Rémillard: Excusez-moi, oui.

Mme Harel: Je voudrais juste vous demander de suivre cette argumentation. Est-ce que vous convenez également que, par exemple, la contraception n'est pas exigée par l'état de santé d'un mineur, la contraception, ça ne fait pas partie des soins exigés par l'état de santé?

M. Rémillard: Ça dépend de la santé du mineur, de l'évaluation du professionnel de la santé qui va évaluer sa santé, santé autant physique que mentale, psychologique.

Mme Harel: Oui, mais peut-on convenir que la contraception, ça n'est pas pour venir remédier à une maladie, par exemple?

M. Rémillard: Pas nécessairement une maladie, mais ça peut être dans un cas de trouble psychologique sérieux.

Mme Harel: Oui, si vous le voulez. On peut prendre les exceptions des exceptions. Mais est-ce qu'on peut convenir que, pour le commun des mortels dans notre société, la contraception n'est pas un remède?

M. Rémillard: Ce n'est pas un?

Mme Harel: Un remède qui vient soigner une maladie.

M. Rémillard: Pour ma part, je ne crois pas que la contraception soit un remède, non.

Mme Harel: Parce que l'article 17, au premier alinéa, prévoit que le mineur ne peut donner un consentement que pour les soins exigés par son état de santé.

M. Rémillard: Requis.

Mme Harel: Oui, oui. Tout à fait. Pour les soins requis par son état de santé. (21 h 30)

M. Rémillard: C'est ça.

Mme Harel: N'est-ce pas? Alors, la contraception ne peut pas, règle générale, être

considérée comme étant requise par l'état de santé.

M. Rémillard: Ça dépend. C'est cas par cas. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, l'état de santé, c'est la santé mentale, psychologique, donc, c'est la santé physique, la santé mentale, la santé psychologique aussi.

Mme Harel: Quand ça n'est pas considéré comme étant requis par l'état de santé? Comme vous nous dites, ça peut l'être ou ne pas l'être. Alors, prenons l'hypothèse que ce ne le soit pas. Ne l'étant pas, doit-on comprendre, par la proposition que vous nous faites, que le mineur de 14 ans et plus devra obtenir le consentement du titulaire de l'autorité parentale ou du tuteur?

M. Rémillard: C'est le professionnel de la santé qui pourra l'évaluer en fonction de si, selon lui, il s'agit d'une opération qui est bénigne, qui ne pose donc pas de conséquence pour lui, d'effet grave et permanent, qui n'a pas de risque sérieux. C'est en fonction des critères qu'il pourra l'évaluer, cas par cas.

Mme Harel: Vous avez eu, à ce sujet, des représentations nombreuses. Vous nous avez abondamment dit qu'elles avaient été analysées et commentées. Mme la sous-ministre a certainement rencontré la présidente du Conseil du statut de la femme, qui a dû lui faire des représentations sur cette question spécifique. Quelles sont, finalement, les suites que vous entendez donner à ces représentations qui vous ont été faites?

M. Rémillard: Si vous me permettez une petite minute, je vais m'informer, voir exactement... On m'informe que les représentations que nous avons eues étaient à l'effet qu'on protège le droit actuel; selon les légistes, dont Mme Longtin, que je viens de consulter, on confirme le droit actuel. Est-ce que vous aimeriez poser une question à Mme Longtin? Je peux demander à Mme Longtin de répondre à votre question.

Le Président (M. Lafrance): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, vous allez me permettre de vous citer d'abord les commentaires du Conseil du statut de la femme sur cette question qui reste toujours d'actualité, même si l'expression "exigé" a été remplacée par "requis", et également, je pense, de citer ce qu'en dit le Barreau dans son mémoire sur le livre premier.

Alors, le Conseil du statut de la femme fait valoir que l'article 17 du projet de Code civil, qui prévoit la nécessité d'obtenir aussi le consentement d'une personne autorisée par la loi dans le cas où les soins ne sont pas exigés par l'état de santé, sauf si ces soins sont bénins ou n'entraînent aucun risque sérieux pour la santé ni effet grave et permanent, suscite des inquiétudes quant à la capacité d'une mineure âgée de 14 ans et plus de consentir seule à un avorte-ment. L'introduction de cette nouvelle disposition a pour effet de créer un régime différent selon que les soins sont exigés par l'état de santé ou ne le sont pas, sauf s'ils sont bénins ou n'entraînent aucun risque sérieux pour la santé ni effet grave et permanent. Alors qu'actuellement la situation ne pose pas de problème quant à l'Interprétation faite par les professionnels de la santé, ce nouvel encadrement ne risque-t-il pas - demande le Conseil du statut de la femme - de limiter le droit d'une adolescente de consentir seule à un avortement ou même à la contraception? L'interruption de grossesse et la contraception seront-elles considérées dans tous les cas comme des soins requis pour des raisons de santé? Sinon, un tel soin pourra-t-il être considéré comme bénin ou n'entraînant aucun risque sérieux pour la santé ni effet grave et permanent? En 1988, 19,2 % des avortements ont été pratiqués chez des femmes de 14 à 19 ans. Dans ce groupe d'âge, près de la moitié dos grossesses se terminent par un avortement. Plus l'adolescente est jeune, plus souvent elle inter rompt sa grossesse. De plus, l'obligation d'obtenir un consentement du titulaire de l'autorité parentale risquerait d'accroître l'incidence de l'avortement tardif dans cette catégorie. On sait déjà que, bien que constituant actuellement l'exception, les adolescentes subissent ce type d'avortement dans une proportion significative, soit dans une proportion de 30 %. Les raisons qui expliquent ces interventions tardives peuvent être reliées à la difficulté pour les jeunes femmes de se rendre compte de leur état, de le communiquer et d'avoir le support nécessaire et, en définitive, aux hésitations à prendre une décision en regard de la poursuite ou non de l'interruption de grossesse. Il ne faudrait donc pas qu'une nouvelle disposition contribue à accentuer ce phénomène. Alors, le Conseil du statut propose - je conclus là sur ça: Nous proposons donc de clarifier les articles pertinents en conséquence.

M. Rémillard: Le Conseil du statut propose quoi?

Mme Harel: Nous proposons donc de clarifier les articles pertinents en conséquence. Pour avoir rencontré la présidente du Conseil du statut de la femme à l'occasion du dépôt des commentaires du Conseil, je comprends qu'il y a beaucoup d'inquiétudes au Conseil du statut sur l'incertitude dans laquelle les professionnels de la santé, dorénavant, seront mis et cette incertitude peut les amener à ne pas, finalement, prendre les décisions qui étaient prises jusqu'à maintenant. Essentiellement, il faut bien comprendre que l'état actuel du droit existait depuis 1972... Ah bon, voilà! Je cite d'ailleurs le Barreau, à la

page 20; dans son mémoire, le Barreau dit: Enfin, on peut se demander comment les tribunaux interpréteront les soins relatifs à l'avortement et à la contraception par rapport aux articles 14 et 17 et si cette interprétation aura pour effet de modifier le droit actuel. On sait qu'en vertu de l'actuel article 42 de la Loi sur la protection de la santé publique une adolescente de 14 ans ou plus peut consentir seule pour avoir accès à ces soins. La présence du nouvel article 17 changera-t-elle quelque chose à cet égard? Il ne le faudrait pas, car cela signifierait un net recul par rapport à la situation sociojuridique d'aujourd'hui.

Alors, il semble que toutes les garanties ne soient pas actuellement offertes pour rassurer ni le Barreau qui craint, à cet égard, qu'il y ait un recul, ni le Conseil du statut de la femme qui craint qu'une telle nouvelle disposition contribue à accentuer le phénomène d'avortement tardif, compte tenu du fait qu'il pourrait y avoir des délais supplémentaires, si tant est que les professionnels de la santé soient soucieux de ne pas prendre de risque en étant soumis à un jugement, à une appréciation, comme a dit le ministre, subjective qui peut certainement donner lieu à une contestation judiciaire. Cette appréciation subjective, M. le Président, je peux vous dire qu'elle est loin de mettre sous protection les professionnels de la santé comme le faisait le droit existant.

M. Rémillard: M. le Président, je me demande si on ne pourrait pas suspendre notre étude de l'article 17 pour y revenir plus tard après avoir demandé à mes gens de faire le point là-dessus d'une façon encore plus complète, si c'est possible, en fonction des mémoires qui nous ont été présentés et qu'on puisse en discuter. L'intention du législateur, donc, de cette sous-commlssion est de respecter le droit existant, non pas de le changer. Si on voit là des dangers de changer le droit existant, je pense qu'il faut être très prudent. Par conséquent, si vous me permettez, M. le Président, je suggérerais à cette commission qu'on suspende notre étude de l'article 17 pour y revenir un peu plus tard lorsque j'aurai plus d'informations et de réflexions à communiquer à cette sous-commission.

Le Président (M. Lafrance): Alors merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a consentement de suspendre cet article 17?

Mme Harel: Consentement.

Le Président (M. Lafrance): D'accord, merci. Alors, l'article 17 est en suspens. J'appelle l'article 18.

M. Rémillard: Oui. "Lorsque la personne est âgée de moins de quatorze ans ou qu'elle est inapte à consentir, le consentement aux soins qui ne sont pas exigés par son état de santé est donné par le titulaire de l'autorité parentale, le mandataire, le tuteur ou le curateur; l'autorisation du tribunal est en outre requise."

Alors, il s'agit d'un amendement que j'ai annoncé tout à l'heure; donc, il faut changer ici le terme "exigés" par "requis".

Alors, M. le Président, je m'excuse. M. le Président, on vient de m'apporter là un amendement additionnel pour cet article 18. Si vous me permettez, on efface et on repart sur 18. Je vais vous lire l'amendement proposé. L'amendement proposé se lit comme suit: L'article 18 du projet est modifié par le remplacement, à la cinquième ligne du premier alinéa, du mot "requise", par le mot "nécessaire".

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, M. le ministre. Je pense qu'en troisième ligne on avait un premier amendement.

M. Rémillard: Oui.

Le Président (M. Lafrance): De changer "exigés" par "requis".

M. Rémillard: C'est ça. Alors, il y a deux amendements à cet article 18, M. le Président. Il y en a un qui dit qu'on doit changer le mot "exigés" qu'on voit en troisième ligne par le mot "requis".

Le Président (M. Lafrance): "Requis", oui.

M. Rémillard: Et le terme "requise", par le terme "nécessaire", comme dernier mot du premier alinéa. Alors, si vous permettez, M. le Président, je pourrais lire l'article tel qu'amendé.

Le Président (M. Lafrance): Oui, allez-y, M. le ministre.

M. Rémillard: "Lorsque la personne est âgée de moins de quatorze ans ou qu'elle est inapte à consentir, le consentement aux soins qui ne sont pas requis par son état de santé est donné par le titulaire de l'autorité parentale, le mandataire, le tuteur ou le curateur; l'autorisation du tribunal est en outre nécessaire. 'Toutefois, le titulaire de l'autorité parentale, le mandataire, le tuteur ou le curateur peut, sans l'autorisation du tribunal, consentir à des soins bénins ou qui n'entraînent aucun risque sérieux pour la santé ni effet grave et permanent."

Le Président (ML Lafrance): Merci. Oui, M. le député de Westmount.

M. Holden: Est-ce que le ministre pourrait fournir tous les amendements qu'on va passer? Moi, je n'ai pas reçu un amendement depuis le premier, je pense, des amendements. J'aimerais

avoir un bloc d'amendements qu'on va... au fur et à mesure qu'on va les passer.

Le Président (M. Lafrance): Certainement, M. le député. Il y a seulement... C'est ça. On en était au troisième amendement.

Mme Harel: C'est parce qu'on procède, on va trop vite!

Le Président (M. Lafrance): On va sûrement, M. le député, vous fournir tous ces amendements.

M. Holden: J'aimerais les avoir avant qu'on ne considère l'article.

Le Président (M. Lafrance): D'accord, merci. Est-ce qu'il y des commentaires additionnels sur cet article 18, tel que proposé, avec amendements? Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve?

Mme Harel: Alors, M. le Président, au premier alinéa, le ministre peut-il nous expliquer pourquoi il entend requérir à la fois le consentement du titulaire de l'autorité parentale et du tribunal pour des soins qui ne sont pas requis par l'état de santé? Il faut bien comprendre...

M. Rémillard: Excusez-moi, votre question...

Mme Harel: Je reprends, il faut comprendre qu'il s'agit donc soit de personnes âgées de moins de 14 ans, ou inaptes à consentir...

M. Rémillard: C'est ça.

Mme Harel:... et au premier alinéa...

M. Rémillard: Oui.

Mme Harel:... est prévu requérir à la fois le consentement de l'autorité parentale ou du tuteur et celui du tribunal. Pourtant, il s'agit de consentements aux soins qui ne sont pas requis par l'état de santé, c'est des soins qui ne sont pas requis, et on demande à la fois le consentement du titulaire de l'autorité parentale, mandataire, tuteur ou curateur, et du tribunal. C'est des soins qui ne sont pas requis, là, par l'état de santé. (21 h 45)

M. Rémillard: C'est justement parce qu'ils ne sont pas requis qu'on veut donner une protection supplémentaire en disant qu'il faut l'autorisation du tribunal.

Mme Harel: Oui.

M. Rémillard: Ça peut être par exemple une question d'esthétique. Ça peut être différentes considérations qu'on pourrait voir, là... Ah oui!

La stérilisation des personnes Inaptes. Alors, là. ce n'est pas nécessaire pour la bonne santé de la personne, du mineur ou de l'Inapte, donc, on dit: Oui, ça peut quand même se faire, mais il faut l'autorisation de la personne qui a la responsabilité de cette personne, mineur ou inapte, et en plus l'autorisation du tribunal. C'est une protection supplémentaire qu'on veut accorder.

M. Holden: Ça veut dire que je dois avoir l'autorisation du tribunal pour faire arranger les oreilles de mon fils qui a 11 ans?

M. Rémillard: Non, c'est que là... M. Holden: Ah, O. K.

M. Rémillard:... à ce moment-là, vous avez le deuxième alinéa et je suis certain qu'une opération aux oreilles de votre fils, ce serait considéré comme bénin.

M. Holden: Peut-être, mais pas nécessairement, une intervention...

M. Rémillard: Si c'est dangereux, si l'opération risque...

M. Holden: Bien, pas dangereux mais pas bénin.

M. Rémillard: Oui, mais bénin c'est qu'il n'y a pas de risques sérieux pour la santé ni d'effet grave sur la santé.

Mme Caron: Mais les effets sont permanents.

M. Rémillard: Oui, mais sur la santé. Les effets sont permanents si on me coupe un morceau d'oreille, mais ça n'affecte pas votre digestion, votre santé ou quoi que ce sort.

Mme Caron: Non, mais ça peut affecter votre vie.

M. Rémillard: Et d'autre part II y a peut-être aussi l'aspect, si vous me permettez, Mme la députée, il y a l'aspect de la santé mentale. Ne négligeons pas, quand on parie de santé, c'est la santé physique oui, mais c'est aussi la santé mentale et psychologique.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur cet article? Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve?

Mme Harel: M. le Président, j'aimerais savoir quelle réponse les légistes ont apportée à la représentation que faisait le Barreau à l'effet qu'on ne peut affirmer avec certitude qu'un

traitement ne comporte vraiment aucun risque sérieux pour la santé. Et le Barreau demandait, dans son mémoire: N'y a-t-il pas toujours un certain risque? Et le mot "aucun" nous semble un peu trop absolu, eu égard notamment à la responsabilité professionnelle du médecin qui est appelé à établir cette absence de risque. En outre - ajoutait le Barreau - puisque le deuxième alinéa vise... Bon. D'accord. C'était en fait à propos de l'expression "soins qui ne sont pas exigés par son état de santé". C'est bien ça?

M. Rémillard: C'est arrivé. D'abord, je dois dire que les commentaires du Barreau nous sont arrivés ce matin. Donc, les légistes n'en ont pas pris connaissance. De fait, il y a des discussions informelles qui ont eu lieu entre le Barreau et les légistes, mais le mémoire du Barreau est arrivé ce matin. Maintenant, "aucun risque sérieux", c'est qu'on veut insister sur le fait qu'il s'agit bien de soins qui ne sont pas requis pour la santé de l'inapte ou du mineur. Il s'agit donc... Pensons à quoi ça peut correspondre. Et, quand je parle de santé, c'est santé psychologique ou santé mentale ou santé physique. Alors, ça peut correspondre à... Tantôt, je donnais l'exemple de la stérilisation, et c'est un cas qui peut se présenter. Ça peut être aussi une question d'esthétique qui, quand même, peut être sérieuse pour le jeune en fonction de différentes pratiques religieuses, par exemple, etc., ce qui se passe aussi comme situations. Alors, c'est là qu'entrent en ligne de compte les mots "consentir à des soins bénins". Et là, toujours, il y a la périphrase qui vient donner les balises pour préciser le concept de "bénin" dans ce contexte-là qui dit "n'entraînent aucun risque sérieux pour la santé". Alors, "aucun risque sérieux"... Bien sûr que, dès que vous pensez à une intervention médicale quelconque, vous avez un certain degré de risque, mais pas nécessairement un risque certain.

Mme Harel: Est-ce qu'il faut comprendre, alors, M. le ministre, que la stérilisation, maintenant, c'est l'affaire du tribunal?

M. Rémillard: Lorsqu'il s'agit de décider de stériliser, selon l'article 18, une personne inapte ou de moins de 14 ans, la personne qui a la responsabilité, donc, de cette personne de moins de 14 ans ou inapte doit avoir le consentement du tribunal, selon l'article 18, tel que je le lis.

M. Holden: Est-ce que c'est la judiciairi... Comment on appelle ça?

M. Rémillard: Ça, c'est la judiciarisation. Oui, vous avez raison.

M. Holden: Et, sur le côté esthétique, je pense que c'est une exagération mais, si c'est pour couvrir l'autre, c'est bien.

M. Rémillard: Si c'est bénin, il n'y a pas de problème. Si c'est bénin, donc ça n'entraîne aucun risque sérieux pour la santé ni effet grave et permanent, il n'y a pas besoin d'avoir l'autorisation du tribunal.

M. Holden: Mais corriger le nez de quelqu'un, ce n'est pas bénin. Je veux dire le nez qui est mal fait ou quelque chose, là. Pourquoi aller au tribunal pour des affaires qu'un parent doit faire pour son enfant? Je ne comprends pas.

Mme Bleau: Ce n'est pas de la stérilisation. Ça, je trouve ça grave. Arranger le nez! Ma petite-fille s'est fait arranger les oreilles.

M. Holden: Oui, mais je ne parie pas de stérilisation. Je suis d'accord que ça doit être autorisé par le tribunal mais pour le reste, pour un enfant de 12 ans... Moi, je veux décider sur les soins de santé de mon enfant. Je ne veux pas que le tribunal s'en occupe, M. le ministre.

M. Rémillard: Bon. Alors, écoutez, si on prend cette décision-là, tout d'abord, de changer, par exemple, le nez d'un enfant qui a besoin d'une intervention, donc, 14 ans et moins ou une personne qui est inapte, mais prenons le cas d'un enfant de 14 ans et moins, la question qui doit alors se poser c'est: Est-ce que c'est bénin? Et comment on va répondre à cette question-là, c'est en se posant la question suivante: Est-ce que ça entraîne un risque sérieux pour la santé? Et ça, la santé, j'insiste encore sur l'aspect, c'est la santé physique autant que c'est la santé psychologique ou mentale. Est-ce que, aussi, ça peut avoir des effets graves et permanents, toujours sur la santé? C'est évident que c'est permanent quand on change le nez. On peut... Permanent, on peut le changer une deuxième fois, remarquez. Et là c'est le professionnel de la santé qui l'évalue. Nous, l'objectif qui nous a guidés là-dedans c'était vraiment d'essayer de trouver les balises qui nous permettraient qu'il n'y ait pas de dommage causé à la santé ou à la vie d'un mineur ou d'un inapte dans le cas où son état de santé ne l'exige pas. On a vu tantôt des cas où le mineur ou la personne inapte a besoin de soins de santé, et la il faut agir. Ça va. Ici, la santé n'est pas en cause et on dit: L'autorisation du tribunal. Ou si c'est bénin, à ce moment, s'il n'y a pas de risque sérieux, l'autorité parentale va suffire.

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, M. le ministre. Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Une question qu'on se pose là. Et je pense que c'est important parce qu'il y en a peut-être d'autres qui se la posent. Des parents d'enfants, d'une fille, supposons, handicapée mentale assez sérieusement, qui veulent justement... qui ont peur que la fille puisse se

retrouver enceinte et, pour empêcher ça, veulent la faire stériliser. À ce moment-là, c'est grave et pour la santé mentale et pour, bien, les suites, et ça va être définitif, bon. Tout ça rentre dans ça. Mais le parent, lui, il se croit le droit de le faire pour protéger son enfant, en somme. Est-ce que, à ce moment-là, il va avoir besoin d'un ordre de la cour pour le demander?

M. Rémillard: Dans la mesure où cette stérilisation n'est pas nécessaire pour la santé de cette personne, pour y procéder il faudrait avoir la permission de la cour.

Mme Bleau: O.K.

M. Rémillard: Parce qu'il faut penser, on peut penser, oui bien sûr... Simplement vos mots, Mme la députée, situent très bien le débat. Vous dites: qui serait déficiente mentale, un petit peu, beaucoup, moyennement... Voyez-vous, c'est un petit peu ça qu'on veut essayer de contrer, c'est-à-dire les abus qui en arriveraient à créer des lésions ou créer des résultats, des conséquences permanentes chez des personnes qui sont inaptes ou qui sont mineures et qui ne peuvent pas exprimer leur consentement. Alors, c'est comme ça qu'on dit: Le tribunal est là et il peut servir pour protéger le mineur ou la personne inapte.

Mme Bleau: Je comprends très bien.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Avez-vous l'intention, M. le ministre, de publier dans les commentaires explicatifs une définition de "soins bénins"? Imaginez, l'interprétation qui pourrait en résulter dans la mesure justement où il pourrait y avoir mésentente entre les titulaires de l'autorité parentale. Imaginons des parents qui ne s'entendent pas et...

M. Rémillard: Croyez-vous que c'est possible de définir "bénin"? Nous, on s'est interrogé au point de vue des légistes. On a consulté et on considère qu'on peut, comme la réponse que je vous disais tout à l'heure lorsqu'on étudiait les articles précédents, l'article 17 et les autres... Le mot "bénin" se situe, mais il ne se définit pas, dépendant du concept. Qu'est-ce que je veux dire par là? C'est que sa situation doit être essentiellement dynamique en fonction, donc, des cas par cas qui peuvent se produire, mais en fonction de balises qu'on doit établir et ces balises, c'est dans la périphrase qui suit, lorsqu'on dit: "n'entraînent aucun risque sérieux"; donc, ce qui est bénin, c'est ce qui n'entraîne aucun risque sérieux pour la santé. Ce qui est bénin, c'est ce qui n'entraîne aucun effet grave et permanent. Alors, pour nous, on a ces deux balises et, moi, je vous demande. Est-ce que vous voyez une autre façon dont on peut procéder pour donner une situation plus précise à la signification du mot "bénin"? Je pense que ce serait difficile, mais, si vous en voyez une, on peut la regarder.

Mme Harel: Je pense que c'est dlsjoncttf. "Bénin", c'est une catégorie; "n'entraînent aucun risque sérieux pour la santé", c'est une deuxième catégorie; "ni effet grave et permanent", c'est une troisième catégorie. Dans la théorie des sous-ensembles, j'ai l'impression que le ministre ne passerait pas son examen parce que "bénin" n'égale pas "n'entraînent aucun risque sérieux pour la santé ni effet grave et permanent".

M. Rémillard: Pour nous, le soin bénin... Le "ou" peut être conjonctif, oui, mais II est dans l'interprétation du mot "bénin", c'est-à-dire que ça n'entraîne "aucun risque sérieux pour la santé ni d'effet grave et permanent". C'est essentiellement la même chose. Que vous le voyiez comme conjonctif ou que vous le voyiez dans le sens d'une "alternation" sensible du concept, vous en arrivez à la même conclusion.

Mme Harel: Alors, à ce moment-là, M. le ministre, il faudrait enlever le "ou". Vous avez l'effet que vous recherchez si vous enlevez le "ou" et que vous le formulez de façon à ce que le consentement à des soins bénins...

M. Rémillard: Moi, pour ma part, je vivrais très bien sans le "ou", mais, si vous me permettez, je vais consulter nos légistes pour ne pas faire d'erreur.

Mme Harel: Oui. Je pense qu'on a une encore meilleure solution à vous proposer.

M. Rémillard: Allez-y, parce que là on discute fort aussi sur les possibilités.

Mme Harel: D'accord, en fait, si tant est que "bénin" signifie "n'entraînent aucun risque sérieux pour la santé ni effet grave et permanent", alors pourquoi tout simplement ne pas le dire clairement en écartant le mot "bénin"?

M. Rémillard: Qu'est-ce que vous voulez dire?

Mme Harel: Le mineur peut, toutefois, y consentir seul, c'est-à-dire... Excusez-moi, le deuxième alinéa. Si les soins sont bénins... Ah! Excusez-moi.

M. Rémillard: Si les soins n'entraînent aucun...

Mme Harel: ...risque sérieux pour la santé

ni effet grave et permanent. Alors, à ce moment-là, ça dit exactement... On enlève là un problème.

M. Rémillard: Est-ce que je vous comprends en disant qu'on dirait: consentir à des soins qui n'entraînent aucun risque sérieux pour la santé ni effet grave et permanent?

Mme Harel: C'est ça.

M. Rémillard: Moi, je serais d'accord avec ça. Écoutez, je pense qu'on pourrait faire ça, oui. L'idée est très bonne. Vous me permettrez de le prendre, quand même, sous réserve.

Mme Harel: Oui.

M. Rémillard: Les légistes vont l'étudier, le vérifier. Mais moi, ça m'irait. De par les premières vérifications que je viens de faire avec les légistes, ça traduit très bien l'idée et c'est conforme au droit. Donc, M. le Président, si je comprends bien, à l'article 17, on pourrait aussi se référer à quelque chose de semblable et, à l'article 18, on enlèverait le mot "bénin" et on laisserait plutôt les périphrases qui suivaient le mot "bénin". Est-ce que c'est ça, l'intention qui nous guide? Oui? Alors, M. le Président, je propose un tel amendement...

Le Président (M. Lafrance): D'accord.

M. Rémillard: ...à l'article 17 et à l'article 18.

Le Président (M. Lafrance): Alors, l'article 18 serait laissé en suspens jusqu'à notre prochaine séance de travail. Est-ce qu'il y a consentement?

Mme Harel: Oui. Donc, suspension. Il y a consentement sur la suspension.

M. Rémillard: Est-ce qu'on peut les faire avant de suspendre? Est-ce qu'on peut faire ces amendements-là avant de suspendre?

Mme Harel: Oui, si vous le voulez. Je trouve ça toujours plus sage d'attendre au lendemain, quand on rédige comme ça des amendements sur la table.

M. Rémillard: Très bien.

Le Président (M. Lafrance): D'autant plus que je m'aperçois que l'heure avance.

M. Rémillard: Alors, on va donc ajourner, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Alors, je vous remercie de votre coopération et collaboration.

Nous ajournons donc à demain, 28 août, à 20 heures, ici, dans ce même local. Merci.

(Fin de la séance à 22 h 3)

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