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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 9 octobre 1991 - Vol. 31 N° 13

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi n° 125, Code civil du Québec


Journal des débats

 

(Neuf heures cinquante-quatre minutes)

Le Président (M. Lafrance): J'aimerais dire bonjour à tous et à toutes. Je constate que nous avons le quorum. J'aimerais déclarer cette séance de travail ouverte, en vous rappelant que nous avons convenu de nous réunir aujourd'hui jusqu'à 12 h 30 pour suspendre sur l'heure du lunch, pour reprendre ensuite à 14 heures et travailler jusqu'à 18 h 30 ce soir.

J'aimerais vous rappeler le mandat de notre commission qui est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 125, Code civil du Québec. Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: Simplement, je voudrais avertir la commission. Vous savez que c'est le Conseil des ministres le mercredi; donc, à 11 heures, je devrai m'absenter ce matin. On pourra évaluer à ce moment-là si la commission aime mieux ajourner ou ce qu'on peut faire.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements à annoncer?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a un remplacement. Mme Bleau (Groulx) est remplacée par M. Fradet (Vimont).

Document déposé

Le Président (M. Lafrance): Merci. J'aimerais déposer un document, soit le document numéroté 35D, qui est une lettre d'appui de la Fédération des sociétés d'histoire du Québec au mémoire que la Fédération québécoise des sociétés de généalogie a présenté à la sous-commission.

J'aimerais vous préciser que nous en sommes à notre onzième séance de travail et que nous avons eu le plaisir de travailler ensemble pour 48 heures et 21 minutes à date. Est-ce qu'il y aurait des observations ou des déclarations d'ouverture? Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, d'abord vous dire que c'est avec plaisir que je reprends. J'imagine que c'est la même chose pour tous les membres de cette commission parlementaire de même que pour les légistes et les juristes qui nous accompagnent dans cet examen attentif que nous faisons du projet de loi 125. C'est donc avec plaisir que je reprends le travail ce matin.

Projet d'enchâssement du droit de propriété dans la Charte canadienne des droits et libertés

Compte tenu de l'importance de la question, je crois, M. le Président, qu'il ne serait pas possible de ne pas aborder en entrée de jeu avec le ministre la question de l'impact, des conséquences que l'enchâssement du droit de propriété dans la Charte canadienne des droits pourrait avoir sur les travaux que l'on fait, en fait, sur le Code civil du Québec.

Je crois comprendre que cette question n'a pas encore fait l'objet d'une réaction de la part du ministre. Comme il agit ici comme responsable de l'examen du projet de loi 125 et, donc, de la réforme du Code civil, j'aimerais savoir s'il lui apparaît que la proposition fédérale est de nature inoffensive ou si elle peut avoir des conséquences qui soient celles, d'une certaine façon, d'introduire un contrôle de la Cour suprême sur un domaine qui, jusqu'à maintenant, était considéré comme exclusivement de compétence provinciale.

M. le Président, j'aimerais avoir les commentaires du ministre sur cette question puisque, jusqu'à maintenant, la Cour suprême avait conclu que l'absence de droit de propriété dans la Charte canadienne signifiait que la Charte canadienne ne protégeait pas de façon générale les droits économiques et, donc, que le contrôle des lois par la Cour suprême ne s'étendait pas, pour l'instant, en fait, aux lois qui n'atteignaient les personnes que par le biais même des mesures économiques. C'est ainsi, par exemple, qu'une loi fiscale, qu'une loi du travail ou une loi sur les valeurs mobilières, en principe, ne pouvait être jugée inconstitutionnelle en vertu de la Charte canadienne.

Est-ce que le ministre ne craint pas qu'il en soit autrement si le droit de propriété était introduit dans la Charte, puisque le droit au dernier mot reviendrait à la Cour suprême? Elle pourrait décider, par exemple, qu'une loi sur l'environnement ou sur le zonage agricole et, pourquoi pas, sur le patrimoine familial est injuste et, par conséquent, inconstitutionnelle.

M. le Président, j'aimerais évidemment connaître le point de vue du ministre sur le contrôle judiciaire que peut introduire, par le biais de l'enchâssement du droit de propriété, une disposition comme celle qui est faite par le gouvernement fédéral.

Le Président (M. Lafrance): Merci. M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, je crois que la question qui est posée par Mme la députée de

Hochelaga-Maisonneuve est une question intéressante pour débuter nos travaux après ces deux semaines de relâche où nous avons étudié plus en détail certaines questions techniques entre les experts, les légistes, l'Opposition et le gouvernement, et aussi par des consultations à l'extérieur: le Barreau et la Chambre des notaires en particulier. Nous sommes prêts maintenant à débuter une nouvelle partie de nos travaux.

M. le Président, cette question concernant le droit de propriété n'est pas nouvelle. Il y a plusieurs années qu'on parle du droit de propriété et de la possibilité d'enchâsser dans une charte des droits et libertés le droit de propriété. Dans la Charte québécoise, ce droit existe implicitement. C'est un droit qui, comme la très grande majorité des droits, peut-être à l'exception d'un seul, est un droit qui est bien relatif par la définition même d'une société où des hommes et des femmes vivent ensemble, donc partagent des biens communs, partagent des objectifs communs de société et, par conséquent, les droits des uns se terminent où les droits des autres débutent. Le droit de propriété doit donc se situer dans ce contexte de société et non pas d'une façon absolue. Le seul droit, à mon avis, qui peut être perçu comme dans un sens absolu est celui de la dignité humaine, le droit à la dignité humaine. Mais, à partir de là, dans la mesure où on accepte de vivre dans une société, on accepte par le fait même des règles qui gouvernent notre vie en société.

Donc, le droit de propriété en lui-même est un droit qui est relatif dans un domaine de société, bien qu'un droit fondamental sur lequel repose notre démocratie et notre système de liberté et de démocratie. Nous avons tous le droit d'être des propriétaires. C'est un droit qui nous est accordé de par notre régime politique, et de par les valeurs en lesquelles nous croyons. Enchâsser un tel droit dans la Constitution veut dire que, par conséquent, les tribunaux ont à se prononcer sur l'étendue d'un tel droit. L'étendue d'un tel droit peut soulever beaucoup de discussions. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve mentionnait quelques problèmes que cela pourra poser. On pense, bien sûr, à l'environnement; on pense à toutes ces lois en fonction de l'intérêt général qui sont imposées parce que nous acceptons de vivre en société et que nous avons des devoirs comme membres d'une telle société. Il est donc évident que l'enchâssement dans la Charte, donc, par conséquent, dans la Constitution, du droit de propriété, emmène des conséquences juridiques qui peuvent être sérieuses. Nous sommes, au ministère de la Justice, à regarder toutes les implications de ce droit de propriété dans la Constitution.

Pour notre part, à la suite de ces études que nous ferons, nous aurons à prendre une décision mais, ce que je peux vous dire, c'est qu'il n'est pas pour nous de première importance de reconnaître ce droit dans la Constitution canadienne, étant donné les impacts que ça pourrait avoir. Et, d'autre part, nous ne croyons pas non plus souhaitable, dans le contexte d'une démocratie et d'obligations sociales que nous devons avoir comme communauté, comme société, d'impliquer un droit qui pourrait susciter tellement de débats devant les tribunaux et nous amener finalement à tellement de discussions qui pourraient retarder considérablement certains aspects du droit social qui doit se développer dans une société comme la nôtre.

Si un tel droit était inclus dans la Constitution canadienne, dans la Charte, on doit savoir que le Québec, en vertu de la formule d'amendement telle qu'elle existe présentement, pourrait décider de se retirer d'un tel amendement. C'est-à-dire que, s'il y a sept provinces qui totalisent 50 % de la population de l'ensemble des provinces canadiennes, plus le Parlement canadien, qui sont d'accord pour inclure le droit de propriété dans la Constitution, ce droit de propriété pourrait être inclus dans la Constitution. Cependant, le Québec pourrait dire: Non, nous, on n'inclut pas ce droit de propriété. Et ça, ça existe présentement dans la formule d'amendement.

Ce qui me permet de faire une parenthèse, M. le Président. C'est que quand on entend les grands discours de certaines personnes pour nous dire "ce qui est important, c'est de protéger l'intégrité de la Charte, une même Charte doit s'appliquer partout au Canada", souvent, ce sont ces gens qui ont fait la Charte de 1982, qui ont fait la formule d'amendement de 1982, qui, essentiellement, permet qu'il y ait une Charte des droits et des libertés au niveau canadien qui ne serait pas la même pour différentes provinces.

Aujourd'hui, on parle du droit de propriété. Si éventuellement on parlait de droits sociaux, économiques, et que certaines provinces voulaient s'en dissocier, on pourrait se retrouver, avec la formule d'amendement que nous avons actuellement, avec les possibilités que les provinces ont, avec une charte des droits qui varierait: dans une province vous avez un droit de propriété garanti, dans d'autres vous ne l'avez pas; vous avez un droit au travail dans une province, vous ne l'avez pas dans l'autre, etc.

Alors, qu'on ne vienne pas nous dire, M. le Président, qu'il faut protéger l'intégrité de la Charte canadienne. La Charte canadienne est là pour refléter les objectifs, les orientations fondamentales en matière de droits et de libertés, mais les auteurs, manifestement, ont voulu laisser une souplesse qui existe de par la formule d'amendement. Donc, mon premier commentaire, c'est de dire: le Québec a toute la latitude nécessaire pour dire non à un tel amendement, ce qui veut dire qu'il opterait pour un retrait.

D'autre part, il faut se souvenir aussi qu'il existe toujours la clause "nonobstant" et que, sur ce sujet-là, qui impliquerait la capacité législative d'une province, il est toujours possible

d'utiliser cette clause "nonobstant". C'est une clause que je n'aime pas personnellement, M. le Président, mais il reste quand même que c'est une sécurité qui est là et qu'elle pourrait être utilisée, et parfois elle peut être utilisée dans un bien public. Je dis "parfois" et c'est évident qu'on peut penser à bien des situations où ça peut être utilisé pour le bien public.

C'est dans ce contexte-là, M. le Président, que nous continuons toujours à étudier tous les impacts que pourrait avoir ce droit de propriété enchâssé dans la Constitution canadienne par la Charte canadienne des droits et libertés. La position du Québec n'est pas encore arrêtée définitivement, mais il n'est pas question, sous aucune considération, qu'on laisse enchâsser un droit qui pourrait mettre en péril des notions de droit civil qui sont très importantes pour nous ou qui, aussi, pourraient signifier, en fonction de grandes lois sociales, des débats qui, finalement, ont déjà eu lieu ou qui n'ont pas vraiment raison d'avoir lieu en fonction des réalités qui existent au Québec.

M. le Président, en terminant, je voudrais dire que nous avons, sur le plan constitutionnel, tous les moyens nécessaires pour décider à un moment donné: Non, ce droit ne devrait pas être enchâssé. Et prendre les dispositions qui s'imposent. Si les autres provinces le veulent, qu'elles le mettent, et c'est ce qu'on appelle un fédéralisme asymétrique. Ça existe en ce qui regarde la Charte comme ça peut exister en fonction de toutes les autres dispositions sujettes à l'application de la formule d'amendement du 7-50 avec le droit de retrait.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, en reprenant la rationalité même développée par le ministre d'un fédéralisme asymétrique, plutôt que d'être le mouton noir qui prête flanc à la grandeur de l'Amérique du Nord à des critiques de société, qui enfreint des droits fondamentaux en utilisant la clause "nonobstant" ou en utilisant l'option de retrait, en fait les deux hypothèses évoquées par le ministre - qui sont les deux seules hypothèses évoquées par le ministre - est-ce que, dans sa rationalité même d'un fédéralisme asymétrique, il ne serait pas plus efficace d'exiger que la Charte ne s'applique pas au Québec dans les domaines de compétence provinciale?

M. Rémillard: M. le Président, en ce qui regarde donc le mouton noir, comme dit la députée de Hochelaga-Maisonneuve, en utilisant la clause "nonobstant", dans ce cas-ci, ce serait un mouton beige un peu. Ce que je veux dire, c'est que ce droit de propriété, je disais tout à l'heure que ce n'est pas nouveau de parler du droit de propriété et de l'enchâsser dans la

Constitution. Et on sait que les Américains, lorsqu'ils ont fait leur Charte eux-mêmes, ils en ont beaucoup discuté et, finalement, ils sont arrivés à la conclusion: Non, on ne la met pas dans notre Charte des droits et libertés. Ça a été discuté dans bien des pays qui ont décidé de ne pas le mettre à cause de cet aspect de sociabilité, c'est-à-dire qui est au fondement même d'une vie de droit et de liberté.

Il faut qu'on puisse permettre à une communauté, il faut qu'on puisse permettre à une société d'avoir des lois, des règlements, des réglementations qui peuvent être en fonction du bien-être de l'ensemble de la collectivité et qui, par le fait même, ont des conséquences directes, touchent des droits de propriété. Donc, ce n'est pas nouveau et on ne serait pas les seuls à dire "non" au droit de propriété dans une charte. Les Américains l'ont fait, bien des pays européens l'ont fait aussi, et je suis convaincu que des provinces canadiennes aussi. Je pense à l'Ontario. Je ne veux pas me prononcer pour le gouvernement de l'Ontario, ça ne me regarde pas, mais je suis convaincu que le gouvernement de M. Rae pourra y penser à quelques reprises avant de donner son accord pour inclure un tel droit.

Mme Harel: Mais, M. le Président, le ministre sait bien que la solution qui peut, par exemple, être envisagée, justement, par le gouvernement de l'Ontario, c'est de réclamer en contrepartie que soient enchâssés des droits économiques et sociaux. Est-ce que c'est là la solution à laquelle s'associerait le ministre? Parce qu'il faut bien comprendre que l'effet de cet enchâssement, c'est la perte du contrôle par l'Assemblée nationale au profit... un transfert, finalement, au profit de la Cour suprême, par son pouvoir de contrôle judiciaire, sur un domaine qui était jusqu'à maintenant de compétence provinciale. Parce que les tribunaux, jusqu'à maintenant, interprétaient en vertu du Code civil, et non pas en vertu des droits et libertés, les dispositions ou les législations adoptées dans ce Parlement.

M. Rémillard: En ce qui regarde tes droits sociaux, les droits économiques, nous voulons tous pouvoir garantir à nos citoyens, à nos citoyennes le maximum de droits sociaux, de droits économiques. Mais il faut bien se rendre compte, dans ce pays, que si nous vivons la période économique difficile que nous vivons présentement, c'est que, pendant les 20 dernières années, on a vécu au-dessus de nos moyens et, en particulier, en ce qui regarde les services publics qu'on a voulus en fonction de normes que, souvent, nous n'avons pas très bien situées dans le contexte qui est le nôtre. Ce que je veux dire, c'est que, si on regarde dans les 20 dernières années l'évolution des services publics au Canada et qu'on regarde l'action du gouverne-

ment fédéral dans ces domaines qui ne seraient pas normalement de sa juridiction mais où il a imposé, par le biais de subventions conditionnelles, des normes aux provinces, dans le domaine de la santé, en particulier, du transport et de différents domaines, on se rend compte que finalement, après 20 ans, on s'est retrouvés avec un déficit, une dette accumulée de près de 400 000 000 000 $, on se retrouve maintenant avec des taxes, la TPS et tout y compris, qui nous obligent maintenant à des restrictions économiques extrêmement importantes. Et la situation économique que nous vivons, ce n'est pas une crise économique, c'est une crise de services publics; il va falloir qu'on regarde les choses en face et qu'on s'aperçoive qu'on ne peut pas continuer comme ça.

Quand vous regardez le budget du Québec et que vous voyez que, dans un dollar, vous avez 0,31 $ qui passent pour la santé, vous avez 0,18 $ qui passent pour la dette, vous avez, bon, 0,22 $ pour la sécurité du revenu et d'autres régimes sociaux, il faut que l'État puisse s'occuper de ceux qui sont les plus démunis, il faut qu'il voie à ce que ces gens puissent s'en sortir et il doit faire en sorte qu'il y ait un juste équilibre dans la société, mais les concepts d'universalité, d'accessibilité, d'égalité, de sécurité, qui sont à la base même des services publics que doit offrir un État, doivent se situer dans un contexte contemporain et s'ajuster aux capacités que nous avons comme société, et ça va demander toute une réflexion de notre part.

Et c'est pour ça que, lorsqu'on parie de réforme constitutionnelle, les gens nous disent souvent: On en a assez de parler de Constitution, il faudrait parler d'économie. Mais parier de Constitution, c'est parier d'économie. Si on parie de Constitution, c'est parce qu'on veut avoir des changements qui vont nous permettre de faire des changements économiques qui vont nous permettre de vivre comme on devrait vivre économiquement. Donc, ce qu'on veut dire, quand on dit au gouvernement fédéral: Vous ne viendrez pas dépenser dans nos champs de juridiction; c'est parce qu'on veut pouvoir, entre autres, en ce qui regarde les services publics, développer nos services publics en fonction de nos priorités, en fonction d'un choix de société qu'on doit faire ici, au Québec. Ça ne veut pas dire qu'on ne partage pas avec le reste du Canada des objectifs de services publics qui sont les mêmes un peu partout, des concepts d'universalité, bien sûr. M. Rae peut avoir en tête une qualité de services publics et on peut avoir la même qualité en tête. Cependant, nos réalités sociales, économiques, politiques font qu'on doit avoir la possibilité de pouvoir gérer, administrer et faire évoluer ces services en fonction de nos priorités. Alors, je ne crois pas que ce soit souhaitable, pour le moment, de mettre dans une constitution enchâssée une véritable charte, bien que nous poursuivons des objectifs semblables.

Mme Harel: Donc, il faut comprendre que le ministre n'est pas favorable à l'enchâssement éventuel des droits économiques et sociaux. Mais faut-il comprendre, des propos que le ministre a tenus, qu'il apparente la situation du Québec à celle des autres provinces en ne tenant pas compte du fait qu'il y a un consensus très large au Canada sur le contrôle judiciaire par la Cour suprême sur l'ensemble des législations? Il y a un consensus très, très large en faveur de la Charte canadienne, et donc de son application sur tout le territoire, universellement. C'est là, presque, l'étendard autour duquel il y a, je dirais, peut-être le plus grand consensus au Canada anglais. Est-ce que le ministre ne convient pas que la situation distincte du Québec l'amène a être seul à pouvoir plaider - le Code civil, il n'y a que le Québec qui peut s'en référer - donc le Québec est le seul à pouvoir plaider, encore une fois, que sa compétence doit rester exclusive en matière civile? (10 h 15)

M. Rémillard: Oui, M. le Président, mais j'insiste sur un point. En ce qui regarde les droits de propriété, comme en ce qui regarde aussi les droits socio-économiques, le Québec ne serait pas la seule province à avoir des difficultés avec ce sujet-là. D'autres provinces...

Mme Harel: Pour d'autres raisons.

M. Rémillard: Peut-être pour d'autres raisons, mais d'autres provinces auraient des difficultés aussi majeures. Je suis convaincu.

Mme Harel: Est-ce que le ministre va rendre publiques les études qu'il nous a dit être en train de réaliser à son ministère?

M. Rémillard: Si ce sont des études qui peuvent être rendues publiques, oui, avec grand plaisir. Si ce sont des études juridiques qui peuvent servir à des plaidoiries du gouvernement, du Procureur général, vous savez que je ne peux pas les rendre publiques. Alors, c'est une évaluation qu'on fera à ce moment-là.

Mme Harel: Quand doit-on attendre la position de son gouvernement sur cette question?

M. Rémillard: Nous sommes à faire des études. Et, comme je vous dis, la position, pour nous, droit de propriété, de toute façon, nous avons les moyens, dans la Constitution, pour prendre la décision que l'on veut prendre. Alors, ça ne cause pas de difficulté. C'est un aspect des propositions fédérales qui ne nous cause aucune difficulté, dans le sens que nous avons les moyens nécessaires pour dire tout simplement: Non, pour nous, droit de propriété, on n'inclut pas. Et on sait que d'autres provinces ne voudront pas l'inclure non plus. Ça ne pose pas de

difficulté.

Mme Harel: Mais quand entendez-vous décider si vous avez l'intention de prendre les moyens appropriés?

M. Rémillard: Quand les études juridiques vont être complétées.

Mme Harel: Alors, on va rester encore dans l'expectative.

M. Rémillard: Ce n'est pas une grande expectative. Ce n'est pas l'épée de Damoclès que vous avez sur votre tête. Comme je vous dis, ça ne pose pas de difficulté, dans le sens qu'on a les moyens pour dire: Bien non. J'attends les opinions juridiques mais, personnellement, je ne favorise pas - je parle personnellement - le droit de propriété dans la Constitution comme telle à cause de tous ses impacts sur l'évolution de la société, mais reste à voir les modalités, reste à voir qu'est-ce qu'on a en tête vraiment et les études juridiques qui devront être complétées. Mais je ne pense pas qu'il y ait péril en la demeure.

Mme Harel: Sur un autre sujet, M. le Président. Le ministre nous avait informé qu'il entendait présenter au Conseil des ministres, dès le début de septembre, un mémoire lui permettant de réaliser l'Institut permanent de réforme du droit. Nous sommes à un mois de ce dépôt au Conseil des ministres, j'aimerais qu'il puisse nous faire le point sur cette question.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Nous travaillons à mettre la dernière main sur le projet de mémoire que j'ai l'intention de discuter. D'ailleurs, j'ai commencé à l'aborder un petit peu au niveau des différents comités ministériels qui sont impliqués, et à le présenter ce projet. Donc, je prévois que dans les prochaines semaines je serai en mesure de présenter ce projet d'institut qui va nous permettre d'avoir un organisme de recherche, et je devrais dire aussi de consultation, et même, à certains égards, qui pourrait être un forum de discussion quant à l'évolution de notre droit.

Quand on réforme tout le Code civil, on a l'impression évidemment que ce que nous prenons comme décision ici, nous essayons de l'asseoir sur des consensus sociaux qui se dégagent de par toutes les consultations que nous pouvons avoir et que nous avons déjà eues sur les différents avant-projets et sur des conversations, des rencontres que nous pouvons avoir, mais il y a des grandes discussions de société qui auront lieu de plus en plus. Si on ne veut pas avoir le même problème que nous avons maintenant, parce que ça fait 35 ans qu'on veut faire la réforme du Code civil, et on sait toutes les difficultés qu'ont eues nos prédécesseurs et que nous avons toujours aussi - ce n'est pas facile ce qu'on fait là - il faut absolument qu'on puisse avoir un institut indépendant du gouvernement, indépendant de toutes les autres instances impliquées dans le milieu juridique et qui va être un lieu de recherche, de réflexion, de consultation pour nous conseiller sur l'évolution de notre Code civil.

Mme Harel: M. le Président, je connais trop bien le ministre maintenant pour ne pas distinguer entre ce qu'il souhaite et ce qu'il obtient! Alors, je lui réitère que nous n'entendons pas finaliser nos travaux avant d'avoir la garantie que cet institut va être créé et permettre d'obtenir justement ces objectifs auxquels on souscrit également. Doit-on comprendre que le dépôt du mémoire qui devait se faire en septembre est retardé encore de quelques semaines?

M. Rémillard: Oui, pour des ajustements administratifs, je dois dire.

Mme Harel: Le ministre nous confirme t-il... M. Rémillard: Mais ça va arriver à temps.

Mme Harel: ...qu'avant Noël on aura cette garantie?

M. Rémillard: Oui, oui, ça va arriver à temps. Ah oui, avant Noël. Ah oui, ça va arriver à temps. Vous me connaissez assez.

Quand je vous dis ça, vous savez que ça va arriver.

Mme Harel: Écoutez, là, ça fait juste la première fois que vous le remettez. En général, ce que vous annoncez est remis en moyenne deux fois et demie.

M. Rémillard: Deux fois et demie? Ah! c'est une bonne moyenne! Trois fois, c'est plus grave. Deux fois et demie...

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la députée. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires d'ouverture?

M. Rémillard: Des fois trois fois? Non, non, non. Pas trois fois! Deux fois et demie.

Le Président (M. Lafrance): Je réalise que nous avons eu une discussion très pertinente, sûrement, mais que nous avons peut-être dévié un peu de notre mandat qui est l'étude détaillé des articles du projet de loi. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires d'ouverture avant qu'on se réfère à nos travaux? Sinon, j'aimerais vous référer au chapitre sixième qui traite de l'exécution de l'obligation. Permettez-moi de lire les commentaires d'ouverture.

Des obligations en général (suite) De l'exécution de l'obligation

Au chapitre de l'exécution de l'obligation, le Code civil du Québec regroupe désormais en un tout cohérent les règles actuellement dispersées au Code civil du Bas Canada relatives à l'exécution, tant volontaire que forcée, de l'obligation.

C'est dans ce chapitre que l'on retrouve, d'une part, les règles concernant le paiement en général, l'imputation des paiements et le mécanisme des offres réelles et de la consignation et, d'autre part, l'ensemble des règles de mise en oeuvre du droit du créancier à l'exécution de l'obligation avec le régime de la mise en demeure et les divers recours offerts aux créanciers, soit pour forcer l'exécution, soit pour pallier l'absence d'exécution, soit encore pour prendre les mesures conservatoires ou autres destinées à protéger son droit à l'exécution.

Concernant le paiement, l'on s'est efforcé de reprendre d'une manière plus claire et plus synthétique l'ensemble des règles actuelles, et les quelques modifications apportées ont été dictées par le développement de la pratique en ce domaine et par les analyses jurisprudentielles. Des dispositions viennent ainsi moderniser les moyens de paiement ou codifier les principaux droits du débiteur qui paie. Les règles relatives à l'imputation des paiements sont simplifiées et celles des offres et de la consignation sont davantage précisées et accordées à la pratique courante de façon à en actualiser le mécanisme.

Quant à la mise en oeuvre du droit du créancier à la bonne exécution de l'obligation, l'on vient codifier d'une manière beaucoup plus précise que ne le fait le Code actuel les règles propres aux divers recours offerts aux créanciers en cas d'inexécution injustifiée de l'obligation par le débiteur. Les dispositions nouvelles se caractérisent de plus par le souci de regrouper, en les unifiant parfois, les règles d'exécution propres à toute obligation, peu importe sa nature contractuelle ou extracontractuelle.

Les principes de l'exception d'inexécution et du droit de rétention qui s'en rapproche sont codifiés, et le système actuel de la mise en demeure et de ses effets, s'il reste en substance le même, est cependant quelque peu modifié de façon à mieux favoriser l'exécution volontaire de l'obligation par le débiteur.

Le recours en dommages-intérêts fait, par ailleurs, l'objet d'innovations fort importantes. Si l'on reprend globalement les principes et le système actuel en matière d'évaluation, légale ou conventionnelle, des dommages-intérêts, on les modifie ou en étend la portée sur plusieurs points, notamment pour permettre une indemnisation plus juste du préjudice corporel futur, pour favoriser le versement d'indemnités échelonnées ou sous forme de rentes en cas de préjudice corporel subi par un mineur ou pour faciliter le calcul des indemnités en pareil cas de préjudice futur. On introduit aussi certains critères d'appréciation dans l'évaluation de dommages-intérêts exemplaires ou punitifs prévus par la loi.

Enfin, les règles actuelles relatives à la protection même du droit du créancier à l'exécution de l'obligation avec les mesures conservatoires, l'action oblique et l'action paulienne ou en inopposabilité sont reprises dans ce chapitre, sans autres modifications que celles dictées par un souci de précision.

Voilà. J'aimerais appeler les articles contenus à la section I qui traite du paiement, et de façon plus spécifique du paiement en général, et j'appelle l'article 1550.

Est-ce qu'on désire continuer article par article ou y aller globalement? Par section?

Mme Harel: Tout dépend des sections, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): D'accord.

Mme Harel: Ça dépend des sections. Cette section du paiement n'est pas une section qui a suscité, ni, par exemple, de la part du comité aviseur, présidé par le juge Beaudoin, ni de la part de Me Crépeau, qui a fait parvenir aux membres de cette commission l'objet de ses réflexions, ni de la part du Barreau... Alors, quand il y a comme ça des sections qui font l'unanimité, y compris de ceux qui dans notre société suivent attentivement nos travaux, je pense qu'on peut faire un examen en bloc de la section.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. À ce moment-là, est-ce qu'on peut regarder en bloc cette section I, soit les articles I550..

M. Rémillard: Oui, à 1565, M. le Président. Le Président (M. Lafrance): A 1565, oui.

M. Rémillard: Inclusivement. Et, à ce moment-là, j'aurais à présenter trois amendements, à 1552, 1561 et 1565. À 1552: L'article 1552 est modifié par le remplacement, au début de la deuxième ligne du premier alinéa, des mots "qu'elle serait étrangère à l'obligation" par les mots "qu'elle serait un tiers par rapport à l'obligation". Cet amendement vise à éviter toute difficulté d'interprétation qui pourrait subsister quant au sens du mot "étrangère" et quant à la distinction entre ce mot et le mot "tiers" utilisé dans l'article. En raison de cet amendement, l'article 1552 se lirait comme suit: 1552: "Le paiement peut être fait par toute personne, lors même qu'elle serait un tiers par rapport à l'obligation; le créancier peut être mis en demeure par l'offre d'un tiers d'exécuter

l'obligation pour le débiteur, mais il faut que cette offre soit faite pour l'avantage du débiteur et non dans le seul but de changer de créancier. "Toutefois, le créancier ne peut être contraint de recevoir le paiement d'un tiers lorsqu'il a intérêt à ce que le paiement soit fait personnellement par le débiteur."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce que vous êtes en mesure de nous...

M. Rémillard: Oui.

Le Président (M. Lafrance): ...préciser l'amendement à 1561?

Mme Harel: Le commentaire parle par lui-même.

M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: Je pense, M. le Président...

Le Président (M. Lafrance): Oui.

Mme Harel: ...qu'on peut faire l'adoption de l'amendement de 1552.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. (10 h 30)

M. Rémillard: 1561, M. le Président, est modifié: 1° par le remplacement, dans la quatrième ligne du deuxième alinéa, du mot "similaire" par les mots "offrant les mêmes garanties au créancier"; 2° par l'ajout, dans la quatrième ligne du deuxième alinéa, après le mot "encore", des mots "si le créancier est en mesure de l'accepter,"; et 3° par le remplacement, dans la dernière ligne, des mots "auprès de", par les mots "dans un".

M. le Président, la première modification précise la notion d'effet de paiement, de manière à bien indiquer qu'il doit s'agir d'un effet qui, pour le créancier, offre les mêmes garanties de paiement que le mandat postal ou le chèque certifié. Deuxièmement, la deuxième modification ne vise qu'à préciser le fait que le créancier doive "matériellement" être en mesure d'accepter les modes de paiement, relativement nouveaux, que constituent la carte de crédit et les virements de fonds. Quant à la troisième modification, elle est d'ordre terminologique. En raison de ces modifications, l'article 1561 se lirait comme suit: "Le débiteur d'une somme d'argent est libéré par la remise au créancier de la somme nominale prévue, en monnaie ayant cours légal lors du paiement. "Il est aussi libéré par la remise de la somme prévue au moyen d'un mandat postal, d'un chèque fait à l'ordre du créancier et certifié par un établissement financier exerçant son activité au Québec ou d'un autre effet de paiement offrant les mêmes garanties au créancier, ou, encore, si le créancier est en mesure de l'accepter, au moyen d'une carte de crédit ou d'un virement de fonds à un compte que détient le créancier dans un établissement financier."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a des commentaires relativement à cet amendement?

Mme Harel: M. le Président, je pense que le commentaire de l'amendement dit assez précisément ce qu'introduit l'amendement. Donc, ça va bonifier évidemment la disposition, puisque c'est de droit nouveau que le créancier puisse accepter les modes de paiement avec carte de crédit. Mais ça vient bien spécifier, et ça spécifie que le créancier doit matériellement être en mesure de le faire.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Est-ce que vous êtes en mesure, M. le ministre, de nous préciser l'amendement à l'article 1565?

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Il s'agit de supprimer les mots ", s'il en existe". M. le Président, il s'agit d'une correction qui est terminologique. En raison de cet amendement, l'article 1565 se lirait comme suit: "Le débiteur qui paie a droit à une quittance et à la remise du titre original de l'obligation."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, est-ce qu'il y a des commentaires sur ces articles 1550 à 1565? Sinon les articles sont adoptés, en incluant 1552, 1561 et 1565 tels qu'amendés.

J'aimerais maintenant appeler les articles contenus dans la sous-section qui traite de l'imputation des paiements, soit les articles 1566 à 1569 inclusivement.

M. Rémillard: Nous n'avons pas d'amendement à cette sous-section, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Est-ce qu'il y a des commentaires relativement à cette sous-section? Aucun commentaire.

Mme Harel: Je constate d'ailleurs, M. le Président, qu'on n'a pas de commentaires ni, encore une fois là, de Me Crépeau, du Centre de recherche en droit privé et comparé du Québec, ni du comité aviseur, et je ne crois pas que le Barreau en ait fait. La Chambre des notaires, je pense, a fait un commentaire. On peut peut-être en faire lecture, M. le Président, sur l'ensemble de cette section.

Le Président (M. Lafrance): Sur l'ensemble de la section au complet?

Mme Harel: Ou demander plutôt peut-être aux légistes du ministère de commenter finalement ce commentaire de la Chambre des notaires. En fait, M. le Président, il s'agit tout simplement, à l'article 1569, au deuxième alinéa de l'article, de changer vraiment les mots "pour lors" par "alors". Alors, vous voyez qu'on peut, en toute sécurité, adopter en bloc l'imputation de paiement.

Le Président (M. Lafrance): Merci. M. le ministre, est-ce que vous désirez apporter un commentaire?

M. Rémillard: Non, je n'ai pas d'autres commentaires à faire, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. Alors, les articles 1566 à 1569 inclusivement sont donc adoptés tels quels. J'appelle les articles contenus à la sous-section qui traite des offres réelles et de la consignation, soit les articles 1570 à 1586 inclusivement, en vous apportant la précision que l'article 1572 est l'article qui est à mi-chemin dans nos travaux.

Mme Harel: Alors, le compte à rebours va commencer.

Le Président (M. Lafrance): C'est ça. Alors, on descend la côte à partir de maintenant. Alors, M. le ministre, est-ce qu'il y a des amendements à proposer en ces articles?

M. Rémillard: Oui. Il y a un amendement, M. le Président, à l'article 1578 qui serait modifié comme ceci: premièrement, par le remplacement, dans la deuxième ligne du second alinéa, de la virgule qui suit le mot "dépérir" par le mot "ou"; deuxièmement, par l'insertion dans la dernière ligne du second alinéa, entre le mot "ou" et les mots "dispendieux à conserver", des mots "qu'il est". M. le Président, ces modifications visent à préciser que la vente du bien pour en consigner le prix, lorsque le bien est susceptible de dépérir, n'est possible qu'en cas de dépérissement rapide du bien. En raison de ces modifications, l'article 1578 se lirait comme suit: "Le débiteur peut, lorsque le créancier est en demeure de recevoir le paiement, prendre toutes les mesures nécessaires ou utiles à la conservation du bien qu'il doit et, notamment, le faire entreposer auprès d'un tiers ou lui en confier la garde. "Il peut aussi, dans le même cas, faire vendre le bien pour en consigner le prix, lorsque celui-ci est susceptible de dépérir ou de se déprécier rapidement ou qu'il est dispendieux à conserver."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a des commentaires relativement à cet amendement? Non? Alors, s'il n'y a pas de commentaires, les articles 1570 à 1586 sont donc adoptés, incluant 1578 tel qu'amendé. J'aimerais maintenant nous référer à la section II qui traite de la mise en oeuvre du droit à l'exécution de l'obligation et appeler l'article 1587 qui traite des dispositions générales. Alors, s'il n'y a aucun commentaire...

Mme Harel: Un instant...

M. Rémillard: Un instant, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Pardon? Alors, là...

M. Rémillard: II n'y a pas de modification à 1587, M. le Président. J'en ai une par contre. Je vous l'annonce, à 1588.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, nous en sommes donc à 1587.

Mme Harel: 1587...

Le Président (M. Lafrance): Me Masse, est-ce que vous avez... Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président, je souhaiterais pouvoir faire écho aux commentaires de Me Crépeau à l'effet qu'il serait nécessaire ici d'introduire une disposition particulière à l'égard de la mise en demeure. À cet effet, Me Crépeau se demande pourquoi insérer à 1587 qu'il est en demeure. Il lui apparaît que la mise en demeure est une exigence si importante qu'elle mérite une disposition particulière à laquelle on ne saurait se soustraire. Peut-on connaître le point de vue des légistes du ministère?

M. Rémillard: Oui. Si vous le permettez, M. le Président, je demanderais à M. le professeur Pineau de faire le commentaire.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Me Pineau.

M. Pineau (Jean): M. le Président, je vous remercie. Il est question, dans l'article 1587, en effet, d'une demeure dont il est également question dans les articles 1591 à 1597. Ce n'est donc pas un seul article qui est réservé à la demeure, mais ce sont sept articles. Donc, l'article 1587 ne fait que nous indiquer le cadre général dans lequel un créancier a le droit d'exiger ce qui lui est dû. Je pense qu'on ne peut pas tout traiter en même temps et qu'il faut indiquer, dans la disposition générale, ce que signifie "exécution d'une obligation" et comment peut-on forcer cette exécution et, ensuite,

traiter des autres éléments qui entrent dans la mise en oeuvre de cette exécution. Le paragraphe 3, De la demeure, 1591 à 1597, nous dit effectivement de quelle manière la mise en demeure peut être faite.

Le Président (M. Lafrance): Merci. M. le député de Westmount, sur le même sujet.

M. Holden: Oui. Par là, il n'y a pas d'obligation implicite pour un créancier de mettre en demeure son débiteur, si on veut aller tout de suite à l'exécution. J'espère que ça n'implique pas une nécessité ou l'obligation d'une mise en demeure.

M. Pineau: M. le Président, la mise en demeure est faite lorsque le débiteur n'exécute pas à l'échéance.

M. Holden: Alors, pourquoi faire mention? Juste pour créer le point de départ?

M. Pineau: Exactement, dans l'hypothèse d'une inexécution, par le débiteur, de son obligation.

M. Holden: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires sur cet article... Oui, madame, ou Me Masse...

M. Masse (Claude): L'article 1587, M. le Président, corrige de façon importante un problème latent du droit actuel, qui est la reconnaissance de l'exécution en nature de l'obligation. Dans toute cette section-là, le codificateur a tenté de régler la controverse actuelle et, de ce côté-là, il y a une amélioration très substantielle. Notez également que, dans tous les cas prévus à 1587, le créancier garde son droit de réclamer des dommages-intérêts. Donc, c'est une disposition clé qui marque une amélioration très notable par rapport au droit actuel et à laquelle nous souscrivons.

Le Président (M. Lafrance): Merci de ces précisions. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 1587 est donc adopté tel quel. J'aimerais appeler les articles contenus à la sous-section qui traite de l'exception d'inexécution et du droit de rétention, soit les articles 1588, 1589 et 1590.

M. Rémillard: M. le Président, j'aurais donc un amendement à l'article 1588, qui serait modifié par le remplacement, dans les quatrième et cinquième lignes, des mots "sa propre obligation" par les mots "son obligation corrélative". M. le Président, cet amendement précise la règle d'une manière qui est plus exacte. Il faut en effet, comme condition d'exercice de l'exception d'inexécution, qu'il y ait inexécution de l'obligation réciproque ou corrélative de l'autre partie. En raison de cet amendement, l'article 1588 se lirait comme suit: "Lorsque les obligations résultant d'un contrat synallagmatique sont exigibles et que l'une des parties n'exécute pas substantiellement la sienne ou n'offre pas de l'exécuter, l'autre partie peut, dans une mesure correspondante, refuser d'exécuter son obligation corrélative, à moins qu'il ne résulte de la loi, de la volonté des parties ou des usages qu'elle soit tenue d'exécuter la première. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a des commentaires sur cet article tel qu'amendé ou sur les articles 1589 et 1590? Oui, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: M. le Président, cet amendement à l'article 1588 répond à une demande de la Chambre des notaires, à laquelle nous souscrivons.

M. Rémillard: M. le Président, c'est un commentaire qui nous a été fait par la Chambre des notaires et qui était fort justifié. Alors, je crois qu'on bonifie l'article, par cet amendement. (10 h 45)

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, l'article 1588 est adopté tel qu'amendé et les articles 1589 et 1590 sont adoptés tels quels. J'aimerais maintenant appeler les sept articles contenus à la sous-section qui traite de la demeure, soit les articles 1591 à 1597 inclusivement. M. le ministre, est-ce qu'il y a des amendements à proposer?

M. Rémillard: Oui, nous avons trois amendements, M. le Président. Un premier à l'article 1594, un autre à l'article 1596 et un autre à l'article 1597.

À l'article 1594, l'article est modifié par le remplacement, au second alinéa, des deux dernières lignes par ce qui suit: "refuse ou néglige de l'exécuter, et ceci de manière répétée. " M. le Président, cet amendement vise à dispenser le créancier d'avoir à adresser des mises en demeure formelles à son débiteur pour pouvoir bénéficier du régime de la demeure de plein droit. Une telle exigence paraissait inutilement lourde, en effet, dans les circonstances visées. En raison donc de cet amendement, l'article 1594 se lirait comme suit: "Le débiteur est en demeure de plein droit, par le seul effet de la loi, lorsque l'obligation ne pouvait être exécutée utilement que dans un certain temps qu'il a laissé s'écouler ou qu'il ne l'a pas exécutée immédiatement alors qu'il y avait urgence. "Il est également en demeure de plein droit lorsqu'il a manqué à une obligation de ne pas faire, ou qu'il a, par sa faute, rendu impossible

l'exécution en nature de l'obligation; il l'est encore lorsqu'il a clairement manifesté au créancier son intention de ne pas exécuter l'obligation ou, s'il s'agit d'une obligation à exécution successive, qu'il refuse ou néglige de l'exécuter, et ceci de manière répétée."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce que vous êtes en mesure de nous préciser l'amendement à 1596?

M. Rémillard: À l'article 1596, M. le Président, il s'agit de la suppression, dans la dernière ligne du premier alinéa, de ce qui suit: ", lorsque la solidarité qui existe entre eux est parfaite". M. le Président, cet amendement n'est que de concordance avec la suppression proposée des articles 1523 et 1524 relatifs à la distinction entre la solidarité parfaite et la solidarité imparfaite. En raison de cette amendement, l'article 1596 se lirait comme suit, M. le Président: "La demande extrajudiciaire par laquelle le créancier met l'un des débiteurs solidaires en demeure vaut à l'égard des autres débiteurs. "Celle qui est faite par l'un des créanciers solidaires vaut, de même, à l'égard des autres créanciers."

Il s'agit, M. le Président, d'une demande du Barreau fort justifiée, je devrais dire, qui améliore considérablement le texte. Le Barreau nous fait parvenir des commentaires qui nous permettent d'améliorer sensiblement le texte; c'est le cas ici.

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, M. le ministre, pour ces précisions. S'il n'y a pas de commentaires, est-ce qu'on peut vous demander de nous préciser l'amendement à l'article 1597?

M. Rémillard: Oui, M. le Président.

Mme Harel: Alors, à l'article 1596, on met fin à un courant jurisprudentiel qui avait commencé à se profiler...

M. Rémillard: Voilà. Donc, en ce qui regarde la parfaite et l'imparfaite solidarité, nous exprimons très clairement l'intention du législateur. Je crois que le Barreau avait parfaitement raison de nous suggérer cette modification.

Mme Harel: Me Masse a donné, lors de l'examen de cette disposition, un tellement bon exemple, je pense que je vais lui demander de vous l'illustrer.

Le Président (M. Lafrance): Me Masse.

M. Masse: La distinction entre la solidarité parfaite et imparfaite a des effets extrêmement importants en matière de l'interruption du délai de prescription. Quand on employait, à l'article 1623 ou 1624, je crois, la distinction entre solidarité parfaite et imparfaite, on pouvait empêcher une victime qui ne savait pas s'il y avait eu entente entre les coauteurs d'un délit, on pouvait l'empêcher d'exercer son droit d'action en temps opportun contre toute et chacune des personnes qui étaient responsables du délit. Le fait d'abolir la distinction met fin non seulement à un courant jurisprudentiel mineur actuellement au Québec, mais également clarifie le fait que la victime, lorsqu'elle poursuit un des codébiteurs solidairement responsable dans les délais de prescription, interrompt la prescription contre tous, ce que ne permettait pas la situation de la solidarité imparfaite.

Le Président (M. Lafrance): Merci. M. le ministre, est-ce que vous désirez apporter d'autres précisions sur cet article?

M. Rémillard: Non, M. le Président. L'exemple que vient de nous donner M. le professeur Masse est, de fait, particulièrement éloquent et justifie d'autant plus l'amendement que nous demandait le Barreau.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'on peut nous apporter l'amendement proposé à l'article 1597?

M. Rémillard: Oui. À l'article 1597, M. le Président, il s'agit de modifier cet article par l'ajout, à la fin du deuxième alinéa, de ce qui suit: ", à moins qu'il ne soit alors libéré". M. le Président, cet amendement complète la règle d'une manière qui assure la concordance avec les dispositions de l'article 1690, lesquelles prévoient, dans certaines circonstances, la libération du débiteur par suite de l'avènement d'un cas de force majeure. En raison de cet amendement, l'article 1597 se lirait comme suit: "Le débiteur, même s'il bénéficie d'un délai de grâce, répond, à compter de la demeure, du préjudice qui résulte du retard à exécuter l'obligation, lorsque celle-ci a pour objet une somme d'argent. "Il répond aussi, à compter de la demeure, de toute perte qui résulte d'une force majeure, à moins qu'il ne soit alors libéré."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Dans ses commentaires qui nous ont été transmis par le ministre, Me Crépeau faisait valoir que l'article 1597 pouvait apparaître ambigu, car il semblait s'appliquer à l'obligation principale du débiteur. Il lui semblait que le préjudice moratoire doit pouvoir s'appliquer à toute obligation de faire - par exemple, livrer un objet - lorsque le créancier exige des dommages-intérêts en raison du retard. Est-ce que ce

commentaire a été examiné par les légistes du ministère?

M. Rémillard: Oui. Évidemment, quand ce sont des commentaires qui nous viennent de personnalités aussi au fait de la réforme du Code civil et du droit civil que Me Crépeau, vous pouvez être assurée qu'on leur donne toute l'attention qu'ils méritent. Nous l'avons regardé très attentivement et je vais demander au professeur Pineau, si vous voulez, de faire le commentaire.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, en vertu de l'article 1597, il est prévu que, même dans l'hypothèse où le débiteur bénéficie d'un délai de grâce, c'est-à-dire après avoir été mis en demeure et qu'il n'y a pas eu exécution malgré la mise en demeure, et que le créancier accorde à ce débiteur qui n'a pas exécuté un nouveau délai de grâce, dans ce cas-là, l'évaluation du préjudice va être faite à compter de la mise en demeure ou de l'écoulement, plus précisément, de la première mise en demeure. Donc, il faudra que le créancier prouve que ce retard lui a fait subir un préjudice, pour obtenir des dommages et intérêts. Alors - je ne sais pas si je dois préciser davantage à cet égard - il y a peut-être une espèce de confusion dans le cadre des qualificatifs dommages et intérêts moratoires et dommages et intérêts compensatoires.

Lorsque l'obligation inexécutées porte sur une somme d'argent, automatiquement, les intérêts commencent à courir dès lors que la mise en demeure a été faite. 'Time is money". Mais, lorsque l'obligation inexécutée porte sur une obligation autre qu'une somme d'argent, "time is not money", en ce sens que le créancier insatisfait doit alors prouver que le retard lui a fait subir un préjudice. Ce qui équivaut, en définitive, à des dommages et intérêts compensatoires, parce qu'il y a retard dans l'exécution, retard qui a fait subir un préjudice au créancier.

Alors, on pourrait dire, schématiquement, que les véritables dommages et intérêts moratoires, ceux qui courent automatiquement, sont exclusivement ceux qui visent l'obligation portant sur une somme d'argent.

Le Président (M. Lafrance): Merci, maître. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, les articles 1591 à 1597 inclusivement sont donc adoptés, incluant les articles 1594, 1596 et 1597 tels qu'amendés.

M. Rémillard: M. le Président, je dois quitter pour le Conseil des ministres. Je peux peut-être proposer à Mme la députée de Hochela-ga-Maisonneuve que, si elle préfère suspendre, les experts puissent se rencontrer et continuer leur travail. Je sais qu'ils ont du travail encore à continuer. Ce serait certainement une possibilité.

Mme Harel: Oui. M. le Président, je dois dire que je t'apprécierais, d'autant plus évidemment qu'il y a toujours des obligations qui sont celles des députés. Alors, je constate que nous pouvons procéder avec un rythme qui est beaucoup plus propice à notre examen après ces travaux qui sonts faits par les légistes et les juristes. Je crois comprendre également que les personnes qui nous accompagnent comme représentants de leur corps professionnel respectif ont pu obtenir les amendements sur lesquels nous discutons. Alors, je pense que tout ça est propice à un examen encore plus sérieux en tout cas, à tous égards. Je pense que ce serait une proposition judicieuse que de suspendre, pour reprendre à 14 heures.

Le Président (M. Lafrance): Vous allez être avec nous pour 14 heures?

M. Rémillard: C'est ça, oui.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. S'il n'y a pas d'autres commentaires, la séance est donc suspendue. Nous reprendrons à 14 heures cet après-midi. Merci. Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: Je ne voudrais pas être en retard; 14 h 15 me serait peut-être plus juste à cause du Conseil des ministres qui peut...

Mme Harel: Oui.

M. Rémillard: J'ai un comité de législation qui suit.

Le Président (M. Lafrance): Alors, il y a un consentement, 14 h 15. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 58)

(Reprise à 14 h 30)

Le Président (M. Lafrance): Bienvenue à tous. Je réalise que nous avons le quorum. J'aimerais donc déclarer cette seconde partie de notre séance de travail officiellement ouverte.

Avant qu'on reprenne, est-ce qu'il y aurait des remarques préliminaires? Sinon, j'aimerais vous référer aux articles où nous avions arrêté nos travaux ce matin, c'est-à-dire (es articles 1598, 1599 et 1600. Est-ce que nous avons des amendements de proposés touchant ces trois articles?

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Il y a un amendement à l'article 1599. Cet article serait

modifié par l'ajout, à la fin du deuxième alinéa, des mots "ou par les termes mêmes du contrat". M. le Président, cet amendement complète la règle pour tenir compte d'un autre cas où la demeure du débiteur est automatique et ne nécessite pas d'avis préalable: celui, que prévoit le premier alinéa de l'article 1591, où le contrat comporte une stipulation que le seul écoulement du temps pour exécuter l'obligation aura l'effet de constituer le débiteur en demeure. En raison de cet amendement, l'article 1599 se lirait comme suit: "Le créancier peut, en cas de défaut, exécuter ou faire exécuter l'obligation au frais du débiteur.

Te créancier qui veut se prévaloir de ce droit doit en aviser le débiteur dans sa demande, extrajudiciaire ou judiciaire, le constituant en demeure, sauf dans les cas où ce dernier est en demeure de plein droit ou par les termes mêmes du contrat."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a des commentaires concernant ces trois articles, incluant l'article 1599 tel qu'amendé? Non. Alors, les articles 1598, 1599 et 1600 sont donc adoptés, en incluant l'amendement tel que proposé à l'article 1599.

J'appelle les articles contenus dans la sous-section qui traite de la résolution ou de la résiliation du contrat et de la réduction de l'obligation, soit les articles 1601 à 1604 inclusivement.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, il y a deux amendements, un à l'article 1601 et l'autre à l'article 1602. En ce qui regarde l'article 1601, l'article est modifié par l'ajout d'un troisième alinéa se lisant comme suit: "La réduction proportionnelle de l'obligation corrélative s'apprécie en tenant compte de toutes les circonstances appropriées; si elle ne peut avoir lieu, le créancier n'a droit qu'à des dommages-intérêts."

M. le Président, cet amendement ne fait qu'intégrer au présent article les règles qu'énonce l'article 1602, à l'exclusion, toutefois, des éléments d'appréciation autres que la prise en compte des circonstances appropriées, éléments qui sont déjà compris dans ces circonstances appropriées et qu'il ne paraissait plus utile, conséquemment, de reprendre expressément. Il vise ainsi à supprimer tout doute possible quant à la nature, autonome ou non, du recours en réduction d'obligation. Un tel recours n'est pas autonome; exception faite des cas où la loi l'admet expressément, comme en matière de nullité du contrat, il ne s'inscrit que dans le cadre de la résolution ou de la résiliation d'un contrat. En raison de cet amendement, l'article 1601 se lirait comme suit: "Le créancier, s'il ne se prévaut pas du droit de forcer, dans les cas qui le permettent, l'exécution en nature de l'obligation contractuelle de son débiteur, a droit à la résolution du contrat, ou à sa résilisation s'il s'agit d'un contrat à exécution successive. "Cependant, il n'y a pas droit, malgré toute stipulation contraire, lorsque le défaut du débiteur est de peu d'importance, à moins que, s'agissant d'une obligation à exécution successive, ce défaut n'ait un caratère répétitif; mais il a droit, alors, à la réduction proportionnelle de son obligation corrélative. "La réduction proportionnelle de l'obligation corrélative s'apprécie en tenant compte de toutes les circonstances appropriées; si elle ne peut avoir lieu, le créancier n'a droit qu'à des dommages-intérêts."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, un commentaire, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Je comprends donc que cet amendement vient satisfaire des recommandations contenues dans le mémoire du Barreau.

M. Rémillard: Oui, exactement. M. le Président, ça répond en partie et au Barreau et à la Chambre des notaires qui nous avaient soulevé donc qu'il y avait là peut-être une difficulté. De fait, nous l'avons fait analyser et, à la suite des rencontres d'experts aussi, on est arrivé à la conclusion qu'il fallait donc ajouter cet alinéa pour bien établir les choses.

Le Président (M. Lafrance): Merci.

M. Rémillard: En ce qui regarde l'article 1602, M. le Président, il s'agit tout simplement de supprimer cet article 1602. Il s'agit de concordance avec l'amendement qui est proposé à l'article 1601, pour répondre donc à cette demande et du Barreau et de la Chambre des notaires.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 1601 est adopté tel qu'amendé, 1602 est supprimé et les articles 1603 et 1604 sont adoptés tels quels.

J'aimerais maintenant vous référer à la sous-section qui traite de l'exécution par équivalent et des dispositions générales, et appeler les quatre articles suivants, soit 1605 à 1608 inclusivement.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, il y a un amendement à l'article 1607 qui serait modifié: premièrement, par l'ajout dans la troisième ligne, après le mot "corporel", des mots "ou moral"; deuxièmement, par l'ajout, à la fin, des mots "et sont préjudiciables au créancier".

M. le Président, tout d'abord, la première modification apporte une précision qui a paru

s'imposer, en raison du lien étroit qui existe normalement entre le préjudice moral et le préjudice corporel. Deuxièmement, quant à la seconde modification, elle vise à éviter que le créancier ne perde le bénéfice d'une quittance, transaction ou déclaration qui lui serait tout à fait favorable, pour la seule raison qu'elle a été obtenue dans les 30 jours du fait dommageable. En raison de ces modifications, l'article 1607 se lirait donc comme suit: "Les quittances, transactions ou déclarations obtenues du créancier par le débiteur, un assureur ou leurs représentants, lorsqu'elles sont liées au préjudice corporel ou moral subi par le créancier, sont sans effet si elles ont été obtenues dans les trente jours du fait dommageable et sont préjudiciables au créancier."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, un commentaire, Me Masse.

M. Masse: On veut signaler que l'article, le nouvel article 1607 tel qu'amendé, est une adaptation de l'actuel article 1056b, alinéa 4, et qu'il a toujours été problématique actuellement de définir le lien entre le dommage corporel et le dommage moral. Donc, l'ajout de la notion de dommage moral ajoute plus de certitude à l'application de l'article. Deuxièmement, on pourrait intervenir en vertu de 1607, non seulement en cas de lésion de la personne qui fait une déclaration, mais également en cas de tout préjudice, ce qui est de nature à favoriser les droits de la victime. La situation est le plus souvent le cas où la victime d'un dommage corporel et moral est en état de choc, dans les 30 jours qui suivent l'accident, et où elle est amenée à faire des déclarations à son assureur qui lui sont préjudiciables.

Alors, au plan législatif, le législateur considère, semble-t-il, que c'est une période où, par définition, une personne peut être dans une situation où elle est amenée à faire des déclarations qui lui sont préjudiciables. Dans un esprit de protection des droits de la personne, on lui permet d'annuler ces déclarations ou ces règlements qui lui sont préjudiciables. Donc, il nous semble que la formulation définitive de l'article 1607 est à la mesure des nécessités de modification de l'actuel article 1056b, alinéa 4.

Le Président (M. Lafrance): Merci pour ces précisions.

M. Rémillard: M. le Président, il y a M. le professeur Pineau qui aurait un commentaire, si vous le permettez.

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: Merci, M. le Président. En effet, M. le Président, il serait sans doute imprudent de dissocier le préjudice corporel du préjudice moral, d'une part; d'autre part, il est évident également qu'il ne faudrait pas priver la victime du bénéfice d'une transaction qui lui serait favorable, d'où la deuxième modification, l'exigence du préjudice au créancier.

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci pour ces précisions. Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Juste une seconde, M. le Président, sur les dispositions 1605 et suivantes. M. le Président, je veux simplement bien vérifier puisqu'on n'a reçu qu'hier, finalement, les commentaires de Me Crépeau. En fait, dans mon cas, moi, j'ai reçu par fax le 8 octobre, donc dans la journée d'hier. Si on n'a pu faire un examen plus attentif de ces recommandations à la lumière des amendements qui sont maintenant apportés, alors... De toute façon, je crois comprendre qu'il est possible qu'une autre version nous parvienne. La version définitive, en fait, nous serait parvenue, dans le cas des conseillers de l'Opposition, seulement aujourd'hui. De toute façon, je comprends, je veux simplement en avoir la confirmation du ministre, qu'il peut y avoir, à la lumière de ces commentaires, un examen qui soit fait par le comité de légistes et de juristes pour bien vérifier que nous avons donné suite, dans la mesure du possible, à ces recommandations.

M. Rémillard: M. le Président, nous avions des commentaires de Me Crépeau qu'on a fournis à l'Opposition, il y a déjà un petit bout de temps, et Me Crépeau nous a fait parvenir, on me dit, hier, en fin d'après-midi, des commentaires plus formels, paraît-il. Nous en tenons compte au fur et à mesure de l'évolution de nos travaux. Les spécialistes en tiennent compte. Ça vient de nous arriver. Mais si, à un moment donné, on se rend compte, écoutez, qu'il y a un problème et qu'il faut y revenir, moi, je l'ai dit depuis le début, il n'y a aucune, aucune difficulté pour moi à revenir et à améliorer les choses. On n'ouvre pas pour rien. Si nos spécialistes en arrivent à la conclusion qu'il y a un problème, certain qu'on rouvre. Ça ne pose pas de problème.

Mme Harel: Merci.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, M. le député de Westmount.

M. Holden: Merci, M. le Président Est-ce que, M. le ministre, quand on envoie des choses à l'Opposition, on pourrait m'en envoyer une copie aussi?

M. Rémillard: Oui. Avec mes excuses. M. Holden: Non, non...

M. Rémillard: Je veux vraiment m'excuser...

M. Holden: ...je ne l'aurais pas lu hier soir, alors, il n'y a rien de mal là-dedans.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Non, je veux m'excuser. Ça va être réparé immédiatement...

M. Holden: Merci, M. le ministre.

M. Rémillard: ...et ça ne se reproduira plus.

Le Président (M. Lafrance): Merci. S'il n'y a pas d'autres commentaires, donc...

M. Rémillard: M. le Président, évidemment, je peux dire que c'est M. Paul-André Crépeau, le professeur, qui a envoyé directement à Mme Harel, pas nous. Alors...

M. Holden: Je vais le lui dire, je le connais bien.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: II reste quand même que nous pourrions, quand nous les recevons...

M. Holden: Merci, M. le ministre. M. Rémillard: ...vous les fournir... Le Président (M. Lafrance): Faire le relais.

M. Rémillard: ...étant donné l'apport que vous apportez à cette commission. Alors, soyez assuré qu'on va y procéder.

M. Holden: Merci.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, les articles 1605 et 1606 sont adoptés tels quels. 1607 est adopté tel qu'amendé et l'article 1608 est adopté tel quel. J'aimerais maintenant appeler les 11 articles contenus dans la sous-section qui traite de l'évaluation des dommages-intérêts, De l'évaluation en général, soit les articles 1609...

M. Masse: M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, Me Masse.

M. Masse: Est-ce que je comprends qu'on adopte 1608? Il me semblait que nous avions convenu de le suspendre.

M. Rémillard: 1608.

Le Président (M. Lafrance): Moi, j'avais appelé l'article et j'ai compris qu'on l'adoptait avec possibilité de rouvrir au besoin...

Une voix: Oui.

Le Président (M. Lafrance): Mais on peut le suspendre aussi.

M. Rémillard: M. le Président, effectivement, M. le professeur Masse a raison. On m'informe que 1608, on a convenu, pour le moment, de le suspendre. Des vérifications, d'autres discussions sont en cours.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. L'article 1608 est donc laissé en suspens. Alors, j'appelle les articles 1609 à 1619 inclusivement. (14 h 45)

M. Rémillard: Nous avons quatre amendements, M. le Président. Premier amendement concernant l'article 1609. Cet article est modifié par la suppression, dans la deuxième ligne du deuxième alinéa, des mots "qu'il se produira*. Cet amendement corrige le texte pour éviter une redondance. Le mot "certain", en effet, comprend déjà, en lui-même, l'idée que le préjudice se produira. En raison de cet amendement, l'article 1609 se lirait comme suit: "Les dommages-intérêts dus au créancier compensent la perte qu'il subit et le gain dont il est privé. "On tient compte, pour les déterminer, du préjudice futur lorsqu'il est certain qu'il est susceptible d'être évalué."

Alors, ça répond à un commentaire fort juste du Barreau, M. le Président.

Mme Harel: Et de la Chambre des notaires.

M. Rémillard: Et de la Chambre des notaires aussi. Excusez-moi, je n'ai pas vérifié.

Mme Harel: En fait, c'est de la Chambre des notaires.

M. Rémillard: Alors, si les deux corporations professionnelles font la même remarque...

Mme Harel: C'est ça. Ha, ha, ha! Et de l'Opposition.

M. Rémillard: ...et l'Opposition, alors voilà, on n'avait vraiment pas le choix, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lafrance): Merci. Je pense que vous avez un autre amendement à l'article 1612.

M. Rémillard: Oui, à l'article 1612. L'article 1612 est modifié par le remplacement de la dernière ligne par ce qui suit: "par règlement du gouvernement, dès lors que de tels taux sont ainsi fixés."

M. le Président, cet amendement est d'ordre

technique. Il fait d'abord référence au règlement du gouvernement, plutôt qu'à la formule même utilisée pour l'édicter que constitue le décret. Il vise aussi à accorder le plus de souplesse qui soit quant au moment de la mise en vigueur du règlement du gouvernement. Autrement, un vide juridique aurait pu exister si le règlement visé n'entrait pas en vigueur en même temps que l'article 1612. En raison de cet amendement, l'article 1612 se lirait comme suit: "Les dommages-intérêts dus au créancier en réparation du préjudice corporel qu'il subit sont établis, quant aux aspects prospectifs du préjudice, en fonction des taux d'actualisation prescrits par règlement du gouvernement, dès lors que de tels taux sont ainsi fixés."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas de commentaires, on pourrait peut-être passer à l'amendement suivant.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. L'article 1614 est modifié: 1° par le remplacement, dans la première ligne du premier alinéa, du mot "dus" par le mot "accordés"; 2° par la suppression, dans la deuxième ligne du premier alinéa, du mot "corporel"; 3° par le remplacement, à la fin du premier alinéa, des mots "immédiatement exigibles" par les mots "exigibles sous la forme d'un capital payable au comptant"; et 4° par l'ajout dans la première ligne du second alinéa, après le mot "lorsque", des mots "le préjudice est corporel et que".

M. le Président, la première modification veut simplement clarifier le texte. La deuxième modification vise à élargir la règle pour la rendre applicable quelle que soit la nature du préjudice subi par le créancier, rien ne paraissant justifier qu'on en limite l'application au seul préjudice corporel. La troisième modification apporte des précisions destinées à supprimer toute difficulté d'interprétation que pouvait susciter l'expression d'origine. Quant à la dernière modification, elle résulte tout simplement de la deuxième modification. En raison de ces modifications, l'article 1614 se lirait donc comme suit: "Les dommages-intérêts accordés pour la réparation d'un préjudice corporel sont, à moins que lés parties n'en conviennent autrement, exigibles sous la forme d'un capital payable au comptant.

Toutefois, lorsque le préjudice est corporel et que le créancier est mineur, le tribunal peut imposer, en tout ou en partie, le paiement sous forme de rente ou de versements périodiques, dont il fixe les modalités et peut prévoir l'indexation suivant un taux fixe. Dans les trois mois qui suivent sa majorité, le créancier peut exiger le paiement immédiat, actualisé, de tout ce qui lui reste à recevoir."

C'est un article important, M. le Président.

Ces modifications viennent apporter plus de clarté à cette possibilité que nous avons, surtout en fonction du deuxième alinéa. Lorsque le créancier est mineur, il y a possibilité pour le tribunal d'avoir une discrétion pour faire en sorte que le paiement puisse se faire sous la forme d'une rente ou de versements périodiques dans l'intérêt du mineur, quitte ensuite à ce que le mineur, lorsqu'il devient majeur, puisse exiger l'entier paiement. Alors, c'est une disposition importante, et je crois que les amendements viennent éclaicir considérablement le texte.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, Me Masse, vous désirez commenter?

M. Masse: M. le Président, nous croyons que cette modification du droit existant est un pas, mais un pas seulement, dans la bonne direction. Nous sommes d'accord avec la disposition, mais nous voulons signaler qu'elle ne règle pas une bonne partie des problèmes qui se posent actuellement. Le problème, c'est que, lorsqu'ils reçoivent des sommes importantes, une bonne partie des justiciables, pour des questions d'imprévision ou des questions de mauvaise gestion de leurs fonds, selon les études américaines, 90 % à 95 % d'entre eux ont perdu la totalité de ces fonds-là, qui leur sont accordés pour le restant de leur vie. Ils les perdent. Trois ans après la compensation, il n'en reste plus rien et ces personnes-là retombent sur les mesures de sécurité sociale. Bien sûr qu'il faut faire la part entre la liberté qu'a chacun d'administrer ses biens et le fait qu'on doive les protéger, dans certains cas, contre eux-mêmes. Il apparaît particulièrement opportun de protéger ici les mineurs jusqu'au moment de leur majorité. Mais il est clair qu'actuellement en matière d'octroi de sommes finales et définitives, notamment et surtout pour la compensation des dommages corporels, nous avons, comme société, comme partout ailleurs en Occident, nous avons un problème de gestion de ces fonds-là, auquel, dans les prochaines années, on peut souhaiter que l'Institut, notamment, s'attachera à apporter une réponse satisfaisante.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, il est vrai, comme vient de dire le professeur Masse, que c'est là, souvent, un très grave problème que nous avons. Des gens reçoivent des sommes d'argent considérables à la suite, par exemple, de dommages qu'ils ont subis. Et, cette somme, ils la perdent, suite à de mauvais placements ou, peu importe, souvent dans les mois qui suivent lorsqu'ils l'ont reçu. Des gens pourraient dire: C'est la même chose pour ceux qui gagnent à la loto, remarquez. Mais il demeure que, dans ces

cas-là, ce qui est le plus grave, c'est que, souvent, ces gens-là sont handicapés, ont eu des problèmes et ont besoin de cette rente pour continuer à vivre, et l'argent est dilapidé. C'est un réel problème. Mais, face à ce problème, notre attitude n'est pas facile aussi à déterminer. C'est-à-dire, d'une part, protéger, bien sûr, le créancier, donc celui qui reçoit ces sommes d'argent, mais, d'autre part, ne pas aussi brimer sa liberté. Je crois que le législateur ne doit pas faire preuve de maternalisme ou de paternalisme au point où il brimerait la liberté d'une personne qui, elle, veut bénéficier de l'ensemble du montant. C'est comme ça que le compromis nous est paru celui que nous avons là. Mais je suis parfaitement d'accord pour dire qu'il s'agit d'un sujet qui méritera d'être étudié par l'Institut, réévalué et voir, à la lumière de fa pratique, si on peut l'améliorer. Parce que je suis très conscient, M. le Président, qu'il y a là un problème. Il ne faudrait pas tomber dans l'excès contraire non plus, et vouloir imposer des rentes dans tous les cas, non, laisser au tribunal une plus grande discrétion... Pour le moment, je pense bien qu'on a un compromis satisfaisant, mais je suis parfaitement d'accord avec les propos que vient de tenir le professeur Masse pour dire que l'Institut aurait là un sujet certainement d'étude et de réflexion.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, M. le député de Westmount.

M. Holden: Merci, M. le Président. Avant l'instauration du "no fault", je faisais beaucoup de causes d'accidents d'automobile pour les victimes. Et, souvent, les gens gaspillaient leur argent. Mais je n'ai pas compris ce que le professeur Masse a dit sur les chiffres américains, que 90 %... On parle des mineurs ou quoi? Vous voulez me dire que 90 % des bénéficiaires de jugement aux États-Unis ont perdu leur argent? Ça ne se peut pas, 90 %.

M. Masse: Les chiffres que je pourrai vous montrer sont à l'effet que plus de 90 % des bénéficiaires de fortes compensations pour dommages corporels perdent... Il ne reste plus rien de cet argent-là de façon importante, dans les trois à cinq ans qui suivent la compensation.

M. Holden: C'est incompréhensible! Mais je suis d'accord que l'Institut étudie cette question. C'est comme les artistes mineurs aux États-Unis qui gagnent des millions et dont les parents gaspillaient l'argent; maintenant, c'est contrôlé. Mais je suis un peu porté à m'associer avec les paroles du ministre. On ne peut pas avoir l'État qui surveille chaque jugement et chaque compensation, même s'il s'agit de gens dépourvus. Mais ce serait un débat à faire devant l'Institut. Mais moi, je ne veux pas que le gouvernement, l'État soit l'arbitre de ce que le monde peut faire avec leur argent.

Je vais vous ennuyer avec une histoire. J'avais une cause où la victime était schizophrène latent avant l'accident et, après, il était schizophrène. C'est allé en Cour suprême et, en tout cas, il a eu 100 000 $. Mais on avait cinq psychiatres qui témoignaient et il y a en avait un dont je me souviens, le Dr Larivière, qui disait: II a droit à de l'argent, mais je vous garantis, Votre Seigneurie, qu'en dedans d'un an il n'aura plus un sou après. Et c'est exactement ce qui s'est passé. Il a eu ses 100 000 $ et, un an après, il n'avait plus rien.

M. Rémillard: Après avoir payé vos honoraires?

M. Holden: Bien ça, c'est déductible avant.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Il y a Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve qui a demandé la parole; ensuite, M. le député de Chapleau et Me Masse.

Mme Harel: M. le Président, pour le bénéfice des membres de la commission, je crois qu'il serait intéressant que Me Masse puisse transmettre au secrétariat les études...

M. Rémillard: Les statistiques.

Mme Harel: ...les chiffres, oui, statistiques dont il vient de nous parler. Je crois que c'est un phénomène qui peut sembler ahurissant au premier abord, mais quand on examine, par exemple, au niveau des prestataires de l'aide sociale, ceux qui, par exemple, ont été les heureux gagnants d'un joli montant à la loterie, par exemple, on serait surpris de voir à quel point il est fréquent que des gens ne sachent pas comment gérer des sommes considérables qui leur sont allouées. Et ça vaut tout autant pour les bénéficiaires, bien, bénéficiaires, finalement les prestataires, plutôt, des indemnités d'assurance-accident suite à un accident de travail ou un accident d'automobile. Ça reste un fait de société. Et, sans pour autant leur dicter la façon dont ils doivent utiliser cet argent, je pense qu'il y a toute une éducation à faire qui n'est malheureusement pas actuellement envisagée, une éducation qui permettrait aux gens, par exemple, de recourir au nouveau véhicule que sera la fiducie que l'on vient d'adopter dans le cadre de notre chapitre sur les biens, par exemple. Ça pourrait permettre à des gens, donc, de voir leurs prestations fructifier tout en étant administrées par d'autres. Il y a quand même... On ne peut pas se désengager complètement comme société devant ce phénomène-là, sans pour autant dicter la ligne de conduite que les gens doivent obligatoirement adopter.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Oui, M.

le député de Chapleau.

M. Kehoe: Oui. M. le Président, juste pour me mettre à date un peu dans ce que vous dites, la semaine passée, dans le district judiciaire de Hull, dans le comté de Chapleau, chez nous, il y a eu un jugement qui a été rendu en faveur d'une petite fille de cinq ans qui est née complètement infirme, et le montant était de 3 500 000 $ immédiatement. Mais si la petite fille vit jusqu'à, je pense, 45 ans, elle va avoir 16 000 000 $. Je me demande si, actuellement, les tribunaux ne prennent pas ça en considération, le fait que, durant la période de temps où elle va vivre, cette personne-là... C'est certainement pris en considération, cette prévision-là que nous avons dans l'article. Maintenant, je me demande si, actuellement, dans certains jugements, les juges ne commencent pas à mettre ça en vigueur quand même, même si la loi n'est pas adoptée, même si cette prévision-là n'est pas dans la loi.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Oui, Me Masse. (15 heures)

M. Masse: Alors, deux choses, M. le Président. Il est clair que les tribunaux tiennent compte de l'expectative de vie présumée suite à la blessure. Mais ce qui est important de noter, c'est que le problème qu'ont actuellement les justiciables et même ceux qui veulent être payés par voie de prestations échelonnées, c'est qu'il y a un problème institutionnel. Il n'y a que peu de compagnies, de fiducie ou d'assurances, qui sont prêtes à servir de cadre à cette prestation-là. Ce que pourrait faire l'État, sans du tout porter atteinte à la liberté de chacun de prendre le capital s'il le veut, c'est de favoriser une plus grande stabilité institutionnelle et un plus grand rendement sur les sommes investies, de sorte que la victime n'aurait pas à craindre que la compagnie qui gère ses fonds disparaisse ou, si c'est directement le responsable qui paie, que cette personne-là ne disparaîtra pas dans le portrait. Donc, actuellement, les ententes de prestations périodiques existent, mais elles ne sont que peu fréquentes parce que, justement, le cadre institutionnel n'est pas adéquat. Ce que l'État pourrait faire et, encore une fois, je répète, sans modifier d'aucune manière la liberté des justiciables de faire les choix qui les concernent, c'est de renforcer le cadre institutionnel pour faciliter cette voie de compensation-là.

M. Kehoe: Pour protéger la personne contre elle-même.

M. Masse: Lui donner le choix en tout cas.

Mme Harel: De se protéger contre elle-même.

M. Masse: Et il est clair que les gestion- naires de ces entreprises-là sont le plus souvent beaucoup mieux à même que les victimes, individuellement, de gérer ces biens-là.

Le Président (M. Lafrance): Merci. S'il n'y a pas d'autres commentaires sur cet article 1614, je pense qu'il y aurait un autre amendement. Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, je m'excuse. M. le professeur Pineau avait un commentaire à faire.

Le Président (M. Lafrance): Oui, Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, cette question a été extrêmement, très longuement discutée lors de la préparation de l'avant-projet, et après l'avant-projet, et lors de l'élaboration du nouveau projet. Les avis sont très partagés à cet égard et le problème vient du fait que les tribunaux ne se sont pas crus jusqu'à présent autorisés à accorder des indemnités sous forme de rente. Certains juges ont prétendu qu'ils n'avaient pas le droit. Or, cette question, ce point-là est très discutable, parce que rien dans la loi ne leur interdit de prendre l'initiative de payer sous forme de rente. De ce point de vue là, notre droit est semblable au droit français et, en France, les juges ne se sont pas privés d'accorder des indemnités sous forme de rente.

Maintenant, ceci dit, il est évident qu'il peut y avoir un problème de gestion et il semble que, sur ce continent américain, certains semblent gérer assez mal leur fortune. On me dit qu'en France où certaines victimes reçoivent des capitaux, bien, il y a une très forte majorité de citoyens victimes qui savent gérer leurs affaires et ne perdent pas leur capital. Alors, ces statistiques sont effectivement à examiner d'un côté ou de l'autre de l'Atlantique, mais peut-être que certains sont plus près de leurs sous que d'autres.

Le Président (M. Lafrance): Merci.

Mme Harel: Ou la société de consommation a moins fait de ravages chez les uns que chez les autres.

M. Pineau: Ce n'est pas sûr.

Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, est-ce que, M. le ministre, vous seriez en mesure de nous préciser l'amendement à l'article 1619?

M. Rémillard: Oui, M. le Président. L'article 1619 est modifié par le remplacement de la deuxième ligne du second alinéa par ce qui suit: "appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de".

M. le Président, cet amendement ne vise

qu'à ajouter, parmi les circonstances importantes qui doivent être prises en considération dans l'appréciation des dommages-intérêts punitifs, le degré de gravité de la faute commise par le débiteur. En raison de cet amendement, l'article 1619 se lirait comme suit: "Lorsque la loi prévoit l'attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive. "Ils s'apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l'étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier, ainsi que, le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, M. le député de Westmount.

M. Holden: M. le Président, quand on parle de la situation patrimoniale, comme dans les cas de libelle diffamatoire, souvent ce n'est pas une question de patrimoine d'un journal, c'est plutôt la compagnie d'assurances qui est impliquée après un déductible de peu d'argent. Je sais que l'assurance, on ne peut pas le mentionner dans les causes au civil, mais, quand on parle d'une situation patrimoniale, on oublie, des fois, la question de l'assurance.

M. Rémillard: Évidemment, M. le Président, on ne le mentionne pas expressément, mais, quand, à la fin du deuxième alinéa de l'article 1619, on dit: "...le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers", évidemment que nous nous référons à cette possibilité-là.

M. Holden: Ça nous donne le droit de demander la question au procès: Quelle est votre couverture d'assurance et quel est votre déductible? Parce qu'il y a des règles contre ça aussi.

M. Rémillard: Je crois que oui. Je crois que, de par le libellé, le contenu que nous avons là, je ne vois pas de difficulté. Mais, écoutez, je voudrais vérifier avec M. le professeur Pineau.

M. Holden: Pas de problème.

M. Rémillard: II n'y a pas de difficulté.

M. Holden: C'est bien, M. le Président. Je suis très heureux parce que j'ai une cause de libelle diffamatoire la semaine prochaine...

Une voix: Vous en avez encore d'autres. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Holden: Oui, c'est vrai, mais... M. Kehoe: Pas contre vous?

M. Holden: Non, non. Je vais le mentionner au juge, que ça s'en vient.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lafrance): Oui, sur le même article 1619 tel qu'amendé, M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Oui, M. le ministre. "Lorsque la loi prévoit l'attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive"; leur fonction préventive, c'est tellement large, c'est tellement sujet à interprétation. Je veux dire, il n'y a pas de balises, il n'y a pas... Comment ça va être déterminé? C'est très subjectif. Chaque juge va déterminer suivant les circonstances, je suppose? Il n'y a pas de critères pour déterminer ça. C'est quelque chose de nouveau dans le droit.

M. Rémillard: Oui, c'est un critère qui est nouveau, mais qui va se référer à la discrétion, bien sûr, du tribunal en fonction des circonstances, comme vous le dites vous-même. Je vais demander au professeur Pineau de compléter ma réponse.

Le Président (M. Lafrance): Oui, Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, effectivement, c'est un critère qui a été proposé pour guider le juge dans son évaluation des dommages-intérêts punitifs. Et ce que l'on souhaite, c'est que ces dommages-intérêts ne soient ni trop peu élevés, ni trop élevés, ou exagérément élevés comme parfois on peut le voir ou l'apprendre devant les tribunaux des États-Unis, de certains États des États-Unis. Le critère invoqué est celui de la prévention. Ces dommages-intérêts exemplaires sont destinés à prévenir de pareilles infractions, entre guillements, et à dissuader les auteurs de pareils comportements.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Oui, Me Masse.

M. Masse: II est important, M. le député, de noter que l'article 1619 commence par la mention "Lorsque la loi". Donc, il n'y a pas, dans le Code civil comme tel, de source nouvelle de dommages exemplaires. Actuellement, la législation ne prévoit des dommages exemplaires, je pense, que dans quatre cas. La Loi sur la protection du consommateur; l'article très important de la Charte des droits et libertés de la personne, qui est l'article 49, en cas de dommages intentionnels; en matière de baux et

d'habitation; et il y a une loi plutôt amusante qui est la Loi sur la protection des arbres. Et, dans ces cas-là, ce qui nous manque le plus souvent, M. le député, ce sont des critères d'appréciation.

Par exemple, en vertu de la Loi sur la protection du consommateur, l'article 272 déclare que le consommateur peut obtenir des dommages exemplaires, mais il ne dit pas dans quelles circonstances. Et ce critère général, qui vaudra autant pour la Loi sur la protection du consommateur que pour les autres dispositions, uniformise l'approche que l'on adoptera. Donc, il n'y a pas là-dedans de source nouvelle de dommages dits exemplaires.

M. Kehoe: Ah bon!

Le Président (M. Lafrance): Merci pour ces précisions. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires... Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: Si vous permettez, M. le professeur Pineau aurait peut-être un commentaire complémentaire.

Le Président (M. Lafrance): Certainement. Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, il faut peut-être ajouter qu'effectivement, dans la plupart des cas, ce qui est visé c'est la faute intentionnelle ou la faute lourde, donc, une faute d'une gravité assez exceptionnelle.

Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a pas d'autres commentaires, les articles 1609 à 1619 sont donc adoptés en incluant 1609 tel qu'amendé, 1612, 1614 et 1619 tels qu'amendés. J'aimerais maintenant appeler les cinq articles suivants, soit 1620 à 1624 inclusivement, qui traitent de l'évaluation anticipée.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, nous avons deux amendements, l'un à 1620 et l'autre à 1624. En ce qui regarde 1620, l'article est modifié: 1° par la suppression, à la fin du premier alinéa, du mot "principale"; 2° par l'insertion dans la troisième ligne du second alinéa, entre les mots "mais il ne peut" et le mot "demander", des mots "en aucun cas".

M. le Président, la première modification vise à supprimer toute difficulté d'interprétation quant au caractère accessoire de la clause pénale par rapport à une obligation donnée. Toute obligation, même secondaire, peut être assortie d'une clause pénale et c'est ce que veut permettre la suppression proposée. Quant à la seconde modification, elle veut préciser clairement le caractère impératif de la règle. En raison de ces modifications, l'article 1620 se lirait donc comme suit: "La clause pénale est celle par laquelle les parties évaluent par anticipation les dommages-intérêts en stipulant que le débiteur se soumettra à une peine au cas où il n'exécuterait pas son obligation. "Elle donne au créancier le droit de se prévaloir de cette clause au lieu de poursuivre, dans les cas qui le permettent, l'exécution en nature de l'obligation; mais il ne peut [...] demander en même temps l'exécution et la peine, à moins que celle-ci n'ait été stipulée que pour le seul retard dans l'exécution de l'obligation."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, un commentaire, Me Masse.

M. Masse: Je veux simplement souligner que la modification au projet de loi 125, à l'article 1620, qui est la mention de "en aucun cas", veut insister sur le fait que cette règle-là est d'ordre public. L'article 1620 découle de l'article 1133 du Code civil actuel qui a été interprété malheureusement, depuis une cinquantaine d'années, notamment à partir de 1921, comme n'étant pas une règle d'ordre public, ce qui veut donc dire que, même sans dommages, le créancier, dans certains cas, pouvait abuser de la situation. Et la modification de "en aucun cas" laisse bien voir qu'il s'agit là d'une règle imperative et qui s'applique à toute partie au contrat.

Le Président (M. Lafrance): Merci pour ces précisions. Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: M. le professeur Pineau va faire un commentaire aussi.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, il est exact que, lorsque dans un contrat nous avons une clause pénale, il s'agit d'une évaluation anticipée des dommages-intérêts. En conséquence, il faut que l'inexécution ait été sans justification, ait été fautive pour que la clause pénale puisse produire ses effets. Il est évident, même si certains tribunaux ont peut-être erré dans ce domaine-là, qu'on ne peut pas obtenir en même temps et l'exécution de l'obligation en nature, et le montant stipulé à titre de peine puisqu'en définitive, cette peine n'est qu'une évaluation anticipée des dommages-intérêts destinés à réparer le préjudice subi.

Le Président (M. Lafrance): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président, c'est simplement pour préciser que, dans sa lecture, le ministre a omis d'ajouter "en aucun cas".

M. Rémillard: Ah oui! Alors, voilà ce qui me confirme... Il semblerait, M. le Président, que ma

lecture n'a pas été sans faute et que le deuxième alinéa de 1620, je dois le lire de nouveau, si vous me le permettez. Alors, voici, je m'exécute, M. le Président. "Elle donne au créancier le droit de se prévaloir de cette clause au lieu de poursuivre, dans les cas qui le permettent, l'exécution en nature de l'obligation; mais il ne peut en aucun cas demander en même temps l'exécution et la peine, à moins que celle-ci n'ait été stipulée que pour le seul retard dans l'exécution de l'obligation." (15 h 15)

Alors, je veux dire, M. le Président, il semblerait que j'ai oublié tout à l'heure "en aucun cas" et je voudrais remercier les députés qui ont manifesté autant de vigilance et d'attention à nos travaux pour souligner ce manque de lecture. Merci.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

M. Rémillard: Et, M. le Président, très bien, je ne recommencerai plus.

M. Pineau: Ce défaut dans la lecture.

M. Rémillard: Ce défaut dans la lecture. On me corrige; en fait, j'ai fait une autre erreur, M. le Président...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: ...ce défaut dans la lecture, ce qui est bon pour mon humilité.

Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires sur cet article 1620, je pense qu'il y a un amendement également de proposé à l'article 1624 dans cette même série d'articles.

M. Rémillard: Oui. Le projet de loi est modifié par la suppression de l'article 1624, M. le Président. Cet amendement est de même nature que celui qui est proposé à l'article 1398 et il se justifie pour des motifs identiques.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

Mme Harel: Pourrions-nous nous justifier les motifs qu'on invoque à l'article 1398?

M. Rémillard: Cet après-midi, nous aurons l'occasion de discuter de cet article et de justifier notre façon de faire.

Mme Harel: Ha, ha, ha! Oui. Mais là le ministre nous demande un chèque en blanc.

M. Rémillard: Je ne sais pas si on doit parler de blanc et de chèque et je dois dire qu'il y a, je pense...

Mme Harel: Remarquez que nous sommes d'accord, hein?

M. Rémillard: ...un accord...

Le Président (M. Lafrance): Des arrangements préalables.

Mme Harel: Nous sommes d'accord. M. Rémillard: ...de part et d'autre... Mme Harel: Oui.

M. Rémillard: ...que nous avons à faire des changements et que, par conséquent, on a retenu cette façon de procéder.

Mme Harel: A ne pas référer au contrat de consommation.

M. Rémillard: C'est ça. À toutes fins pratiques, dans deux cas, dont ce cas-là, on ne se réfère pas au contrat de consommation. Donc, quand on va aborder tout à l'heure l'article 1398, on va avoir l'occasion de parler de tout ça.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 1620 est adopté tel qu'amendé. Les articles 1621, 1622 et 1623 sont adoptés tels quels et l'article 1624 est supprimé.

Nous en arrivons maintenant à la section III qui traite de la protection du droit à l'exécution de l'obligation et j'aimerais appeler l'article 1625 qui traite des mesures conservatoires.

M. Rémillard: M. le Président, il n'y a pas de modification à cet article.

Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a aucun commentaire, l'article 1625 est donc adopté tel quel et j'appelle les trois articles suivants qui traitent de l'action oblique, soit les articles 1626, 1627 et 1628.

M. Rémillard: M. le Président, j'ai un amendement ici à l'article 1626.1... Un article 1626.1 est ajouté, immédiatement après l'article 1626. Donc, je me reprends, c'est un amendement à l'article 1626 pour ajouter un article 1626.1, et cet article 1626.1 se lirait comme suit: "II n'est pas nécessaire que la créance soit liquide et exigible au moment où l'action est intentée; mais elle doit l'être au moment du jugement sur l'action."

Cet amendement vise à éviter que, préalablement à l'exercice de l'action, le créancier n'ait à so pourvoir en justice pour faire constater ou décider des deux conditions de liquidité

et d'exigibilité. En raison de cet amendement, le nouvel article 1626.1 se lirait comme suit: "II n'est pas nécessaire que la créance soit liquide et exigible au moment où l'action est intentée; mais elle doit l'être au moment où le jugement... du jugement sur action... sur l'action."

Le Président (M. Lafrance): Merci. M. le ministre.

M. Rémillard: La prochaine fois, là... J'ai perdu confiance en moi, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Ce n'est pas possible! C'est impossible!

Une voix: C'est la grippe, ça.

Le Président (M. Lafrance): C'est à cause de la grippe.

M. Rémillard: J'ai été touché, j'ai été touché...

Le Président (M. Lafrance): C'est sûrement la grippe qui fait ses effets.

Une voix: Qui fait son oeuvre. Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: On va chercher des explications.

M. Rémillard: C'est gentil. Alors, je me sens tout réconforté, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas de commentaires, donc, les articles 1626, 1627 et 1628 sont adoptés tels quels et le nouvel article 1626.1 tel que proposé est adopté.

J'aimerais appeler les six articles suivants qui traitent de l'action en inopposabilité, soit les articles 1629 à 1634 inclusivement.

M. Rémillard: Oui. Alors, M. le Président, il y a quatre amendements. Un premier amendement à l'article 1629. L'article 1629 est modifié par le remplacement, dans les deuxième et troisième lignes, des mots "par lequel son débiteur, avec l'intention de frauder," par les mots "que fait son débiteur en fraude de ses droits, notamment l'acte par lequel il".

M. le Président, comme commentaire, cet amendement vise à accorder l'article avec la jurisprudence actuelle, où l'on admet l'action en inopposabilité dans des situations où le débiteur, sans se rendre ou chercher à se rendre réellement insolvable, pose néanmoins des actes qui ont pour but de le laisser croire afin de frauder le créancier. Il vise aussi à rapprocher davantage le texte de celui de l'article 1032 du Code civil du Bas Canada dont il est issu, en faisant référence, plus simplement, à l'acte fait "en fraude" des droits du créancier. En raison de cet amendement, l'article 1629 se lirait comme suit: "Le créancier, s'il en subit un préjudice, peut faire déclarer inopposable à son égard l'acte juridique que fait son débiteur en fraude de ses droits, notamment l'acte par lequel il se rend ou cherche à se rendre insolvable ou accorde, alors qu'il est insolvable, une préférence à un autre créancier."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Aucun commentaire? Je pense que le prochain amendement touche l'article 1632.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. L'article 1632est remplacé par le suivant: "1632. La créance doit être certaine au moment où l'action est intentée; elle doit aussi être liquide et exigible au moment du jugement sur l'action. "La créance doit être antérieure à l'acte juridique attaqué, sauf si cet acte avait pour but de frauder un créancier postérieur."

M. le Président, cet amendement vise, à l'instar de celui qui est proposé à l'article 1626.1, à éviter que, préalablement à l'exercice de l'action, le créancier n'ait à se pourvoir en justice pour faire constater ou décider des deux conditions de liquidité et d'exigibilité. En raison de cet amendement, l'article 1632 se lirait comme suit: "La créance doit être certaine au moment où l'action est intentée; elle doit aussi être liquide et exigible au moment du jugement sur l'action. "La créance doit être antérieure à l'acte juridique attaqué, sauf si cet acte avait pour but de frauder un créancier postérieur."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Aucun commentaire. Alors, le prochain article, je pense, qui est touché par un amendement est le suivant, soit 1633.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. L'article 1633 est modifié par la suppression du second alinéa.

Cet amendement vise à laisser pleinement jouer les règles normales que prévoient le premier alinéa et le livre De la prescription, de manière à ne pas priver indûment le créancier de ses recours. En raison de cet amendement, l'article 1633 se lirait comme suit: "L'action doit, à peine de déchéance, être intentée avant l'expiration d'un délai d'un an à compter du jour où le créancier a eu connaissance du préjudice résultant de l'acte attaqué ou, si l'action est intentée par un syndic de faillite ou pour le compte des créanciers collectivement,

à compter du jour de la nomination du syndic."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

Mme Harel: C'était là, je pense, aux recommandations du Barreau?

M. Rémillard: Je vais vérifier, peut-être que oui. Oui, je crois.

Une voix: C'est ça.

M. Rémillard: Oui. Alors, je crois, M. le Président, oui, que le Barreau nous avait souligné un problème. C'est Me Richard Nadeau, pour le Barreau, qui avait soulevé des difficultés. Finalement, on trouvait qu'il y avait vraiment quelque chose qui devait être corrigé. On a donc référé à ces commentaires de Me Nadeau, pour le Barreau, et, après discussion avec les spécialistes, on a convenu de fait que Me Nadeau avait soulevé des questions importantes et nous en sommes arrivés à la rédaction que nous vous présentons présentement. Alors, il s'agit simplement de laisser tomber, donc, le délai d'échéance et de laisser jouer, donc, entièrement le premier alinéa.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Enfin, je pense que l'article 1634 est également touché par un amendement.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. L'article 1634 est modifié: 1° par le remplacement, dans la première ligne, des mots "le contrat ou le paiement" par les mots "l'acte juridique"; 2° par le remplacement, dans les deuxième et troisième lignes, des mots "créanciers antérieurs qui ont pris des mesures" par les mots "créanciers qui pouvaient intenter l'action et qui y sont intervenus".

M. le Président, la première modification corrige le texte pour fins de concordance, seulement, avec celui des articles 1629, 1632 et 1633. Quant à la seconde modification, elle fait la concordance avec le texte de l'article 1632, pour ce qui est des créanciers postérieurs; elle précise aussi la nature des mesures que peuvent prendre les créanciers, en indiquant clairement qu'ils doivent intervenir à l'action. En raison de ces modifications, l'article 1634 se lirait comme suit: "Lorsque l'acte juridique est déclaré inopposable à l'égard du créancier, il l'est aussi à l'égard des autres créanciers qui pouvaient intenter l'action et qui y sont intervenus pour protéger leurs droits; tous peuvent faire saisir et vendre le bien qui en est l'objet et être payés en proportion de leur créance, sous réserve des droits des créanciers prioritaires ou hypothécaires."

M. le Président, c'est toujours en réponse à des commentaires que nous avons eus et du

Barreau, comme je le mentionnais tout à l'heure, et de Me Richard Nadeau qui est un avocat de la pratique, spécialiste dans ces questions et qui a fait un travail remarquable pour amener des critiques, des commentaires, et aussi de la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec qui avait souligné aussi des problèmes au niveau de la rédaction de ces articles. Alors, c'est en regroupant ces commentaires et du Barreau et de la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec que nous en sommes arrivés, à la suite des discussions entre les experts, les légistes, à cette rédaction qui est proposée ici et qui va certainement améliorer considérablement notre droit.

Mme Harel: Les commentaires des caisses...

Le Président (M. Lafrance): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve et, ensuite, Mme la députée de Terrebonne qui m'avait demandé la parole.

Mme Harel: Les commentaires des caisses d'économie Desjardins portent-ils sur l'ensemble du projet de loi 125 ou sur cette disposition-là en particulier? Parce que je souhaiterais qu'à ce moment-là ça puisse être l'objet, peut-être, d'un dépôt auprès des membres de la commission pour que nous en ayons connaissance pour procéder à l'examen des dispositions ultérieures.

M. Rémillard: Écoutez, je pourrais le vérifier avec mon cabinet et vous revenir. Mais il s'agissait...

Mme Harel: Spécifiquement...

M. Rémillard: ...spécifiquement, d'un cas spécifique.

Mme Harel: ...d'une intervention sur ça. M. Rémillard: Oui, sur ce point, ponctuel.

Le Président (M. Lafrance): Merci Oui, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. .le Président. Simplement pour ajouter que, sur cet article 1634, il y avait également eu des commentaires de la Chambre des notaires.

Mme Harel: Au même effet? Mme Caron: Oui.

M. Rémillard: Oui, il y a eu des commentaires, c'était sur un autre... On m'informe que oui, dans un autre ordre d'idées, par contre, pas du tout dans le même sens qu'on me dit. Mais on m'informe que, de fait, aussi, il y avait des

commentaires de la Chambre des notaires. Alors, des commentaires de la Chambre des notaires, du Barreau, des caisses d'économie Desjardins, bref, assez de commentaires pour nous amener à revoir l'article et à proposer la version qui est ici et qui, je pense, comme je le disais tout à l'heure, va améliorer considérablement la loi.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. S'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 1629 est adopté tel qu'amendé, les articles 1630 et 1631 sont adoptés tels quels et les articles 1632, 1633 et 1634 sont adoptés tels qu'amendés. (15 h 30)

Nous en arrivons maintenant au chapitre septième qui traite de la transmission et des mutations de l'obligation et je demanderais peut-être à M. le député de Sherbrooke de bien vouloir nous lire les commentaires d'introduction qui sont contenus à la page 361 de notre livre de référence.

De la transmission et des mutations de l'obligation

M. Hamel: Merci, M. le Président. Chapitre septième De la transmission et des mutations de l'obligation. L'obligation, en tant que lien de droit, peut en cours d'exécution faire l'objet de transmissions ou de mutations diverses, qui laissent place tantôt à un nouveau, créancier, tantôt à un nouveau débiteur, tantôt à une nouvelle obligation entre les parties et qui emportent, de ce fait, l'application d'une série de règles destinées à circonscrire leurs effets juridiques tant à l'égard des parties, anciennes ou nouvelles, qu'à l'égard des tiers.

Ces règles propres à la transmission et aux mutations de l'obligation qui sont actuellement dispersées au fil du Code ou ailleurs, le Code civil du Québec vient désormais les regrouper dans le présent chapitre, en les complétant ou en les clarifiant à l'aide des enseignements de la doctrine, de la jurisprudence ou de la pratique.

Ainsi, la cession de créance, actuellement réglementée au chapitre De la vente, est désormais abordée au sein des règles propres à la transmission et aux mutations de toute obligation, et elle est complétée par des règles nouvelles relatives à la cession de créances constatées dans un titre au porteur.

Les règles actuelles de la subrogation, ce mécanisme qui permet à une personne de prendre le titre et les droits d'un créancier qu'elle paie et qui est présentement abordé au chapitre Du paiement comme mode d'extinction de l'obligation, sont aussi récupérées ici, sans autres modifications importantes que celles dictées par un souci de concordance avec le nouveau droit des sûretés.

Quant aux règles sur la novation de l'obligation par changement de débiteur, de créancier ou d'objet, elles, sont simplement déplacées, du chapitre De l'extinction de l'obligation au présent chapitre, sans grandes modifications. Il en est de même des règles de la délégation, laquelle a pour effet d'accorder un débiteur supplémentaire au créancier et qui, par tradition, a toujours été abordée en même temps que la novation, d'où la place nouvelle de ses règles.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le député. Alors, j'aimerais appeler les articles . contenus à la section I, qui traite de la cession de créance, et, en particulier, les articles qui touchent la question de la cession de créance en général, les articles 1635 à 1643 inclusivement.

M. Rémillard: II y a trois articles qui sont amendés, M. le Président. Le premier article, 1639, est modifié: 1° par le remplacement, dans la première ligne du premier alinéa, des mots "dès que celui-ci" par ceci: "et aux tiers, dès que le débiteuf ; 2° par la suppression, dans la première ligne du second alinéa, du mot "lui" et par le remplacement, dans les troisième et quatrième lignes du même alinéa, des mots "sa dernière adresse connue ou, si le débiteur" par les mots "la dernière adresse connue du débiteur ou, s'il".

M. le Président, ces modifications complètent la règle dans le sens du droit actuel, en précisant les conditions d'opposabilité de la cession à l'égard des tiers. En raison de ces modifications, l'article 1639 se lirait comme suit: "La cession est opposable au débiteur et aux tiers, dès que le débiteur y a acquiescé ou qu'il a reçu une copie ou un extrait pertinent de l'acte de cession ou, encore, une autre preuve de la cession qui soit opposable au cédant. "Lorsque le débiteur ne peut être trouvé au Québec, la cession est opposable dès la publication d'un avis de la cession, dans un journal distribué dans la localité de la dernière adresse connue du débiteur ou, s'il exploite une entreprise, dans la localité où elle a son principal établissement."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. S'il n'y a pas de commentaires, on peut peut-être passer à l'amendement suivant.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. L'article 1640 est modifié par le remplacement, dans la troisième ligne, des mots "au registre des droits réels mobiliers" par les mots "au registre des droits personnels et réels mobiliers".

Cet amendement n'est que de concordance avec les modifications apportées à l'article 2918. En raison de cet amendement, l'article 1640 se lirait comme suit: "La cession d'une universalité de créances, actuelles ou futures, est opposable aux débiteurs et aux tiers, par l'inscription de la cession au registre des droits personnels et réels mobiliers,

pourvu cependant, quant aux débiteurs qui n'ont pas acquiescé à la cession, que les autres formalités prévues pour leur rendre la cession opposable aient été accomplies."

Mme Harel: M. le ministre nous donne la garantie qu'il y en aura un registre des droits personnels et réels mobiliers? Où en est-il rendu, là, dans...

M. Rémillard: C'est l'intention. Mme Harel: ...l'opérationalisation?

M. Rémillard: C'est l'intention, mais ça va très bien. Il y a des questions techniques, d'aménagements techniques, mais les dernières difficultés, on m'a fait rapport encore dernièrement... Ça va très bien. C'est une question strictement d'aménagements techniques, puis ça va. Il va falloir que ce soit fait, de toute façon, alors ça va se faire.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. S'il n'y a pas d'autres commentaires, j'aimerais peut-être proposer que l'on passe à l'amendement suivant.

M. Rémillard: Oui. Alors, M. le Président, le projet de loi est modifié par l'ajout d'un article 1642.1 qui se lirait comme suit: "La cession n'est opposable à la caution que si les formalités prévues pour rendre la cession opposable au débiteur ont été accomplies à l'égard de la caution elle-même."

Cet amendement apporte une précision qui a paru utile à la protection des droits de la caution, compte tenu de la situation particulière dans laquelle elle se trouve. En raison de cet amendement, le nouvel article 1642.1 se lirait comme suit: "La cession n'est opposable à la caution que si les formalités prévues pour rendre la cession opposable au débiteur ont été accomplies à l'égard de la caution elle-même."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, un commentaire, Me Masse.

M. Masse: M. le Président, cette modification, cet ajout est extrêmement important. Trop souvent, dans les cas de cession de créance, la caution n'est pas avisée, à l'heure actuelle, des changements de la cession de créance et se retrouve coincée. Il apparaissait extrêmement important de mettre au moins la caution sur le même pied que le débiteur principal. C'est ce que fait l'ajout et c'est une excellente chose.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, je souligne que c'est une modification, un ajout que nous avons fait à la suite des commentaires, entre autres, de la Commission des services juridiques. Je le souligne parce que je dois dire que la Commission des services juridiques a fait un travail remarquable dans les commentaires qu'elle nous a fait parvenir. Ça marque la très grande compétence des gens qui travaillent à cette Commission des services juridiques et ça nous amène à faire cet ajout qui vient bonifier, encore une fois, le droit sur un aspect très important, comme le professeur Masse vient de le mentionner.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, les articles 1635, 1636, 1637 et 1638 sont adoptés tels quels, les articles 1639 et 1640 sont adoptés tels qu'amendés et les articles 1641 et 1642 sont adoptés tels quels. Nous adoptons aussi un nouvel article, 1642.1, tel que proposé et l'article 1643 est adopté tel quel. J'aimerais maintenant vous référer aux articles 1644 à 1647 inclusivement qui traitent de la cession d'une créance constatée dans un titre au porteur.

M. Rémillard: M. le Président, nous n'avons pas de modification à ce niveau-là.

Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas de commentaires qui touchent ces articles, donc...

Mme Harel: Attendez, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: 1644, c'est ça. En fait, ce sont les articles portant sur la cession d'une créance constatée dans un titre au porteur.

Le Président (M. Lafrance): Exactement. Mme Harel: 1644 et suivants.

Le Président (M. Lafrance): À 1647 inclusivement.

Mme Harel: Ce sont, finalement, là, des dispositions qui entrent, je pense, en conflit avec les lettres de change, au niveau fédéral.

M. Rémillard: Ce n'est pas comme ça qu'on le voit, M. le Président. Il n'y a pas de conflit. Il peut y avoir complémentarité sur certains aspects, mais il n'y a pas conflit.

Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas d'autres précisions...

Mme Harel: C'est ça. En fait, M. le Président, il faut comprendre...

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Le ministre a beau jeu d'écarter le fait qu'il y ait conflit parce que c'est la loi fédérale qui a préséance, c'est la loi des lettres de change qui a préséance.

M. Rémillard: Mais ce n'est pas une lettre de change, c'est un titre au porteur, ce n'est pas la même chose. C'est vraiment en fonction des obligations et non pas en fonction de lettres de change comme un chèque ou quelque chose comme ça. Alors, la différence, je pense, est assez évidente. Ici, les dispositions que nous avons sont strictement en fonction des obligations, du droit des obligations. Je peux demander au professeur Pineau de compléter mon commentaire.

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, il s'agit effectivement ici d'un titre au porteur, ce qui est tout à fait distinct, un titre au porteur qui, par définition, ne peut pas être endossable et qui, donc, est tout à fait différent de la lettre de change qui est soumise, elle, à la loi fédérale. Un titre au porteur, on pourrait songer éventuellement à un connaissement, qui est un document de transport et qui donne à celui qui détient ce titre un droit sur la marchandise et ce titre pourrait être à une personne dénommée ou tout simplement un titre au porteur, ce qui ne serait certainement pas quelque chose d'extrêmement... qui serait quelque chose qui pourrait être périlleux dans la mesure où on perd le titre et que quelqu'un le ramasse. Mais c'est indépendant tout à fait de la lettre de change.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Me . Pineau. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, les articles 1644, 1645, 1646 et 1647 sont adoptés tel quels. Nous en arrivons aux articles contenus à la section II qui traite de la subrogation et j'appelle les articles 1648 à 1656 inclusivement.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Tout d'abord, II faudrait suspendre l'article 1651 pour plus de discussion et consultation sur l'article 1651 et il y a un amendement à l'article 1656. L'article 1656 serait remplacé par le suivant: "Ceux qui sont subrogés dans les droits d'un même créancier sont payés à proportion de leur part dans le paiement subrogatoire, sauf convention contraire. "

Alors, M. le Président, cet amendement poursuit deux objectifs. D'abord, il vise à étendre la règle aux cas de subrogation conventionnelle. La limitation actuelle de cette règle aux seuls cas de subrogation légale ne se justifiait qu'en raison du fait qu'en cas de subroga- tion conventionnelle la convention pouvait prévoir une répartition non proportionnelle. En réservant, toutefois, les conventions contraires, rien ne s'opposait, désormais, à l'extension proposée.

Ensuite, l'amendement vise à préciser que, par les mots "en proportion de leur créance", l'on entend bien viser la part de chacun dans le paiement subrogatoire, et non la créance qui, pour chacun des subrogés, leur sert de cause au paiement effectué. En raison de cet amendement, l'article 1656 se lirait donc comme suit: "Ceux qui sont subrogés dans les droits d'un même créancier sont payés à proportion de leur part dans le paiement subrogatoire, sauf convention contraire. "

Alors, j'indique, M. le Président, que là, cette fois-ci, ça n'a pas été une erreur de lecture, le mot "légalement", on ne le retrouve pas, on l'enlève parce qu'il s'agissait d'une erreur d'inclure le mot "légalement" dans ce contexte.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a aucun commentaire sur ces articles, les articles 1648, 1649 et 1650 sont donc adoptés tels quels, l'article 1651 est supprimé, les articles 1652, 1653, 1654 et 1655 sont adoptés tels quels...

Une voix: II est suspendu.

Le Président (M. Lafrance): Suspendu. Ah! pardon.

M. Rémillard: II ne faudrait que vous supprimiez tout ce qu'on suspend, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

(15 h 45)

M. Rémillard: Juste 1651.

Le Président (M. Lafrance): J'avais vraiment marqué "supprimé". Je m'excuse. Alors, je reprends, l'article 1651... C'est sans doute, la grippe.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lafrance): L'article 1651 est donc suspendu, les articles 1652, 1653, 1654 et 1655 sont adoptés tels quels et l'article 1656 est adopté tel qu'amendé. Nous en arrivons à la section III qui traite de la novation et j'appelle les articles 1657 à 1663 inclusivement.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Nous avons trois amendements. L'article 1659 est modifié par la suppression, au début de la première ligne, des mots "priorités et les".

Cet amendement ne vise qu'à faire la concordance avec les nouvelles règles introduites

en matière de sûretés, où les priorités ne revêtent pas le caractère d'une sûreté réelle assortie d'un droit de suite. En raison de cet amendement, l'article 1659 se lirait comme suit: "Les hypothèques liées à l'ancienne créance ne passent point à celle qui lui est substituée, à moins que le créancier ne les ait expressément réservées."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas de commentaires, on peut peut-être...

M. Rémillard: Alors, l'article 1660 est modifié, M. le Président: 1° par le remplacement du premier alinéa par le suivant: "Lorsque la novation s'opère par la substitution d'un nouveau débiteur, le nouveau débiteur ne peut opposer au créancier les moyens qu'il pouvait faire valoir contre l'ancien débiteur, ni ceux que l'ancien débiteur avait contre le créancier, à moins, dans ce dernier cas, qu'il ne puisse invoquer la nullité de l'acte qui les liait."; 2° par la suppression, au début du deuxième alinéa, des mots "les priorités et"; 3° par l'ajout, à la fin du deuxième alinéa, de ce qui suit: "Mais elles peuvent passer sur les biens acquis de l'ancien débiteur par le nouveau débiteur, si celui-ci y consent."

M. le Président, la première modification corrige l'énoncé de la règle dans un sens qui correspond au droit actuel, tel qu'il ressort de l'article 1180 du Code civil du Bas Canada. La deuxième modification est de même nature que celle qui est apportée à l'article 1659 et elle se justifie pour des motifs identiques. Quant à la dernière modification, elle clarifie la règle de l'alinéa afin de permettre expressément que les hypothèques, liées à l'ancienne créance, puissent subsister sur le bien qu'acquiert le nouveau débiteur auprès de l'ancien, dès lors que le nouveau débiteur y consent. En raison de ces modifications, l'article 1660 se lirait comme suit: "Lorsque la novation s'opère pas la substitution d'un nouveau débiteur"... Excusez-moi.

Une voix: "S'opère par".

M. Rémillard: II y a une erreur dans la rédaction, ce n'est pas une erreur de lecture...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: "Lorsque la novation s'opère par la substitution d'un nouveau débiteur, le nouveau débiteur ne peut opposer au créancier les moyens qu'il pouvait faire valoir contre l'ancien débiteur, ni ceux que l'ancien débiteur avait contre le créancier, à moins, dans ce dernier cas, qu'il ne puisse invoquer la nullité de l'acte qui les liait. "De plus, les hypothèques liées à l'ancienne créance ne peuvent point passer sur les biens du nouveau débiteur; et elles ne peuvent point, non plus, être réservées sur les biens de l'ancien débiteur sans son consentement. Mais elles peuvent passer sur les biens acquis de l'ancien débiteur par le nouveau débiteur, si celui-ci y consent."

Alors, M. le Président, je remarque dans la rédaction française qu'on utilise "point", ce qui est une forme élégante de négation, mais aussi très significative dans les cas que nous voulons signifier.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas de commentaires, on pourrait peut-être passer à l'amendement suivant qui touche l'article 1661, je pense.

M. Rémillard: Alors, l'article 1661 est modifié par la suppression, dans la deuxième ligne, des mots "les priorités et".

Cet amendement est de même nature que celui qui est apporté à l'article 1659 et il se justifie pour des motifs identiques. En raison de cet amendement, l'article 1661 se lirait comme suit: "Lorsque la novation s'opère entre le créancier et l'un des débiteurs solidaires, les hypothèques liées à l'ancienne créance ne peuvent être réservées que sur les biens du codébiteur qui contracte la nouvelle dette."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas de commentaires, les articles 1657 et 1658 sont adoptés tels quels, l'article 1659 ainsi que l'article 1660 et l'article 1661 sont adoptés tels qu'amendés et les articles 1662et 1663 sont adoptés tels quels.

J'aimerais maintenant vous référer à la section IV qui traite de la délégation et appeler les articles 1664 à 1667 inclusivement.

M. Rémillard: Nous avons un amendement, M. le Président, à l'article 1665. L'article 1665 est modifié par la suppression du second alinéa. Cet amendement, qui opère un retour au droit actuel en la matière, a paru s'Imposer afin d'éviter les risques de confusion que la règle pouvait faire naître entre la délégation et le cautionnement. En raison de cet amendement, l'article 1665 se lirait comme suit: "Le créancier délégataire, s'il accepte la délégation, conserve ses droits contre le débiteur délégant, à moins qu'il ne soit évident que le créancier entend décharger ce débiteur."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. S'il n'y a aucun commentaire, l'article 1664 est donc adopté tel quel, l'article 1665 est adopté tel qu'amendé et les articles 1666 et 1667 sont adoptés tels quels.

Avant d'entreprendre le chapitre huitième, j'aimerais peut-être proposer qu'on prenne 10

minutes, si vous êtes d'accord, M. le ministre, ou si vous désirez continuer?

M. Rémillard: II y a deux possibilités. On peut le faire immédiatement ou on peut le faire aussi quand on aura épuisé le titre, avant de revenir sur les articles suspendus.

Mme Harel: Oui.

M. Rémillard: Oui. Alors, si la commission est d'accord, comme ça, ça nous permettrait de garder notre erre d'aller.

Le Président (M. Lafrance): Vous voulez dire, lire les propos tout de suite?

Mme Harel: Oui...

M. Rémillard: Non, juste continuer avec nos amendements et tout.

Mme Harel: Au chapitre huitième, il faut...

Le Président (M. Lafrance): Parce qu'on change de chapitre.

M. Rémillard: Oui. On lira ça tout de suite.

De l'extinction de l'obligation

Le Président (M. Lafrance): Permettez-moi de lire les propos d'introduction au chapitre huitième qui traite de l'extinction de l'obligation.

L'obligation peut s'éteindre pour plusieurs causes, dont certaines sont prévisibles ou volontaires, telles que le paiement, l'arrivée d'un terme extinctif, l'effet d'une condition résolutoire ou la novation, alors que d'autres le sont moins, telles que la compensation des dettes, la confusion des qualités de créancier et de débiteur, la remise de dette ou l'impossibilité d'exécuter l'obligation.

Le Code civil du Québec, au chapitre De l'extinction de l'obligation, reprend l'ensemble des dispositions du Code actuel relatives à la compensation, à la confusion, à la remise et à l'impossibilité d'exécuter l'obligation comme principales causes d'extinction. Outre les modifications destinées à simplifier ou à clarifier les règles actuelles, peu de modifications d'importance sont apportées en ces matières.

À propos de la compensation, l'on prévoit une règle empêchant d'invoquer la compensation contre l'État, et le droit à la liquidation judiciaire d'une dette est reconnu.

Les dispositions actuelles de la confusion sont reprises en substance, mais s'y trouvent désormais ajoutées certaines règles qui régissent la situation de concours des qualités de créancier et de codébiteur solidaire ou de débiteur et de cocréancier solidaire.

Concernant la remise, les textes actuels sont reproduits sous une forme simplifiée, sauf qu'on définit davantage la nature et les caractères de la remise et qu'on étend à toute sûreté, réelle ou personnelle, le principe actuel voulant que la remise d'un nantissement n'emporte pas, en règle générale, la remise de la dette garantie.

Quant à l'impossibilité d'exécuter l'obligation, les dispositions nouvelles codifient les deux volets d'application du principe res périt debitori: la libération du débiteur en cas de force majeure, et l'impossibilité d'exiger l'exécution de l'obligation réciproque. L'on prévoit toutefois qu'en cas de perte partielle ou d'impossibilité partielle, seulement, le débiteur demeure tenu à ce qui reste et le créancier demeure, lui, tenu jusqu'à concurrence de son enrichissement.

Est-ce que vous désirez, à ce stade-ci, qu'on arrête quelques minutes ou qu'on appelle les articles suivants?

M. Rémillard: On pourrait continuer, je pense que c'est le, voeu des membres de la commission.

Le Président (M. Lafrance): Oui, d'accord. Alors, j'appelle donc l'article 1668 qui traite de la disposition générale.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Aucun amendement pour cet article. Aucun commentaire. Donc, l'article 1668 est adopté tel quel. J'appelle les articles contenus à la section II qui traite de la compensation, les articles 1669 à 1679 inclusivement.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, il y aurait deux amendements, un à 1669 et un autre à 1673. En ce qui regarde 1669, l'article 1669 est modifié par le remplacement du deuxième alinéa par le suivant: "La compensation ne peut être invoquée contre l'État, mais celui-ci peut s'en prévaloir."

L'amendement vise à supprimer tout doute quant à la portée de l'expression "à l'égard de l'État". En raison de cet amendement, l'article 1669 se lirait comme suit: "Lorsque deux personnes se trouvent réciproquement débitrices et créancières l'une de l'autre, les dettes auxquelles elles sont tenues s'éteignent par compensation jusqu'à concurrence de la moindre. "La compensation ne peut être invoquée contre l'État, mais celui-ci peut s'en prévaloir."

Mme Harel: Alors, M. le Président, hier soir, je prenais connaissance des amendements que le ministre entendait apporter et je dois dire que celui-ci m'a fait réfléchir, d'autant plus qu'il n'y a aucune balise réglementaire qui vienne freiner la capacité de l'État de se faire justice

lui-même. Alors, je me demandais si on n'aurait pas intérêt à examiner, si tant est que cette compensation ne devait pas avoir lieu par voie réglementaire...

Je vous donne un exemple, le programme APPORT. Le ministre est sans doute au courant des tuiles qui sont tombées sur la tête des prestataires du programme APPORT, qui est un programme de supplément au revenu de travail pour des travailleurs à faibles revenus qui ont charge d'enfants et qui, du fait de s'y être inscrits pendant l'année, ont eu la mauvaise surprise deux ans plus tard, en février 1991, cette année, de recevoir une réclamation pour deux années antérieures, compte tenu de calculs qui, une fois complétés dans l'année, ne donnaient pas lieu à l'octroi de prestations mensuelles compte tenu de changements intervenus en cours de route. Alors, il y a là des données bureaucratiques sur lesquelles les gens n'ont pas de contrôle durant l'année, puis, à la fin de l'année, au moment où ils ont à faire un rapport d'impôt, ils se trouvent à être pris dans la tourmente d'un calcul qui leur échappe, qu'ils ne peuvent pas faire eux-mêmes, que seul l'ordinateur fait, que même un agent, d'ailleurs, d'aide sociale ne peut pas faire à leur place, qu'il ne peut pas faire lui-même, qu'il fait faire par l'ordinateur. Et dans le cas, par exemple, d'un programme comme APPORT, c'est, finalement, la moitié des bénéficiaires qui se sont vu réclamer une prestation qui leur avait pourtant été versée.

Alors, cette capacité de l'État de se compenser sans même qu'il y ait des règles, je dois dire que ça a provoqué des problèmes tels que le Protecteur du citoyen lui-même a conduit une enquête sur cette question-là. Je ne l'ai malheureusement pas apporté avec moi, mais je relisais hier ce que le Protecteur du citoyen en disait dans son mémoire transmis à l'Assemblée au mois de décembre dernier. Il me semble que c'est vite dit, mais que ça engendre des problèmes assez considérables. (16 heures)

Le Président (M. Lafrance): Merci. M. le ministre.

M. Rémillard: Je peux comprendre, M. le Président, que de faire cet article peut soulever des questions et je pense que, de part et d'autre, nous ne voulons pas non plus que l'État se retrouve dans une situation où il pourrait être porté à abuser de son autorité et de son pouvoir. Alors, je suis bien prêt à suspendre cet article pour pouvoir en discuter de nouveau.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Donc, sur le même article, M. le député de Westmount?

M. Holden: Oui. Je me demandais pourquoi on l'avait ajouté. L'État n'est pas comme d'au- tres personnes? Il peut demander la compensation comme n'importe qui. Pourquoi on a amendé ça, M. le ministre?

M. Rémillard: Je vais demander à Mme la sous-ministre, Mme Morency, de donner un commentaire à ce niveau-là.

Le Président (M. Lafrance): Mme la sous-ministre.

Mme Morency (Lise): Je n'ai pas la mémoire des numéros.

Le Président (M. Lafrance): 1669.

M. Holden: On devrait faire un autre article.

Mme Morency: Non, c'est qu'une des raisons pour lesquelles... D'abord, c'était déjà prévu au projet de loi présenté. Il s'agit ici d'une réécriture dans la proposition de modification. Une des raisons pour lesquelles c'est expressément prévu à l'article 1669, c'est le fait qu'on ait prévu de façon assez claire à 1373 que les règles du présent livre s'appliquent à l'État et, dans les faits, actuellement, l'État bénéficie de ce droit de compensation et on ne peut lui opposer non plus. Alors, on se devait de l'écrire étant donné la règle générale qui est posée à 1373.

M. Rémillard: M. le Président, je ne vous cache pas que je voulais aussi soumettre l'article ici pour voir la réaction, les commentaires qu'on pouvait avoir de cette commission parce que c'est certainement un article qui peut soulever des commentaires. Alors, si d'autres membres de cette commission ont des commentaires à faire sur cet article, je crois que la décision que nous pouvons prendre, c'est de suspendre et de retravailler cet article, de consulter de nouveau et de revenir un peu plus tard.

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, M. le ministre. Oui, Me Masse.

M. Masse: Dans le fond, M. le Président, ce qu'on invoque souvent pour justifier l'alinéa 2, c'est la difficulté pour l'État de savoir quel est l'état de ses dettes et des créances qu'il peut percevoir des citoyens. On dit: Écoutez, si le ministère du Revenu doit 12 000 $ à un contribuable et qu'un autre ministère a une réclamation de 6000 $ contre le même contribuable, c'est extrêmement difficile à administrer. Le paradoxe, c'est que dans le même alinéa l'État réclame le bénéfice de la compensation. Donc, quand ça fart son affaire, il a suffisamment d'informations pour compenser automatiquement. Là, il y a un double langage qui est difficile à justifier à ce point de vue là et je suis heureux de voir qu'on va pouvoir continuer à en discuter.

M. Rémillard: De fait, M. le Président, ce que soulève le professeur Masse est une question qu'on doit se poser: le double langage au profit de l'État, et un profit qui peut peut-être, à un moment donné, être trop fort. Et c'est un genre d'article où, moi, je ne mets pas de côté la possibilité qu'on demande à quelqu'un des Finances ou du Revenu de venir devant nous et de nous expliquer la difficulté et ce qui se passe avant de prendre une décision à ce niveau-là. Alors, si vous permettez, M. le Président, je suspendrais. On va s'en reparler de part et d'autre, avec cette possibilité de faire témoigner devant cette commission des gens des Finances ou du Revenu.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 1669 est donc laissé en suspens. Je pense que l'amendement suivant touche l'article 1673.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. À la première ligne du deuxième alinéa de l'article 1673, il s'agit de remplacer le mot "posé" par "fait". Alors, l'amendement apporte une correction terminologique, M. le Président. En raison de cet amendement, l'article 1673 se lirait comme suit: "La compensation s'opère quelle que soit la cause de l'obligation d'où résulte la dette. "Elle n'a pas lieu, cependant, si la créance résuite d'un acte fait dans l'intention de nuire ou si la dette a pour objet un bien insaisissable. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Aucun commentaire? S'il n'y a pas d'autres commentaires touchant cette section ou d'autres amendements à proposer, les articles 1670, 1671 et 1672 sont adoptés tels quels. L'article 1673 est adopté tel qu'amendé et les articles 1674, 1675, 1676, 1677, 1678 et 1679 sont donc adoptés tels quels.

Nous en arrivons aux articles contenus à la section III qui traite de la confusion, et j'appelle les articles 1680 à 1683 inclusivement.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a aucun... Oui, Me Masse.

M. Masse: Pour une fois, M. le Président, les règles sur la confusion sont claires.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lafrance): D'accord. Alors, les articles 1680 à 1683 inclusivement sont donc adoptés tels quels.

J'appelle les articles contenus à la section IV qui traite de la remise, soit les articles 1684 à 1689 inclusivement.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. S'il n'y a pas de commentaires, les articles 1684 à 1689 inclusivement sont adoptés tels quels.

Nous en arrivons à la section V qui traite de l'impossibilité d'exécuter l'obligation, et j'appelle les articles 1690 et 1691.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas de commentaires, ces deux articles, 1690 et 1691, sont donc adoptés tels quels.

Nous en arrivons donc au chapitre neuvième qui traite de la restitution des prestations et je demanderais peut-être à M. le député de Chapleau de nous lire les commentaires d'introduction.

De la restitution des prestations

M. Kehoe: De la restitution des prestations, articles 1692 à 1700. La nullité ou la résolution d'un acte juridique ont ceci de commun qu'elles emportent l'anéantissement rétroactif de cet acte: tout se passe alors, en principe, comme si cet acte n'avait jamais existé.

Conséquemment, les intéressés, parties ou non à l'acte, doivent être, d'un point de vue tant juridique que matériel ou économique, replacés dans le même état que celui dans lequel ils se seraient trouvés en l'absence de l'acte anéanti. Il y a alors lieu à la remise en état des intéressés ou, plus précisément, à la restitution des prestations reçues en vertu de l'acte.

En droit actuel, le Code civil comporte certaines solutions aux difficultés que pose la restitution des prestations. Mais ces solutions demeurent ponctuelles et fragmentaires et sont dispersées, au détriment de l'uniformité des règles. Certes, la doctrine et la jurisprudence ont bien souvent dû combler ces lacunes mais, là encore, de façon ponctuelle et incomplète et sans, parfois, toute la cohérence voulue dans les réponses fournies.

Le Code civil du Québec, devant ces lacunes et afin d'offrir un corps de règles claires, essentielles à la stabilité et à la cohérence du droit en cette matière, regroupe désormais, sur la base des solutions actuelles et des propositions de l'Office de révision, toutes les règles de la restitution des prestations dans le présent chapitre.

Axée autour des notions de bonne ou de mauvaise foi et de responsabilité, la réglementation introduite traite ainsi des conditions généra-

les de la restitution et de ses modalités liées aux modes de restitution, en nature ou par équivalent, au sort des aliénations ou pertes, des détériorations ou dépréciations de valeur, des indemnités de remplacement, des impenses, des fruits, revenus et indemnités de jouissance ainsi que des frais de la restitution et du régime d'exception applicable aux personnes protégées. La réglementation proposée aborde enfin les effets de la restitution des prestations à l'égard des tiers.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le député. J'aimerais maintenant vous référer à la section I qui traite des circonstances dans lesquelles a lieu la restitution et appeler l'article 1692.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le Président, à cet article.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas de commentaires... Oui? Me Masse.

M. Masse: M. le Président, l'article 1692, qui gouverne les circonstances dans lesquelles a lieu la restitution, est une disposition très importante. Vous noterez qu'au deuxième alinéa le codificateur se propose de donner au juge un pouvoir relativement étendu de contrôle d'équité des conditions de la restitution ou de ce qu'on appelle actuellement la remise en état.

C'est après un examen attentif que nous croyons que cette règle-là n'est pas abusive, mais en insistant sur le fait que c'est un pouvoir, comme dit l'alinéa, exceptionnel et que ce n'est que dans les cas où la restitution accorderait un avantage indu que le tribunal pourrait intervenir. Donc, nous avions - et nous avons encore - un certain nombre de craintes sur l'extension trop considérable des règles d'équité des pouvoirs judiciaires y relatifs, mais, compte tenu du contexte étroit de l'alinéa 2, nous croyons que nous pouvons, bien sûr, collectivement, faire l'essai de cette disposition qui est nouvelle.

Le Président (M. Lafrance): Merci, maître. M. le ministre.

M. Rémillard: J'aimerais demander au professeur Pineau de faire un commentaire, si vous voulez, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Me Pineau.

M. Pineau: Merci, M. le Président. Ce chapitre neuvième est un essai de synthèse de toute cette question qui touche la restitution des prestations lorsqu'un contrat a été annulé ou lorsqu'un contrat a été anéanti par résolution, par exemple, donc de façon rétroactive. Dans l'article 1692, alinéa second, il y a en effet une possibilité pour le tribunal d'exercer un pouvoir exceptionnel et de refuser la restitution dans certains cas. On peut penser à l'application de la règle actuelle; selon la fameuse règle actuelle, on ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, notamment dans les contrats qui sont nuls sur la base de l'immoralité de la cause. Il ne s'agit pas de refuser la nullité du contrat mais de refuser la restitution. C'est sans doute un pouvoir qui est utile; peut-être les tribunaux devraient-ils ne pas trop en abuser, mais il y a certaines situations, effectivement, où il y aurait lieu d'envisager, éventuellement, le refus de la restitution.

M. Rémillard: M. le Président, il me semble que dans les 30 dernières années le droit a beaucoup évolué - comme notre société d'ailleurs, à bien des égards - et même, d'une façon particulière, si on se réfère au début des années soixante-dix, en droit administratif, en droit public, cette notion d'équité a été tout particulièrement développée. On pense à la notion de "fairness". On sait que, dans le Code civil du Bas Canada, on parle aussi, à la section VI, de l'équité dans certains contrats, donc de la notion d'équité qui a été évoquée. (16 h 15)

Pour ma part, M. le Président, la justice, c'est de l'équité. On a peut-être donné un sens un petit peu péjoratif, nous, dans certains milieux, à cette notion d'équité. Mais, M. le Président, il ne faut pas comprendre l'équité comme étant la possibilité pour le tribunal de décider, si vous me permettez l'expression, tous azimuts, mais bien en fonction de balises données par le législateur. Et c'est exactement la situation que nous avons dans ce deuxième alinéa de l'article 1692, une règle qui se réfère quand même à un encadrement qui m'apparaft, en tout cas, suffisant pour assurer que, d'une part, le tribunal pourra apprécier une situation et que, d'autre part, cette appréciation se réfère à un contexte bien particulier.

Alors, M. le Président, pour ma part, ça ne me cause pas de difficultés d'aborder ainsi cette notion d'équité dans un texte. On verra probablement aussi, dans l'évolution de ce droit, comment on peut apprécier, dans les prochaines années, une telle règle. Mais je crois qu'elle fait partie de l'évolution de notre droit et de l'évolution de notre situation juridique dans le contexte de notre société contemporaine.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre pour ces précisions. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 1692 est donc adopté tel quel. J'aimerais appeler les sept articles suivants contenus à la section II qui traite des modalités de la restitution, soit les articles 1693 à 1699 inclusivement.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Nous avons trois amendements. Le premier amendement, à l'article 1694:

L'article 1694 est modifié: 1° par l'ajout, dans la première ligne du premier alinéa, après le mot "perte", du mot "totale"; 2° par le remplacement, dans la quatrième ligne du premier alinéa, des mots "de sa restitution, suivant le montant le moins élevé" par les mots "encore au moment de la restitution, suivant la moindre de ces valeurs"; 3° par la suppression, dans la cinquième ligne du premier alinéa, des mots "à son fait ou"; 4° par le remplacement, dans la dernière ligne du premier alinéa, des mots "le montant le plus élevé" par les mots "la valeur la plus élevée"; 5° par l'ajout, à la fin du deuxième alinéa de ce qui suit: "; lorsque le débiteur est de mauvaise foi ou que la cause de restitution est due à sa faute, il n'est dispensé de la restitution que si le bien eût également péri entre les mains du créancier."

M. le Président, la première modification apporte une précision de concordance avec d'autres dispositions du projet, afin d'éviter que le mot "perte" ne soit perçu comme couvrant également la perte partielle. La deuxième modification corrige le texte de manière à préciser qu'il est bien question ici du moment de la restitution par équivalent et non de celui de la restitution même, en nature, du bien qui a péri ou a été aliéné; elle maintient, par ailleurs, l'utilisation du terme "valeur" précédemment utilisé. La troisième modification a pour but d'assujettir le débiteur de l'obligation de restitution qui est de bonne foi, parce que la cause de restitution n'est due qu'à son fait et non à sa faute, au régime général, moins lourd, que prévoit la première partie de l'alinéa. Cette solution a paru préférable, à la réflexion, à celle qui était proposée à l'origine. La quatrième modification est de concordance et, quant à la dernière modification, elle vise à assurer une meilleure cohérence avec la règle de l'article 1690, En raison de ces modifications, l'article 1694 se lirait comme suit: "En cas de perte totale ou d'aliénation du bien sujet à restitution, celui qui a l'obligation de restituer est tenu de rendre la valeur du bien, considérée au moment de sa réception, de sa perte ou aliénation, ou encore au moment de la restitution, suivant la moindre de ces valeurs; mais s'il est de mauvaise foi ou si la cause de restitution est due à sa faute, la restitution se fait suivant la valeur la plus élevée. "Le débiteur est cependant dispensé de toute restitution si le bien a péri par force majeure, mais il doit alors céder au créancier, le cas échéant, l'indemnité qu'il a reçue pour cette perte, ou le droit à cette indemnité s'il ne l'a pas déjà reçue; lorsque le débiteur est de mauvaise foi ou que la cause de restitution est due à sa faute, il n'est dispensé de la restitution que si le bien eût également péri entre les mains du créancier."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas de commentaires, est-ce qu'on peut procéder à l'amendement suivant? Je pense qu'il traite de 1695.

M. Rémillard: L'article 1695 est remplacé par le suivant: "Lorsque le bien qu'il rend a subi une perte partielle, telle une détérioration ou une autre dépréciation de valeur, celui qui a l'obligation de restituer est tenu d'indemniser le créancier pour cette perte, à moins que celle-ci ne résulte de l'usage normal du bien."

M. lé Président, cet amendement constitue le pendant de la première modification apportée à l'article 1694. Il vise à opposer clairement les règles de ce dernier article a celles du présent article, tout en illustrant la notion de perte partielle introduite. En raison de cet amendement, l'article 1695 se lirait comme suit: "Lorsque le bien qu'il rend a subi une perte partielle, telle une détérioration ou une autre dépréciation de valeur, celui qui a l'obligation de restituer est tenu d'indemniser le créancier pour cette perte, à moins que celle-ci ne résulte de l'usage normal du bien."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Je pense que l'article suivant qui est touché par un amendement est 1699.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. L'article 1699 est modifié par le remplacement, dans les deux dernières lignes du second alinéa, des mots "par leur fait et que celui-ci équivaut à une faute lourde" par les mots "par leur faute intentionnelle ou lourde". Cet amendement vise à soustraire clairement les personnes non douées de raison de l'application de la règle, ce que ne permettait pas le mot "fait". En raison de cet amendement, l'article 1699 se lirait comme suit: "Les personnes protégées ne sont tenues à la restitution des prestations que jusqu'à concurrence de l'enrichissement qu'elles en conservent; la preuve de cet enrichissement incombe à celui qui exige la restitution. "Elles peuvent, toutefois, être tenues à la restitution intégrale lorsqu'elles ont rendu impossible la restitution par leur faute intentionnelle ou lourde."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, un commentaire? Me Masse?

M. Masse: M. le Président, à la réflexion, je suggérerais que cette disposition soit suspendue. On a encore des difficultés pratiques à concilier le fait de la faute intentionnelle ou lourde avec les cas, les situations des personnes protégées. Je crois que c'est un des seuls articles qu'on pourrait garder en suspens. Je crois que, là-dessus, même si nous avions donné notre accord

de principe, nous aimerions que la discussion continue sur cet aspect.

Le Président (M. Lafrance): M. le ministre? M. Rémillard: Très bien, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 1693 est adopté tel quel; les articles 1694 et 1695 sont adoptés tels qu'amendés; les articles 1696, 1697 et 1698 sont adoptés tels quels et l'article 1699 est donc laissé en suspens. J'aimerais maintenant appeler l'article 1700 qui est, en fait, la section III qui traite de la situation des tiers à l'égard de la restitution.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendements, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Aucun commentaire? Donc, l'article 1700 est adopté tel quel.

M. Rémillard: M. le Président, avant d'ajourner pour quelques minutes, Mme Longtin vient de me soumettre une petite pensée d'Euripide que j'aimerais laisser à cette commission. Je cite Euripide, M. le Président: "Jamais, en dehors de la justice, nul ne trouve le bonheur...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: ...mais, sur l'équité, l'homme peut fonder l'espoir d'éviter sa ruine." On peut ajourner, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): C'est effectivement une pensée très profonde, M. le ministre. Alors, nous allons donc suspendre pour une dizaine de minutes. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 25)

(Reprise à 16 h 56)

Articles en suspens

Le Président (M. Lafrance): Nous avons le quorum, alors, j'aimerais donc déclarer la séance ouverte et reprendre nos travaux. Je pense qu'à ce stade-ci nous voulons revenir en arrière pour considérer les articles qui ont été laissés en suspens ou peut-être les articles qu'on a convenu de rouvrir.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. C'est des articles que nous avons laissés en suspens et qu'il importe maintenant de revoir. Des articles à partir de 1368. Il y a un certain nombre d'articles qui ont été laissés en suspens et que nous devons maintenant revoir. Alors, M. le Président, en appelant ces articles je pourrais vous dire qu'il y a encore des articles qu'on laisserait en suspens. Il y a au moins trois articles qu'on veut encore garder en consultation et en discussion tandis que les autres, nous sommes prêts à en discuter maintenant.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, si je comprends bien 1376, 1381 et 1388 sont laissés en suspens.

M. Rémillard: Non. 1376 et 1381 seraient laissés en suspens, M. le Président, alors que 1388, nous sommes prêts à en discuter, à le voir.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. Alors, j'appelle donc l'article 1388.

M. Rémillard: il n'y a pas de modification comme tel, M. le Président. Les experts se sont parlé, les légistes aussi et nous n'avons pas d'autres commentaires.

Le Président (M. Lafrance): Oui. Me Masse.

M. Masse: Nous avions des interrogations, M. le Président, à l'égard des effets du décès, dans le cas d'une offre assortie d'un délai. Réflexion faite, compte tenu des corrections apportées à l'offre de récompense de l'article 1391, il nous apparaît opportun de permettre la caducité de l'offre dans le cas du décès et de la faillite, dans tous les cas. Donc, après mûre discussion et échanges, il semble que ce soit plus opportun comme ça.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 1388 est donc adopté tel quel. J'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, soit l'article 1398.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Il y aurait une modification puisque nous faisons la suppression de l'article 1398. L'article 1398 disparaît parce que la définition du contrat de consommation qui est comprise dans l'article 1381, de même que les règles ou mentions nouvelles introduites aux articles 1428, 1431, 1432 et 1433 ont paru, à la réflexion, suffire à assurer les liens souhaités entre le Code civil et la Loi sur la protection du consommateur sans qu'il soit nécessaire, comme ici, de rapatrier au Code des dispositions de la nature de celles que comporte le présent article.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

M. Rémillard: Et le Barreau et la Chambre des notaires, les deux corporations professionnelles avaient plaidé en ce sens.

Mme Harel: Également, M. le Président, le

comité aviseur sur les grandes orientations de la réforme qui était présidé par le juge Beaudoin.

M. Rémillard: Exactement.

Le Président (M. Lafrance): L'article 1398, qui avait été laissé en suspens, est donc supprimé. J'appelle l'article suivant, qui avait été laissé en suspens, l'article 1400.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le Président, à l'article 1400.

Le Président (M. Lafrance): Aucun commentaire? Oui, Me Masse.

M. Masse: L'acceptation de l'article 1400, tel quel, est directement liée au fait que nous avons convenu d'une rédaction quant à l'article 7 pour la définition de l'abus de droit. Donc, ça ne pose plus de problème.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, l'article 1400 est donc adopté tel quel. J'appelle...

Mme Harel: D'ailleurs, M. le Président... Le Président (M. Lafrance): Pardon?

Mme Harel: Est-ce qu'il ne serait pas opportun, à ce moment-ci, de faire tout de suite l'examen de l'article 7 qui avait été suspendu en fonction, justement, d'un examen plus attentif qu'on devait faire du droit des obligations?

M. Rémillard: On m'a informé tout à l'heure que les commentaires du Barreau ne nous sont pas encore parvenus; ceux de la Chambre des notaires non plus.

Mme Harel: Sur l'article 7?

M. Rémillard: Ni la Chambre des notaires, ni le Barreau, et on aimerait bien qu'ils aient le temps...

Mme Harel: Certainement.

M. Rémillard:... de faire leurs commentaires sur cet article-là.

Mme Harel: Certainement.

Le Président (M. Lafrance): Merci.

Mme Harel: Mais ça reste un élément quand même très très important. Ça reste un élément central, M. le Président, dans la charpente de ce qu'on est en train d'introduire comme modifications.

M. Rémillard: Oui. C'est tellement vrai, M. le Président, que c'est pour ça qu'il faut donner le temps à nos corporations professionnelles de nous faire des commentaires et qu'on puisse en discuter pleinement ici.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, l'article 1400, qui avait été laissé en suspens, est donc adopté tel quel. J'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, l'article 1402.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, j'ai un amendement à vous présenter. L'article 1402 est remplacé par le suivant: "Outre les cas expressément prévus par la loi, la lésion ne vicie le consentement qu'à l'égard des mineurs et des majeurs protégés. "

Cet amendement vise à indiquer plus clairement le caractère exceptionnel de la lésion dans des cas autres que ceux qui impliquent des mineurs ou des majeurs sous un régime de protection. Il comble également une omission à l'égard du majeur pourvu d'un conseiller, majeur qui peut lui aussi invoquer lésion pour les actes qui requièrent l'assistance de son conseiller. En raison de cet amendement, l'article 1402 se lirait comme suit: "Outre les cas expressément prévus par la loi, la lésion ne vicie le consentement qu'à l'égard des mineurs et des majeurs protégés. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Donc, à l'article 1402, il y avait eu une proposition d'amendement; c'est donc retiré et remplacé par l'amendement tel que M. le ministre vient de le lire. Est-ce qu'il y a des commentaires?

Mme Harel: 1402. 1 est suspendu?

Le Président (M. Lafrance): II y avait l'article 1402. 1 que j'avais en note, moi.

Mme Harel: II est toujours suspendu. C'est-à-dire qu'on va le suspendre, mais il y a présentement un échange entre les légistes et les juristes sur 1402. 1.

Une voix: II n'a pas été présenté officiellement.

M. Rémillard: C'est ça. On m'informe qu'il n'a pas été présenté officiellement, M. le Président. Nous sommes toujours en discussion.

Le Président (M. Lafrance): Alors, si je comprends bien, l'article 1402... Est-ce qu'on désire adopter l'article 1402 tel qu'amendé?

M. Rémillard: L'article 1402 ne pose pas de difficulté mais ensuite, il restera à...

Le Président (M. Lafrance): L'article 1402. 1

M. Rémillard: À 1402. 1, qui sera discuté, on

verra à le présenter.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. Alors, l'article 1402 est donc adopté tel qu'amendé et l'article 1402. 1 est laissé en suspens.

M. Rémillard: Je pense que ce n'est pas suspendu parce que ça n'a pas été présenté. Nous sommes toujours à y travailler et on y viendra.

Le Président (M. Lafrance): L'article 1402. 1 n'a jamais été... Oui. Il y a possibilité, si je comprends bien, d'ajouter un nouvel article 1402. 1 qui n'a jamais, en fait, été présenté.

M. Rémillard: Voilà. Nous y travaillons, M. le Président, et nous croyons que, dans un avenir assez prochain, on pourra présenter un amendement pour ajouter l'article 1402. 1.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, j'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, soit l'article 1407.

M. Rémillard: Oui, 1407 est modifié par la suppression, dans la première ligne, de ce qui suit: "de nullité absolue". Cet amendement vise à éviter que la notion d'ordre public ne soit nécessairement assimilée à la notion d'intérêt général dont il est question à l'article 1413. La notion d'ordre public est protéiforme et rejoint tantôt la notion d'intérêt général, comme ici, tantôt celle d'intérêt privé ou particulier lorsque l'ordre public visé en est un de protection de tels intérêts. En raison de cet amendement, l'article 1407 se lirait comme suit: "Est nul le contrat dont la cause est prohibée par la loi ou contraire à l'ordre public. " Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas de commentaire, l'article 1407 est adopté tel qu'amendé. J'appelle l'article suivant laissé en suspens, 1408.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Cet article est modifié par l'ajout, à la fin, de ce qui suit: "telle qu'elle ressort de l'ensemble des droits et obligations que le contrat fait naître. "

Cet amendement propose une définition de l'objet du contrat destinée à mieux préciser la portée de l'opération juridique envisagée par les parties, opération juridique dont la détermination suppose l'examen de l'ensemble des droits et obligations que le contrat fait naître. En raison de cet amendement, l'article 1408 se lirait comme suit: "L'objet du contrat est l'opération juridique envisagée par les parties au moment de sa conclusion, telle qu'elle ressort de l'ensemble des droits et obligations que le contrat fait naître. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas de commentaires, l'article 1408 est donc adopté tel qu'amendé. J'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, soit l'article 1409.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Cet article est modifié par la suppression, dans la première ligne, de ce qui suit: "de nullité absolue". Cet amendement est de même nature que celui qui est proposé à l'article 1407 et se justifie pour des motifs identiques. En raison de cet amendement, l'article 1409 se lirait comme suit: "Est nul le contrat dont l'objet est prohibé par la loi ou contraire à l'ordre public. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. S'il n'y a pas de commentaires, l'article 1409 est donc adopté tel qu'amendé. J'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, soit l'article 1413.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. L'article 1413 est modifié par la suppression, dans la deuxième ligne, des mots "est essentielle ou". Cet amendement supprime une mention qui n'ajoutait rien à la règle, mais qui risquait, par contre, de susciter inutilement des difficultés d'interprétation en rapport avec le vice de consentement que constitue l'erreur portant sur un élément essentiel qui a déterminé le consentement, erreur pourtant sanctionnée de nullité relative en vertu de l'article 1415. En raison de cet amendement, l'article 1413 se lirait comme suit: "La nullité d'un contrat est absolue lorsque la condition de formation qu'elle sanctionne s'impose pour la protection de l'intérêt général. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. S'il n'y a aucun commentaire, l'article 1413 est donc adopté tel qu'amendé et j'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, l'article 1415.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a aucun commentaire, l'article 1415 est donc adopté tel quel et j'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, soit l'article 1428.

M. Rémillard: II y a une modification, M. le Président, à l'article 1428. Il est modifié par le remplacement de tout ce qui suit les mots "le contrat s'interprète" par ceci: "en faveur de celui qui a contracté l'obligation et contre celui qui l'a stipulée. Dans tous les cas, il s'interprète en faveur de l'adhérent ou du consommateur".

Cet amendement vise à rapprocher le texte de celui de l'article 1019 du Code civil du Bas Canada dont il est tiré. Il évite les difficultés que pose dans certains cas la détermination du

débiteur et du créancier d'une obligation ou encore le fait que les termes ambigus d'un contrat ne sont pas nécessairement tous relatifs à des obligations proprement dites. En raison de cet amendement, l'article 1428 se lirait comme suit: "Dans le doute, le contrat s'interprète en faveur de celui qui a contracté l'obligation et contre celui qui l'a stipulée. Dans tous les cas, il s'interprète en faveur de l'adhérent ou du consommateur."

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, M. le ministre. S'il n'y a aucun commentaire, l'article 1428 est donc adopté tel qu'amendé. Je remarque qu'on a un amendement de proposé à l'article 1429, qui avait déjà été adopté. Est-ce qu'il y a consentement pour rouvrir cet article ou... Oui?

M. Rémillard: Oui, M. le Président, c'est une réouverture pour proposer que l'article 1429 soit modifié par le remplacement, dans le second alinéa, du mot "transférer" par ceci: "constituer, transférer, modifier ou éteindre". Cet amendement, M. le Président, apporte une précision au texte, afin de refléter le fait que le contrat peut non seulement transférer des droits réels, mais qu'il peut aussi constituer, modifier ou éteindre pareils droits. En raison de cet amendement, l'article 1429 se lirait comme suit: "Le contrat crée des obligations et quelquefois les modifie ou les éteint. "En certains cas, il a aussi pour effet de constituer, transférer, modifier ou éteindre des droits réels."

Alors, M. le Président, il s'agit de commentaires que nous avons reçus de Me Crépeau, des commentaires fort justifiés; et nous avons donc cru bon de rouvrir un article déjà accepté pour pouvoir le bonifier par ces remarques de Me Crépeau.

Le Président (M. Lafrance): Merci.

Mme Harel: Nous y souscrivons, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 1429 est donc adopté tel qu'amendé. J'appelle maintenant l'article suivant qui avait été laissé en suspens; en fait, les trois articles suivants qui avaient été laissés en suspens, en commençant par l'article 1431.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. L'article 1431 est modifié par le remplacement, à la fin du second alinéa, des mots "en avait eu connaissance ou que cette clause était d'usage courant" par les mots "en avait par ailleurs connaissance". M. le Président, cet amendement, outre la précision qu'il apporte quant à l'expression "en avait eu connaissance", vise à accentuer l'obligation de transparence qui doit présider à la conclusion des contrats. Il a paru, après réflexion, que la possibilité d'invoquer l'usage courant d'une clause, lors même que l'intéressé n'en avait pas connaissance, allait quelque peu à rencontre de cette obligation de transparence et qu'elle risquait aussi de susciter des litiges inutiles quant à ce qui, dans une situation donnée, pouvait constituer une clause d'usage courant au détriment, bien souvent, de l'adhérent ou du consommateur. En raison de cet amendement, l'article 1431 se lirait comme suit: "La clause externe à laquelle renvoie le contrat lie les parties. 'Toutefois, dans un contrat de consommation ou d'adhésion, cette clause est nulle si, au moment de la formation du contrat, elle n'a pas été expressément portée à la connaissance du consommateur ou de la partie qui y adhère, à moins que l'autre partie ne prouve que le consommateur ou l'adhérent en avait par ailleurs connaissance."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Un commentaire? Oui, Me Masse.

M. Masse: M. le Président, cette modification au projet original vise à éviter que des clauses de style qui ne sont pas à la connaissance, notamment, des consommateurs, des clauses externes au contrat, puissent être opposées au consommateur, en prouvant simplement qu'il s'agit là de clauses d'usage courant, usage courant qui est plus souvent le fait du milieu commercial. L'article 1431, tel que modifié, est en adéquation avec ce qui va nous être présenté, je pense, à l'article 1471 sur les avis d'exonération ou de limitation de responsabilité. Dans le même sens, de tels avis ne pourront être opposés que si la personne à qui on les oppose en a connaissance. Donc, il existe là un fil conducteur, maintenant, dans la réforme, qui tient compte de la connaissance qu'avait acquise la personne à laquelle on oppose la clause, ce qui va tout à fait dans le sens du droit traditionnel.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Vous me permettrez d'ajouter que la Commission des services juridiques nous avait fait grandement valoir ce point de vue, d'une façon très éloquente, je dois dire, et donc, par conséquent, nous apportons cet amendement qui bonifie cet article.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Terrebonne. (17 h 15)

Mme Caron: M. le Président, vous comprendrez que je tiens à préciser à quel point je suis satisfaite de cet amendement et je pense que les associations de consommateurs vont aussi

beaucoup apprécier. Ça nous apparaissait tellement difficile, inapplicable, la clause d'usage courant. C'est évident, compte tenu de toutes les clauses qui existent, que les consommateurs ne peuvent être au courant de ces clauses-là. Donc, c'est une très belle modification, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, l'article 1431 est donc adopté tel qu'amendé. J'appelle l'article 1432.

M. Rémillard: M. le Président, il y a une modification à cet article. L'article 1432 est modifié par le remplacement des trois dernières lignes par ce qui suit: "à moins que l'autre partie ne prouve que des explications adéquates sur la nature et l'étendue de la clause ont été données au consommateur ou à l'adhérent."

M. le Président, cet amendement est d'ordre rédactionnel seulement. Il supprime l'exigence d'avoir expressément porté la clause à l'attention du consommateur ou de l'adhérent, une telle exigence étant nécessairement remplie par le fait de lui avoir donné des explications adéquates sur la nature et l'étendue de la clause. En raison de cet amendement, l'article 1432 se lirait donc comme suit: "Dans un contrat de consommation ou d'adhésion, la clause illisible ou incompréhensible pour une personne raisonnable est nulle si le consommateur ou la partie qui adhère en souffre préjudice, à moins que l'autre partie ne prouve que des explications adéquates sur la nature et l'étendue de la clause ont été données au consommateur ou à l'adhérent."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 1432 est donc adopté tel qu'amendé. J'appelle l'article 1433.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Cet article est modifié, 1° par la suppression, dans la première ligne du second alinéa, de ceci: ", dans l'exécution du contrat,"; 2° par le remplacement, au début de la quatrième ligne du second alinéa, des mots "est présumée l'être celle qui est" par les mots "est abusive, notamment, la clause"; 3° par le remplacement des deux dernières lignes du second alinéa par ce qui suit: "qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu'elle dénature celui-ci".

M. le Président, la première modification veut simplement tenir compte du fait que le domaine de la clause abusive ne concerne pas uniquement l'exécution du contrat, mais concerne plutôt le caractère de la clause telle qu'elle a été acceptée lors de la conclusion du contrat et qui aboutit à un résultat abusif. La deuxième modification vise essentiellement à supprimer toute idée de présomption dans l'application de la règle. Cette dernière, en effet, donne bel et bien une illustration de ce qui peut constituer une clause abusive et ne fait pas qu'établir une présomption simple d'existence d'une telle clause. Quant à la troisième modification, elle est d'ordre rédactionnel seulement et vise à simplifier le texte. En raison de ces modifications, l'article 1433 se lirait comme suit: "La clause abusive d'un contrat de consommation ou d'adhésion est nulle ou l'obligation qui en découle, réductible. "Est abusive toute clause qui désavantage le consommateur ou l'adhérent d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à rencontre de ce qu'exige la bonne foi; est abusive, notamment, la clause si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu'elle dénature celui-ci."

Le Président (M. Lafrance): Merci. M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas de commentaires, l'article 1433 est adopté tel qu'amendé. J'aimerais appeler les articles suivants qui ont été laissés en suspens, soit 1437 et 1438, en commençant, il va de soi, par 1437.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, vous avez raison de commencer par le commencement. L'article 1437 est modifié par l'ajout, à la fin, des mots "si la nature du contrat ne s'y oppose pas". Cet amendement vise à rapprocher le texte de celui de l'article 1030 du Code civil du Bas Canada, dont il tire sa source, de manière à réserver expressément les situations où la nature du contrat, son caractère intuitu personae, s'oppose à la transmission des droits et obligations résultant du contrat. En raison de cet amendement, l'article 1437 se lirait comme suit: "Les droits et obligations résultant du contrat sont, fors du décès de l'une des parties, transmis à ses héritiers si la nature du contrat ne s'y oppose pas."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Donc, s'il n'y a aucun commentaire, cet article 1437 est adopté tel qu'amendé et j'appelle l'article 1438.

M. Rémillard: Sans amendement, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Aucun commentaire? Donc, l'article 1438 est adopté tel quel. Et j'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, soit l'article... Pardon, je pense qu'on veut rouvrir l'article 1439, qui avait été adopté. Est-ce qu'il y a consentement pour rouvrir l'article 1439?

M. Rémillard: Je crois qu'il y a consentement pour rouvrir 1439, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, alors on vous écoute pour l'amendement proposé.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, l'article 1439, à la suite de discussions et de consultations que nous avons eues, est modifié, 1° par le remplacement, dans la troisième ligne, des mots "promettre qu'un tiers exécutera une obligation" par ceci: "promettre qu'un tiers s'engagera à exécuter une obligation"; 2° par le remplacement, dans la dernière ligne, des mots "n'exécute pas cette obligation" par les mots "ne s'engage pas".

M. le Président, ces modifications visent à clarifier la règle du porte-fort où la promesse porte bien sur l'engagement du tiers plutôt que sur l'exécution même de cet engagement ou de l'obligation. En raison de ces modifications, l'article 1439 se lirait comme suit: "On ne peut, par un contrat fait en son propre nom, engager d'autres que soi-même et ses héritiers; mais on peut, en son propre nom, promettre qu'un tiers s'engagera à exécuter une obligation; en ce cas, on est tenu envers son cocontractant du préjudice qu'il subit si le tiers ne s'engage pas conformément à la promesse."

Alors, M. le Président, il s'agissait ici de commentaires que nous avons eus et de la Chambre des notaires du Québec et, récemment, de Me Crépeau. Les commentaires allaient dans le même sens, donc nous avons décidé, à la suite de discussions avec l'Opposition, de rouvrir cet article pour apporter cet amendement que je viens de vous présenter.

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, M. le ministre, pour ces précisions. L'article 1439 est donc adopté tel qu'amendé. J'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, l'article 1454, en vous précisant qu'on va retirer, à ce moment-là, l'amendement qui avait déjà été lu.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. L'article 1454 est modifié par la suppression, à la fin du second alinéa, des mots ", mais si le préjudice est corporel, seules les règles du régime extracontractuel de responsabilité s'appliquent."

M. le Président, l'assujettissement de l'obligation de réparer le préjudice corporel aux seules règles du régime extracontractuel de responsabilité voulait éviter que les victimes d'un préjudice corporel de même nature ne soient indemnisées sur des bases différentes, simplement parce que le préjudice subi résulte pour l'une de l'inexécution d'une obligation contractuelle mais non pour l'autre.

Cependant, malgré le caractère fort louable de l'objectif qui sous-tendait un pareil assujettissement, celui-ci a paru, à la réflexion, comporter dés inconvénients qui surpassent ses avantages, notamment parce qu'il risquait parfois d'imposer à la victime un fardeau de preuve plus lourd que celui qu'elle aurait eu à supporter sous le régime contractuel de responsabilité. Aussi a-t-il semblé opportun, sur le tout, de supprimer un tel assujettissement et de maintenir le droit actuel sur ce point, d'autant plus que les différences entre le régime contractuel et le régime extracontractuel de responsabilité sont désormais, dans le projet, grandement amoindries en ce qui a trait à la réparation du préjudice corporel. En raison de cet amendement, l'article 1454 se lirait comme suit: 'Toute personne a le devoir d'honorer les engagements qu'elle a contractés. "Elle est, lorsqu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu'elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire à l'application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui leur seraient plus profitables."

M. le Président, le Barreau et la Chambre des notaires ont tous les deux demandé des ajustements en ce sens et à la suite, donc, de discussions avec l'Opposition, qui avait aussi ses réserves sur l'article original, nous en sommes venus à cet article que je viens de présenter.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, un commentaire, Me Masse.

M. Masse: M. le Président, cette modification très importante et l'article lui-même, qui est fort important, font en sorte que lorsqu'il y a une relation contractuelle, notamment en matière de transport, de service hospitalier ou en matière de responsabilité des fabricants, c'est le contrat qui s'applique et à l'égard des dommages matériels et à l'égard des dommages moraux et corporels.

Cette modification, qui semble importante à première vue et qui l'est, en fait, beaucoup plus, a des effets notamment en matière de responsabilité des fabricants puisque, lorsque la victime d'un bien fabriqué par un défendeur poursuit sans avoir la possibilité d'alléguer un contrat, ce sont les règles de responsabilité extracontractuelle, et uniquement celles-là, qui vont s'appliquer alors que, lorsqu'une personne est un acquéreur subséquent ou le contractant directement concerné, seules les règles concernant la responsabilité contractuelle, notamment les règles quant à la vente et aux vices cachés, vont s'appliquer. Il est bien convenu qu'en matière de vices cachés on pourrait compenser tant les dommages matériels que les dommages corporels et moraux. Donc, le refus, ici, de l'option est une décision extrêmement importante qui marque un tournant clair dans le droit civil du Québec et qui va avoir, comme on va le voir, des répercussions importantes en matière de responsabilité du fabricant, notamment.

Le Président (M. Lafrance): Merci. M. le ministre.

M. Rémillard: Oui. M. le Président, le

professeur Masse a raison de dire qu'il s'agit ici d'un article très important et la modification que nous apportons a une signification très importante. Par conséquent, je demanderais aussi au professeur Pineau d'apporter un commentaire à ce niveau-là.

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, l'article 1454 avait proposé le refus du principe de l'option des régimes de responsabilité, mais il y avait une exception à ce principe et l'option était possible dans l'hypothèse d'un préjudice corporel. Et, après réflexion et discussion, il a été décidé de proposer de généraliser la règle de principe, la règle qui veut que l'option soit refusée dans tous les cas, ce qui, évidemment, est quelque chose d'extrêmement important dans la mesure où cela vient contrarier la décision rendue par la Cour suprême dans une affaire qui avait fait beaucoup de bruit. De ce fait, je pense que cela nous permettra de régler de façon satisfaisante le problème qui s'est soulevé dans le cas de la responsabilité du fabricant. Je pense que nous aurons l'occasion d'en parler à nouveau ultérieurement.

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, Me Pineau. Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, je pense que c'est là un exemple particulièrement éloquent du travail qui se fait avec les corporations professionnelles et les experts de l'Opposition, experts au niveau gouvernemental, les légistes, sur un point très important où nous avons réalisé qu'il fallait un amendement, amendement qui, comme le professeur Masse le suggérait tout à l'heure, aura ses implications lorsqu'on discutera de la responsabilité du fabricant. Alors, il s'agit là, je pense, d'un exemple important. Ça n'apparaît pas toujours à première vue parce qu'il y a beaucoup d'éléments techniques de droit, mais, dans la réalité des choses, c'est un amendement qui apporte beaucoup de changements; les commentaires des deux chambres professionnelles et de l'Opposition nous ont éclairés pour apporter cet amendement.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, cet article 1454 est donc adopté tel qu'amendé. J'aimerais appeler l'article suivant qui avait été laissé en suspens, soit l'article 1456.

Mme Harel: M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. (17 h 30)

Mme Harel: Je sais que nous avons déjà adopté 1455, mais il y aurait intérêt, je crois, à examiner à nouveau 1455 en relation avec 1457 et 1458. Il m'a semblé qu'on était vraiment plus sévères à l'égard des parents que du gardien, tel que prévu à 1457, puisque le parent peut écarter l'obligation de réparer le préjudice causé à autrui en prouvant qu'il n'a pas commis de faute, tandis que le gardien peut écarter l'obligation de réparer en invoquant plutôt qu'il ne s'agissait pas d'une faute intentionnelle ou lourde. Alors, évidemment, le fardeau est beaucoup plus lourd sur les épaules des parents, et c'est ce qui amène souvent même des praticiens à suggérer ou à recommander à leurs clients de devenir curateurs à leur enfant majeur inapte de façon à pouvoir alléger leur fardeau puisque, à partir de ce moment-là, ils pourraient invoquer 1457 plutôt que s'en tenir à 1455, puisque, en devenant curateurs, ils peuvent exercer le deuxième alinéa de l'article 1457.

Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. On a là, pour 1455, 1456, 1457, je pense, de bonnes raisons de suspendre. Il y a des considérations pratiques à bien des niveaux de ces trois articles. On pense, bien sûr, à la responsabilité des parents face au fait des enfants mineurs ou de ceux qui détiennent la garde d'une façon légale, le tuteur ou le curateur. Mais on peut penser aussi à tous ceux qui ont des gardes occasionnelles; par exemple, la jeune gardienne ou le jeune gardien qui vient à la maison, qui reçoit quelques dollars en étudiant son examen du lendemain et qui garde un enfant. Tout à coup, arrive un problème où l'enfant commet un méfait qui a des conséquences. Tout le "building" passe au feu, entre autres, ou on ne sait trop quoi. La responsabilité de ce gardien ou de cette gardienne... En fait, ces articles peuvent soulever beaucoup de problèmes très pratiques. Il m'ap-paraît clairement que la responsabilité des parents se situe à un autre niveau que ces gardiens et gardiennes ou même en ce qui regarde ceux qui peuvent avoir une garde légale aussi; il y a différents degrés. Mais ça mérite qu'on en discute d'une façon encore plus approfondie, M. le Président. Je suis particulièrement conscient de toutes les implications qu'on peut trouver dans ces articles. Qu'on puisse continuer à en discuter et, donc, suspendons ces articles 1455, 1456 et 1457.

Peut-être que Me Pineau pourrait faire un commentaire complémentaire.

Le Président (M. Lafrance): Merci Me Pineault.

M. Pineau: M. le Président, peut-être n'est-il pas inutile de préciser que 1455 et 1456 portent sur le mineur, tandis que 1457 porte sur la garde d'un majeur non doué de raison. De sorte que le traitement est totalement distinct et

cela peut se comprendre dans ce contexte d'une personne qui agit comme tuteur, curateur ou autrement dans la garde d'un majeur non doué de raison; traitement qui peut-être différent de la personne qui est titulaire de l'autorité parentale vis-à-vis du mineur et de la personne qui, sans être titulaire de l'autorité parentale, se voit confier la garde d'un mineur.

Mme Harel: Faut-il d'ailleurs à 1457 conserver l'expression "majeur non doué de raison"? Ne serait-il pas préférable d'utiliser l'expression "majeur inapte", comme nous l'avons utilisée dans le chapitre qui les concerne?

M. Pineau: Dans ce contexte-là, M. le Président, je pense que l'expression "majeur non doué de raison" est plus précis encore que le qualificatif "inapte".

Mme Harel: C'est beaucoup plus large à ce moment-là.

M. Pineau: "Non doué de raison"? "Inapte" peut couvrir certes le mineur et le majeur non doué de raison. Tandis que là il ne s'agit que du majeur non doué de raison.

Mme Harel: Je crois que c'était là une remarque que faisait Me Crépeau dans ses commentaires. Je vérifie, mais...

M. Rémillard: En fait, Me Crépeau, si ma mémoire est bonne, demandait qu'on fasse la différence entre "inapte" et "non doué de raison".

Mme Harel: II souhaitait l'uniformisation du vocabulaire. À ce sujet-là, il disait... Il invoque la question de cohérence du vocabulaire. Et la question qui est posée, c'est: Pourquoi, ici, "non doué de raison" - une expression classique - au lieu d"inapte", comme on le dit ailleurs dans le projet? Il me semble, ajoute-t-il, qu'il y aurait lieu d'uniformiser le vocabulaire. Tout en invoquant qu'il n'y a pas, selon lui, d'absolue nécessité de modifier le vocabulaire classique, d'autant plus que le terme "inaptitude", au sens de vocation, a déjà une longue histoire. Donc, il plaide beaucoup plus pour le maintien de "non doué de raison", mais partout dans le Code.

M. Rémillard: Simplement pour vous dire que, en fait, ce que Me Crépeau nous demande, on peut, bien sûr, y regarder de près mais, dans ce cas-ci, dans ce cas particulier, ici, "non doué de raison" a une signification bien particulière parce qu'il s'agit d'une responsabilité de celui ou de celle qui en a la garde. Donc, par conséquent, c'est quelqu'un qui a fait l'objet d'une mesure de protection et le sens que nous voulons donner, donc, à "non doué de raison", est très restrictif. C'est plus restrictif que de prendre le mot "inapte"; "inapte" est plus large. "Non doué de raison", c'est vraiment quelqu'un qui n'est pas capable de raisonner et de comprendre la portée du geste qu'il a commis. C'est vraiment dans ce contexte-là que nous avons voulu utiliser ces mots "non doué de raison", pour bien cerner la responsabilité en cause. Je demanderais peut-être au professeur Pineau de compléter.

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, j'ajouterai simplement: et qui est protégé particulièrement, puisqu'il a fait l'objet d'une mesure, cette mesure qu'aujourd'hui nous appelons l'interdiction, que nous appelons tutelle ou curatelle ou conseil judiciaire.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Le principe, c'est l'irresponsabilité, à ce moment-là, du majeur non doué de raison. L'irresponsabilité, en fait, du majeur non doué de raison et la quasi-irresponsabilité de la personne qui est chargée de le garder.

M. Pineau: Oui, mais cette personne, M. le Président, qui agit comme tuteur, curateur ou qui garde ce majeur non doué de raison, ne sera responsable, dans l'hypothèse où le majeur, ou ce majeur protégé, ou ce majeur non doué de raison fait subir un préjudice à quelqu'un, dans la mesure seulement où la personne qui agit à ce titre a commis une faute intentionnelle ou lourde...

Mme Harel: Et voilà, donc...

M. Pineau: Donc, si elle ne commet qu'une faute légère dans la surveillance, cette personne ne sera pas responsable du fait d'autrui.

Mme Harel: Ou si elle commet une faute, tout court, en fait.

M. Pineau: Une faute légère. Ce que nous appelons la faute légère.

Mme Harel: Une faute tout court, de la nature...

M. Pineau: La simple négligence, la simple imprudence.

Mme Harel: La négligence, par exemple, de la nature de celle que l'on peut imputer au titulaire de l'autorité parentale.

M. Pineau: Celle que ne commet pas une personne normalement avisée placée en semblable circonstance.

Mme Harel: À ce moment-là, évidemment, la

question qui reste posée, c'est: Quel recours reste-t-il à la victime de la personne non douée de raison? Poser la question, c'est souhaiter une réponse du ministre. On a, dans notre régime de législation sociale, dans notre économie générale, introduit la loi de protection des victimes d'actes criminels, mais on n'a pas élargi - ce qu'on pourrait faire éventuellement - cette loi de protection des victimes d'actes criminels aux victimes de personnes non douées de raison qui, elles, peuvent jouir d'une irresponsabilité totale.

M. Rémillard: M. le Président, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve soulève un point très important. C'est une chose de préciser, dans notre Code, que la personne qui a la responsabilité, la garde d'une autre personne non douée de raison et qui, par conséquent, n'est pas responsable des dommages commis par un geste fait par cette personne non douée de raison, c'est une chose de prévoir ça, mais c'est une autre chose de prévoir aussi quels pourraient être les moyens que la victime de cet acte, fait par une personne non douée de raison, puisse avoir pour obtenir compensation pour les dommages qu'elle a subis. Alors, il y a des avenues possibles qu'on doit voir et c'est peut-être un sujet qu'on peut discuter lorsqu'on aura à revoir ces articles que nous suspendons maintenant.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. S'il n'y a pas d'autres commentaires... Oui?

Mme Harel: II faut comprendre...

Le Président (M. Lafrance): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: C'est ça. Il faut comprendre, M. le Président, que c'est un changement que l'on introduit dans le régime actuel parce que, à l'article 1053... excusez-moi, c'est l'article 1054 plutôt, alinéa quatre, les personnes chargées de garder un majeur non doue de discernement sont responsables pour le dommage causé par le majeur. Alors, on vient, dans le fond, introduire une sorte de renversement avec la proposition qui est faite à l'article 1457. Je ne dis pas, M. le Président, que je suis en opposition, mais je pense qu'il serait peut-être important à ce moment-ci qu'on puisse consulter sur cette question-là.

M. Rémillard: Oui, je pense qu'il faut... Je suis parfaitement d'accord qu'on puisse suspendre et continuer des consultations et discussions.

Le Président (M. Lafrance): Merci. L'article 1455 est donc rouvert et laissé en suspens. L'article 1456 qui avait été laissé en suspens demeure en suspens et l'article 1457 est donc rouvert tel qu'amendé et laissé en suspens.

J'aimerais appeler l'article suivant qui avait été laissé en suspens, soit l'article 1461.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a aucun commentaire, l'article 1461 est donc adopté tel quel, et j'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, l'article 1463.

M. Rémillard: Qui. Il y a un amendement, M. le Président. Cet article est modifié par l'ajout dans la première ligne, après le mot "propriétaire", de ce qui suit ", sans préjudice de sa responsabilité à titre de gardien,". Cet amendement vise à permettre clairement à la victime d'un préjudice causé par la ruine d'un immeuble d'invoquer plutôt, à son gré, la responsabilité générale pour le fait des biens établie à l'article 1461, lorsque le propriétaire de l'immeuble en est également le gardien au sens de cet article. En raison de cet amendement, l'article 1463 se lirait comme suit: "Le propriétaire, sans préjudice de sa responsabilité à titre de gardien, est tenu de réparer le préjudice causé par la ruine, même partielle, de son immeuble, qu'elle résulte d'un défaut d'entretien ou d'un vice de construction."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, un commentaire. Me Masse.

M. Masse: M. le Président, il s'agit là de la modification du droit existant. Lorsque la responsabilité pour le fait des choses a été découverte en 1896, ceux qui ont prétendu l'avoir découverte, c'est-à-dire la Cour suprême dans l'affaire Doucet contre Shawinigan Carbide, ne pouvaient pas faire les liens entre la responsabilité du fait des choses ou du gardien pour le fait des choses et la responsabilité prévue a ce moment-là et qui est encore prévue à l'article 1055 à l'égard des propriétaires, ce qui a amené la Cour d'appel, il y a une dizaine d'années - je pense que c'est l'affaire Boisjoli - à déclarer que lorsqu'un propriétaire était poursuivi pour un fait des choses, une chose étant son immeuble, on ne pouvait lui appliquer que le régime, beaucoup plus favorable au propriétaire, de la responsabilité à titre de propriétaire. Donc, on ne pouvait pas, dans le cas où le propriétaire était gardien de l'immeuble qui a causé par son fait un dommage à une victime, on ne pouvait pas cumuler la responsabilité en tant que gardien sous l'article 1054, alinéa un, avec la responsabilité en tant que propriétaire sous l'article 1055. Cette solution était très préjudiciable aux victimes.

Et ce que le législateur ferait avec l'adoption de l'article 1463, c'est d'adopter une position de bon sens, c'est-à-dire que lorsque le propriétaire - ce n'est pas toujours le cas

cependant - est également gardien de son immeuble, c'est-à-dire qu'il avait charge de l'entretien et du maintien en bon état de l'immeuble, il peut également être poursuivi à titre de gardien. Donc, la responsabilité en tant que propriétaire n'est pas exclusive de sa responsabilité en tant que gardien.

Le Président (M. Lafrance): Merci, maître.

M. Rémillard: Me Pineau aimerait ajouter un commentaire, M. le Président. (17 h 45)

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, effectivement, en 1866, on a pu penser que la responsabilité du gardien d'un immeuble était non point celle d'un gardien, mais celle d'un propriétaire et que le correspondant, notre article 1054, ne s'appliquait pas dans l'hypothèse où le préjudice était causé par la chose que constitue l'immeuble. Et comme l'a dit, il y a un instant, Me Masse, l'article 1463 - je dis bien, oui, l'article 1463 - vient préciser que ce propriétaire, sans préjudice à sa responsabilité à titre de gardien, est tenu de réparer le préjudice causé par la ruine, donc vient préciser qu'en dehors du problème du préjudice causé par la ruine l'article 1461 peut s'appliquer au propriétaire à titre de gardien de son bien immobilier.

Le Président (M. Lafrance): Merci, maître. S'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 1463 est donc adopté tel qu'amendé. J'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, l'article 1464.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Il y a un amendement à l'article 1464 qui est modifié par l'ajout, à la fin du second alinéa, de ce qui suit: ", ou qu'il soit ou non l'importateur du bien". Cet amendement ne vise qu'à supprimer tout doute quant à l'application de la règle à l'importateur du bien. En raison de cet amendement, l'article 1464 se lirait comme suit: "Le fabricant d'un bien meuble, même si ce bien est incorporé à un immeuble ou y est placé pour le service ou l'exploitation de celui-ci, est tenu de réparer le préjudice causé à autrui par le défaut de sécurité du bien. "Il en est de même pour la personne qui fait la distribution du bien sous son nom ou comme étant son bien et pour tout fournisseur du bien, qu'il soit grossiste ou détaillant, ou qu'il soit ou non l'importateur du bien. "

Alors, voilà, M. le Président, un amendement que nous apportons à la suite de discussions avec l'Opposition, et à la suite de consultations que nous avons menées.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. L'article 1464 est donc adopté tel qu'amendé. Et j'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, soit l'article 1465.

M. Rémillard: Pas de modifications, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci. S'il n'y a aucun commentaire, l'article 1465 est donc adopté tei quel. Et j'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, soit l'article 1469.

M. Rémillard: Pas de modifications, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Aucun commentaire. Pardon? Oui. Mme la députée de Hochela-ga-Maisonneuve, sur l'article 1469?

Mme Harel: Oui, M. le Président. Je crois qu'il serait opportun, à ce stade-ci, que le ministre nous confirme qu'il n'entend pas, lors du dépôt de la loi transitoire, apporter ou introduire une modification à l'article 53 de la Loi sur la protection du consommateur. Nous convenons donc du maintien de cette disposition telle quelle, à l'article 1469, mais avec cette garantie formelle du ministre que, dans la loi transitoire, il n'y aura évidemment pas de modifications à la Loi sur la protection du consommateur.

M. Rémillard: Oui. M. le Président, d'aucune façon nous n'avons eu l'intention de modifier l'article 53 et, je le confirme, nous n'avons pas plus l'intention de modifier l'article 53. Il ne m'apparaîtrait pas opportun de le faire, d'aucune façon. Dans la loi d'application du Code civil, l'article 53 doit demeurer intact.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. S'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 1469 est donc adopté tel quel. Et j'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, l'article 1470, en retirant l'amendement qui avait été proposé.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. L'article 1470 est modifié par le remplacement, à la fin du premier alinéa, des mots "un comportement irréfléchi ou" par ce qui suit: "une insouciance". La notion de comportement irréfléchi ne paraît pas suffisamment caractérisée pour bien traduire le concept de faute lourde. La notion d'insouciance grossière, elle, traduit mieux ce concept tel qu'il est généralement défini par la doctrine et la jurisprudence. En raison de cet amendement, l'article 1470 se lirait comme suit: "Une personne ne peut exclure ou limiter sa responsabilité pour le préjudice matériel causé à autrui par une faute intentionnelle ou une faute lourde; la faute lourde est celle qui dénote une insouciance, une imprudence ou une négligence grossières.

"Elle ne peut aucunement exclure ou limiter sa responsabilité pour le préjudice corporel ou moral causé à autrui. "

Le Président (M. La trance): Merci, M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, vous me permettez de dire que c'est à la suite de commentaires que nous avons reçus, entre autres, du Barreau du Québec, que nous apportons cette modification qui nous permet donc de bonifier cet article.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. L'article 1470 est donc adopté tel qu'amendé et j'appelle l'article suivant, qui avait été laissé en suspens, 1471.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. L'article 1471 est modifié par le remplacement, dans la dernière ligne, des mots "pouvait en avoir connaissance" par les mots "en avait connaissance". Cet amendement opère un retour au texte de l'avant-projet. Il a paru, à la réflexion, que l'expression "pouvait en avoir connaissance" était susceptible de favoriser trop grandement l'opposabilité des avis d'exclusion ou de limitation de responsabilité visés, au détriment possible des droits légitimes de la partie à rencontre de laquelle on voudrait les invoquer. L'exigence que celui qui invoque un avis donné doive démontrer que l'autre partie "en avait connaissance" a donc semblé plus respectueuse des droits légitimes de cette autre partie; elle n'exclut pas, par ailleurs, la preuve par simple présomption de fait de la part de celui qui invoque l'avis, lorsque les circonstances démontrent qu'on ne pouvait raisonnablement l'ignorer. En raison de cet amendement, l'article 1471 se lirait comme suit: "Un avis, qu'il soit ou non affiché, stipulant l'exclusion ou la limitation de l'obligation de réparer le préjudice résultant de l'inexécution d'une obligation contractuelle n'a d'effet, à l'égard du créancier, que si la partie qui invoque l'avis prouve que l'autre partie en avait connaissance au moment de la formation du contrat. "

M. le Président, et la Commission des services juridiques et le Barreau du Québec nous avaient fait des représentations en ce sens, représentations que je juge fort justifiées.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. S'il n'y a pas de commentaires, l'article 1471 est donc adopté tel qu'amendé et j'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, soit l'article 1473.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. L'article 1473 est modifié par le remplacement, à la fin, des mots "ne saurait constituer une convention de non-responsabilité" par les mots "n'emporte pas renonciation à son recours contre l'auteur du préjudice". Cet amendement substitue à l'expression d'origine une expression qui a paru mieux correspondre au caractère général de la règle. En raison de cet amendement, l'article 1473 se lirait comme suit: "L'acceptation de risques par la victime, même si elle peut, eu égard aux circonstances, être considérée comme une imprudence, n'emporte pas renonciation à son recours contre l'auteur du préjudice. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. L'article 1473 est donc adopté tel qu'amendé. J'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, soit l'article 1476.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. L'article 1476 est modifié par le remplacement, à la fin, des mots ", quoique de façon imparfaite* par les mots "à la réparation du préjudice". Cet amendement n'est que de concordance avec les amendements qui sont proposés aux articles 1523 et 1524 en vue de ne plus codifier la notion de solidarité imparfaite. En raison de cet amendement, l'article 1476 se lirait comme suit: "Lorsque plusieurs personnes ont participé à un fait collectif fautif qui entraîne un préjudice ou qu'elles ont commis des fautes distinctes dont chacune est susceptible d'avoir causé le préjudice, sans qu'il soit possible, dans l'un ou l'autre cas, de déterminer laquelle l'a effectivement causé, elles sont tenues solidairement à la réparation du préjudice. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. L'article 1476 est donc adopté tel qu'amendé et j'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, soit l'article 1477.

M. Rémillard: M. le Président, cet article est modifié: 1° par le remplacement, dans les troisième et quatrième lignes, des mots "l'obligation de réparer à laquelle elle aurait été tenue se répartit de façon égale entre" par les mots "la part de responsabilité qui lui aurait été attribuée est assumée de façon égale par"; et 2° par la suppression, dans la dernière ligne, des mots "et la victime".

M. le Président, la première modification ne vise qu'à corriger une imprécision du texte d'origine. En effet, ce n'est pas tant l'obligation de réparer de celui qui est exonéré qui se répartit, mais bien la part de responsabilité qui lui aurait été attribuée.

Quant à la seconde modification, elle vise à éviter à la victime, dans l'hypothèse visée, d'avoir à supporter une part de responsabilité pour une faute qu'elle n'a pas commise. Certes, cette modification conduit à faire supporter aux coauteurs du préjudice une part de responsabilité qu'ils ne devraient pas normalement supporter, mais le fait qu'ils aient eux-mêmes commis une

faute alors que la victime n'en a commis aucune a paru justifier, à la réflexion, une telle solution. En raison de ces modifications, l'article 1477 se lirait comme suit: "Lorsque le préjudice est causé par plusieurs personnes et qu'une disposition expresse d'une loi particulière exonère l'une d'elles de toute responsabilité, la part de responsabilité qui lui aurait été attribuée est assumée de façon égale par les autres responsables du préjudice. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. L'article 1477 est donc adopté tel qu'amendé.

M. Rémillard: M. le Président, je peux dire que et la Chambre des notaires du Québec, pour la première modification, et le Barreau, pour la deuxième modification, nous avaient fait des commentaires qui nous paraissaient fort justifiés et qui nous ont amenés à faire ces amendements que je viens de vous présenter.

Le Président (M. Lafrance): Alors, j'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, soit l'article 1478.

M. Rémillard: II n'y a pas de modifications, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, merci, M. le ministre. Un commentaire, Me Masse?

M. Masse: M. le Président, ce qui faisait problème pour nous dans la rédaction de 1478, c'était la référence à la situation où une personne connaît une situation où on doit gérer à sa place ses biens et la mention, dans 1478 tel que proposé, de la mention suivante "ou à sa connaissance si elle n'était pas elle-même en mesure de désigner un mandataire". C'est la solution du droit français et, en apparence, cette solution faisait double emploi avec la notion de mandat. Maintenant, nos discussions avec les légistes du ministère nous ont convaincus qu'il n'y avait pas double emploi avec la situation du mandat, et sans doute que M. le professeur Pineau pourrait nous expliquer la situation concrète visée par cette partie de l'article.

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, en effet, en règle générale, il y a gestion d'affaires lorsqu'une personne prend une initiative sans que la personne dont elle a à administrer le patrimoine en ait été avertie, en ait connaissance. Cependant, il est des hypothèses où le géré peut avoir connaissance de l'activité du gérant mais peut ne pas avoir la possibilité de lui indiquer si oui ou non il est d'accord ou encore peut ne pas avoir la possibilité de désigner une personne à titre de mandataire pour accomplir ce qu'il est nécessaire d'accomplir. Alors, c'est ce que prévoit 1478. La gestion d'affaires ne cesserait pas pour autant dans une pareille hypothèse, c'est-à-dire celle où le géré n'a pas la possibilité, n'est pas en mesure de désigner un mandataire ou d'y pourvoir de toute autre manière.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Masse et Me Pineau, pour ces précisions. L'article 1478 est donc adopté tel quel. J'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, soit l'article 1485.

M. Rémillard: II n'y a pas de modifications, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Aucun commentaire. L'article 1485 est donc adopté tel quel et j'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, 1487.

M. Rémillard: II n'y a pas de modifications.

Le Président (M. Lafrance): L'article 1487 est donc adopté tel quel et j'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, 1489.

M. Rémillard: II n'y a pas non plus de modifications, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Aucun commentaire. L'article 1489 est donc adopté tel quel et j'appelle l'article suivant, qui avait été laissé en suspens, 1490. (18 heures)

M. Rémillard: II n'y a pas de modifications, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): L'article 1490 est donc adopté tel quel. Je remarque que nous avons ici une proposition d'amendement pour 1491. Alors, j'assume qu'il y a consentement pour rouvrir cet article qui avait été adopté. Il y a consentement?

M. Rémillard: Oui.

Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, on modifie l'article 1491 de la façon suivante: 1° par le remplacement, à la fin de la deuxième ligne du second alinéa, des mots "chez l'enrichi" par les mots "la mauvaise foi de l'enrichi"; 2° par la suppression de la troisième ligne du second alinéa; et 3° par le remplacement, dans la dernière ligne du second alinéa, du mot "l'enrichi" par le mot "il".

M. le Président, ces modifications ne visent qu'à faire plutôt référence à la notion, mieux connue, de mauvaise foi pour qualifier la volonté de l'enrichi de profiter exagérément de l'acte à titre onéreux d'autrui. En raison de ces modifi-

cations, l'article 1491 se lirait comme suit: "L'indemnité n'est due que si l'enrichissement subsiste au jour de la demande.

Tant l'enrichissement que l'appauvrissement s'apprécient au jour de la demande; toutefois, si les circonstances indiquent la mauvaise foi de l'enrichi, l'enrichissement peut s'apprécier au temps où il en a bénéficié."

Je dois dire que cette modification nous apparaît opportune à la suite des commentaires que nous avons reçus et de la Chambre des notaires et de Me Crépeau.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. L'article 1491 est donc adopté tel qu'amendé. J'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, soit l'article 1492.

M. Rémillard: II n'y a pas de modifications, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): L'article 1492 est donc adopté tel quel. J'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, l'article 1510.

M. Rémillard: II n'y a pas de modifications, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, un commentaire, Me Masse.

M. Masse: Nous avions demandé la suspension de cette disposition pour vérifier les effets de cette règle sur les règles applicables en matière de déchéance du bénéfice du terme en matière de protection du consommateur. Nous sommes satisfaits que l'article 1510 ne modifie pas les garanties actuellement accordées en vertu de la Loi sur la protection du consommateur aux débiteurs qui voient une déchéance du bénéfice de leur terme.

Le Président (M. Lafrance): Merci, maître.

L'article 1510 est adopté tel quel. J'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, soit l'article 1521.

M. Rémillard: M. le Président, nous n'avons pas encore reçu les commentaires du Barreau et de la Chambre des notaires. Mais je proposerais qu'on puisse l'adopter, puisqu'il y a eu beaucoup de discussions entre nous, sous réserve de pouvoir rouvrir cet article si ça s'impose à la suite des commentaires qu'on recevra du Barreau ou de la Chambre des notaires.

Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y a consentement?

Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, je crois comprendre qu'il y aurait matière à poursuivre l'examen au niveau du comité. Alors, ça serait peut-être prématuré à ce moment-ci. Ça introduirait un débat qu'on peut faire, évidemment, M. le Président, mais qui peut être souhaitable de faire en comité avant que nous y revenions ici.

M. Rémillard: M. le Président, j'en conviens très bien. J'avais cru comprendre que déjà il y avait eu rencontre et discussion mais, si on préfère le suspendre, c'est peut-être aussi bien pour que et le Barreau et la Chambre des notaires aussi nous fassent parvenir leurs commentaires. Suspendons cet article, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. L'article 1521 est donc laissé en suspens. J'aimerais appeler l'article suivant qui avait été laissé en suspens, soit 1523.

M. Rémillard: M. le Président, le projet de loi est modifié par la suppression des articles 1523 et 1524.

M. le Président, bien qu'une partie non négligeable de la doctrine et certaines décisions jurisprudentielles laissent clairement entrevoir l'existence de la distinction entre la solidarité parfaite et la solidarité imparfaite, en reconnaissant l'obligation in solkJum, il ne paraît plus souhaitable, à la réflexion, de codifier cette distinction compte tenu de l'utilité restreinte qu'elle revêt dans l'application des règles du Code et de la nécessité de laisser à la jurisprudence le soin de la faire évoluer ou d'en préciser les contours suivant les circonstances propres à chaque cas. Alors, M. le Président, c'est...

Mme Harel: ...votre deuil.

M. Rémillard: Pardon?

Mme Harel: Vous en faites votre deuil.

M. Rémillard: J'en fais aussi mes beaux dimanches dans le sens où les commentaires que nous avons reçus, je pense, sont très convaincants et aussi les discussions qu'il y a eu avec l'Opposition où on nous a démontré, je pense, le bien-fondé de cette suppression des articles 1523 et 1524.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Les articles 1523 et 1524 sont donc supprimés et j'appelle l'article suivant qui avait été laissé en suspens, l'article 1537, en retirant... C'est l'amendement qui a déjà été présenté. C'est exactement le même amendement, n'est-ce pas? Oui.

M. Rémillard: Je me demande...

Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'on

désire...

M. Rémillard:... pour plus de sûreté, M. le Président, si vous accepteriez que je présente l'amendement pour être bien sûr, là.

Le Président (M. Lafrance): Je pense effectivement que ce serait préférable pour éviter toute ambiguïté.

M. Rémillard: Je ne crois pas que ma voix soit particulièrement douce aux oreilles des membres de la commission mais juste pour être certain qu'on s'entend bien. Alors, l'article 1537 est modifié par le remplacement de la deuxième phrase par la suivante: "il peut aussi opposer les moyens qui lui sont personnels, mais non ceux qui sont purement personnels à l'un ou plusieurs des autres codébiteurs. "

M. le Président, cet amendement renverse la règle prévue à l'origine en permettant désormais au débiteur poursuivi par celui des codébiteurs qui a payé d'opposer à ce dernier les moyens de défense qui lui sont personnels. Il paraissait injuste, à la réflexion, de priver le débiteur de ces moyens qu'il aurait pu invoquer contre le créancier s'il avait été poursuivi par lui, d'autant plus que celui des débiteurs qui a payé, étant subrogé dans les droits du créancier, ne devrait pas se retrouver dans une position plus avantageuse. En raison de cet amendement, l'article 1537 se lirait comme suit: "Le débiteur solidaire poursuivi en remboursement par celui des codébiteurs qui a exécuté l'obligation peut soulever les moyens communs que ce dernier n'a pas opposés au créancier; il peut aussi opposer les moyens qui lui sont personnels, mais non ceux qui sont purement personnels à l'un ou à plusieurs des autres codébiteurs. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. L'article 1537 est donc adopté tel qu'amendé. Et j'aimerais appeler l'article suivant qui avait été laissé en suspens, soit l'article 1543.

M. Rémillard: M. le Président, il n'y a pas de modifications à 1543.

Le Président (M. Lafrance): Aucun commentaire? L'article 1543 est donc adopté tel quel. J'aimerais appeler l'article suivant qui avait été laissé en suspens, l'article 1546.

M. Rémillard: II n'y a pas de modifications non plus, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): L'article 1546 est donc adopté tel quel. J'aimerais appeler l'article suivant qui avait été laissé en suspens, l'article 1547.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, il y a une modification. Cet article est modifié par le remplacement, dans les deuxième et troisième lignes du premier alinéa, des mots "choisir parmi les prestations qui restent' par les mots "accepter la prestation qui reste". Cet amendement ne vise qu'à corriger une imprécision du texte d'origine, lequel faisait référence aux prestations qui restent, alors qu'il n'en reste qu'une dans l'hypothèse visée. En raison de cet amendement, l'article 1547 se lirait comme suit: "Le créancier qui a le choix de la prestation doit, si l'une ou l'autre des prestations devient impossible à exécuter, accepter la prestation qui reste, à moins que cette impossibilité ne résulte de la faute du débiteur, auquel cas il peut exiger soit l'exécution en nature de la prestation qui reste, soit la réparation, par équivalent, du préjudice résultant de l'inexécution de la prestation devenue impossible. "Si, dans le même cas, les prestations deviennent impossibles à exécuter et que l'impossibilité est due à la faute du débiteur, il peut exiger la réparation par équivalent du préjudice résultant de l'inexécution de l'une ou l'autre des prestations. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas de commentaires, l'article 1547 est donc adopté tel qu'amendé. J'aimerais maintenant appeler un article nouveau, qui s'ajoute après l'article 1548, soit l'article 1548. 1.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, un article 1548. 1 est ajouté, immédiatement après l'article 1548, se lisant comme suit: "L'obligation est alternative même dans les cas où elle a pour objet plus de deux prestations principales; les règles du présent sous-paragraphe s'appliquent à ces cas, compte tenu des adaptations nécessaires. "

M. le Président, cet amendement vise à dissiper tout doute quant à l'application des règles du présent sous-paragraphe aux cas où plus de deux prestations principales seraient l'objet de l'obligation. La précision qu'il apporte n'est pas absolument nécessaire car, si les règles visées ne parlent que de deux prestations principales, elles demeurent a fortiori applicables en présence d'un nombre plus élevé de telles prestations; elle a néanmoins paru utile, eu égard au texte de l'article 1099 du Code civil du Bas Canada qui apportait la même précision. En raison de cet amendement, le nouvel article 1548 se lira comme suit: "1548. L'obligation...

Alors, il y a une faute ici, M. le Président, je reprends la lecture. En raison de cet amendement, le nouvel article 1548. 1 se lirait comme suit: "1548. 1 L'obligation est alternative même dans les cas où elle a pour objet plus de deux

prestations principales; les règles du présent sous-paragraphe s'appliquent en ces cas, compte tenu des adaptations nécessaires."

M. le Président, la Chambre des notaires du Québec nous avait fait des commentaires en ce sens.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. S'il n'y a pas d'autres commentaires, le nouvel article 1548.1 est adopté. Moi, je manque de matière première.

M. Rémillard: II y a peut-être une chose qu'on peut faire, M. le Président, c'est les lectures... On pourrait faire les lectures, si vous voulez.

Le Président (M. Lafrance): Vous voulez dire les lectures qui avaient été laissées...

M. Rémillard: il y a des lectures qui ont été laissées en suspens. Même à ça, si on a encore du temps, il y a les lectures du titre deuxième qu'on peut faire aussi.

Le Président (M. Lafrance): Oui. Dans le livre troisième, qui touche aux successions, on avait, je pense, convenu de faire ces lectures-là lorsqu'on reviendrait sur les articles en suspens dans ce livre-là.

M. Rémillard: M. le Président, il reste 15 minutes. Alors, plutôt que nous causer toutes ces misères, au secrétariat et tout, on peut...

Mme Harel: Vous ne nous pariez pas de... Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: On pourrait tout simplement demander d'ajourner là. Ou, même, on pourrait simplement faire les lectures d'ouverture du titre deuxième. On peut faire ça.

Mme Harel: Ouf.

Le Président (M. Lafrance): Je ne l'ai pas.

M. Rémillard: Des contrats nommés. Vous n'avez pas ces...

Organisation des travaux

Mme Harel: M. le Président, on pourrait peut-être convenir du calendrier des travaux de la commission pour la semaine prochaine de façon à ce qu'on puisse planifier en conséquence les rencontres entre les légistes et les juristes, les rencontres que j'aurai - et ma collègue de Terrebonne - à faire avec les conseillers qui ont été mis à la disposition de l'Opposition. Alors, comment entendons-nous travailler la semaine prochaine?

M. Rémillard: Oui. Nous sommes toujours à vérifier certaines choses. Il y a, pour ma part, des événements auxquels je sais, Mme la députée de Hochelaga-Malsonneuve, vous devez assister comme moi. Je pense, par exemple, à la remise des médailles pour le civisme.

Mme Harel: C'est jeudi matin.

M. Rémillard: Je crois que c'est jeudi matin. Pour ma part, la Cour suprême nous a convoqués pour mercredi à une cérémonie à la mémoire de feu le juge Beetz. Je dois y être. Ce qui veut dire que, mercredi matin, je ne peux pas siéger. Cela Ira à mercredi après-midi. Nous avons aussi, je crois...

Mme Harel: Je crois que nous aurons une motion de l'Opposition mercredi sur laquelle j'aurai à Intervenir.

M. Rémillard: Vous aurez à intervenir mercredi après-midi? Bon. Ce qui veut dire qu'on termine mercredi après-midi. Je ne sais pas si les gens de nos bureaux se sont parlé.

Mme Harel: Je vais vérifier si cela dure deux mercredis, de façon à ce que je puisse reporter mon intervention au mercredi suivant

M. Rémillard: C'est une posslblké. J'avais aussi souligné la possibilité qu'on siège vendredi.

Mme Harel: Vendredi matin?

M. Rémillard: Vendredi matin.

Mme Harel: Impossible.

M. Rémillard: Impossible? D'accord.

Mme Harel: C'est impossible.

M. Rémillard: Alors, je n'insiste pas plus.

Mme Harel: C'est impossible. Je ne sais pas si vous êtes conscient de la circonscription que je représente ici.

M. Rémillard: Je comprends très bien. Je ne veux pas en parier plus longuement, je comprends très très bien les difficultés...

Mme Harel: Je le ferais avec plaisir si cela s'avérait possible. Il faudrait simplement que vous veniez à l'occasion y passer une demi-journée pour connaître le volume du bureau de comté.

M. Rémillard: Mes collègues aussi et moi-même, nous avons tous nos activités. Ce n'est pas de gaieté de coeur que je me suis risqué timidement, sur la pointe des pieds, avec beau-

coup de préambules, à vous suggérer délicatement un vendredi matin, que je retire immédiatement.

Mme Harel: Ha, ha, ha! Si on était comme le député de Jean-Talon...

M. Rémillard: J'ai le plus beau des comtés.

Mme Harel: ...député de la circonscription où se trouve le parlement...

Le Président (M. Lafrance): Le plus facilement accessible.

M. Rémillard: Oui. J'ai le plus beau des comtés et je m'en rends compte, M. le Président. Je suis gâté.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. S'il n'y a pas d'autres...

Mme Harel: M. le Président, je conclus que, la semaine prochaine, II n'est pas évident que l'on puisse travailler. C'est cela qu'il faut constater?

M. Rémillard: On va travailler, mais on va travailler d'une façon un petit peu limitée et je pense qu'il y a des ajustements. À ce moment-ci, on ne peut pas trop en parler. On se revoit demain ou on se revoit...

Mme Harel: Pas ici.

M. Rémillard: Pas ici. Il va falloir que les gens de nos bureaux se partent pour qu'on trouve des moyens. Vous avez parié de votre motion, vous avez parlé d'un moyen possible pour que vous parliez sur la motion l'autre mercredi; ce serait une possibilité. Moi, je fais un aller-retour très rapide, je vais à Ottawa très rapidement. Cela peut peut-être vous rassurer.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Non, je ne vous rassure pas. Bon, bon! Je vais revenir pour être ici à 14 heures, pour commencer la session et la période des questions. Donc, après la période des questions, à 15 heures, 15 h 15 ou 15 h 30, on serait prêts à commencer.

Mme Harel: Est-ce que je dois comprendre que vous entendez suivre les travaux de la commission parlementaire des institutions sur la protection des renseignements personnels à l'égard des tiers?

M. Rémillard: En partie seulement.

Mme Harel: Parce que cela débute la semaine prochaine.

M. Rémillard: Oui, en ce qui regarde une partie, je voudrais être là.

Mme Harel: Mercredi prochain.

Des voix: Mardi.

M. Rémillard: Oui. Est-ce mardi?

Mme Harel: Mardi le 14.

M. Kehoe: Mardi et mercredi. Mercredi soir.

M. Rémillard: Mardi était réservé pour le Code civil, dans l'après-midi et la soirée, et mercredi... Alors, je pense qu'il y aura peut-être des ajustements à discuter de part et d'autre.

Mme Harel: Mais vous allez suivre la commission parlementaire des institutions sur la protection des renseignements personnels?

M. Rémillard: En partie seulement puisque et l'adjoint parlementaire au ministre de la Justice, le député de Chapleau, et le ministre des Communications vont aussi suivre attentivement cette commission parlementaire.

Mme Harel: Qu'est-ce que cela signifie "en partie"?

M. Rémillard: Cela reste à déterminer. Selon les mémoires et les événements.

Mme Harel: Parce que, moi, je vous suis. Où vous êtes, je serai! Il faut que je le sache!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Ah oui? Je m'en doutais. Je m'en doutais. Mais, à un moment donné, vous allez trouver cela dur d'être dans mon ombre!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: II y a seulement la commission parlementaire sur la souveraineté où je ne me trouve pas à siéger.

Mme Caron: Je te remplace.

Mme Harel: Mais ma collègue de Terrebonne est là, vous voyez.

M. Rémillard: La députée de Terrebonne, oui.

Documents déposés

Le Président (M. Lafrance): Avant d'ajourner, j'aimerais souligner qu'on vient de recevoir de la documentation nouvelle et, officiellement, on a accepté le dépôt de ces documents-là: le

livre cinquième, Des obligations; plus particulièrement, le titre deuxième, Des contrats nommés, le volume 1, qui portera la cote numérique 36, et encore le titre deuxième, Des contrats nommés, volume 2, qui portera la cote numérique 37. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, on va ajourner sine die, en vous remerciant.

(Fin de la séance à 18 h 21)

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