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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Friday, September 20, 2019 - Vol. 45 N° 10

Special consultations and public hearings on Bill 34, An Act to simplify the process for establishing electricity distribution rates


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Table des matières

Auditions (suite)

Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) et Stratégies
énergétiques (SE)

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

M. Jean-François Blain

Mémoires déposés

Autres intervenants

M. Mathieu Lemay, président

M. Jonatan Julien

M. Saul Polo

Mme Ruba Ghazal

M. Sylvain Gaudreault

Mme Suzanne Blais

*          M. André Bélisle, AQLPA

*          M. Dominique Neuman, idem et SE

*          M. Stéphane Forget, FCCQ

*          M. Philippe Noël, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente et une minutes)

Le Président (M. Lemay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Aujourd'hui, la commission est réunie afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 34, la Loi visant à simplifier le processus d'établissement des tarifs de distribution d'électricité.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Nichols (Vaudreuil) remplace M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); M. Kelley (Jacques-Cartier) remplace M. Ciccone (Marquette); Mme Ghazal (Mercier) remplace Mme Lessard-Therrien (Rouyn-Noranda—Témiscamingue); et M. Gaudreault (Jonquière) remplace M. Roy (Bonaventure).

Auditions (suite)

Le Président (M. Lemay) : Parfait. Merci. Cet avant-midi, nous allons entendre l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique et Stratégies énergétiques, la Fédération des chambres de commerce du Québec, ainsi que M. Jean-François Blain, analyste sénior en réglementation dans le secteur de l'énergie.

Je souhaite donc la bienvenue aux représentants de l'Association québécoise de la lutte contre la pollution atmosphérique et Stratégies énergétiques. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire votre exposé, puis nous procéderons ensuite à la période d'échange avec les membres de la commission.

Je vous invite donc à vous présenter, ainsi que la personne qui vous accompagne, ensuite à procéder avec votre exposé. La parole est à vous.

Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique
(AQLPA) et Stratégies énergétiques (SE)

M. Bélisle (André) : Bonjour, M. le Président. Bonjour, M. le ministre et tous les membres de la commission. Je m'appelle André Bélisle. Je suis président, cofondateur de l'AQLPA, un organisme environnemental qui existe depuis 1982, donc on fête notre 37e anniversaire cette année. Vous avez, dans le document qu'on vous a présenté ou déposé, pas mal l'historique, j'insisterais sur quelques points.

L'AQLPA est à l'origine...

Le Président (M. Lemay) : ...simplement présenter votre collègue.

M. Bélisle (André) : Oups! Pardon. J'allais le présenter après, mais voilà, mon collègue Dominique Neuman est le procureur de l'AQLPA et de Stratégies énergétiques à la Régie de l'énergie, et on reviendra sur Stratégies énergétiques ensuite. Alors, ça me fait plaisir de vous présenter notre procureur. Voilà.

Donc, l'AQLPA est là depuis longtemps, on est l'origine de la création de la régie et à l'origine de la création de l'agence, de l'office et du bureau d'efficacité énergétique, suite à un débat qui a eu lieu, pour ceux qui étaient là, dans les années 80-90, le débat sur l'énergie qui a amené le Québec à vouloir se doter d'instruments pour avoir un contrôle sur le développement énergétique, avoir un droit de regard, puisque c'est l'argent des contribuables et c'est aussi le territoire des contribuables qui est en question quand on parle d'énergie.

Donc, l'AQLPA a fait beaucoup d'interventions, notamment sur les pluies acides, où on est à l'origine de l'obtention de l'accord sur les pluies acides. Ça va peut-être surprendre bien des gens, mais c'est le Québec qui a mené la bataille et qui a gagné la bataille. Je salue au passage l'ex-ministre Clifford Lincoln, avec qui on a travaillé beaucoup. Je vous fais grâce de tous les détails de nos travaux et de nos victoires au fil des années, mais j'ai l'immense plaisir... je remercie le bon Dieu de pouvoir dire que toutes les batailles que l'AQLPA a menées ont été gagnées et ont permis au Québec d'avancer et d'évoluer de façon importante.

Notre partenaire Stratégies énergétiques, c'est un organisme environnemental à but non lucratif, incorporé en 1998. Stratégies, ou SE, pour les intimes, vise à développer des outils d'analyse stratégique qui intègrent les filières de production énergétique desservant les marchés, les perspectives et les recherches-développements, les profils de consommation interne, des échanges nord-américains. Et tous les deux, on travaille étroitement à développer, si on veut, des solutions. Donc, on est présentement très impliqués dans les dossiers d'efficacité énergétique, le dossier d'électrification des transports, de la biométhanisation, et j'en passe.

Alors, voilà les raisons pourquoi on est ici. Nous, on a un intérêt très marqué, on est très favorables à la Régie de l'énergie et on espère vous convaincre de son importance. Et je cède la parole à mon collègue Me Neuman.

M. Neuman (Dominique) : Alors, bonjour, M. le Président. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, Mmes et MM. les députés membres de la commission. Alors, nous sommes très contents de nous présenter devant vous pour vous faire part de nos représentations sur le projet de loi n° 34, en notant que vous êtes élus pour quatre ans. Vous êtes élus pour quatre ans, mais, malgré ça, chaque année, à l'Assemblée nationale, l'un de vous, le ministre des Finances, présente un discours sur le budget, accompagné chaque année des crédits de chaque ministère. Chaque année, à l'Assemblée nationale, vous débattez du discours sur le budget et, en commissions parlementaires, vous analysez les crédits de chacun des ministères, vous faites venir des témoins des différents ministères pour qu'ils expliquent non seulement le montant à la fin, là, de combien ça a augmenté par rapport à l'an dernier, mais l'ensemble des activités du ministère. Vous posez des questions sur les programmes qui existent, ceux qui marchent bien, ceux qui marchent moins bien, ceux qui pourraient exister à l'avenir, ceux qui pourraient être modifiés.

Vous tenez des heures, et des heures, et des heures, et des heures de débat chaque année pour discuter des budgets et des crédits pour une périodicité de 12 mois. Pourquoi vous faites ça? D'abord, ça ne serait pas plus simple de faire ça une seule fois plutôt que de revenir chaque année, ça prend du temps, ça coûte cher, de revenir une seule fois, de faire ça aux 60 mois, d'avoir un discours du budget aux 60 mois ou jusqu'à 30, puisque vous êtes élus juste pour quatre ans, et d'étudier les crédits pour quatre ans? Puis la manière d'établir les crédits, ça pourrait être très simple : vous les étudiez une année, vous calculez tout ça pour une année, puis vous pouvez décider que l'année n° 2, bien, sera la même chose que l'année n° 1, puis, les années suivantes, ce sera une augmentation de tout ce qu'il y a dans le budget multiplié par l'inflation. Vous pourriez faire ça, c'est beaucoup plus simple, ça coûterait moins cher.

Puis tous ces débats où vous analysez les programmes, les crédits de chaque ministère, les citoyens ordinaires, dans les barbecues ça ne les intéresse pas. Les citoyens ordinaires, dans les barbecues, ce qu'ils veulent savoir, c'est un chiffre : Ce sera combien leurs chèques d'impôt qu'ils devront payer chacune des années? Vous pourriez donner à l'ensemble des citoyens, aux citoyens qui vont dans le barbecue... plutôt que l'exactitude du calcul, vous pourriez leur donner la prévisibilité, vous pourriez leur dire : Pas la peine de vous interroger, je vous dis tout de suite, l'an prochain, votre chèque d'impôt sera le même que l'an dernier, pas un sou de plus, pas un sou de moins, vous pouvez déjà écrire le chèque. Puis, les années suivantes, multipliez ça par l'inflation, c'est ça, votre chèque, vous n'avez pas besoin d'en savoir plus.

Puis peut-être que beaucoup de citoyens que vous rencontrez dans les barbecues seraient d'accord pour échanger tout ce que vous faites pendant chaque année pour juste la certitude du taux d'inflation pour les années suivantes puis un taux d'augmentation de 0 %. Ce serait beaucoup plus simple, beaucoup plus présentable. Puis demandez-le dans les barbecues. Ce que vous faites à l'année longue dans toutes ces commissions parlementaires, à l'Assemblée nationale, est-ce que ça les intéresse vraiment? Puis, si en plus vous leur dites combien ça coûte, ils vont dire : Coudonc, pourquoi est-ce qu'on paie pour tout ça? Au bout de la ligne, on n'a pas besoin que les députés se réunissent si souvent. Qu'ils se réunissent une seule fois pour adopter le budget quadriennal, c'est tout. Puis, même une fois tous les quatre ans, ce n'est même pas la peine de faire ça en public. À quoi ça sert, le public, vraiment? Ils ne viennent même pas. Regardez, les chaises sont vides. Ça fait que ça pourrait être ça. Puis c'est ça, le projet de loi n° 34.

• (9 h 40) •

Ça fait que, comme beaucoup de gens... Et je pense qu'à part Hydro-Québec il n'y a pas eu trop d'appuis pour cette suppression des pouvoirs de la régie. Et on vous recommande de ne pas supprimer ces pouvoirs de la régie, ils sont utiles, et ils sont aussi utiles que ce que vous faites aujourd'hui en commission parlementaire et tout au long de l'année dans cette commission, dans les autres commissions à l'Assemblée nationale, pour étudier les budgets et les crédits. Vous n'examinez pas juste le chiffre à la fin, le pourcentage, vous examinez les programmes, posez des questions. Vous allez à un certain niveau de détail sur les activités de chacun des ministères.

Et c'est ça que la régie fait lorsqu'elle étudie une hausse tarifaire. Elle ne s'intéresse pas juste à un chiffre qui vient à la fin, par lequel on multiplie le budget de l'année précédente, elle examine les différents programmes. Puis on a des choses à dire, et il y a des améliorations qui ressortent de ces débats. Il y a des choses que les débats, conjugués avec les interventions de la régie, permettent de changer, parce qu'on réalise... Notamment, il y a maintenant un virage vers la satisfaction de la clientèle d'Hydro-Québec, qui est très bien et qui ressort de nombreuses remarques, de nombreuses observations qui ont été faites tout au long des années. Il y a des budgets pour les programmes d'efficacité énergétique, qui sont de plus en plus bons et qui résultent... Si vous regardez 10 ans en arrière, il n'y avait pas grand-chose qui se faisait là-dessus, et ça s'est amélioré. On parle maintenant de bornes de recharge électrique, et ainsi de suite. Donc, on vous invite à garder les pouvoirs de la régie de manière à ce que les augmentations mais aussi l'analyse des budgets soient faites par la régie.

Et, selon beaucoup de personnes qui sont venues devant vous, les augmentations résultantes seraient moindres que les taux de 0 % plus l'inflation qui sont proposés dans le projet de loi. Elles sont moindres pourquoi? Parce que, si vous regardez une certaine courbe... Je sais que M. le ministre a présenté une courbe des 15 dernières années comparant le taux d'inflation aux augmentations de la régie. Mais ce que cette courbe révèle, c'est l'ancienne méthode de fixation de la régie, qui a généré les surplus de 1,5 milliard. Donc, c'est ça que représente cette courbe. Et, avant que ne soient mises en place... c'est très récent, mais c'est maintenant en vigueur grâce à d'autres projets de loi qui ont été adoptés par cette Assemblée, il y a un mécanisme de réglementation incitative qui...

Le Président (M. Lemay) : M. Neuman...

M. Neuman (Dominique) : Oui?

Le Président (M. Lemay) : ...ceci complète votre période pour votre exposé.

M. Neuman (Dominique) : D'accord.

Le Président (M. Lemay) : Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec la partie du gouvernement. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Julien : Oui. Merci, M. le Président. Merci, messieurs, d'être ici aujourd'hui, là, pour pouvoir échanger sur le projet de loi n° 34.

Rapidement, M. Neuman, vous intervenez régulièrement dans la cause tarifaire à la Régie de l'énergie?

M. Neuman (Dominique) : Oui, absolument. Bien, les intervenants à Stratégies énergétiques et l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, nous intervenons régulièrement dans les différents dossiers d'Hydro-Québec et aussi de gaz naturel.

M. Julien : Donc, vous intervenez comme conseiller juridique, année après année, à la cause tarifaire.

M. Neuman (Dominique) : Comme intervenant.

M. Julien : Êtes-vous rémunéré pour faire ces interventions-là?

M. Neuman (Dominique) : Oui, absolument.

M. Julien : Quand vous mentionnez... M. Neuman, vous faites la comparaison entre l'étude des crédits et le dépôt du budget et le processus de cause tarifaire, puis en disant : On va enlever les pouvoirs à la régie. Pour nous, en réalité, le p.l. n° 34, puis je le répète, là, quand je regarde l'ensemble des pouvoirs et des responsabilités qu'a la régie, l'élément qu'on vient modifier, essentiellement, avec toute la liste des pouvoirs et responsabilités de régie... On vient dire : La cause tarifaire, au lieu d'être sur une périodicité de 12 mois, bien, ça va être sur une périodicité de 60 mois.

Et vous avez mentionné, comme certains ont mentionné : Bien, tous les groupes qui sont venus ici se sont opposés. J'observe qu'effectivement les groupes qui, année après année, participent à la cause tarifaire, avec des frais, somme toute, assez importants, sont venus défendre en réalité le processus de cause tarifaire. Et, quand on allait sur : Oui, mais pour le consommateur, pour le client, quel est le risque?, on n'a pas eu beaucoup de réponses qui faisaient en sorte que, oui, le consommateur ou le client va avoir de grands risques. Même qu'un groupe a dit : Nous, on est à l'aise parce que le gel de la première année, avec l'inflation, quand on va arriver après cinq ans, ça va représenter moins que l'inflation, et la cause tarifaire va venir corriger, le cas échéant, mais on ne pense pas qu'il va y avoir un choc tarifaire. Parce que certains ont énoncé à la fois qu'on paierait trop cher et à la fois qu'il y aurait un choc tarifaire, donc les deux risques bout à bout, pour valider le fait qu'il fallait le tenir sur une base annuelle.

Mais ce qu'on observe, c'est : quand on regarde le tableau, quand on regarde l'information par rapport aux gens qui se présentent année après année pour venir faire le processus de cause tarifaire, rémunérés, avec des frais pour couvrir les frais des experts juridiques, vous en êtes, bien, ces groupes-là, effectivement, ils aiment bien qu'on y aille aux 12 mois, et je peux les comprendre. Et, a contrario, quand on nous dit : Oui, mais ça ne coûte pas si cher que ça par rapport au total, non, on ne parle pas du coût par rapport aux revenus d'Hydro-Québec, mais on comprend bien que ces frais-là, pour les groupes qui y participent, peuvent peut-être importants, puis on conçoit ça, on conçoit ça.

Maintenant, quand on regarde dans les dernières années, vous avez raison, j'ai brandi un tableau puis je vais le rebrandir, je vais le rebrandir : 15 ans, inflation 100 $ d'il y a 15 ans, à l'inflation, 128,4 $ aujourd'hui, selon la hausse tarifaire, 132,6 $. Alors, on dit : Si on avait appliqué l'inflation sur cette période-là, bien, les gens paieraient à peu près 300 points de base de moins sur leur facturation. Ça fait qu'on dit : La première année, nous, on va geler, parce qu'on voit, en fin de compte, qu'il s'est créé un écart, effectivement, et la somme des écarts entre l'inflation... et, la hausse tarifaire, un intervenant nous a dit que ça représentait 2,4 milliards, et il est normal qu'il s'est créé un écart de rendement, par le fait même, de 1,5 milliard.

Mais après ça les gens nous disent : Non, non, quand on va en cause tarifaire, là, M. le ministre, quand on va en cause tarifaire, c'est pour avoir le prix juste, le prix juste. Oui, basé sur des analyses sur des coûts. Nous autres, on dit : Oui, mais, quand on regarde, encore là, les tableaux, une année on dit : Une augmentation de 4,3 % après le processus de cause tarifaire, 4,3 % d'augmentation, et, à la fin, quand on fait le post mortem des résultats réels, écart de rendement de 160 millions. 160 millions, c'est 1,5, à peu près, pour cent. Là, on dit juste : Oui, c'est le fun, là, à tous les ans, ce processus-là, mais on ne se donne pas d'agilité, on ne se donne pas de stabilité dans les tarifs, on ne se donne pas de prévisibilité pour la clientèle. Alors, quand je parle des gens du barbecue, que vous semblez dire que ces gens-là, ils peuvent nous dire ça puis son contraire et n'importe quoi, ce que les gens nous disent, c'est : On aime ça, la stabilité, et, nous, qu'est-ce qu'on vient dire dans le p.l. n° 34, c'est : On ne vient pas déréglementer, on vient augmenter la périodicité.

Alors, ce n'est pas vrai que la régie n'a plus ses pouvoirs. Elle conserve tous ses pouvoirs en haute matière et, au lieu d'être aux 12 mois qu'elle va écouter la hausse tarifaire, elle va l'écouter aux 60 mois. Je comprends que, pour vous qui participez année après année aux causes tarifaires comme experts, ça va être aux 60 mois. Je comprends cet élément-là puis je peux concevoir, si j'étais à votre place, que cet élément-là me préoccuperait.

Mais je reviens sur le risque, le risque pour la clientèle, le risque pour le consommateur, l'avantage pour la clientèle, l'avantage pour le consommateur d'avoir une stabilité prévue à l'inflation. Et je le sais, que l'inflation... les coûts d'Hydro-Québec ne reflètent pas l'inflation. On pense que c'est une bonne base, parce que le corollaire, c'est le passé. Puis, de toute façon, on va corriger après cinq ans. Au pire, gel, inflation quatre ans, et, si on s'est écartés d'une réalité, la cause tarifaire, à laquelle, M. Neuman, je suis certain que vous allez participer activement avec votre expertise, vous permettra, dans 60 mois, de donner un avis concret à la régie pour qu'elle corrige le tir.

Maintenant, dans l'annexe, on prévoit plein de documentations qui vont être déposées sur une base annuelle, qui permet, à notre avis — mais, si vous nous suggérez d'autres éléments qui devraient être ajoutés, je serais curieux de vous entendre — justement d'avoir l'information nécessaire pour juger de la performance d'Hydro-Québec.

Alors, pour vous, cette information-là n'est pas suffisante ou adéquate? J'aimerais savoir quelle information qu'il manquerait.

Le Président (M. Lemay) : M. Neuman, la parole est à vous.

• (9 h 50) •

M. Neuman (Dominique) : Oui, je réponds à trois choses. D'abord, l'information annuelle, selon le projet de loi n° 34. La raison d'être de cet article est de réduire l'information qui, si cet article n'existait pas, aurait à être déposée. Il y a déjà, chaque année, dans la cause tarifaire et dans les rapports annuels d'Hydro-Québec Distribution, comme d'Hydro-Québec Transport, comme de Gazifère, comme d'Énergir, de l'information substantielle sur chacun des postes budgétaires. Cette liste existe déjà, vous pouvez vous la procurer. Ça résulte de l'accumulation des décisions de la régie qui ont, au fur et à mesure des années, élargi la liste de ce qui doit être déposé.

Et cette information est utile, de la même manière que sont utiles les rapports annuels des ministères, les rapports annuels de n'importe quelle corporation. Donc, cette information n'a plus à être déposée, puisqu'elle est remplacée par la liste courte, donc totalement...Tous les résultats, budget par budget, ce n'est plus là, ce n'est plus dans la liste.

M. Julien : ...nous suggérer quelle information supplémentaire qui pourrait être déposée?

M. Neuman (Dominique) : L'information qui est déjà déposée actuellement. C'est ça, il y a une liste. Ça prendrait plus que les 45 minutes de ma présentation pour vous la lire au complet.

M. Julien : Donc, vous nous suggérez, le cas échéant, de déposer plus d'informations...

M. Neuman (Dominique) : L'information qui se dépose actuellement.

M. Julien : ...qui se dépose actuellement. Déposer cette information-là permettrait, en fin de compte, de voir l'information année après année.

M. Neuman (Dominique) : Oui, oui, et notamment de voir s'il y a d'autres trop-perçus. Plusieurs intervenants sont venus vous dire qu'on ne pourra même plus détecter les trop-perçus. C'est vrai, selon la liste restreinte, on ne pourra plus détecter les trop-perçus.

M. Julien : La notion de trop-perçu...

M. Neuman (Dominique) : Les trop-perçus, ce que vous appelez les écarts de rendement.

M. Julien : Vous parlez des écarts de rendement, en réalité, qui sont basés, qui sont calculés de manière... on fixe 8,2 % de rendement, puis l'écart, en fin de compte, c'est ce qui est au-dessus du 8,2 %.

M. Neuman (Dominique) : Oui, oui.

Le Président (M. Lemay) : M. Neuman, allez-y.

M. Neuman (Dominique) : Oui, oui. On parle de l'écart entre les coûts réels et l'augmentation tarifaire qui serait donnée au taux d'inflation par le projet de loi. C'est de ça qu'on parlerait. Parce qu'on présume qu'Hydro-Québec ne va pas dépenser tout cet argent supplémentaire qu'il obtiendra par ce taux d'inflation. Donc, il y aura un écart, mais il est souhaitable que cet écart soit au moins connu. O.K. Il y a d'autres intervenants qui ont dit, avec raison : Bon, une fois qu'il est connu, si on ne peut rien faire puis qu'on doit attendre quatre ans, c'est un autre problème.

Mais je veux pouvoir répondre à l'ensemble de vos questions.

M. Julien : ...

M. Neuman (Dominique) : O.K. Quand vous avez montré la courbe de 15 ans comparative entre l'inflation et les augmentations, ce que j'avais commencé à expliquer, c'est que cela reflète l'ancien mode de tarification, qui ne prévoyait pas de remboursement des trop-perçus, des écarts de rendement. Or, la régie a été saisie de ce problème. Et elle a analysé ce problème. Elle a développé une solution, notamment grâce à des projets... à des textes de la loi qui lui donnaient le pouvoir de le faire, elle a développé ce qui s'appelle un mécanisme de réglementation incitative. La formule, la formule simplifiée de ce mécanisme, c'est : i moins X. «I», c'est l'inflation, «moins X»... «X», c'est le taux de productivité qu'un distributeur, comme Hydro-Québec Distribution, peut obtenir en deçà de l'inflation.

Mais, pour vous donner l'information complète, à ça s'ajoutent d'autres postes budgétaires qui ne sont pas soumis à i moins X, notamment, et on comprend tout de suite pourquoi, les programmes d'efficacité énergétique, parce qu'ils sont en croissance, et, logiquement, ils devraient continuer de l'être d'ici 2030 pour répondre aux objectifs de la politique gouvernementale. Puis il y a aussi des questions d'imprévus. Donc, c'est i moins X plus un certain nombre de choses.

Mais, déjà dans la formule, la structure de la formule, c'est que, pour la grande majorité des coûts, c'est moins que l'inflation. Puis en plus le mécanisme prévoit un remboursement partiel des surplus. Et pourquoi partiel? Parce que certains de ces surplus proviennent de gains d'efficience. Il y a des chantiers d'efficience qui sont présentés comme tels par Hydro-Québec, et donc, si elle réussit à dépenser moins que ce qui lui est accordé, la formule, et c'est une formule qui est adoptée dans plein d'États dans le monde, permet au distributeur de garder une partie de ces surplus et d'en rembourser une partie. Disons, pour simplifier, c'est moitié-moitié, mais il y a...

M. Julien : Mais je connais bien le mécanisme d'écart de rendement.

Le Président (M. Lemay) : M. le ministre, la parole est à vous.

M. Julien : Donc, 50-50 sur le premier 100 points de base, 75-25 sur les points de base supplémentaires. Ça va assez bien, on a bien compris ça. On comprend également que ce processus-là n'a pas été mis en place dans les années, en fin de compte, de rigueur financière, par un choix politique. Je comprends bien qu'on a politisé, en fin de compte, le mécanisme d'écart de rendement. Je comprends bien ça également.

Je comprends également que la population nous a dit : Le mécanisme d'écart de rendement, on n'y adhère pas. Parce que, la population, à la fin, c'est pour elle qu'on travaille, nous autres, ici, là. Alors, ils nous disent : Le mécanisme d'écart de rendement, 0,50 $ dans la piastre sur le premier 100 points de base, on ne veut pas ça. Alors, nous autres, on dit : O.K., on vous entend, on va vous rembourser le 500 millions qui est actuellement dans le compte d'écart.

Certains nous diront : Oui, c'est de l'argent qui est dû, c'est de l'argent qui est dû, il appartient... Oui, c'est de l'argent qui est dû, mais, quand on le redonne, quand on le redonnait sur une base, en fin de compte, périodique avancée, on la recréait. Donc, ce 500 millions est toujours parqué quelque part, si on ne change pas le projet de loi. Donc, on élimine cet élément-là et on vient geler.

Mais je reviens sur le principe de cause tarifaire annuelle à laquelle vous participez année après année comme experts. Je serais curieux de vous entendre sur l'efficacité et l'acuité des résultats obtenus dans le processus de cause tarifaire quand... à chaque année, 4,3 % d'augmentation, 160 millions d'écart de rendement. Moi, j'ai toujours pensé que le processus de cause tarifaire qui est supposé être, en fin de compte... selon ce que j'entends des experts qui y participent à chaque année, moyennant des frais, que c'était un processus qui était efficace et assez juste. On observe des écarts de 200, 250 millions, 150 millions, 150 points de base. C'est presque du simple au double par rapport à ce que vous avez dans un processus que vous qualifiez rigoureux et juste. C'est des écarts du simple au double.

Alors, la valeur ajoutée pour le contribuable, revenons... pour le payeur, pour le consommateur, la valeur ajoutée de ça, par rapport au risque qu'il encourt, pour les cinq prochaines années, d'avoir un gel et de monter à l'inflation... Quel est le risque pour le consommateur qu'on soit sur 60 mois plutôt que 12 mois?

Le Président (M. Lemay) : M. Neuman.

M. Neuman (Dominique) : C'est ça que j'étais en train de vous expliquer, c'est que ne comparez pas votre projet de loi à ce qui s'est fait avant le mécanisme de réglementation incitative, comparez-le à ce que vous êtes en train de supprimer et qui existe maintenant. Et, après avoir attendu trop longtemps... Je suis tout à fait d'accord, ça aurait dû être mis en place avant, mais maintenant c'est en vigueur, le mécanisme de réglementation incitative qui permet, à la fois, d'avoir une augmentation inférieure à l'inflation, et, en plus, de mesurer l'efficience de productivité, et de mesurer les résultats de... Il y a différents indicateurs de performance. On s'assure que les coupures, éventuellement, ne soient pas des coupures aveugles. Alors, on compare ça...

M. Julien : Alors, juste pour faire du pouce...

Le Président (M. Lemay) : M. le ministre, la parole est à vous.

M. Julien : ...sur ce que vous mentionnez. Donc, ce que vous me dites, c'est... Vous seriez prêts à accepter, en fin de compte, une augmentation à l'inflation et, après ça, correction, après ça, selon un mécanisme d'écart de rendement, sur les résultats obtenus. Parce que c'est ça que vous nous dites. Ce n'est pas la cause tarifaire, c'est : si je monte à l'inflation, j'observe des résultats a posteriori et je donne un écart, vous seriez prêts... Parce que c'est là-dessus que vous m'amenez, sur la supervertue de l'écart de rendement. Mais moi, je vous amène sur c'est quoi, la valeur ajoutée d'une cause tarifaire annuelle, quand on observe les résultats passés, qui ont montré, en fin de compte, que ce qui a été sorti de ces causes tarifaires là, qui était supposé être le juste coût... à toute année, plus ou moins 150 points de base, complètement écarté du résultat, pas mieux, certainement pas mieux que l'inflation, qui est une projection stable dans le temps et qui démontre que, dans les 15 dernières années, c'est ça qui a été reflété.

Le Président (M. Lemay) : M. Neuman.

M. Neuman (Dominique) : J'essaie de répondre depuis 10 minutes à votre question, je n'ai pas répondu parce que vous m'interrompez.

M. Julien : Oui, mais c'est parce que la réponse que vous me donnez, ce n'est pas...

M. Neuman (Dominique) : Je ne vous ai pas donné de réponse...

M. Julien : ...à ma question.

M. Neuman (Dominique) : Vous avez parlé plus longtemps que moi...

Le Président (M. Lemay) : Excusez-moi. Excusez-moi.

M. Neuman (Dominique) : ...je n'ai pas répondu...

Le Président (M. Lemay) : M. Neuman.

M. Neuman (Dominique) : ...j'aimerais répondre.

Le Président (M. Lemay) : M. Neuman, M. Neuman...

M. Julien : Je vous écoute.

Le Président (M. Lemay) : ...la parole est à vous, il reste moins d'une minute. Simplement, allez-y avec votre dernier élément de réponse.

M. Neuman (Dominique) : Alors, j'aimerais répondre à la question, j'espère que je ne serai pas interrompu de nouveau, que je pourrai bénéficier du temps de réponse que j'ai encore, qui est très court.

La question que vous posez : Quelle est la valeur ajoutée, quel est le risque pour le client?, c'est la même question que vous pourriez poser face aux travaux de l'Assemblée nationale. Le but des travaux, ce n'est pas juste de décider une chose, un chiffre, l'augmentation par rapport à l'an précédent, c'est d'étudier le contenu des dépenses, d'étudier les programmes. Et c'est ce que nous faisons. Dans la cause tarifaire, on ne fait pas juste discuter d'un chiffre, c'est combien le taux d'augmentation, on examine les programmes. Et on a réussi à les améliorer, que ce soit pour l'efficacité énergétique, que ce soit pour des programmes de conversion, sur lesquels j'aurai quelque chose à répondre si quelqu'un d'autre me pose une question, que ce soit sur les bornes de recharge, on a réussi à faire améliorer les choses déjà, et sur plein d'autres programmes, il y a des programmes pour les consommateurs, pour les ménages à faibles revenus. Il y a plein de choses que ces audiences ont permis d'améliorer...

Le Président (M. Lemay) : C'est tout, M. Neuman.

M. Neuman (Dominique) : ...parce qu'on ne parle pas que du chiffre à la fin.

Le Président (M. Lemay) : Je vais devoir vous interrompre sur ce point. Je vais maintenant céder la parole à l'opposition officielle, M. le député de Laval-des-Rapides, pour votre période d'échange.

M. Polo : M. Neuman, poursuivez votre réponse.

• (10 heures) •

M. Neuman (Dominique) : Oui. Bien, simplement, pour ce qui est du programme de conversion du mazout, du mazout à l'électricité, c'est un programme que nous avons appuyé, qui a été présenté par Hydro-Québec Distribution une fois et qui aurait pu mais n'a pas été présenté une seconde fois. Lorsqu'Hydro-Québec est venue se présenter à vous, ils ont dit : Ce projet de loi nous donnera plus de flexibilité. Nous pourrons faire davantage, nous pourrons dépenser davantage que ce que la régie nous a permis jusqu'à présent. Ils ont donné un certain nombre d'exemples dans leur liste.

Également, l'AIEQ aussi a dit qu'ils sont contents du projet de loi parce que ce projet de loi permettra de dépenser davantage, donc leurs membres pourront bénéficier de davantage de contrats pour réaliser ces investissements supplémentaires.

Dans l'exemple du programme de conversion, j'étais présent dans ce programme, nous les avons mieux appuyés qu'Hydro-Québec elle-même. Et je me rappelle, je regardais mes collègues pendant que l'audience se déroulait, on se demandait : Est-ce qu'ils veulent vraiment ce programme ou est-ce qu'ils sont en train de faire exprès de le tuer devant la régie? Parce que c'est ce qui est arrivé. Le projet a été tellement mal défendu que la régie l'a rejeté. D'abord, parce qu'il a été présenté comme programme commercial plutôt que d'être présenté comme programme de transition efficacité énergétique, alors que les critères étaient différents. Commercial, on est plus rigoureux. Il faut une plus grande rentabilité que pour un programme d'efficacité et d'innovation transition énergétique.

Et, une deuxième fois, lorsque le plan de développement de Transition énergétique Québec a été présenté, Hydro-Québec n'a pas appuyé ce programme dans sa liste. Elle aurait pu le faire. On est allés en audience, on a demandé à Hydro-Québec : Pourquoi vous ne l'incluez pas? Elle a dit : Ah! vous savez, on est tellement démoralisés de l'avoir perdu la première fois qu'on ne le propose plus. Et là c'était le moment de le présenter! C'était l'étude d'un plan qui comprend des programmes qui dépassent le seuil de la rentabilité d'un programme commercial ordinaire.

Donc, Hydro-Québec... Et on peut dire de façon très claire qu'aux deux fois où elle aurait pu présenter ce programme, elle a comme fait exprès de ne pas l'avoir, pour toutes sortes de raisons, je ne me lance pas là-dessus. Donc, c'est un peu fallacieux de dire : Grâce au projet de loi, on pourrait le faire. Ils pouvaient le faire déjà et ils ont omis de le faire. On souhaite qu'ils le fassent à un moment donné ou à un autre.

Pour ce qui est du... oui, enfin, du 500 millions, c'est la chose... la concession que vous faites. Dans notre mémoire, on vous dit : Même si on est en désaccord avec l'ensemble du projet de loi, le 500 millions, on est d'accord. Enfin, 500 millions, c'est un grand mot puisque, 500 millions, aucun intervenant n'a été capable de reconstituer comment est-ce qu'on arrive à 500 millions. On sait qu'il y a des comptes de frais reportés. On sait que vous-même, M. le ministre, vous avez posé la question, le premier jour, à Hydro-Québec, à savoir : Comment est-ce qu'on arrive au chiffre de 500 millions? Et Hydro-Québec ne vous a pas répondu. Donc, on ne sait pas comment est-ce qu'on arrive à 500 millions.

Différentes études existent, qui nous disent que c'est à peu près 150 à 200 millions si on additionne les comptes de frais reportés. Donc, il manque 300 millions. On ne sait pas si Hydro-Québec va rembourser 500 millions ou si, au contraire, elle va rembourser les comptes de frais reportés, qui sont d'environ 200 millions. Mais, en tout cas, on laisse déterminer... mais on est d'accord pour ce remboursement. Et on est tout à fait d'accord avec ce que tout le monde a dit, y compris M. le ministre, à l'effet que le remboursement des comptes de frais reportés aurait eu lieu de toute façon mais de façon étalée dans le temps. Personne ne nie ça.

Donc, il y en a qui disent : C'est terrible, c'est fallacieux, mais, en tout cas... Nous ne sommes pas en désaccord avec le fait qu'ils soient remboursés et qu'ils soient remboursés comme une somme globale, payable d'un seul coup. Parce que, si ce remboursement était fait sous la forme d'une diminution des tarifs généraux pendant une année et que ça vaut une seule fois, c'est non récurrent, après, l'année suivante, les gens diraient : Ah! bien là, vous augmentez plus que l'inflation. Bien là... Ça fait qu'on est d'accord que ce soit remboursé en un seul coup.

J'aurais également souhaité vous parler de l'interfinancement...

Le Président (M. Lemay) : M. Neuman, juste un instant...

M. Neuman (Dominique) : D'accord, d'accord, je laisse les questions...

Le Président (M. Lemay) : On va retourner au député de Laville-des-Rapides. Allez-y, M. le député.

M. Polo : Laval-des-Rapides.

Le Président (M. Lemay) : Excusez-moi, Laval-des-Rapides.

M. Polo : Non, vous cherchiez, vous avez perdu le fil de vos idées, mais poursuivez, M. Neuman, si vous voulez.

M. Neuman (Dominique) : O.K., d'accord. Oui, sur l'interfinancement, je ne vais pas élaborer très longuement, toutes les régies du monde occidental se préoccupent d'un interfinancement, souvent historique, qui existe, qui fait en sorte que les consommateurs, bien, au Québec, c'est surtout les consommateurs commerciaux, les petits commerces et les institutions, donc le secteur parapublic, paient plus, environ 120 %, je n'ai pas le chiffre exact, paient environ 120 % de leurs coûts. Les industriels aussi paient davantage que leurs coûts, mais c'est plus de l'ordre de 105 %, mais, pour eux, c'est des montants énormes, et ils sont venus vous en parler.

Nous avons appuyé pour Hydro-Québec, comme pour les dossiers de gaz, une réduction de l'interfinancement. Cette réduction est en cours pour les dossiers gaziers comme elle l'est dans l'ensemble des autres... devant les ensembles des autres régies du monde occidental. Pour l'électricité, il y a un blocage, parce qu'il y a un article de l'article... un paragraphe de l'article 48 qui empêche d'atténuer l'interfinancement. Et, lorsque le gouvernement du Québec a demandé, il y a quelques années, à la régie de lui donner un avis, à savoir quelles sont les modifications importantes qui devraient être apportées à la tarification de l'électricité, le sujet numéro un que la régie souhaite corriger, c'est de lui permettre de corriger l'interfinancement graduellement, comme elle le fait pour le gaz.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Merci beaucoup. Quand vous avez parlé, là, dans vos échanges avec le ministre, sur l'évaluation du processus actuel versus le processus présenté par le p.l. n° 34, vous avez dit : Votre utilisation d'un tableau qui remonte aux 15 dernières années, la base même de cet argumentaire-là est fausse, parce que le nouveau mécanisme qui a été mis en place depuis 2017 a à peine deux ans de fonctionnement. Est-ce que vous pensez qu'Hydro-Québec devrait déposer un dossier tarifaire 2020-2021?

Le Président (M. Lemay) : M. Neuman.

M. Neuman (Dominique) : Oui. Nous le pensons, oui. Des intervenants, l'AQCIE, la FCEI et Option Consommateurs, ont fait une demande en ce sens. La régie a le pouvoir et, semble-t-il, doit le permettre en vertu de la loi actuelle, sauf que le projet de loi n° 34, s'il est adopté, mettra fin à ce processus. Mais il y aurait une cause tarifaire 2020-2021 si le...

M. Polo : Est-ce que le dépôt...

Le Président (M. Lemay) : M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Est-ce que le dépôt d'une cause tarifaire 2020-2021 aiderait justement à mieux comprendre ou enfin mieux démontrer que le mécanisme de réglementation incitative, depuis 2017, fonctionne mieux qu'anticipé et donc que le projet de loi n° 34... ou enfin le processus ou le mécanisme présenté par le projet de loi n° 34 est caduc?

Le Président (M. Lemay) : M. Neuman.

M. Neuman (Dominique) : O.K. Selon les chiffres qui ont déjà été déposés par les demandeurs de cette demande, ils ont déjà fait des calculs préliminaires à partir des informations publiques existantes, ils arrivent déjà à la conclusion que l'augmentation de 2020 serait inférieure au 0 % qui est proposé dans le projet de loi. Et également, mais surtout la cause tarifaire permettrait de continuer l'examen des programmes. Il y a des programmes d'efficacité énergétique qui sont récents, qui sont plus récents, qui ont besoin d'un suivi, il y a différentes autres activités qui font l'objet de ce suivi, qui est le même que celui que vous faites actuellement.

Le Président (M. Lemay) : Oui, parfait. M. Neuman, un instant. M. le député de Laval-des-Rapides, allez-y.

M. Polo : Est-ce que le projet de loi n° 34 fait la démonstration que les trop-perçus, le 1 milliard, pas le 500 millions, mais le 1 milliard des trop-perçus promis par la CAQ, seraient remboursés, à terme, sur une période de quatre ans?

Le Président (M. Lemay) : M. Neuman.

M. Neuman (Dominique) : O.K. Bien, le projet... L'augmentation du taux d'inflation est supérieure, à première vue, à ce qui résulte du mécanisme actuel de fixation des tarifs. Parce que, comme je l'ai mentionné, la courbe qui a été mentionnée tout à l'heure, la régie a vu l'équivalent de cette courbe et a réagi en ajustant le mode de tarification pour que justement il permette de réduire ce genre d'écart.

Donc, selon le mécanisme actuel, i moins X, mais plus certains éléments hors du mécanisme, devrait aboutir à moins que l'inflation.

Le Président (M. Lemay) : M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Est-ce que les trop-perçus disparaîtraient avec l'application du projet de loi n° 34?

Le Président (M. Lemay) : M. Neuman.

M. Neuman (Dominique) : Ils ne disparaîtraient pas puisque, comme je le mentionne... Bien, en fait, la question est de savoir : Qu'est-ce qu'Hydro-Québec dépensera? On lui donne l'inflation. Est-ce qu'elle va tout dépenser ou est-ce qu'elle dépensera moins? On ne le saura pas puisqu'on n'aura pas cette information dans l'information déposée annuellement. On ne le saura pas.

M. Polo : Est-ce que...

M. Neuman (Dominique) : Donc, si Hydro-Québec dépense tout...

Le Président (M. Lemay) : M. le député, allez-y.

M. Polo : Est-ce que le projet de loi n° 34 aide, selon vous, selon votre interprétation, selon ce qui a été déposé, aide ou améliore la prévisibilité de la hausse des tarifs d'hydroélectricité?

Le Président (M. Lemay) : M. Neuman.

M. Neuman (Dominique) : Le projet de loi n° 34, oui, oui, l'augmentation sera prévisible. On ne sait pas ce qui sera fait avec cet argent. On ne sait pas si l'argent sera dépensé, on ne sait pas s'il y aura des coupures, s'il y aura des gains d'efficience. On ne sait pas ce qu'il adviendra des programmes, des activités annuelles d'Hydro-Québec puisque ça ne fera pas l'objet de surveillance. Mais, pour la prévisibilité, oui, on sait que ce sera l'inflation.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Polo : Ceci dit, est-ce que les gens vont payer... Donc, la notion de juste prix disparaît avec le projet de loi n° 34.

• (10 h 10) •

Le Président (M. Lemay) : M. Neuman.

M. Neuman (Dominique) : Bien, les tarifs ne seront plus calculés selon la méthode qui, maintenant, est celle qui s'applique, i moins X plus... ne seront plus... Il y aura un chiffre, un chiffre qui est l'inflation. Incidemment, certains coûts d'Hydro-Québec n'augmentent pas par eux-mêmes par l'inflation, ça a été mentionné par certains intervenants. Mais c'est prévisible. On saura ce que c'est et on ne saura pas... Si l'argent est dépensé ou pas, on ne le saura même pas.

M. Polo : O.K. Merci.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Ceci complète la période d'échange. Maintenant, je cède la parole à la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci. J'ai 2 min 45 s. J'ai une question sur l'interfinancement, mais, juste avant, je ne peux pas passer à côté le fait de faire deux commentaires sur un ton beaucoup plus posé et plus calme que celui que le ministre a utilisé pour vous parler.

Le ministre, on a l'impression qu'il dit que vous n'êtes pas préoccupé par l'affaiblissement de la régie et des conséquences sur les consommateurs, mais plutôt sur votre emploi. C'est ce que j'ai compris de sa question mesquine, quand il vous a demandé si vous étiez payé. Et aussi les causes tarifaires coûtent cher, alors faisons des économies, faisons-les aux cinq ans. Si je suis la même logique, la démocratie coûte cher, alors affaiblissons la démocratie. Voilà pour mes commentaires, que j'ai essayé de faire de façon calme et avec un sourire.

Pour l'interfinancement, on sait que l'interfinancement est train de... que l'écart entre les groupes... les tarifs D, domestiques, et les autres tarifs sont en train de diminuer, les écarts diminuent. Quel est le rôle de la Régie de l'énergie? Le fait qu'on l'affaiblisse, quelle est la conséquence de cet affaiblissement-là sur l'interfinancement? Est-ce que cette tendance va continuer et est-ce qu'elle va s'empirer avec le temps?

Le Président (M. Lemay) : M. Neuman, allez-y.

Mme Ghazal : Et comment? Nous expliquer comment.

M. Neuman (Dominique) : Oui, d'accord. Pour ce qui est de l'interfinancement, il varie... O.K. La régie ne peut pas spécifiquement modifier l'interfinancement. La loi actuelle, qu'on souhaiterait modifier, lui interdit, mais il peut y avoir certaines variations, à la hausse ou à la baisse, de cet interfinancement, qui résultent du mode de calcul des tarifs eux-mêmes, mais la régie ne peut pas spécifiquement, comme elle le fait pour le gaz, dire : Bien, l'interfinancement, il est de tant, puis on se donne un horizon de quelques années où on cherche graduellement à le réduire. Et, là encore, j'insiste, toutes les régies du monde occidental font ça. Hydro-Québec est le seul... La régie, quant à Hydro-Québec, est la seule qui ne peut pas réduire l'interfinancement.

Et, pour ce qui est du rôle, en quoi ça bénéficie aux consommateurs, vos remarques préliminaires... Vous êtes tous payés ici. Les experts qui sont sur le côté, eux aussi, ils sont payés. Si on proposait d'abolir les débats à l'Assemblée nationale, sauf une fois tous les quatre ans, on pourrait dire que vous vous battez pour vos salaires. On pourrait dire ça. Mais est-ce qu'il y a une valeur à ce que vous faites? C'est ça, la question qu'on doit se poser. Est-ce qu'il y a une valeur? Et nous pensons que oui. Je pense que... en fait, beaucoup de gens pensent que ce que fait l'Assemblée nationale annuellement, en étudiant annuellement les crédits, sert à quelque chose. Parce que ce n'est pas juste le chiffre à la fin dont on parle, c'est l'ensemble des activités qui sont examinées.

Mme Ghazal : Ce n'est pas aussi simple que ce qu'on essaie de nous faire croire, la réalité. Ce n'est pas parce qu'on essaie de la simplifier par un projet de loi que la réalité complexe devient simple par magie.

Donc, le rôle de la Régie de l'énergie, le fait de l'affaiblir a des conséquences sur toute la question... Moi, c'est les ménages à faibles revenus, aussi, qui... la conséquence la plus dramatique et qui est inquiétante. On a eu le centre patronal qui est venu ici nous dire que ça a des conséquences sur certains de ses membres, mais c'est la même chose aussi... Imaginez, si eux s'en plaignent, imaginez les gens à plus faibles revenus.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme la députée. Ceci complète votre période. Je cède maintenant la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Je veux tout de suite commencer en disant que, ne soyez pas inquiet, je ne vous imputerai pas des motifs comme le ministre l'a fait, qui a laissé entendre — moi, je trouve ça odieux — que vous plaidez pour que la régie maintienne des auditions annuelles parce que ça vous apporte des honoraires comme avocat. Moi, là, je n'ai jamais vu ça. Je trouve ça terrible d'imputer des motifs à un témoin en commission parlementaire comme ça. Je vous le dis, là, ça me fait bouillir, littéralement, que les... C'est comme s'il disait que les raisons pour lesquelles vous êtes ici, c'est parce que vous voulez protéger vos honoraires d'avocat. C'est inqualifiable, c'est indigne de la fonction de député, et je pense qu'il faut que ce soit dit aujourd'hui.

Ceci étant dit, moi aussi, je n'ai pas beaucoup de temps. Vous proposez ce que vous appelez une solution de compromis, dans votre mémoire, où vous dites, dans le fond : Il faut qu'on soit capable... Bien, vous seriez prêt à accepter, au fond, de maintenir le remboursement du solde des comptes de frais reportés, et là vous dites de maintenir simplement l'article 21. Est-ce que je comprends bien? Est-ce que vous pouvez expliquer un peu plus là-dessus? Et quels autres articles pourraient être reliés à l'article 21? Est-ce que ça implique d'autres articles que strictement l'article 21 dans le projet de loi?

Le Président (M. Lemay) : Je vais céder à la parole à M. Bélisle, qui voulait intervenir.

M. Bélisle (André) : Je vous demande pardon, je vais laisser Dominique réponde à M. le député, j'aimerais intervenir pour poser une question au ministre, parce que ce qui a été dit là...

Le Président (M. Lemay) : M. Bélisle, ce n'est pas possible à ce temps-ci puisque c'est la partie du temps du député de Jonquière. Donc, il reste très peu de temps, il reste moins d'une minute, je ne sais pas si monsieur...

M. Bélisle (André) : Bien, à ce moment-là, vous avez manqué totalement l'histoire pourquoi on a créé la Régie de l'énergie, et ça, ça ne peut pas être acceptable. Je m'excuse, là, mais vous êtes complètement dans le champ.

Le Président (M. Lemay) : M. Neuman, allez-y avec la réponse au député.

M. Neuman (Dominique) : Oui, d'accord. Votre question, c'était...

M. Gaudreault : L'article 21.

M. Neuman (Dominique) : Oui, l'article... C'est uniquement l'article 21 qui traite du remboursement des trop-perçus, et le chiffre de 500 millions n'est pas dans le projet de loi. C'est le solde des trop-perçus. C'est seulement ça qui est indiqué. Et beaucoup de gens parlent de 500 millions, mais ce n'est pas dans le projet de loi.

M. Gaudreault : Il reste 25 secondes, M. Bélisle, si vous voulez plaider pour ce que vous dites.

M. Bélisle (André) : Pourquoi il y a eu une bataille pour obtenir... il y a eu le débat sur l'énergie, c'était pour obtenir, justement, un contrôle sur le développement énergétique, et ses coûts, et ses impacts. La Régie de l'énergie, depuis son existence, a été un instrument important pour assurer qu'on aille dans la bonne direction et que les gens soient informés. Alors, d'enlever ces pouvoirs-là, même si ce n'est qu'un petit peu, bien, c'est d'aller dans le sens contraire de l'évolution ou du progrès.

Et je m'excuse, j'ai été un peu rude, mais je pense que, M. le ministre, vos propos sont indignes, et j'ai pris le même ton que vous avez pris.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Neuman, M. Bélisle. Ceci termine votre période d'échange.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 17)

(Reprise à 10 h 20)

Le Président (M. Lemay) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons ensuite avec la période d'échange avec les parlementaires. Je vous invite donc à vous présenter, ainsi que la personne qui vous accompagne, ensuite vous pourriez procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

M. Forget (Stéphane) : Merci beaucoup. Alors, merci de nous recevoir ce matin. Stéphane Forget, P.D.G. de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je suis accompagné de mon collègue Philippe Noël, qui est directeur Stratégie et affaires économiques à la fédération.

Alors, peut-être brièvement, pour le bénéfice de ceux qui nous connaissent peut-être un peu moins, la fédération, c'est, oui, la fédération qui réunit et regroupe l'ensemble des chambres de commerce à travers le Québec. Nous sommes aussi la chambre provinciale, qui compte plus de 1 100 membres, qui sont dans nos différents comités de travail. Donc, globalement, on représente à peu près 50 000 entreprises dans tous les secteurs de l'économie et dans toutes les régions du Québec.

D'entrée de jeu, on peut affirmer que c'est un projet de loi qui a apporté son lot de discussions et soulevé des préoccupations chez les entreprises. Alors, on va, ce matin, essayer d'aborder quelques aspects, pas seulement sur les tarifs, sur d'autres aspects, là, qui j'espère, pourront éclairer vos décisions.

Débutons avec les éléments favorables. La FCCQ constate que le projet de loi veut simplifier les démarches administratives et alléger le fardeau réglementaire pour Hydro-Québec dans bon nombre de dossiers. La fédération a défendu et continue de défendre les principes de simplification administrative lorsque vient le temps pour les entreprises d'effectuer des démarches gouvernementales, ou encore auprès d'instances publiques comme la Régie de l'énergie. Ce poids bureaucratique amène des coûts substantiels pour les entreprises, dans le but de répondre aux nombreuses exigences de l'administration publique.

La lourdeur administrative et réglementaire demeure un poids important pour les entrepreneurs et les entreprises du Québec et une contrainte à l'attraction et au développement de nouvelles entreprises. Les entreprises innovantes, que nous souhaitons voir croître au Québec, se butent régulièrement à des règlements complexes conçus et administrés, parfois, par un ministère ou un organisme sectoriel. Ceux-ci ont souvent été conçus à une autre époque ou alors ils visent à protéger le marché de certains joueurs en place. Il vient alors difficile de tester des projets innovants qui bouleversent le cadre réglementaire, par exemple la mise en place de projets pilotes servant à tester le marché.

Pour Hydro-Québec, le projet de loi n° 34 viendrait faciliter la mise en place de certains projets commerciaux, puisqu'il n'obligerait plus la société d'État à faire une démonstration hors de tout doute de l'absence d'impact sur les tarifs par l'entremise de processus d'analyses qui retarderaient la volonté de développer un créneau spécifique. On parle beaucoup, chez nous, de simplification, d'allègement, mais aussi de réglementation intelligente, adaptée aux réalités du XXIe siècle. Par exemple, la demande a été déposée il y a plus d'une année auprès de la régie pour les projets d'installation de bornes de recharge, et Hydro-Québec attend toujours la réponse. Ces délais retardent non seulement les projets de la société d'État dans le déploiement des 1 580 bornes de recharge, mais également la volonté du gouvernement du Québec d'accroître le parc de véhicules électriques sur nos routes québécoises.

D'autres exemples sont évoqués dans les délais rencontrés devant la régie, qui disparaîtraient, concernant notamment le programme de gestion de la puissance pour les entreprises, où des clients cherchent à s'y inscrire. Hydro-Québec se voit dans l'impossibilité de fournir ces réponses puisqu'elle doit attendre la décision de la régie. Le refus systématique de cette dernière pour la conversion, par exemple, du chauffage au mazout vers l'électricité représente également un obstacle dans les projets d'Hydro-Québec.

Aussi, la société d'État nous dit que le temps dégagé par le retrait de certains dossiers permis par le projet de loi accélérera le traitement de ses autres demandes. On peut penser à la volonté d'Hydro, par exemple, de faciliter le développement du «blockchain»au Québec ou le renouvellement du contrat d'approvisionnement pour le service d'intégration éolienne, qui est toujours en attente de développement du côté de la régie. Pourtant, le dossier a été déposé en août 2018, car le contrat venait à échéance en août 2019. Hydro-Québec demandait à la régie une décision au plus tard en janvier 2019. Une année entière s'est écoulée, et la société d'État n'a toujours pas de réponse. Est-ce normal?

Certains craignent aussi, et là je vais aller du côté des préoccupations, que le projet de loi vienne réduire le niveau de transparence en diminuant le regard externe, fonction occupée par la Régie de l'énergie. D'autres craignent que le taux de rendement d'Hydro-Québec soit une boîte à surprise, comme avant 1997, année de fondation de la régie.

Mais, parmi les préoccupations importantes que l'on vous soumet aujourd'hui, nous avons cette question : Est-ce possible que les tarifs d'électricité soient plus élevés pour les contribuables que ce qu'auraient été ceux décidés par la régie? C'est une question légitime, qu'on a beaucoup entendue dans les derniers temps.

Or, bien qu'historiquement il a été démontré qu'à plusieurs reprises la Régie de l'énergie ait fixé des tarifs d'électricité suivant les taux d'inflation, plus récemment les tarifs fixés par la régie ont été sous le taux d'inflation. Ainsi, si un texte législatif équivalent au projet de loi n° 34 avait été adopté en 2015, par exemple, les contribuables et les entreprises paieraient actuellement une facture d'électricité plus élevée.

Cet aspect interpelle la communauté d'affaires, qui voit dans les tarifs d'électricité moins élevés que leurs voisins un avantage compétitif. Il s'agit d'un argument de taille pour attirer l'investissement privé étranger, mais constitue également un incitatif, pour la petite et moyenne entreprise ainsi que celle de plus grande taille, à détenir plus de capital pour investir dans leur croissance. Bien que la FCCQ reconnaisse que le projet de loi n'amène pas Hydro-Québec à avoir des tarifs d'électricité aussi élevés qu'ailleurs en Amérique, elle demande tout de même de protéger cet avantage compétitif dans vos réflexions.

De l'autre côté, Hydro estime, avec raison, que les processus de la Régie de l'énergie pour fixer les tarifs sont lourds et sollicitent le travail de plusieurs ressources afin de réaliser ou de préparer un document de présentation volumineux pour répondre aux exigences, et ce, chaque année. Environ huit mois et des coûts colossaux, selon Hydro-Québec, sont nécessaires pour la société d'État afin de répondre aux nombreuses demandes de la régie. Celles-ci se sont chiffrées approximativement de 1 000 à 1 200 questions l'année dernière, soit un nombre sensiblement similaire aux années qui ont précédé. N'y aurait-il pas lieu d'améliorer le processus et de réduire substantiellement les exigences administratives annuelles? L'idée n'est pas que ce soit moins exigeant mais que ce soit mieux utilisé. Le projet de loi n° 34 représente donc une opportunité à saisir pour améliorer l'efficacité de la régie au moment du dépôt du dossier tarifaire et réduire les délais et les coûts engendrés par la prise de décision.

Autre préoccupation, même s'ils reconnaissent que le gouvernement montre sa volonté de moderniser les institutions et fait un pas dans la bonne direction, d'autres distributeurs énergétiques sont préoccupés de constater l'instauration d'un système à deux vitesses dans la régulation du secteur énergétique québécois. En éliminant les causes tarifaires, en soustrayant les autorisations pour investissement et programmes commerciaux pour Hydro-Québec, cette dernière bénéficie d'une agilité et d'une efficacité que n'ont pas les autres distributeurs qui seront toujours assujettis à la régie. Cela crée également un déséquilibre commercial pour les autres entreprises, car Hydro pourra développer et implanter des programmes beaucoup plus rapidement qu'elles et sans risque de refus par la régie.

Donc, la FCCQ recommande que les autres entreprises sous le pouvoir décisionnel de la régie bénéficient d'un traitement équitable, pour ainsi rétablir un équilibre, en mettant en place des mesures qui favoriseront l'agilité et l'efficacité pour les autres distributeurs. Je vous rappelle que, de notre point de vue, dans un contexte de transition, oui, l'électricité est un avantage extraordinaire, mais il y a aussi d'autres sources d'énergie qui sont utiles et nécessaires.

Concernant le tarif L, le programme de rabais du gouvernement applicable aux clients qui bénéficient du tarif L sert à stimuler les investissements manufacturiers, pour permettre à des entreprises facturées au tarif industriel de grande puissance qui réalisent un ou des projets d'investissement de recevoir une aide du gouvernement sous la forme d'une réduction des coûts d'électricité de leurs établissements, de la facture au tarif L.

Lorsque des industries réalisent des investissements colossaux, le rabais sur le tarif L ne permet toutefois pas de combler l'entièreté du remboursement des dépenses admissibles pour plusieurs entreprises québécoises des secteurs manufacturiers et de la transformation des ressources naturelles.

En plus d'être une mesure favorisant l'attractivité d'entreprises intéressées à venir développer leurs activités ici, les sommes épargnées encouragent celles-ci à investir d'importantes sommes dans le développement de leurs activités au Québec.

• (10 h 30) •

La FCCQ profite de notre présence aujourd'hui et de ce projet de loi pour rappeler sa demande de prolonger la durée de ce rabais sur les coûts d'électricité au-delà de quatre ans afin que les entreprises puissent bénéficier de l'entièreté du remboursement des dépenses admissibles.

Aussi, le projet de loi amène, à l'article 2, une précision sur le tarif L avec l'instauration d'un calcul contenant une hausse constante multipliée à 65 % de l'IPC. Au cours des quatre dernières années, on observe que le tarif L a moins augmenté que ce qui est proposé au projet de loi.

Conséquemment, la fédération recommande de limiter les hausses pour le tarif L en maintenant le calcul actuel et ainsi continuer à inciter les grandes entreprises industrielles à investir dans leurs installations québécoises.

En terminant, même si elle salue l'intention du gouvernement de rembourser 500 millions en trop-perçus aux consommateurs résidentiels, aux entreprises et aux grandes industries, la FCCQ questionne la méthode choisie par le gouvernement pour le milliard restant. Celle-ci, basée sur des prévisions de 1,7 % pour fixer le taux d'inflation pour les quatre années suivant le gel de 2020, pourrait s'avérer plus onéreuse pour la facturation d'électricité des consommateurs. Alors qu'il est complexe de prévoir des taux d'inflation sur une aussi longue période, est-ce que ceux-ci seront réellement de l'ordre de 1,7 % et ainsi atteindre ce milliard de dollars?

Donc, vous comprenez qu'il y a eu plusieurs discussions. On a la beauté, chez nous, de pouvoir avoir des discussions avec Hydro-Québec, avec les entreprises grands consommateurs, avec les plus petits consommateurs, avec les autres distributeurs. Donc, vous voyez que c'est un projet de loi qui, au-delà du simple tarif, mérite une réflexion plus large sur d'autres aspects, dont ceux que je vous ai mentionnés ici ce matin. Alors, merci beaucoup de l'écoute.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, M. Forget. Nous allons maintenant commencer la période d'échange avec la partie du gouvernement. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Julien : Oui, merci, M. le Président. Merci, M. Forget, pour votre présentation qui couvre plusieurs aspects. On voit, en fin de compte, que votre groupe s'est interrogé sur plusieurs aspects différents. Il est vrai, comme vous le mentionnez, que de se projeter à l'inflation avec une correction seulement dans 60 mois ne donne pas de garantie que les tarifs autrement obtenus via une cause tarifaire annuelle n'auraient pas pu être moins élevés. Et le contraire est aussi vrai.

D'un autre côté, comme on le mentionnait, puis un intervenant l'a mentionné, le gel, la première année, puisqu'il se passe en première année sur les cinq ans, avec son effet cumulatif, si l'inflation était constante, donnerait quand même, sur le long terme, un peu plus de 30 % de... une hausse moyenne sur les cinq ans un peu... 30 % inférieure à l'inflation. Donc, on vient mitiger, à mon avis, fortement, ce risque-là, que, sur cette période-là, effectivement, la clientèle aurait obtenu un meilleur taux, quoi qu'en disent les experts. Parce qu'encore là on le sait, que le passé n'est pas garant du futur, mais on l'observe, puis on préconise, nous, la stabilité, puis, le cas échéant... Certains nous ont mentionné un choc tarifaire après cinq ans. On ne pense pas qu'il y aura de choc tarifaire. Quand on regarde l'historique, quand on prend des périodes de cinq ans, la méthode préconisée pour les cinq premières années, à tous les points de vue, tient la route du passé. Et ce qui pourrait arriver, en réalité, c'est 66 % de l'inflation sur cette période-là, puis on peut corriger, après 60 mois, par la cause tarifaire.

Vous avez parlé du tarif L. Vous avez pris, vous, les quatre dernières années pour dire : On a comparé... Parce qu'on a essayé de répliquer une méthode, dans le projet de loi, conséquente avec également, là, les données passées, on a dit : Pour le tarif L, avec les objectifs du tarif L, on a fixé à 65 % de l'inflation, c'est un calcul qui a été pris pour les six dernières années. Parce qu'on a dit : Bien, la hausse cumulative du L faite par la régie versus celle, en fin de compte, des autres clientèles donnait cet écart-là. Je comprends que, si on prend les dernières années, puisque le taux d'inflation était... le taux offert à la clientèle était plus faible, on dirait que c'est plus des écarts de points de base, là, qui seraient la bonne solution. Est-ce que, pour vous, 65 %, par exemple, de l'inflation... Est-ce que vous souhaiteriez plutôt, je ne sais pas, un écart de 50 points de base avec l'inflation? Est-ce que ce serait une autre méthode que vous suggéreriez, qui serait toujours conséquente avec le restant de la clientèle, qui ferait en sorte qu'on aurait une cause tarifaire aux cinq ans mais qui répondrait à vos besoins, là, spécifiquement pour le tarif L?

Le Président (M. Lemay) : M. Forget, la parole est à vous.

M. Forget (Stéphane) : Bien, je vous dirais, tout d'abord, par rapport à l'inflation, on a aussi regardé les estimations, les prévisions de l'inflation. On est allés regarder les chiffres du gouvernement du Québec sur un certain nombre d'années en arrière, où, presque à chaque année, les prévisions de l'inflation étaient supérieures à l'inflation réelle. Alors, c'est certain que, lorsqu'on imagine, sur cinq ans, un taux d'inflation, la moyenne, quand on regarde ce qui était prévu au gouvernement et la réalité, il y a un écart relativement important, je dirais, toutes proportions gardées, en pourcentage. Alors, c'est...

Des voix : ...

Le Président (M. Lemay) : Continuez, M. Forget.

M. Forget (Stéphane) : Alors, c'est certain que, dans ce contexte-là, beaucoup d'entreprises, sans vouloir reculer si loin en arrière, se disent : Il y a une préoccupation là, où on pourrait, à terme, payer plus cher que prévu, et ça pourrait avoir certaines conséquences. Donc, pour certains, c'est une forme de prévisibilité qui est pleine d'imprévisibilité en fonction de la réalité. Vous me suivez bien? Alors, ça, c'est le premier élément.

Le deuxième, concernant le tarif L, vous avez raison, 2013, le tarif L était à 2,41 % puis, avec ce que vous proposez là, il aurait été de 0,5 %. Donc, c'est certain que, quand je recule en arrière, on peut trouver toutes sortes d'exemples. Ceci dit, quand on regarde sur les dernières années... Puis une entreprise regarde plutôt en avant qu'en arrière, elle se dit : En fonction de la situation actuelle, si je tiens compte des prévisions, j'aurai un avantage concurrentiel dans les années à venir.

Donc, tout ça pour vous dire que je n'ai pas de formule précise à vous suggérer. Cependant, je suis obligé de dire que, si on regarde vers l'avant, les entreprises se disent : Est-ce qu'à terme je vais payer plus cher? Et ça, ce n'est pas nécessairement une bonne nouvelle.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Forget. M. le ministre, allez-y.

M. Julien : Parfait. Donc, les entreprises avec lesquelles vous discutez, quand même... Parce qu'il y a toujours le gel de la première année, aussi, qui sert, en réalité, d'amortir ce risque-là sur la période de cinq ans, pour voir les choses aller dans l'application des cinq premières années, avec une cause tarifaire à terme. Puis, comme je le mentionnais précédemment, on comprend qu'une cause tarifaire annuelle... Quand on regarde les résultats du passé, on a fait des hausses tarifaires qui, a posteriori, quand on constatait les résultats réels... 160 millions d'écart de rendement, 150 points de base, tu sais, c'était du simple au double par rapport au processus de cause tarifaire. Alors, je m'interroge, moi, sur, même, l'efficacité à terme, quand on fait un processus très lourd, de venir... d'être en mesure, en fin de compte, de soumettre une hausse tarifaire qui, effectivement, est représentative de ce qui va se passer dans les 12 prochains mois. Ce que j'observe, moi, ce n'est pas le cas du tout.

Donc, qu'est-ce que vous pensez, en fin de compte, du principe de stabilité versus un principe de cause tarifaire annuelle, mais qui, somme toute, les résultats démontrés, là, s'écarte toujours de manière importante de la réalité?

Le Président (M. Lemay) : M. Forget, allez-y.

M. Forget (Stéphane) : Je vous dirais que... On comprend, les deux parties étant Hydro-Québec et les entreprises. Tout d'abord, on est d'accord, puis je l'ai mentionné, puis on l'a dans notre mémoire, de notre point de vue, la formule actuelle est extravagante. Ce processus-là, de façon annuelle, avec ce qu'on demande à Hydro-Québec notamment, est-ce que... même aux entreprises qui participent, là, c'est exigeant, comme... ou aux experts, plutôt, qui participent, c'est extrêmement exigeant. Donc, c'est certain que, dans la formule actuelle, une révision aux ans nous apparaît très importante et complexe, puis on pourrait assurément simplifier le processus. Donc, si on ne simplifie pas le processus, il va de soi que, de notre point de vue, aux années, c'est exagéré. Avec un processus amélioré, peut-être qu'on aurait une réflexion autre.

À l'opposé, les entreprises nous disent : C'est bien d'avoir une certaine stabilité. Mais, bien franchement, si je suis capable d'avoir les sommes dans mes poches, je préfère les avoir dans mes poches que d'imaginer qu'il y aura peut-être, je dis bien peut-être, à terme, dans cinq ans, un choc ou une correction, peu importe quelle qu'elle soit. J'aime mieux penser aujourd'hui que de prévoir dans cinq ans à cet égard-là.

Donc, vous voyez, on a les deux côtés. Un processus plus simple, peut-être, ça sera une façon d'éviter qu'il y ait des écarts trop importants dans cinq ans. Parce que c'est là, la préoccupation des gens : Quel va être l'écart dans cinq ans? Qu'est-ce que je n'aurai pas dans mes poches entre-temps? Combien ça va me coûter dans cinq ans? Alors, c'est là où il y a une zone grise, dans le projet de loi n° 34, qui préoccupe les entreprises.

Ceci dit, comme je vous ai mentionné tantôt, que vous vouliez alléger le processus, simplifier les choses pour qu'on puisse être plus agiles, ça, tout le monde applaudit ça, et on pourrait peut-être même s'en servir comme modèle pour d'autres processus dans d'autres ministères par la suite.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Forget. M. le ministre, allez-y.

• (10 h 40) •

M. Julien : Selon vous, M. Forget, là, puis avec la discussion que vous avez eue avec l'ensemble des membres de votre organisation, des participants, le projet de loi, dans son état actuel, où il préconise un gel avec une hausse à l'inflation quatre ans, est-ce que ça affecte la compétitivité des entreprises, positivement ou négativement, ou le fait d'attirer des investissements, positivement ou négativement, est-ce que ça l'affecte? Parce que, bon, c'est sûr qu'on a un coût d'énergie faible au Québec, je pense que c'est un attrait. A contrario, on a d'autres choses qui sont moins attrayantes, mais... Alors, les entreprises regardent notre panier global.

Mais, quand on dit : Ça va être un gel plus inflation quatre ans, corrigée, au cas échéant, 60 mois par une cause tarifaire, les gens sont capables de voir que c'est 66 % de l'inflation sur une période de cinq ans. C'est quoi, en réalité, leur réaction par rapport à est-ce qu'on va être compétitifs sur cette base-là et est-ce qu'on attire des investissements au Québec?

Le Président (M. Lemay) : M. Forget, allez-y.

M. Forget (Stéphane) : J'ai envie de vous répondre à ça qu'il faut protéger notre avantage concurrentiel, premier élément. Deuxième élément, comme je vous disais tantôt, les entreprises, vous le savez, se projettent vers l'avant. Une entreprise qui souhaite investir au Québec aujourd'hui, ou qu'Investissement Québec, peu importe, attire ici, au Québec, le moment où elle aura son premier compte d'électricité à payer risque d'être dans cinq, six, sept, huit ans. Les projets ne se font pas si rapidement que ça. Donc, je pense qu'il faut protéger notre avantage concurrentiel et rassurer les promoteurs potentiels, les entreprises en place sur le fait qu'il n'y aura pas de choc à prévoir dans un certain nombre d'années.

Le Président (M. Lemay) : M. le ministre.

M. Julien : ...faire attention, M. Forget, parce que j'essaie aussi de me positionner dans le corps des gens que vous représentez. Par rapport à la méthode actuelle puis ce qui est prévu dans le p.l. n° 34, comme je vous dis, quand on le prend sur le long terme, on dit : Bien, ça ressemble pas mal à l'inflation. Une année, il y a eu 4,3 %, l'année suivante il y a eu 0,5 %. Il y a même eu des années, là, qu'il y a eu des réductions pour corriger les augmentations. Donc, grosso modo, sur une période assez longue, inflation un peu plus, mais une hausse puis une baisse, des fois, qui... moins de stabilité, en fin de compte, qu'une ligne... Qu'est-ce qui est mieux pour les entreprises, de prévoir une ligne ou de dire : Bien, je verrai l'an prochain qu'est-ce que la cause tarifaire nous aura donné puis j'espère que ça ne sera pas 4,3 %, ça va plutôt être moins 0,2 %?

Le Président (M. Lemay) : M. Forget.

M. Forget (Stéphane) : Les entreprises vont préférer plus de prévisibilité en étant le plus près possible...

M. Julien : De la réalité.

M. Forget (Stéphane) : ...de la réalité. Je n'ai pas de formule mathématique associée à ça aujourd'hui, mais c'est certain qu'une entreprise va préférer savoir sur une plus longue période ce qu'elle aura, en évitant les chocs, mais en sachant aussi que ce qu'elle paie, c'est le plus près de la réalité possible.

Le Président (M. Lemay) : M. le ministre, allez-y.

M. Julien : Parfait. Quand on parle... Oh! excusez-moi...

Le Président (M. Lemay) : Ah! M. Noël. Allez-y, M. Noël.

M. Noël (Philippe) : En fait, je voulais juste ajouter, en fait, sur l'argument d'électricité. C'est vraiment un attrait majeur d'investissement privé au Québec. On ne dit pas que le projet de loi va venir anéantir carrément cet argument-là, mais plus on s'éloigne un peu du juste prix que la régie aurait décidé, en bas de l'inflation, plus on vient affaiblir cet argument-là. Et, comme on est en compétition avec les États autour de nous pour attirer de l'investissement... D'autres États autour de nous ont plus d'avantages, des fois, dans la rapidité et dans les processus administratifs pour donner des réponses aux entreprises quand vient le temps d'investir. Bien, nous, au Québec, l'argument de l'électricité, c'est un argument qui est majeur, et je pense qu'il faut garder ça en tête aussi.

Le Président (M. Lemay) : M. le ministre.

M. Julien : ...ce que vous dites, ça m'intéresse. On ne vient pas déréglementer, là...

M. Noël (Philippe) : Non, c'est ça, exact.

M. Julien : ...on continue la réglementation, mais on se donne un intervalle plus long. Puis, dans l'intervalle, on se donne un moyen, en fin de compte, de faire progresser d'une manière logique, imparfaite mais logique, les taux. Parce que c'est vrai que pas tous les coûts fonctionnent à l'inflation, mais historiquement ça ressemble à ça. Donc, on ne vient pas déréglementer, donc, on n'envoie pas un message, en fin de compte, aux entreprises, que ça peut être tout et n'importe quoi, là. Je veux dire, la Régie de l'énergie conserve tous ses pouvoirs, on augmente la périodicité de 12 à 60 mois.

Alors, l'entreprise qui regarde ça, là, l'entreprise qui veut venir s'installer, elle est préoccupée ou elle est, au contraire, attirée par cette stabilité-là?

Le Président (M. Lemay) : Est-ce que c'est M. Forget? M. Forget, allez-y.

M. Forget (Stéphane) : En fait, j'aurais tendance à dire qu'elle va sûrement regarder aussi les dernières années, elle va regarder ce qui s'en vient. Donc, moi, je suis convaincu que... Je vais répéter ce que je vous disais tantôt. Si elle sait qu'il y a une certaine prévisibilité, deux, qu'on demeure compétitif en termes de prix puis que, troisièmement, on est près de la réalité du juste coût, bien, je pense que c'est un avantage qu'on va maintenir, assurément.

M. Julien : ...M. Forget, avec l'électricité, c'est un système, actuellement, d'évaluation de coûts avec marge de rendement. Celui-là, ici, en fin de compte, c'est une continuité avec une inflation. Naturellement, les autres sources d'énergie fluctuent sur d'autres bases, complètement, là. On a vu le gaz naturel. Alors, tu sais, c'est comme des systèmes qui... quand même bien qu'on conserve la régie ou qu'on fait à l'inflation, les autres sources d'énergie se comportent de manières complètement différentes, là.

Le Président (M. Lemay) : M. Forget.

M. Forget (Stéphane) : Vous avez absolument raison. Mais on parle, là, d'un avantage concurrentiel qu'on a ici, là. Et ça me permet de vous rappeler aussi, puis je l'ai mentionné tantôt, puis j'espère que vous l'aurez à l'esprit, qu'il faut être équitable par rapport aux autres sources d'énergie aussi dans la réflexion que vous faites actuellement.

M. Julien : Effectivement, j'ai...

Le Président (M. Lemay) : M. le ministre, allez-y, en vous rappelant qu'il reste moins d'une minute.

M. Julien : Parfait. Alors, ça, c'est une question, le traitement équitable, c'est bien noté.

En terminant, le p.l. n° 34 vise également à transférer le risque à Hydro-Québec, plus d'agilité, mais tu as le risque, les revenus, c'est ça. Qu'est-ce que vous en pensez?

Le Président (M. Lemay) : M. Forget.

M. Forget (Stéphane) : Bien, ce qu'on en pense, c'est : évidemment, ça va exiger à Hydro-Québec d'être plus performante, ou de continuer d'être performante, ou de l'être davantage, c'est certain. Ceci dit, il ne faudrait pas que ça ait par ailleurs pour conséquence de faire en sorte qu'on doive ralentir des investissements importants, qui sont importants pour le développement économique du Québec. Donc, je comprends qu'Hydro-Québec pourrait vous faire signe, après un certain nombre d'années, en disant : Il y a des préoccupations de ce côté-là. Mais je pense que... Oui, qu'ils soient plus performants, bravo! En même temps, comme on ne sait pas ce que l'avenir nous réserve, il faut être en mesure d'être assez agile pour ne pas que ça ait un impact négatif sur Hydro-Québec non plus.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Ceci complète ce bloc. Je cède maintenant la parole au député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Merci. J'aime bien votre formule, M. Forget, quand vous dites : Je n'ai pas une formule magique, mais, oui, plus de prévisibilité, mais au plus bas coût possible ou...

M. Forget (Stéphane) : Près du coût juste, c'est ça.

M. Polo : ...ou plus près du coût juste, à ce moment-là. Donc, avec les informations soumises dans le projet de loi n° 34, c'est impossible pour vous ou vos membres de déterminer qu'ils vont payer le prix le plus juste possible, malgré que les tarifs seront, entre guillemets, prévisibles.

M. Forget (Stéphane) : C'est ce que plusieurs... excusez-moi.

Le Président (M. Lemay) : Allez-y, M. Forget.

M. Forget (Stéphane) : C'est ce que plusieurs de nos membres nous ont dit, ils sont préoccupés du fait que, oui, il y a une certaine stabilité, mais, et comme je le mentionnais un peu plus tôt, quand on regarde les prévisions du gouvernement du Québec en matière d'inflation et le taux réel l'année suivante, les écarts ont souvent été relativement importants. Donc, à quel niveau allons-nous être dans deux, trois, quatre, cinq ans? C'est imprévisible.

Le Président (M. Lemay) : M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Hier soir, il y a une... ou hier, en fin d'après-midi, il y a une organisation patronale, la FCEI, qui est venue, si on peut dire, démonter l'argumentaire présenté par le ministre en utilisant son graphique, qu'au cours des 15 dernières années les tarifs d'hydroélectricité étaient supérieurs à la moyenne de l'inflation, notamment en démontrant qu'au début des années, là, de ces 15 années, si on retourne, disons, 2003, 2004, 2005, etc., il y a eu des programmes gouvernementaux, il y a eu des décisions gouvernementales qui ont faussé la donne, si on peut dire. Est-ce que vous êtes du même avis?

Le Président (M. Lemay) : M. Forget.

M. Forget (Stéphane) : Je n'ai pas les tableaux de la FCEI, donc je ne peux pas témoigner à cet égard-là. Cependant, on a des données, nous, sur les années à venir et évidemment on peut penser que l'inflation pourrait fluctuer vers le bas au cours des prochaines années. Donc, je ne peux pas parler du passer. Je peux juste dire que nos entreprises regardent en avant, en se disant : Où est-ce qu'on va se situer? Quel sera le coût juste pour nous, comme entreprises? Puis, je vous le répète, il y a une préoccupation, est-ce qu'elle est réelle ou elle est perçue?, d'un choc possible dans quelques années. Et ça, ça peut être préoccupant pour un certain nombre d'entreprises.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Polo : Donc, c'est ça, j'allais vous amener aussi sur la question de l'incertitude que les tarifs d'hydroélectricité soient collés sur l'inflation. Vous venez de le mentionner, il y a une certaine incertitude, il y a une certaine... un risque potentiel. Pouvez-vous élaborer, là, pour, si on peut dire, ces craintes de vos membres, là?

Le Président (M. Lemay) : Allez-y... M. Noël? Allez-y, M. Noël.

M. Noël (Philippe) : Oui, en fait, les craintes, c'est qu'on a vu que le taux d'inflation, dans les dernières années, qui était appliqué... On parle juste des dernières années, parce qu'on sait qu'historiquement, effectivement, ça a suivi le taux d'inflation, mais, dans les dernières années spécifiquement, la régie a pris la décision de donner des taux qui étaient inférieurs à l'inflation, dans les dernières années. Et les prévisions de l'inflation, dans les dernières années, étaient beaucoup plus élevées que le réel taux d'inflation qui a eu lieu.

Je prends l'exemple de 2016. La prévision du gouvernement du Québec était, à l'époque, de 2,3 % de taux d'inflation, mais, en réalité, ça a été 0,7 %. Ça a été le cas pour à peu près toutes les années depuis 2015. Donc, une préoccupation qu'on entend beaucoup quand on parle aux entreprises sur les tarifs d'électricité provient de ça, est-ce qu'on va payer plus cher que ce que la régie aurait décidé autrement dans ces circonstances-là?

• (10 h 50) •

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. M. le député.

M. Polo : Un autre argument utilisé par le ministre à travers le projet de loi n° 34, c'est d'expliquer que, compte tenu de la prévisibilité de la hausse des tarifs, bien, le transfert de risque est imposé auprès de la société d'État et donc que nécessairement ça va obliger la société d'État à être plus performante. Vous en pensez quoi?

Le Président (M. Lemay) : M. Forget, allez-y.

M. Forget (Stéphane) : Bien, je vous dirais qu'en théorie je suis relativement d'accord avec ça. Puis j'ai même eu l'occasion d'avoir cette discussion-là avec le président d'Hydro-Québec, qui m'a clairement indiqué que ça ajoutait, c'est certain, sur eux une certaine pression, compte tenu de ce qu'ils ont l'intention... leurs projets pour les années à venir. Donc, je pense qu'ils sont très conscients que ça va exiger une plus grande performance, puis je n'ai pas l'impression que c'est quelque chose qui semblait le préoccuper, en ce sens qu'ils sont assez alignés sur le fait qu'ils doivent être une société performante, et là ça vient d'ajouter, je dirais, une tension utile pour leur permettre de faire ce qu'ils ont à faire.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Polo : Vous savez, ce que moi, j'interprète, c'est qu'on leur donne une espèce de chèque en blanc en leur disant : Bien, on vous garantit une certaine hausse des revenus à travers les prochaines années, développez les projets. Vos projets ne seront pas soumis à l'examen de la Régie de l'énergie, parce que c'est ce que le projet de loi n° 34 leur donne, un peu, comme marge de manoeuvre, et, si vous vous trompez en cours de route, bien, on vous donnera une petite tape sur les doigts, puis revenez nous déposer un autre projet tarifaire... un autre dossier tarifaire dans cinq ans, et puis on repartira à zéro, on fera ça sur une page blanche, puis on ne regardera pas le passé, puis on peut regarder vers l'avenir. C'est un peu ça que le projet de loi n° 34... En fait, moi, le principe même de la performance, en leur disant : On vous garantit des revenus, pour moi, je vois très mal... Au contraire, actuellement, le processus actuel oblige Hydro-Québec à faire la démonstration de la performance de ses projets auprès de la régie, alors que le projet de loi n° 34 retire cette obligation-là.

Le Président (M. Lemay) : M. Forget.

M. Forget (Stéphane) : Si vous me permettez de prendre de l'autre côté, puis je vous invite à y réfléchir dans vos discussions, à l'opposé, le processus de la régie, actuel, n'est certainement pas un moyen pour aider Hydro-Québec à être plus performante. Je vous ai fait état d'un certain nombre de dossiers qui sont devant la régie dont on n'a pas de résultat, pas de réponse, et, assurément, ça non plus, ce n'est pas un bon moyen d'assurer la performance de la régie... pas de la Régie, d'Hydro-Québec. Alors, je pense qu'il y a une tension utile à mettre sur Hydro-Québec pour améliorer sa performance, mais je pense qu'il faut avoir le courage de regarder comment la régie peut être aussi plus performante dans ses processus actuels. Et là je pense qu'on va peut-être arriver à un équilibre où on va faire en sorte qu'on aura une société d'État performante, puis on va être capable d'innover puis de développer les projets dont on a besoin au Québec.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Polo : Est-ce que vous voyez le fait qu'on retire... ou, en fait, le fait que le dossier tarifaire soit seulement étudié à chaque cinq ans et que l'évaluation de certains programmes soit retirée, si on peut dire, sous le mandat de la régie, est-ce que vous voyez un danger pour... en fait, pas juste Hydro-Québec, mais pour le Québec, dans sa capacité d'exporter vers les États-Unis?

Le Président (M. Lemay) : M. Forget, allez-y.

M. Forget (Stéphane) : Bien franchement, je ne pourrais pas vous répondre. On n'a pas analysé cette question-là. Je ne vois pas... puis c'est possible, mais je ne vois pas comment ça pourrait avoir un impact sur l'exportation. Peut-être, mais, honnêtement, je ne suis pas en mesure de répondre à cette question-là.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Polo : Je sais qu'au sein de la fédération vous avez notamment des tables de travail puis des échanges avec nos partenaires, nos voisins du Nord-Est américain, là, des corridors...

M. Forget (Stéphane) : Des corridors de commerce, effectivement.

M. Polo : ...de commerce, voilà. Hier, il y a un groupe qui nous a présenté un mémoire dans lequel il mentionne : «Alors qu'Hydro-Québec désire augmenter ses exportations, particulièrement vers les États-Unis, le retrait des audiences [de] la Régie de l'énergie semble risqué. "Les Américains", explique»... Normand Mousseau, professeur de physique de l'Université de Montréal et directeur économique de l'Institut de l'énergie, dit, et je le cite : «Les Américains [...] ont des régies fortes et des processus très ouverts depuis longtemps. Le projet de loi n° 34, en gonflant artificiellement les revenus locaux, ouvre donc la porte à des attaques et même des poursuites de la part de promoteurs et de producteurs d'électricité en compétition avec l'offre d'Hydro-Québec. Ils pourront alors plus facilement accuser la société d'État de dumping, de subvention déguisée à l'exportation.» Vous en dites quoi?

Le Président (M. Lemay) : M. Forget.

M. Forget (Stéphane) : Bien, écoutez, je ne peux pas vous répondre aujourd'hui, mais je serais très intéressé à ce qu'on creuse la question et qu'on vous revienne avec une réponse provenant de chez nous, là. Ça me ferait plaisir de le faire.

M. Polo : C'est un énorme danger...

M. Forget (Stéphane) : Bien, je vous entends que ce serait un danger réel. Alors, on va le vérifier, puis ça me ferait plaisir de vous revenir avec une réponse.

Le Président (M. Lemay) : Mais, M. Forget, à ce moment-ci, si vous voulez revenir, vous allez transmettre les informations au secrétaire de la commission, qui pourra les rendre disponibles.

M. Forget (Stéphane) : Avec plaisir. Avec plaisir.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. M. le député, poursuivez.

M. Polo : Parce qu'on s'entend, la base même de l'argumentaire économique du nouveau gouvernement de la CAQ repose notamment sur l'exportation d'hydroélectricité. Et donc vous, par le passé, comme organisation, vous avez soutenu divers gouvernements dans ces ambitions de pouvoir exporter le plus possible, de développer des nouveaux marchés, etc. À brûle-pourpoint, je sais, vous allez vouloir creuser, et tout ça, mais quels sont... Peut-être faire le parallèle avec d'autres industries qui ont... On l'a vécu, là, dans les dernières années, les Américains ont mis de la pression sur le Québec dans diverses industries. Les accusations de dumping, elles sont graves? Et pourquoi?

Le Président (M. Lemay) : M. Forget.

M. Forget (Stéphane) : Si ce que la personne, dans le mémoire que vous avez cité, dit est vrai, c'est certain que ce n'est pas une bonne nouvelle. On doit assurément continuer d'exporter davantage, et ça amène toute la réflexion qu'on pourrait avoir aussi, plus globalement, sur les tarifs, à savoir comment on fait pour, justement, avoir un surplus plus important pour exporter davantage, donc. Mais, si ce que la personne dit est vrai, c'est certain que ce n'est pas une bonne nouvelle.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Forget. M. le député.

M. Polo : M. Forget, vous reconnaissez qu'à la base même la création de... la Régie de l'énergie a été créée pour permettre que le Québec puisse exporter... puisse rassurer ses voisins américains et puisse exporter aux États-Unis.

M. Forget (Stéphane) : Oui, je suis d'accord avec vous.

M. Polo : Vous êtes d'accord. Et donc...

M. Forget (Stéphane) : Notamment, pas seulement mais notamment.

M. Polo : Notamment, disons-le. Il y avait d'autres aspects, mais, disons, notamment sur l'aspect des exportations, c'est un facteur prédominant pour pouvoir rassurer les voisins américains qu'il y avait un encadrement du monopole d'État et que nous n'allions pas faire notamment du dumping.

Donc, si c'était le cas, prenons l'exemple, là... je sais qu'il y a différents scénarios, si c'était le cas, vous trouvez ça dangereux, même alarmant comme possibilité?

Le Président (M. Lemay) : M. Forget, en quelques...

M. Forget (Stéphane) : Bien, je dirais, préoccupant à ce moment-ci, là. J'aimerais ça le creuser davantage. Mais je vous dirais que, si tel est le cas, c'est préoccupant, effectivement, si tel est le cas.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Ceci complète cette période d'échange. Je cède maintenant la parole à la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci. J'ai 2 min 45 s. Donc, merci pour votre présentation. J'essaie de comprendre, parce que ce que vous dites, c'est que la Régie de l'énergie et la façon qu'elle fonctionne, année après année, ce n'est pas efficace, ça ne permet pas, par exemple, à Hydro-Québec de faire les projets assez rapidement, toute la question de l'électrification, et tout ça. En même temps, oui, la stabilité, c'est important, mais le juste prix aussi. Si ce n'est pas pour être stable, on ne va pas payer plus cher, les entreprises ou les consommateurs. Dans le passé, le taux de rendement d'Hydro-Québec a été une boîte à surprise, donc on ne le savait pas. C'est pour ça, la Régie de l'énergie a permis de régler tout ça.

Moi, on a eu le conseil patronal qui est venu ici puis qu'eux, ils ont accepté de venir même si leurs membres... certains de leurs membres étaient pour le projet de loi, d'autres pas... contre. Et, vous, ce que vous dites, c'est qu'il ne faudrait pas jeter le bébé avec l'eau du bain en affaiblissant à ce point-là la Régie de l'énergie, mais il faudrait améliorer son efficacité. Je n'entends pas des solutions. Parce que c'est comme si vous êtes pour et contre... vous n'êtes ni pour ni contre, bien au contraire. Ça fait que peut-être... C'est ce que je comprends jusqu'à maintenant. Mais j'aimerais que, peut-être, vous éclaircissiez la position, ma compréhension, puis si vous avez des solutions à proposer, pour notre discussion, pour simplifier le processus et rendre la Régie de l'énergie plus efficace, puisque ça ne serait pas la solution qui est mise dans le projet de loi n° 34.

Le Président (M. Lemay) : Alors, allez-y, M. Forget.

M. Forget (Stéphane) : Bien, tout d'abord, on n'est pas ni pour ni contre, bien au contraire. Il y a un projet de loi qui a plusieurs aspects. Je veux dire, on a beaucoup parlé des tarifs, mais le projet de loi qui est devant nous ne parle pas exclusivement des tarifs, on parle d'efficacité, on parle d'éléments de ce type-là. Donc, à cet égard-là, tout d'abord en matière d'efficacité, moi, je pense qu'on exige constamment des gouvernements et de leurs sociétés d'État d'être efficaces. Quand je regarde le processus actuel d'Hydro-Québec, quand on parle avec les gens d'Hydro-Québec, puis on nous explique ce que ça demande, la question qu'on se pose, c'est : Est-ce que c'est vraiment efficace? De notre point de vue, c'est non. Alors, nous, ce qu'on vous dit... Je n'ai pas la prétention d'être un expert de la Régie de l'énergie, pas du tout. Cependant, quand on nous explique...

Le Président (M. Lemay) : M. Forget, désolé, il reste 30...

Mme Ghazal : Non, non, laissez...

Le Président (M. Lemay) : Ah! parfait, continuez, M. Forget.

Mme Ghazal : Non, non, continuez, excusez.

M. Forget (Stéphane) : Je vais aller vite. Quand on nous explique les coûts pour aller devant la régie, Hydro-Québec, le nombre de mois et le nombre de personnes et de ressources que ça prend pour répondre, souvent, à des questions qui sont les mêmes année après année, avec les mêmes réponses année après année, je me dis : Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu pour les parlementaires de dire : Faisons un groupe de travail, demandons... Vous avez demandé ce matin à la régie de venir témoigner. Demandez-lui comment elle pourrait être plus efficace, puis on pourrait peut-être lui demander aussi pourquoi certaines réponses sont longues à obtenir. Mais je pense que, là, on commencerait à avoir quelque chose qui aurait du sens.

• (11 heures) •

Mme Ghazal : Il y a des gens qui sont venus et qui nous ont...

Le Président (M. Lemay) : Mais ceci complète cette période, Mme la députée de Mercier. Je vais céder la parole au député de Jonquière. Allez-y.

M. Forget (Stéphane) : Je m'excuse, Mme la députée.

M. Gaudreault : Merci, M. le Président. Merci d'être ici. On a reçu des représentants de l'industrie des Bitfarms ici. On a reçu également l'association, par exemple, des grands consommateurs industriels, qui sont beaucoup plus fermes, carrément, dans leur opposition au projet de loi n° 34, notamment pour les risques concernant les investissements pour la compétitivité du Québec, vous l'avez mentionné tout à l'heure, compétitivité quant aux prix. Alors, j'imagine que vous avez également de ces industries-là qui sont membres. Alors, qu'est-ce que vous pensez de leurs propos, où ils sont vraiment beaucoup plus... beaucoup plus fermes, je dirais, là?

Le Président (M. Lemay) : M. Forget, allez-y.

M. Forget (Stéphane) : Bien, comme je vous le disais, plusieurs de ces entreprises-là, qui doivent être possiblement membres de ces autres organisations là, sont toutes préoccupées par deux choses : un, je répète, comment on se rapproche du juste prix le plus possible, et comment on évite un choc potentiel dans quelques années. C'est beaucoup sur ces éléments-là qu'on a eu des commentaires de nos membres. Puis je ne sais pas si tu peux ajouter à ça...

M. Noël (Philippe) : Il y a eu plusieurs préoccupations, il y a eu plusieurs préoccupations, évidemment, qui touchaient exactement ces questions-là. Et, le fait qu'on n'ait pas de réponses claires à ces questions-là, certains membres se questionnent là-dessus et se demandent si, au bout des cinq années, bien, on ne va pas arriver avec des augmentations beaucoup plus importantes que ce que la régie aurait décidé.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Gaudreault : Est-ce que j'interprète bien votre pensée quand je dis que, dans le fond, ce qui vous préoccupe, c'est prévisibilité et s'assurer d'avoir le tarif le plus juste? Mais, quand je parle de prévisibilité, je parle de prévisibilité sur le système. Quand il y a des auditions à chaque année, on a la garantie d'avoir une indépendance entre la régie et Hydro-Québec et entre la régie et le gouvernement. Ce n'est pas de la prévisibilité nécessairement sur le prix fixe, mais c'est une prévisibilité sur un système qui est neutre, qui est connu, qui fonctionne bien. Il peut y avoir des choses à améliorer, parce qu'il y a de la bureaucratie puis de la lourdeur, ça, j'en suis puis j'aimerais ça qu'on en parle plus, mais... Puis aussi c'est de la prévisibilité qu'à cause de la garantie de ce système on va avoir des tarifs justes. Et finalement, le projet de loi n° 34, ce n'est pas ça du tout, là, qu'il est en train de nous proposer.

Donc, est-ce que j'interprète bien votre pensée?

Le Président (M. Lemay) : En quelques secondes.

M. Forget (Stéphane) : Oui. Et j'ajouterais que nos membres, plusieurs nous ont dit aussi que, devant un monopole, qui est celui d'Hydro-Québec, d'électricité, il y a un contrepoids qui est la régie. Donc, l'idée, ce n'est pas d'éliminer ce contrepoids-là, c'est de faire en sorte qu'il soit plus efficace. Ça, c'est ce commentaire-là qu'on a eu, contrepoids important, mais plus d'agilité.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Ceci complète cette période d'échange. M. Forget, M. Noël, on vous remercie.

On va suspendre les travaux quelques instants afin de permettre à M. Jean-François Blain de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 03)

(Reprise à 11 h 06)

Le Président (M. Lemay) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à M. Jean-François Blain. Je vous rappelle que vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Dans le fond, vous n'avez pas besoin de présenter d'autres personnes, puisque vous êtes seul aujourd'hui. Donc, la parole est à vous, M. Blain.

M. Jean-François Blain

M. Blain (Jean-François) : Merci, M. le Président. Merci aux membres de la commission de m'offrir l'occasion de venir témoigner sur le projet de loi n° 34. J'ai transmis, malheureusement, et je m'en excuse auprès des députés, mon rapport très tardivement, au milieu de la nuit dernière, ça vous donne une idée des ambitions que j'avais en termes de contenu jusqu'à l'avant-dernière minute, vu que j'avais quand même 3 h 15 min de route à faire ce matin. Je vais aller directement au contenu du rapport, parce que c'est très peu de temps, je pourrais, avec la matière qu'il y a là-dedans, discuter avec vous de différents enjeux pendant une journée complète.

J'ai tenté essentiellement de faire, d'abord, dans la section 1 de ce rapport-là, un portrait de l'évolution de la réglementation qui a été mise en place depuis les 20 dernières années, une réglementation, d'abord, de type conventionnel basé sur le coût de service, c'est la forme qui était la plus répandue dans l'industrie électrique, en fait dans l'industrie énergétique, je devrais dire, pour la réglementation des distributeurs réglementés, qu'il s'agisse de gaz naturel ou d'électricité.

Le coût de service, c'est la somme des dépenses que doit encourir un distributeur d'électricité et qui entre dans la composition du tarif qui sera facturé à l'usager final. Alors, autrement dit, les trois composantes principales du coût de l'électricité, la production, aussi appelée approvisionnement ou fourniture, le transport, les coûts d'utilisation du réseau de transport et les coûts de distribution, totalisent l'ensemble de ce qu'on appellera les revenus requis.

Pour établir les revenus requis quand un distributeur se présente devant un «board» ou une régie, il doit... D'abord, c'est toujours un exercice qui est fait sur une base prévisionnelle pour l'année tarifaire à venir, puisqu'il faut déterminer le plus précisément possible des tarifs en temps opportun pour qu'ils entrent en application au premier jour de l'année tarifaire, le 1er avril en ce qui nous concerne. Et donc le distributeur doit se présenter et faire une prévision de ses volumes de ventes, c'est obligatoire et c'est nécessaire, parce que le volume de ventes, c'est le dénominateur dans l'équation dont vont sortir les taux unitaires ou les tarifs. Le numérateur, c'est la somme des coûts. Alors, il faut connaître les volumes de ventes qu'on prévoit devoir fournir pour connaître les volumes d'approvisionnement qu'on va devoir acquérir, et établir le coût de la composante production.

Par la suite, les coûts de transport, eux, sont établis sur la base des dépenses d'exploitation et des charges financières requises pour l'exploitation du réseau de transport. Au Québec, les composantes transport et distribution du tarif sont réglementés par la régie. Aux charges d'exploitation et aux charges financières des activités de transport et de distribution s'ajoute un rendement raisonnable qui est accordé à l'actionnaire. Ce rendement-là est accordé sur la base de la portion de la valeur totale des actifs qui est déjà capitalisée, donc constitue les capitaux propres. Dans le cas d'Hydro-Québec, on dira que les divisions réglementées sont financées par environ 35 % de capitaux propres et 65 % de capitaux empruntés. Supposons une base de tarification d'une valeur prévue de 15 milliards de dollars, on va la rémunérer sur 35 % de 15 milliards de dollars à un taux de rendement jugé raisonnable pour une entreprise dont le risque est significativement limité vu qu'elle a un monopole territorial.

• (11 h 10) •

La réglementation dans la Régie de l'énergie a donc évolué d'un coût de service vers, graduellement, l'introduction de mesures qu'on peut qualifier d'incitatives dans les toutes dernières années, de sorte qu'on peut dire aujourd'hui qu'on a un mécanisme de réglementation hybride, largement basé sur le coût de service mais également assorti de mesures incitatives à la performance.

Ce qui nous préoccupe dans le projet de loi, essentiellement, c'est d'évaluer le réalisme des affirmations qui lui servent de motivation. On dit essentiellement, pour justifier l'introduction d'un mécanisme de fixation des tarifs basé sur l'indexation au niveau de l'inflation après un gel tarifaire en 2020, que, de toute façon, ça ne fait pas de différence par rapport à l'historique vu que, même si on regardait juste les 17 dernières années pendant lesquelles la régie a exercé ses pouvoirs en fixation des tarifs, on a à peu près une croissance des tarifs équivalente à l'inflation. Ça, c'est un fait.

Mais, si le résultat de la fixation des tarifs par la régie dans les 17 dernières années a donné un résultat à peu près équivalent à l'inflation, c'est parce que, pour la composante fourniture ou production, sur laquelle la régie n'a aucune juridiction et dont les coûts résultent de décisions gouvernementales, la fixation d'un prix pour l'énergie patrimoniale, l'indexation du prix de l'énergie patrimoniale, l'introduction d'un régime d'approvisionnement imposé à Hydro-Québec Distribution pour acquérir les approvisionnements excédant le volume d'électricité patrimoniale auprès de producteurs privés à un coût trois fois, maintenant trois fois et demie, bientôt quatre fois plus élevé que le coût unitaire de la fourniture patrimoniale, donc ces coûts d'approvisionnement là décidés par les gouvernements successifs du Québec, et qui représentent 50 % des coûts qui entrent dans le revenu requis, bientôt 55 %, la régie n'avait aucune juridiction là-dessus. C'est la croissance de ces coûts-là, de l'ordre de plus de 3,3 % par année, en moyenne, depuis 17 ans, qui a fait en sorte que les tarifs ont eu une croissance moyenne de 1,8 %. La portion des coûts de transport et de distribution réglementée par la régie, elle, n'a augmenté que dans des proportions bien inférieures à l'inflation, c'est-à-dire respectivement 1,6 % pour les coûts de transport et 1,4 % pour les coûts de distribution.

Vous avez à la page 12 du rapport une liste des hausses tarifaires, d'ailleurs, qui ont été demandées depuis 2007, jusqu'à 2019, par Hydro-Québec et les taux d'augmentation qui ont été accordés par la régie. Cumulativement au cours des 13 dernières années, les demandes d'Hydro-Québec auraient totalisé presque 33 % si elles avaient été accordées, alors que la régie a accordé 19,1 % d'augmentation.

La section 2 du rapport vous présente un examen détaillé, complet de l'évolution des revenus requis depuis l'année 2001, c'est-à-dire, essentiellement, les 20 dernières années. On voit également, aux pages 15 et 16 du rapport, que les revenus requis autorisés par la régie ont été inférieurs par des marges significatives aux revenus requis demandés par Hydro-Québec, et pour plusieurs années.

En bas de page 14, pour faire un petit retour en arrière, vous avez dans le tableau, à la partie inférieure de la page, les taux cumulatifs et annuels de variation des coûts de transport, de distribution et d'approvisionnement, on parle des coûts totaux ici et non pas des coûts unitaires, et vous pouvez voir que, dans la colonne jaune, les coûts qui relèvent des décisions gouvernementales, l'augmentation cumulative sur une période de 20 ans a été de 57 % pour une moyenne de 2,7 % par année, soit une fois et demie le taux d'inflation de cette même période. C'est ce qui explique qu'au total on arrive...

Et donc on ne peut pas se servir d'un raisonnement aussi simplifié que ça pour en déduire que la régie, nécessairement et de toute façon, accorderait au cours des cinq prochaines années des augmentations équivalentes à l'inflation. Ça ne tient pas la route. Ça repose sur du vent.

Quand on veut essayer de prévoir la croissance des revenus requis sur un horizon prévisionnel de cinq ans, il faut tenir compte de tous les paramètres actuels des ventes et d'évolution des revenus requis de chacune des trois composantes pour faire une projection. Je vous rappelle, le taux unitaire qui sert pour établir un tarif, c'est le résultat d'un volume de ventes établi initialement, donc des revenus requis qui sont nécessaires pour approvisionner ces volumes-là divisés par le volume de ventes en question. Si on a 170 térawattheures d'approvisionnement à fournir en 2020 et qu'on a un revenu requis de 12 milliards de dollars, ça va vous donner un taux unitaire précis d'à peu près 0,07 $. Si, l'année suivante, les volumes de ventes à fournir augmentent de 2 % mais que les coûts totaux des approvisionnements du transport et de la distribution ne changent pas, on va se retrouver avec une diminution du taux unitaire, donc une diminution tarifaire.

Le Président (M. Lemay) : En conclusion, M. Blain, environ 25 secondes.

M. Blain (Jean-François) : L'exercice prévisionnel auquel je me suis livré m'amène à conclure que la mise en application du projet de loi n° 34, sur un horizon de cinq ans, générerait des revenus requis de près de 1 milliard de dollars supérieurs aux décisions que rendrait la Régie de l'énergie basées sur tous les paramètres qu'on peut rentrer dans la machine de calculs actuellement. Même si on soustrait le 500 millions de dollars de crédits qui est proposé sur la facture des clients, directement en 2020, on se retrouve avec des coûts plus élevés pour l'ensemble des clients par une marge de 478 millions de dollars.

En conclusion...

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Blain. Ah! Oui, allez...

M. Blain (Jean-François) : ...c'est qu'il faut tout simplement retirer ce projet de loi là, et je vous invite également, si vous le jugez opportun, à discuter des différentes propositions alternatives que j'ai pris la peine d'inscrire en conclusion du rapport.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Blain, pour votre exposé. Avant de poursuive est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre cinq minutes au-delà de l'heure prévue pour compléter cette période d'audition? Consentement. Allez-y, M. le ministre.

M. Julien : Oui, merci, M. le Président. M. Blain, grand plaisir de vous rencontrer et d'entendre, en fin de compte, et de lire vos propositions. Moi, je n'ai pas eu le temps de lire le mémoire, mais on aura l'occasion de le lire a posteriori.

Vous avez mentionné dans votre intervention que de prendre l'inflation dans les prochaines années, un gel avec l'inflation, qui, sur la période de cinq ans, comme un intervenant est venu le mentionner précédemment, serait l'équivalent, sur les cinq prochaines années, d'une augmentation, à peu près, de 66 % de l'inflation puisque la première année pèse plus lourd, en fin de compte, dans un taux composé... Mais mettons que c'est 70 % de l'inflation sur cinq ans, le résultat net. Et vous dites que prévoir ça, c'est comme du vent, comme prévision, pour utiliser vos termes.

Vous participez vous-même aux travaux de la cause tarifaire, comme spécialiste, à travers les années. Ça fait un certain nombre d'années que vous participez à ces processus-là. Je regarde, par exemple, en 2013, le tarif, 2,41 %, l'écart de rendement, 279 millions. Donc, on a fait un processus de cause tarifaire, on a entendu tous les intervenants, la régie est venue faire, en réalité, une augmentation tarifaire et, à la fin, on s'est trompé, ou bien on est... les résultats obtenus ont été 279 millions. Là, ça doit représenter, à peu près... pour l'époque, là, ça doit représenter quelque chose qui ressemble à 2,5 %, même un peu plus. L'année suivante, 2014, 4,30 %, selon la cause tarifaire, un écart de rendement de 160 millions, c'est l'équivalent, à peu près, de 1,5 %, là. Encore, on se trompe presque du simple au double. Donc, quand on parle de vent sur une méthode, ce que j'observe, c'est que c'est du vent sur l'autre méthode également, parce que les écarts sont presque aussi grands que le tarif fixé.

• (11 h 20) •

Nous, ce qu'on suggère dans le p.l. n° 34, c'est de passer... on n'enlève pas de pouvoir à la régie, mais on passe de 12 mois à 60 mois la période à laquelle la régie va faire un processus de cause tarifaire. Selon vos estimés, vous avez sorti des chiffres, là, de 1 milliard, là. Nous, bien honnêtement, là, puis on a aussi des gens qui se spécialisent là-dedans, là, on n'est pas capables de prévoir tout ça, là. On n'arrive pas du tout à ça non plus, bien entendu. Mais c'est vraiment une boule de cristal. D'autant plus que, quand vous participez à une cause tarifaire qui est sur base annuelle, vous vous... il y a des écarts du simple au double. Je ne dis pas qu'on se trompe. C'est : on a une base, comme vous le mentionnez, les ventes, les coûts, un facteur, en fin de compte de rendement, puis c'est du simple au double, année après année, sur une période de 12 mois. Nous, ce qu'on dit, c'est : On va alléger ça, le gel tarifaire, en réalité, va permettre de geler les tarifs en 2020. On va y aller à l'inflation, qui, effectivement, sur base historique... c'est ça. Vous nous dites : Oui, mais ce n'est peut-être pas ça dans le futur. Dans 60 mois, cause tarifaire. C'est quoi, le grand, grand risque, par cette méthode-là, à terme des 60 mois, pour la clientèle?

Le Président (M. Lemay) : M. Blain.

M. Blain (Jean-François) : Merci, M. le Président. Je savais que vous alliez poser cette question-là concernant les années 2013-2014, c'est une très mauvaise question, mais c'est la dernière fois que vous la posez, alors c'est moins grave. En 2013-2014, Hydro-Québec a demandé, en 2013, 3,4 % d'augmentation, la régie a accordé 2,4 %. En 2013, la régie a donc réduit de 102,5 millions de dollars les demandes tarifaires d'Hydro-Québec. Malgré ça, Hydro-Québec a réussi à faire un trop-perçu, un rendement excessif. Ça vous donne-tu une idée de la surestimation de ses dépenses ou de la sous-estimation de ses revenus qu'elle a voulu faire valoir devant la régie?

Petite parenthèse, vous avez maintes fois, pendant les consultations particulières, évoqué le coût important de la réglementation puis son caractère énergivore. Quand il y a deux grosses causes tarifaires annuelles, là, mettons, qu'il y a plein d'intervenants, je mets ça pire que les coûts réels, que ça coûterait 2 millions de dollars au total pour faire le dossier tarifaire de transport et celui de distribution, ça représente, M. le ministre, moins de 1/50 de 1 % des revenus requis totaux d'Hydro-Québec.

Quand la Régie de l'énergie, et c'est arrivé six, sept fois dans les huit, 10 dernières années, réduit les demandes de hausse d'Hydro-Québec de 100, puis de 120, puis de 140, puis de 150 millions de dollars, vous ne pensez pas qu'il y a un avantage pour les consommateurs d'avoir un processus de consultation qui coûte 1 million de dollars?

Votre année 2014, Hydro-Québec a demandé 5,8 % d'augmentation, la régie en a accordé 4,3 %. Elle a réduit les demandes d'Hydro-Québec de 156 millions de dollars. Si Hydro-Québec a réussi à faire un trop-perçu l'année suivante, malgré ça, ça vous donne-tu une idée de sa surestimation des dépenses puis de sa sous-estimation des revenus?

M. Julien : ...

Le Président (M. Lemay) : Si vous permettez. Un instant, s'il vous plaît...

M. Blain (Jean-François) : Je n'ai pas tout à fait fini de répondre à votre première question.

Le Président (M. Lemay) : ...un instant, M. Blain, s'il vous plaît. M. le ministre, la parole est à vous. M. le ministre.

M. Julien : Alors, on va répondre à ces deux éléments-là. Ici, le tableau... Pardon?

Une voix : ...

Le Président (M. Lemay) : Continuez, M. le ministre.

M. Julien : Ici, le tableau qu'on montre ici, ce n'est pas les demandes d'Hydro-Québec, c'est ce qui a été effectivement autorisé par la régie. Alors, quand on dit que, dans les cinq prochaines années, ça va être un gel plus une augmentation à l'inflation qui est inférieure aux 15 dernières années, on ne fait pas référence aux demandes d'Hydro-Québec qui ont été abaissées, qui, malgré l'abaissement d'une cause tarifaire, a été supérieur à l'inflation, on fait, en fin de compte, une remarque par rapport à Hydro-Québec : dorénavant, ça va être l'inflation, puis vous allez vous gouverner en conséquence.

Donc, ce n'est pas Hydro-Québec qui fait une demande à 100 points de base au-dessus dans un processus de négociation à la régie, avec des intervenants qui vont dire moins trois, eux autres, ils disent plus quatre, puis au terme, on finit entre les deux. La méthode Salomon, c'est : on regarde notre passé, c'est un petit peu au-dessus de l'inflation, Hydro-Québec, ça va être l'inflation, peux-tu être performant, s'il vous plaît, puis, dans cinq ans, on retourne en cause tarifaire pour être sûrs que tu ne t'es pas écarté. Il y a quand même une distinction, ce n'est pas la demande d'Hydro-Québec qu'on a ici, c'est des tarifs autorisés.

Le Président (M. Lemay) : Donc, M. le ministre, merci pour votre question. M. Blain, la parole est à vous.

M. Blain (Jean-François) : Donc, ça me donne l'occasion de compléter la réponse que j'étais en cours de terminer. L'année 2013 et l'année 2014... Parce que ce que vous montrez là, c'est effectivement les tarifs qui ont été autorisés, puis une partie importante, une affirmation importante dans ma présentation, c'était de vous expliquer que l'augmentation réelle des tarifs, à peu près équivalente à l'inflation, a résulté principalement de la pression à la hausse exercée par la croissance des coûts d'approvisionnement, décidée par le gouvernement. En 2013, sur une hausse accordée de 2,4 %, il y avait près de 60 % de la hausse qui était attribuable aux coûts d'approvisionnement. En 2014, sur une hausse accordée de 4,3 %, il y avait, tenez-vous bien, 3,5 %... ou 81 % de la hausse de ces coûts-là, donc du tarif, qui était attribuable à la hausse des coûts d'approvisionnement. Ça, c'est les décisions gouvernementales. Puis on peut reculer encore davantage, là, si vous voulez. Je vous ai donné 2013, 2014. 2015, 3,9 % de hausse demandée, 2,9 % de hausse accordée, dont 86 % de la hausse soufflée par la croissance des coûts d'approvisionnement.

Donc, c'est les décisions gouvernementales qui ont fait que les tarifs ont augmenté de l'équivalent de l'inflation, alors que, sur les portions transport et distribution, réglementées par la régie, sous l'autorité de la régie, les hausses ont été, en moyenne, bien inférieures à l'inflation pendant toutes les années et, au total, en moyenne... des 20 années pendant lesquelles la régie a fait de la réglementation.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Blain. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Julien : Dans le passé, donc, les décisions gouvernementales sont venues impacter, en fin de compte, l'augmentation de la tarification de manière importante. C'est ce que vous dites.

Le Président (M. Lemay) : ...allez-y.

M. Blain (Jean-François) : Bien sûr! Bien sûr.

M. Julien : Je pense que ma collègue a une question à poser.

M. Blain (Jean-François) : Bien sûr, puisque, d'abord, le prix du bloc patrimonial a été fixé à un niveau qui était déjà, au départ, à 0,0278 $, une fois et demie plus élevé que le coût moyen de production réel à l'époque, on était au tournant des années 2000. Il y avait donc, déjà là, implicitement, une marge bénéficiaire de près de 50 %, ou autour de 50 %, générée par les revenus tirés de l'électricité patrimoniale, en dépit du fait que les coûts des équipements de production patrimoniaux ou qui existaient déjà ont régressé dans le temps.

De façon constante, depuis ce temps-là, le gouvernement du Québec a décidé d'indexer le coût du volume d'électricité patrimonial, subséquemment, alors c'est un coût qui est en baisse. Et il y a eu la mise en place d'un régime d'approvisionnement qui oblige Hydro-Québec à conclure des achats auprès de tiers producteurs pour les besoins des clients qui excèdent le volume d'électricité patrimonial à un coût qui aujourd'hui approche les 0,12 $ le kilowattheure. C'est rendu quatre fois plus que le volume d'électricité patrimonial. Il y a un tableau concernant justement les coûts totaux et la proportion des coûts et des volumes des approvisionnements dans mon rapport, en page...

Le Président (M. Lemay) : M. Blain, permettez-moi de céder la parole à ma collègue députée d'Abitibi-Ouest pour une nouvelle question.

M. Blain (Jean-François) : Oui. Si vous me permettez, M. le Président...

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée, la parole... Est-ce que vous aviez votre tableau en main?

M. Blain (Jean-François) : Oui, oui.

Le Président (M. Lemay) : C'était simplement pour donner un élément? Allez-y rapidement, M. Blain, parce qu'on a une autre question.

M. Blain (Jean-François) : Je vais le dire de mémoire, là. La portion des coûts d'approvisionnement qui sont des achats postpatrimoniaux en vertu de contrats à long terme de 20 ans, là, qui vont atteindre près de 0,13 $ le kilowattheure comme coût unitaire dans les prochaines années, ça va représenter seulement 10 % des volumes totaux d'approvisionnement d'Hydro-Québec et 33 % de ses coûts d'approvisionnement. Ça, là, c'est un problème majeur, M. le ministre. D'ici l'horizon de cinq ans qui est couvert par votre projet de loi, on va avoir une pression à la hausse, même si les coûts de transport et de distribution devaient augmenter très, très légèrement, exercée par cette portion-là des coûts.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup pour cet élément de réponse. Mme la députée d'Abitibi-Ouest, pour votre question.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci, M. le Président. M. Blain, merci pour votre présentation. À la fin, dans vos propositions, vous parlez d'un fonds national des régions. J'aimerais que vous m'en parliez, et votre fameuse corvée d'habitation, s'il vous plaît.

Le Président (M. Lemay) : Allez-y, M. Blain.

• (11 h 30) •

M. Blain (Jean-François) : L'idée d'un fonds national de développement des régions, c'est une façon d'éviter de politiser l'utilisation d'Hydro-Québec, à tort ou à raison, pour des motifs légitimes, mais de façon inefficace d'un point de vue économique, pour stimuler le développement régional. Si le gouvernement est vraiment préoccupé, puis il a des très bonnes raisons de l'être, d'insuffler de l'oxygène économique dans les régions éloignées, d'assurer une croissance de leur économie mais surtout une diversification durable des activités économiques, dont le développement est privilégié, cessons d'être paternalistes. Je parle pour nous tous, là. Laissons les régions établir leurs priorités. Au lieu de demander... Au lieu d'utiliser, en fait, à tort, Hydro-Québec pour imposer des achats d'une filière ou d'une autre, que ça soit de l'éolienne ou pas, même en absence de besoins additionnels à satisfaire, mettons donc juste 10 % du bénéfice d'exploitation annuelle d'Hydro-Québec, hein, qui dépasse les 3,5 milliards de dollars, dans un fonds national de développement des régions. Laissons les instances des régions décider des critères de répartition de ce fonds-là, c'est colossal, 350 millions de dollars par année, des critères de répartition qui sont... des adultes qui sont capables de déterminer, d'établir en fonction de l'éloignement, du taux d'emploi, du taux de chômage, du revenu moyen pour financer des projets structurants.

Les revenus du gouvernement du Québec, là, tirés d'Hydro-Québec, si on fait la somme des dividendes sur le bénéfice net des redevances hydrauliques, des frais de garantie d'emprunt puis des taxes sur les services publics d'énergie, totalisent 3,5 milliards de dollars. Ce n'est pas juste 75 % du bénéfice net, c'est plus de 80 % du bénéfice d'exploitation qui vient dans les coffres du gouvernement. Ça a doublé de valeur en 10 ans, entre 2005 et 2014. Depuis ce temps-là, on est à 3,5 milliards et un peu plus, année après année. 10 % de ça pour stimuler le développement des régions par l'entremise de la création d'un fonds national de développement, dont ils disposeraient en vertu de critères objectifs et équitables, je pense que c'est une pas pire idée pour dépolitiser l'intervention d'Hydro-Québec... je veux dire, du gouvernement, la politisation des activités d'Hydro-Québec pour des motifs qui relèvent effectivement du gouvernement mais qui devraient relever davantage de ses propres initiatives et de ses propres moyens.

Puis l'autre idée, c'était la question de la corvée nationale, un chantier réno habitation. Bien, en ce moment, il y a aussi... C'est une autre problématique majeure que je soulève, que j'aborde dans mon rapport, il y a une conjoncture qui est très défavorable à la situation budgétaire d'une proportion croissante des ménages. Tous les ménages à faibles revenus ou à budget moyen, en ce moment, consacrent une proportion croissante, mais croissante à une vitesse grand V, de leurs revenus disponibles au logement et aux coûts d'énergie reliés au logement. Ces postes de dépenses là augmentent dans des proportions beaucoup plus fortes et plus rapidement que tous les autres.

Ça, c'est accompagné d'une situation où il y a un vieillissement accéléré de la population sur le plan démographique. Il y a aussi, autre facteur aggravant, une diminution du nombre de personnes par ménage. Il y a 15, 20 ans, c'était 2,5 personnes par ménage en moyenne. Il y a une quinzaine d'années, c'était 2,3. On s'approche de 2,1. Il y a 35 % à 40 % des ménages qui sont formés d'une seule personne, des célibataires, dans les grandes villes.

Le Président (M. Lemay) : ...interrompre, puisque, le temps avec la partie gouvernementale étant écoulé, je vais maintenant céder la parole au député de Laval-des-Rapides pour son échange avec vous.

M. Polo : Terminez votre propos, M. Blain.

M. Blain (Jean-François) : Donc, il y a un problème majeur à adresser là, d'autant plus qu'il y a une partie importante du parc immobilier résidentiel actuel qui est vétuste, de plus en plus vétuste, inefficace sur le plan énergétique, et que les ménages à faibles et moyens revenus et modestes revenus, qui sont des locataires pour 40 % de la population, qui habitent des vieilles maisons pour une autre partie, n'ont aucune disponibilité budgétaire pour faire des investissements importants dans la rénovation de l'enveloppe thermique. C'est trop coûteux. C'est des investissements qui se récupèrent à trop long terme. Ils n'ont même pas la capacité budgétaire de payer la différence entre les programmes gouvernementaux en efficacité énergétique ou ceux des distributeurs qui sont offerts puis le reste de ce que ça constituerait. Donc, il y a un problème majeur à adresser là.

Une corvée habitation dans laquelle on mettrait des fonds consolidés du gouvernement, 300 millions de dollars par année, pour un minimum de cinq ans, ça, c'est une façon concrète et réelle de redonner une partie des trop-perçus des années antérieures, avec lesquels le projet de loi n'a aucun rapport, soit dit en passant, avec les fonds propres du gouvernement, si c'est véritablement ça, la préoccupation.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, M. Blain. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Merci beaucoup, M. Blain. L'un des objectifs du projet de loi n° 34 déposé par le gouvernement, là, le 12 juin dernier, c'était de régler la question des trop-perçus et notamment le 1,5 milliard de dollars promis par la Coalition avenir Québec, là, de rembourser. Vous, vous dites, dans votre conclusion : «Le projet de loi n° 34 ne règle d'aucune façon les trop-perçus des années antérieures.»

Le Président (M. Lemay) : M. Blain.

M. Blain (Jean-François) : Le 1,5 milliard de dollars d'économies alléguées, là, dans le projet de loi, ne se concrétiseront pas. D'abord, ça n'a aucun rapport avec les trop-perçus des années antérieures. D'ailleurs, ces trop-perçus-là, ce n'est pas à Hydro-Québec de les rembourser. Pour au moins 80 % des bénéfices d'exploitation associés aux années où ces trop-perçus-là ont été réalisés, c'est dans le fonds consolidé du gouvernement qu'ils se sont retrouvés. Bien, c'est quoi, l'idée de rembourser ça, de prétendre qu'on rembourse ça par l'entremise de la fixation des tarifs d'Hydro-Québec? Ça n'a aucun rapport.

Deuxièmement, la première tranche de 500 millions, là, ce n'est pas une remise de quoi que ce soit. C'est de l'argent qui appartient déjà aux clients. C'est le solde des comptes d'écart et de report actuels, d'ailleurs ils atteignaient 511 millions de dollars au 30 juin 2019, qui auraient été et qui seraient remis, de toute façon, aux clients, en vertu des modalités réglementaires existantes, sur un horizon de deux ans. Pour ce qui est du reste de 1 milliard, là, c'est la différence entre un scénario hypothétique où la régie accorderait 1,7 % d'augmentation pendant cinq ans et la proposition de gel tarifaire suivi de quatre années d'indexation au niveau de l'inflation. C'est une vue de l'esprit, c'est complètement fictif et ça ne se produira pas. Donc, la remise de 1,5 milliard qui est alléguée, là...

M. Polo : ...

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Polo : M. Blain, j'ai utilisé le terme «illusion» et même «supercherie». Ce projet de loi donne l'illusion que le 1,5 milliard va être remboursé aux Québécois, mais, dans la vérité et dans les faits, et vous le dites dans vos propres mots, nous, on considère qu'en fait c'est juste de la poudre aux yeux, c'est du vent, comme vous avez dit antérieurement. C'est une supercherie pour faire croire aux Québécois qu'ils vont...

Le Président (M. Lemay) : M. le député, je vous invite quand même à la prudence, là, dans vos propos, là. Vous êtes au courant des propos non parlementaires, là. Je n'aimerais pas vous les répéter tous et chacun. Mais, bon, je vous invite à la prudence, M. le député.

M. Polo : Parfait. Hydro-Québec, mardi, mardi matin, est venue nous dire : Compte tenu que ça prend huit à neuf mois, déposer un projet tarifaire, compte tenu que ça nous coûte quelques millions de dollars... Ils ont même estimé ça à 12 ou même une quinzaine de millions de dollars, compte tenu que ça mobilise des effectifs importants, etc. Ils ont essayé de nous faire... de nous demander de la sympathie face à leurs doléances. Vous, qu'est-ce que vous en pensez de ce qu'Hydro-Québec génère comme dividendes auprès du gouvernement? Est-ce que ça justifie le fait qu'on laisse tomber, qu'on retire des pouvoirs à la Régie de l'énergie, ça justifie qu'on change de fond en comble le processus de tarification d'Hydro-Québec? Vous en pensez quoi, des doléances d'Hydro-Québec face au processus de la régie?

Le Président (M. Lemay) : M. Blain.

M. Blain (Jean-François) : J'ai entendu l'affirmation d'Hydro-Québec à l'effet que leur charge réglementaire était de l'ordre de 10 à 15 millions de dollars par année. Écoutez, si c'est vrai, d'abord ça signifie qu'Hydro-Québec dispose de moyens financiers ou consacre des moyens financiers de quatre à cinq fois plus importants que la somme des coûts réglementaires... des frais réglementaires encourus pour tous les intervenants qui participent aux audiences.

Deuxièmement, même si l'ensemble des frais réglementaires atteignaient 10 ou 15 millions de dollars par année, si vous divisez ça par le revenu requis, total d'Hydro-Québec, de 12,2 milliards de dollars, vous allez arriver à à peu près... quatre point cinquantième... même pas 1/10 de 1 % des coûts totaux. Et puis, même si ça coûtait 10 à 15 millions de dollars par année pour tenir un véritable processus d'examen et de fixation rigoureux, indépendant, institutionnalisé des tarifs d'Hydro-Québec pour que la régie réduise en moyenne de 100 ou de 150 millions, soit 10 fois plus, les aspirations de croissance de revenus d'Hydro-Québec, les consommateurs sont encore gagnants pour 90 % des sommes, en fait, par 10 fois plus que les sommes engagées.

Le Président (M. Lemay) : M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Ce projet de loi là bénéficie à qui?

Le Président (M. Lemay) : M. Blain.

• (11 h 40) •

M. Blain (Jean-François) : Ce projet de loi là bénéficie uniquement à la latitude dont va disposer Hydro-Québec pour générer des bénéfices et des trop-perçus, qui ne seront plus qualifiés de trop-perçus puisqu'ils ne seront plus assujettis à la loi, additionnels au cours des cinq prochaines années. Les coûts de production, on sait déjà comment ils vont augmenter. Ils sont «drivés» par le coût unitaire du volume d'électricité patrimonial indexé au taux de l'inflation, plus le coût moyen des contrats d'approvisionnement déjà indexés, qui sont tous indexés annuellement par 2 %. On sait exactement la croissance des coûts d'approvisionnement. Les coûts de transport demeurent réglementés. Hydro-Québec va certainement mettre un maximum de pression pour augmenter la valeur de sa base de tarification de transport et ses investissements pour générer le plus de rendement qu'elle peut, sous réserve de la résistance que la régie pourra opposer. Et donc toute la croissance des bénéfices générés par l'indexation des tarifs, toute la portion de la croissance de revenus excédant ce que la régie aurait décidé, d'après ce que je vois sur le tableau de bord, va venir contribuer à alimenter essentiellement les trop-perçus de la division Distribution, qu'on ne verra pas parce qu'on ne connaîtra pas la base de tarification, ce n'est pas inscrit dans le projet de loi, ce n'est pas une information qui sera divulguée. On ne pourra donc pas savoir si... même en essayant de faire des calculs puis en projetant les bénéfices, compte tenu des coûts et des revenus de la division Distribution, si le rendement généré excède ou pas le rendement qui aurait été autorisé, puisqu'il n'aura même pas à l'être, et puis on ne pourra pas le calculer du fait que, la valeur nette de ce rendement-là, même en vertu d'un taux déterminé, on ne pourra pas l'établir, la base de tarification, ils n'auront pas l'obligation de la divulguer.

Alors donc, le résultat, c'est que tous les bénéfices additionnels, les trop-perçus additionnels vont être tassés au profit d'une meilleure rentabilité de la division Distribution, avec des rendements réels qui vont excéder largement ce que les rendements autorisés auraient donné comme résultats. Et le 1 milliard de dollars de revenus additionnels générés par le projet de loi n° 34, il va être dissimulé dans la boîte noire qu'on crée autour de la division Distribution, et ça va donc se traduire par à peu près 750 millions de dollars de dividendes additionnels ou 80 % de revenus additionnels, 800 millions, cumulativement, sur cinq ans, pour le gouvernement, au détriment des consommateurs.

Le Président (M. Lemay) : M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Il reste combien de temps?

Le Président (M. Lemay) : Environ deux minutes.

M. Polo : Le consommateur, là, à la fin de la journée, là, avec le projet de loi n° 34, il fitte où, là-dedans?

Le Président (M. Lemay) : M. Blain.

M. Blain (Jean-François) : Le consommateur, il n'a plus de représentation directe, sauf pour à peu près 25 % des coûts qui entrent dans la composition des revenus requis, c'est-à-dire les coûts de transport, c'est la seule portion qui reste réglementée.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Polo : Je vais rephraser ma question : Quelles conséquences ou bénéfices, ou bénéfices ou conséquences va subir ou vivre le consommateur, à la fin de la journée, avec le projet de loi n° 34?

Le Président (M. Lemay) : M. Blain.

M. Blain (Jean-François) : Bien, le consommateur, il perd son chien de garde, la Régie de l'énergie, il perd le processus de consultation publique, qui garantissait la représentation de tous les intérêts de la société civile dans le processus de fixation des tarifs, et puis il perd totalement la possibilité de savoir si les tarifs qui vont être établis en vertu d'un projet de loi vont être des tarifs justes, au sens de justesse, et raisonnables... et au sens de justice, et raisonnables, au sens de générer un rendement acceptable.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Polo : Parfait. Il reste à peu près une minute, là, je vous fais une image très simple. La Vérificatrice générale a clairement stipulé qu'il y avait 1,5 milliard de trop-perçus à être remboursés. Le gouvernement... la Coalition avenir Québec annonce depuis des années qu'ils vont rembourser 1,5 milliard. Vous venez de dire qu'il y a un manque de transparence totale inclus dans le projet de loi n° 34 et, en plus de ça, vous venez dire qu'il va peut-être même subir des hausses de tarifs. Ça fait qu'à la fin de la journée est-ce que le consommateur, avec le projet de loi n° 34, se fait arnaquer? Il se fait-u entuber puis il se fait-u passer un sapin avec ce projet de loi là?

Le Président (M. Lemay) : M. le député, je vous ai invité tout à l'heure à la prudence, là, dans votre question, là. M. Blain, si vous voulez répondre, il vous reste 10 secondes.

M. Blain (Jean-François) : Le projet de loi n° 34 ne règle rien aux trop-perçus antérieurs et il met la table pour des trop-perçus additionnels au cours des cinq prochaines années.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. Merci beaucoup, M. Blain. Ceci complète la période d'échange avec la partie de l'opposition officielle. Je cède maintenant la parole à la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci, M. le Président. J'ai 2 min 45 s. J'ai réagi tantôt parce que c'est tellement complexe, c'est tellement difficile à comprendre pour nous, les députés, qui ne sommes pas des spécialistes, et vos explications sont très claires, et, malgré ça, c'est quand même assez costaud. Justement, avant la Régie de l'énergie, cette décision-là était prise par des politiciens qui n'y connaissaient pas grand-chose, parce que ce n'est pas leur spécialité. Puis il y avait les gens d'Hydro qui leur parlaient, ils prenaient ce qu'ils disaient pour du cash.

Je veux juste réagir à ce que vous étiez en train de dire. Donc, avec le p.l. n° 34, il n'y a pas... ce n'est pas un garde-fou pour... c'est-à-dire, ça n'a rien à voir avec les trop-perçus qui existent en ce moment, de 1,5 milliard, et qu'ils pourraient... Même, pire, on pourrait se retrouver encore avec d'autres trop-perçus. Et, pire encore, puis ça, je veux vraiment être sûre de bien le comprendre, dans cinq ans, est-ce qu'on va pouvoir... est-ce que la Vérificatrice générale ou est-ce que quelqu'un va pouvoir dire : Il y a eu tant de trop-perçus et il faut corriger la situation ou, même les trop-perçus, on ne pourra pas les quantifier? J'ai eu l'impression que... C'est ce que j'ai compris, puis je veux être certaine de bien comprendre.

Le Président (M. Lemay) : M. Blain.

M. Blain (Jean-François) : On va peut-être pouvoir estimer les trop-perçus en faisant des calculs très, très complexes, mais, chose certaine, il n'y aura aucun mode de partage des trop-perçus pour les cinq prochaines années, même des trop-perçus plus importants. On perd le mode de partage de traitement des écarts de rendement qui oblige actuellement Hydro-Québec à remettre une partie de ses trop-perçus et qui a été institué tout récemment par la régie.

Mme Ghazal : Et donc là, dans les cinq ans, oui, on perd tout ça. Mais, cinq ans plus tard, plaçons-nous... parce que nous, ici, il ne faut pas qu'on gouverne... c'est-à-dire qu'on pense à court terme, plaçons-nous cinq ans plus tard, est-ce qu'on va être capables, comme on l'a fait, puis on a le chiffre de 1,5 milliard... Est-ce qu'on va être capables de quantifier cinq ans plus tard des trop-perçus ou on ne le saura pas, finalement?

Le Président (M. Lemay) : M. Blain, allez-y.

M. Blain (Jean-François) : Ça va être très difficile de quantifier les trop-perçus, mais ce qui va arriver dans les prochains cinq ans, c'est que le distributeur va se retrouver dans la situation d'un distributeur qui est sous l'application d'un mécanisme incitatif avec un prix plafond. Quand tu sais que ton taux unitaire va augmenter de zéro en 2020, puis de l'inflation, tu peux faire une hypothèse de 1,7 %, c'est l'hypothèse évoquée, pendant quatre ans, tu connais la croissance de tes revenus parce que tu as un prix plafond qui est estimable. Et donc le distributeur qui est en situation d'essayer de générer des gains d'efficience pour offrir à son actionnaire plus de bénéfices, il peut être tenté de repousser un peu dans le temps les dépenses qui ne sont pas absolument incontournables ou urgentes...

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, M. Blain, désolé. Ceci termine cette période d'échange avec la députée de Mercier. M. le député de Jonquière, la parole est à vous.

M. Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre présentation, on reconnaît votre expertise et votre savoir-faire en cette matière. Je sais que vous avez une longue expérience avec la Régie de l'énergie, avec Hydro-Québec et là je fais appel un peu plus à votre bloc patrimonial de votre mémoire. Selon vous, est-ce qu'Hydro-Québec souhaite depuis longtemps se libérer des griffes de la régie en cette matière?

Le Président (M. Lemay) : M. Blain.

M. Blain (Jean-François) : Hydro-Québec, comme tout distributeur, essaie d'obtenir le maximum de revenus en dépit de l'exercice réglementaire exigeant, conventionnel que la régie a mis en place depuis 20 ans. Se libérer de l'autorité réglementaire... Écoutez, là, il y a un tel jeu de ping-pong qui se passe continuellement entre le gouvernement et Hydro-Québec, le gouvernement qui, chaque fois qu'il a peur qu'on doute de l'indépendance de la régie, se sent obligé de mentionner puis rementionner que c'est une institution indépendante. Si elle était si indépendante puis si à l'abri d'interventions politiques, et surtout, je devrais dire, qu'il y ait ou pas des interventions politiques, si elle était à l'abri des amendements et des réamendements et des ré-ré-réamendements de sa loi pour accommoder les ambitions gouvernementales et les ambitions d'Hydro-Québec de satisfaire l'appétit financier de son actionnaire, bien, la régie serait plus indépendante.

Est-ce qu'Hydro-Québec veut vraiment se soustraire de l'autorité de la régie? Ça dépend des commandes qui lui sont passées par son actionnaire. Bien, évidemment, c'est exigeant, un processus réglementaire, pour Hydro-Québec comme pour n'importe quel distributeur qui bénéficie d'un territoire monopolistique. Puis, à moins que ça, on ne peut pas établir... on ne peut pas assurer l'équité entre des consommateurs captifs et un distributeur qui est dans un rôle monopolistique.

Le Président (M. Lemay) : M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Par rapport à l'industrie puis au monde de l'énergie dans les autres pays, etc., ça nous placerait dans quelle situation si le projet de loi était... n° 34, est-ce qu'on aurait l'air un peu à des fous?

Le Président (M. Lemay) : M. Blain.

M. Blain (Jean-François) : On aurait l'air à tout le moins de faire bande à part, parce qu'on se retrouverait dans une situation où l'actionnaire d'une société d'État qui a un territoire monopolistique de distribution exclusif déciderait... aurait décidé lui-même, historiquement, de plus de 50 % de la valeur des coûts qui rentrent dans les tarifs, les approvisionnements, et déciderait maintenant en plus d'un autre 25 % des coûts, mais de façon indirecte, c'est-à-dire les revenus générés par la division Distribution, étant donné qu'il ne resterait plus que les coûts de transports placés sous l'autorité de la régie.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, M. Blain. Je dois vous interrompre. Merci. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

Mémoires déposés

Avant de terminer, je dois déposer les mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus. Donc, on a ici quatre organismes que je fais le dépôt des mémoires.

Maintenant, la commission ayant accompli son mandat, on ajourne les travaux jusqu'au lundi 23 septembre, où elle entreprendra un autre mandat.

(Fin de la séance à 11 h 50)

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