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« Première lecture »

Terme(s) anglais :
First reading

Définition

Expression utilisée avant 1984 dans les anciens règlements de l'Assemblée pour désigner la première étape du processus législatif, soit la présentation d'un projet de loi.

L'origine de l'expression

L'expression tire son origine d'une ancienne pratique parlementaire britannique, où l'on faisait la lecture complète des projets de loi en Chambre1. En effet, comme chaque « bill » était présenté en un seul exemplaire manuscrit, le greffier devait en faire la lecture à voix haute devant la Chambre pour qu'elle en prenne connaissance. Jusqu'au milieu du XVIe siècle, il n'était pas rare qu'un bill soit lu jusqu'à six fois à la Chambre pour tenir les députés au courant des amendements. Cependant, au cours du règne d'Élisabeth Ire (1558-1603), on établit une pratique où seulement trois lectures étaient nécessaires2.

La première lecture visait à divulguer le contenu du bill à la Chambre pour qu'elle en prenne connaissance. La deuxième lecture permettait aux députés d'entendre de nouveau le texte pour ensuite pouvoir s'engager dans un débat éclairé. La troisième lecture consistait à leur faire entendre le texte définitif, tel qu'amendé, avant de procéder au vote sur son adoption3.

Au Québec

Bien que l'expression « première lecture » ait été remplacée dans le Règlement en 1984, on l'emploie encore dans le jargon parlementaire québécois, même si, à proprement parler, il n'y a aucune lecture du projet de loi à cette étape. En effet, elle se résume plutôt à la lecture des notes explicatives du projet de loi par le député qui le présente. Après quoi, le président demande à l'Assemblée si elle accepte de se saisir de ce projet de loi. Cette motion est immédiatement mise aux voix sans débat. À l'occasion, un vote par appel nominal est exigé. C'est donc dire que l'Assemblée a toujours la possibilité de refuser de procéder à l'étude d'un projet de loi4.

Si, à l'Assemblée nationale du Québec, le terme « lecture » n'est plus utilisé depuis 1984, il est encore en usage dans plusieurs parlements pour définir les différentes étapes du processus législatif, et ce, même si la procédure n'est plus la même. C'est le cas notamment au Parlement canadien et à celui du Royaume-Uni.

Au Canada

Même si de nos jours les projets de loi ne sont plus lus à haute voix, la Chambre des communes, par tradition, utilise toujours l'expression « dépôt et première lecture » pour désigner la première étape du processus législatif. Elle consiste à présenter un projet de loi à la Chambre et au public.

Les députés ou les ministres qui veulent déposer un projet de loi doivent en demander l'autorisation à la Chambre5. Cette autorisation étant accordée automatiquement sans discussion6, le président propose la motion suivante : « Que ce projet de loi soit lu pour une première fois et imprimé. » Cette motion est réputée adoptée sans débat ni amendement ni mise aux voix7. La Chambre n'a donc pas la possibilité de refuser de se saisir d'un projet de loi comme c'est le cas à l'Assemblée nationale. À la suite de cette motion, plutôt que de véritablement lire le projet de loi en Chambre, un greffier prononce les mots : « première lecture du projet de loi » en guise de lecture8. Le président demande ensuite : « Quand ce projet de loi sera-t-il lu une deuxième fois? » Ce à quoi il répond lui-même : « À la première séance de la Chambre. » Il s'agit alors d'une simple formalité qui permet d'inscrire le projet de loi au feuilleton.

Au Royaume-Uni

Au Parlement du Royaume-Uni, la première étape du processus législatif est aussi toujours appelée First reading. Cette étape débute par la transmission par le député responsable du projet de loi d'un préavis à la Chambre, dans lequel il indique les titres longs et courts du projet de loi, en plus de mentionner son intention de présenter ce projet de loi un jour particulier. Ce préavis apparait alors sur l'ordre du jour de la séance choisie.

S'il s'agit d'un projet de loi présenté par un député, celui-ci doit, à la demande du président, déposer le dummy bill du projet de loi. Il s'agit d'un document contenant les titres longs et courts du projet de loi, ainsi qu'une liste d'un maximum de 12 personnes appuyant le projet de loi. Par contre, s'il s'agit d'un projet de loi présenté par le gouvernement, celui-ci est déjà déposé à la Table.

Le greffier lit ensuite le titre court du projet de loi à la Chambre, après quoi, le président demande « second reading what day? »9. Pour tous les projets de loi du gouvernement, la réponse est « tomorrow » ou à la prochaine séance. Comme c'est le cas à la Chambre des communes canadienne, cela ne veut pas dire que le débat aura forcément lieu à cette date, puisque le gouvernement peut appeler le débat à n'importe quelle séance10. Les projets de loi présentés par un député, quant à eux, ne peuvent être débattus que pendant les journées spécifiquement destinées à cet effet. Le choix du jour où il sera débattu est donc stratégique pour les députés.

Une fois cette étape terminée, le projet de loi est inscrit au procès-verbal avec l'ordre d'être imprimé et lu une seconde fois lors de la séance choisie par le député. Cela signifie qu'il est considéré comme lu pour la première fois. La première lecture se fait donc sans débat ni amendement ni mise aux voix, comme c'est le cas à la Chambre des communes du Canada.

Pour citer cet article

« Première lecture », Encyclopédie du parlementarisme québécois, Assemblée nationale du Québec, 13 janvier 2016.

Faites-nous part de vos commentaires à : encyclopedie@assnat.qc.ca

Pour en savoir plus

Bonsaint, Michel (dir.). La procédure parlementaire du Québec, 3e éd., Québec, Assemblée nationale, 2012, p. 42 et 427.

May, Thomas Erskine. Parliamentary practice, 24e éd., Markham, LexisNexis, 2011, p. 540-547.

 

O'Brien, Audrey et Marc Bosc. La procédure et les usages de la Chambre des communes, 2e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 734-735 et 740-741.

Notes

1 

La pratique de la lecture complète d'un projet de loi par le greffier aura cours jusqu'à la seconde moitié du XVIIIe siècle, soit au moment où se généralise la distribution d'exemplaires imprimés des projets de loi. Voir Norman Wilding et Philip Laundy, An Encyclopaedia of Parliament, 4e éd., Londres, Cassell, 1972, p. 633.

2 

J. E. Neale, The Elizabethan House of Commons, Hammondsworth, Penguin Books, 1963, p. 356-357.

3 

Audrey O'Brien et Marc Bosc, La procédure et les usages de la Chambre des communes, 2e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 735.

4 

S'il n'est jamais arrivé que l'Assemblée refuse de se saisir d'un projet de loi, en 2013, à l'occasion de la présentation du projet de loi no 60, Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l'État ainsi que d'égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d'accommodement, le leader du gouvernement, Stéphane Bédard, a fait une déclaration selon laquelle le vote sur cette motion engageait la responsabilité du gouvernement. Procès-verbal de l'Assemblée nationale, 7 novembre 2013.

5 

A. O'Brien et al., op. cit., p. 735. Les projets de loi du Sénat étant déjà imprimés lorsqu'ils sont transmis à la Chambre des communes, aucune permission n'est requise pour les présenter.

6 

Ibid., p. 740-741. Si les ministres fournissent rarement des explications lorsqu'ils demandent l'autorisation de déposer un projet de loi, les autres députés doivent habituellement le faire brièvement. Dans le passé, il arrivait parfois que la Chambre, après avoir entendu l'explication d'un député, rejette la motion d'autorisation. Depuis 1991, cette motion est adoptée sans débat ni amendement ni mise aux voix. Règlement de la Chambre des communes, art. 68.

7 

Ibid., art. 69.

8 

A. O'Brien et al., op. cit., p. 735 et 740-741.

9 

Thomas Erskine May, Parliamentary Practice, 24e éd., Markham, LexisNexis, 2011, p. 540-541.

10 

Robert Rogers et Rhodri Walters, How Parliament Works, 7e éd., Londres, Routledge, 2015, p. 186. Même si le gouvernement ne respecte pas toujours cette convention, la pratique veut qu'un délai de deux semaines s'écoule entre la première et la deuxième lectures. Ibid., p. 186-187.