Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
15e législature, 4e session
(24 octobre 1922 au 29 décembre 1922)
Le jeudi 2 novembre 1922
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Présidence de l'honorable J.-N. Francoeur
La séance est ouverte à 4 h 10.
M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!
(Des bruits s'élèvent.)
M. l'Orateur: À l'ordre! À l'ordre!
(Les bruits continuent.)1
Présentation de pétitions:
Les pétitions suivantes sont présentées devant la Chambre:
-de la cité de Montréal, demandant l'adoption d'une loi amendant sa charte (M. Bédard);
- d'Ernest Rochon et autres, demandant l'adoption d'une loi les autorisant, ainsi que les autres grevés et appelés d'une substitution créée par Jacques Rochon, à constituer une compagnie à fonds social (M. Bercovitch);
- du Bureau des commissaires d'écoles catholiques romains de la cité de Sherbrooke et du Bureau des commissaires d'écoles protestants de la cité de Sherbrooke, demandant l'adoption d'une loi leur permettant de faire des emprunts pour des fins scolaires (M. Forest);
- de la ville de Kénogami et autres corporations du comté de Chicoutimi, demandant l'adoption d'une loi ratifiant un acte d'accord intervenu entre elles et Price Brothers & Co, Limited, et pour autres fins (M. Gaudrault);
- de l'Entrepôt frigorifique Saint-Maurice, limitée, (The Saint Maurice Cold Storage Limited) demandant l'adoption d'une loi modifiant le chapitre 142, du statut 12 George V, et pour autres fins (M. Mercier (Trois-Rivières);
- de la Coopérative centrale des agriculteurs de Québec, du Comptoir coopératif de Montréal et de Société coopérative agricole des producteurs de semence de Québec, demandant l'adoption d'une loi les fusionnant en une nouvelle société sous le nom de Société coopérative fédérée des agriculteurs de la province de Québec ou celui de Quebec Federated Co-operative (M. Ouellet (Dorchester);
- de Joseph Lamoureux et autres, demandant l'adoption d'une loi prolongeant leurs pouvoirs comme exécuteurs testamentaires de la succession de l'honorable J.-Octave Villeneuve (M. Poulin);
- de Jean-Baptiste Delâge, demandant l'adoption d'une loi autorisant le Collège des médecins et des chirurgiens de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres après examen (M. Poulin);
- de Jean Rodier, demandant l'adoption d'une loi ratifiant un acte de vente à lui consentie par la succession de feu Alfred Dalbec (M. Vautrin).
Lecture de pétitions:
Conformément à l'ordre du jour, les pétitions suivantes sont lues et reçues par la Chambre:
- de Myer Strudensky et autres demandant l'adoption d'une loi les constituant en corporation sous le nom de Congregation Beth Yitzchok (M. Bercovitch);
- de la cité de Québec demandant l'adoption d'une loi amendant la loi constituant en corporation la cité de Québec (M. Létourneau).
(Les bruits continuent dans les galeries.)2
Une voix dans les galeries: Laissez-moi passer!
M. l'Orateur: À l'ordre!
Une voix dans les galeries: J'ai ma carte!
M. l'Orateur: À l'ordre! À l'ordre! Le silence doit être observé, sinon je ferai évacuer toutes les galeries.
- de Marie-Eugénie Roy, en religion Saint-Josaphat, et autres, demandant l'adoption d'une loi les constituant en corporation sous le nom de l'orphelinat de Saint-Sauveur (M. Paquet, Saint-Sauveur).
Division territoriale de la province
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) demande la permission de présenter le bill 2 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à la division territoriale de la province.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
(On entend des bruits dans les galeries.)
M. l'Orateur: Je désire avertir le public que le plus grand silence doit être observé. Au moindre signe, je ferai évacuer les galeries. Les agents de la paix sont priés de faire observer cet ordre! Ceux qui sont dans les galeries doivent enlever leurs chapeaux.
Loi médicale
M. Poulin (Montréal-Laurier) demande la permission de présenter le bill 151 amendant les statuts refondus, 1909, concernant la loi médicale de Québec.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Une voix dans les galeries: Je suis ici avec la permission de mon député!
M. l'Orateur: À l'ordre! Au moindre bruit ou au moindre commentaire, il y aura sanction.
Affaire Blanche Garneau
M. l'Orateur informe la Chambre: 1. Que, conformément à la délibération qu'elle a prise à sa séance du 30 octobre 1922, il a adressé au sergent d'armes le mandat suivant, fait et signé en double:
Assemblée législative de Québec
À Monsieur Joseph-Olivier Delisle,
sergent d'armes de l'Assemblée législative
de la province de Québec
Vu que l'Assemblée législative de la province de Québec a, ce jour, voté la résolution et l'ordre suivant: Résolu que la partie d'article du journal The Axe du 27 octobre 1922 (savoir cette partie qui se trouve dans la première colonne de la page 8 dudit journal immédiatement avant le sous-titre Sinister Rumors et qui commence par les mots "The names of two members of the Provincial Legislature" et se termine par les mots "being members of the Legislature") qui vient d'être lue constitue une violation des privilèges de cette Chambre; et ordonné que l'Orateur lance un mandat ordonnant au sergent d'armes d'arrêter M. John H. Roberts, de Montréal, directeur du journal The Axe et président de The Axe Publishing Company Limited qui publie ledit journal et d'amener ledit John H. Roberts à la barre de l'Assemblée législative, le deux novembre mil neuf cent vingt-deux, à quatre heures de l'après-midi.
Nous vous mandons en conséquence d'arrêter M. John H. Roberts de Montréal, directeur du journal The Axe et président de The Axe Publishing Company Limited, qui publie ledit journal, et d'amener ledit John H. Roberts à la barre de l'Assemblée législative de la province de Québec, le deux novembre mil neuf cent vingt-deux, à quatre heures de l'après-midi.
Fait en double à Québec, ce 30 octobre 1922.
(Signé) J.-N. Francoeur,
Orateur
(Contresigné) L.-P. Geoffrion,
greffier
Il informe également la Chambre: 2. Que le sergent d'armes lui a remis, avec un des doubles dudit mandat, le rapport suivant:
Je soussigné, Joseph-Olivier Delisle, sergent d'armes de l'Assemblée législative de la province de Québec, certifie que le deux novembre courant, entre deux et trois heures de l'après-midi, au palais de justice en la cité de Québec, j'ai arrêté M. John H. Roberts, de Montréal, directeur du journal The Axe et président de The Axe Publishing Company Limited, et lui ai remis en même temps un double du mandat ci-joint.
Québec, ce 2 novembre 1922
(Signé) J.-O. Delisle
L'honorable M. Taschereau (Montmorency)3: M. l'Orateur, j'ai l'honneur de faire motion, secondé par l'honorable représentant des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron), pour que M. John H. Roberts soit maintenant amené à la barre de cette Chambre.
M. l'Orateur lit la motion du premier ministre. Cette motion sera-t-elle adoptée?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Avant que l'accusé, M. Roberts, soit admis à la barre de la Chambre, celle-ci me permettra, sans doute, de dire un mot des éléments qui ont précédé cette affaire et de donner certaines explications qui éclaireront la situation. Je crois qu'avec les explications que je vais avoir l'honneur de donner, la Chambre comprendra mieux la signification de l'événement qui va se dérouler dans quelques instants.
Au mois de juillet 1920, une jeune fille, mademoiselle Blanche Garneau, fut assassinée; huit jours après, son cadavre tout meurtri était retrouvé dans un parc. Immédiatement les autorités policières de la province et celles de la ville de Québec commençaient des recherches pour découvrir les auteurs de ce crime.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je demande pardon à l'honorable premier ministre, mais sur quoi le premier ministre parle-t-il? Sur quelle règle de la Chambre se base-t-il pour faire ce discours?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je parle sur la motion, sur ma motion. J'explique pourquoi j'ai présenté une motion ordonnant au rédacteur en chef du journal The Axe de comparaître devant la barre de l'Assemblée législative.
(On entend des bruits aux portes des galeries.)4
M. l'Orateur menace de nouveau de faire évacuer les galeries.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Avant de continuer, je demanderais au président de la Chambre que la séance soit suspendue pendant quelques minutes afin de rétablir l'ordre.
M. l'Orateur: Le sergent d'armes n'est-il pas capable de faire évacuer les chambres attenantes aux galeries? C'est de là que vient le bruit.
(Les bruits continuent. À l'extérieur, on frappe dans les portes à coups de cannes.)
M. l'Orateur ordonne au sergent d'armes de faire évacuer immédiatement tous les corridors et les salles voisines de l'Assemblée législative, afin de permettre aux orateurs de s'adresser à l'Assemblée.
(Quelques minutes plus tard.)
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Mademoiselle Blanche Garneau a donc été assassinée en juillet 1920. Je n'ai pas besoin de rappeler que beaucoup d'émoi et d'émotion ont été causés par ce meurtre. Une enquête du coroner n'a apporté aucun résultat, aucun éclaircissement sur cette affaire. Toutefois, les autorités ne voulurent pas la classer. Ils ordonnèrent que les recherches se continuent, plus nombreuses et plus actives.
En décembre 1920, le département du procureur général fut avisé par un M. Bédard, avocat de Sudbury, qu'en se mettant en communication avec lui, on pourrait peut-être obtenir quelques renseignements au sujet de ce meurtre. Un agent est allé chez M. Bédard; il en apprit qu'un nommé Dubé, en prison avec un nommé Binet, avait reçu de ce dernier certaines confidences. Binet était sorti de prison, mais il fut retracé quelques jours plus tard. Il déclara alors à la police que le meurtrier de Blanche Garneau était un nommé Cole alias Palmer et qu'il avait lui-même assisté au meurtre; et il donna tous les détails du crime.
Binet déclara aussi que Palmer était dans un pénitencier dans l'Ouest. Palmer fut retracé dans ce pénitencier, où il purgeait une sentence de six ans pour assaut sur un gardien. Binet répéta ses déclarations sous serment à Montréal. Conduit à Québec, il comparut devant le juge Lachance de la Cour des sessions. De nouveau, sous serment, il répéta ce qu'il avait dit aux policiers, soit qu'il était présent au meurtre, qu'il connaissait Palmer, qu'il avait passé plusieurs jours avec lui à Québec juste avant le meurtre, que celui-ci était l'auteur du meurtre.
Il amena les agents dans le parc, à l'endroit où le meurtre avait été commis. Il en donna tous les détails. Il donna même la description des vêtements de la victime. On lui montra des photographies et il nous indiqua l'endroit où Palmer, en sa présence, avait assassiné la jeune fille. Il amena aussi les policiers à d'autres endroits qu'il avait visités. Il jura plusieurs fois sous serment que ses déclarations étaient véridiques.
Une enquête préliminaire se tint. Binet a comparu comme témoin à l'audience préliminaire contre Palmer, et il répéta de nouveau tout ce qu'il avait dit à Montréal et devant le juge Lachance. Il donna les détails complets. Le résultat fut que Palmer fut condamné à subir son procès aux assises criminelles à la Cour du banc du roi. La cause vint devant les grands jurés; ceux-ci condamnèrent Palmer et Binet à subir leur procès devant les petits jurés. Le procès s'instruisit. Les accusés furent acquittés.
Pourquoi? Parce que Binet a rétracté tout ce qu'il avait dit et prétendit qu'il s'était parjuré. La raison à tout cela est facile à comprendre, car Binet avait été accusé du meurtre avec Palmer. La couronne perdait ainsi une forte preuve; mais il restait d'autres preuves, Binet et Palmer avait été vus à Québec à cette époque. Quelques jours avant le crime, les deux hommes étaient à Québec. Mais il restait un doute, à savoir s'ils se trouvaient là le jour même du meurtre.
Nous avons cité plusieurs témoins au procès, et par les témoignages rendus soit à l'enquête préliminaire, soit devant les grands jurés, la couronne a établi que, deux jours avant le meurtre, Binet et Palmer étaient à Québec.
Binet a été parfaitement identifié par un conducteur de tramway, M. Cinq-Mars, pendant que deux autres témoins ont très bien reconnu Palmer. Le conducteur Cinq-Mars a identifié Binet, il l'avait vu sur un tramway à cette époque, et le gardien du parc a reconnu Palmer. Toutefois, cela ne suffit pas pour convaincre les jurés qui, devant l'aveu de Binet à l'effet que ce dernier s'était parjuré en jurant que Palmer était l'assassin de Blanche Garneau, durent acquitter les deux accusés. On sait que quelques jours plus tard, convaincu de parjure, Binet fut condamné à six ans de pénitencier. Depuis l'acquittement de Binet et de Palmer, toutes sortes de rumeurs circulent par toute la province, voulant que les meurtriers réels de Blanche Garneau sont connus et qu'ils sont protégés.
On veut les cacher parce qu'il appartiennent à de bonnes familles. D'où sont parties ces rumeurs? Je crois qu'il n'est pas nécessaire d'en savoir bien long pour comprendre que ce furent des manoeuvres politiques. Peu d'hommes à Québec, mêlés à la politique, peuvent dire qu'ils n'ont pas souffert, eux ou leurs enfants, de ces atroces calomnies. Je déclare que toutes ces rumeurs ne constituent d'un bout à l'autre qu'une simple mais basse manoeuvre politique. Ces rumeurs étaient absolument et entièrement mal fondées. Tout ce qui a été possible de faire a été fait par le département du procureur général pour découvrir les coupables.
Lors de la campagne qui a précédé les dernières élections fédérales, on conseillait au peuple de voter contre Mackenzie King, parce que les meurtriers de Blanche Garneau étaient connus, et que la justice persistait à ne pas les dévoiler. On disait que voter pour Mackenzie King, c'était voter pour protéger les meurtriers de Blanche Garneau.
Dans les comtés de la ville de Québec même, on a répandu à cette époque les pires insinuations. Dans les comtés de Charlevoix et de Montmorency, on a répandu des circulaires dans lesquelles on disait que l'on avait caché les meurtriers pour protéger des politiciens. Ces circulaires contenaient les pires accusations contre ceux que l'imagination populaire pouvait désigner concernant toujours l'affaire Garneau.
À la suite des élections fédérales, on donna un banquet en l'honneur de M. Armand Lavergne, au Château Frontenac à Québec. Au cours de ce banquet, M. Lavergne déclara, durant son discours, être convaincu que le procureur général de la province, pour faire oublier l'affaire Garneau, avait envoyé chercher, dans les pénitenciers, deux repris de justice qu'il fit accuser d'un crime dont il les savait parfaitement innocents.
Cette prétention pouvait-elle être plus ridicule et pouvait-on réellement douter de la bonne foi du procureur général ou de ses officiers, après les déclarations réitérées de Binet lui-même qui jurait avoir assisté au meurtre de Blanche Garneau et avoir vu son compagnon Palmer assaillir la victime. Après de telles calomnies, je conserve encore assez de sentiment d'honneur pour moi-même et pour la famille, dont je suis le chef, j'ai trop conscience de ma position, de ma réputation, du nom que je porte pour passer sous silence cette accusation.
Un journal de Montréal, Le Devoir, a publié cette déclaration de M. Lavergne et j'ai intenté une action dans laquelle je déclarais que ce que je voulais, c'était de permettre aux accusateurs d'établir devant toute la province la véracité de leurs prétentions. Je m'attendais que l'on allait chercher à prouver quelque chose. J'ai reçu une lettre du Devoir et cette lettre contenait une rétractation.
On m'a offert $100 et une confession de jugement. Ainsi, l'action de $1,000 intentée contre ce journal occasionnait l'offre de celui-ci de rétracter immédiatement la nouvelle libelleuse, offrant même de publier la rétraction que le premier ministre lui-même aurait préparée et dictée. J'ai répondu au Devoir que je refusais catégoriquement cette offre. J'ai voulu que la cause passât devant les tribunaux, afin de faire voir que la population devait croire que nous avions fait, dans les circonstances, tout notre devoir. J'ai voulu faire connaître à la population tout ce que mon département avait fait à propos de ce meurtre, afin qu'elle comprenne que nous n'avons absolument rien à nous reprocher. J'ai voulu que la lumière se fasse sur cette affaire. Jugement a été rendu contre Le Devoir pour le plein montant de l'action et le juge a flétri la conduite des accusateurs.
Il cite quelques passages du jugement rendu par l'honorable juge Sir François Lemieux en Cour supérieure, ceux qui ont trait au meurtre de Blanche Garneau et aux mesures prises par le procureur général pour découvrir les meurtriers de cette jeune fille. Le Devoir est allé en appel, poursuit-il, et le jugement du juge Lemieux a été confirmé.
Il donne aussi lecture de quelques extraits de ce jugement, rendu en appel par le juge Adjutor Rivard, exonérant le procureur général et ses officiers de toute responsabilité dans cette affaire, et reconnaissant au contraire que ces derniers ont fait tout ce qui était humainement possible de faire pour retracer les meurtriers de Blanche Garneau.
Le jugement fut donc ainsi rendu et le Devoir fut condamné au plein montant de l'action. Nous avons donné à M. Lavergne toutes les chances possibles pour prouver ce qu'il avait dit. J'ai affirmé que c'était là une manoeuvre politique. Je le répète. On a fait distribuer des lettres, des circulaires dans le comté de Québec et, dans ces circulaires, on y affirmait des choses infâmes. Je me devais de poursuivre; c'est ce que j'ai fait. Des procédures sont pendantes à ce sujet. Mais, encore une fois, l'on n'a pas essayé de faire la moindre preuve.
Dans le comté de Labelle, au cours de la récente élection partielle tenue dans ce comté, un candidat, un avocat s'est permis d'infâmes insinuations. Sous l'oeil paternel de ... (il hésite quelques secondes) ... de gens qui devraient mieux savoir, les calomnies furent encore répandues. Il n'y a pas d'infamie qu'on n'a pas faite, il n'y a pas d'insinuations qu'on n'a pas lancées. On est allé jusqu'à dire: Je ne peux pas parler. Je le tiens de M. Taschereau sous le sceau du secret, et si M. Taschereau voulait me laisser parler, je le dirais. Et on a continué à faire circuler les mêmes rumeurs. On a dit des choses infâmes. L'on a été jusqu'à dire que l'on avait trouvé dans les bureaux du procureur général les boutons de manchettes du meurtrier avec un nom dessus.
Et un orateur affirma: On le sait bien au département du procureur général qui a assassiné Blanche Garneau. On a les boutons de manchettes du coupable, mais on ne fait rien. Ces infamies ont été débitées, je le répète, sous l'oeil paternel de gens qui devraient savoir mieux. Ces dires ont été appuyés par d'autres personnes dont je ne peux dévoiler les noms, étant lié par le secret professionnel.
M. l'Orateur, je déclare solennellement que je puis me rendre le témoignage devant les membres de cette Chambre, devant Celui qui me jugera, un jour et devant la province, et celle-ci me rendra ce témoignage, que nous avons fait tout notre devoir, nous avons fait tout ce qui était humainement possible pour découvrir les meurtriers, et que nous n'avons rien fait pour essayer de soustraire à la justice une personne ou des personnes quelconques. Rien n'a été omis, aucune piste n'a été négligée et aucune personne n'a été épargnée pour découvrir les meurtriers de Blanche Garneau.
Je n'aurais pas hésité un seul instant de prendre tous les moyens nécessaires pour faire fonctionner le glaive de la justice, même si ce glaive eût dû tomber sur la tête de ceux qui me sont les plus chers et me touchent de plus près. Nous n'aurions rien épargné. Cependant, j'espère que plus tard, justice complète me sera rendue, ainsi qu'à ceux que l'on accuse injustement, et tout simplement dans un but de conduire et mener à bonne fin une infâme manoeuvre politique.
Quand en Chambre, j'ai déclaré que nous tenions les meurtriers, je crois que nous avions assez de preuves pour dire cela et que n'importe qui aurait fait la même chose à ma place. J'étais sincère, je le croyais et je le crois encore. Binet a déclaré à trois reprises qu'il était là lorsque le meurtre avait été commis; il en a donné tous les détails.
Allez-vous prétendre que nous avions quelque autre intérêt de ramener ce Palmer de ce pénitencier de l'Ouest? Nous avons découvert qu'il était à Québec au moment du meurtre. Cela était certain. Nous avions toutes les raisons de croire la version de Binet qui avait décrit en détail le costume de la victime. Nous étions sûrs de détenir les coupables.
Quand j'ai déclaré en Chambre que nous tenions les meurtriers, n'importe qui aurait pu faire comme moi. Alors, nous avions les déclarations assermentées de Binet. N'importe qui à ma place aurait fait la même déclaration. Pouvions-nous hésiter un seul instant? Nous n'avons pas hésité, car nous avions toutes les raisons de croire que nous tenions les coupables. Les accusés ont été acquittés, laissons-les bénéficier du doute. Après donc toute cette série d'insinuations méchantes, Roberts est entré dans la manoeuvre, et il a donné publicité à ces rumeurs.
L'homme que nous allons voir devant nous a répété ces insinuations dans son journal. M. Roberts dit que les coupables sont des députés de cette Chambre. Il a écrit: "The names of two members of the Provincial Legislature are coupled with this sinister crime and one may hear their names openly mentioned and their alleged guilt publicly discussed in the City of Quebec and it is freely and frankly said that the cause of the inaction on the part of the authorities in clearing up the mystery and bringing the guilty to justice is because of the fact of these two persons being members of the Legislature5. Est-il une accusation plus outrageante et plus odieuse qu'il importe à tous les membres de la Chambre d'éclaircir?
Chacun peut en prendre sa part et proclamer bien haut, pour ne pas être soupçonné: ce n'est pas moi. Depuis que j'ai lu cet article, j'ai référé à bien des précédents où l'on avait violé les privilèges de cette Chambre et je n'ai rien vu de plus atroce et de plus infâme. Chaque député de la Chambre peut être actuellement visé. On peut peut-être s'étonner que ce qui arrive aujourd'hui ne soit pas arrivé plus tôt. Car le journal en question fait une sale besogne. Il n'y a pas seulement M. Roberts cependant qui poursuit cette sale besogne.
M. Roberts n'est pas le seul qui écrit dans The Axe. Il y a M. E., M. K., M. M., qui collaborent avec M. Roberts. Je n'ai pas besoin de les nommer, car il s'en trouve certainement dans cette salle qui collaborent à son journal, si on peut le qualifier ainsi. Ils se reconnaîtront peut-être ici. Roberts comparaitra devant nous sous peu. Je ne sais pas ce qu'il va dire. Si M. Roberts fait un acte de contrition, je ne croirai pas qu'il soit sincère, car son journal a paru à Montréal aujourd'hui et il est aussi sale que la semaine dernière.
On nous dira: Mais les jurés ont acquitté Binet et Palmer. Qu'est-ce que cela veut dire? L'affaire Garneau, après les fausses déclarations de Binet au sujet de son complice Palmer, a pu être difficilement éclaircie, mais tout récemment, quatre Roumains furent arrêtés et trouvés coupables de meurtre. Trois furent pendus, mais le quatrième obtint un sursis, car ses avocats insistèrent pour discuter de nouveaux points de droit qui furent portés jusqu'en Cour d'appel. Celle-ci confirma le verdict des jurés, mais son jugement fut plus tard renversé par la Cour suprême qui a cassé cette condamnation sur une question légale, et un nouveau procès a été fait à l'accusé. Il fut acquitté.
La justice se voyait en face de plusieurs verdicts, tous rendus de bonne foi. Cependant, le meurtre avait été commis, des preuves accablantes laissaient croire à la culpabilité presque évidente de l'accusé qui jouit toutefois maintenant de sa liberté. Quel fut le bon verdict parmi ceux qui furent rendus dans cette affaire?
J'ai demandé à l'Assemblée législative de faire comparaître M. Roberts à la barre de la Chambre, parce que j'estimais que chacun des membres de l'Assemblée, incluant moi-même, était visé par les soupçons du rédacteur en chef du journal The Axe. Tous nous sommes atteints, vous-même M. l'Orateur!
C'est dans le but de nous disculper tous que j'ai présenté cette motion qui fut adoptée à l'unanimité par l'Assemblée. Ce n'est pas seulement l'honneur de cette Assemblée qui fut attaqué par M. Roberts, c'est aussi l'honneur et la réputation de chacun des ses membres, la réputation et l'honneur de leurs familles et l'honneur et la réputation de toute la province.
M. l'Orateur, je demande à la province si le poison de la calomnie n'a pas pénétré trop loin. Je réclame du public le témoignage que la justice a tout fait pour retrouver les assassins de Blanche Garneau et que, si les accusés ont été acquittés, cela ne veut pas dire que nous ayons caché qui que ce soit.
En terminant, je demande aux membres de l'Assemblée législative d'agir comme des juges, de juger l'accusé avec sang-froid. Car ils ont entre leurs mains l'honneur de la Chambre, celui des députés qui la composent et l'honneur de toute la province qu'il est de leur devoir de revendiquer. Je vous prie, Monsieur, de mettre ma motion aux voix.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): L'honorable premier ministre et procureur général a demandé aux députés de considérer la question qui nous occupe en ce moment avec sang-froid. C'est avec ce calme et le sang-froid que recommande le premier ministre que je me lève et que j'entends, pour ma part, la considérer. J'entends juger la question à son mérite. J'entends juger l'accusé sur son article, ses explications et ses déclarations. Je veux donner à l'accusé ce qu'il mérite. Mais il faut juger ce dernier sur l'accusation pour laquelle on l'a arrêté, et non sur les faits en dehors de la question.
L'honorable premier ministre et procureur général me permettra de trouver un peu étrange la violence de son réquisitoire contre l'accusé et des adversaires politiques qui ne sont pas en cause, avant même la comparution de l'accusé à la barre de cette Chambre. Si je me lève, c'est pour dire que je n'ai pas de parti pris. Je n'ai pas mission de défendre l'accusé. J'ai voté avec le premier ministre pour citer l'accusé à la barre de la Chambre et pour savoir si l'éditeur de l'Axe pouvait prouver ou justifier ce qu'il disait sur deux députés en rapport à l'affaire Blanche Garneau. Je suis député et je puis être visé par cet article et être accusé moi-même par l'opinion publique. Je suis traité dans l'article de l'accusé comme tous les autres députés de cette Chambre. Je ne l'approuve pas. C'est dire que je n'ai aucune faveur à accorder à l'accusé, mais je lui dois quand même justice. Je veux que la Chambre revendique son honneur par des moyens honorables, selon les règles de la Chambre et les règles constitutionnelles.
Je vous le dis franchement, M. l'Orateur, le premier ministre aurait mieux fait d'amener le prisonnier devant la barre de la Chambre avant de prononcer le réquisitoire qu'il vient de nous faire contre lui. Son attitude aurait été, sans doute, plus appréciée par toute la province. Ce n'est pas le temps de faire ici des discours de campagne électorale pour soulever les passions, il faut juger l'accusé avec justice, et c'est ce que je ferai. Il faut considérer dans quelle position nous sommes, c'est-à-dire, accusés et juges à la fois. En effet, nous sommes présentement, nous députés de cette Chambre, les accusés et les juges de Roberts. C'est une position excessivement délicate devant l'opinion publique. Elle a les yeux sur nous. Si avant d'avoir entendu l'accusé, nous montrons une furieuse détermination à le condamner, si nous proclamons qu'il est un misérable, pourquoi lui faire subir une enquête? Le procédé me paraît étrange.
Je ne suis pas avocat. Qu'il se présente ici, et s'il ne peut pas justifier la publication de cet article, nous rendrons alors le jugement qu'il mérite. Nous le condamnerons selon nos pouvoirs et notre devoir; n'allons pas au-delà, et il convient d'examiner froidement notre position et la portée de l'article. Il me semble que des juges ne devraient pas être influencés, avant même d'avoir entendu une cause. Est-ce que l'opinion publique sera satisfaite de notre conduite? Je préfère entendre l'accusé d'abord. Je ne crois pas que l'on puisse juger l'accusé avant de l'entendre, ici même.
Si je parle ainsi, c'est que je ne veux pas que l'on dise en dehors de la Chambre, que l'on a soulevé les préjugés contre l'accusé et ses défenseurs, que nous l'avons bâillonné. Prenons garde que l'opinion publique nous juge mal et trouve que nous sommes trop empressés à étouffer l'accusé avant qu'il ne parle. Je veux que le public - car nous dépendons du public - puisse dire que nous avons rendu justice à l'accusé avec sang-froid et dignité. Ce n'est pas avec des préjugés ou des appels aux préjugés ou aux passions politiques que nous devons chercher à nous défendre. Le premier ministre a cru devoir attaquer des adversaires politiques dans une circonstance aussi particulière. Je crois qu'il a eu tort.
Quant aux campagnes électorales, et ce qui a pu se dire au cours de ces campagnes, et quant aux insinuations politiques de l'honorable premier ministre, je les repousse pour le moment, vu qu'il ne convient pas d'en parler davantage en pareilles circonstances; mais je reviendrai sur l'élection de Labelle. Je saisirai, moi, une occasion plus convenable pour parler de cette élection, et je n'aurai pas peur d'en parler et de rencontrer le premier ministre.
Ce n'est pas la première fois qu'une affaire semblable passionne l'opinion publique. Il est arrivé des circonstances où l'on s'est servi de l'administration de la justice pour faire de l'agitation politique. Un parti politique a eu beaucoup à souffrir, il y a plusieurs années, dans l'affaire Shortis, par exemple, en 18966. Qu'on se le rappelle bien. Mais ce n'est pas le temps de rappeler ces faits. Nous sommes les juges d'un homme que nous avons accusé nous-mêmes. Sachons le juger convenablement, suivant la justice et la dignité de notre rôle.
Nous avons sommé Roberts de comparaître. Qu'il comparaisse. Nous allons l'entendre. S'il n'est pas capable - et je crois qu'il ne l'est pas - de prouver les accusations qu'il a portées, nous le jugerons.
M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis): M. l'Orateur, avant de faire les observations que je crois devoir faire, je veux éclaircir ma situation. Je suis un des avocats dans différents procès criminels pour libelle qui ont été intentés contre M. Roberts, à Montréal, et bien que je pourrais donner d'intéressants détails sur les méthodes de M. Roberts, pour la publication de son journal The Axe et rendre compte de sa façon de procéder, je crois que ce n'est ni le temps ni le lieu pour mettre mes collègues au courant de ces procédés qui toutefois ne manquent pas d'intérêt.
Ces causes sont sub judice et j'espère que les tribunaux de Montréal, qui entendent actuellement ces causes, rendront à mes clients la justice à laquelle ils ont droit et qu'ils méritent. J'ai assez confiance dans les tribunaux de la province pour savoir que, lorsque cette affaire sera jugée dans un très proche avenir dans le district de Montréal, ils y rendront justice à mon client. Mais je veux dire, cependant, ceci: J'ai remarqué que, depuis quelques mois, nous avons - et surtout depuis que l'Axe a fait sa première apparition - une sorte de journalisme qui a pris son origine aux États-Unis et qui a été, malheureusement, introduite dans Montréal.
The Axe a commencé une campagne d'un genre auquel nous étions peu habitués. Ce journal est avide de nouvelles à sensation, de scandales et n'épargne la réputation de personne. C'est une forme de journalisme à sensation, qui consiste à jeter de la boue sur les familles les plus respectables et qui puise ses ressources dans le chantage et le scandale. Les personnes qui dirigent ce journal n'ont pas de soucis pour la réputation de qui que ce soit. La réputation d'un homme n'est jamais en sûreté avec ces individus. Le fait est que plus un homme a bonne réputation, plus il est considéré comme une bonne cible par eux. J'irai même jusqu'à dire qu'ils recherchent davantage les meilleures réputations.
M. Paquet (Saint-Sauveur): Écoutez! Écoutez!
M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis): Nous savons tous quel précieux héritage constitue pour un père la réputation qu'il laisse à ses enfants. Un homme travaille pour laisser à ses enfants ce qu'il a de plus cher au monde, sa réputation. Ces hommes ne s'arrêtent pas devant la réputation.
Si M. Roberts était à la barre de la Chambre, je lui rappellerais le mot de Shakespeare quand il disait: "Good name in man and woman, dear, my lord, is the immediate jewel of their souls: Who steals my purse, steals trash; ‘tis something, nothing; ‘t was mine, ‘tis his, and has been slave to thousands, but he that filches from me my good name robs me of that which not enriches him and makes me poor indeed7." (Applaudissements)
M. l'Orateur, quand un journaliste accuse un homme d'être un voleur, un brigand ou un assassin et qu'il sait que c'est faux, ou sans avoir la preuve de ce qu'il affirme, je crois qu'il ne mérite plus l'estime de ses collègues, qu'il doit être considéré comme une disgrâce pour sa profession et une menace pour la communauté au milieu de laquelle il vit. Mais cette attaque portée contre la Législature, que signifie-t-elle vraiment? M. l'Orateur, dans le cas de M. Roberts et de l'accusation portée par The Axe contre la Législature, cela signifie que chacun de nous, M. l'Orateur, sommes soupçonnés d'être les auteurs de ce crime infâme, tous.
Vous M. le premier ministre et vous, M. le chef de l'opposition, et vous, vous, vous, (en montrant du doigt quelques-uns de ses collègues), nous tous, députés, nous sommes accusés d'être un des auteurs du meurtre de Blanche Garneau, ou d'avoir participé au meurtre le plus horrible qui ait encore été commis. Nous sommes tous en butte aux soupçons. M. Roberts avait-il un mot de preuve pour porter de telles accusations, pour laisser planer de tels soupçons? Non.
Lorsqu'il écrivait cet article, il mentait, et il le savait. Et s'il ne le savait pas, il aurait dû le savoir. Je n'ajouterai qu'un seul mot. Peut-être M. Roberts nous offrira-t-il des excuses tout à l'heure. Je crois que si nous les acceptons, elles ne devraient servir qu'à atténuer un tant soit peu le châtiment que cette Chambre aura jugé bon de lui imposer. Car si nous n'imposons pas de châtiment, qu'il mérite s'il est trouvé coupable, le peuple de cette province et des autres provinces croiront que la Législature a peur de M. Roberts. Une rétractation de la part de M. Roberts dans son journal serait loin de suffire pour réparer le mal fait à la réputation de la Chambre.
Il serait temps d'infliger à l'éditeur de l'Axe la punition qu'il mérite. Je n'ai pas peur de M. Roberts. Je ne crains pas les accusations de M. Roberts et crains encore moins tout ce que ce dernier pourra dire sur mon compte. Et je crois que pas un seul membre de cette Chambre ne craint ce que M. Roberts peut dire de lui dans son journal. J'ajoute que M. Roberts devrait recevoir une punition, afin de donner une leçon à ceux qui seraient tentés de publier de semblables articles. Mais avant tout, je crois que nous devons donner justice à l'accusé. Moi pour un, je veux lui donner justice, mais je dis que justice doit aussi nous être rendue, justice aussi à la dignité et à l'honneur de cette Chambre, qui doivent être revendiqués.
La proposition est adoptée.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, appuyé par représentant des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron), que MM. Alexandre Bélinge et Walter John Breen, sténographes officiels au palais de justice, soient autorisés à venir, en deçà de la barre de la Chambre, pour recueillir au moyen de la sténographie et à transcrire les questions qui seront posées à M. John H. Roberts, ainsi que tout ce que celui-ci pourra dire à la barre de la Chambre.
Adopté.
Le greffier fait prêter serment à MM. Alexandre Bélinge et Walter John Breen, sténographes officiels du palais de justice pour recueillir par le moyen de la sténographie et de transcrire les questions qui seront posées à M. John H. Roberts, ainsi que tout ce que celui-ci pourra dire à la barre de la Chambre.
M. le sergent d'armes quitte la Chambre et reparaît quelques secondes plus tard au côté de M. Roberts et escorté de deux officiers de la police provinciale. Aidé par un huissier, le sergent d'armes fixe la barre et l'accusé s'y appuie8.
M. le sergent d'armes (M. Delisle) s'avance sur le parquet de la Chambre.
M. l'Orateur, j'ai l'honneur de vous informer que M. John H. Roberts, de Montréal, directeur du journal The Axe et président de The Axe Publishing Company Limited qui publie ledit journal, est, en ce moment, à la barre de la Chambre.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): M. l'Orateur, j'ai l'honneur de proposer, secondé par l'honorable représentant des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron), que la question suivante soit posée à M. Roberts: Êtes-vous John H. Roberts, éditeur de l'Axe et président de la Axe Publishing Company Limited?
M. l'Orateur donne lecture de la motion en français et en anglais et la soumet à la Chambre9.
Adopté.
M. l'Orateur: Êtes-vous M. John H. Roberts, éditeur de The Axe et président de The Axe Publishing Company Limited?
M. Roberts: M. l'Orateur, je demande le privilège d'être représenté par un conseil.
M. l'Orateur: Est-ce le désir de la Chambre que l'accusé soit représenté par ses avocats?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): L'accusé ne peut être représenté par son avocat, mais nous pouvons lui permettre d'être assisté par ses avocats.
M. l'Orateur: Vous avez la permission d'être assisté d'un conseil.
(MM. Armand Lavergne et Antoine Rivard entrent et prennent place à côté de M. Roberts. Ils discutent pendant une minute.)
M. l'Orateur: Voulez-vous répondre à la question qui vient de vous être posée?
M. Roberts: Ne pourrait-on pas me lire de nouveau la question, monsieur l'Orateur?
M. l'Orateur: Êtes-vous l'éditeur de The Axe et président de The Axe Publishing Company Limited?
M. Roberts: Je le suis.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, appuyé par le représentant de L'Islet (l'honorable M. Caron), que la question suivante soit posée à M. J. H. Roberts: Qu'avez-vous à dire pour justifier l'article mentionné dans le mandat qui vous ordonne de comparaître à la barre de la Chambre?
M. l'Orateur soumet la question à la Chambre.
Adopté.
M. l'Orateur pose la question à M. J. H. Roberts.
M. Roberts: Monsieur l'Orateur, je demande qu'il soit permis à mon avocat de répondre pour moi.
M. l'Orateur: Non, Monsieur, vous avez la permission d'être assisté par votre conseil, mais votre conseil ne peut pas parler pour vous.
M. Roberts: (consulte ses avocats pendant quelques minutes) Monsieur l'Orateur, l'article que j'ai écrit dans le journal The Axe, dont je suis l'éditeur, a été écrit par moi-même sans intention quelconque d'attaquer ou d'outrager l'honneur et la dignité de cette Chambre; en vérité, il a été écrit dans un but tout à fait contraire, celui de soutenir, protéger et sauvegarder la dignité et l'honneur de cette Chambre. Je suis un électeur de la province de Québec, je suis un journaliste servant l'intérêt public et j'ai cru qu'il était de mon devoir et conforme à mon respect pour cette Chambre, pour le roi et pour le Dieu que j'ai toujours servi, de dire ce que j'ai dit lorsque j'ai écrit mon article. Si c'est un crime, le crime doit être intentionné, et il n'y a eu aucune intention de porter atteinte à l'honneur et à la dignité de cette Chambre. Je prétends, monsieur l'Orateur, que si mon article avait eu pour résultat de dévoiler les meurtriers de Blanche Garneau, de soustraire les noms et les réputations de certaines personnes aux soupçons, aux doutes, aux insinuations et accusations qui ont circulé pendant plusieurs mois, j'aurais alors rendu un grand et un précieux service à cette honorable Assemblée.
Et si, au contraire, quelque chose que j'aurais pu écrire, eût eu pour effet d'impliquer les membres de cette Chambre, je n'ai nommé aucun d'eux, c'eût été rendre un service à cette assemblée que de divulguer ceux d'entres eux qui n'auraient plus été dignes d'être comptés au nombre de leurs collègues. En conséquence, monsieur l'Orateur, je prétends n'avoir pas besoin de justifier mon article. Il a été écrit de bonne foi. Je suis partisan de la loi et du bon ordre. Je suis un sujet dévoué du souverain et de la couronne. Je crois en l'honneur et en la dignité de cette assemblée, et loin de vouloir la condamner et l'outrager, je verserais volontiers, s'il le fallait, mon sang pour la défendre.
Des députés rient.
M. l'Orateur: À l'ordre!
M. Roberts: Monsieur l'Orateur, je suis aussi journaliste et je crois en la liberté de la presse. Et je combats pour la protection de cette liberté de la presse.
Je ne suis pas John H. Roberts, ici aujourd'hui, je ne suis pas simplement éditeur de The Axe, je représente la presse libre au Canada, parlant pour sa défense. Et ce que j'ai dit, monsieur l'Orateur, je prétends avoir droit de le dire. Si vous nous niez le droit de critique, si vous prétendez que nous devons garder le silence, lorsque de graves questions publiques sont en jeu, alors, si vous nous réduisez à la condition des Russes au temps des tsars, il pourrait arriver ici ce qui est arrivé de nos jours au tsarisme en Russie.
(Il consulte ses avocats.)
Je n'ai pas d'autre chose à dire, monsieur l'Orateur. Je prétends qu'il n'y a eu aucune violation, aucun attentat aux privilèges de cette Chambre. Bourinot dit ... à la page 151, article 16 ...
M. l'Orateur: À l'ordre! Je ne crois pas que vous ayez le droit de citer des autorités ou qu'il vous soit permis de citer des précédents pour justifier votre article. Vous soulevez une question d'ordre et c'est une question du ressort de la Chambre elle-même.
M. Roberts: Votre Seigneurie, pardon, M. l'Orateur, je dis que pour qu'un attentat aux privilèges de la Chambre soit commis, il faut ...
M. l'Orateur: Vous n'êtes pas un membre de la Chambre. La Chambre seule a le droit de décider ces questions.
M. Roberts: Mon Dieu! Monsieur l'Orateur, je désire simplement dire que, pour qu'il y ait violation de privilège, il doit y avoir un libelle.
Je ne veux pas démontrer, monsieur l'Orateur, que je n'ai pas attaqué les privilèges de cette Chambre et que ...
M. l'Orateur: Vous n'êtes pas un membre de cette Chambre. Vous êtes ici comme accusé. Et je veux que vous ne déclariez que ce que vous avez à dire pour justifier votre article.
M. Roberts: Je comprends, monsieur l'Orateur, que je suis devant un tribunal ou une cour qui a le pouvoir de me punir et, en conséquence, je prétends respectueusement, qu'ayant été appelé à justifier mon article, je devrais avoir la permission de démontrer qu'à mon avis, il n'y a aucune violation de privilège. Je puis citer des autorités à cet effet. Si j'avais attaqué un membre de cette Chambre en sa qualité de membre, il y aurait eu alors violation de privilège; mais quelle que soit l'attaque qu'il y ait eue, si attaque il y a, ce que je n'admets pas, c'est une attaque contre des députés privément et non comme députés. En conséquence, je soumets qu'il est de la compétence des cours de justice ordinaires de décider de toute injure qui pourrait avoir été faite à quelque député de cette Chambre en leur qualité privée. De plus, monsieur l'Orateur, j'ai été, aujourd'hui, traduit et mis en accusation devant une cour de justice pour une offense résultant de la publication du même article, et si le tribunal a pouvoir dans un cas, je soumets qu'il doit avoir plein et entier pouvoir dans l'autre, et qu'on aurait dû recourir aux cours de justice et non me soumettre à l'humiliation d'être traduit à la barre de cette Chambre.
(Il consulte ses avocats.)
Monsieur l'Orateur, il y a aussi un principe de droit en jeu dans cette question. Assurément, aucun homme ne peut être accusé deux fois et subir deux procès en deux occasions différentes, devant différents tribunaux, pour une seule et même offense. Je prétends que l'offense qui découle de la publication du présent article est la même offense que celle pour laquelle j'ai comparu devant une cour de justice, aujourd'hui, et pour laquelle je puis plus tard être appelé à subir mon procès.
Monsieur l'Orateur, le gouvernement a déjà choisi le tribunal qui doit faire mon procès, et ayant été traduit devant ce tribunal, comme je l'ai dit, je soumets que le fair-play britannique justifierait cette Chambre de retirer cette motion pour le moment, jusqu'à ce que les cours de justice en aient fini avec moi, et que je ne recevrai pas justice, si je suis condamné ici, pendant qu'on me fait mon procès dans une autre cour. Et de plus, M. l'Orateur, si cette motion est maintenue par cette honorable Chambre, vous allez me forcer à révéler mes moyens de défense, avant que ma cause soit entendue en temps et lieu par le jury qui sera choisi à cet effet à une date postérieure. Et sûrement, je dois être traité avec la plus élémentaire justice. Si vous décidez réellement que je dois révéler mes moyens de défense, j'en souffrirai un tort grave. Et je sais qu'aucun membre de cette honorable Chambre ne désire, dans son coeur, me causer d'injustice. J'ai fini, monsieur l'Orateur.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, appuyé par le représentant des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron), que la question suivante soit posée à M. J. H. Roberts: Désirez-vous mentionner quelques noms en rapport avec cet article?
M. l'Orateur soumet la question à la Chambre.
Adopté.
M. l'Orateur pose la question à M. J. H. Roberts.
M. Roberts: Monsieur l'Orateur, je ne désire pas mentionner les noms.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, appuyé par le représentant des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron), que la question suivante soit posée à M. J. H. Roberts: Êtes-vous en état de prouver que deux députés de cette Chambre ont participé au meurtre de Blanche Garneau?
M. l'Orateur soumet la question à la Chambre.
Adopté.
M. l'Orateur pose la question à M. J. H. Roberts.
M. Roberts: Je ne puis prouver que ce que j'ai dit dans mon article et je n'ai pas dit que des députés de cette Chambre avaient assassiné Blanche Garneau, ni participé à ce meurtre.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'insiste pour qu'il réponde oui ou non.
M. l'Orateur: La Chambre désire que vous répondiez catégoriquement à la question qui vous est posée: non ou oui?
M. Roberts: Je ne suis pas le procureur général.
M. l'Orateur: Vous devez répondre aux questions qui vous sont posées, M. Roberts.
M. Roberts: Monsieur l'Orateur, j'ai répondu à la question du mieux que je le pouvais, et je ne puis donner d'autre réponse.
Je soumets que la question est illégale, que j'ai des droits comme témoin et que je ne peux être examiné que sur les faits qui découlent de l'article dont il s'agit. Ce fait ne découle pas de cela. La question est hors d'ordre.
Des députés rient.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, appuyé par le représentant des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron), que la question suivante soit posée à M. J. H. Roberts: Donnez les noms des deux députés auxquels vous référez dans votre article.
Des députés applaudissent.
M. l'Orateur soumet la question à la Chambre.
Adopté.
M. l'Orateur pose la question à M. J. H. Roberts.
M. Roberts: Monsieur l'Orateur, je serais prêt à divulguer toutes choses se rapportant à mon article et à donner des informations que je possède devant un comité de cette Chambre. Pour le moment, sur l'avis de mes avocats, je refuse de répondre maintenant à la question.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'insiste pour qu'il réponde devant la Chambre. J'insiste sur cela, afin que la Chambre soit mieux informée avant de former un comité.
M. l'Orateur: La Chambre insiste pour que vous répondiez à la question qui vient de vous être posée.
M. Roberts: Monsieur l'Orateur, je soumets respectueusement que je ne puis donner à la question aucune autre réponse que celle que j'ai déjà donnée.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, appuyé par le représentant des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron), que la question suivante soit posée à M. J. H. Roberts: Pourquoi refusez-vous de donner les noms des deux députés?
M. l'Orateur soumet la question à la Chambre.
Adopté.
M. l'Orateur pose la question à M. J. H. Roberts.
M. Roberts: Tout d'abord, j'ai, dans mon article, déclaré que des rumeurs circulaient et que des déclarations étaient faites affectant deux députés de cette Chambre. Mon article ne leur cause donc aucun tort, mais les nommer ainsi publiquement serait commettre une injustice grave à leur égard.
Des députés rient.
M. Roberts: En second lieu, je suis à subir un procès devant une cour de justice et, de l'avis de mes avocats, dans ces circonstances, je crois que ce serait compromettre ma défense devant ces cours que de révéler les noms des députés, pour le moment. Mais, si je suis traduit devant un comité de cette Chambre, alors je consentirai à révéler tout ce qui se rapporte à mon article.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, appuyé par le représentant des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron), que cette Chambre ordonne au témoin de déclarer séance tenante les noms des deux députés qui ont participé au meurtre de Blanche Garneau?
Des députés applaudissent.
Adopté à l'unanimité.
M. l'Orateur informe M. J. H. Roberts de cet ordre ainsi qu'il suit:
Il vous est ordonné par cette Chambre de donner maintenant les noms des deux députés qui ont participé au meurtre de Blanche Garneau.
M. Roberts: Monsieur l'Orateur, sur l'avis de mon avocat, je dois respectueusement refuser de répondre, pour le moment.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) doute que la Chambre soit présentement en état de rendre un jugement. Personnellement, il s'en sent incapable et préfère attendre.
J'ai l'honneur de proposer, appuyé par le représentant des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron): 1. Que lorsque M. John H. Roberts se retirera de cette Chambre, il reste sous la garde du sergent d'armes jusqu'à ce que de nouvelles instructions soient données à ce dernier par cette Chambre; 2. Que le sergent d'armes soit autorisé à conduire sous sa garde ledit John H. Roberts devant tout tribunal, ou magistrat qui requerront sa présence pourvu qu'après sa comparution devant telle cour ou devant tel magistrat, il continue à être sous la garde du sergent d'armes, sujet aux instructions de cette Chambre, comme dit ci-dessus.
Adopté.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Nous allons ajourner cette affaire Roberts à mardi.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Très bien.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, appuyé par le représentant des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron), que l'affaire J. H. Roberts soit ajournée à mardi le 7 novembre courant et que M. John H. Roberts se retire.
Adopté à l'unanimité.
La séance se poursuit10.
Questions et réponses:
J.-H. Boisvert
M. Sauvé (Deux-Montagnes): 1. M. J.-H. Boisvert est-il comptable au département des terres de la couronne?
2. Est-il le même M. Boisvert qui fut ou qui est comptable de la Provincial Securities de Québec?
L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): 1. Oui. 2. Le gouvernement ignore le nom du comptable de la Provincial Securities de Québec.
Échange de lots
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Le gouvernement a-t-il échangé des lots avec quelques citoyens depuis janvier 1922?
2. Dans l'affirmative, quels sont les noms et les résidences de ces citoyens?
L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): 1. Non. 2. Réponse par 1.
Impressions payées par le gouvernement
M. Smart (Westmount): 1. Quel montant total a été payé par le gouvernement au cours de la dernière année fiscale: a. pour annonces; b. pour impressions et reliures?
2. Quels sont les noms des journaux, compagnies d'impression ou de reliure auxquels ces paiements ont été faits, et quel montant a été payé à chacune de ces compagnies?
L'honorable M. David (Terrebonne): Le tout apparaît aux comptes publics.
Licence de pêche à P.-J. Lapointe
M. Renaud (Laval): 1. Le gouvernement a-t-il en 1922 accordé une licence de pêche dans le lac Saint-François à M. P.-J. Lapointe?
2. Dans l'affirmative, pour combien de temps?
3. Est-il vrai que le gouvernement a ensuite annulé cette licence?
4. Dans l'affirmative, pour quelle raison?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): 1. Non.
Passif des municipalités
M. Renaud (Laval): 1. Quel était le passif total des municipalités dans la province de Québec: a. en 1915? b. en 1919? c. en 1921?
2. Quel était le passif des municipalités rurales pour les mêmes années?
3. Quel était le passif total des municipalités, corporations ou commissions scolaires pour les mêmes années?
L'honorable M. David (Terrebonne): (Voir la liste ci-dessous)
Municipalités |
| 1915 | 1919 | 1921 |
1. Passif des municipalités au total: | $182,835,879 | $207,488,833 | $231,232,276 |
2. Passif des municipalités rurales: | 6,266,818 | 8,111,306 | 10,448.748 |
Corporations scolaires |
3. Passif au total: | $24,700,626 | $34,467,669 | $42,638,543 |
Valeur des mines
M. Dufresne (Joliette): 1. Quelle a été la valeur du produit de nos mines en 1920?
2. Même question pour 1922?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): 1. La valeur du produit de nos mines et carrières en 1920: $28,392,939.
2. La statistique minière se fait pour l'année du calendrier, 1er janvier au 31 décembre inclusivement, et l'année n'étant pas terminée, nous n'avons pas encore les chiffres.
Lots vendus à M. Campbell
M. Dufresne (Joliette): Le gouvernement a-t-il depuis 1912 vendu des lots à un nommé Campbell, des États-Unis?
2. Dans l'affirmative, ce M. Campbell possède-t-il encore ces lots?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Pour répondre à cette question, il faudrait connaître le prénom de M. Campbell, ainsi que le nom du ou des cantons où il aurait obtenu un ou des lots.
Demande de documents:
Fermes à vendre
M. Sauvé (Deux-Montagnes) propose, appuyé par le représentant de Montréal-Saint-Georges (M. Gault), qu'il soit mis devant cette Chambre copie du relevé préparé par le bureau de Colonisation de Montréal comprenant le nombre de fermes à vendre dans notre province.
Adopté.
Voirie
M. Sauvé (Deux-Montagnes) propose, appuyé par le représentant de Montréal-Saint-Georges (M. Gault), qu'il soit mis devant cette Chambre copie de toute correspondance, etc. entre la municipalité de la paroisse de l'Islet et le gouvernement, au sujet de la voirie, depuis 1919, et, aussi, entre le gouvernement et la municipalité de Saint-Jean-Port-Joli, au sujet de la voirie, depuis 1919.
Adopté.
Colons établis depuis 1921
M. Sauvé (Deux-Montagnes) propose, appuyé par le représentant de Montréal-Saint-Georges (M. Gault), qu'il soit présenté à Son Honneur le lieutenant-gouverneur une adresse priant Son Honneur de faire déposer devant cette Chambre un état indiquant: 1. Quels sont les noms des colons qui ont acheté des lots depuis le 19 mars 1921 jusqu'au 30 juin 1922; 2. Dans quels cantons ces colons sont-ils établis.
Adopté.
Dépôt de documents:
Administration financière de la Commission des liqueurs
L'honorable M. David (Terrebonne) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre, en date du 15 mars 1922, pour communication des copies de toute correspondance entre le gouvernement ou le trésorier de la province et la Commission des liqueurs de Québec et de toutes instructions données à la Commission par le gouvernement ou le trésorier de la province au sujet des méthodes de comptabilité et de rapports devant être suivies par la Commission et aussi au sujet de la vérification des comptes de la Commission et de la nomination des vérificateurs. (Document de la session no 32)
Rapport du surintendant de l'Instruction publique
L'honorable M. David (Terrebonne) dépose sur le bureau de la Chambre le rapport du surintendant de l'Instruction publique de la province de Québec pour l'année 1921-1922. (Document de la session no 8)
Institutions d'assistance
L'honorable M. David (Terrebonne) dépose sur le bureau de la Chambre les statistiques des institutions d'assistance, pour l'année 1921. (Document de la session no 24)
Rapport de l'archiviste
L'honorable M. David (Terrebonne) dépose sur le bureau de la Chambre le rapport de l'archiviste de la province de Québec, pour 1921-1922. (Document de la session no 30)
État financier de l'Instruction publique
L'honorable M. David (Terrebonne) dépose sur le bureau de la Chambre l'état financier du surintendant de l'Instruction publique de la province de Québec, pour l'exercice finissant le 30 juin 1922. (Document de la session no 9)
Ajournement
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, appuyé par le représentant des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron), que, lorsque cette Chambre s'ajournera, elle soit ajournée à demain à 11 heures .
Adopté.
La séance est levée.
__________
NOTES
1. Selon L'Événement du 3 novembre 1922, une foule nombreuse attendait depuis plusieurs heures l'ouverture des galeries de l'Assemblée et se précipita sur les sièges libres dès que les portes furent ouvertes. Sur le parquet de la Chambre, près du trône de l'Orateur, six députés fédéraux étaient présents: MM. Georges Parent, E. W. Tobin, Lucien Cannon, L.-F. Fafard, F.-J. Pelletier et E. Danjou.
2. Tous les courriéristes parlementaires signalent que la cohue de la foule dans les galeries créait un grand tumulte. Selon L'Action catholique, ce fut une véritable ruée dans les galeries, lorsque les portes furent ouvertes, après l'arrivée de l'Orateur à son fauteuil. On entendait des cris, et des constables qui repoussaient la vague, et des curieux hommes et femmes qui voulaient pénétrer dans la salle. De la galerie des courriéristes, on entendait les suppliques adressées par des dames aux constables sévères: "à certains moments nous craignions que quelques débris de chaises brisées ne fussent jetés dans notre enceinte".
3. Il est 4 h 30 à ce moment, selon le Montreal Daily Star.
4. Selon le Montreal Gazette, la police avait refermé les portes d'une des galeries dès que toutes les places furent occupées, et une foule de personnes tambourinaient contre ces portes. Dans une autre galerie, le bruit indiquait que la police était de plus en plus active, et avec une certaine efficacité, s'occupait d'expulser graduellement les gens.
5. Les noms de deux membres de la Législature provinciale se trouvent impliqués dans ce sinistre crime et l'on peut entendre ouvertement mentionner leurs noms et discuter publiquement leur prétendue culpabilité dans la cité de Québec. Et l'on dit librement et franchement que la cause de l'inaction de la part des autorités pour élucider le mystère et traduire le coupable en justice tient au fait que ces deux personnes sont membres de la Législature (traduction tirée des Journaux de l'Assemblée législative, vol. LVII, session 1922, à la page 26).
6. Shortis était un Irlandais de famille aisée. Il commit des meurtres à Valleyfield et fut condamné à mort. La famille fit des pressions sur le gouvernement conservateur pour que sa peine soit commuée, ce qu'elle obtint. Les libéraux, en pleine campagne électorale, accusaient les conservateurs de protéger des assassins de bonne famille.
7. "Le bon renom pour l'homme et pour la femme, cher seigneur, est le premier joyau de leurs coeurs. Qui me vole ma bourse vole une camelote: c'est quelque chose et rien; elle était mienne, elle est sienne, elle fut serve de milliers d'hommes; mais qui me filoute de mon bon renom me dérobe ce qui ne l'enrichit pas et me fait pauvre vraiment." L'Événement traduit le tout de la façon suivante: "L'homme qui vole la réputation vole plus que la fortune d'un citoyen."
8. Selon la Gazette du 3 novembre 1922, à la page 3, l'un des huissiers réussit, après quelques difficultés, à fixer la barre et M. Roberts s'y appuya. La barre est faite de bronze, mais elle n'est pas installée de façon permanente. Pour l'occasion, elle fut astiquée avec soin, ce matin. The Quebec Chronicle ajoute: "Mr Roberts was then brought to the Bar and stood there calmly. All eyes were upon him, but he stood unperturbed with his hands behind his back and placidly surveyed the members of the House and the crowds in the galleries."
9. The Montreal Star du 3 novembre, à la page 4, explique en détail la procédure exceptionnelle de cette comparution. Chaque question du premier ministre était présentée comme une motion avec un appuyeur. L'Orateur la lisait en français et en anglais, la soumettait à la Chambre avant de la déclarer adoptée et de la poser à Roberts.
10. Le Soleil mentionne que "la Chambre passa aussitôt aux affaires du jour. Et la foule se dispersa pendant que le sergent d'armes amenait l'accusé. L'éditeur de The Axe est depuis hier soir enfermé dans une cellule des quartiers généraux de la police provinciale à l'Hôtel du gouvernement".
Après la séance, le chef de l'opposition accorda une entrevue au représentant du Devoir et déclara: "Ce n'est pas en leur qualité de membres de cette Législature que deux députés seraient impliqués dans le crime de Blanche Garneau, d'après la rumeur mentionnée dans l'article de l'Axe. C'est de la vie privée, de la vie du citoyen qu'il s'agit. Mais je veux bien étudier la question avant de me prononcer définitivement. Il y a une grosse question de droit dans cette affaire."