Journal des débats de la Commission de l'économie et du travail
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Le
mardi 18 mars 2025
-
Vol. 47 N° 89
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out
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9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures quarante-huit minutes)
Le Président (M. Allaire) : Alors,
à l'ordre, s'il vous plaît! Bon matin, tout le monde. Ayant constaté le quorum,
je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte.
Je vous souhaite tous la bienvenue.
Naturellement, j'aimerais que vous preniez quelques secondes pour éteindre la
sonnerie de vos appareils électroniques, s'il vous plaît. Gardez cette bonne
habitude.
Alors, la commission est réunie afin de
procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en
cas de grève ou de lock-out.
Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a
des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Boivin Roy (Anjou—Louis-Riel) est remplacée par M. Provençal
(Beauce-Nord); Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey) est remplacée par Mme Prass
(D'Arcy-McGee); et M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacé par M. Leduc
(Hochelaga-Maisonneuve).
Le Président (M. Allaire) : Merci,
Mme la secrétaire. Alors, je vous donne un aperçu de l'ordre du jour de notre
matinée. Nous allons débuter avec le premier groupe... Bien, nous allons d'abord
débuter avec les remarques préliminaires, ensuite, on enchaîne avec les trois
groupes : le Conseil du patronat du Québec, la Fédération des chambres de
commerce du Québec et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.
Alors, avant de débuter, est-ce qu'il y a
consentement afin de permettre aux député de Jean-Talon et député de
Saint-Jérôme à faire chacun à tour de rôle des remarques préliminaires d'une
minute? Est-ce que j'ai votre consentement? Parfait. Excellent, merci.
Alors, on débute avec les remarques
préliminaires. M. le ministre, la parole est à vous pour vos remarques pour six
minutes. Alors, allez-y.
• (9 h 50) •
M. Boulet : Oui. Merci, M. le
Président. Bon, salutations à tout le monde. M. le Président, merci. Ce qui
nous réunit aujourd'hui, c'est un projet de loi, le titre dit bien, visant à
considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de
lock-out...
M. Boulet : ...projet de loi
cherche à équilibrer, essentiellement, c'est le respect du droit à la grève ou
lockout, d'une part, et les besoins de la population, d'autre part. C'est dans
cet esprit que le projet de loi propose la mise en place de mesures nuancées,
capables d'apporter des solutions adaptées à des cas spécifiques où la
population est affectée de manière disproportionnée ou préjudiciable par des
conflits de travail. C'est une nouvelle approche, qui est le fruit d'une longue
réflexion, influencée notamment par des conflits de travail survenus au cours
des dernières années. Dans certains cas, ils ont fait subir des difficultés
importantes à une partie de la population, et les personnes concernées se sont
retrouvées souvent sans alternative, confrontées à une situation de
vulnérabilité et d'impuissance, sur laquelle elles n'avaient aucun contrôle.
Cette situation était possible, puisque ces arrêts de travail n'étaient pas
soumis aux règles qui gouvernent le maintien des services essentiels.
Je le rappelle, dans le cadre légal
actuel, le risque à la santé ou à la sécurité publique est le seul critère
pouvant justifier le maintien de services essentiels. Le droit à la grève, on
le sait tous, il est constitutionnellement garanti, la Cour suprême l'a
clairement affirmé dans un jugement de 2015. Sans remettre en question ce
droit, notre gouvernement veut agir pour que les besoins de la population,
notamment les personnes en situation de vulnérabilité, soient davantage pris en
compte.
La première mesure, c'est de permettre au
Tribunal administratif du travail, indépendant, impartial, sur demande d'une
partie, de déterminer si des services doivent être maintenus pour assurer le
bien-être de la population. On ne touche pas, on maintient dans son intégralité
le processus de maintien des services essentiels. Le but, c'est d'ajouter un
mécanisme pour déterminer des services minimalement requis pour assurer que la
sécurité sociale, économique ou environnementale de la population ne soit pas
affectée de manière disproportionnée. Quand des enjeux significatifs
apparaissent, le gouvernement identifie un employeur et une association
accréditée par décret. Une partie aurait la possibilité de s'adresser au tribunal
pour déterminer si des services doivent être maintenus.
Si le tribunal détermine que des services
doivent être maintenus, les parties ont 15 jours pour négocier une entente, au
besoin, avec l'aide d'une personne nommée par le tribunal. Dans le cas d'une
entente, le tribunal l'évalue, pourrait juger sa suffisance. En l'absence
d'entente, le tribunal pourrait lui-même déterminer ces services à maintenir.
Après l'intervention du tribunal, le droit de grève ou de lockout continue de
s'appliquer jusqu'au règlement du conflit, sauf pour les services minimaux, qui
auront été définis à cette étape. D'ailleurs, rien, dans le projet de loi,
n'empêcherait le tribunal de décider que la situation ne requiert pas le
maintien de services en fonction des critères dont je viens de parler. Avec ce
nouveau mécanisme, le gouvernement du Québec fait office de précurseur.
La deuxième mesure, c'est d'octroyer au
ministre le pouvoir de déférer un différend à l'arbitrage dans des cas
exceptionnels. C'est une solution de dernier recours quand le conflit cause ou
menace de causer un préjudice grave ou irréparable à la population. Évidemment,
ce sera après que l'intervention d'un conciliateur et/ou médiateur aura été
infructueuse. C'est deux nouveaux outils qui vont permettre au gouvernement
d'intervenir de manière ciblée pour protéger la population, ce qui est au cœur
d'une de ses missions fondamentales. Il y a une uniformisation, quant à
l'exercice du droit au lockout, pour l'envoi du préavis de sept jours quand il
n'y a pas maintien des services essentiels.
Donc, je conclus. C'est une approche
modérée, dans des circonstances exceptionnelles, c'est du cas par cas, c'est
très circonstanciel. À entendre certains des commentaires depuis la
présentation du projet de loi, on pourrait croire que la nouvelle loi
permettrait au pouvoir... au ministre de mettre fin à un conflit de travail. Ce
n'est, évidemment, pas le cas. On veut que le processus soit objectif,
apolitique, limité aux cas vraiment problématiques. Je veux rester à l'écoute.
C'est le début des consultations particulières, je suis ouvert à entendre des
idées et je veux que nous continuions à échanger, à dialoguer, dans le calme et
le respect. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Allaire) : Merci
à vous, M. le ministre. On enchaîne avec la porte-parole de l'opposition
officielle, Mme la députée de Bourassa-Sauvé. La parole est à vous pour
4 min 30 s.
Mme Cadet : ...bonjour,
chers...
Mme Cadet : ...très
heureuse d'être avec vous ici, aujourd'hui, lors du début des consultations
particulières du projet de loi... n° 89 et non 1989, M. le Président, Loi
visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou
de lockout. M. le Président, donc, au Québec, en ce moment, donc, c'est le Code
du travail qui est la principale loi qui régit les relations de travail depuis
son adoption en 1964. Elle encadre, entre autres l'étape cruciale de la
négociation des conventions collectives et précise les obligations des parties
impliquées dans les négociations et confère au ministre certains pouvoirs pour
faciliter la conclusion d'une entente.
Donc, aujourd'hui, donc, à l'heure où on
se parle, M. le Président, en vertu du code, le ministre du Travail peut
d'office ou à la demande de l'une ou l'autre des parties impliquées, donc, peut
nommer un conciliateur pour les aider à conclure une entente. Les parties sont
tenues à ce moment-là d'assister aux rencontres organisées par le conciliateur.
Par la suite, donc, la partie patronale et la partie syndicale peuvent
également demander au ministre que le différend soit soumis à l'arbitrage. Vous
aurez compris, M. le Président, qu'elles le peuvent concurremment. Le ministre
doit ensuite aviser les parties qu'il défère leur dossier à un arbitre, et la
sentence rendue par cet arbitre a le même effet qu'une convention collective
signée par les parties. En plus des pouvoirs énumérés précédemment, donc, le
ministre, en théorie, à titre de législateur, a la possibilité, et donc je
reviendrai, donc, d'intervenir dans un conflit de travail par la voie
législative, donc, en déposant à l'Assemblée nationale ce que communément,
donc, nous connaissons sous le nom de la loi spéciale, donc une loi de retour
au travail comme régulation exceptionnelle qui intervient de façon réactive et
ponctuelle afin de suspendre l'application des règles législatives encadrant la
négociation collective dans le cas d'un conflit de travail spécifique.
Or, et on l'a évoqué ici, vous avez suivi,
M. le Président, donc, l'actualité entourant le dépôt du projet de loi
n° 89. Parce qu'il est de plus en plus connu dans la population que,
depuis la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire
Saskatchewan Federation of Labor contre Saskatchewan en 2015, donc, ce qu'on
appelle communément l'arrêt Saskatchewan, le recours aux lois spéciales est
plus complexe pour les législateurs parce que la constitutionnalité de ces lois
n'est pas acquise. En effet, dans l'arrêt Saskatchewan, donc, il a été tranché
par la majorité des juges que le droit de faire la grève est une composante
essentielle de la liberté d'association, protégée par l'alinéa deux d de la
Charte canadienne des droits et libertés, et l'arrêt s'est également étendu sur
l'importance juridique et pratique pour toute pièce législative affectant la
liberté d'association, d'offrir un autre moyen à la fois adéquat, indépendant
et efficace, de mettre fin à l'impasse de la négociation collective.
Vous comprendrez donc, M. le Président,
que depuis 2015, le législateur a dû apprivoiser un nouveau cadre dans
lequel... en fait, le nouveau cadre dans lequel il est habilité à opérer. Je
vous ai mentionné, donc, le cadre actuel et le fait que, donc, il y a donc la
possibilité, donc, d'émettre des lois spéciales, mais depuis Saskatchewan,
donc, il y a un nouveau cadre dans lequel, donc, le législateur, donc, doit
opérer. Ces années d'ajustement, donc, nous amènent à... En fait, ont soulevé
au fil du temps quelques questionnements sur le plan politique, des
questionnements que j'identifie ici. Quel est l'équilibre des forces qui doit
prévaloir alors que les parties suivantes, les salariés syndiqués, l'employeur
et la population sont touchés par un conflit? L'équilibre qui est établi par le
cadre actuel, est-ce qu'il doit être appelé à évoluer? Un gouvernement dûment
élu par la population dispose-t-il de la légitimité nécessaire pour intervenir
entre deux parties lorsqu'un conflit se trouve dans une impasse? Ou est-ce que
le droit à la libre négociation devrait prévaloir, nonobstant les conséquences
autres que celles sur la santé ou la sécurité physique de la population, donc,
les critères qui sont mis de l'avant lorsque des services essentiels sont
négociés? Et qui doit assumer la plus grande partie du risque de l'échec d'une
négociation d'une convention collective? Est-ce qu'il devrait y avoir un
transfert du risque vers un gouvernement qui sera imputable d'intervenir ou non
devant la population et prendre ainsi un risque politique, ou les entreprises
qui subissent les conséquences pécuniaires et les travailleurs qui perdent de
précieux salaires devraient-ils être les seuls à disposer de leviers pour
encadrer un conflit lorsqu'il arrive, donc, au stade de la grève ou du lockout
que personne ne fait par plaisir? Donc, je pense que le projet de loi
n° 89 nous invite à approfondir ces questionnements. J'en aurai
certainement pour le ministre et pour les groupes qui viendront en
consultation. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Allaire) :
Merci à vous, Mme la députée. On enchaîne avec le deuxième groupe de
l'opposition, M. le porte-parole officiel du deuxième groupe de l'opposition,
M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, 1 min 30 s.
• (10 heures) •
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Moi, je vais être honnête avec vous. Je suis déçu d'être ici ce
matin. Je suis triste d'être ici ce matin. On devrait être en train de faire
autre chose que de présider à des audiences du plus gros recul en droit du
travail des 20 dernières années. On vit une guerre tarifaire majeure en ce
moment contre un partenaire qu'on pensait être un partenaire commercial. On
devrait se serrer les coudes en ce moment entre le patronat, le syndicat,
l'État du Québec. Mais non...
10 h (version non révisée)
M. Leduc : ...à la place de
se serrer les coudes, on envoie un pavé dans la marre puis on fait le plus gros
recul en droit du travail des 20 dernières années, une véritable bombe
nucléaire, puis vous allez l'entendre certainement aujourd'hui, demain et
jeudi. C'est aussi particulièrement ironique d'être ici, M. le Président,
aujourd'hui parce qu'il y a une grève dans le réseau des CPE. À peu près 80 %,
85 % sont en grève aujourd'hui et demain. Ils se dirigent vers la grève
générale illimitée. Puis regardez ce qui est dans la petite liste qui est
prévue par le ministère, les gens qui vont être touchés : les centres de
petite enfance. Alors, c'est une mesure qui est antidémocratique et dangereuse,
qui utilise des critères bidon, qui donne des pouvoirs de décret exagérés au
ministre et qui vise à faire une vengeance sur le secteur public, notamment les
professeurs l'année passée, qui vise à faire une vengeance préventive par
rapport à la grève des CPE qui s'en vient. C'est quelque chose qu'il faut retirer.
Il faut...
Le Président (M. Allaire) : Faites
attention, faites attention pour ne pas prêter des intentions. Je vous mets en
garde ici. Merci.
M. Leduc : Alors, le ministre
dit qu'il est ouvert aux suggestions, je lui en fais une : Qu'il retire
son projet de loi puis qu'on se concentre sur autre chose.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. On enchaîne avec la députée de
Jean-Talon. Vous avez une minute.
M. Paradis : Bon. Merci à toute
l'équipe gouvernementale, aux collègues et à toutes les personnes qu'on va
entendre aujourd'hui. Nous allons être à l'écoute, nous allons analyser
studieusement ce qu'on va entendre aujourd'hui, mais je vous avoue que nous
sommes préoccupés. J'ai bien entendu le ministre parler de rééquilibrer. Est-ce
que ce n'est pas plutôt l'inverse qu'on est en train... on est en train de
faire, c'est-à-dire de déséquilibrer un équilibre précieux qu'on a au Québec
dans les négociations des conditions de travail des travailleurs? Pourquoi ce
projet de loi? Pourquoi arrive-t-il maintenant? Quelle est la raison? Est-ce
que c'est lié justement au conflit de travail de l'automne de l'année dernière?
D'où viennent ces notions d'affecter de manière disproportionnée la sécurité
sociale, économique ou environnementale de la population, une grève ou un
lock-out qui cause ou menace de causer un préjudice? J'ai bien hâte de voir d'où
viennent ces notions qui apparaissent complètement nouvelles, et, si elles ont
un effet disproportionné, on va être là pour parler au nom des travailleurs.
Merci.
Le Président (M. Allaire) : ...de
Jean-Talon. On enchaîne avec le député de Saint-Jérôme. La parole est à vous,
une minute.
M. Chassin :Merci, M. le Président. Bonjour à tout le monde.
Évidemment, je suis quelqu'un qui a des convictions très fortes, je pense que c'est
su. Et, quand on me parle, dans le fond, d'un projet de loi qui est précurseur,
c'est parce que, dans le fond, personne d'autre ne le fait. Alors, j'ai un doute,
j'ai un doute. Quand on voit un projet de loi qui donne des pouvoirs au
ministre, en général, je me dis : Il faut l'étudier comme il faut, mais,
si c'est basé sur des notions abstraites, sur de l'arbitraire ou du cas par
cas, comme l'a dit le ministre, j'ai un réel problème. Je pense qu'il y a des
libertés d'association qui sont fondamentales, incluant dans le droit de grève.
Alors, je suis là pour voir et veiller à ce qu'on s'assure de ne pas donner des
pouvoirs plus arbitraires au ministre. Merci.
Le Président (M. Allaire) : Merci
à vous, M. le député de Saint-Jérôme. Alors, ça met fin aux remarques
préliminaires. On enchaîne avec les auditions. Donc, on va accueillir avec
beaucoup de plaisir le premier groupe, le Conseil du patronat du Québec. M.
Blackburn, M. Di lorio, j'espère que vous m'entendez bien. Ça va bien?
M. Blackburn (Karl) : On vous
entend très bien.
Le Président (M. Allaire) : Excellent.
Donc, je vous cède déjà la parole. Peut-être prendre le soin de vous présenter
à tour de rôle, et vous avez 10 minutes pour faire votre audition, ensuite
va s'ensuivre une période d'échange avec les parlementaires. La parole est à
vous.
M. Blackburn (Karl) : Excellent.
Merci beaucoup. Alors, merci, M. le Président. Merci, M. le ministre du
Travail. Mesdames et Messieurs les députés, d'abord, Karl... je m'appelle Karl
Blackburn, je suis le président et chef de la direction du Conseil du patronat
du Québec. Je suis accompagné ce matin par Nicolas Di lorio, associé avocat
chez DS Avocats, un partenaire du CPQ sur plusieurs dossiers, dont entre autres
celui qui nous intéresse aujourd'hui.
Comme vous le savez, le CPQ représente
plus de 70 000 employeurs, de toutes tailles et de tous secteurs d'activités,
contribuant ainsi à la vitalité économique du Québec. En tant qu'organisation
engagée dans l'élaboration de politiques publiques favorisant un environnement
de travail sain et prévisible, nous avons pris connaissance avec intérêt du projet
de loi n° 89 et souhaitons apporter notre contribution au débat en cours.
La question soulevée par ce projet de loi
est fondamentale : Comment assurer un équilibre entre les droits des
travailleurs et la nécessité de protéger la population contre les effets
disproportionnés des conflits de travail? Les dernières années ont été marquées
par une augmentation du nombre et de la durée des conflits de travail au
Québec. Ce phénomène n'est pas sans conséquence, vous le savez bien. Nous avons
tous vu les impacts concrets de ces arrêts de travail sur des milliers de
citoyens et d'entreprises. Des perturbations dans les transports scolaires
obligeant des parents à revoir leur organisation quotidienne et pénalisant les
élèves. Des grèves prolongées dans le secteur de l'éducation retardant la
réussite scolaire et créant de l'incertitude...
M. Blackburn (Karl) : ...pour
des milliers d'étudiants. Des interruptions de service dans le secteur postal
et du transport des marchandises désorganisant les chaînes d'approvisionnement
et freinant l'activité économique. Des conflits touchant les services
funéraires qui ont privé des familles endeuillées d'un accompagnement adéquat
dans des moments difficiles. Ces quelques exemples montrent bien l'enjeu
central du débat. Lorsque des conflits de travail surviennent, leur effet ne se
limite pas aux parties impliquées dans la négociation, c'est l'ensemble de la
société qui en subit les conséquences. Dans ce contexte, nous croyons que le
projet de loi n° 89 apporte une réponse légitime et nécessaire à ces
défis. Un cadre modernisé pour mieux protéger le public.
Le CPQ accueille favorablement cette
initiative gouvernementale qui vise à encadrer les conflits de travail ayant un
impact significatif sur la population. Loin de remettre en cause le droit de
grève ou de lock-out, le p.l. n° 89 cherche à concilier le respect des
droits des travailleurs et la continuité des services critiques pour la
population et l'économie québécoise.
Cette démarche s'inscrit d'ailleurs dans
une évolution législative observée ailleurs dans le monde. Dans plusieurs pays,
des mécanismes existent pour encadrer les conflits de travail et limiter leurs
effets négatifs sur le public. L'objectif du p.l. n° 89 est d'adapter ces
principes à la réalité québécoise.
Le CPQ appuie les grandes orientations du
projet de loi et reconnaît sa pertinence pour l'avenir des relations de travail
au Québec. Toutefois, nous estimons que certaines précisions et bonifications
sont nécessaires pour assurer une application efficace et équilibrée. Alors,
les recommandations du CPQ, les voici. Notre mémoire présente plusieurs
recommandations visant à améliorer le cadre proposé par le p.l. n° 89. Je
souhaite ici en souligner quelques-unes qui nous semblent particulièrement
importantes.
Premièrement, élargir la portée du projet
de loi et d'autres secteurs stratégiques. Certaines industries, comme la
construction, par exemple, ont un impact économique majeur et peuvent affecter
l'ensemble du tissu économique lorsqu'un conflit de travail s'éternise. Il est
essentiel d'assurer que ces secteurs soient couverts par les nouvelles
dispositions du projet de loi.
Accélérer les délais d'intervention du
Tribunal administratif du travail. Lorsque les services essentiels sont
interrompus, chaque jour compte. Nous recommandons donc une réduction des
délais de traitement des dossiers afin de minimiser les perturbations pour la
population et les entreprises.
Troisièmement, permettre aux personnes
affectées d'être entendues. Les citoyens et les entreprises subissent les
conséquences des arrêts de travail devraient avoir la possibilité de faire
valoir leurs préoccupations auprès des instances décisionnelles. Actuellement,
ils sont souvent laissés sans recours.
Quatrième point. Clarifier les pouvoirs
d'intervention du gouvernement. Le rôle du gouvernement dans la gestion des
conflits ayant un impact majeur sur la société doit être précisé afin d'assurer
une capacité d'action rapide et efficace lorsque nécessaire.
Ces quelques recommandations visent à
rendre le projet de loi le plus robuste possible, plus efficace et plus adapté
aux réalités du terrain. En conclusion, M. le Président, un projet de loi qui
répond à une nécessité sociale.
M. le Président, M. les ministres... M. le
ministre, mesdames et messieurs et les membres de la commission, comme on l'a
entendu dans les mots d'introduction, le débat sur ce projet de loi ne doit pas
être perçu comme une remise en question des droits des travailleurs. Il s'agit
plutôt d'un ajustement nécessaire pour mieux répondre aux défis actuels et
futurs. Nous ne pouvons ignorer que certaines grèves ou lock-out ont
aujourd'hui malheureusement des effets beaucoup plus larges qu'il y a quelques
décennies. Notre responsabilité collective est d'adapter notre cadre législatif
pour éviter que des conflits prolongés ne pénalisent injustement des citoyens
qui n'ont aucun pouvoir sur l'issue des négociations.
• (10 h 10) •
Le p.l. n° 89 constitue une avancée
importante et nous sommes convaincus qu'en intégrant certaines bonifications,
il pourra pleinement jouer son rôle de garant d'un équilibre entre les droits
syndicaux et la protection du bien commun. Le CPQ s'engage à poursuivre le
dialogue avec le gouvernement et l'ensemble des parties prenantes pour assurer
que cette réforme aboutisse à un cadre de travail juste, prévisible et efficace
pour tous. Et j'aimerais...
M. Blackburn (Karl) : ...prendre
quelques minutes, M. le Président, ici, ce matin, pour partager un sentiment
personnel qui m'a attristé très fortement la semaine dernière. Demain, nous
soulignerons le premier anniversaire, malheureusement, du décès de Michel
Jutras. Qui était Michel Jutras? Il est un travailleur impliqué dans le port de
Montréal. Rappelez-vous, lors des derniers conflits dans le port de Montréal et
l'environnement dans lequel ces conflits évoluent et l'intimidation dans
laquelle les travailleurs se retrouvent malgré eux, mais Michel avait eu
l'occasion de partager, avec moi, certaines préoccupations au cours des
dernières années, concernant justement les menaces d'intimidation auxquelles il
faisait face, l travail souvent bâclé des représentants syndicaux de son
organisation et, malheureusement, le climat de travail qui se détériorait et
qui était pris en otage par des gros bras.
Ça s'est conclu, vendredi dernier, M. le
Président, avec un article paru dans La Presse, et je suis convaincu que tous
les parlementaires ici, ce matin, en ont pris connaissance. S'ils ne l'ont pas
fait, je les invite à le faire. L'article s'intitulait Sur un drame, un drame
sur fond d'intimidation et d'hostilité. Comment pouvons-nous, aujourd'hui, en
2025, accepter que pareille situation se déroule sous nos yeux sans que
personne n'interpelle les dirigeants syndicaux? Je prenais connaissance dans
l'article que Michel Murray, le représentant syndical, ne voulait pas porter
d'aucune façon le sang de Michel Jutrassur ses mains, mais, malheureusement,
Michel Murray porte le sang de Michel Jutras sur ses mains. De par sa façon de
fonctionner, de par son intimidation, de par les règles non écrites du port de
Montréal ou en termes de gestion de travail, bien, malheureusement, ça a mené
au suicide de Michel Jutras il y aura un an, demain. Je vous invite, vous tous,
parlementaires autour de la table, à garder ça en tête et de faire attention
dans les remarques, dans les commentaires ou dans les qualificatifs que vous
pourriez attribuer au projet de loi en invoquant le saint droit à les
conventions collectives, aux grèves ou aux lockouts.
Et je terminerais, bien évidemment, en
disant un autre message concernant, encore une fois, une activité qui,
malheureusement, a permis à des gros bras de déstabiliser une activité dans
laquelle le ministre du Travail participait vendredi dernier ici, à Montréal,
ou par de l'intimidation, du brasse-camarade, du bris d'équipement. Encore une
fois, des syndiqués se sont fait entendre à forte, à forte cause, mais avec les
mauvaises façons. Et je souscris totalement à l'appel qu'a fait le ministre du
Travail d'inviter les représentants syndicaux à dénoncer pareille intimidation
et pareille mesure. Malheureusement, comme dans le dossier du port de Montréal,
comme dans le dossier de vendredi dernier, qu'est-e que les représentants
syndicaux ont dit publiquement? Silence radio.
Alors, moi, j'inviterais les
parlementaires aujourd'hui, à cette commission parlementaire, à envoyer un
message très fort à ceux et celles qui se font entendre, que l'intimidation n'a
plus sa place au Québec en 2025, que nous tous, que vous tous, vous vous ferez
des dénonciateurs de cette intimidation et que personne ne doit accepter de
vivre dans pareille situation au péril de sa vie. Merci, M. le Président, pour
votre attention.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
M. Blackburn. Avant de passer la parole à la partie gouvernementale et à M. le
ministre. Un sympathique rappel sur l'importance d'avoir des discussions qui
sont respectueuses. Je pense que ce sera d'autant plus important, tout au long
de cette commission, de faire attention aux propos qu'on porte. Donc, je vous
invite à la prudence à tout le monde, à l'ensemble des parlementaires, mais
aussi aux gens qui viennent en audition avec nous. M. le ministre, on enchaîne
avec la période d'échange. Vous avez 16 min 30 s.
M. Boulet : Merci, M. le
Président. Merci, M. Blackburn, Me Di Iorio, pour la qualité du mémoire, le
temps que vous avez consacré à le préparer. Évidemment, comme tous mes
collègues des partis d'opposition, on va s'assurer de réfléchir à vos
recommandations, évidemment, que vous confirmiez que c'est une réponse légitime
et nécessaire dans le contexte actuel. Puis, souvent, on fait référence au
contexte international, mais on a besoin de prévisibilité et de stabilité dans
nos relations de travail. On n'a pas besoin de conflits de travail qui ont des
conséquences non souhaitées et non souhaitables sur la population. Et c'est la
raison...
M. Boulet : ...pour laquelle
il faut que sa sécurité sociale, économique ou environnementale soit prévue et
protégée de la façon la plus impartiale et indépendante possible. Et vous le
soulignez bien, monsieur Blackburn, c'est une recherche d'équilibre. Jamais il
n'a été question de nier un droit constitutionnel comme celui de la liberté
d'association, le droit de négocier des conventions collectives de travail, le
droit de faire la grève ou le droit de faire un lock-out, parce que ça arrive
que des conflits découlent de décisions prises par des employeurs. Je comprends
qu'à certains égards vous souhaitez même un élargissement de la portée
d'application du projet de loi 89. Évidemment, on va faire une étude détaillée,
article par article, après nos consultations particulières, peut-être,
simplement, quelques éléments. Vous dites bien qu'en attendant que les parties
aient négocié une entente, dans le cas du premier outil, là, les services
minimalement requis pour assurer la sécurité de la population ou son bien-être,
que la grève ou le lock-out ne puissent être déclenchés tant que la décision et
que les parties n'ont pas négocié une entente.
Donc, si les parties s'entendent,
évidemment, le tribunal aura à juger de sa suffisance. Mais vous
souhaiteriez... Est-ce que ça ne peut pas ou ça ne risque pas d'être considéré
comme une entrave supplémentaire au droit à la grève? Je vous pose la question
à vous ou à Me Di Iorio.
M. Blackburn (Karl) : Peut-être,
d'entrée de jeu, monsieur le ministre, ce que je voudrais faire, c'est un léger
préambule par rapport à la situation que vous avez mentionnée initialement.
Dans notre présentation du mémoire, vous l'avez constaté, les dernières années
ont beaucoup nui à la réputation du Canada, du Québec dans la stabilité et le
maintien de nos chaînes d'approvisionnement. Dans un monde qui change à une
vitesse grand V autour de nous, bien évidemment, on peut rester accroché à nos
valeurs, à nos principes. Mais, malheureusement, ce changement qui risque de
nous affecter et qui a déjà commencé à nous affecter nécessite qu'on s'adapte.
Alors, le mot important dans ce que vous venez de mentionner, c'est effectivement
cette flexibilité, cet équilibre qui est essentiel dans les relations de
travail. Et je m'en voudrais de ne pas profiter de l'expertise et de
l'expérience de mon collègue qui est avec moi aujourd'hui, Nicola, et dans...
les membres de la commission parlementaire.
Alors, Nicola, je te demanderais peut-être
de contribuer de façon positive à la question qu'a posée le ministre par
rapport à un élément très précis.
M. Di Iorio (Nicola) : Merci.
Bonjour, monsieur le ministre. Bonjour, monsieur le Président, mesdames et
messieurs les députés. Je voudrais tout d'abord prendre juste un bref moment
pour vous remercier, vous, M. le ministre, vos collègues du cabinet, les
députés qui sont ici et tous les députés de l'Assemblée nationale d'avoir
désigné la présente semaine comme étant la Semaine nationale de la prévention
de la conduite avec facultés affaiblies.
Dans un deuxième temps, je voudrais
répondre à votre question. L'élément central, c'est le suivant, c'est que la
Cour suprême, quand elle a donné cette protection, cette assise
constitutionnelle au droit de grève, elle s'est inspirée de l'expérience
internationale, mais surtout de l'expérience européenne. Et quand on lit le
jugement sous la plume de la juge Rosalie Abella, on voit l'énorme emphase qui
est placée sur ça. Mais il y a une immense mission, c'est qu'en Europe, des
grèves de deux heures, de quatre heures... On parlait des grèves de CPE tantôt,
il y en a des grèves de CPE en Europe, mais allez voir la durée de ces grèves.
Ce n'est pas une semaine, donc... ou comme on voit dans certaines... dans la
plupart des grèves auxquelles nous sommes confrontés, ça commence et on ne sait
pas quand c'est fini. Donc, la réponse à votre question c'est... commence par
oui, et le oui pour la raison suivante, c'est qu'il faut préalablement aller
devant un tribunal parce que ces éclaircissements-là doivent être fournis.
Donc, évidemment, il n'y a personne ici
qui dit qu'on ne peut pas faire la grève, au contraire, et ont même souligné
que, dans certains cas, ça peut avoir des effets bénéfiques sur l'amélioration
des conditions de travail... sont des conditions de nature patrimoniale, mais
ça peut en avoir. Mais l'idée, la suivante, c'est, on n'est plus à l'époque où
c'était devant un établissement manufacturier qui avait six concurrents autour
de lui, puis on en visait un, puis on améliorait, puis on allait au deuxième,
au troisième ou quatrième. À notre époque, la société a beaucoup, beaucoup
évolué. Alors, si la société évolue, le droit de grève doit évoluer et aller là
où la société va.
• (10 h 20) •
M. Boulet : Très bonne
réponse, Me Di Iorio...
M. Boulet : ...puis je vais
poser quelques questions pointues, là, à cet égard-là, un petit peu pour
justifier pourquoi on n'est pas allé plus loin, parce que ce que le Conseil du
patronat souhaite, encore une fois je le réitère, c'est d'élargir la portée
d'application du p. l. 89. Ce que je comprends, vous souhaitez aussi
remplacer le terme «préjudice grave» par «préjudice sérieux» afin d'abaisser le
seuil d'application de la mesure. Et là, c'est la deuxième mesure qui réfère...
qui donne le pouvoir au ministre de déférer à un arbitre différent, bien sûr,
après que la conciliation-médiation ait été infructueuse et dans le cas où,
évidemment, il y a un risque d'une menace de préjudice grave ou irréparable.
C'est une notion d'ailleurs qui est constamment utilisée dans d'autres
contextes. Mais vous souhaiteriez que «préjudice grave» remplace «préjudice
sérieux» pour permettre un seuil d'application plus bas. C'est ma
compréhension. Me Di Iorio, ou Karl... ou M. Blackburn.
M. Di Iorio (Nicola) : Si
vous permettez, M. le ministre ou Karl, en fait, il y a une nuance importante,
et la courte réponse, je dirais, non, ce n'est pas ce qui est visé. Mais la
réponse plus nuancée, c'est la suivante, c'est que «préjudice sérieux», c'est
une terminologie qui est hautement utilisée devant les tribunaux. Donc, arrivez
avec une terminologie avec laquelle les tribunaux sont déjà familiers évite de
débattre de la question de degré de gravité et d'y... si c'est sérieux, bien,
on est dans une société responsable, alors ça devrait permettre de passer aux
autres étapes du débat et ne pas s'enliser dans des questionnements sur le
degré ou quel niveau de gravité il faudrait accepter.
M. Boulet : Bien compris.
Autre question. Encore une fois, vous référez peut-être à un élargissement de
la portée d'application du p. l. 89. Vous suggérez d'inclure le secteur de la
construction dans les dispositions du projet de loi. Évidemment, vous savez
que, dans l'industrie de la construction, il y a une loi particulière, il y a
un régime particulier de négociation qui est prévu dans la Loi sur les
relations de travail, la formation professionnelle de la main-d'œuvre, ce qui
est constamment appelé la loi R20. C'est un secteur où les dispositions
antibriseurs de grève ne s'appliquent pas. Je sais, Me Di Iorio que vous
connaissez aussi très bien cette loi-là. Pourquoi précisément demander
l'inclusion du secteur de la construction dans le p. l. 89? Me
Di Iorio ou Karl, là, je pose la question aux deux.
M. Di Iorio (Nicola) : Si
l'ambulance est un service public puis le transport en commun est un service
public, pourquoi la route sur lesquels ils circulent et les gens qui la
construisent cette route-là ne participeraient pas de cette nature-la. Donc, si
on veut fournir ce service, il faut s'assurer que, comme société, ont est
écoutés, on est outillés que, dans certaines circonstances, la construction de
certains éléments d'infrastructure, de... il faut compléter la résidence de
personnes âgées parce que sinon il y a des... le droit au logement, c'est
sacro-saint, il y a... Évidemment le droit de grève. Bien aussi ces personnes
âgées où vont-elles se retrouver? Il peut y avoir des... des conséquences qui
surviennent qui font en sorte qu'autrement on se retrouve avec ce qu'on énonce,
bien, faites des lois spéciales. Mais évidemment, des lois spéciales, c'est
premièrement en soi, c'est une mécanique extrêmement lourde et qui ne permet
pas d'apporter des outils extrêmement ciblés parce qu'il faut y aller avec
beaucoup de généralités, même si la loi est spéciale.
M. Blackburn (Karl) : Si je
peux me permettre d'ajouter, M. le ministre, on le voit, là, dans les
prochaines années, si ce n'est dans les prochaines décennies, les besoins sont
énormes, surtout dans le secteur de la construction, tant dans les besoins
privés avec des logements, des résidences, que dans le secteur public avec des
écoles, avec des hôpitaux, avec des résidences pour les personnes aînées.
Alors, il est clair que de pouvoir permettre d'enchâsser le secteur de la
construction est dans votre projet de loi, bien, ça évite tout le processus
législatif que vient de présenter Nicola par rapport à une loi spéciale que la
loi R-20 prévoit. Donc, donner donc un outil supplémentaire au
gouvernement pour le secteur de la construction justement pour éviter que
celui-ci puisse, dans une négociation de convention collective à court ou à
moyen terme, puisse être utilisé comme étant un outil...
M. Blackburn (Karl) : ...un
levier de pouvoir qui malheureusement viendrait à pénaliser la population
québécoise et les besoins que nous avons en termes de différents éléments qui
sont reliés avec le secteur de la construction. Alors, nous, on pense qu'étant
donné que vous êtes en commission parlementaire, vous étudiez justement un
projet de loi qui vise le secteur des négociations collectives, qu'il serait
opportun d'inclure le secteur de la construction dans votre projet de loi.
M. Boulet : Bien compris.
Merci, Karl et Nicola. Vous référez... puis là, je n'ai pas eu le temps de lire
dans son intégralité votre mémoire, mais vous référez à la réduction de
certains délais. Est-ce qu'il y en a un qui vous apparaît une réduction plutôt
plus prioritaire? Je pense que c'est le 10 jours à cinq jours, hein, pour
la négociation des services minimaux à maintenir, hein? C'est... C'est
celui-là?
M. Di Iorio (Nicola) : Oui.
C'est un délai de 15 jours pour négocier. On est quand même dans une
situation ici où on parle d'atteinte disproportionnée au bien-être de la
population. Et là, ça concerne des gens comme moi, on va prendre 15 jours
pour essayer de... alors qu'on est censé l'avoir anticipé. La convention
collective est en existence depuis 3, cinq, sept ans, on a eu le temps de se
préparer à se prémunir, et c'est... c'est... ça fait partie de la préparation
essentielle quand on arrive en négociation de renouvellement de la convention
collective. On doit anticiper qu'il peut y avoir des moyens de pression.
Surtout qu'on sait qu'il y a un décret qui a été adopté, alors on aura tendance
à devoir se mettre à l'œuvre immédiatement.
Le Président (M. Allaire) : ...d'autres
inventions?
M. Boulet : Bien, peut-être
une dernière intervention. Peut-être rapidement vous référer à la possibilité
que les personnes affectées puissent être entendues, hein? Souvent, c'est des
personnes qui vivent de l'isolement, qui vivent une atteinte à leur
développement. Vous souhaiteriez que ces personnes-là puissent être entendues,
ce qui n'est pas exclu, devant le Tribunal administratif du travail, suite
notamment à l'adoption d'un décret gouvernemental. Est-ce que c'est le sens de
votre recommandation, maître?
M. Di Iorio (Nicola) : En
fait, tout au moins qu'ils aient la possibilité d'envoyer des observations au
tribunal. On a l'expérience du Conseil canadien des relations industrielles qui
le fait, par exemple, dans des exemples... dans des situations de grève du
transport en commun entre Gatineau et Ottawa. Et ils ont fait un appel à la
population, ils ont donné un délai, ils ont dit : Écoutez, envoyez-nous
vos observations et ils les ont guidés un peu, équipés, outillés. Il y a toutes
sortes d'organisations, d'individus, même. Et, comme vous dites souvent, c'est des
personnes vulnérables qui sont les plus laissées à elles-mêmes. Et il faut
qu'on comprenne de manière bien spécifique leur situation.
M. Boulet : Absolument. Je le
comprends. Juste peut-être un petit commentaire, puis après ça, je vais laisser
la parole à une de mes collègues. Mais souvenez-vous des conflits de compétence
fédérale dans le secteur ferroviaire, dans le secteur portuaire. Il y a un
article 107 du Code canadien du travail qui a été utilisé, qui est libellé
de façon extrêmement générale. Et donc, un des objectifs de notre p.l. 89,
c'était de conférer des balises à l'utilisation d'un pouvoir pour permettre que
des services minimaux soient maintenus ou qu'un arbitre puisse déterminer le
contenu d'une convention collective de travail. Donc, c'est un petit
commentaire que je souhaitais apporter.
Et je laisserais la parole à ma collègue
de Huntingdon.
Le Président (M. Allaire) : La
parole est à vous, Mme la députée.
M. Di Iorio (Nicola) : Et, si
vous me permettez, M.... Si vous me permettez, M. le ministre, votre projet de
loi, en plus, il prévoit la possibilité pour les syndicats et les employeurs de
se faire entendre devant le tribunal.
M. Boulet : Tout à fait.
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Mme la députée, la parole est à vous, 1 min 30 s.
Mme Mallette : Très
rapidement, j'aimerais vous entendre en tant que Conseil du patronat. Selon
vous, est-ce que les cotisations syndicales devraient servir pour des fins
personnelles, politiques ou partisanes? C'est quoi votre position sur cette
question?
M. Blackburn (Karl) : Citron!
C'est toute une question. Je sens une question piège dans ce que vous nous
posez comme comme... Les cotisations syndicales, ça permet à des travailleurs
de payer pour qu'un regroupement, donc le syndicat, prenne à cœur leurs
intérêts et les défende ou travaille pour eux. Ça doit servir à ça et pas à
autre chose.
Mme Mallette : Merci.
Le Président (M. Allaire) : Merci.
D'autres interventions? Pas d'autre intervention. On va poursuivre avec... Oui,
M. le ministre, allez-y.
M. Boulet : Encore une fois
vous remercier, M. Blackburn, Me Di Iorio. Ça m'a fait plaisir d'échanger avec
vous. Merci pour votre participation à cette commission et la qualité de votre
mémoire. Merci beaucoup.
M. Blackburn (Karl) : Merci,
M. le ministre.
M. Di Iorio (Nicola) : Merci,
M. le ministre.
• (10 h 30) •
Le Président (M. Allaire) : Merci
à vous, M... Merci, M. le ministre. Effectivement, on enchaîne avec...
10 h 30 (version non révisée)
Le Président (M. Allaire) : ...de
l'opposition officielle. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, la parole est à vous
pour 10 minutes 24 secondes.
Mme Cadet : Merci, M. le
Président. Bonjour, M. Blackburn.
M. Blackburn (Karl) : Bonjour.
Mme Cadet : Bonjour, Me Di
Iorio.
M. Di Iorio (Nicola) :
Bonjour.
Mme Cadet : Donc, merci
beaucoup pour le mémoire que vous nous avez... que vous avez soumis à la
commission. Donc, j'ai quelques questions. Le ministre, évidemment, comme
toujours, en aborde... en aborde, donc, quelques-unes avant que j'aie le temps
de le faire, mais je pense que notre échange sera complémentaire.
J'aimerais d'abord vous entendre sur les
propositions que vous faites relatives à l'article 111.22.3. Mais vous le
savez, vous l'avez nommé vous-même, donc, le projet de loi, donc, vient donner,
donc, des pouvoirs... donc, des pouvoirs, donc, distincts, donc, d'une part, donc,
de maintenir des services minimalement requis, et donc les procédures, donc, d'arbitrage
exécutoire que l'on voit en seconde partie du mémoire, donc, à l'article 4,
donc, on introduit cet article-ci qui nous indique qu'on entend par «services
assurant le bien-être la population les services minimalement requis pour
éviter que ne soit affectée de manière disproportionnée la sécurité sociale,
économique ou environnementale de la population, notamment celle des personnes
en situation de vulnérabilité». Le ministre vient de dire que, donc, l'objectif
de ce libellé ici était de conférer des balises. Je crois lire, là, de votre
mémoire, que vous souhaiteriez, donc, que ces balises-là, donc, soient peut-être,
donc, distinctes, là, ou soient aménagées différemment pour répondre aux
objectifs visés par la loi. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Blackburn (Karl) : Oui.
Bien, je vais laisser Nicola, bien sûr, avoir l'occasion de vous parler là-dessus,
mais j'aimerais revenir brièvement sur les derniers propos qu'a tenus le
ministre par rapport à l'article 107 utilisé par le gouvernement fédéral
pour, à tout le moins, encadrer certains conflits. Et cet article 107 a
permis justement d'éviter de fragiliser des pans importants de notre économie,
qui n'étaient pas nécessairement reliés aux conflits en cours, mais que ces
conflits auraient pu dégénérer et créer des catastrophes très importantes au
niveau de l'économie. Donc, l'objectif avec le p.l. 89, c'est de se doter ce
genre de pouvoirs au Québec pour être capables justement d'éviter que des pans
importants de nos économies soient malheureusement affectés.
Alors, Nicola, je vais te laisser répondre
à la question précise de Mme la députée.
M. Di Iorio (Nicola) : Oui.
Bonjour, Mme la députée. Bien, l'élément est le suivant : c'est qu'évidemment
on parle de la notion de l'impact disproportionné sur la population, et le
projet de loi donne l'exemple... ou semble centrer les personnes vulnérables. C'est
évidemment primordial de le faire. Il faut cependant réaliser que la notion de
vulnérabilité, parfois, peut être anticipée. Il ne faut pas attendre que la
personne se retrouve en situation de vulnérabilité si aisément on peut prédire,
on peut prévoir, on peut anticiper que cela va arriver.
Il y a aussi la situation où des personnes
vont se retrouver impactées de manière totalement disproportionnée. Je vous
donne un exemple, et les exemples sont toujours mauvais, donc ce n'est pas le
contenu de l'exemple, c'est juste pour illustrer le propos. Si la grève peut
avoir pour effet d'empêcher la tenue des Jeux olympiques, bien, si on a des
athlètes qui se sont entraînés pendant quatre ans, il m'apparaît que c'est un
effet disproportionné. Il doit y avoir autre moyen, dans une société comme la
nôtre, pour répondre et pour trouver une solution aux attentes légitimes des
travailleurs que de faire en sorte qu'un groupe soit impacté avec de telles
conséquences qui font en sorte que l'occasion du... leur échappe totalement. Je
rappelle que si... Je ne suis pas en train de dire d'écrire que les Jeux olympiques
ne doivent pas être impactés dans une loi, mais que c'est un débat qui s'engagerait
devant un tribunal, le tribunal entendrait la preuve et peut évidemment
façonner des remèdes qui font en sorte que peut-être qu'il pourrait y avoir des
grèves, mais s'inspirant de l'expérience internationale, tout comme la Cour
suprême s'en est inspirée pour reconnaître l'assise constitutionnelle à
laquelle vous avez fait référence dans vos remarques tantôt, bien, à ce moment-là,
on pourra dire : Bien, O.K., mais vous ferez deux heures par jour la grève,
ou vous ferez le lundi la grève, ou vous la ferez à tel moment. Et, à ce moment-là,
il y a une manifestation qui se fait. On doit... On doit... Nous-mêmes, on reconnaît
qu'en Europe ça fonctionne, ces grèves. Donc, pourquoi elles ne fonctionneraient
pas dans notre expérience à nous? Pourquoi nous, c'est : on lance la grève
et là on dit : Bon, allez-y maintenant, on va voir qu'est-ce que... qu'est-ce
qui en arrive. Donc, quand ça a des effets disproportionnés... donc pas toutes
les situations qui sont visées...
Mme Cadet : Me Di Iorio, sur ces
propos, donc, encore une fois, donc, je reviens à la notion de balise ici, est-ce
que... évidemment, donc, si le projet de loi, il est adopté tel quel, donc, c'est
ce qui permettra, donc, au Tribunal administratif du travail de décider, donc,
si des parties ne s'entendent pas, donc, de la portée des services minimalement
requis...
Mme Cadet : ...Est-ce que vous
pensez que ce qui est présenté ici va donner, donc, des assises suffisamment
robustes au Tribunal administratif du travail, donc, de pouvoir se pencher, de
créer des précédents, là, parce qu'il n'y en a pas, donc, en droit canadien,
sur la notion de service minimal requis?
M. Di Iorio (Nicola) : La
courte réponse, c'est non. Avec ce qui est là il quand même... il faut
souligner parce que ça prend énormément de courage politique pour présenter un
projet de loi comme celui-ci. La chose facile, c'est de ne rien faire. Mais si
on a vraiment à coeur de dire : Je veux que les travailleurs améliorent
leur condition de travail, je veux que les entreprises s'épanouissent, mais je
veux aussi m'assurer que ma population ne soit pas coincée dans un conflit sur
lequel elle n'a pas un mot à dire. Elle peut influer sur le conflit. Et il y a
des conflits dans lesquels tant l'employeur qui dit : Ah, ça fait
fonctionner mes usines à l'étranger, donc tant mieux que ça soit fermé que le
syndicat, ah, eux autres sont... les gens travaillent tous ailleurs, donc il
n'y a pas de problème. Et la population, à ce moment-là, se retrouve coincée
dans ça. D'où le fait que je... ce qu'on vous soumet, c'est que ça ne peut pas
être restreint simplement à la notion de personne vulnérable, mais aussi aux
personnes qui en subissent les conséquences disproportionnées et qui se
trouvent, à ce moment-là... qui vont se retrouver en état de vulnérabilité face
à ce conflit-là.
Mme Cadet : Me Di Irio,
toujours sur le mécanisme maintenant. Évidemment, donc, que dans les
questionnements que... bon, si j'avais eu plus de temps en remarque
préliminaire, là, je les aurais soulevés aussi, c'est à savoir, donc... donc,
quelle devrait être, donc, la portée des services finalement requis. Et, le cas
échéant, est-ce que le mécanisme qui est présenté ici est vraiment donc le plus
propice à la réduction de la durée des conflits de travail? Est-ce que vous
pensez que, par exemple, donc d'offrir, donc, la possibilité, donc, pour les
parties de s'entendre sur les services minimalement requis, est-ce que ça va
véritablement diminuer, donc, la durée des conflits de travail? Parce que c'est
l'objectif du projet loi qui est présenté.
M. Di Iorio (Nicola) : Merci.
En fait, c'est pour ça qu'on suggère de prévoir que des groupes ou des
personnes puissent présenter des observations. Parce qu'on peut penser à une
organisation où les cadres se disent : Ah, c'est mieux une grève complète,
on ferme puis on attendra qu'ils reviennent. Et le syndicat dit : Ah,
nous, on veut la grève complète, donc on arrête tout. Alors que ça requérait de
la part de l'employeur de faire un effort d'opérer, disons, trois fois deux
heures par jour, bien que ce soit un peu contraignant, mais, à ce moment-là, au
moins, la population, minimalement, aurait accès aux biens ou aux services dont
elle a besoin. Alors, dans ce contexte-là, on voit bien que oui, le cadre est
bien conçu, bien établi, mais il faut s'assurer qu'on façonne des remèdes en
conséquence.
Mme
Cadet : ...M. Blackburn là-dessus, évidemment, vous représentez
les employeurs, donc vous connaissez, donc, cette situation-là. Donc, pour
vous, donc, dans un conflit de travail avec le mécanisme qui est proposé,
est-ce que, donc, ça permettrait véritablement d'atteindre l'objectif qui est
visé, là, en toute bonne foi, de réduire, donc, la durée des conflits de
travail?
M. Blackburn (Karl) : Ça
apporte une certaine prévisibilité, Mme la députée, et, dans le monde incertain
dans lequel on est, on a besoin de beaucoup de prévisibilité. Et le projet de
loi, c'est ce qu'il apporte.
Mme Cadet : Rapidement, donc,
sur les autres aspects. Vous nous... En fait, vous... à
l'article 111.0.23, donc vous nous amenez une recommandation, vous dites,
donc, sauf si en... «en raison des circonstances percevant la bonne marche du
travail, contraignant l'employeur à suspendre ses opérations, l'employeur peut
alors en urgence demander la suspension du délai de sept jours». Donc, ce délai
de sept jours francs, donc, qui est introduit dans le projet de loi. Donc,
pourquoi, donc, vous pensez qu'il faudrait, donc, amener, donc, des
aménagements supplémentaires à l'article est présenté ici?
M. Di Iorio (Nicola) : Merci,
Mme la députée. Quand il a fait référence tantôt aux événements malheureux qui
sont survenus la semaine dernière et qui concernent la présence du ministre, il
arrive parfois que, quand on anticipe un conflit, ou quand on arrive
négociation, et quand les négociations ne vont pas rythme qu'on veut, qu'il
peut y avoir des bouleversements dans le milieu de travail qui ne constituent
pas une grève, mais qui font en sorte qu'il devient irréaliste d'opérer
l'entreprise, le service, l'organisation. Et, dans ce cas là, l'employeur ne
devrait pas dire : Bien, on va être assis ici et simplement être pénalisé,
ou même voir jusqu'à la destruction, ou jusqu'à l'avarice importante du milieu
de travail, sans pouvoir les faire suspendre ce délai de sept jours.
• (10 h 40) •
Mme Cadet : En
30 secondes... Merci pour cette réponse. L'intervention du public.
Mme Cadet : ...de la
population, donc article 111.22.8, là, vous faites cette
recommandation-là, est-ce qu'il y a des précédents, ailleurs au Canada ou à
l'international, là, sur une disposition comme celle-ci ou sur la suffisance
des services assurant... bon, essentiels ou le bien-être de la population et la
population serait appelée à réagir?
M. Di Iorio (Nicola) : Bien,
la réponse, c'est oui. Donc, j'ai donné l'exemple, puis je vais rester sur
le... mais je pourrais vous en fournir d'autres si vous en voulez, mais il y a
eu cet exemple de la Commission de transport de l'Outaouais, donc, qui fait de
transport entre Gatineau et Ottawa. Donc, pour cette raison, c'est de
compétence fédérale...
Le Président (M. Allaire) : Je
m'excuse. Malheureusement, ça met fin à cette portion d'échange. Je suis
désolé, je suis le gardien du temps et j'ai cette tâche ingrate. Alors, on
enchaîne avec le deuxième groupe de l'opposition. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve,
la parole est à vous pour trois minutes 28 secondes.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous deux. Toujours un plaisir de vous voir en commission.
M. Blackburn, vous avez évoqué dans votre présentation originale le fait qu'il
y avait eu des lock-out qui avaient eu des effets négatifs sur la population,
mais vous n'en avez nommé aucun. J'aimerais ça que vous m'en nommiez
quelques-uns, à votre connaissance, des lock-out qui ont eu des conséquences
négatives sur la population.
M. Blackburn (Karl) : Je vais
demander à Nicola d'aller précisément là-dessus, mais je vais revenir quand
même sur certains conflits de travail, M. le député, et ça me fait plaisir
également d'échanger avec vous, sur certains conflits de travail qui
malheureusement...
M. Leduc : Ma question, c'est
vraiment sur les lock-out, M. Blackburn.
M. Blackburn (Karl) : Oui.
O.K. Alors, les conflits de travail ont des conséquences sur plusieurs acteurs
du milieu, et je vais laisser Nicola rentrer directement dans la question que
vous avez soulevée.
M. Leduc : Merci.
M. Di Iorio (Nicola) : Bien,
écoutez, on a eu... Des lock-out, on en a eu un au port de Québec jusqu'à tout
récemment, on en a eu dans des alumineries, on en a eu dans des... dans les
concessionnaires automobiles au Saguenay, qui ont eu des conséquences. Tu sais,
le projet de loi du ministre, dans une situation comme celle-là, où ça devenait
insoluble, ce conflit, il n'y avait pas de solution. Alors, ça aurait été
tellement aisé à ce moment-là, que les parties aillent dans ça, il y aurait
même eu des mécanismes qui auraient permis de résoudre le conflit et qui aurait
évité que les populations soient privées toute entière de services qui sont
essentiels pour... Parce que, dans le quotidien, comment on se prive de changer
les pneus, de rendre le véhicule sécuritaire, de faire des réparations qui sont
nécessaires pour conduire les enfants à la garderie, à l'école, pour se rendre
au travail, tous ces éléments-là, dont on aurait pu être privés, bien, on en a
eu dans le... encore tout récemment au Canada.
M. Leduc : Si je comprends
bien, bien, le port de Québec...
M. Di Iorio (Nicola) : Mais
je peux vous donner un exemple, je peux donner un autre exemple, si vous
voulez. Bien, celui-là pour faire plaisir à la CSN, il y a un hôtel, puis je
pointe dans sa direction, de cet hôtel-là, parce qu'il n'est pas loin de moi,
bien, il y a des... il y a plein de gens qui avaient planifié des activités qui
étaient fort importantes, et, autour de cet hôtel-là, il y a plein de gens qui
sont mis à pied, qui ont perdu leur emploi parce que ce conflit-là est maintenant
devenu insoluble. Il n'y aura pas de fin à ce conflit-là. Les employés
travaillent tous ailleurs, l'entreprise est archiriche et elle a fait d'autres
investissements ailleurs, et il y a quelque chose qui est placardé de collants,
je pense qu'ils les ont enlevés maintenant, mais on les remet à l'occasion,
placardé de collants en plein centre-ville de Montréal, qui a donc un impact
majeur sur un paquet de populations autour, et ça, ça va durer, à mon avis, le
temps que l'hôtel soit détérioré, parce que... et il n'y a personne qui a
intérêt à mettre fin à ce conflit.
Le Président (M. Allaire) : ...
M. Leduc : Pardon?
Le Président (M. Allaire) : 50 secondes.
M. Leduc : Merci. J'aimerais
vous...
M. Di Iorio (Nicola) : ...
M. Leduc : Oui, d'accord.
Vous vous préoccupez beaucoup du sort des gens vulnérables. C'est correct que
vous évoquiez le fait qu'ils puissent participer à des audiences, c'est
intéressant. Cela dit, vous dites ça, mais, quand on se rencontre dans d'autres
projets de loi, notamment la révision de la santé et sécurité, quand il était
le temps de demander un rehaussement des participations pour la prévention,
vous n'étiez pas nécessairement aux abonnés présents sur ce niveau-là. Quand il
est temps de revendiquer une hausse du salaire minimum, c'est plutôt l'inverse
qu'on entend, de votre côté, il ne faudrait pas augmenter le salaire minimum.
Ça fait qu'il n'y a pas une petite contradiction peut-être à ce niveau-là?
M. Blackburn (Karl) : C'est
de l'interprétation de propos qui vont dans le sens que vous le souhaitez, M.
le député, mais c'est clair que... Par exemple, prenons l'exemple du salaire
minimum ou le salaire moyen, il est basé sur un équilibre entre le salaire
moyen et le marché du travail. Prenons l'exemple de la santé et sécurité...
Le Président (M. Allaire) : ...désolé,
M. Blackburn, je dois vous couper, je suis vraiment désolé. On enchaîne avec le
député de Jean-Talon. Vous avez une minute 19 secondes.
M. Paradis : Bon. Alors, on
constate que le Conseil du patronat et le ministre semblent s'entendre sur
beaucoup de points, notamment sur la question de l'importance de la
prévisibilité puis de la stabilité dans les relations de travail. Le projet de
loi n° 89, c'est du droit entièrement nouveau, notamment, là, la notion de
services assurant le bien-être de la population, on ignore la
constitutionnalité de tout ça. Vous applaudissez le projet de loi, mais en plus
vous proposez 19 mesures pour aller plus loin, vraiment beaucoup plus
loin. Moi, j'aimerais savoir dans quelle mesure révolutionner le droit de grève
au Québec, ça contribue à la prévisibilité puis à la stabilité des relations de
travail au Québec...
M. Blackburn (Karl) : Votre
question est générale, M. le député, puis je vais vous donner une réponse
générale. On a constaté malheureusement dans les dernières années que
l'environnement d'affaires au Québec s'est détérioré, il s'est détérioré... — d'ailleurs,
le premier ministre est d'accord avec ça — où on a trop de charges
fiscales, les impôts sont trop élevés. Mais il y a également une lourdeur
réglementaire. Il est clair que dans le projet de loi que présente le ministre
ce matin, c'est dans le but d'apporter une prévisibilité pour améliorer
l'environnement d'affaires dans lequel nous évoluons. Dans le contexte actuel,
comment peut-on demander à des entrepreneurs, à des gens d'affaires de
continuer d'investir, avec tant d'incertitude et tant d'imprévisibilité? Je
vous ai fait tout à l'heure référence à deux malheureuses situations qui se
sont produites pour lesquelles aucune, aucune déclaration, comme : C'était
inacceptable, n'est apparue de la part des syndicats...
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Merci, M. Blackburn. Désolé! C'est très court, hein, les interventions, quand
même. M. le député de Saint-Jérôme, la parole est à vous.
M. Chassin :Merci. Parce qu'on a 1 min 19 s, tant pour les questions
que pour les réponses.
M. Blackburn (Karl) : On va
arrêter de respirer.
M. Chassin :Et, évidemment, vous parlez de prévisibilité. Je pense
qu'on va être d'accord, il y a plein d'éléments sur lesquels on peut rendre
l'environnement d'affaires plus prévisible, par exemple pour les
investissements, que ce soit l'allègement réglementaire, que ce soit la
fiscalité. Mais là on est dans une question de principe, et puis vous avez
dit : Bien, attention, hein, il ne faut pas rester accroché
nécessairement à ses valeurs, à ses principes. Moi, je reste peut-être accroché
à mes valeurs, mes principes, parce qu'il me semble que, s'il faut s'adapter
aux circonstances, d'accord, j'en suis, mais, s'il faut adapter nos valeurs,
nos principes puis avoir le principe mou, la valeur flexible, là, je pense
qu'on ne peut pas dire que ce sont des valeurs ou des principes.
Et, dans ce cas-ci, il me semble qu'on ne
peut pas augmenter la prévisibilité avec des concepts aussi flous que «des
conséquences sérieuses» ou «des effets disproportionnés». Les services
funéraires, je comprends que c'est problématique, mais c'est ça, l'idée d'un
conflit avec par exemple des grèves, c'est qu'il y ait des conséquences, il
faut que ça se fasse sentir. C'est un peu normal. Donc, ce n'est pas juste de
klaxonner, hein, c'est de ne pas donner un service. Est-ce que ça, c'est...
M. Di Iorio (Nicola) : Les
conséquences...
M. Chassin :Allez-y.
M. Di Iorio (Nicola) : Les
conséquences doivent se faire sentir sur ceux qui sont capables de décider. Les
familles qui vivent un deuil... Quiconque a vécu un deuil comprend. Qui n'a pas
vécu de deuil...
M. Chassin :Bien, les clients d'un monopole ne décident jamais, vous
savez.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
merci à tout le monde. Ça met fin à cette première période d'échange avec notre
premier groupe, le Conseil du patronat du Québec. M. Blackburn, Me Di Iorio,
merci pour votre participation à cette commission, c'est toujours apprécié.
Alors, nous allons suspendre les
travaux...
M. Blackburn (Karl) : Merci
pour votre écoute.
Le Président (M. Allaire) : Merci
à vous, mais on va suspendre...
M. Blackburn
(Karl) :
Merci.
Le Président (M. Allaire) : ...les
travaux quelques instants pour permettre à l'autre groupe de s'installer.
Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 48)
(Reprise à 10 h 53)
Le Président (M. Allaire) : Alors,
nous allons reprendre les travaux. On accueille maintenant la Fédération des
chambres de commerce du Québec. M. Pageau, M. Gagnon, je vous laisse
le soin quand même de vous présenter peut-être avec votre titre. Je vous cède
la parole pour votre exposé de 10 minutes. Va s'en suivre une période
d'échange. La parole est à vous.
M. Gagnon
(Alexandre) :Merci, M. le Président. M.
le ministre, Mesdames et Messieurs les députés, merci de nous accueillir aujourd'hui
afin d'échanger sur un projet de loi important, un projet de loi qui vient
modifier certains travers dans notre régime de relations de travail.
Mon nom est Alexandre Gagnon,
vice-président travail capital humain pour la Fédération des chambres de
commerce. Je suis accompagné de mon collègue Stéphane Pageau, conseiller
principal main-d'oeuvre et affaires publiques, qui participe pour la première
fois à une commission parlementaire, donc je vous demande un peu de compassion.
Avant d'amorcer la présentation de nos
recommandations quant au projet de loi, permettez-moi, un peu à l'image de nos
prédécesseurs, d'exprimer certaines préoccupations et inquiétudes sur
certaines... certains des épisodes qui se sont déroulés récemment.
Dernièrement, nous avons assisté à plusieurs événements regrettables que nous
croyons ne plus revoir au Québec. En quelques semaines, un lanceur d'alerte
s'est fait traiter de criminel en ondes. Un média a reçu une mise en demeure
afin de contraindre à arrêter d'enquêter sur des allégations. Des travailleurs
de deux hôtels se sont fait intimider et injurier par des manifestants car ils
n'étaient pas suffisamment solidaires d'un conflit de travail survenant dans un
autre établissement. La semaine dernière, un coroner est venu affirmer qu'un
travailleur s'était malheureusement enlevé la vie des suites d'une profonde
détresse psychologique découlant de conflits avec son syndicat après que le
Conseil canadien des relations industrielles ai reconnu son syndicat coupable
d'avoir eu recours à de l'intimidation et à de l'hostilité à son égard, et,
dans un deuxième temps, après avoir organisé un procès syndical contre lui pour
avoir émis publiquement une position qui ne concordait pas avec celle de son
syndicat. Le travailleur en question se serait d'ailleurs enlevé la vie peu de
temps après que son syndicat eut refusé de reconnaître un billet médical
affirmant qu'il n'était pas en état d'assister au procès syndical en question.
M. le ministre, vous n'êtes pas sans
savoir personnellement que la semaine dernière, une manifestation a mal tourné
après que des représentants syndicaux aient brisé des fenêtres, empêché une
association d'employeurs de se réunir et de vous entendre faire part de la
vision du gouvernement afin de faire face aux importants défis que nous
traversons. Est-ce nécessaire de rappeler aujourd'hui que la liberté
d'expression, le droit d'association et le droit de rassemblement ne sont pas
seulement...
M. Gagnon
(Alexandre) :...des droits s'appliquant
aux syndicats. Manifestement, autant le droit d'association est important et
légitime, autant la réalité nous démontre que certaines balises doivent être
mises en place.
Revenons au sujet aujourd'hui. Le projet
de loi n° 89 vise à assurer le bien-être de la population lors de conflits
de travail. Il s'agit d'une intention à laquelle nous souscrivons, évidemment,
complètement. À notre compréhension, le débat qui suivra dans les prochains
jours sera d'évaluer la place laissée à la population comme partie intéressée
aux négociations de conventions collectives. Un examen des relations de travail
des dernières années a rapidement mis en lumière que l'opinion publique est
devenue un réel instrument de moyen de pression. Campagnes publicitaires,
manifestations en des lieux autres que le milieu de travail et interventions
médiatiques sont maintenant la norme, plutôt que l'exception. Manifestement, la
population est devenue une partie intéressée et intéressante dans le cadre des
négociations de conventions collectives modernes.
Nous devons également nous entendre
ensemble qu'une négociation fructueuse est l'exercice de rapports de force
devant être faits entre un employeur et un syndicat. Nous devons arrêter de
rendre normal que la meilleure façon de faire bouger son employeur, c'est
d'atteindre la viabilité économique de son client, ses fournisseurs et de leurs
employés. L'exercice sain du rapport de force, ce n'est pas d'isoler les
habitants d'une île ou de priver des milliers de personnes de moyens de
transport pour aller travailler ou obtenir des traitements médicaux. Cependant,
même si la population fait les frais de certains conflits de travail, elle n'a
pas d'outils à sa disposition afin de limiter les préjudices qu'elle subit et
afin de se faire entendre par les parties.
La mesure principale de ce projet de loi
est, tout d'abord, d'imposer un dialogue, une réflexion. Il ne devrait pas être
exceptionnel d'amorcer une négociation en réfléchissant aux moyens à mettre en
place afin de ne pas nuire inutilement à la population lors d'éventuels
conflits de travail. Cette discussion doit être faite en prévention, pas de
façon exceptionnelle, en réaction à l'imminence de répercussions
catastrophiques pour la population. Peu de milieux de travail ont réellement le
potentiel de créer des préjudices graves en cas de conflit. Nous aurions donc
avantage à nous inspirer de la pandémie et de l'évaluation des services
autrefois nommés essentiels afin d'assurer une viabilité minimale de certains
services, de notre société et de notre économie. Prévoir, par règlement, que
certains milieux tiennent ces réflexions en début de négociation, et avant
l'obtention du droit de grève ou de lockout, serait le meilleur mécanisme
possible afin d'atteindre les objectifs du projet de loi de protéger la population,
et ce, sans brimer de façon exagérée les droits d'association des travailleurs
et des employeurs.
Évidemment, il peut survenir, à de rares
occasions, que les parties négociatrices et le Tribunal administratif du
travail ne soient pas au fait d'enjeux spécifiques de certains acteurs de la
population. C'est pourquoi nous demandons qu'une partie tiers puisse interpeler
directement le tribunal afin que ce dernier examine les services minimaux à la
lumière des enjeux spécifiques de cet intervenant. Lorsque cela surviendrait,
le tribunal pourrait déterminer de façon urgente si la suspension immédiate des
moyens de pression est nécessaire ou non, afin d'éviter un préjudice grave et
irréparable. Un tel processus assurerait à la population de pouvoir être entendue
par les parties.
Selon nous, le pouvoir spécial du ministre
prévu au projet de loi est une mesure exceptionnelle, soit, mais,
malheureusement, nécessaire. Il arrive que les parties soient trop éloignées,
que le climat soit trop toxique et que la population ou l'économie ne puissent
plus subir les contrecoups d'un arrêt de travail. L'arbitrage exécutoire est
parfois la seule solution. Ni patronale ni syndicale, une telle mesure nuit aux
deux parties. Toute personne ayant fait des relations de travail vous racontera
l'adage que la pire des ententes vaut mieux que le meilleur des arbitrages. Il
est ardu, pour les deux parties, de travailler au quotidien avec une convention
imposée par un arbitre.
Cependant, comme les travailleurs ont le
droit de grève, et les employeurs ont le droit de lockout, la population, en
tant que partie intéressée qui se fait entraîner, malgré elle, dans un conflit,
doit également avoir accès à une arme ultime et dissuasive, soit l'imposition
d'un arbitrage. Le meilleur indicateur du succès de cet outil à la disposition
du ministre est de, finalement, ne jamais en avoir de besoin. Une fois cela
dit, nous recommandons que, dans les rares cas où cela sera nécessaire, les
arbitrages soient effectués sur le modèle de la meilleure offre globale ou
communément appelée baseball. Ce modèle pousse les parties à faire les
propositions les plus raisonnables possible. Il y a là le gage de discussions
plus saines, plus sereines, et l'établissement d'une meilleure paix
industrielle pour le Québec.
• (11 heures) •
Finalement, il nous semble particulier que
l'industrie de la construction ne soit pas touchée par ce projet de loi.
Véritable moteur de l'économie de notre société québécoise, elle représente, à
elle seule, 17 % de notre PIB. Les conflits de travail dans cette
industrie sont systématiquement catastrophiques pour notre économie. Les
gouvernements sont d'ailleurs intervenus à quatre occasions afin d'imposer un
retour au travail par une loi spéciale. Les autres ententes sont généralement
survenues, d'ailleurs, après une ou des interventions du ministre du Travail de
l'époque, afin de rappeler qu'il n'hésiterait pas à légiférer si les parties
n'arrivaient pas à une entente. Selon nous, l'industrie de la construction est
l'exemple parfait de l'industrie qui bénéficierait des mécanismes prévus au
présent projet de loi, et nous recommandons donc que la loi R-20 soit modifiée
en conséquence...
11 h (version non révisée)
M. Gagnon
(Alexandre) :...nous vous remercions pour
votre écoute et sommes prêts à répondre à vos questions.
Le Président (M. Allaire) : Merci.
On a... On débute la période d'échange avec la partie gouvernementale. M. le
ministre, la parole est à vous pour 16 minutes 30 s.
M. Boulet : Oui, merci, M. le
Président. Merci à la Fédération des chambres de commerce du Québec, Alexandre,
Stéphane. C'est aussi un excellent mémoire. Évidemment, vous vous exprimez de
façon concrète. Vous êtes à la quête de solutions qui sont adaptées et qui
visent essentiellement à atténuer les répercussions négatives que des conflits
de travail peuvent avoir sur une société, sur une économie, sur un
environnement. Et c'est ça, ce que nous recherchons, essentiellement.
On peut citer des exemples
continuellement, mais on en a vécu en éducation, on en a vécu en transformation
alimentaire, dans le transport scolaire, dans le transport en commun, dans un
cimetière, et il y en a d'autres. Puis il faut penser aussi particulièrement
aux personnes qui sont rendues vulnérables. Puis, tu sais, il y a des personnes
qui sont faciles à identifier, là : les enfants à besoins particuliers,
souvent, j'y ai référé, dont les services éducatifs sont interrompus et à l'égard
desquels le conflit peut avoir un impact permanent sur le développement de sa
compétence, une personne à faibles revenus, vous le disiez, M. Gagnon, qui ne
peut pas aller travailler, et je rajouterais qui ne peut pas aller pour
recevoir un service médical, les personnes qui vivent dans l'insécurité
alimentaire, les personnes qui sont isolées, les personnes qui vivent des
conséquences disproportionnées par rapport aux conflits de travail.
Je pense qu'on est d'accord avec l'essence
de vos propos. Maintenant, évidemment, comme le groupe précédent, vous
souhaitez certains élargissements à la portée de l'application de la loi.
Et juste quelques points, M. Gagnon. Vous
dites : On devrait publier une liste de secteurs. Et pourquoi ne pas avoir
une liste de secteurs pour le moins possible porter atteinte à l'exercice du
droit des syndicats et des employeurs? Parce qu'une grève, c'est pour mettre
une pression sur un employeur pour qu'il accepte des conditions de travail. Ce
n'est pas pour mettre de la pression sur la population particulièrement rendue
vulnérable. Et un lock-out, c'est la même affaire, pour mettre de la pression
sur un syndicat pour qu'il accepte des conditions de travail, et pas que ça ait
des répercussions dommageables sur la population. Et c'est la raison pour
laquelle il n'y a pas de liste de secteurs. Il faudra que ce soit appliqué au
cas par cas, de manière très exceptionnelle et que les impacts sur la sécurité
de la population soient bien analysés, soient bien documentés.
Et c'est applicable pour une négociation,
pas pour un secteur, on ne pourra pas dire, selon ma compréhension, qu'un
secteur est visé par le maintien de service minimum, mais à un conflit de
travail qui aura des répercussions particulièrement dommageables pour la population.
Là, il y aura possibilité d'un décret et d'une décision par la suite du
Tribunal administratif du travail. Ça fait que je voulais un peu vous faire
cette précision-là. Est-ce que... Oui. Vous vouliez faire un commentaire,
allez-y, M. Gagnon.
M. Gagnon
(Alexandre) :Certainement. On peut
comprendre que, dans un aspect réparateur ou réactif à un conflit de travail,
il faut être limité puis il faut y aller à la pièce. D'accord. Maintenant, le
dialogue, c'est quand même l'atteinte minimale qu'on peut bien penser pouvoir
mettre à un droit de négocier. On vous impose un sujet de conversation, un
sujet d'échange, en début de négociation, qui est de réfléchir est-ce que, si,
le cas échéant, on fait un conflit de travail, si on fait un arrêt de travail,
quelles conséquences il aura sur notre population, sur notre environnement. Une
entreprise est avant tout un acteur économique, mais un acteur social qui
réagit dans un environnement précis, dans un environnement large, qui a des
conséquences sur ce qui l'entoure. Et ce doit être pris en compte lorsque les
parties commencent à négocier, dans un aspect préventif de discussion, de
dialogue, d'identification, qui va probablement ramener d'une convention à l'autre
des aspects très similaires, une fois que les premières listes seront faites.
Pour nous, à ce moment-là, il y a... il y a évidemment un aspect fonctionnel et
évidemment beaucoup plus efficace...
M. Gagnon
(Alexandre) :...beaucoup plus serein,
beaucoup plus adapté à prévenir des conséquences importantes pour notre
population. Donc, d'y aller uniquement de façon réactive, bien, n'ira pas dans
le sens du dialogue que vous prônez depuis plusieurs années afin d'encourager
la conciliation, la médiation dans tous les aspects. Pour nous, notamment, au
niveau de la prévention, de ses conséquences pour la population, il n'y a rien
qui ne devrait limiter cette application-là. Maintenant, ce n'est pas tous les
milieux qui vont avoir des conséquences graves pour la population, on en
convient, c'est pourquoi on impose la discussion. Et lorsqu'il y a
manifestement des enjeux, pour la population, qui découlent, là il y aura une
imposition où il y aura une discussion, quand approchera le tribunal, pour
faire dicter des normes minimales.
M. Boulet : Ah! tout à fait.
Puis vous avez raison, parce que, d'abord, ce n'est pas une première convention
collective de travail, quand c'est un renouvellement, même une première, les
parties s'assoient à une table de négociation, travaillent ensemble, la négo
leur appartient. C'est à ces parties-là de convenir des conditions de travail
qui vont être incluses dans la convention collective de travail. Et, comme vous
le savez, on a des services pour aider à la négociation, on a des
conciliateurs, médiateurs. Et c'est là, quand on s'en va au bout de l'entonnoir
puis qu'on a une impasse, et que là on réalise dans ce conflit-là que les
critères prévus dans la loi s'appliquent dans le projet de loi, là le Tribunal
administratif du travail aura à interpréter puis à appliquer en fonction de la
preuve qui est faite devant lui, ce tribunal-là. Puis d'ailleurs j'en parlais
peut-être un peu plus tôt, mon collègue de Matane-Matapédia demandait récemment
de déclarer la Société des traversiers comme un service essentiel - vous hochez
de la tête - puis il mentionnait: Cinq journées sans traverse, ça ne peut pas
marcher.
Évidemment, puis je le connais, puis il
l'a même mentionné, je le dis de souvenir: Il faut quand même être solidaire
avec les travailleurs, mais il faut tenir compte des répercussions d'un conflit
sur la population. Est-ce que c'est un exemple qui vous apparaît manifeste ou
qui devrait faire l'objet d'une interprétation par le tribunal, par exemple?
M. Gagnon
(Alexandre) :C'est un excellent exemple à
prendre pour voir dans quels cas on peut préventivement penser qu'il y aura des
impacts et non pas attendre le conflit de travail. Lorsque les tensions et les
pressions sont au paroxysme et que d'obtenir des ententes raisonnables sont de
plus en plus difficiles au début d'une grève ou d'un lock-out. Vous avez parlé,
oui, de traversiers, d'ailleurs, il faut parler notamment du maire de
L'Isle-aux-Coudres, ce matin, qui a demandé une mesure un peu équivalente pour
sa population, pour son île, justement, en raison des conséquences importantes
que peut avoir un arrêt de travail au niveau des traversiers. Mais je vous
amènerais aussi dans le passé, on a eu également même un conflit de travail
dans la transformation alimentaire, qui a même amené des réflexions, même
auprès de Québec solidaire, en tout respect, donc, à savoir la nécessité, dans
certaines circonstances, de peut-être réfléchir à un mécanisme pour prévenir
des dommages environnementaux, mais également économiques et sociaux pour la
population.
M. Boulet : Tellement,
tellement, tout à fait. Mais c'est sûr que là où je suis un petit peu moins
confortable, c'est, vous auriez tendance à nous proposer d'intervenir en amont
plutôt que d'attendre et de documenter. C'est sûr que le risque constitutionnel
est plus grand de le faire en amont. Je pense que - je le répète, là, et je
pense qu'on se comprend - je pense qu'il faut attendre que ce soit confirmé
puis qu'il y ait des impacts plutôt que de l'anticiper puis, après ça, de faire
un décret ou d'analyser en tenant compte des critères qui sont dans le projet
de loi.
• (11 h 10) •
Vous mentionnez, un peu à l'instar du
groupe qui vous a précédé, que les principes de maintien des services devraient
s'appliquer aussi dans un secteur qui est régi par un régime particulier,
c'est-à-dire l'industrie de la construction. Je le répète, mais comment...
Donnez-moi un élément de réponse sur notre analyse. Bon, évidemment, c'est un
secteur qui est particulier. Je comprends qu'un conflit peut avoir des impacts,
d'ailleurs...
M. Boulet : ...en 2017, le
gouvernement qui nous a précédés a adopté une loi spéciale. Nous n'avons
d'ailleurs pas adopté de loi spéciale depuis 2018. Mais cette loi spéciale là a
été déclarée inconstitutionnelle, là, si je ne m'abuse, en 2022 par la Cour
supérieure de Montréal. Mais c'est quand même un secteur où les dispositions
antibriseurs de grève ne s'appliquent pas. Or, comment concilier
l'inapplicabilité des dispositions antibriseurs de grève avec votre
recommandation d'assujettir quand même ce secteur-là au p.l. no° 89?
M. Gagnon
(Alexandre) : L'industrie de la construction... On nous ramène
à notre exemple de quand on parlait d'avoir un mécanisme préventif, d'avoir...
d'imposer la discussion et d'imposer les échanges. On l'a vu également pendant
la pandémie où qu'on a été voir quels sont les travaux minimums pour assurer la
viabilité économique de notre province, puis de notre population, puis de notre
société. Puis la construction a été un des critères qui avait été mis de
l'avant, une des industries. Pas dans son ensemble, là, hein? Rappelons-nous,
il y avait certaines activités très précises qui ont été mises, qui
imposaient... pas qui imposaient, mais qui permettaient à certains... certains
types de travaux de continuer le temps des moyens... des moyens de prévention
au niveau de la COVID. C'est un peu équivalent, là, de ce qu'on propose
aujourd'hui. Donc, c'est de permettre les échanges plus que la loi spéciale,
plus que le pouvoir de retour au travail, le pouvoir spécial que le projet loi
prévoit, c'est le dialogue entre les parties et la détermination de services
minimums afin de ne pas avoir trop d'impacts sur la population. Ce n'est pas
exceptionnel comme demande. Je pense que même le fédéral, c'est beaucoup plus
systématique comme réflexion dans les milieux de travail. On a déjà des tables
de discussion, des tables d'échange nationales au lieu de... au milieu des...
pour négocier les conventions collectives. D'avoir cet outil supplémentaire là
à leur disposition ne ferait certainement pas de mal. On n'en est pas entrain
de voir comment ne peut pas nuire à l'employeur dans la construction, mais là
d'éviter qu'il y a des dommages trop importants à la population autour. Donc
là, est-ce qu'on est prêt à ne pas donner voix à la population qu'on tente
justement de prévenir les atteintes à leur bien-être.
Donc, que ça soit dans le milieu de la
construction que ça soit n'importe quel secteur d'activité, on devrait
toujours, si on a un potentiel d'avoir des impacts importants, graves pour la
population, permettre une détermination de services minimaux, une évaluation
des services minimaux pour assurer que leur bien-être soit protégé. Donc, la
construction, soit, mais c'est... C'est un exemple d'une industrie tellement
importante et qui a été déterminée à chaque conflit de travail, à chaque fois
qu'il y a eu un arrêt de travail comme étant trop important pour notre
économie, trop important pour la viabilité économique de notre province. Donc,
soyons conséquents, si on est pour se donner des nouveaux outils pour protéger
de ce type de situation, là, bien, profitons-en pour les donner également à ce
secteur de la construction.
M. Boulet : Merci à
M. Gagnon. Puis là, peut-être dernier élément, l'arbitrage de différends.
Comme vous le savez, le Code du travail le prévoit déjà, la possibilité pour la
ministre du Travail de déférer à un arbitre de différends, sur demande d'une
partie quand c'est une première convention, sur consentement des deux parties
quand c'est un renouvellement de convention collective. Et dans le Code du
travail, il y a des critères que l'arbitre doit considérer. Puis l'arbitre, je
le répète, c'est une personne qui est neutre, impartiale et indépendante, qui
fait l'objet d'ailleurs de recommandations du Comité consultatif du travail et
de la main-d'œuvre, où vous siégez d'ailleurs, où les centrales syndicales
siègent, où les associations patronales sont aussi présentes. Et la liste des
arbitres constituée par le Comité consultatif du travail et de la main-d'œuvre
est l'objet d'un consensus fait par les associations patronales et syndicales.
Mais je reviens aux critères. Bon, les
critères, si je me souviens bien, dans le Code du travail, c'est les conditions
de travail dans des entreprises semblables, notamment. Dans le secteur
municipal, il y a d'autres critères, mais vous proposez ce que vous appelez le
modèle baseball. Ça, donc, c'est les offres finales globales. C'est quoi la
distinction? Vous dites...
M. Boulet : ...les deux
parties présentent leur offre finale globale, et l'arbitre a à déterminer la
dernière meilleure offre. Est-ce que c'est bien ça? Donc ça, ça a été assez
populaire aux États-Unis, ça a été utilisé quand même dans certains contextes,
donc c'est ce que vous dites. Mais là, ça prend l'accord des deux parties, puis
que l'arbitre adhère à ça. Mais ce que vous dites, c'est qu'on devrait prévoir,
dans le projet de loi, la possibilité pour les parties, pas une obligation, là,
je présume, la possibilité pour les parties d'adhérer à ce mécanisme-là que les
deux parties soumettent leur dernière meilleure offre, et l'arbitre décide, en
fonction des critères prévus dans le Code du travail, laquelle est la dernière
meilleure. Est-ce que c'est bien ça?
M. Gagnon
(Alexandre) :Oui.
M. Boulet : Ça force les
parties à se rapprocher beaucoup.
M. Gagnon
(Alexandre) :Un arbitrage de différends,
un arbitrage... conventionnel, c'est que les parties, tout le long, vont garder
des positions extrêmement distancées puisqu'ils vont s'attendre à ce que l'arbitre
trouve une voie mitoyenne. Donc évidemment, les rapprochements potentiels, dans
ces circonstances-là, sont très peu probables, et il va avoir un campement dans
les positionnements historiques, puis ils ne vont pas bouger de ces endroits-là
parce qu'ils vont savoir que, finalement, il y a quelqu'un qui va venir... va
venir au milieu.
Un arbitrage est fait sur la meilleure
offre globale finale, ça l'oblige les parties à être les plus raisonnables
possibles, à être de bonne foi, à trouver quelque chose que l'arbitre va
trouver sain, qu'il va trouver équilibré, qu'il va trouver fonctionnel dans le
cadre du travail, que les milieux vont être capables d'utiliser dans le cadre
de leur travail, dans les prochaines années.
Le Président (M. Lemay) : Merci,
merci. Malheureusement, ça fait... ça met fin au bloc d'échange avec la partie
gouvernementale. On enchaîne avec la députée de Bourassa-Sauvé. La parole est à
vous pour 10 min 24 s.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
M. le Président. Bonjour, M. Gagnon. Bienvenue en commission, M. Pageau. Donc,
je vais vous laisser poursuivre votre réponse, parce que c'était effectivement,
donc, l'une des questions que j'avais pour vous. Ça fait qu'on peut y aller par
la fin de votre mémoire et vous laisser nous expliquer un peu, là, quelle est
la stratégie de... le modèle de baseball, là, que vous présentez.
M. Gagnon
(Alexandre) :Baseball, c'est parce que ça
a été popularisé, notamment parce que ça avait été utilisé par la Ligue
nationale de baseball. Donc, c'est resté dans... dans le jargon populaire, là,
mais... Donc, en utilisant la meilleure offre globale finale, on s'assure que
tous les aspects sont considérés, pas uniquement certains aspects qui sont
souvent financiers ou le minimum notamment, hein. L'arbitre de différends va
voir à ce... sur quoi j'ai absolument besoin de trancher, et il va y aller au
milieu. Donc, il n'y... on n'incite pas le changement organisationnel, on
n'incite pas les transformations des modèles d'affaires ou l'ajustement à la
nouvelle réalité de l'organisation, et donc ça met en pause beaucoup
d'innovation dans nos entreprises, puis on en a de besoin d'innovation. Donc,
en allant avec une meilleure offre globale, on s'assure que tous les aspects de
ce qu'il y a besoin d'être modernisé dans la convention sont utilisés en plus
de façon beaucoup plus sereine, avec des positions beaucoup plus raisonnées et
raisonnables.
Mme Cadet : Et j'imagine donc
que ça amène les parties à être plus satisfaites de la décision de l'arbitre,
puis on s'entend, vous l'avez mentionné d'entrée de jeu, là, que donc la pire
des ententes est meilleure qu'une entente qui est imposée. Mais dans ce cadre
là, donc selon le modèle que vous présentez, puis je pense que le ministre dit
que vous demandez que ça puisse s'effectuer selon ce modèle-là. Mais ce que je
vois de votre recommandation, là, c'est qu'en fait, vous préfériez, là, que ce
soit le modèle qui soit en fait soumis aux parties.
M. Gagnon
(Alexandre) :Le modèle de base et, le cas
échéant, où qu'ils ne veulent absolument pas l'utiliser, d'accord qu'ils
puissent utiliser un arbitrage conventionnel, mais ça devrait être l'exception,
là, pas la norme, là.
Mme Cadet : D'accord. O.K.
Alors, je comprends très bien ça. Puis peut-être que nous, on va rester de
votre côté sur la question de l'arbitrage exécutoire et puis on ira ensuite sur
la question des services minimalement requis. Donc, de votre côté, évidemment,
c'est le... l'objectif qui nous est présenté par le projet de loi, c'est
s'assurer d'amoindrir l'impact des différents conflits de travail donc qui...
qui s'allongent sur le bien être de la population. C'est ce qui nous est
présenté ici. Est-ce que vous pensez que le modèle d'arbitrage exécutoire, puis
évidemment, là, vous y allez avec une recommandation sur le mécanisme à
employer, mais de façon générale que le ministre puisse disposer de ce levier
d'action là, donc aurait donc un véritable impact sur la capacité, donc,
d'amoindrir cet impact-là sur la population?
• (11 h 20) •
M. Gagnon
(Alexandre) :À ce moment-ci, on n'est pas
tant dans l'amoindrir les impacts sur la population, on en est surtout pour
donner une voix puis un mécanisme pour la population de se faire entendre et
de... d'éviter des préjudices trop importants pour eux. Donc, en ayant cet
outil-là à la disposition du ministre, ce que ça fait, c'est que finalement les
parties vont se dire : Si jamais on n'arrive pas à s'entendre, si on n'est
pas assez de bonne foi, si on n'évalue pas suffisamment bien les services minimums
devant être...
M. Gagnon
(Alexandre) :...pour assurer le bien-être
de la population. Si on ne prend pas cette préoccupation au sérieux, oui,
peut-être qu'on sera exposé à un arbitrage exécutoire par le ministre. Donc, ce
n'est pas un outil qu'on aimerait qui soit utilisé, on s'entend, sauf que c'est
un outil afin de s'assurer que dans les réflexions, quand les milieux vont
évaluer les services minimums ou quand ils vont être en train de négocier puis
ils ne seront pas capables d'arriver à une entente, mais il y a quelqu'un qui
va venir décider pour vous si vous ne le faites pas, parce que pour la société,
c'est trop important, pour l'économie, c'est trop important, pour
l'environnement, c'est trop important. Donc, c'est un outil qui doit être exceptionnel,
mais c'est un outil de dissuasion en premier, premièrement et avant tout.
Mme Cadet : Donc, je vais
revenir tout de suite sur la question des services minimalement requis. On l'a
dit un peu plus tôt, donc, il s'agit ici de droit nouveau. Donc, comment...
est-ce que vous pensez que la façon dont était libellé l'article en question,
là, l'article qui établit donc les services finalement requis, qu'il offre des
balises assez robustes, donc, au Tribunal du travail, pour pouvoir se pencher
sur ces questions-là dans le cas éventuel où, bon, le projet de loi est adopté
et qu'un compris se retrouve devant le TAT, et qu'on a à trancher sur des
services minimalement requis?
M. Gagnon
(Alexandre) :Il y a le... On propose une
modification à une définition, un petit peu, là, pour évaluer, mettre en... une
équivalence au terme disproportionné, parce que lorsqu'on met disproportionné,
disproportionné par rapport à quoi? Tu sais, donc ce qu'on vient préciser,
c'est que ce serait important de venir confirmer que l'évaluation de la
disproportionnalité des impacts est en lien avec les objectifs poursuivis par
la négociation de conventions collectives, donc par rapport aux objectifs de
faire pression, pas sur la population, pas pour les entreprises qui entourent,
mais sur leur employeur ou sur leur syndicat. Donc là, par rapport à ça, ça
ouvre un petit peu la voie à certains aspects... juridiques qu'on voit
davantage d'habitude dans le Code civil, lorsqu'il y a des poursuites en
mitigation des dommages. Donc, lorsqu'une partie cause des dommages à une autre
partie tierce, mais il doit s'assurer de mitiger ces dommages-la, s'assurer que
ces dommages-là ne sont pas disproportionnés par rapport à l'événement pour
lequel ils ont été causés. Donc, exemple, il y a eu une inondation dans un
sous-sol, mais la personne qui vit au sous-sol doit quand même, avec ses
assureurs, s'assurer qu'il mitige les dommages dans son sous-sol, enlever ce
qu'il peut sauver pour éviter qu'il y ait même une indemnisation par
l'assurance. Donc, c'est un peu l'équivalent ce qu'on demande aux parties, puis
c'est la protection qui est donnée, c'est de dire : avec cette définition
là, c'est un peu faire recours à la jurisprudence dans le cadre des processus
civils, c'est de mitiger les dommages pour la population, de prendre les moyens
raisonnables pour y arriver.
Mme Cadet : ...vous donnez
l'exemple de l'Allemagne dans votre mémoire.
M. Gagnon
(Alexandre) :Oui, et c'est justement au
niveau de la détermination de qu'est-ce qu'un service assurant le bien-être,
ils ont une mesure un peu équivalente au niveau de l'Allemagne. Ils sont venus
préciser davantage. À la différence près que l'Allemagne, elle, compte
notamment les parties au litige, donc l'entreprise, donc qui vient dire qu'un conflit
de travail n'est pas un motif raisonnable pour amener la faillite de
l'entreprise. Maintenant, nous, on... bon, si vous voulez aller là, on ne vous
empêchera pas, mais... évidemment, mais sur nos préoccupations et surtout pour
les entreprises tierces, pour les parties tierces aux conflits de travail qui
n'ont pas leurs voix, qui n'ont pas de moyens de mitiger les dommages qu'ils
subissent.
Mme Cadet : Puis, comme votre
prédécesseur, en fait, à votre troisième recommandation, dans la même lignée,
vous nous recommandez de permettre à une partie intéressée de faire appel aux
TAT pour que ce dernier considère les répercussions de l'arrêt de travail sur
son bien-être ou la population qu'il représente. Donc, vos prédécesseurs, je
n'ai pas eu le temps de leur redemander, donc, des précédents, donc, ailleurs
au Canada, je ne sais pas si vous, vous en aviez pour nous.
M. Pageau (Stéphane) : Mais
précisément, là, des précédents à ça on n'en a pas à vous proposer. Toutefois,
on pense que c'est dans l'esprit du projet de loi que, puisqu'on est là pour
protéger le bien-être de la population, que la population puisse se faire
entendre par elle-même lorsqu'elle est la bonne juge des propres impacts
qu'elle peut vivre suite à un conflit, un conflit de travail ou à un arrêt de
travail.
M. Gagnon
(Alexandre) :Permettez peut-être...
peut-être ajouter. On l'a quand même au niveau du fédéral, O.K.? Donc, ça,
c'est un mécanisme. On n'attendra pas qu'une des deux parties après un décret
détermine qu'elle a besoin d'avoir une détermination des services minimums, une
partie tierce. On est dans un mécanisme qui est pour protéger la population
encore plus que les parties...
M. Gagnon
(Alexandre) :...intéressées à la
négociation, la population a encore plus droit au chapitre et devrait pouvoir
intervenir pour identifier à est-ce qu'il y a réellement ou non des impacts
pour leur bien-être à eux. Donc, dans ces circonstances-là, oui, que le
ministre puisse demander la détermination, mais qu'également les partis tiers
qui sont touchés directement de façon disproportionnée, qui pensent peut-être,
éventuellement, qu'un conflit aurait des impacts disproportionnés sur leur
bien-être, sur leurs opérations, qu'ils puissent s'interpeler au Tribunal
administratif du travail et demander aux partis de s'entendre sur une liste de
services minimums.
Mme Cadet : Rapidement, avant
de passer la parole à ma collègue. Donc, dans ce cadre-là, vous demandez de...
vous ne le mettez pas juste, donc, comme option, vous demandez donc de
remplacer le processus de décret du gouvernement. Est-ce que, selon vous, donc,
ça permettrait d'avoir un processus qui est plus impartial, efficace et
adéquat, là, les critères de la Cour suprême?
M. Gagnon
(Alexandre) :Bien, ça vient surtout
élargir le spectre des personnes qui peuvent demander cette intervention-là. Le
ministre va être tout en droit d'exiger encore une fois cet examen-là. En fait,
dans le projet de loi, comment ça... Le décret du ministre, tout ce qu'il fait,
c'est de permettre aux partis de le demander, hein? Donc, que le gouvernement
demande par lui-même ou que ce soit un parti tiers qui demande l'examen des
services minimums, le tribunal a... est capable d'examiner à la face même des
présentations qui leur sont faites si, oui ou non, il y a vraiment...
réellement un potentiel de préjudice grave pour la population. Donc, pour nous,
ça vient juste bonifier un peu davantage, ça vient reconnaître que, finalement,
c'est la population qu'on veut protéger, pas un parti ou un autre.
Mme Cadet : Merci.
Le Président (M. Allaire) : Mme
la députée de D'Arcy-McGee, 30 secondes.
Mme Prass : Merci.
Question. : Pour ne pas brimer justement le droit de grève des syndicats,
pensez-vous qu'il devrait y avoir une période minimale où il devrait être
permis d'aller en grève avant que le ministre entame différentes démarches qui
sont proposées dans le projet de loi?
Le Président (M. Allaire) : ...
M. Gagnon
(Alexandre) :20 secondes, oui. Une
période minimale... en fait, c'est de... L'ensemble des milieux de travail,
l'ensemble des conventions collectives ont des particularités différentes.
Donc, une entreprise pourrait être en grève pendant six mois sans avoir
d'impacts trop importants pour la population, une autre pourrait l'être pendant
deux jours et ça serait catastrophique.
Le Président (M. Allaire) : ...d'Hochelaga-Maisonneuve,
on enchaîne avec vous, trois minutes 28 secondes.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous deux. On parle beaucoup de l'intérêt des personnes
vulnérables, de la population. Prenons l'exemple des CPE qui sont en grève
aujourd'hui, là, pour la quatrième journée. Si vous, moi et une éducatrice de
CPE sommes dans une pièce, selon vous, laquelle de ces trois personnes a le
plus l'intérêt des enfants à coeur?
M. Gagnon
(Alexandre) :Bien, je pense que ce n'est
pas... La valeur des intérêts des enfants, je ne pense pas que personne ici ne
peut définir qui a la plus grande probité pour défendre l'intérêt des enfants.
Honnêtement, je pense que le Québec... Il y a un vieux proverbe qui
disait : Le Québec est fou de ses enfants. Moi, j'ai été président d'un
conseil d'administration de CPE, j'ai vu c'était quoi, j'ai trois enfants en
bas âge qui vivent ça, j'ai le privilège de siéger au Conseil de gestion de
l'assurance parentale pour encourager. Maintenant, on est tous des acteurs
sociaux...
M. Leduc : Ah! on a tous
notre opinion, ce n'est pas ça, la question, mais moi, j'ai l'impression, et
c'est ma conviction profonde, que l'éducatrice dans la pièce, de nous trois,
qui passe toutes ses heures de sa journée avec les enfants... je pense que
c'est elle qui a le plus de souci du développement des enfants à coeur. Je ne
veux pas dire qu'on ne l'a pas. Et cette personne-là, si elle fait une grève,
c'est là que j'essaie de vous amener, si elle décide de voter une grève comme
aujourd'hui, éducatrice, elle ne perd pas ce souci du développement de l'enfant
tout à coup parce qu'elle est en grève. C'est encore elle qui passe le plus
d'heures par journée, peut-être parfois... parfois, plus que les parents même
avec les enfants. Alors, je ne sais pas pourquoi on commence à dire que ces
personnes-là... tout à coup, ils n'ont plus l'intérêt de la population qu'ils
servent à coeur.
M. Gagnon
(Alexandre) :e n'est pas ce que j'ai dit,
et on n'a pas avancé ça du tout.
M. Leduc : ...on s'entend.
M. Gagnon
(Alexandre) :Puis je pense que le débat
aujourd'hui, ce n'est pas la question que vous posez, à savoir si vous, moi ou
n'importe qui, c'est à savoir est-ce que les parents, eux, vivent les
conséquences. C'est eux qu'on veut avoir parce que c'est eux qui vont vivre
cette situation-là avec leurs enfants. Je pense que c'est eux qu'on doit mettre
au-devant. Et c'est un peu l'essence même du projet de loi parce que c'est eux
qu'on veut mettre au-devant, à identifier les impacts sur eux et leur
réalité...
M. Leduc : Je vous renvoie la
question.
M. Gagnon
(Alexandre) :...et non pas l'employeur,
pas le syndicat.
• (11 h 30) •
M. Leduc : Je vous renvoie...
Si on casse la grève comme avec le projet de loi qui est proposé, qui est
dirigé en bonne partie sur les CPE qui s'en viennent en grève générale
illimitée, ça va dégrader les conditions de travail d'un secteur qui est déjà
en perte de vitesse. Il y a des programmes qui ferment au niveau collégial. Les
éducatrices sont mieux payées au Costco que dans leur propre CPE. S'il n'y a
pas de grève pour repousser les conditions de travail parce qu'on le casse avec
un projet de loi comme celui-là, ça va avoir une conséquence sur les parents
parce que les services de garde vont continuer à se détériorer. Et c'est là, la
logique qu'on essaie de casser avec le ministre puis que vous soutenez un peu à
travers votre présentation aujourd'hui. Les grèves génèrent des améliorations
de conditions de travail et amènent de la...
11 h 30 (version non révisée)
M. Leduc : ...dans les corps d'emploi
qu'il représente. C'est sûr que c'est pénible pour le moment. Je l'ai été, moi
aussi, avec un enfant en grève, la dernière ronde en 2021. Je n'ai pas trouvé
ça bien le fun. Mais ça a rehaussé et ça a pérennisé un peu le réseau une
couple d'années, puis là, on revit le même problème. Mais j'aimerais ça que le
réseau soit encore bon, moi, pour cinq, 10 ans encore. Puis je ne sais pas
si on va être capables de le faire avec le gouvernement actuel, qui ne négocie
pas à la table puis qui laisse la situation se détériorer. Ça fait que j'espère
qu'on va permettre la grève d'avoir lieu pour le... pour le bien-être des
petits puis le bien-être des parents.
M. Gagnon (Alexandre) :J'ai le temps de répondre à ça, M. le Président?
Le Président (M. Allaire) : Oui.
Allez-y. 20 secondes.
M. Gagnon (Alexandre) :Oui. D'accord. Le meilleur moyen d'avancer les conditions
de travail de nos éducatrices puis de nos CPE, c'est le dialogue social, c'est
la politique, c'est les décisions politiques. Maintenant, est-ce que le
meilleur moyen qui est déterminé pour faire avancer la cause d'un corps d'emploi
entier, c'est d'empêcher les parents d'aller travailler...
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Malheureusement, je dois.... Malheureusement, je dois vous couper. On enchaîne
avec le député de Jean-Talon. Rappelez-vous que votre intervention, elle est
courte, et les réponses doivent être courtes. Une minute 19 secondes. La
parole est à vous.
M. Paradis : Merci pour votre
mémoire nuancé. Mais vous dites cependant que la nécessité du projet de loi a
été démontrée, et donc c'est la nature des balises qui est la discussion ici,
en commission parlementaire. Je me demande, parce que votre... la base de votre
mémoire, c'est de dire : Il y a eu beaucoup plus de grèves dans les
dernières années qu'avant, or ce projet de loi là ne vise pas à diminuer le
nombre de grèves. Parce qu'il le dit, la grève ou le lock-out va continuer.
95 % des grèves actuellement se règlent avec une entente. Puis il y a des
balises qui ont été fixées par la Cour suprême notamment puis les tribunaux
pour gérer le processus. Êtes-vous sûrs qu'on a vraiment besoin de ce projet de
loi là?
M. Gagnon (Alexandre) :On en est pour définir... Puis on ne veut pas... Puis je
sais que ça a été discuté tout à l'heure. On ne veut pas diminuer le nombre de
grèves. Bien, tant mieux, si ça... on y arrive, tant mieux, évidemment. Ce qu'on
veut, c'est que, dans les cas exceptionnels où ça survient, il n'y ait pas de
dérapage. On l'a vu, il y a... De plus en plus, la population est prise à
partie et intéressée... considérée comme une partie intéressée à la
négociation, et c'est là qu'il y a un dérapage, c'est là qu'il faut venir corriger
notre régime de relations de travail. Parce que la négociation, à ce moment-là,
ne se fait plus entre un employeur et un syndicat. Et c'est là qu'il faut
éviter de tomber dans le piège des dernières années, des dernières décennies,
où, maintenant, c'est plus intéressant d'aller parler à la radio puis dans les
médias que d'aller parler à son interlocuteur de l'autre côté de la table de
négociation.
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Ça met fin à cette période d'échange avec le député de Jean-Talon. M. le député
de Saint-Jérôme, la parole est à vous.
M. Chassin :J'ai envie, M. le Président, de revenir sur l'exemple de la
technicienne de service de garde. Je me demande si la technicienne de service
de garde, elle jugeait, par exemple, que ce serait important de mettre fin à la
grève, comme elle a l'intérêt des enfants à cœur, est-ce qu'elle peut le faire
elle-même? Bien non, tu sais, c'est un ensemble de syndiqués qui prennent la
décision. Alors évidemment, il y a toute une question de légitimité, il y a
toute une question de réflexion sur les services essentiels. Puis vous avez
proposé, dans le fond, non seulement la partie de baseball, mais de déterminer,
avant d'avoir le droit de grève ou de lock-out... de déterminer à l'avance qu'est-ce
qui serait acceptable, qu'est-ce qui serait inacceptable. Moi, ça, je trouve
que c'est un moyen d'atteindre l'objectif sans avoir un projet de loi, disons,
abstrait, là. Ça, ça s'applique quelque part?
M. Gagnon (Alexandre) :Oui, évidemment, avec cette mesure-là, en façon préventive,
les moments où on aura besoin d'une loi spéciale vont être de beaucoup
minimisés parce qu'on se sera entendus à un moment où on est capables de
dialoguer lorsqu'on amorce nos discussions plutôt qu'au moment où on est arrivés
au point où on n'est plus capables de se parler.
M. Chassin :Puis ça s'applique où, dans... enfin, où est-ce qu'on a un
exemple de ça?
M. Gagnon (Alexandre) :Bien, nous, ce qu'on propose, c'est justement, dans tous
les milieux où on peut de facto penser que peut-être il y aurait un impact
important sur la population ou que les services...
M. Chassin :Mais le fédéral ne fait pas ça ou il n'y a pas d'autres
juridictions qui...
M. Gagnon (Alexandre) :Bien oui, le fédéral demande...
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Malheureusement, c'est encore une fois très rapide. Ça met fin à cette période
d'échange. Vous avez quand même réussi à me rappeler un beau souvenir. On s'ennuie
de nos Expos, même si c'était indirectement, on va se le dire! Alors, les gens
de la Fédération des chambres de commerce du Québec, M. Gagnon, Pageau, merci
pour votre contribution.
On suspend les travaux quelques instants.
Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 34)
(Reprise à 11 h 41)
Le Président (M. Allaire) : Alors,
nous allons reprendre les travaux. On accueille avec nous la Fédération
canadienne de l'entreprise indépendante. M. Vincent, Mme Dubé, bienvenue!
Alors, je vous laisse le soin, peut-être, de vous présenter à votre façon, avec
votre titre, puis je vous laisse aller pour votre exposé de 10 minutes. Va
s'ensuivre une période d'échange. La parole est à vous.
M. Vincent (François) : Merci,
M. le Président. M. le ministre, Mesdames et Messieurs les députés, bonjour. Je
suis François Vincent, je suis le vice-président pour le Québec de la
Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, la FCEI. Je suis
accompagné, à ma droite, d'Amélie Dubé, qui est analyste des politiques pour
notre organisation.
La FCEI, c'est le plus grand regroupement
de PME au pays. On compte 100 000 membres, dont 22 000...
100 000 membres au Canada, dont 22 000 au Québec, dans toutes les
régions, dans tous les secteurs d'activité économique. Mais aujourd'hui,
malheureusement, elles sont, les PME, encore plus que fragilisées. Après des
années de turbulences économiques de la pandémie, d'inflation, de pénurie de
main-d'œuvre, d'augmentation des coûts d'exploitation, d'augmentation des coûts
d'emprunt, elles sont assommées par la guerre tarifaire avec les États-Unis. De
plus, elles ont subi récemment des incidences des conflits de travail, qui sont
en hausse significative.
D'emblée, je tiens à dire que la FCEI
appuie le principe du projet de loi n° 89 et soutient le ministre du
Travail. Celui-ci est aussi appuyé massivement par 80 % des membres de la
FCEI au Québec. Mais, avant d'aller dans le détail du projet de loi n° 89,
nous désirons partager certains constats.
D'abord, après avoir passé une paix
relative industrielle au Québec, avec moins de 200 arrêts de travail par
année ces 30 dernières années, ceux-ci ont été trois fois plus nombreux en
2023 et 2024. L'an dernier, le Québec représentait à lui seul 91 % des
conflits de travail au Canada.
Les nombreux arrêts de travail, surtout
dans des secteurs stratégiques, ne sont pas sans conséquence pour les PME et
l'économie québécoise. Par exemple, lorsque les ports, les chemins de fer, les
traversiers ou les services de livraison sont paralysés, cela entraîne des
ruptures dans la chaîne d'approvisionnement et des pertes de ventes pour les
PME, une fragilisation de projets d'entreprises.
Lors de la grève du secteur public en
2023, c'est 50 % des PME qui ont dit avoir été affectées, selon nos
données, notamment à cause des fermetures d'écoles qui ont forcé des parents à
s'absenter du travail. Vous savez, M. le Président, la majorité des PME,
64 % pour être plus précis, ne peuvent offrir le télétravail. Ce n'est pas
parce qu'elles ne veulent pas, mais bien parce qu'elles ne peuvent pas. Changer
des pneus, des fenêtres, c'est dur de faire ça de son salon, de son bureau, de
la cuisine de son domicile.
Ajoutons aussi qu'une grève dans le
secteur de la construction frappe durement l'économie québécoise. C'est unique
au Québec. Nous sommes la seule juridiction au Canada qui peut être paralysée
de la sorte. Autre exemple récent, la grève de Postes Canada en 2024 a fait
subir des pertes de 76,6 millions de dollars par jour aux PME pour un
total de plus de 1 milliard de dollars après deux semaines de
conflit. Les PME n'ont pas les ressources financières pour absorber ce genre de
chocs économiques répétés.
Nous sommes donc ici pour appuyer le
projet de loi n° 89, qui vise à mieux encadrer les grèves et les lock-out
et la protection des services économiques critiques. Le gouvernement fédéral
dispose déjà d'un mécanisme d'intervention en cas de crise économique grave. En
effet, l'article 107 du Code canadien du travail permet au ministre du
Travail fédéral d'imposer un arbitrage lorsque le conflit de travail menace l'économie
nationale. Il ne faut pas penser qu'un tel outil est utilisé de façon exagérée
pour enlever tout moyen de pression aux entreprises ou aux syndicats. Il a été
utilisé moins de 10 fois en 25 ans au fédéral et toujours de façon
ciblée.
Évitons de partir en peur en affirmant que
le projet de loi n° 89 est une manœuvre explosive qui va faire reculer des
droits. D'abord, concernant les nouvelles dispositions d'arbitrage, tant le
côté patronal que syndical, pourra faire les mêmes pressions. Mais, en cas de
préjudice grave ou irréparable à la population, puis les mots ici, ils sont
forts...
M. Vincent (François) :
...grave et irréparable, le ministre aura un outil de plus dans son coffre pour
inciter les parties à s'entendre et à agir si cela est nécessaire. Ensuite, la
FCEI note le rôle central joué par le Tribunal administratif du travail dans le
processus de la définition des services minimaux. M. le Président, nous
invitons les parlementaires à étudier le projet de loi n° 89 avec rigueur
et en mettant l'intérêt des Québécoises et des Québécois à l'avant-plan, et
nous les invitons à l'adopter, à l'adopter en apportant des améliorations.
D'abord, pour l'améliorer, il faut offrir
la même portée en matière d'arbitrage, selon nous, pour tous les secteurs
d'activité, qu'ils soient privé, municipal ou public. D'ailleurs, nous ne
comprenons pas la logique d'exclure le secteur public et parapublic et nous
aimerions entendre le ministre sur cette question lors de la période d'échange.
Comme je l'ai mentionné précédemment, les grèves dans le secteur public ont des
répercussions majeures sur les PME. Pourquoi ne pas appliquer à soi-même ce que
l'on propose à appliquer aux autres? Qu'on complète le travail. C'est pourquoi
nous demandons une modification pour retirer l'exception faite aux secteurs
public et parapublic des dispositions d'arbitrage.
La deuxième amélioration que nous
proposons est d'inclure le secteur de la construction au projet de loi.
L'industrie de la construction représente 7 % du PIB au Québec. La grève
en 2017 a causé des pertes de 45 millions de dollars par jour au Québec.
En dollars d'aujourd'hui, une grève représenterait des pertes de
56 millions de dollars par jour. Près de deux PME sur trois estiment qu'un
arrêt de travail dans ce secteur nuirait directement à leurs opérations. Il y a
ici, selon nous, un préjudice grave. Pourtant, le projet de loi ne va pas
assujettir le secteur particulier de la construction. Nous avons demandé à nos
membres de se prononcer sur le sujet. C'est 84 % des propriétaires
d'entreprises qui croient que le secteur de la construction devrait être inclus
dans les dispositions du projet de loi n° 89. La proportion monte à
90 % pour les entrepreneurs oeuvrant dans le secteur. Déjà soumis à un
cadre législatif le plus réglementé du pays, il est incohérent d'exclure ce
secteur des mesures visant à éviter des crises économiques majeures. Nous
demandons donc au ministre et aux parlementaires d'apporter les changements
nécessaires au projet de loi pour inclure la construction.
En fait, enfin, je ne peux passer sous
silence un cadre législatif désuet et unique en Amérique du Nord, qui nuit aux
PME, c'est-à-dire la Loi des décrets de conventions collectives, la LDCC. Cette
loi impose des conventions collectives à certains secteurs d'activité et par
région. Ce régime crée un fardeau réglementaire et administratif
disproportionné et une taxe sur la masse salariale supplémentaire qui nuit aux
entreprises assujetties. La FCEI a démontré que le régime de la... vivait une
crise de conscience auprès des entreprises assujetties. La forte majorité n'y
voit aucun avantage.
Une autre étude que nous avons réalisée
fait ressortir des problèmes de gouvernance, de gestion et d'accompagnement des
comités paritaires auprès des entreprises assujetties. Certaines histoires
rapportées dans les médias illustrent même l'acharnement et le harcèlement
vécus par les PME de la part des comités paritaires. Ce sont
10 240 entreprises qui doivent composer avec ces obligations, soit
3,7 % des entreprises avec employés au Québec. Selon l'estimation de la
FCEI, le coût annuel du fardeau administratif et réglementaire lié à la LDCC
est de 46,8 millions de dollars. Dans un contexte où les PME font face à
de nombreux défis économiques, maintenir un tel fardeau réglementaire est
injustifié et contre-productif. Nous ne comprenons pas pourquoi le gouvernement
du Québec continue à protéger des comités paritaires et laisse une telle
situation juridique unique en Amérique du Nord inchangée. Le ministre du
Travail devrait montrer le même courage avec la LDCC qu'avec le projet de loi
n° 89. Il peut saisir l'occasion de ce projet de loi pour régler la
question une bonne fois pour toutes. Le Québec se doit d'agir pour assurer la
pérennité des PME, le développement économique.
Il me reste combien de temps?
Le Président (M. Allaire) :
...30 secondes?
M. Vincent (François) :
1 min 30 s. Dans le cas qui nous intéresse, avec le projet de
loi n° 89, il est sain que le Québec se dote d'outils supplémentaires dans
le Code du travail. Il faut savoir adapter les lois pour donner une marge de
manœuvre pour agir en cas opportun. Pour nous, les bases sont bien définies
pour éviter des débordements et permettre une action seulement lorsque
nécessaire. Et même dans ces cas, il est possible qu'il y ait une attente avant
l'application. Enfin, nous pensons que le ministre et les parlementaires
doivent effectuer le travail commencé avec le projet de loi, en l'appliquant
aux secteurs public et parapublic et à la construction. Merci, M. le Président.
Il nous fera plaisir d'échanger avec les parlementaires.
• (11 h 50) •
Le Président (M. Allaire) :
Merci à vous. On débute la période d'échange. M. le ministre, la parole est à
vous...
M. Boulet : ...merci,
monsieur le Président. Merci, monsieur Vincent, merci, Amélie, pour la qualité
de votre présentation. Évidemment, vous avez touché plusieurs sujets. Vous me
permettrez un certain nombre de commentaires, monsieur Vincent. Un, on est
vraiment conscients de l'importance des PME que vous représentez fortement au
Québec, le rôle dans le développement... pas qu'économique, mais aussi social
du Québec, puis on apprécie beaucoup le travail qui est fait par la Fédération
canadienne de l'entreprise indépendante et que 80 % des membres soient en
accord avec ce projet de loi là. Évidemment, c'est un commentaire que nous
considérons intéressant puis c'est important de redire l'importance de notre
environnement d'affaires, et ça en fait partie, parce que c'est certain qu'il
faut tenir compte de notre capacité à attirer puis à retenir des entreprises,
notamment des PME. Et je pense qu'un projet de loi qui s'intéresse aux impacts
des conflits de travail sur des populations, ça s'impose dans le contexte
actuel.
Puis, je le répète, ce n'est pas une loi
qui, si elle est adoptée, va être utilisée de façon fréquente, ce n'est que de
manière exceptionnelle dans des cas bien précis et avec énormément de
parcimonie. Mais je voulais faire un commentaire, parce que je ne l'ai pas fait
depuis le début, là, mais l'article 107 du Code canadien du travail, il est
libellé de façon très, très, très générale, là, c'est, «le ministre peut
prendre les mesures qu'il estime de nature à favoriser la bonne entente».
Alors, ce qu'on a voulu faire, c'est baliser un article 107 ou rendre un
article 107 plus compatible avec l'état actuel de la jurisprudence canadienne
et québécoise, et aussi des concepts qui s'inspirent... Par exemple, je disais
tout à l'heure à un collègue: Les services minimaux, c'est reconnu par le
Comité des libertés syndicales qui est sous l'égide de l'Organisation
internationale du travail, et donc on est loin de l'article 107. Puis, encore
une fois, je respecte le Code canadien du travail, mais là on réfère ici au
Code du travail du Québec.
L'arbitrage, parce que vous avez peu de
recommandations, là, monsieur Vincent, je vais me permettre des commentaires,
si vous avez des commentaires additionnels, vous pourrez les faire.
L'arbitrage, qui est le deuxième outil, ça ne s'applique pas dans le secteur
public pour la raison simple suivante, c'est difficile de demander à un tiers
de rendre une décision qui a un impact sur les fonds publics ou sur l'état des
finances publiques. Puis ça s'applique à des secteurs où il y a des milliers de
travailleurs, travailleuses. Donc, c'est souvent des questions qui requièrent
une complexité puis une analyse extrêmement fine. Puis il faut s'assurer aussi
de la cohérence de ces décisions-là. Ça fait que c'est essentiellement basé sur
ces éléments d'exclusion là que nous avons réfléchis pour exclure le secteur
public, en fait, les ministères, les organismes publics de l'application, de
l'arbitrage de différends.
Maintenant, pour la construction, bien, je
l'ai mentionné, je ne sais pas si vous m'avez entendu, c'est un régime qui est
vraiment particulier, hein, vous connaissez la loi R-20 sur les relations de
travail dans l'industrie de la construction, et il n'y a pas de disposition
antibriseur de grève. Et c'est aussi un secteur qui regroupe, c'est une
industrie qui est regroupée en quatre secteurs, il y a le résidentiel, le génie
civil puis il y a aussi l'institutionnel, l'industriel et le commercial. Donc,
c'est extrêmement vaste. Il y a un peu plus de 200 000 travailleurs et
travailleuses. Donc, ce n'est pas le même type d'industrie qui est assujetti
aux mêmes règles. Cependant, je comprends l'importance névralgique de cette
industrie-là, et je respecte les commentaires, évidemment, que vous avez bien
partagés avec nous. Pour la loi sur les décrets de convention collective, je
pense que ce n'est pas la première fois que nous en discutons, pas la dernière
fois. Je suis sensible à votre argumentaire, et c'est un dossier qui progresse
et dont on connaîtra le dénouement le plus rapidement possible, monsieur
Vincent, je vous l'assure.
Donc, essentiellement, puis je vais vous
laisser du temps: Est-ce que vous avez des commentaires additionnels, monsieur
Vincent, à partager avec nous au-delà que de dire que vous êtes aussi
préoccupés...
M. Boulet : ...des conflits de
travail, de leur incidence sur la population, puis des conflits de travail,
souvent, qui concernent des petites et moyennes entreprises, qui sont régies
par le Code du travail du Québec, et où la population peut être prise en otage,
que ce soient des personnes vulnérables, ou autres, dont la sécurité est
affectée de façon importante. Est-ce que... est-ce que vous avez d'autres
commentaires ou... Amélie, je ne sais pas si vous voulez partager avec
François? Faites un caucus.
M. Vincent (François) : Sur
les... Sur votre réponse sur le secteur public et parapublic, bon, ce que je
comprends, c'est, dans le fond...
M. Boulet : Oui, dans le
fond...
M. Vincent (François) : ...dans
le fond, c'est... vous ne voulez juste pas donner à un tiers le fait de pouvoir
avoir un impact sur les finances publiques, mais... votre article va
s'appliquer au secteur municipal, puis les municipalités, elles vont devoir
augmenter les taxes des citoyens. Votre article, c'est un outil supplémentaire
que vous n'allez pas utiliser dans tous les conflits du secteur privé. Donc,
nous, on comprend mal... Qu'est-ce qui est bon pour pitou devrait être bon pour
minou.
Sur la R-20, je comprends, là, qu'il n'y a
pas de scabs, mais on va se parler entre nous autres, là, il faut avoir du
courage en ti-pépère pour traverser une ligne de piquetage pendant une grève du
secteur de la construction. Sérieux, là. Puis si on regarde les données de la
FCEI, on est venus sur votre projet de loi... sur votre projet de loi sur la
réforme de la construction puis on avait sondé nos entrepreneurs de la
construction puis des entrepreneurs non membres de la construction. C'était
81 % qui voulaient que le gouvernement du Québec devrait viser un
environnement réglementaire du secteur de la construction similaire au Canada.
Vous pourriez enlever la R-20 puis faire un certain secteur similaire en
Ontario, puis après ça, appliquer votre loi. Puis sinon, bien, ça pourrait,
ceci dit... pourquoi laisser au hasard et à la ligne de piquetage décider? Le gouvernement
pourrait clarifier la situation, éviter des brasse-camarades sur les chantiers.
Puis ça a été fait, comme les personnes qui sont venues avant nous ont parlé,
pendant la pandémie.
Sur la LDCC, le dossier progresse. Nous,
on ne le voit pas. On a fait une étude de cas avec des éléments à jeter en bas
de la chaise. On a demandé à nos entrepreneurs s'ils avaient vu quelconque
modification suite au projet de règlement. Aucun n'ont vu des modifications
similaires. Puis, dans le fond, c'est... c'est... c'est... votre réforme, ça a
été de mettre une couche de peinture sur un mur avec 15 profondes fissures
de fondation.
M. Boulet : ...ce n'est pas
l'objet du projet de loi. Puis je comprends vos commentaires. Évidemment, dans
le secteur municipal, on réfère notamment aux transports en commun, on réfère à
la collecte des ordures. Et, ça, c'est un... et là, c'est une distinction
technique, là, mais c'est un service public, alors qu'en santé puis services
sociaux, ils sont assujettis à un régime de maintien des services essentiels,
de même que les ministères et organismes gouvernementaux. Mais il y a quand
même une distinction à faire avec le secteur municipal.
Peut-être une dernière question, là. Je
voyais, dans un récent sondage, 77 %... Moi, je réfère souvent à la quête
d'un équilibre entre l'exercice du droit de grève ou du droit au lock-out et le
respect des besoins de la population, notamment les personnes en situation de
vulnérabilité. Mais vous référiez, dans un récent sondage, 77 % de vos membres
sont d'accord que le projet de loi n° 89 va aider à assurer un équilibre
entre le pouvoir des syndicats et celui des employeurs. Peut-être ma dernière
question : Est-ce que vous pouvez nous faire un commentaire sur cet
équilibre spécifique là entre les syndicats et les employeurs?
• (12 heures) •
M. Vincent (François) : Bien,
je dirais peut-être, là-dessus, on a posé différentes questions. Puis pas parce
qu'on aime ça, faire des sondages, puis on fait des sondages. Parce que c'est
notre façon de prendre position. On ne va pas demander à notre C.A. ou on ne va
pas se réunir, moi puis Amilie, dire : Bon, bien, qu'est-ce que les
entrepreneurs pensent du projet de loi? Puis c'était quand même un projet de
loi qui est quand même assez important puis qui va donner des nouveaux pouvoirs
au ministre, qui va intervenir davantage. Donc, nous... Puis ça va toucher le
droit de lock-out aussi. Ce n'est pas juste le droit de grève. Donc, c'était
important pour nous d'avoir le pouls de... le pouls de la... de nos membres.
Puis ce n'était pas... ce n'est pas du 50 %, là. C'est... C'est quand même
au-dessus de 80 % pour plusieurs éléments. Vous avez toutes les données de
sondages. C'était préliminaire. Je suis allé faire sortir les résultats hier,
puis la proportion est encore la même, il y a juste plus de réponses...
12 h (version non révisée)
M. Vincent (François) : ...tu
voulais rajouter quelque chose? On a aussi demandé à la population, là, je ne
savais pas si j'aillais en parler aujourd'hui, là, mais on a fait un sondage Léger
qu'on va diffuser demain puis on a posé quelques questions générales à la
population sur des principes parce qu'on ne pouvait pas y aller trop ciblé, là,
sinon ça n'aurait pas été... ça ne passait pas avec la firme de sondage. Puis
on a demandé : Est ce que... êtes-vous d'accord ou pas d'accord, de trop
nombreux conflits de travail créent des perturbations néfastes pour l'économie
du Québec? 74 % de la population du Québec sont d'accord, 13 % en désaccord.
Le gouvernement du Québec devrait pouvoir intervenir pour arrêter des conflits
de travail qui créent des perturbations économiques? 72 % de la population
du Québec est d'accord, 19 % n'est pas d'accord. Le gouvernement du Québec
devrait pouvoir intervenir pour mettre fin à des conflits de travail dans le
secteur public? 70 % d'accord, 20 % pas d'accord. Et il est... il y a
actuellement trop de conflits de travail au Québec? 62 % totalement... de
62 % d'accord, 19 % en désaccord. Puis après ça le gouvernement du
Québec devrait pouvoir intervenir pour mettre fin à des conflits de travail
dans les entreprises privées? Puis c'est là où la proportion est la plus
faible, c'est 45 % qui sont d'accord puis 41 % qui ne sont pas d'accord.
Je pourrai acheminer le sondage Léger à la commission si vous le désirez, là. Je
l'ai reçu hier, là, quand on était en route vers la commission... bien, je suis
arrivé avant, là.
M. Boulet : Les pourcentages
d'acceptation pourraient être plus élevés avec les nuances qui tiennent compte
des critères, notamment dans le secteur privé, on réfère à un préjudice grave
ou irréparable. Puis, pour les services minimaux, à la sécurité de la
population, les pourcentages pourraient être substantiellement plus élevés
aussi dans le public. Et pour faire suite aux questions que vous nous avez... que
vous avez proposé, là, via le sondage Léger. Merci beaucoup, M. Vincent, Mme Dubé.
Merci beaucoup de votre participation et de vos commentaires. Soyez assurés que
nous considérerons vos commentaires et votre mémoire. Merci beaucoup.
Le Président (M. Allaire) : Merci.J'aimerais ajouter... bien, vous souhaitez ajouter quelque chose. Allez-y.
M. Vincent (François) : Oui.
Je voulais juste ajouter une précision. Nous, dans nos sondages, une question
méthodologique, on a des popup qui vont s'ouvrir. Ça fait qu'on va avoir une
question, puis ils cliquent dessus, puis ensuite de ça il y a une définition de
qu'est ce qui se passe. Dans le sondage avec la population, je ne pouvais pas
avoir des popup comme ça. C'est pour ça qu'avec la définition trop claire la
firme de sondage a dit : Non, non, ça, tu ne peux pas faire ça, mais vas-y
plus sur des principes généraux, puis ça, on s'en va être capables d'avoir l'humeur
des Québécois. Puis ce n'est pas tout le monde qui suit l'actualité puis qui se
rappelait c'était quoi, le projet de loi n° 89.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
M. Vincent. Vous avez évoqué le fait, là, de faire intervenir le sondage,
là, pour que les gens de la commission puissent la consulter. Vous pouvez l'envoyer
à l'adresse de la commission. On le mettra sur Greffier, uniquement les membres
de la commission pourront le consulter. Alors, on enchaîne avec la députée de
Bourassa-Sauvé. La parole est à vous.
Mme Cadet : Merci beaucoup, M.
le Président. Bonjour, M. Vincent. Bienvenue en commission, Mme Dubé, je
pense que c'est votre première intervention ici. Merci beaucoup pour la
transmission de votre mémoire, du mémoire de la FCEI, de la Fédération
canadienne de l'entreprise indépendante.
Je vais me concentrer sur les dispositions
qui concernent donc le projet de loi, donc en exclusion des mesures que vous
apportez, là, concernant la Loi sur les décrets de conventions collectives.
D'entrée de jeu, là, vous nous expliquiez,
et c'est bien en introduction de votre mémoire qu'au Québec vous représentez 22 000 membres.
Bien évidemment, ce sont... le nom de votre association le dit, là, donc ce
sont des entreprises indépendantes, donc un regroupement, donc, de petites et
moyennes entreprises. J'aimerais, étant donné, donc, la taille des entreprises
que vous représentez, mieux saisir les... des conséquences des arrêts de
travail, donc, sur les PME, parce que je peux m'imaginer que d'abord que c'est
probablement, donc, un pourcentage peut-être moins élevé que d'autres regroupements
d'employeurs. Donc, on a vu un peu plus tôt peut-être un pourcentage moins
élevé des entreprises que vous représentez qui sont elles mêmes syndiquées, donc
de bien saisir, donc, à quel titre vos membres sont interpelés.
M. Vincent (François) : Mais,
souvent, c'est elles qui vont être les perdantes, parce qu'elles vont avoir un
fournisseur qui va être en grève ou en lock-out, ça va avoir un impact sur la
petite entreprise, ou quand il va y avoir des secteurs stratégiques, là. Dans
le passé, c'était beaucoup au niveau fédéral, puis on a vu qu'il n'y a pas...
il n'y a pas eu surutilisation du... de l'article 107, notamment avec Air
Canada, là. Ils ont été capables d'arriver à une entente. Mais ça, ça affectait
aussi nos membres qui avaient besoin d'utiliser ou de faire des voyages dans le
Canada. La grève, le lock-out ferroviaire en 2022, il y a eu des données qu'on
a sorties puis qui ne sont pas de nous, là, c'est mis dans la... en note de bas
de page, là, le problème de la chaîne d'approvisionnement avait créé des pertes
de chiffre d'affaires d'environ 10,5 milliards de dollars. Donc, ça,
c'est quand même assez majeur. Pour le conflit du secteur public, bon, bien, c'était
50...
M. Vincent (François) : ...je
ne me rappelle plus le pourcentage exact, mais la moitié des entreprises au
Québec ont moins de cinq employés. Donc, tu perds un employé qui est obligé de
rester chez eux parce qu'il n'y a pas de service, bien, tu perds 20 % de
ta force de production. Donc, souvent, on va se ramasser à être... à être...
faisant partie de ceux qui peuvent avoir des impacts collatéraux.
Un autre élément peut-être. Je suis allé
en janvier l'année passée en Côte-Nord. Puis, eux autres, bien, je veux dire,
il y a... il y a un traversier. Puis c'est une... c'est une... c'est une
partie... une région qui est... qui est isolée du reste du Québec, jusqu'à tant
qu'on fasse un pont, là. Puis il y avait un de nos entrepreneurs, lui, il avait
un fournisseur. Puis il a perdu un fournisseur. Puis ses frais de transport avaient
augmenté, genre, de façon exponentielle. Donc, s'il y a une problématique par
rapport à ça, bien, eux autres, ça leur empêche de pouvoir expédier leur
marchandise puis ça peut augmenter leurs coûts de façon significative.
Mme Cadet : Merci pour ces
exemples, M. Vincent. Donc, si je saisis bien vos propos, bien, en fait, ce que
vous... ce que vous nous dites, oui, donc, certains, donc, de vos membres,
donc, pourraient être interpelés comme employeurs, mais c'est principalement à
titre de tiers au conflit, là, que les entreprises indépendantes, là, se voient
touchées par... ou, bon, subissent, donc, les conséquences, donc, de différents
arrêts de travail sur le plan économique.
Ça m'amène donc à poser, donc, telles
questions sur l'article, là, qui met état, donc... qui fait état, donc, de
services minimalement requis. Vous avez entendu vos prédécesseurs un peu plus
tôt. Donc, évidemment, on est dans un contexte où les services essentiels,
donc, sont... sont encadrés. Et le projet de loi, tel que présenté, donc, ne
touche pas à la question des services essentiels, mais vient établir, donc,
d'autres critères, donc, des services minimalement requis. Donc, selon vous...
évidemment, donc, je sais que vous... pas nécessairement avec une perspective juridique,
là, mais vous, comme représentants de tiers qui seraient touchés par des
conflits de travail, par d'éventuels conflits de travail, donc, comment est-ce
que vous vous percevez l'article qui est présenté ici?
M. Vincent (François) : Nous,
on voit comme un outil supplémentaire. Parce que, quand on regarde les
articles, là, l'article 111.22.4, «le ministre peut, par décret, désigner
une association accréditée ou un employeur à l'égard desquels le tribunal peut
déterminer». Pas marqué «doit», «peut déterminer». Donc, on défère quand même
au tribunal administratif une décision ou une... dans ce cas-là. Maintenant,
c'est sûr qu'il peut y avoir de la pression parce qu'il y a un décretdu
gouvernement, bon, etc. Mais, quand même, c'est de la façon que c'est rédigé,
c'est quand même... ça habilite un tribunal spécialisé à prendre la décision.
Puis, tu sais, des tribunaux spécialisés, il y en a dans d'autres secteurs, là,
notamment au niveau de l'énergie, où il y a des augmentations des tarifs
d'électricité qui sont faites de façon posée par un tribunal administratif
indépendant, qui peuvent déplaire au gouvernement, mais ils ont quand même pris
une décision puis ils sont habilités de le faire par la loi. Après ça, bien,
l'article 111.22.6... précise que ça s'applique pour la phase de
négociation en cours. Donc, je ne pense pas que c'est un... ce n'est pas un bar
ouvert qui est... qui est là-dessus. Donc, nous, on voit, tu sais... on a...
sans être des juristes, on voyait que c'était quand même posé comme approche.
Puis après ça, je veux juste faire un pas
de recul sur toute cette crainte-là, là. Parce que, des fois, quand on met des
nouveaux outils, on change des précédents, ça peut créer certaines
incertitudes.
Je vais nous ramener en 2004... en 2003.
Le gouvernement de l'époque avait adopté un projet, le projet... le projet de
loi n° 31, qui modifiait l'article 45 du Code de travail. Puis, ça,
il y a eu une levée de boucliers monstre qui était... qui était démontrée comme
une attaque à la paix sociale, comme un retour en arrière, etc. Puis je vais
citer un communiqué de presse du 1er mai 2004. Le président de la FTQ, à
l'époque, disait : «Mais on n'a rien vu, avec la nouvelle loi 31 de
Jean Charest, il n'y aurait même plus de syndicats ni de conventions collectives
pour protéger les droits des travailleurs dont les conditions de transfert ne
sont plus balisées. Le résultat net de cette sous-traitance de cheap labor avec
l'article 45 charcuté, c'est l'appauvrissement des travailleurs... et des
travailleuses et des travailleurs, mais c'est aussi l'appauvrissement de la
société dans son ensemble.».
• (12 h 10) •
Là-dessus, je veux juste préciser qu'en
2004, le taux de syndicalisation au Québec était de 39,8 %. En 2023, il
était de 38,9 %. Puis, hier soir, avant de me coucher, je suis allé voir
le salaire horaire moyen de Statistique Canada, CAN SIM 282-0072 : en
2004, le salaire horaire moyen de toute industrie était de 17,99 $, en
2004, il était de 33...
M. Vincent (François) : ...33,84 $.
C'est une augmentation de 88 % de 2004 à 2024. Voilà. Donc, les craintes
qu'il y avait à l'époque ne se sont pas avérées, puis on pourra revenir faire
une commission spéciale, puis vous me réinviterez dans 20 ans, puis on
pourra voir quels seront les impacts aujourd'hui.
Mme Cadet : On espère vous
voir dans 20 ans certainement, M. Vincent. Donc, vous êtes... Merci. Donc,
à ma question précédente, donc, vous avez répondu donc surtout sur le
mécanisme, puis comment est-ce que vous le percevez donc à l'article 4.
Maintenant, peut-être sur... sur les
secteurs, donc vos prédécesseurs, donc, proposaient, par exemple, donc,
d'avoir, bon, nécessairement une liste, mais d'identifier, donc, à l'avance
différents secteurs sans vous... sans imputer, là, que c'est ce que vous
souhaiteriez faire, là, pas du tout, là. C'est juste pour voir, est-ce que,
vous, quand vous voyez donc la question des services minimalement requis,
est-ce que vous voyez donc des exemples qui pourraient... qui devraient être à
la portée du citoyen, là, pour mieux comprendre l'intention du législateur ici?
M. Vincent (François) : On
aurait eu la réflexion : Est-ce qu'on va là? Est-ce qu'on va là? Est-ce
qu'on définit les secteurs d'avance? Est-ce qu'on demande au gouvernement de
les mettre dans le projet de loi, par projet de règlement, etc. Puis après ça,
on est revenu à la base de ce qui était là, puis c'est... ce qu'on comprend, ce
n'est pas une volonté de faire ça pour tous les secteurs ou tout le temps, ou,
etc. mais de donner un outil supplémentaire à mettre de la pression dans un...
dans un conflit qui pourrait avancer trop lentement, puis inciter les parties
créer comme une pression supplémentaire pour accélérer les discussions, puis
arriver. Parce que l'objectif du ministre, je suis persuadé, c'est de faire en
sorte qu'il y ait plus d'ententes, mais de se mettre dans son coffre à outils
une disposition pour stimuler dans le fond le fait que des parties arrivent à
une entente, puis ultimement, si ça ne marche pas, bien là, il y a une série de
d'autres barrières ou dispositions pour... puis chacune, là, tu sais, il y a du
temps qui est donné aux parties. Après ça, il y a un 15 jours, puis, etc.
Ça fait que, pendant ce temps-là, le conflit a lieu encore, puis les parties
vont être capables de se parler. Donc, on est restés sur le principe général du
projet de loi, puis on a décidé de ne pas aller dans... dans les détails. On
vous laisse ça à vous, là, si vous voulez discuter ou préciser, soit.
Mme Cadet : Ensuite, donc
vous avez identifié, en répondant à mes questions, que vous êtes... que vos
membres étaient... intervenaient donc dans les conflits, surtout à titre de
tiers, mais certains donc sont certainement employeurs. Peut-être vous amener
sur la recommandation du Conseil du patronat du Québec, un peu plus tôt, savoir
est-ce que vous avez une opinion, là, sur la question, là, du sept jours
ouvrables francs, là, d'où la disposition révisée, donc de conférer à
l'employeur le droit de déclarer un lock-out dans un service public tout en
assujettissant à l'exigence de la transmission d'un préavis d'au moins sept
jours. Il nous a mis en garde, un peu plus tôt, sur des circonstances pour
lesquelles donc ce délai devrait être levé. Je ne sais pas si... bon, vous
l'avez probablement entendu. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus?
Le Président (M. Allaire) : Cinq
secondes.
M. Vincent (François) : Non.
Mme Cadet : Parfait.
Le Président (M. Allaire) : Excellent.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
M. Vincent et Mme Dubé.
Le Président (M. Allaire) : Réponse
concise. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous deux. On se voit à peu près à chaque projet de loi
qu'on traite ici depuis bientôt sept ans dans mon cas.
J'aimerais la précision quand vous
disiez : Ce n'est pas tant les membres de la FCEI qui vont avoir à
négocier, la plupart des PME n'ont pas un syndicat dans leurs petites
entreprises. Cela dit, la plupart des PME ont des clients qui sont des gens
syndiqués, qui sont donc un peu de facto dans la classe moyenne. N'avez-vous
pas la crainte, si on prend un pas de recul, qu'en affaiblissant le droit de
grève, comme on le fait à travers ce projet de loi là, qu'on affaiblisse la
classe moyenne? Parce que la classe moyenne n'est pas descendue du ciel un bon
matin par... par le Saint-Esprit, elle s'est construite à travers
principalement l'outil syndical, à travers des grèves pour obtenir des
conditions de travail. Elle s'est construite avec quelques politiques sociales
revendiquées la plupart du temps par les mouvements sociaux, notamment le
mouvement syndical. Donc, ce n'est pas quelque chose qui vous inquiète de
perdre la classe moyenne au Québec qui sont les principaux clients des PME?
M. Vincent (François) : Je
pense que la meilleure façon d'aider la classe moyenne, c'est d'aider les
petites et moyennes entreprises. Une des façons de faire ça, c'est aussi de
baisser les taxes parce que c'est la première chose qu'elles vont faire, c'est
elles vont augmenter le salaire de leurs employés. Puis, quand j'ai parlé du
salaire moyen qui a augmenté entre 2004 et 2024, la proportion de tous les
secteurs a augmenté de façon plus grande que ceux du secteur public. Donc, c'est
des secteurs qui ne sont pas nécessairement syndiqués, qui ont aussi eu une
augmentation de salaire. Allez voir dans les autres provinces canadiennes, le
taux de syndicalisation n'est pas aussi grand qu'au Québec, puis les revenus
des citoyens sont plus... le revenu moyen...
M. Vincent (François) : ...moyens
des habitants sont plus élevés aussi. Donc, ce n'est pas vrai que parce que
nécessairement tu vas avoir plus de syndicats, que tu vas avoir une
augmentation plus grande des salaires.
M. Leduc : Moins de services
publics par exemple dans les autres provinces auxquelles vous faites référence.
Revenons sur la question des critères, parce que l'outil que le ministre
propose de balancer dans la cour du TAT... je ne suis pas sûr qu'ils sont bien
contents, d'ailleurs, eux, de recevoir ce mandat-là, bien, il donne des
critères qui, à mon avis, sont extrêmement flous, tu sais, la sécurité sociale,
économique, environnementale. Est-ce que vous, à la FCEI, vous pouvez me nommer
des exemples de quelque chose qui ne rentrerait pas dans l'un de ces trois
critères social, économique ou environnemental?
M. Vincent (François) : Bien,
pour que le ministre aille jusque là, il faut vraiment qu'il veuille. Puis,
ensuite de ça, si vous voulez définir les critères, bien, vous pourrez proposer
un alinéa supplémentaire pour aller plus loin ou faire un amendement.
M. Leduc : Vous êtes d'accord
avec moi que, tel que rédigé, c'est un buffet «all–you–can–eat», là.
M. Vincent (François) : Bien,
si on se réfère à l'article 107, qui est plus large, ce n'est pas un
buffet «all–you–can–eat». Ça fait que je ne pense pas que le ministre du
Travail va utiliser ça puis il ne sera plus capable de digérer parce qu'il va
manger trop de conflits de travail avec sa disposition...
M. Leduc : ien, vous faites
le même argument que le ministre, de lui faire confiance, que c'est lui, le
ministre actuel, qui va être le bon arbitre de déterminer quel conflit sera
l'objet ou non de sa nouvelle mesure. Puis on le voit dans la manière de
négocier avec le secteur public, la longue grève des professeurs, la grève d'il
y a trois ans et la grève à venir du secteur des CPE, ce n'est pas
nécessairement un haut fait d'armes de la CAQ de trouver des bonnes ententes
rapidement dans le secteur public, ce n'est pas... donc c'est un peu
inquiétant, ça.
M. Vincent (François) : Bien,
il n'y a pas un gouvernement qui va vouloir s'impliquer dans un conflit s'il
n'y a pas nécessité de s'impliquer dans un conflit. Puis je vous référai à
l'exemple de 2004. L'article 45, c'était supposé de charcuter complètement
le droit du travail, reculer le syndicalisme, puis ça n'a pas été le cas...
Le Président (M. Allaire) : ...je
sais que vous voulez compléter votre réponse, mais je dois céder la parole au
député de Jean-Talon.
M. Paradis : Dans vos études,
vous amalgamez la notion d'arrêt de travail, mais il y a grève, grève lock-out
et lock-out. Il y a des statistiques qui démontrent que les lock-out sont
beaucoup plus longs en durée que les grèves. J'aimerais savoir, selon vous, en
quoi de restreindre le droit de grève va avoir un impact aussi grand que vous
le prétendez sur la durée et sur le nombre, sur le nombre de... bien, on va
commencer par ça, oui.
M. Vincent (François) : Bien,
si on omet des outils supplémentaires à mettre de la pression puis à amener les
partis à s'entendre, sinon, ils peuvent aller vers l'arbitrage, c'est sûr que
ça va aider les partis. Puis ce n'est pas juste les grèves, c'est aussi les
lock-out. Puis ça, il y a peut-être mes membres qui pourraient avoir un
syndicat, je peux penser à aller à des résidences de personnes âgées, ou qui
pourraient être touchés par des dispositions comme ça puis qui ne pourraient
pas nécessairement être satisfaits des dispositions, mais il y a quand même eu
un vote quand même assez massif, au-dessus de huit sur 10, sur les
dispositions. Quant au nombre, ce n'est pas... En tout cas, moi, quand je me
fie aux données du ministère du Travail... du travail qui a été proposé par la
CCTM, ce n'est pas 95 % des conflits, là, qui sont réglés, c'est 80 %
qui sont réglés en négociation directe entre 2019 puis 2022.
Le Président (M. Allaire) : ...de
Saint Jérôme, la parole est à vous.
M. Chassin :Pour une minute 19 s incluant tout. Mais moi, je vais
vous parler de décrets de convention collective, parce que ça fait six ans, que
le ministre est en poste, il ne peut pas dire : Ah! je vais prendre
connaissance des dossiers, là, il ne le fait pas. Et, en fait, tous les partis
se déclarent en faveur. Le Parti libéral, fin mai 2018, juste avant de perdre
le pouvoir, a déposé un projet de loi. Il y a... Il y a plein d'éléments comme
ça qui font que moi, je n'y crois pas du tout, à la promesse du ministre.
Peut-être juste rappeler c'est quoi, parce que c'est une convention collective
qui est quand même déposée à un secteur par décret pour les PME, en tout cas,
dans mon comté, là, j'imagine ailleurs au Québec. C'est comme une espèce
d'imposition «top down», là, tu sais, ça arrive, puis ils n'ont pas de
négociation à faire, là.
M. Vincent (François) : ...mais
pour certains secteurs précis. Admettons, le secteur automobile. Ça, c'est la
carte du Québec, là, mais ça, c'est les régions qui sont assujetties. Ils sont
en couleur puis les autres ne le sont pas. Ça veut dire que, vous allez faire
réparer votre automobile dans cette région-là, vous n'aurez pas de comité
paritaire. Puis il n'y a pas moins d'accidents de travail, les salaires ne sont
pas moindres dans ces places-là. Donc, je vous suggère fortement de déposer un
amendement pour abolir la loi des décrets de convention collective durant
l'étude du projet de...
M. Chassin :On pourrait peut-être faire ça.
Le Président (M. Allaire) : Merci
au député de Saint-Jérôme. Merci à la Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante. Mme Dubé, Mo. Vincent, merci pour votre contribution à cette
commission.
Alors, nous allons suspendre les travaux,
de retour cet après-midi. Bon dîner, tout le monde.
(Suspension de la séance à 12 h 20)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 27)
Le Président (M. Allaire) : Alors,
à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend
ses travaux. Prenez quelques secondes, s'il vous plaît, pour, encore une fois,
garder vos bonnes habitudes et éteindre vos... la sonnerie de vos appareils
électroniques. Nous poursuivons les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 89, Loi visant à considérer davantage les
besoins de la population en cas de grève et de lock-out.
Alors, notre horaire pour le reste de la
journée : on débute avec l'Union des municipalités du Québec, ensuite Manufacturiers
et exportateurs du Québec, ensuite la Confédération des syndicats nationaux, on
enchaîne avec la Centrale des syndicats démocratiques et on va terminer avec la
Fédération québécoise des municipalités.
Alors, bonjour. J'espère que vous allez
bien. Alors, je vais vous laisser le soin de vous présenter à tour de rôle, s'enchaîne
votre audition d'une durée de 10 minutes, et nous allons ensuite poursuivre
avec la période d'échange avec les parlementaires. La parole est à vous.
M. Damphousse (Martin) : Merci.
Martin Damphousse, maire de Varennes et président de l'Union des municipalités
du Québec.
M. Tremblay (Guillaume) : Bonjour
à vous tous. Guillaume Tremblay, maire de Mascouche et vice-président de l'Union
des municipalités du Québec.
M. Létourneau (Yves) : Yves
Létourneau, conseiller stratégique aux politiques à l'Union des municipalités
du Québec.
M. Damphousse (Martin) : M.
le Président de la commission, M. le ministre du Travail, Mesdames, Messieurs
les membres de la commission, nous vous remercions de nous accueillir aujourd'hui.
L'UMQ représente depuis plus de 100 ans
les municipalités de toutes tailles, dans toutes les régions du Québec. Nos
membres représentent 85 % de la population du territoire du Québec. Nos
membres, c'est aussi 94 % de la masse salariale totale du secteur
municipal pour un total de plus de 10 milliards de dollars.
Les municipalités appuient sans réserve ce
projet de loi. Son adoption aura pour effet de limiter les conflits de travail
prolongés dans le secteur municipal et ainsi éviter des coupures de services à
la population. Le projet de loi n° 89 visant à mieux prendre en compte les
besoins de la population en cas de grève ou de lock-out vient corriger une
définition souvent trop restrictive des services essentiels avec l'ajout de la
notion du bien-être de la population. Pour nous, ce projet de loi est
important. Son adoption permettra d'assurer la continuité des services aux
populations les plus vulnérables. Les municipalités auront ainsi une plus
grande marge de manœuvre pour définir et encadrer les services essentiels tout
en tenant compte des réalités locales. Nous remercions tout particulièrement
le ministre du Travail, M. Jean Boulet, pour le dépôt de cette pièce
législative qui, nous en sommes convaincus, constituera un outil important pour
préserver la qualité des services municipaux en période de conflit.
Maintenant, je cède la parole à M.
Tremblay.
• (15 h 30) •
M. Tremblay (Guillaume) : Merci
beaucoup, M. le Président. Donc, M. le Président de la commission, M. le
ministre du Travail, mesdames et messieurs les membres de la commission. Bien
que l'exercice du droit de grève soit balisé par le maintien des services
essentiels, certains conflits de travail peuvent avoir un impact...
15 h 30 (version non révisée)
M. Tremblay (Guillaume) :
...sur les populations vulnérables. À titre d'exemple, le transport en commun n'est
pas systématiquement reconnu comme un service essentiel, ce qui peut entraîner
d'importantes répercussions pour les personnes qui en dépendent. En effet, un
récent jugement du Tribunal administratif du Québec... du travail,
pardonnez-moi, concernant un possible conflit entre les réseaux de transport de
la Capitale-Nationale et le syndicat a conclu que le transport en commun pour
la ville de Québec ne constituait pas un service essentiel. Selon le tribunal,
son absence ne représente pas un danger, c'est-à-dire une menace réelle,
évidente et imminente pour la santé ou la sécurité publique. Selon nous, le projet
de loi n° 89 aurait pu permettre au ministre d'intervenir dans ce cas. L'évolution
du contexte social, économique et environnemental fait en sorte que plusieurs
services offerts par les municipalités doivent maintenant être considérés comme
essentiels. À titre d'exemple, pour l'UMQ, l'accès aux piscines publiques ne
relève pas seulement du loisir, mais d'un service incontournable pour la
communauté, particulièrement en période de canicule où elles jouent un rôle clé
pour le bien être de la population. En 2024, la municipalité de Saint-Georges a
été confrontée à un conflit de travail avec son personnel des loisirs pendant
plus de huit mois, privant ainsi la population de services essentiels à leur
qualité de vie. Les piscines et les jeux d'eau ont été fermés tandis que les
terrains de tennis, de soccer et de baseball ont été laissés sans entretien. Pour
le soccer, les clubs ont dû maximiser l'utilisation des terrains synthétiques
en ajoutant des plages horaires tôt le matin et tard le soir, une situation
loin d'être idéale pour les jeunes athlètes et très certainement les jeunes
familles. Un conflit qui, avec un encadrement adéquat grâce au projet de loi n° 89,
aurait pu être évité.
Dans une perspective de santé publique, les
infrastructures sportives jouent un rôle clé. L'accès au plateau sportif
favorise un mode de vie actif et contribue au bien être des citoyennes et des
citoyens. L'organisation des camps de jour joue aussi un... constitue un autre
enjeu majeur. En permettant aux parents de travailler tout en favorisant la
socialisation des enfants, ces services contribuent à la fois à la productivité
économique et au bien-être collectif. La fermeture des camps de jour en pleine
période estivale peut devenir une difficulté majeure pour les familles et met
en péril l'équilibre entre le travail et la responsabilité familiale, mais
aussi pour les employeurs qui doivent négocier avec des périodes d'absentéisme.
Les municipalités offrent des services indispensables à la population. Certains
conflits de travail peuvent affecter des populations vulnérables qui n'ont pas
d'alternative. Ce projet de loi viendrait donc assurer, en cas de grève ou de lockout,
le maintien des services essentiels nécessaires au bien être de la population
pour des raisons de sécurité sociale, économique ou environnementale. Je vais
céder à nouveau la parole à M. le président pour le mot de la fin.
M. Damphousse (Martin) :
Merci, M. Tremblay. De son côté, le pouvoir spécial du ministre accélère
le règlement des conflits prolongés en les soumettant à l'arbitrage.
Contrairement au gouvernement qui peut décréter les conditions de travail par
le biais d'une loi spéciale, les municipalités ne disposent pas de cette
prérogative. C'est pourquoi l'UMQ accueille favorablement cette disposition qui
offre un mécanisme alternatif pour résoudre les impasses. Cette mesure
constitue une solution rapide et juste en cas de conflit pour le bien-être des
citoyennes et citoyens. Finalement, nous avons toujours mis de l'avant la
négociation comme principal levier pour atteindre nos objectifs communs. Plus
qu'une simple méthode, la négociation est une valeur fondamentale pour nos
membres, car elle garantit un dialogue constructif et une prise de décision
concertée. Nous demeurons convaincus qu'une négociation saine et équilibrée est
la clé d'un climat travail harmonieux et durable. L'adoption du projet de loi
viendra contribuer significativement à l'atteinte de cet objectif. Nous vous
remercions pour votre attention. Nous sommes maintenant disponibles pour vos
questions.
Le Président (M. Allaire) :
Merci. M. Damphousse. On va débuter la période d'échange avec la partie
gouvernementale. M. le ministre, vous avez 16 min 30 s.
M. Boulet : Oui. Merci, M.
le Président. D'emblée, merci, évidemment pour votre engagement, votre
participation à cette commission parlementaire. Et votre mémoire, il est
extrêmement clair, là. Il confirme que, même si ce projet de loi là peut
constituer une avancée majeure, comme vous le disiez bien, M. Damphousse,
la définition de services essentiels est trop restrictive. On maintient l'intégralité
du régime des services essentiels, mais on crée parallèlement un régime...
M. Boulet : ...maintien de
services minimaux pour protéger la population, particulièrement les personnes
en situation de vulnérabilité. Je trouve que votre présentation est tout à fait
compatible avec les tenants et aboutissants de ce projet de loi là, et, dans le
secteur municipal, évidemment, tant le maintien des services minimaux pour
protéger les besoins de la population que l'arbitrage. Puis l'arbitrage, vous
le mentionniez bien aussi, là, je ne sais pas lequel des deux, M. Tremblay ou
M. Damphousse, là,... mais ce n'est pas pour empêcher l'exercice d'un droit de
grève, c'est pour accélérer le règlement. Parce qu'on est tous des partisans
d'une négociation raisonnée, on est tous des partisans d'alternatives de
règlement de litiges. Ça passe par la conciliation, la médiation, mais
ultimement, quand il n'y en a pas puis que la population est prise en otage, on
ne peut pas ne pas avoir des outils d'intervention pour protéger cette
population. Moi, ça m'apparaît tellement humain. C'est l'expression qui a été
utilisée par des personnes qui m'ont approché. C'est l'équilibre que nous
devons constamment rechercher entre le respect des droits constitutionnels,
celui de grève, évidemment il y a aussi le droit de lock-out, et la protection
des besoins, souvent fondamentaux, des personnes qui sont à risque.
Vous suggérez dans une de vos
recommandations... puis je vais vous écouter là-dessus, là, mais vous
dites : «Donner aux municipalités l'autorisation de demander au ministre
du Travail d'être désignées comme un employeur duquel le tribunal peut
déterminer si des services assurant le bien-être de la population doivent être
maintenus», mais vous en êtes, vous êtes couverts, mais, en même temps, on n'a
pas pris la trajectoire d'identifier des secteurs dans lesquels il y aura
assurément des services minimums à maintenir. On veut véritablement y aller au
cas par cas, en tenant compte des circonstances d'un conflit. Et donc, quand la
négociation est terminée, ultimement, il y aura peut-être un autre conflit dans
10 ans, 15 ans, peut-être, souhaitons-le, jamais, mais ce sera circonstancié.
C'est la raison pour laquelle on a préféré ne pas aller dans cette direction-là
pour bien respecter les critères que la Cour suprême du Canada a établis,
notamment dans l'affaire Saskatchewan en 2015. On veut y aller de manière
exceptionnelle et y aller avec parcimonie. Puis les exemples, M. Tremblay, très
clairement exprimés, oui, c'est du cas par cas, mais où, effectivement, s'il y
a des impacts sur la sécurité sociale, économique, on dit, ou environnementale
pour éviter des catastrophes naturelles, mais est disproportionnellement
affectée, oui, il y aura des interventions potentielles. Mais je vais vous...
je vais vous laisser vous exprimer là-dessus. Vous, dans le fond, M.
Damphousse, ou M. Tremblay, ou M. Létourneau, vous souhaitiez que le secteur
municipal soit systématiquement identifié comme un secteur où il y aura des
services minimaux à maintenir en cas de conflit de travail. Est-ce que c'est
comme ça, Martin... M. Damphousse, que vous le réfléchissiez?
M. Damphousse (Martin) : ...évalué,
mais, en écoutant votre explication, je comprends que, dans l'approche du cas
par cas, dépendamment, par exemple, des saisons où on se trouve, dépendamment
du type de conflit, l'entretien de l'aréna, l'entretien de la piscine,
l'entretien des parcs, des fois ça peut être des périodes où ça n'affecte
personne, mais il est clair que d'avoir ce pouvoir-là plus clair, plus large
auprès du milieu municipal peut être un outil important pour nous. Mais je vais
inviter M. Létourneau à peut-être préciser ce volet-là et la pensée de l'UMQ
dans ce contexte-là.
M. Létourneau (Yves) : Merci,
M. le Président. Bien, écoutez, vous avez bien compris l'essence de notre
demande, puis là on parle pour le secteur municipal. On sait, il y a 1 100
municipalités au Québec qui offrent plusieurs services. On a mis quelques
exemples. Ce qu'on disait, c'est que, peut-être, on souhaitait que les
municipalités puissent avoir défini dans le projet de loi une possibilité
d'intervention plus directe pour défendre leurs cas. On va parler, bon, d'une
grève du transport collectif à Montréal, ça... tout le monde va en entendre
parler. Par contre, il y a plusieurs dossiers qu'on peut juger, nous, très
importants.
• (15 h 40) •
Et ce qu'on disait, c'est qu'on représente
les citoyens. On entendait ce matin quelques associations dire : Donner le
droit de parole aux citoyens. On n'est pas contre, mais les municipalités
représentent les citoyens, puis ils aimeraient être nommés, nommément ciblés
pour pouvoir intervenir directement pour faire part de leurs situations
advenant...
M. Létourneau (Yves) :
...des conflits de travail.
M. Boulet : O.K. Je
comprends. Puis vous comprenez notre point de vue. Il faut y aller prudemment,
puis il faut s'assurer que ça ne puisse pas être interprété trop aisément par
un tribunal comme une entrave substantielle à l'exercice du droit de grève, qui
fait partie intégrante, là, des chartes de droits et libertés de la personne.
L'autre affaire, peut-être, que j'aimerais
discuter avec vous. Vous dites, bon, maintenir au nouvel article 111.22.7
ajouté par l'article 4, une mécanique identique de conciliation à celle
des services essentiels. Bon, pour le premier mécanisme, le maintien des
services minimaux, il y aurait un décret gouvernemental qui identifie un
employeur puis une association accréditée, et une des deux parties peut
demander, puis là ce n'est pas le gouvernement qui décide, au Tribunal
administratif du travail qui est impartial et indépendant, de décider si les
critères prévus dans la loi, qui sont des critères qui sont connus, respectés,
utilisés notamment par l'Organisation internationale du travail, s'il y a une
obligation de maintenir des services minimaux parce que les critères sont
respectés. Et c'est après ça qu'intervient 111.22.7. Les parties ont un délai
de 15 jours pour négocier entre elles. On donne toutes les chances
possibles aux parties de négocier, négocier, négocier, comme vous le disiez si
bien, lesdits services minimaux. Et là, le Tribunal administratif du travail
peut désigner une personne pour les accompagner, et je ne sais pas si c'est ça
à quoi vous faisiez référence, pour les aider à négocier une entente. Et s'il y
a une entente, évidemment, le tribunal va l'entériner si c'est suffisant, va
avoir à s'impliquer si ce n'est pas suffisant. Puis, à défaut d'entente, bien,
c'est lui qui va devoir déterminer les contours des services minimaux.
Mais je voyais que votre recommandation,
c'était ajouter une mécanique identique de conciliation. Dans le fond, la
personne qui serait désignée par le Tribunal administratif du travail, elle va
agir en tenant compte de ce processus-là, là, de conciliation, va aider,
accompagner les parties pour qu'elles s'entendent sur des services minimaux à
maintenir. Est-ce qu'on a la même compréhension?
M. Damphousse (Martin) :
En fait, étant donné que vous faites référence à des articles tellement
précis...
M. Boulet : Oui.
M. Damphousse (Martin) :
...vous me permettrez de me référer directement avec à...
M. Boulet : Dans votre
recommandation, M. Létourneau, vous dites que maintenir au nouvel article,
puis c'est vous qui l'utilisez, là, le 111.22.7, la même mécanique de
conciliation qu'on a dans les régimes de services essentiels.
M. Létourneau (Yves) :
Exact. On ne veut pas entrer dans un débat juridique. Mais essentiellement, ce
qu'on pense, c'est que la conciliation a des impacts positifs lorsqu'elle est
utilisée très tôt puis il y a très peu de membres qui s'y opposent. Ça fait
qu'on voudrait que ça soit plus, comme c'est le cas, pour les services
essentiels...
M. Boulet : Je comprends.
M. Létourneau (Yves) :
...plus systématique et tout simplement automatique. Et puis, dans le pire des
cas, ça n'a pas d'effet, mais des fois, rendus à ce moment-là, on pense que le
conciliateur peut avoir un effet très positif pour en arriver même aux
premières discussions.
M. Boulet : Totalement.
Il faut accompagner les parties, il faut les aider, il faut qu'elles fassent
des ententes par elles-mêmes. Puis là je reviens au deuxième mécanisme, l'arbitrage.
Puis ça vous en avait parlé. Vous avez fait référence à certains conflits, dont
le transport en commun. C'est un régime qui va agir en complémentarité parce
que ça fait partie des services publics. On peut penser à la collecte des
ordures aussi, où le bien-être de la population peut être affecté de façon
substantielle aussi, où, là, l'arbitrage peut être un outil, mais c'est
vraiment une solution de dernier recours. Ça, on s'est tous bien entendus
là-dessus et après que la conciliation se soit avérée infructueuse.
Puis j'aime bien le terme que vous
utilisez, là, des négociations saines et équilibrées dans le but d'accélérer.
Ce n'est pas d'éviter, ce n'est pas d'empêcher, ce n'est pas d'annuler, ce
n'est pas d'entraver, mais c'est d'aider et pour permettre un environnement
d'affaires ou un environnement qui va permettre aux municipalités de
fonctionner de façon adéquate et respectueuse des besoins fondamentaux de la
population, là. Ça fait que, moi, je me limiterais à ces commentaires-là. Là,
je vous remercie sincèrement de votre présentation qui est super appréciée.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Allaire) :
Merci, M. le ministre. On enchaîne avec l'opposition officielle, Mme la députée
de Bourassa-Sauvé...
Le Président (M. Allaire) : ...vous
avez 10 min 24 s.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
M. le Président. Bonjour. Bonjour, M. Damphousse, M. Létourneau, M. Tremblay.
Merci pour votre présence et pour le mémoire que vous nous avez présenté.
Évidemment, donc, vous le savez et puis vous l'indiquez dans votre mémoire,
donc, le projet de loi qui nous est présenté se décline en deux volets.
D'abord, le maintien des services minimaux à offrir à la population et ensuite
la question de l'arbitrage. Donc, vous êtes un groupe, donc, qui serait
assujetti, donc, aux deux volets ici, tant donc les services minimaux que la
question de l'arbitrage obligatoire.
Au niveau des services minimaux, dans le
fond, là, dans ce qui nous est présenté, votre mémoire, bien là, je pense
qu'avec le ministre vous venez d'avoir la discussion, là, sur la question de la
désignation à l'avance d'une liste donc des employeurs et associations visés.
Mais, au-delà donc de cet élément-ci, comment est-ce que vous recevez le
mécanisme qui est employé, donc à l'article 4 du projet de loi, pour
prévoir, donc, les services minimaux, donc autant, je dis, le mécanisme, donc,
en premier lieu, donc sur la forme, donc ce qui nous est présenté comme façon
de faire, puis ensuite, au niveau de... des balises qui sont offertes pour
permettre au Tribunal administratif du travail d'éventuellement statuer sur des
services minimalement requis?
M. Damphousse (Martin) : Bien,
sincèrement, le fameux article 4 en question, nous, on n'a pas vu d'embûche
dans l'ensemble du projet de loi. Mais s'il y a des éléments plus spécifiques
que M. Létourneau souhaite faire... partager, bien honnêtement, je l'invite à
commenter.
M. Létourneau (Yves) : Bien,
tout simplement dire que les cas sont très... très variés dans le monde
municipal. Je pense que MM. Tremblay et Damphousse pourraient citer... ont cité
des exemples. Les balises qui sont là permettent une certaine latitude qui va
être avec, bon, la jurisprudence et tout ça. Mais il y a comme la durée de
l'arrêt de travail, dans certains cas quatre jours, ça a des impacts importants
sur les citoyens. Dans d'autres cas, ça peut être plus long. Ça fait que les
critères qu'on retrouve dans le projet de loi n° 89 répondent, selon nous, à
une... à nos besoins de façon assez large. Mais parce que les besoins des
municipalités sont assez variés et assez larges, on ne peut pas mettre ça de
façon trop circonscrite.
Mme Cadet : Oui, M. Tremblay.
M. Tremblay (Guillaume) : Si
vous vous permettez aussi, ça arrive aussi que c'est en mouvance, hein, les
services essentiels. Moi, si vous reculez d'il y a cinq ou 10, bien, dans ma
ville, parler d'une piscine publique, je ne pensais pas nécessairement un jour
avoir besoin que ça devienne un service essentiel. Mais avec la crise de
l'habitation qu'on vit, on en construit en quantité des logements, puis des
condos qui n'ont pas nécessairement de piscine. Des fois, ces gens là ont pas
nécessairement des airs climatisés. Donc, je pense que les services essentiels
qu'on vit aujourd'hui, peut-être que dans cinq, 10 ans, ça va être une autre
réalité aussi. C'est pour ça que j'aimais beaucoup tantôt la réponse, dire que
peut-être des fois selon la saison, selon la réalité du milieu, chaque milieu a
une réalité qui est complètement différente, donc c'est pour ça que je trouve
que cette latitude-là qui est... qui est offerte devant nous est très
intéressante.
Mme Cadet : Puis sur la
question des... plus des services essentiels, mais ici donc le libellé, on
parle de services minimalement requis, là, qui auraient un autre degré. En
fait, le cadre d'analyse, là, du Tribunal du tribunal, donc, serait distinct,
là, de la question des services essentiels qui se concentre sur la santé et la
sécurité des tierces parties.
Mais, dans votre mémoire, donc, vous donnez
donc des exemples, donc assez larges en introduction, avant d'en arriver aux
recommandations sur des... bien, en fait, des conflits de travail qui sont
survenus dans différentes municipalités. Donc, est-ce que, selon vous, donc,
lorsque vous dites donc «élargir la portée, bon, des services essentiels» — mais,
bon, je comprends, là, ce que vous voulez dire ici — est-ce que donc
tous les exemples qui sont mentionnés dans votre mémoire, selon vous, devraient
être considérés comme des services minimalement requis?
M. Damphousse (Martin) : Bien,
c'est une bonne question, mais je suis convaincu que oui, j'ai la certitude que
ça fait partie. Si on cite des exemples, c'est que ça fait partie pour nous des
services essentiels dont on considère devraient être intégrés dans le projet de
loi.
M. Tremblay (Guillaume) : Par
exemple, des camps... des camps de jour, comme je nommais tantôt. Tu sais,
reculez de 10 ans, moi, ça m'est déjà arrivé dans la ville, je n'étais pas
maire dans ce temps-là, mais ils ont arrêté de faire les camps de jour, vous
allez comprendre que c'est une réalité pour les parents qu'il faut qu'ils
aillent travailler, il y a comme une réalité. Donc, tu sais, je pense qu'il y a
10 ans puis aujourd'hui, la société a beaucoup évolué puis elle risque
encore d'évoluer au cours des prochaines années. Donc, à cet égard-là, moi, je
trouve intéressant, là, les exemples qui sont donnés devant nous, les terrains
de soccer. Tu sais, c'est des réalités, les parents ne peuvent pas se lever le
matin à cinq heures pour pouvoir faire faire du sport à nos jeunes, puis c'est
démontré que de faire du sport, c'est bon pour la santé. Ça fait que, tu sais,
ça a quand même un peu un double sens. Ça fait que moi, je pense que c'est
intéressant comme... comme façon de faire.
• (15 h 50) •
Mme Cadet : ...
Mme Cadet : ...selon vous...
puis ça, c'est peut-être plus M. Létourneau ici... donc, à quel moment le
législateur, tu sais, doit intervenir? Évidemment, donc, il y a un processus...
donc, mécanique, donc, qui est proposé dans le projet de loi. Je vous ai
entendu un peu plus tôt, vous disiez, donc... de ce qui... ce que vous voyez,
donc, dans le fameux article 4, ça vous apparaît satisfaisant. Bien,
au-delà, donc, de la recommandation que vous nous apportez, donc, comment
est-ce que... en fait, là, comment est-ce que vous pensez, là, que ce mécanisme
là, donc, pourrait être bonifié ou mieux répondre, donc, à vos attentes?
M. Létourneau (Yves) : Comme
on a indiqué précédemment, premièrement, les municipalités, qu'elles puissent
intervenir directement pour faire part de leur situation, puisque chaque
situation peut être différente à Montréal que sur la Côte-Nord. Puis ce qu'on
apprécie, c'est la latitude qui va être permise. Puis, bon, je sais que ce
n'est pas couvert par ça, mais les municipalités sont sûrement les expertes en
arbitrage, là où il y en a le plus, à cause des policiers et pompiers. On
s'entend que, dans un cas extrême, comme les policiers et pompiers, une grève
d'une journée, c'est trop, là. Donc, c'est pour ça que ce n'est pas dans cette
loi-là qu'on a la loi 24 qui a été réglée par la loi 88, le projet de
loi n° 88, il n'y a pas très longtemps, je pense, mais c'est juste pour
dire la diversité des cas. Donc, on ne veut... on ne veut pas arriver avec une
solution qui soit trop circonscrite, de dire : On voudrait, pour accélérer
le processus, qu'il y ait une grève de deux ou trois, ou quatre jours,
d'attente tel, tel moment. On pense qu'il faut laisser de la latitude au
ministre, mais aussi aux municipalités, pour faire part de leur position et de
leurs inquiétudes dans leur situation propre.
Mme Cadet : Un peu plus
tôt... Vous avez probablement entendu les intervenants qui étaient là cet
avant-midi, qui invitaient le législateur à permettre aux tierces parties, donc
les gens qui sont touchés, donc, en l'occurrence, donc, les citoyens à pouvoir
intervenir, donc, dans un recours. Donc, ici, donc, on... donc, le ministre a
l'occasion, donc, d'émettre, donc, un décret identifiant, donc, les parties
pouvant se prononcer afin, donc, d'établir quels seraient les services
minimalement requis. Donc, vos prédécesseurs, donc, nous ont... quelques-uns
d'entre eux nous ont présenté des aménagements visant à ce que les tierces
parties puissent aussi se présenter devant le TAT et dire : Bien, voilà
comment est-ce que nous sommes touchés, et comment est-ce qu'on pourrait
négocier les services minimalement requis. Est-ce que c'est une... c'est une
suggestion sur laquelle vous vous êtes penchés?
M. Damphousse (Martin) : Bien,
ce qu'on a mentionné tantôt, c'est que le milieu municipal est assurément le
meilleur parti pour représenter les citoyens et citoyennes de partout au
Québec. Donc, je pense que, par nous, on est vraiment bien outillés pour
défendre l'ensemble des situations partout au Québec. Mais il y a peut-être des
exemples précis, puis M. Tremblay peut donner des exemples. Mais,
honnêtement... je ne peux pas dire que je suis contre, mais, honnêtement, je
pense qu'on est très bien outillés pour bien les représenter.
M. Tremblay (Guillaume) : Je
m'en allais dans le même sens que mon président, dans le sens qu'on ne peut pas
être contre la vertu. Cependant, si n'importe quel citoyen peut déposer... vous
allez comprendre que le tribunal va être surexposé... suroccupé. On peut vivre,
dans d'autres situations, dans d'autres tribunaux... Maintenant, on n'est pas
contre, là, on est loin d'être contre cette proposition-là.
Mme Cadet : Merci. Je ne vous
ai pas beaucoup entendus sur la question des mesures miroir, là, qui sont
intégrées au projet de loi, là, sur sur le droit au lock-out, là, qui, donc...
on parlait, donc, ce matin, beaucoup, donc, de sept jours francs, donc, pour
déposer un préavis. Mais, si je ne m'abuse, donc, vous, donc, ces mesures-là,
donc, viendraient modifier votre réalité, non? Les mesures qui sont prévues
dans le projet de loi.
M. Damphousse (Martin) : Je
vais inviter M. Létourneau à nous parler des mesures miroir. Je vais être très
attentif à ce qu'il va dire.
M. Létourneau (Yves) : Bien,
écoutez, pour nous, on... ça ne crée pas de problème, là, à ce niveau-là. On
est prêts à vivre avec l'impact que ça pourrait avoir pour les municipalités
puis ces questions d'équité dans les responsabilités des parties. Tu sais, ce
n'est pas...
Mme Cadet : O.K. Parfait. Et
pour ce qui est des mesures... voyons, des préoccupations, là, qui ont été
mentionnées quant au préavis de sept jours, ce qu'évidemment... c'est une
nouvelle réalité, là. Donc, il y a des... par exemple, le Conseil du patronat
qui nous a dit : Bon, bien, peut-être que dans certaines circonstances, ce
ne serait pas propice à ce qu'un préavis soit déposé. Est-ce que c'est... vous
vous êtes penchés sur cette question?
M. Létourneau (Yves) : Écoutez,
à prime abord, puis je ne veux pas me mettre en opposition avec le Conseil du
patronat, mais on n'a pas trouvé de cas là où on ne peut pas donner un préavis,
comme je vous disais, évidemment...
Mme Cadet : De votre côté,
dans le contexte des municipalités.
M. Létourneau (Yves) : Exact.
Puis là, il y a... il y a les policiers, pompiers qui ne sont pas là-dedans...
M. Létourneau (Yves) : ...il y
a les services essentiels par ailleurs, mais, pour nous, le sept jours nous
apparaissait raisonnable.
Mme Cadet : Oui. Justement,
vous avez parlé du projet de loi n° 88, où l'objectif était de permettre
d'offrir donc des mesures alternatives, et efficaces, et neutres parce que,
donc, le régime des policiers et des pompiers, donc, ne permet... n'octroie pas
le droit de grève. Est-ce que vous pensez que l'arbitrage exécutoire, donc, qui
est prévu au projet de loi permet, donc, ces mesures alternatives là?
Le Président (M. Allaire) : Malheureusement,
je dois vous couper. Désolé, je suis le gardien du temps. Donc, on enchaîne
avec le deuxième groupe de l'opposition, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve,
3 min 28 s
M. Leduc : ...Je trouve ça
intéressant parce que vous avez utilisé, dans vos explications puis dans vos
échanges, souvent le terme services essentiels en disant vous vouliez élargir
les services essentiels. Or, ce n'est pas ça qu'on change en théorie dans la
loi et c'est toute l'astuce du ministre de dire : Non, je ne touche pas à
la Loi sur les services essentiels, j'invente un nouveau truc qui est le
bien-être, etc. Je trouve ça quand même fascinant que, dans les faits, tout le
monde comprend ce qui est en train d'arriver, c'est-à-dire qu'on modifie par la
porte en arrière la Loi sur les services essentiels.
J'aimerais vous entendre sur le fait
que... Vous n'êtes pas les premiers à passer aujourd'hui qui sont dans des
rôles de patrons. Vous êtes ici en tant qu'employeur, là, comme mairie
représentante des citoyens, bien sûr, mais comme employeur. Je cherche, moi, le
contexte chaotique qui justifierait un affront aussi frontal aux droits
constitutionnels de grève et d'association qui est protégé par la Charte
québécoise des droits et libertés puis les exemples ne sont pas légion. Tu
sais, on a connu la grève des autobus à Québec, il y a quoi, un an ou deux
déjà. Il y a encore une grève de cols bleus, une poignée de patinoires tantôt
qui ont été fermées à Québec il y a une couple de mois. Mais sur l'étendue de
la... des municipalités du Québec, c'est quoi la longue liste de grands
problèmes de relations de travail structurant qui légitimerait une intervention
aussi musclée que celle qui est devant nous aujourd'hui de la part du ministre?
M. Damphousse (Martin) : Bien,
tant mieux, on n'en a pas tant que ça, puis je laisserai M. Tremblay
donner probablement d'autres exemples, mais l'exemple qu'on a donné tantôt sur
le transport en commun, pour nous, est important. Ce qu'a vécu Québec, personne
n'a le goût de vivre ça. Je n'ai pas le goût de le vivre à Varennes. Il n'a pas
le goût de le vivre à Mascouche. Quand il y a des tempêtes de neige comme on
connaît, puis on déciderait de faire une grève des cols bleus dans un
contexte... Mais imaginez, là, on vient de paralyser, puis le mot est faible,
là, paralyser nos municipalités. On parle d'éboueurs, quand les vidanges pendant
des semaines et des semaines... bien, ça crée un contexte de chaos qu'on ne
veut pas vivre. Mais des exemples spécifiques comme ça, j'ai l'impression qu'on
peut en trouver beaucoup. Ne parlons pas juste du gazon qui est rendu trop long
sur le terrain de soccer. Je pense qu'il y a tellement d'autres exemples qui
peuvent faire en sorte que comme services essentiels d'une municipalité auprès
de leur population... On parlait d'exemples de camps de jour, mais dans
l'exemple de Guillaume tantôt, où la grande majorité des couples varennois, les
deux travaillent, mais s'il n'y a plus de camps de jour quand tu avais
programmé ton... Mais ça devient le chaos, là. Puis ce n'est pas vrai qu'il y a
des grands-parents, dans chacune de nos villes, disposés à régler le problème
du jour au lendemain, assurément pas.
M. Leduc : On s'entend. Les
situations sont différentes, mais on a connu les fermetures de CPE aujourd'hui
même et demain, on a connu les fermetures d'école.
M. Damphousse (Martin) : Mais
c'est ça, mais si on peut être capables...
M. Leduc : Les camps de jour,
c'est un peu dans la même famille de conflits de travail, mais, je veux dire,
il n'y a pas eu mort d'homme, là.
M. Damphousse (Martin) : Puis
si on peut éviter ça. Je n'ai pas parlé de mort d'homme.
M. Leduc : Non, non, je le
sais. Bien sûr.
M. Damphousse (Martin) : Mais
si on peut éviter ces conflits-là, mais tant mieux pour tout le monde. C'est ça
qu'on souhaite.
M. Leduc : Mais ces
conflits-là, ils existent pour une raison. Parce que, là, pourquoi on est en
train de modifier ça, c'est qu'il y a eu un jugement de la Cour suprême qui a
dit : Il faut restreindre les critères parce que c'était trop le bar
ouvert. Ça fait qu'on a rétréci ça avec... C'est une des premières lois qu'on a
négociées avec M. le ministre ici, c'était sur la sécurité physique des
personnes. Ce débat-là, il date de 2019. Puis on revient avec des critères
complètement loufoques, là : sécurité économique, sociale, environnementale.
Qu'est ce qui n'est pas inclus là-dedans, sécurité sociale, économique et
environnementale? Tu sais, seriez-vous capable de me nommer, par exemple, dans
vos municipalités, des titres d'emploi que vous me dites, là? Moi, je suis sûr
que ça, ça peut faire la grève à l'infini puis il n'y a pas de problème, ça ne
toucherait pas personne puis ça ne dérangera pas personne.
Le Président (M. Allaire) : ...à
cette période d'échange. On enchaîne avec la députée de Jean-Talon. Et, avant
que vous débutiez, vous allez voir M. Damphousse, c'est pratiquement aussi
vite qu'un échange de pickleball. Ils ont à peu près juste
1 min 19 s, ça fait que réponse courte peut-être pour favoriser,
là, si jamais il y a une deuxième question.
M. Damphousse (Martin) : Si
le service est rapide, le retour va être rapide.
Le Président (M. Allaire) : Oui.
M. le député de Jean-Talon, la parole est à vous.
Des voix : ...
• (16 heures) •
Le Président (M. Allaire) :
Là, vous soulevez une question de règlement, Mme la députée? C'est parce
qu'on ne vous a pas entendus, je vous laisse le soin.
Mme Mallette : Oui.
Excusez-moi. J'aimerais savoir si le mot «loufoque» est un nom... un mot non
parlementaire. Et question de règlement, là, je vous dirais, là, de ne pas
donner de mauvaise intention, là, à notre ministre, là, dans le contexte de ce
projet de loi là, qu'au contraire les intentions sont très nobles de vouloir
protéger le bien-être de la population, des citoyens. Je pense que c'est un
peu...
16 h (version non révisée)
Mme Mallette : ...notre
mission de base.
Le Président (M. Allaire) : Parfait.
C'est sûr que ça dépend toujours du contexte. Je l'ai rappelé en début de
commission, la prudence, dans le contexte de ce qu'on vit. On sent que c'est un
projet de loi qui peut soulever les passions, donc je vous demande de faire
très attention. Je sens... Je souhaite que tout le monde a compris. M. le
député de Jean-Talon, vous pouvez poursuivre.
M. Paradis : Commencer, vous
voulez dire.
Le Président (M. Allaire) : Commencer,
effectivement, ça va être mieux.
M. Paradis : Très bien.
Merci. C'est parce que, 1 min 19 s, ça passe vite!
Le Président (M. Allaire) : Oui,
oui, oui! Allez-y.
M. Paradis : C'est délicat, l'équilibre,
dans les relations de travail. Diriez-vous que, si, comme vous semblez le
suggérer, les piscines publiques, les bibliothèques, les infrastructures
sportives, l'organisation des camps de jour, l'émission des permis de
construction deviennent des services qui sont visés par la nouvelle loi du
ministre, que c'est une intervention délicate qui ne bouleverse pas trop les
relations de travail? Est-ce qu'il reste un incitatif suffisamment fort sur les
deux parties pour régler?
M. Damphousse (Martin) : Bien,
c'est... c'est une bonne question. Puis, quand je donnais l'exemple,
dépendamment de quand on se trouve dans la saison, si on a une grève de la
bibliothèque en plein été, quand on est dans des horaires de fermeture, bien,
je vous dirais intervenons pas. Mais il y a d'autres cas, l'exemple des
piscines extérieures, en pleine canicule, quand on a des parents, des familles
qui suffoquent sans air climatisé, bien, je pense que là, on mériterait d'intervenir.
Je donne deux exemples simples. C'est mon retour du service.
M. Paradis : Très bien. Vous
avez été efficace, il me reste 10 secondes, mais ce n'est pas assez pour
continuer nos échanges.
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Donc, on enchaîne avec le député de Saint-Jérôme. La parole est à vous.
M. Chassin :Dans... Merci d'être là. En fait, il y a... il y a une
question qui pour moi est importante, puis je suis sûr, en fait, pour tous mes
collègues, mais c'est cette clarté. Parce que, dans le fond, vous avez mentionné,
tu sais, on a un outil plus large, plus clair. Est-ce que, dans le fond, par
exemple, les piscines municipales, en pleine canicule, il n'y a pas un lien
avec la santé? Puis, dans ce cas-là, si c'est un risque pour la santé, bien, c'est
les services essentiels qui peuvent s'appliquer pour ces journées-là. Moi, ce
que je cherche à avoir, c'est... puis mon collègue député d'Hochelaga-Maisonneuve
le disait, bien, c'est... c'est un peu ça. On a des critères assez abstraits,
assez flous. Est-ce que c'est vraiment clair à votre avis?
M. Damphousse (Martin) : Bien,
je comprends que le cas par cas va être analysé, et non d'avoir la même règle à
tout le monde partout. Bien, c'est là le gros avantage. Dépendamment des cas,
dépendamment des périodes, dépendamment des régions, bien, ce sera jugé sur la
valeur du conflit. Puis je pense que ça a son mérite.
M. Chassin :Mais est-ce qu'on peut penser, par exemple, qu'il y a d'autres
solutions? Par exemple, de demander aux parties de déterminer qu'est-ce qu'on
peut faire comme mouvement de grève ou de lock-out sans compromettre la
sécurité des gens au départ?
M. Damphousse (Martin) : Bien,
je dirais, je vous invite à trouver de meilleures solutions s'il y en a.
M. Chassin :D'accord.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
pile... pile à l'heure, comme on dit. Merci beaucoup, M. Létourneau, M.
Damphousse, M. Tremblay, pour votre contribution à cette commission.
Nous allons suspendre les travaux pour
permettre à l'autre groupe de s'installer. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 03)
(Reprise à 16 h 07)
Le Président (M. Allaire) :
Alors, nous allons reprendre les travaux. Nous sommes maintenant avec les
Manufacturiers et exportateurs du Québec. Mme White, bonjour. Bienvenue!
Donc, je vous laisse le soin de vous présenter, votre titre officiel, et vous
pouvez poursuivre ensuite avec votre 10 minutes pour votre audition. Puis
ensuite va s'ensuivre une période d'échange. Vous êtes habituée de toute façon.
Allez-y.
Mme White (Julie) :
Merci. Donc, Julie White, présidente-directrice générale de Manufacturiers et
exportateurs du Québec. M. le Président, merci. M. le ministre, Mmes, MM. les
députés, merci de me recevoir aujourd'hui pour vous exposer la perspective de
Manufacturiers et exportateurs sur le projet de loi n° 89. MEQ, c'est une
association dont la mission est d'améliorer l'environnement d'affaires, d'aider
les entreprises manufacturières et exportatrices à être plus compétitives sur
les marchés locaux et internationaux. C'est important de vous rappeler que le
secteur manufacturier, c'est vraiment l'un de nos piliers économiques. C'est
plus de 500 000 emplois à travers le Québec. Près de 13 % du
PIB. C'est le secteur le plus fort en fonction dans l'économie. C'est 85 %
des exportations et plus de 13 700 entreprises. Vous comprendrez que
dans le contexte actuel d'incertitude économique, notamment, on a un rôle
stratégique et on a aussi des préoccupations importantes quant à la stabilité
de notre environnement d'affaires, ici, au Québec et au Canada.
D'entrée de jeu, je voulais faire un court
mot, M. le ministre, suite à votre lettre ouverte de ce matin dans LaPresse.
Je pense que c'est important de rappeler que tout le monde a le droit d'avoir
une opinion sur un projet de loi, ce projet de loi ci, comme l'ensemble des
projets de loi. Avoir des débats, c'est sain, mais faisons-le dans le respect.
Si on souhaite avoir des négociations qui sont paisibles, il faut le faire sur
le bon ton et c'est de cette façon-là que nous ferons avancer les dossiers.
Maintenant, si on va sur le thème du
projet de loi, tout d'abord, rappelons qu'au cours des dernières années, il y a
eu beaucoup de conflits de travail qui ont affecté les entreprises du secteur
manufacturier, et particulièrement leur capacité à être compétitives et
productives pendant des moments qui étaient clés de l'économie. Il y a eu
plusieurs conflits, par ailleurs, au port de Montréal, il y a eu le conflit
dans le rail. Il y a eu d'autres conflits au niveau provincial, notamment chez
Olymel. Bien sûr, tous ces conflits-là ont des causes variées et ont des
particularités qui leur sont propres. Mais une chose est en commun, c'est
qu'elles ont souvent des conséquences qui ont affecté beaucoup plus que les
parties au dossier. Ça s'est étendu au-delà, à la fois des conséquences
sociales, mais économiques majeures. Entendons-nous ici, le droit d'association
des travailleurs est un droit qui est reconnu et que nous respectons bien
évidemment. La grève est un moyen de pression qui est légitime dans le cadre
d'une négociation.
• (16 h 10) •
Mais le droit du travail est une question
d'équilibre, un équilibre entre les droits de chacune des parties, des
travailleurs et ceux de l'employeur. Évidemment, tout le monde ici autour de la
table, j'en suis convaincu, souhaite que les parties négocient des solutions
qui leur conviennent mutuellement. Malheureusement, ce n'est pas toujours
possible, et il faut avoir un cadre légal qui permette de résoudre ces conflits
de façon agile et en tenant compte de l'intérêt de l'ensemble des parties.
Depuis quelques années, il y a eu une multiplication de conflits, de situations
d'impasse dans les négociations qui ont eu des impacts collatéraux importants
sur la société, notamment sur notre économie. L'équilibre qui devait prévaloir
dans la relation de travail...
Mme White (Julie) : ...s'est
trouvé... s'est alors trouvé compromis. Pour nous, c'est important de ramener
le pendule à... et de trouver des façons d'éviter que des conflits de travail
n'aient pas d'impact déraisonnable sur la société.
En ce sens, on appuie le principe du
projet de loi n° 89 déposé par le ministre du Travail. Ce n'est pas... un
projet de loi qui selon nous permettra de rééquilibrer les forces dans le cadre
de négociations tout en déployant des solutions constructives pour trouver des
solutions à ces conflits de travail. Je souhaite tout de même vous exposer des
commentaires sur trois aspects liés au projet de loi.
Premièrement, la catégorie de «services
assurant le bien-être de la population», pour nous, c'est bienvenu. Ça va
permettre d'éviter de paralyser l'entièreté d'activités soit d'entreprises ou
de différents secteurs, tout en permettant de maintenir des moyens de pression
par les employés. C'est important de maintenir quand même ce droit-là. Ça
ressemble beaucoup au concept de «services minima», reconnu ailleurs dans le
monde, notamment par l'Organisation internationale du travail. Selon ce qui est
prévu actuellement dans le projet de loi, ce seront les services minimalement
requis pour éviter que la sécurité sociale, économique ou environnementale de
la population soit affectée de manière disproportionnée.
C'est une définition qui demeure floue,
qui demeure sujette à l'interprétation. Je sais qu'en tant que législateurs, ce
n'est pas facile de trouver le bon équilibre entre les bons mots pour bien
comprendre la situation, mais donner aussi la flexibilité. Qu'est-ce que ça
signifie réellement, des «impacts disproportionnés»? Comment on qualifie
«disproportionnés»? Ça peut varier beaucoup en fonction de la position dans
laquelle on est. Donc, pour baliser le tout, on vous invite à regarder ce qui
se fait dans d'autres juridictions où il y a des listes qui sont préétablies de
sous-secteurs qui pourraient être visés par des services minimaux. Évidemment,
cette liste-là ne devrait pas être limitative, ça devrait être une liste de
base qui nous permette d'orienter certains secteurs, mais pour lesquels le
ministre pourrait tout de même ajouter des situations si certains conflits plus
spécifiques le nécessitent, mais aussi pour tenir compte de l'évolution de la
société, hein. On ne veut pas non plus se mettre dans un carcan qui est trop
rigide et qui ne répond pas aux objectifs de la loi. La prévisibilité amenée
par une telle liste pourrait permettre aux parties de se préparer plus
rapidement aussi à la situation et, une fois déférées au TAQ pour s'entendre,
être prêtes à ce que ça procède rapidement, éviter qu'il y ait des délais qui
soient trop longs.
Évidemment, si je parle du TAQ 30
secondes, on a déjà des enjeux, hein, de délais au TAQ, il y a déjà des... ce
n'est pas parfait en ce moment. Donc, il faut évidemment que l'application de
cette loi-là soit accompagnée de ressources suffisantes au TAQ pour être
capables de remplir cette nouvelle mission-là, qui va amener du volume
supplémentaire.
Dans un deuxième temps, on vous soumet que
le secteur de la construction devrait être visé par le projet de loi n° 89. Non
seulement c'est un de nos grands secteurs économiques, mais il va être
essentiel pour soutenir la reprise économique et faire face aux défis qu'on vit
actuellement avec le sud de la frontière. On en a parlé régulièrement, le
gouvernement en parle aussi, c'est un des moteurs de développement qu'il saura
utiliser. Un nombre important des manufacturiers que je représente sont des
fournisseurs du secteur de la construction aussi. Donc, pour eux, c'est... un
ralentissement dans un conflit de travail qui pourrait perdurer de façon
disproportionnée pourrait aussi avoir des impacts importants. Nous sommes
conscients que la construction a un régime de travail particulier, mais les
conséquences économiques et sociales d'un conflit dans ce secteur sont les
mêmes que celles visées par le Code du travail. Donc, nous vous invitons à
regarder cette question-là dans l'étude du projet de loi.
Finalement, nous souhaitons réitérer
l'importance d'inclure dans le Code du travail québécois des dispositions
similaires à celles de l'article 107 du Code canadien du travail afin de
permettre au ministre d'intervenir en cas de conflit de travail risquant de
causer des préjudices graves et irréparables à la population. C'est un pouvoir
qui doit être utilisé de façon judicieuse et exceptionnelle, mais il est
nécessaire que Québec puisse déférer des situations à l'arbitrage quand les
démarches de médiation ou de conciliation ont échoué. Ça arrive, des impasses.
Elles doivent trouver... Il doit y avoir une solution à ces impasses. Au niveau
fédéral, on l'a vu, l'article 107 a été utilisé récemment. J'ai parlé plus tôt
du conflit au Port de Montréal. En fait, je vais... La répétition des conflits
de travail au Port de Montréal, la grève ferroviaire aussi, ça avait des
impacts majeurs pour toute la chaîne d'approvisionnement, la chaîne logistique.
Dans le contexte que nous vivons actuellement, particulièrement, on comprend
bien les impacts que ces conflits peuvent...
Mme White (Julie) : ...avoir.
Évidemment, l'article 107 du Code canadien du travail est très large,
beaucoup plus large que ce qu'il y a dans la loi actuelle, mais je pense qu'on
fait bien de mieux baliser pour éviter les enjeux. On sait aussi que
l'article 107 est en train d'être challengé, excusez-moi l'anglicisme,
devant la cour.
Donc, on appuie, évidemment, ce troisième
pan du projet de loi, qui, pour nous, est nécessaire, particulièrement dans
le... un moment où on cherche de la stabilité dans notre environnement
d'affaires et où on a besoin de l'ensemble de nos joueurs pour se... passer à
travers la vague que nous vivons actuellement. Merci.
Le Président (M. Allaire) : Merci
à vous, Mme White. On débute la période d'échange avec M. le ministre. La
parole est à vous.
M. Boulet : Merci beaucoup,
Mme White. Évidemment, on a tous ici beaucoup d'estime pour les manufacturiers
exportateurs du Québec. Merci pour votre présence, merci pour la qualité de
votre présentation. Véritablement, vous avez touché à tous les points
fondamentaux de ce projet de loi là.
Je vais faire quelques commentaires, puis
on pourra peut-être échanger, là, mais, tu sais, quand un de vos objectifs,
c'est d'assurer un environnement d'affaires qui est stable, ça en fait partie.
Puis il y a des associations patronales qui sont venues ce matin, puis ils
disaient : Il y a eu effectivement des conflits de travail qui ont eu des
répercussions significatives sur la population, sur sa sécurité. Vous avez fait
référence à des conflits de compétence fédérale, évidemment. Je vais... Je
reviendrai à l'article 107, là. Mais moi, je partage totalement cet avis-là.
Il faut respecter le droit de grève, le droit de lock-out, mais il faut le
faire dans le respect des besoins fondamentaux, souvent de notre population,
puis ça s'exprime par la sécurité sociale, économique ou environnementale. Puis
j'apprécie, vous êtes la première à revenir sur le concept de service minima,
qui a été utilisé par le Comité des libérations syndicales sous l'égide de
l'Organisation internationale du travail. Donc, quand on me dit «service
minimalement requis», c'est... on réfère à ça.
Ceci dit, on va faire une étude détaillée
article par article, puis, s'il y a des concepts à clarifier, on pourra le
faire. C'est pour ça qu'on échange tout le monde ensemble. Puis je réfère à...
aussi à un autre commentaire d'un de mes collègues des partis d'opposition,
l'interprétation, on la veut évolutive, on veut des solutions adaptées à des
conflits concrets. C'est pour ça qu'on ne peut pas dire d'avance, par exemple,
puis je vous le définirai, là, «affecter de manière disproportionnée», ce n'est
pas nous qui allons juger, c'est le Tribunal administratif du travail. Puis,
quant à sa capacité de le faire, je pense que l'expertise, elle est là. Il y a
une division des services essentiels qui va être requalifiée, mais il n'y aura
pas nécessairement beaucoup de cas.
On met tellement d'énergie à aider à
l'amélioration des climats de relations de travail, à aider à la négociation
des premières et des renouvellements de conventions collectives de travail,
puis on a des conciliateurs médiateurs qui sont reconnus à l'échelle
canadienne. Ça fait qu'il faut éviter. Puis que des syndicats me disent :
La vaste majorité des dossiers se règlent sans conflit, c'est ce qu'il faut
souhaiter. Ultimement, il faudrait qu'il n'y en ait pas, de conflit. Il y en a
eu 288 en 2024. Puis je ne veux pas jouer ce discours-là. Il faut les éviter.
Il faut éviter les conflits qui, malheureusement, prennent la population en
otage.
Une grève, c'est pour mettre une pression
sur un employeur, un lock-out, c'est pour mettre une pression sur un syndicat,
pas affecter la sécurité sociale, économique ou environnementale d'une
population. Ça fait que «affecter de manière disproportionnée»... en fait, je
référerais au mot «significatif», puis ça va être le tribunal à le déterminer
en fonction des faits et des circonstances. On ne veut pas du mur-à-mur, on
veut de quoi qui est adapté. Et donc l'effet sur la sécurité sociale,
économique ou environnementale de la population doit être significatif. Ça ne
peut pas être un simple inconfort, vous l'admettez avec moi, Mme White, ça ne
peut pas être un simple désagrément non plus. Il faut qu'il y ait des
répercussions qui sont significatives, puis on l'a vu avec les dossiers
auxquels vous faisiez référence, là, de compétence fédérale.
• (16 h 20) •
Vous l'avez lu, hein, Mme White,
l'article 107? Vous l'avez lu plusieurs fois, puis je le relis, là, pour
le bénéfice de tout le monde : «Le ministre fédéral du Travail peut
prendre les mesures qu'il estime — qu'il estime — de nature
à favoriser la bonne entente dans le monde du travail et à susciter des
conditions...
M. Boulet : ...non
favorables au règlement des désaccords ou différends qui surgissent. À ces
fins, il peut déférer au conseil toute question ou lui ordonner de prendre les
mesures qu'il juge nécessaires.
Bon. Je ne ferai pas plus de commentaires,
mais je pense que notre projet de loi, il y a un effort extrêmement important
de clarifier, d'utiliser des concepts qui sont clairs, qui sont reconnus et qui
constituent des balises qui vont nous permettre, au cas par cas, de faire les
justifications nécessaires devant les tribunaux. Puis, encore une fois, il n'y
a pas une loi que je connais, puis vous le savez, vous avez une formation
équivalente à la mienne, qui ne suscite pas de problèmes d'interprétation ou
d'application. C'est pour ça qu'on a adopté l'approche circonstancielle au cas
par cas. C'est comme ça que les lois devraient être faites pour permettre aux
tribunaux, puis aux parties, puis aux personnes intervenantes, là, parce que la
Loi instituant le Tribunal administratif du travail permet à une partie
d'intervenir. On ne veut pas que ça devienne un bar ouvert, mais les personnes
peuvent être entendues, mais pour tenir compte de la réalité spécifique du
conflit de travail qui va nous concerner. Je vois Carole qui voulait...
Une voix : ...
M. Boulet : Allez-y! Puis
après ça, je pourrai conclure.
Le Président (M. Allaire) :
Pas de problème. Mme la députée de Huntingdon, la parole est à vous.
Mme Mallette : Merci.
Vous avez évoqué que nous avions un contexte économique particulier, sans doute
en référence avec la menace des tarifs. Vous avez aussi dit qu'on avait besoin
de stabilité. Est-ce que vous croyez que c'est le bon moment d'apporter ce
projet de loi ci. Puis est-ce que ça va apporter, selon vous, ou ça va
favoriser une meilleure stabilité par la suite?
Mme White (Julie) :
Merci. Écoutez, en ce moment, les tarifs douaniers, ça bouleverse notre
économie, mais ça ne sera pas non plus réglé dans deux mois, là. On a quatre
ans d'un gouvernement américain devant nous. Il faut utiliser la crise et
trouver des opportunités où est ce qu'on peut améliorer notre environnement
d'affaires si on veut demeurer une économie qui est forte en Amérique du Nord.
On a vécu la pandémie. Dans le secteur manufacturier, ça a été particulièrement
difficile. On s'attendait à plein de changements sur la productivité et
l'innovation, un paquet de choses, mais ça n'a pas tout à fait arrivé. Ça fait
que, là, on a un moment, un autre moment qui arrive, dans lequel on a... On est
quand même un peu pris dans un étau et c'est le temps, là, de trouver toutes
les façons au Québec, dans ce qu'on contrôle, en contrôlant ce qu'on contrôle.
On ne contrôlera jamais ce que M. Trump fait. Donc, qu'est ce qu'on peut
faire pour améliorer cet environnement d'affaires? Donc, moi, toutes les
mesures qui permettent d'aller dans ce sens-là, actuellement, je les vois
positivement. Évidemment, il y en a qui ont des effets à plus long terme, des
effets plus grands, plus petits, mais si on est capable de tous s'enligner dans
cette direction-là pour le secteur manufacturier, qui sera le secteur le plus
affecté et qui a été beaucoup affecté dans le passé par des conflits de travail
avec des conséquences économiques, c'est sûr que je vois ça d'un bon œil et je
trouve que ça amène un élément de stabilité dans l'environnement d'affaires.
M. Boulet : Merci. Oui,
je voulais... la construction, Mme White.
Mme White (Julie) : Oui.
M. Boulet : Parce que
vous n'êtes pas, ça, cependant la première à nous interpeller. Vous savez que
c'est un régime qui est très particulier. C'est des conventions collectives qui
ont une portée nationale, qui visent au-delà de 200 000 travailleurs.
Ça fait que c'est sûr que ça prend une cohérence, hein? Puis il y a des clauses
communes, il y a des clauses sectorielles. Ça fait que c'est sûr qu'il y a des
caractéristiques distinctes, là, comme le pluralisme syndical. Vous savez que
c'est à adhésion syndicale obligatoire. Ça fait que la solution, les deux
solutions qu'on a développées dans le projet de loi, ça implique généralement
des relations traditionnelles employeur-salarié. Tout ce qui est couvert par le
Code du travail du Québec, qui a été adopté en 1964, un employeur manufacturier,
avec son syndicat, un employeur municipal avec son syndicat, bien là, ici,
cette pluralité et cette complexité rendaient particulièrement difficile de
couvrir l'industrie de la construction. Puis, autre élément, bien sûr, ça
aussi, vous le savez, il n'y a pas de dispositions antibriseur de grève dans la
loi R-20. Ça fait que c'est sûr que la réalité n'est pas la même. Ça fait
que c'est sûr que de traverser des piquets de grève, ce n'est pas évident, mais
il y a quand même une revendication traditionnelle du monde syndical, de
l'industrie de la construction, d'avoir ce type de dispositions-là. On en a
débattu au printemps, l'année dernière. Ça fait que c'était un complément
d'information...
Mme White (Julie) : ...puis je
le comprends bien, d'ouvrir la Loi R-20, ce n'est pas quelque chose qui
est simple, c'est quelque chose qui est complexe. Vous venez de le faire aussi.
Maintenant, je vous invite quand même à y réfléchir. Je pense qu'on a une
opportunité actuellement. Si on parle de stabilité d'affaires, je n'ai pas le
choix de vous le dire, stabilité du milieu d'affaires, ça fait partie...
M. Boulet : Je ne suis pas
choqué, là.
Mme White (Julie) : ...de la
solution. J'ai entendu beaucoup le premier ministre, dans les dernières
semaines, nous dire à quel point l'industrie de la construction était
nécessaire pour la relance économique, comment ça allait être un des piliers
les plus importants pour s'assurer que notre économie passe à travers la crise
actuelle, que ce soit avec les infrastructures publiques mais aussi avec le
projet... les grands projets, notamment chez Hydro-Québec. Donc, je vous le
resoumets à tous. Je sais que vous aurez des débats et je sais que c'est
complexe.
Si je peux me permettre, juste dans les
commentaires précédents sur les services minima, c'est certain que d'avoir une
définition parfaite dans la loi trop serrée, ça n'arrivera pas puis ça va
entraîner des problèmes si on est trop restrictifs. Peut-être qu'il y a des
façons d'inclure certains types par décret, par règlement, par exemple des
listes qui pourraient être non exhaustives, mais d'enligner certaines
situations, je pense notamment à des services minima qui ont été reconnus
ailleurs dans le monde, par exemple la gestion des infrastructures
énergétiques. S'il y avait quelque chose chez Hydro-Québec qui paralysait
notamment des situations comme ça sur le réseau d'Énergir. Il y a aussi,
évidemment, tout ce qui pourrait être lié au transport de marchandises. Là, je
n'ai pas besoin de vous convaincre qu'il y a quelque chose qui est beaucoup
fédéral là dessus, mais même pour la sécurité économique, des services
bancaires de base. Donc, c'est ce type d'élément là qui, pour moi, est
nécessaire. Vous aurez des débats, vous aurez l'occasion aussi, puis on pourra
bien comprendre l'intention du législateur à ce moment-là et avoir ces
discussions là, mais sur ce genre de service minimum, là, que je... je
m'oriente quand j'ai cette discussion-là avec vous, il faut être prudent.
Fabrication d'ÉPI, de médicaments notamment aussi qui pourrait être touché, ce
genre de précision là. Mais c'est sûr que ce n'est pas facile de trouver
l'équilibre dans la façon dont on l'écrit versus dans la façon dont on
l'applique. Si on est capables de réfléchir à certaines façons, peut-être un
peu créatives, de trouver une solution pour prévoir de la... pour avoir de la
prévisibilité pour les employeurs qui eux, des fois, se retrouvent un peu
surpris à l'interprétation de cet article-là, même s'ils ont des avocats, ce
n'est pas toutes les entreprises qui ont non plus le même volume légal derrière
eux pour les soutenir. Donc, c'est un peu dans ce sens-là. Ça peut aussi être
des guides d'interprétation, des façons de l'appliquer dans l'information que
vous ferez par la suite. Mais je pense que c'est important de tenir en compte
que oui, c'est bien que les tribunaux le testent, mais il faut un premier test,
un deuxième test, un troisième test avant qu'on soit capables de bien le
comprendre. Et c'est dans cette perspective-là que je vous suggérais de regarder
un peu la question des listes. Mais si on est capables d'avoir des pressions
pour que ce soit facile de compréhension pour les... pour les différentes
parties, mais ça atteindra un objectif qui est similaire, là.
M. Boulet : Merci beaucoup de
votre participation encore une fois et au plaisir de vous revoir bientôt.
Merci, Mme White.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
M. le ministre. On enchaîne avec l'opposition officielle. Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, la parole est à vous.
Mme Cadet : Bonjour. Merci,
M. le Président. Bonjour, Mme White. Un grand plaisir, donc, de vous voir
ici cet après-midi. Je vais enchaîner sur la question des listes, parce que
c'était effectivement la première question que j'avais ici, que j'avais prise
en note, donc, face à votre... votre libellé, là, ce que vous nous avez
présenté un peu plus tôt, parce que, bon, vous nous disiez d'entrée de jeu,
donc, qu'il y a, donc, des... donc, en fait, que, pour baliser le tout, donc,
il y a des listes, donc, qui se font ailleurs dans le monde. Vous venez de
donner trois exemples. Je vous laisserais peut-être l'occasion de compléter ici
puis peut-être de nous donner aussi une idée générale, là, derrière les
exemples qui sont donnés ici, là, qui nous semblent plutôt structurants.
• (16 h 30) •
Mme White (Julie) : Écoutez,
merci pour la question, puis, je pense, c'est important d'en discuter.
Évidemment, ce que je vous rapporte aujourd'hui puis les suggestions que je
fais sont basées sur ce que l'Organisation internationale du travail et le
Comité de la liberté syndicale ont déjà produit, là. Je n'invente pas des
choses en ce moment, je me suis basée sur ces éléments-là, parce que ce sont
des éléments qui vont affecter quand même les critères dont on parle
aujourd'hui, donc sécurité sociale, économique, probablement des personnes
vulnérables. Donc, c'est un peu dans ce sens-là. Évidemment, je suis consciente
que l'élaboration d'une liste, qu'elle soit limitative, fermée ou non fermée,
évidemment, je préférerais quelque chose que le ministre a encore un pouvoir de
décréter par lui-même parce que ça amènerait de la flexibilité, c'est sûr, ça
nécessite un équilibre, ça nécessite d'entendre quand même... consulter un
peu...
16 h 30 (version non révisée)
Mme White (Julie) : ...les
parties, ça pourrait être, par exemple, un projet de règlement qui institue une
liste qui n'est pas exhaustive. Mais dans les éléments qui ont été reconnus en
droit international, là, la gestion des infrastructures énergétiques, les
services bancaires de base, le transport en commun, l'éducation lors d'une
grève de longue durée, le transport de voyageurs et de marchandises, le service
de ramassage des ordures ménagères seraient des éléments qui répondraient à ces
critères-là et, évidemment, ce ne sont pas des services qui sont des services
essentiels, et il faut voir la différence. Et dans l'application et dans les
mesures qui seront déterminées, par exemple, si on va au TAT, c'est sûr qu'il y
aura une différenciation dans la façon d'appliquer les services minimaux, et c'est
normal, on n'est pas dans la même catégorie que les services essentiels. On ne
le voit pas comme des services essentiels supplémentaires, mais une catégorie
différente et distincte qui pourrait avoir des mesures d'aménagement qui sont
différentes dans l'application lorsque le TAT décidera des mesures.
Mme Cadet : Oui, tout à fait
ce que vous mentionnez, et donc les services essentiels, donc les critères qui
sont reconnus, donc pour établir si, oui ou non, donc il y aurait lieu donc de
négocier des services essentiels entre les parties, c'est donc la question de
la santé et de la sécurité de la population. Ici, on est vraiment donc dans
un... dans un cadre distinct où l'analyse du Tribunal du travail, là, donc ne
prendrait pas en considération donc la notion de services essentiels
internationalement... internationalement reconnue, mais bien celle des services
minima. Puis là, vous dites donc cet... ces exemples-là que vous nommez, donc
ils ont été établis par le Comité de la liberté syndicale de l'OIT, c'est bien
ça?
Mme White (Julie) : ....puis
je pourrais faire parvenir notamment un article, là, de certains avocats chez
Lavery qui ont fait une recension, puis ça pourrait vous aider à la compréhension.
Mme Cadet : Merci. Je pense
que ça nous... ça nous aide à nous structurer. Est- ce que... Si vous avez
entendu mes interventions précédentes, effectivement donc le libellé actuel ou
le flou entourant la manière dont... de l'article 4 est prévu pour le
moment certainement donc suscite certaines interprétations. Je pense que ça va
être important que législateur puisse offrir au tribunal un certain... certains
aménagements afin de l'aider à prendre ses premières décisions, étant donné qu'on
n'a pas de précédent en droit canadien.
Ensuite, dans votre échange avec le
ministre, je pense qu'il a été assez clair. Donc, ça a été nommé de part et d'autre
qu'évidemment donc ces services-là, bon, là, on a établi donc des exemples
précis, mais que ça ne peut pas être un désagrément. Là, par exemple, on se
répète un peu ici, là, mais vous, donc, dans votre secteur d'activité, au-delà
du fait donc de prévoir, donc, cette liste là qui est prévue, ce que vous
voyez, donc, des exemples? Vous êtes, bon, dans ce cas... dans le cadre donc d'un
conflit X ou Y, évidemment sans... sans présumer de rien, puis en gardant... en
s'assurant que le tout puisse se dérouler rondement, quels seraient... bien, en
fait, quels seraient des exemples qui ne sont pas nécessairement donc ceux qui
ont été établis par l'OIT, mais qui, dans votre secteur d'activité, au niveau
des... des entreprises manufacturières, donc pourraient donc les toucher et
que, selon vous, ça pourrait être compris dans les services affectant le
bien-être de la population?
Mme White (Julie) : Évidemment,
je veux être prudente dans la façon que je vais le faire, mais je comprends
bien la question. J'ai évoqué tantôt la question, par exemple, de la
fabrication de... et de médicaments. Si on a, par exemple, un fournisseur d'un
type de masque M-95 pour lequel il y a un conflit de travail et qu'on est
en pleine période où qu'on a une résurgence pandémique et qu'on a besoin d'avoir
des masques, on n'est pas capables d'avoir accès puis qu'on a besoin d'avoir de
la production, ça pourrait être une chose. Et là, c'est totalement fictif, là.
Je veux juste être claire. C'est sûr que la gestion des infrastructures
énergétiques pourrait être aussi critique pour approvisionner certains types de
production manufacturière à certains moments, s'il y avait des enjeux majeurs,
par exemple avec Hydro-Québec. Je ne suis pas en train de dire qu'il y en a,
là. Juste être claire.
Mme Cadet : J'ai très bien
compris.
Mme White (Julie) : Il n'y a
pas... Ce n'est pas ça. Mais... Puis que ça mettait par exemple en cause l'approvisionnement
électrique dans des alumineries ou, si vous connaissez un peu les alumineries,
si les cuves ferment, les repartir puis de recommencer la production, ce n'est
pas quelque chose qui se fait rapidement ni facilement. Il pourrait y avoir des
situations comme ça. Évidemment, là, c'est des scénarios qui sont assez
importants, qui ne sont pas là en ce moment. Mais de se prémunir face à ces
situations-là, d'avoir un cadre législatif qui le permet déjà, qui est adapté
et souple pour répondre à ça, c'est... c'est... c'est là que c'est nécessaire
aujourd'hui. Et rappelons que le cadre qui est offert actuellement, ce n'est
pas d'imposer une convention collective, ce n'est pas de trouver...
Mme White (Julie) : ...les...
d'établir les conditions de travail qui seront déterminées, mais de trouver un
moyen pour les parties de s'entendre à une solution. Il faut dénouer ces
impasses-là. Évidemment, vous avez raison, une grève, un lock-out, ça a des impacts,
c'est normal, ça fait partie de l'équilibre. Mais normalement, les impacts
devraient être sur les parties qui sont dans la négociation, c'est là que le
rapport de force de négociation est, donc, le plus possible, concentrer les
impacts autour des parties qui sont en cause.
Mme Cadet : Sur la question
de l'arbitrage obligatoire... puis vous avez nommé la distinction entre le
libellé de l'article 107 du Code canadien du travail et ce qui est prévu,
bon, dans les dispositions entourant, donc, l'article cinq, là, du projet de
loi, le pouvoir spécial du ministre. Donc, vous, vous avez mentionné que ce qui
nous est présenté, donc, offre des balises un peu plus circonscrites que
l'article 107, et que ça... bon, ça semble donc vous satisfaire. Donc, grosso
modo, est-ce que vous pensez que cet article-ci et le précédent, donc,
permettent véritablement au projet de loi, là, donc, d'atteindre, donc, ses
visées? Donc, on le dit, donc, l'objectif est de réduire l'impact sur la
population, de réduire la durée aussi, donc, des conflits, donc, lorsqu'ils
s'amorcent. Est-ce que les mécanismes qui nous sont proposés atteignent ces
objectifs selon vous?
Mme White (Julie) : L'article 107
est plus large, évidemment, que ce qu'on a actuellement. L'article 107, par
exemple, a été très utile pour les manufacturiers et on a applaudi
l'utilisation par le gouvernement fédéral de cet article-là. Maintenant, ça
demeure, les deux régimes, là, que ce soit fédéral ou ce qu'on... ce qui est
prévu dans le projet de loi n° 89, des situations où qu'il y a des pouvoirs, un
pouvoir d'un ministre qui peut exercer. Donc, c'est sûr que, dans ces
circonstances-là, d'avoir plus de balises, comme il est prévu dans le projet de
loi n° 89, pour s'assurer de circonscrire un peu plus le pouvoir
discrétionnaire du ministre, de s'assurer qu'on n'a pas la panoplie, là, tu
sais. On parle, dans 107, «le ministre peut prendre les mesures qu'il estime de
nature à favoriser une bonne entente et à susciter des conditions favorables au
règlement des désaccords ou de différends... des désaccords ou de différends
qui surgissent. À ces fins, il peut déférer - là, pas il doit déférer - toute
question ou lui ordonner de prendre les mesures qu'il juge nécessaires.» C'est
un... C'est très large. Si on est dans un mode d'équilibre dans nos relations
de travail, de prévoir que le ministre peut imposer aux parties d'avoir un
mécanisme de dénouer une impasse, je pense que c'est sain, mais de l'encadrer
un peu plus pour s'assurer... aussi d'éviter d'être contesté, hein?
L'article.... L'article 107, il n'avait pas été testé vraiment, hein? On
va avoir ces balises-là, et s'assurer qu'on ait cette prévisibilité-là. Je
pense que, dans ce qu'on a dans le projet de loi actuellement, on atteint les
objectifs.
Mme Cadet : Mais vous pensez
aussi que le libellé, donc, de ce qui nous est présenté à l'article cinq du
projet de loi est une mesure qui est la moins contraignante possible. Parce
qu'on s'entend, donc, dans ce qui nous était... ce qui nous a été amené par la Cour
suprême, c'était évidemment, donc, le fait, donc, d'atteindre le moins
possible, donc, à la liberté d'association et d'offrir un mécanisme autre qui
soit efficace, neutre et impartial. Donc, est-ce que vous pensez que ce qui
nous est présenté répondrait à ces objectifs?
Mme White (Julie) : Ceci
n'est pas une opinion juridique, mais oui, je pense qu'on a trouvé un certain
équilibre. Et il faut aussi s'assurer d'une agilité dans ce processus-là. Et
c'est ce qu'on a actuellement.
Mme Cadet : Merci. Combien de
temps, M. le Président?
Le Président (M. Allaire) : 15 secondes.
Mme Cadet : Ah! mon Dieu! Le
préavis de sept jours, vos prédécesseurs, donc, nous ont émis des réserves à ce
sujet. Je veux vous entendre.
Mme White (Julie) : Préoccupations
de certains membres sur l'impact que ça peut avoir sur le climat de travail
pendant cette période-là. Mais je comprends que c'est une question aussi de
miroir par rapport au droit de grève.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
merci, malheureusement je dois vous arrêter, Mme White. Alors, on poursuit avec
le deuxième groupe de l'opposition. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, la
parole est à vous. Trois minutes 28 secondes.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Bonjour, Mme White. Toujours un plaisir de vous voir ici.
Je commence... On commence à avoir
plusieurs intervenants, là, depuis ce matin, puis il y a quelque chose qui me
frappe. Tout le monde qui passe ici, qui sont dans des situations d'employeur
comme la vôtre, ils disent tous à peu près la même chose. Ils disent :
Non, non, on n'est pas contre le droit de grève, mais les grèves qui touchent
notre secteur, c'est un problème, puis il faut que ça cesse. Ça fait
qu'individuellement ils ont toujours la posture de dire : Non, non, le
droit de grève, c'est correct, il faut le défendre, il faut le respecter, mais
dans mon secteur, c'est que ça cause trop de problèmes, il faut... il faut...
il faut y voir. Mais, quand vous additionnez toutes ces choses-là, finalement,
on se demande c'est qui, c'est quoi, la grève qui ne cause pas de problème puis
que tout le monde est d'accord avec. Puis vous avez référé tantôt à la
construction, à Hydro-Québec. Moi, j'essaie de comprendre une éventuelle grève
à Hydro-Québec, c'est quoi, le rapport avec le bien-être des personnes,
sécurité environnementale, sociale, économique? Est-ce que... J'ai l'impression
que tout est inclus là-dedans. Est-ce que je me trompe?
• (16 h 40) •
Mme White (Julie) : Ce n'est
pas l'objectif de mes...
Mme White (Julie) : ...interventions.
Premièrement, oui, le droit de grève, c'est un droit qui est reconnu. Je l'ai
dit d'emblée. Ce que je... Ce qu'on parle aujourd'hui... Ce que je parle de mon
côté, c'est des grèves qui ont des impacts disproportionnés, soit parce qu'il y
a une impasse, que ça s'étend dans le temps, parce que les impacts vont au-delà
des impacts sur les parties et qui affectent des... de façon importante
notamment un secteur... le secteur économique, que je représente, mais d'autres
secteurs. Jamais Manufacturiers et exportateurs ne va affirmer qu'une grève en
soit est... ce n'est pas... ce n'est pas correct, ça fait partie des droits des
employeurs, comme le lock-out fait partie aussi des opportunités que les... des
employés qui... dont le lock-out fait partie des droits pour les employeurs,
mais il faut aussi... et c'est... d'où l'importance de démontrer la question
des préjudices, la façon dont ça se passe. Oui, la sécurité économique advenant
un conflit d'Hydro-Québec, elle peut être importante et majeure pour beaucoup
de Québécois, mais est-ce que toutes les grèves dans les entreprises sont...
ont... répondent à ces critères-là, la réponse est non.
M. Leduc : Bien, allons-y
alors, parce que je me pose la question, je l'ai parlé... posée à vos
prédécesseurs, ils n'ont pas eu le temps de répondre : Pouvez-vous me
donner de... donner deux ou trois exemples de grèves marquantes des dernières
années qui, selon vous, n'ont pas eu d'impact disproportionné?
Mme White (Julie) : Écoutez,
là, vous... je vais quand même être prudente dans la façon que je vais
répondre. Il y a des conflits de travail. Je pense, M. le ministre, il a dit
qu'il y en avait eu 280 au cours de la dernière année. Ce n'est pas dans 280
situations où la sécurité... il y a eu un impact disproportionné sur
l'économie. Je veux être prudente dans les affirmations que je fais. Je ne veux
pas parler à travers mon chapeau en ce moment, donc je ne vais pas vous fournir
trois exemples, mais je vais vous dire que, sur les 282 conflits de travail
qu'on a eus au Québec l'année dernière, c'est probablement un ou deux ou trois
qui se trouvent dans cette catégorie-là.
M. Leduc : ...parler aux
employeurs de ces 280 conflits, je vous gage mon petit 2 $ qu'ils vont
tous dire la même chose, que leur conflit dans leur secteur a des impacts
disproportionnés puis qu'il faut intervenir.
Mme White (Julie) : Les
employeurs disent que des conflits de travail, ça a des impacts sur eux, c'est
vrai, mais c'est ça aussi, l'équilibre en droit du travail. Quand on a un
conflit de travail, il y a des impacts pour chacune des parties.
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Merci. ...qu'on enchaîne avec le député de Jean-Talon. La parole est à vous.
M. Paradis : Vous avez beaucoup
insisté sur la question de la stabilité, comme d'autres, mais là, j'ai... ça
fait plusieurs fois que j'entends le ministre utiliser l'expression «simple
désagrément» : Ah! ce n'est pas ça qu'on va viser ici, puis vous avez
repris ces termes-là. Est-ce que vous pensez que de passer de la notion de
service essentiel dont l'interruption peut avoir un effet de mettre en danger
la santé, la sécurité publique à, bien, tous les services sauf ceux, là, qui
entraîneraient des simples désagréments quand on arrête de les livrer, ça
serait un changement délicat qui n'affecterait pas la stabilité des relations
de travail au Québec?
Mme White (Julie) : Il faut
être prudent dans la façon dont on parle des services minimaux et des... de la
façon de les appliquer, ça, c'est clair. La... Les dispositions aussi où le
ministre aura un pouvoir discrétionnaire d'intervention, il faut qu'il soit
bien balisé. On ne peut pas se baser uniquement sur des simples désagréments.
L'équilibre doit être là. Maintenant, c'est sûr qu'on parle dans des situations
hypothétiques. Actuellement, il n'y a pas un conflit de travail au Québec
actuellement qui est dans ces circonstances-là. Je vais me référer aux conflits
de travail qu'on a eus... qui sont de compétence fédérale, j'en conviens, mais
qui sont... qui exemplifient bien la situation. Le conflit de travail au port
de Montréal entraînait des impacts économiques allant jusqu'à 90
millions de dollars par jour...
Le Président (M. Allaire) : ...oui,
je suis désolé. M. le député de Saint-Jérôme, la parole est à vous. Une minute
19 secondes.
M. Chassin :Merci. Une minute 19 secondes pour les questions et les
réponses, hein? Alors, évidemment, j'ai bien entendu, pour l'industrie de la
construction, votre proposition. Vous n'êtes pas la seule à le faire. J'ai un
peu la préoccupation de me dire : Bien, est-ce qu'il n'y a pas, dans le
fond, un plus grand impact... En fait, justement, dans les 282 ou 284 conflits
de travail de l'année dernière, il y en a dont on a peut-être moins entendu
parler parce que justement ça n'avait peut-être pas d'impact démesuré sur
d'autres personnes, je comprends, mais est-ce que, dans des situations où, par
exemple, il y a monopole, bien, il n'y a pas, à ce moment-là, effectivement,
des conséquences, que ce soit le port de Montréal aussi... peut-être pas un
monopole, là, il y a le port le Québec, quoiqu'il y a d'autres problèmes. Puis
c'est ça. Puis, en même temps, bien, dans les services publics, dans un certain
nombre de lieux, de sociétés, dans le fond, publiques ou l'industrie de la
construction, où...
M. Chassin :...ce n'est pas un monopole, on est obligés, par exemple,
de se syndiquer. Est-ce que, dans ce cas-là, il n'y a pas, effectivement, un
problème particulier, puis on devrait s'attaquer à ça plutôt?
Le Président (M. Allaire) : 10
secondes.
Mme White (Julie) : Bien,
écoutez, ce que je suis capable de vous répondre aujourd'hui, c'est que je
pense qu'on est capables d'agir rapidement avec le projet de loi n° 89 pour
amener la stabilité dont on a besoin. Il y a probablement des réflexions à plus
long terme, mais, actuellement, on a une solution qui est satisfaisante.
Le Président (M. Allaire) : Merci
beaucoup, Mme White. Mme White, du groupe des Manufacturiers et exportateurs du
Québec, merci pour votre contribution à cette commission.
Nous allons suspendre les travaux quelques
instants, merci.
(Suspension de la séance à 16 h 46)
(Reprise à 16 h 51)
Le Président (M. Allaire) : Alors,
nous allons reprendre les travaux. Nous sommes maintenant avec la Confédération
des syndicats nationaux. Nous avons M. Jean, Mme Senneville, M. Enault et Mme
Clermont-Isabelle. Bienvenue à cette commission. Je vais quand même laisser le
soin de vous présenter, peut-être, avec votre titre plus officiel, et je vous
cède la parole pour votre exposé de 10 minutes, va s'ensuivre une période
d'échange. La parole est à vous.
Mme Senneville (Caroline) : Oui.
Donc, je suis Caroline Senneville, présidente de la CSN. Vous avez oublié
Pascal Jean qui est conseiller politique auprès de la CSN. François Enault
est... premier vice-président de la CSN, responsable de la négociation; et Mme
Clermont-Isabelle, Vanessa, c'est sa deuxième commission parlementaire
aujourd'hui, elle est avocate au Service juridique de la CSN. M Enault va
commencer la présentation, je ferai la deuxième partie.
M. Enault (François) : Merci.
Donc, il est clair que, pour nous, le projet de loi du ministre Boulet
constitue un affront aux organisations syndicales au Québec. Avec son projet de
loi, le gouvernement s'immisce dans l'équilibre du rapport de force entre les
parties. En introduisant la notion de service assurant le bien-être à la
population, le ministre pourrait demander l'instauration du service minimum si
celui-ci a trop d'impacts négatifs sur la sécurité sociale, économique ou
environnementale de la population. Celle-là, j'ai hâte qu'on me l'explique,
parce que'avec un gouvernement qui a refusé un BAPE pour une usine de batteries
qui fait faillite, je ne comprends pas c'est quoi, la préoccupation soudaine de
l'environnement pour le gouvernement. Également, il peut mettre fin à une grève
ou un lock-out en demandant à un arbitre de déterminer les conditions de
travail des salariés, si le ministre estime qu'un conflit cause ou menace de
causer un préjudice grave ou irréparable à la population.
Le projet de loi permet l'ingérence du
politique dans les conflits de travail. Par ailleurs, étant donné que la
majorité des conflits de travail sont des grèves et non des lock-out, ce
pouvoir discriminatoire impactera plus les syndicats. En 2021, on parlait de
95,9 % de grève et on parlait de 2,4 % de lock-out. Le projet de loi
est une masse politique utilisée pour mater les syndicats. 95 % des
conventions collectives se règlent sans conflit de travail au Québec. Le
pouvoir discrétionnaire du ministre de mettre fin à la grève et d'imposer
l'arbitrage de différend n'est pas neutre et impartial, tout au contraire, il
est politique et renforce le déséquilibre du rapport de force entre les
parties.
Je me questionne aussi comment le ministre
va faire pour trouver des arbitres, il y a présentement une pénurie d'arbitres.
On devait en embaucher 20 cet hiver, on a été capable d'en embaucher cinq
seulement. Le ministre fait le contraire de ce qu'il dit vouloir faire, de
déjudiciariser les relations de travail, au contraire, on les judiciarise
davantage avec ce projet de loi, ce qui va remplir plus les poches des avocats
patronaux.
Le critère permettant de mettre fin à une
grève légale est flou, non défini et beaucoup trop large. Le projet de loi ne
comporte aucune indication permettant d'interpréter ce qui est un préjudice
grave ou irréparable à la population. Il est normal qu'une grève cause une
contrainte économique à l'employeur, c'est précisément le but recherché. Sans
cette pression économique, on retire le principal effet d'une grève. En plus,
le présent projet de loi ne passe pas le test des tribunaux. Il porte atteinte
aux droits constitutionnels protégés par... je parle de la grève notamment. La
Cour suprême a reconnu l'importance du droit de grève, hein, dans l'arrêt
Saskatchewan en 2015. Je vais le couper, parce que vous avez tout ce que
l'arrêt Saskatchewan a dit, je pense que je ne suis pas le premier qui en
parle, puis je ne suis pas le premier qui va en parler non plus.
Le mécanisme du projet de loi est
fortement inspiré de ce qui existe à l'article 107 du Code canadien du travail,
lequel est déjà devant les tribunaux. D'ailleurs, on se questionne beaucoup,
pourquoi déposer un projet de loi qui prévoit un pouvoir discrétionnaire qui
est contesté haut et fort dans d'autres juridictions au Canada. C'est
révélateur d'une volonté inquiétante de mépris envers les travailleuses et
travailleurs et le plein exercice du droit fondamental à la grève. Du côté
négociation, bon, maître Boulet était avocat, mais il est aussi un négociateur,
moi aussi, je suis un négociateur. Si les arguments juridiques ne sont pas capables
de vous convaincre, on va y aller sur la négociation. Des conséquences
prévisibles sont... ça va faire tout faire l'inverse de ce que le ministre veut
faire. La seule chose qu'on va faire, c'est qu'on va continuer à augmenter les
négociations...
M. Enault (François) : ...parce
que s'il n'y a pas de pouvoir de force, on n'a pas de rapport de force, bien,
on va éterniser les négociations, ce qui va éloigner un retour rapide à la paix
industrielle. Les négociations seront toujours alors sous la menace de
l'utilisation par le ministre de ce pouvoir discrétionnaire. Comme si une loi
spéciale de retour au travail pendait toujours au bout du nez, une espèce
d'épée de Damoclas... Damoclès, excusez. Quels incitatifs ont les employeurs de
faire des concessions à la table de négociation s'ils ne peuvent que laisser
traîner le conflit jusqu'à tant que le ministre utilise son pouvoir?
Par ailleurs, si le ministre avait voulu
rééquilibrer le rapport de force entre les parties, on aurait plutôt amendé la
loi antiscabs, hein, pour revoir la notion d'établissement, pour donner plus de
pouvoir aux enquêteurs et embaucher plus d'enquêteurs.
Avant de passer la parole à ma présidence,
j'aurais une question, quand même, à poser au ministre, à savoir : En cinq
ans, en cinq ans que le ministre m'a appelé comme premier vice-président de la
CSN responsable des négociations... qu'on me nomme, un dossier que le ministre
nous a appelés, qu'il nous a convoqués, avec mon comité syndical, en conflit,
qu'on n'a pas réglé le dossier. La réponse, c'est : jamais. On a toujours
réglé nos dossiers. Caroline.
Mme Senneville (Caroline) : Oui.
Alors, c'est clair qu'à notre avis le droit de grève est protégé, puis il n'est
pas protégé pour rien, parce que c'est le moyen qu'on a, comme travailleurs et
travailleuses, d'améliorer nos conditions de travail. C'est quelque chose qui a
peut-être l'air abstrait, mais c'est quelque chose qui est très concret quand
le livre de beurre est à 8$, mes amis.
Il faut... Le droit de grève est déjà
restreint, hein, au Canada et au Québec. On peut faire la grève seulement quand
on... à la fin de notre convention collective. Dans d'autres juridictions, on
peut faire la grève à d'autres moments. Et je sais que le ministre ne sera pas
d'accord, il va dire : Ah! vous, vous trouvez que le projet de loi
déséquilibre le rapport de force, moi, je pense qu'il est plutôt équilibré.
Bien, si je lis Brian Miles, dans Le Devoir, il dit : «L'équilibre n'en
demeure pas moins infléchi à l'avantage des employeurs.» Paul Journet, dans La
Presse : «Une chose ne fait toutefois pas de doute avec ce projet de loi,
les syndicats seront perdants. Des experts en droit du travail nous
disent : «Ce projet de loi accorde des pouvoirs discrétionnaires
exorbitants, ça risque de provoquer des poursuites à répétition, ça va
affaiblir, à long terme, le rapport de force des travailleurs et ça pourrait
nuire à leurs conditions de travail.»
C'est le seul moyen qu'on a d'améliorer
nos conditions de travail. On a fait des gains sociaux par les grèves, et c'est
ce qui explique la colère de nos membres. Alors, tout ce qui est fait pour
affaiblir ce rapport de force là nuit à la classe ouvrière. On ne peut pas
affecter le rapport de force de 40 % des travailleurs et travailleuses au
Québec parce que ce sont les gens qui sont syndiqués sans affaiblir l'ensemble
des travailleurs et des travailleuses du Québec, et donc de la population du
Québec. Il y a plus... il y a plus de travailleurs que d'employeurs.
Alors, moi, je vais terminer en faisant un
appel solennel au gouvernement du Québec, à sa tête, son premier ministre, et,
bien sûr, au ministre du Travail, de retirer ce projet de loi là. On vous offre
une proposition, on fait une proposition. Il y a des problèmes avec les
conflits de travail : parlez-nous, parlez-nous avant, plutôt qu'on ait
appris ce projet de loi là par les nouvelles, assoyons-nous, puis on va en
trouver ensemble, des solutions, comme le vice-président vous l'a dit. Vous
êtes un adepte du dialogue social, allons-y, parce que nous, ce qu'on vous dit,
c'est que quand on prive les gens de moyens pour améliorer leur vie, pour leur
dignité et leur respect au travail, c'est la paix sociale qu'on met en danger,
c'est les inégalités qu'on augmente.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
Mme Senneville. Alors, on enchaîne avec la période d'échange. M. le ministre,
la parole est à vous.
M. Boulet : Oui. D'abord,
merci de votre présence, merci du temps et de l'énergie consacrés à la
préparation de votre mémoire. Évidemment, vous savez que c'est des
consultations particulières, on va analyser. Moi, je suis ouvert, lors de
l'étude détaillée, à faire des précisions. En même temps, quand on parle
d'équilibre, ce qui nous préoccupe constamment, c'est l'équilibre entre les
besoins de la population et l'exercice de droits. Dans le cas d'une grève,
c'est un droit qui est intégré à la charte, tant canadienne que québécoise, des
droits et libertés de la personne, mais il y a aussi le droit de faire un
lock-out.
• (17 heures) •
Cet équilibre-là n'a pas toujours été
atteint dans un certain nombre de dossiers de conflits dans lesquels on n'a pas
eu l'opportunité de travailler ensemble. Mais c'est vrai, je le dis d'emblée,
là, M. Enault, quand on a eu à discuter, à chaque fois, je discutai avec la
partie patronale et la partie syndicale, parfois, on faisait des rencontres
conjointes, et j'ai toujours eu une écoute raisonnée...
17 h (version non révisée)
M. Boulet : ...et une volonté
de participer à un processus de négociation qui était aussi raisonné. Ça fait
que ça, je n'ai jamais contesté ça. Ce qui nous préoccupe dans ce projet de loi
là, c'est : Est-ce qu'on ne peut pas considérer les besoins de la
population? Puis les exemples que je donne peut-être ennuis, mais il faut que
je les répète. Les enfants qui ont des besoins particuliers, Mme Senneville,
dont les services éducatifs sont interrompus et qui subissent un impact négatif
sur leur développement cognitif ou le développement de leurs compétences, ça
peut avoir un effet pérenne. Il y a des personnes à faibles revenus, puis vous
êtes préoccupés par ces personnes-là, qui ne peuvent pas aller au travail, qui
ne peuvent pas aller subir un traitement médical. C'est des personnes dont il
faut considérer fondamentalement les besoins. Les parents des enfants qui ne
peuvent pas bénéficier d'un transport scolaire, il y en a, des exemples
multiples. Et c'est tout simplement d'avoir des services à un niveau minimal
pour protéger cette population. C'est pour ça que je ne parle pas d'ingérence
dans le rapport de force, c'est juste une considération davantage. D'ailleurs,
le projet de loi le dit : «Considérer davantage les besoins de la
population».
Et je regrette mais je réfute l'ingérence
politique auquel vous... à laquelle vous faites référence. Le décret
gouvernemental ne fait que permettre à une partie de demander à un tribunal
indépendant et impartial de prendre une décision. Puis les critères, je le dis
souvent, les critères, ils auront toujours à être précisés. On ne peut pas
faire une loi qui ne suscite aucune interprétation, aucune difficulté
d'application, je le reconnais d'emblée. Mais le pouvoir politique, ce n'est
que de faire un décret gouvernemental, après ça la balle est dans le camp du
Tribunal administratif du travail. Puis, si le tribunal décide que les critères
ne sont pas rencontrés, on vit dans un État de droit et nous respecterons la décision
du Tribunal administratif du travail. Puis ce n'est pas parce qu'il y a des
mots qui me... Tu sais, je sais à quel point vous êtes des partisans et
partisanes du dialogue social, mater les syndicats, il n'y a pas grand monde
qui m'ont entendu parler de mater les syndicats comme vous avez fait appel. Ce
n'est pas une volonté de mater les syndicats. Et, que la majorité des conflits
ou des négos se règlent, tant mieux. 95 %. Si c'est 98 %,
souhaitons-le.
Puis ce n'est pas une pénurie d'arbitres,
c'est des cas de dernier recours, M. Enault, c'est des cas de solution ultime
où il y a un préjudice grave ou irréparable à la population. Il y a un groupe
qui nous disait : Est-ce que «grave» ne devrait pas être remplacé par
«sérieux»? Mais c'est des concepts qui sont utilisés dans la jurisprudence
québécoise, notamment en matière d'injonction, où on parle d'urgence, où on
fait la balance des inconvénients. C'est des concepts que vous connaissez
autant que moi. Ce n'est pas des concepts qu'on est allés chercher dans les...
dans les airs, c'est des concepts concrets. Ça fait que la volonté, ce n'est
pas de judiciariser. Il n'y aura pas de pénurie d'arbitres. Il va y avoir
combien de cas? Mme White disait un cas, deux cas, trois cas par année?
Souhaitons qu'il n'y en ait pas, mais il va y en avoir. Mais c'est
exceptionnel, et ce sera évidemment un outil qui va être utilisé avec
parcimonie. Ce n'est pas d'aller dans les poches des... tu sais, d'aller
chercher de l'argent dans... Non, c'est un critère qui est respectueux d'une
population qui a besoin de stabilité dans la conjoncture internationale
actuelle. Vous me dites souvent : Le timing n'est pas bon. Oui, le timing
est bon parce que la population a besoin d'être rassurée, particulièrement
parce qu'il y a des enjeux multiples, autant au niveau québécois que canadien
et international. Et j'aime ça que vous vous référiez à la pression économique.
Pour moi, là, une grève, c'est une pression sur un employeur pour accepter des
conditions de travail, comme le lock-out l'est pour un employeur, mais, quand
ça finit par prendre une population en otage, comme ça a été le cas... Puis il
n'y a pas 25 cas, là, que j'ai constatés où on était impuissants, où il y
avait une population qui était vulnérabilisée, où on n'avait pas d'outil dans
la législation québécoise. Et je sais que vous comparez à 107, mais, je le
répète, c'est un 107 balisé, c'est un 107... je ne dirais pas intelligent, mais
c'est 107 qui...
M. Boulet : ...rapproche
le mieux possible du respect de ce que la Cour suprême du Canada nous a
enseigné, ainsi que les tribunaux canadiens et québécois.
Un dernier point, volonté de mépris. Je
regrette, là, mais je réfute cette volonté de mépris que vous m'attribuez. Je
suis quelqu'un qui est prêt à parler. Puis mon collègue
d'Hochelaga-Maisonneuve, on a eu des désaccords. Ça fait presque sept ans qu'on
travaille ensemble et on s'apprécie. On a... Moi, je pense qu'on a de
l'affection mutuelle et c'est ça le vrai dialogue. Ce n'est pas un monologue
social. Il faut donner l'opportunité à tout le monde de s'exprimer, ce que je
n'ai pas eu tout le temps fait. Ça fait qu'excusez-moi de prendre du temps, là,
mais le dialogue social, c'est d'écouter puis d'être prêt à changer, puis
d'être prêt à s'adapter. Donc, il n'y a pas dans le dialogue social de volonté
explicite ou implicite de mépris. J'ai énormément de respect pour les
travailleurs et les travailleuses du Québec.
Peut-être mon dernier commentaire à
Mme Senneville, vous me dites concessions ou propositions, c'est de retirer
le projet de loi. Est-ce que c'est aussi d'accepter de faire partie d'un
processus démocratique où vous donnez votre opinion? Nous allons travailler
tout le monde autour de la table, article par article. On va s'échanger des
propositions, des recommandations ou des amendements, et c'est ce que je
souhaite que nous fassions tous ensemble pour le bénéfice du Québec et en
tenant compte non seulement de la conjoncture, mais particulièrement ou
notamment des personnes qui sont en situation de vulnérabilité. Alors, ça
serait... Moi, ça complète ma présentation.
Le Président (M. Allaire) :
Ça va? Pas d'autres interventions?
M. Boulet : Non.
Le Président (M. Allaire) :
Ça va? On enchaîne avec l'opposition officielle.
Une voix : ...
Le Président (M. Allaire) :
Bien, en fait, je suis... On va poursuivre avec l'opposition officielle.
M. Boulet : Je n'ai pas
de question. Je n'ai pas de question.
Le Président (M. Allaire) :
Parce qu'il n'y avait pas de question précise qui avait été posée.
Mme Senneville (Caroline) :
...commission parlementaire.
Le Président (M. Allaire) :
Oui, oui, je vais juste...
M. Boulet : Non, mais,
Mme Senneville, je n'ai pas de problème. Allez-y, on va vous écouter. J'ai
écouté votre présentation, puis je suis prêt à ce que vous réagissiez à mes
commentaires et je me réserve le droit de contre réagir.
Le Président (M. Allaire) :
Juste... Juste par précision, on est...
M. Boulet : C'est ça le
dialogue.
Le Président (M. Allaire) :
On est avec le temps de la partie gouvernementale. Donc, ça leur appartient,
c'est leur temps à eux, là. Je comprends qu'il vient d'ouvrir la porte pour
vous donner un droit de parole. Donc, allez-y.
Mme Senneville (Caroline) :
Oui. Bon. Alors, tout d'abord, nos membres font partie de la population.
M. Boulet : C'est ça, le
dialogue.
Mme Senneville (Caroline) :
Oui, c'est ça. Alors, nos membres font partie de la population. Puis on
s'inscrit en faux entre le fait d'opposer les syndiqués, puis d'opposer la
population. J'ai deux syndicats qui sont en conflit de travail en ce moment.
J'ai un syndicat qui se bat parce qu'il gagne 0,15 $ de plus que salaire
minimum, même après 22 ans d'ancienneté. Puis il aimerait ça que ce 0,15 $
là reste, puis qu'à chaque fois que le salaire minimum augmente, il gagne 0,15 $
de plus que le salaire minimum. L'employeur le refuse. J'ai un syndicat qui
s'est présenté à table de négociation, puis on leur a dit : On ne veut
plus de régime de retraite, on ne veut plus de régime d'assurance collective.
Les quatre prochaines années, on vous offre 0 %. Eux, là, on est en train
de leur dire : Vous allez vous battre avec une main dans le dos. Parce que
vous dites que ça va être exceptionnel. Une fois que la loi est adoptée, là, on
ne sait pas qui sera le futur ministre du Travail, et ce que son gouvernement
va en faire. C'est très large, c'est très flou et c'est une épée de Damoclès,
effectivement, puis la menace plane sur les syndicats. À partir du moment où la
loi existe, même si vous ne l'utilisez pas, c'est quoi le message qu'on envoie
aux syndicats? Faites attention à votre grève. Peut être que vous allez faire
une grève inefficace parce qu'on va vous... on va vous obliger à faire une
partie de travail qui n'est pas prévue à la loi des services essentiels. On
rajoute une notion. Or, votre grève dure trop longtemps? Bien, peut-être qu'on
va vous enlever le droit de négocier, puis ça va être un arbitre qui va le
faire. Alors, c'est... Et juste le fait qu'elle existe, cette loi-là... C'est
comme dans le secteur public avant, hein? Dans le secteur public, avant, on se
disait : Mon doux! Tu sais, tout d'un coup qu'on a une loi spéciale. Là,
les gens vont être : Mon doux! Tout d'un coup, je ne suis plus capable de
faire la grève parce qu'on va me demander de travailler ou qu'on va mettre fin
à ma négociation parce qu'on va arbitrer. Et là, excusez-moi, je vais faire un
petit bout de prof de français, mais un otage, ce n'est pas ça qu'on fait. Il y
a des désagréments, il y a des désagréments qui peuvent être, oui, importants
sur la population, mais je nous inviterais là-dessus à faire attention au choix
des mots. Puis je vais laisser mon vice-président parce qu'il a quelque chose
aussi sur la négociation.
• (17 h 10) •
M. Enault (François) :
Bien, premièrement, où est ce qu'on est surpris, c'est peut-être le ton, M. le
ministre, c'est qu'on parle du travail des enfants, qu'on parle de plein de
projets de loi qui ont été issus du CCTM. On a toujours été consultés et non
pas informés en mangeant de la dinde le 23 décembre. C'est ça aussi qu'on
trouve... qu'on ne comprend pas présentement. Sur les enfants démunis qui ont
besoin de...
M. Enault (François) : ...je
vous invite à aller dans Limoilou. L'École, L'Envol. On peut quasiment y aller
à pied, hein? C'est des enfants avec des problèmes d'apprentissage, des enfants
autistes. C'est drôle, on s'en préoccupe, de ces enfants-là lorsqu'il y a 20
jours de grève, peut-être, parce que c'était la FAE, nous, on en a fait 10.
Êtes-vous au courant que, présentement, il y a des enfants, dans ces classes-là
qui ont un professeur deux jours par semaine puis qui ont un adulte dans la
classe trois jours par semaine. Multipliez ça par 180 jours dans une année,
c'est pas mal plus long qu'une grève qu'on a pu faire. Puis personne ne s'en
occupe, présentement- de ces enfants-là. Allez voir. Je le sais, ma fille
enseigne là. Allez voir, Allez voir.
Donc, à un moment donné, c'est beau de
tout mettre sur le dos des grèves, mais on ne peut pas non plus, comme citoyens
et citoyennes, faire abstraction de ce qui se passe dans la vraie vie,
présentement, dans des écoles où il y a un sous-financement, que les
professeurs paient des queues de castor à leurs étudiants, étudiantes pour
essayer de les faire socialiser dans la ville de Québec parce qu'ils n'ont pas
de budget. Mais c'est ça, la vraie vie.
Ça fait qu'arrêtez de nous dire que c'est
seulement les grèves qui font ça. Ça, c'est quand même... Puis, sur les
exemples, M. le ministre, je suis content de vous entendre dire qu'on a
toujours réglé, mais arrêtez de prendre des exemples CSN. À chaque fois que
vous prenez des exemples, vous parlez des ports à Vallée-Jonction, vous parlez
du cimetière Côte-des-Neiges. C'est des dossiers qu'on a réglés personnellement
ensemble avec des syndicats, pas seuls, vous et moi, le syndicat était à mes
côtés, mais on les a réglés, ces dossiers-là suite à vos interventions. Ça fait
que, s'il vous plaît, au moins, si vous ne voulez pas qu'on soit un peu
surpris, bien, changez d'exemple, s'il vous plaît.
Mme Senneville (Caroline) : Sur
le transport scolaire... je veux juste dire un mot sur le transport scolaire.
Ça, c'est des gens qui ne gagnent presque rien. Les bris de service sont dus
beaucoup plus parce qu'il manque de chauffeurs que parce qu'il y a des grèves.
Puis pourquoi il y a des grèves? Parce que votre collègue, M. Drainville, a
augmenté le budget pour qu'il y ait des salaires. Et j'ai un patron qui, lui, a
décidé qu'il prenait la subvention du gouvernement, qui a augmenté son salaire
de 30 %, ce qui amène son salaire à deux fois celui du premier ministre,
puis qui ne donne pas d'augmentation salariale à du monde qui gagne moins que
20 $ de l'heure. C'est ça, les conflits de travail.
M. Boulet : ...si vous me
permettez. Dans tout processus de négociation qui a une impasse et un conflit,
les torts sont toujours partagés. Puis, effectivement, dans le transport
scolaire, c'est ce que j'ai constaté. Et ce n'est jamais plus de la faute du
syndicat ou de la faute de l'employeur. C'est important de rappeler, puis vous
le savez bien, Mme Senneville puis M. Enault, on met beaucoup d'énergie à
améliorer les climats de relations de travail. On a développé de l'expertise.
On a, au Québec, un réseau de conciliateurs médiateurs qui est reconnu à
l'échelle canadienne. Ce n'est pas de dire : Arbitrairement... on va
déférer à un arbitre, je le répète, c'est vraiment des solutions de dernier
recours, où il y a un préjudice grave ou irréparable à la population, ce que je
voulais préciser, c'est que... après que le processus de conciliation médiation
ait été infructueux.
Ça fait que c'est important de le
mentionner, on fait tout pour diminuer le nombre de conflits de travail qui
sont soit déstabilisateurs ou perturbateurs pour la population. C'est
simplement ce que ce projet de loi là vise à faire. Puis le choix des mots, je
le comprends, «population en otage», puis je le respecte, votre commentaire,
mais vous comprenez le contexte. Mais le choix des mots, quand vous référez à
«mater les syndicats», ça aussi, je l'ai mentionné tout à l'heure, puis à «une
volonté de mépris»... Je vous vois sourire, M. Enault, nous, parce que vous me
connaissez bien puis vous savez que ce n'est pas mon cas. Puis vous savez que
le but derrière ce projet de loi là, il n'est pas incompatible avec ma
détermination de poursuivre le dialogue social. Moi, je ne crois jamais que
c'est terminé, indépendamment des événements. Puis je respecte le droit de vous
exprimer, de manifester. Moi, quand c'est fait dans la paix puis dans l'ordre,
je n'ai aucun problème à cet égard-là. Ça fait que, voilà, c'est ce que je
voulais simplement mentionner.
Puis, je le répète, dans tout conflit, il
n'y a jamais la faute de l'un et la grâce de l'autre. C'est tout le temps, tout
le temps partagé. Puis ça... Je me souviens du juge Allan... ça doit vous dire
de quoi, qui était juge en chef de la Cour du Québec et, par la suite, en Cour
supérieure, puis il était vraiment en fin de carrière, là, il était à sa
retraite. Puis je lui avais demandé, tout jeune avocat, quel était le plus
grand enseignement qu'il pouvait...
M. Boulet : ...qu'il pouvait
me partager, puis c'est ce qu'il me mentionnait : À chaque fois qu'il y a
un conflit, Me Boulet, les torts sont toujours partagés, et ça, je le
reconnais. Et ce n'est pas ce que nous voulons faire, ce n'est pas de
s'immiscer dans un rapport de force entre un employeur puis un syndicat, mais
parfois il y a des rapports de force qui ont créé certains déséquilibres
perturbateurs pour la population. Alors, voilà. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Allaire) : Merci
à vous. On enchaîne avec l'opposition officielle. Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, la parole est à vous.
Mme Cadet : Bonjour. Merci,
M. le Président. Bonjour, Mme Senneville, M. Enault, M. Jean et Me
Clermont-Isabelle. Contente de vous avoir ici avec nous. Merci pour votre
mémoire également. Dans mes remarques préliminaires un peu plus tôt, donc, je
mentionnais un peu, donc, le cadre actuel qui prévaut, donc, qui existe, donc,
pour le règlement de différents conflits de différends. Évidemment, donc, les
mécanismes, donc, qui s'ajoutent ici, dans le projet de loi qui est déposé,
donc, ce serait complémentaire, donc, au mécanisme actuel. Évidemment, donc, on
a bien entendu votre positionnement sur le projet de loi qui est déposé. Selon
vous, donc, qu'est-ce qui existe déjà dans le Code du travail pour faciliter le
règlement des conventions collectives?
M. Enault (François) : Bien,
écoutez... Bien, premièrement, peut-être, j'ai entendu ce matin, tantôt encore,
on parlait de déneigement des ordures. Tout ça, là, c'est déjà tout inclus,
hein? C'est déjà tout inclus dans les services essentiels. Ça fait qu'on n'a
pas besoin de refaire un projet de loi pour ça, c'est là. La piscine, c'est
autre chose, hein, on s'entend. Donc... Mais, pour... Vous voyez, quand même,
il y a un service de conciliation, je le dis. Puis, je veux dire, je suis
peut-être un des plus grands utilisateurs du service de conciliation dans la
salle ici, j'ai toujours... je veux dire, on est la première... le front
commun... le dernier front commun et le premier front commun qui a demandé la
conciliation à la table centrale. C'est la partie qui l'a demandée, avec une
certaine réticence à un moment donné du gouvernement, mais c'est ce qui a fait
que ça l'a réglé les choses. Moi, je pense, il faut utiliser ces services-là.
La loi antiscab... Présentement, on fait affaire avec des scabs. Allez juste en
bas de la côte ici. J'ai plein d'exemples de la ville de Québec. C'est le fun
aujourd'hui. Allez à l'Hôtel PUR. Je veux dire, il y a des scabs qui rentrent à
la pelletée là-dedans. On ne les arrête pas. Ça, ça fait durer des conflits.
Donc, moi, je pense qu'avant de commencer à réparer de quoi qui n'est pas
brisé, tant qu'à moi... mais on peut-tu quand même utiliser des outils qu'on a
dans notre coffre à outils présentement avec le Code du travail puis les
utiliser correctement? Je vous le dis, ça fait le travail, hein? Une opération
un peu proactive du ministre, comme le ministre l'a faite souvent, puis qu'on
s'assoit, qu'on assoit les parties, ça fait le travail, ça fait le travail. Il
y a de quoi ici qui sous-entend de quoi qu'on ne comprend pas. Mais c'est
clair, que ce n'est pas la Confédération des syndicats nationaux. On a fait le
travail quand il arrive de quoi. Mais là on parle... On parle du cimetière. Le
cimetière, là, oui, les gens ont sorti en grève pendant sept mois, mais, on va
faire un quiz ici, ça faisait combien d'années, que ces gens-là n'avaient pas
de convention collective? Cinq ans, après cinq ans sans convention collective.
Tu sais, ce n'est pas se voter un décret de 30 % comme ça, là,
d'augmentation de salaire. Cinq ans sans augmentation de salaire. Ça se peut-tu
que ces gens-là soient un peu à bout, choqués, mécontents? C'est ce qui est
arrivé. Puis ces gens-là ne se battaient pas tant pour le salaire, se battaient
pour être capables d'avoir de l'aide pour qu'ils n'y aient pas d'ossements qui
traînent dans le cimetière. Parce que des fois ça relève, hein? Ces gens-là
voulaient avoir d'autres travailleuses, travailleurs pour travailler avec eux,
ils se battaient pour ça. Après cinq ans, il me semble, tu sais... Parce qu'on
l'utilise beaucoup, les familles endeuillées, mais, cinq ans, après cinq ans,
là, il y a beaucoup de monde alentour d'ici qui serait choqué.
Mme Cadet : ...je vous
comprends bien. Donc, selon vous, donc, dans le Code du travail, donc, il y a
déjà, donc, des mécanismes suffisants qui existent. En même temps, dans
l'exemple que vous donnez, donc, c'est donc... l'employeur, donc, avait
sollicité le Tribunal administratif du travail devant la division des services
essentiels, et ici on parle, donc, de services qui n'ont pas été reconnus comme
services essentiels. Est-ce que vous pensez que le concept, donc, de services
minimaux, là, pas nécessairement, donc, tel qui nous a été présenté par des
précédents intervenants, là, mais de la manière dont ils sont amenés par
l'Organisation internationale du travail, donc par le Comité de la liberté
syndicale, est-ce que vous pensez que ces exemples-là ou ces mécanismes-là,
donc, pourraient être légitimement ajoutés au corpus québécois?
• (17 h 20) •
Mme Senneville (Caroline) : Bien,
le Code du travail prévoit déjà un employeur qui peut utiliser des salariés
lors d'un conflit pour éviter la destruction, la détérioration grave de ses
biens. On a vu les entreprises brassicoles l'utiliser...
Mme Senneville (Caroline) : ...mais
c'est là où on dit : Nous, ce qu'on voudrait, c'est discuter deça avec le
ministre et les autres syndicats, et mêmes les employeurs, on est fins de même,
mais avant le projet de loi, non pas : on nous dépose le projet de loi, on
l'apprend, on l'a appris par hasard, en tout cas, par les nouvelles. C'est de
dire : Vous trouvez qu'il y a un problème, vous trouvez qu'il y a des
notions qui pourraient peut-être... on peut-tu en discuter, on peut-tu
s'asseoir, puis on va arriver avec nos exemples, les employeurs vont arriver
avec leur exemple, puis on va faire comme avec le travail des enfants, on va
arriver à un consensus.
Mais là on nous a dit... On nous fait
travailler depuis plusieurs mois sur un projet de loi omnibus qui s'en vient,
notamment sur l'utilisation des briseurs de grève. Les employeurs ne sont pas
sanctionnés. Négociation de mauvaise foi. Tu te fais dire : Oh! ne
recommence plus. Ça, ça prolonge les conflits. Puis on avait une entente pour
vraiment s'occuper de cette question-là. Puis excusez-nous de le prendre personnel,
on se fait dire... ça fait des mois qu'on travaille là-dessus, mais : Non,
ce projet de loi là, ce ne sera pas tout de suite, il va y en avoir un autre
dont je ne vous ai jamais parlé et qui vient gruger votre rapport de force, qui
est votre moyen ultime. Ce n'est jamais agréable, il n'y a pas un salarié qui
vote la grève de gaieté de cœur, mais qui est le moyen ultime pour dire :
Bien, j'aimerais ça, pouvoir payer mon augmentation de loyer ou ma livre de
beurre à 8$.
Mme Cadet : Effectivement, je
l'ai mentionné dans mes remarques préliminaires, donc, personne ne fait la
grève par plaisir. On vous a entendu dire publiquement, Mme Senneville. Vous
venez de parler, donc, de... bon, de faits, des éléments, donc, qui prolongent
indûment, donc, des conflits de travail. Selon vous, en fait, comment le Code
du travail aurait pu être amélioré afin de réduire la durée des conflits? Parce
que ce que j'entends, c'est que vous ne pensez pas que les dispositions qui
nous sont présentées, donc, permettent de les réduire, mais que vous partagez
cet objectif de réduction là. Donc, quelles seraient les dispositions qui vous
permettraient d'arriver à cet objectif?
Mme Senneville (Caroline) : Bien,
notre objectif, c'est d'en discuter dans un groupe de travail. Nous, ce qu'on
demande, puis, tu sais, je ne m'aventure pas sur ce terrain-là parce qu'on ne
souhaite pas faire d'amendement à la loi, on souhaite que le projet de loi soit
retiré pour qu'on puisse en discuter. Puis, à ce moment-là, si on arrive avec
une autre mouture qui est le résultat de... On pourra le... on pourra en
discuter, là, tout le monde ensemble, mais, pour nous, c'est... On était
avec... j'étais avec nos membres. Mes membres, je les vois, là, on les voit
quotidiennement, là, je parle au "je", mais, à deux, on en voit
encore deux fois plus... mais les gens sont en détresse, ils ont vraiment
l'impression que... là, on te renvoie sur le ring, puis je t'attache une main
dans le dos, parce qu'il va... Et je le répète, même si on dit : On va
l'utiliser de façon exceptionnelle, la menace plane, la... on ne le sait pas,
puis il n'y a pas de jurisprudence établie. À notre avis, les critères sont
larges et, à certains égards, il y a de l'arbitraire là-dedans.
Donc, les gens, ils... Puis c'est ça qui
va amener la judiciarisation. C'est que, s'il y a des mesures qui sont prises,
elles seront tout le temps contestées, tout le temps contestées. Puis je vais
en rajouter une couche. Il y a une grève, en ce moment, des CPE. La principale
raison de la grève des CPE, là... les travailleuses se battent parce qu'on
manque de travailleuses en garderie. On a fermé un programme, il y a un cégep
qui a fermé un programme parce qu'il n'y a pas assez d'étudiantes qui se
présentent là-dessus. Mettons qu'on décide qu'on fait... que c'est très, très
important les soins aux tout petits, là, malgré que les travailleuses ont
l'appui des familles, puis qu'on dise : On va obliger un arbitrage de
convention collective, les travailleuses vont se sentir tellement flouées de ne
pas avoir une entente de travail négociée que ça va avoir un effet délétère sur
leur rétention et leur attraction. Alors, des fois, régler un conflit de
travail, ce n'est pas régler une situation, hein, parce qu'il y a toujours
après le conflit.
Mme Cadet : Oui. Si j'ai bien
compris... si j'ai bien lu le projet de loi, par contre, je pense que cet
exemple-là ne serait pas soumis à l'arbitrage exécutoire, donc à la mesure qui
est prévue à l'article 5, parce que... voyons, les fonctions, donc, publiques,
là, et parapubliques ne sont pas assujettis à cet article. Mais je comprends
très bien l'exemple que vous donnez, là, effectivement, je pense que les
éducatrices ont l'appui des familles, j'en suis une, d'ailleurs, mon fils est
en grève aujourd'hui. Je vais...
Mme Senneville (Caroline) : On
peut lui fournir une petite pancarte, si vous voulez.
Mme Cadet : En fait, c'est...
son CPE est en grève. Je vais laisser ma collègue de d'Arcy-McGee compléter.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Allaire) : ...la
parole est à vous. Allez-y.
Mme Prass : Merci, Mme la...
Merci, M. le Président, désolée. Si je comprends bien, vous n'avez pas fait de
recommandation, vous ne voulez pas voir le projet de loi amendé, donc vous
consulter en amont aurait donné le même résultat.
Mme Senneville (Caroline) : Non,
au contraire.
Mme Prass : O.K., donc,
justement, je vous pose la question : Avoir ces discussions-là aurait été
constructif, d'après vous, de quelle façon?
Mme Senneville (Caroline) : Bien
on aurait... Ce que je vous dis là : Comment ça se fait que la négociation
de bonne foi puis l'utilisation des briseurs de grève, il n'y a pas de
conséquences à ça? Vous voulez qu'on s'entende sur c'est quoi, la destruction,
la détérioration grave des biens, vous voulez qu'on précise des choses par
rapport à ça? O.K., comment vous voulez le préciser? Qu'est-ce que vous voulez?
C'est quoi, votre objectif? C'est quoi, vos problèmes? C'est ça qu'on veut
entendre...
M. Enault (François) : ...ce que
je mentionnais plus tôt, qu'on regarde à l'époque, avec le régime
complémentaire de retraite, on a été consultés au CCTM, il y a eu un avis. On a
parlé avec les parties patronales, on est arrivés avec un avis. On est arrivés
en commission parlementaire, on ne s'est pas chicanés. Là, je parle d'une
affaire d'il y a six, sept ans. On l'a fait, ces décrets de conventions
collectives sur la gouvernance des décrets de conventions collectives. On l'a
fait, on a discuté, on a trouvé des consensus, on est arrivés ici, on ne s'est
pas chicanés. Sur le travail des enfants, on a fait la même affaire. Sur les
délais d'arbitrage, on a rendu un consensus à la fin juin, on attend le projet
de loi, là. Mais ce projet de loi là, il est là, on l'a fait. Ce qu'on dit :
Ce n'est pas vrai qu'on va commencer ici à trouver des solutions, il est trop
tard. On s'est fait dire que voici... On ne s'est jamais fait traiter comme ça
dans les lois qui touchent le Code du travail dans les 10 dernières
années.
Le Président (M. Allaire) :
...malheureusement, je dois mettre fin à ce bloc d'échange. On enchaîne avec le
deuxième groupe d'opposition. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole
est à vous.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous quatre. Je vais poser mes deux questions puis je vais
vous laisser partir, parce que c'est quand même rapide, trois minutes et demie.
Première question. Dans le fond, moi, je
suis surpris de voir que le ministre, il a l'air surpris que vous soyez fâchés.
Il me semble que ça allait être une évidence qu'un recul en droit du travail
comme ça, ça allait mettre le feu aux poudres dans le milieu syndicat. Moi,
j'ai qualifié ça de bombe nucléaire en droit du travail, ça le faisait
peut-être un peu sourciller, mais ça me semblait une évidence. Est-ce que — donc
ma question — c'est dans le top cinq des pires reculs en droit du
travail des 20 dernières années, le projet de loi n° 89?
Puis ma deuxième question, encore une
fois, après ça, je vous laisse aller dans la réponse. Je ne peux pas m'empêcher
de penser qu'il y a... qu'il y a dans le projet de loi n° 89 quelque chose
de préventif contre la grève des CPE générale à venir. On est en grève
aujourd'hui et demain, quatrième, cinquième journées. On sait que ça s'enligne
vers une GGI parce que ça ne négocie pas bien, bien vite à la table.
L'article 11, là, c'est la disposition finale, puis le ministre nous a
habitués, dans ses précédents projets de loi, à chaque fois qu'il y avait une
nouvelle... des nouvelles patentes, là, qu'il créait pour les processus, il y
avait toujours des dates d'application différée dans le futur, puis là woups,
cette fois-ci, un projet de loi qui n'est pas simple à appliquer, le TAT n'a
pas été mis au courant bien, bien plus tôt que vous autres puis nous autres de
cette affaire-là puis de nouveaux critères, bien là, c'est tout de suite
l'application du projet de loi, puis on le sait que la grève potentielle des
CPE est tout de suite. Comment ne pas y voir une attaque préventive contre la
grève générale des CPE à venir?
M. Enault (François) : Bien,
écoutez, c'est clair, je veux dire... Puis je l'ai mentionné tantôt, là, ils
sont venus manifester en avant de l'Assemblée nationale puis j'ai dit :
Les premières personnes qui vont goûter à ça, c'est eux, là, c'est elles, c'est
ces femmes-là qui vont se faire attaquer de plein fouet si... de plein fouet
si... parce que je pense que ça va être assez expéditif, là, la façon
d'appliquer la loi.
Pour répondre à votre question, top un,
deux, trois, quatre, cinq... J'ai des discussions avec mes collègues. Moi, ça
fait 30 ans, je travaille à la CSN. Là, on s'ostine : C'est-tu 45 de
Charest à l'époque ou c'est ça? Bon, il y en a qui disent : C'est 45. Moi,
je dis que c'est ça. Ça fait que ça, c'est un ou deux, là, mais il y a une
médaille d'argent, une médaille d'or, c'est clair, les deux sont sur le
podium... Ça, c'est... quant à moi, c'est les deux pires lois qui ont attaqué
le Code du travail en 30 ans d'exercice pour la CSN.
M. Leduc : ...conflits qui
ont touché la CSN. Vous avez parlé un peu des... du domaine de Vallée-Jonction.
Vous avez évoqué cimetière Côte-des-Neiges, mais on n'a pas eu le temps de
parler, je pense, du Réseau de transport de la Capitale. Pouvez-vous nous
placer quelques mots là-dessus?
Mme Senneville (Caroline) : Bien,
écoutez, on s'est présentés devant le Tribunal administratif du travail, on a
fait une preuve, le service juridique, bravo au service juridique, notre preuve
a été prépondérante. Alors, on est... Je veux dire, l'employeur avait... il
n'avait rien qu'à présenter une preuve meilleure que la nôtre. Le tribunal
administratif a fait son travail à partir des critères de la loi, puis,
écoutez, c'était une grève en plein été. Puis je pense que les gens se sont
plus énervés pour des motifs économiques. C'est une grève de quatre jours en
plein été.
M. Enault (François) : Puis
c'est moins pire quand même, les gens étaient moins pris en otage que les gens
de Brossard qui prennent le REM à tous les jours.
M. Leduc : C'est un autre
dossier, ça, c'est un autre dossier. Ça allait aller mieux avec le privé.
M. Enault (François) : Non,
mais c'est du transport en commun, quand même.
M. Leduc : Est-ce que j'ai
raison de croire que les fameux critères, justement, de sécurité sociale,
économique et environnementale, c'est bien trop large, n'importe quoi peut
fitter là-dedans, en bon français?
M. Enault (François) : Définitivement.
C'est «one-size-fits-all», là, puis c'est ce qu'on ne comprend pas à un moment
donné. «Environnementale», je le répète... Bon, un côté, je suis content qu'il
y a quand même certaines fibres environnementales par la CAQ présentement, là,
mais, je veux dire, on vient quand même... je le dis... j'ai dit d'entrée de
jeu, le BAPE, hein, l'usine de batteries qui n'a pas eu de BAPE à
Saint-Basile...
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Merci. Ça met fin à ce bloc d'échange.
M. Leduc : Merci beaucoup.
Le Président (M. Allaire) :
J'enchaîne avec le député de Jean-Talon. Une minute 19 secondes.
• (17 h 30) •
M. Paradis : Selon nos
calculs, il pourrait y avoir environ 775 000 travailleurs d'affectés
par le projet de loi. Est-ce que... Est-ce que mes chiffres sont bons? Est-ce
que ça se pourrait?
Mme Senneville (Caroline) : C'est
fort possible. 40 % de la population, hein, est syndiquée.
M. Paradis : Très bien. Le
ministre insiste beaucoup sur l'importance du dialogue. On peut imaginer qu'un
gouvernement qui planifie, qui prévoit, qui présente un projet de loi comme ça
sur un sujet d'importance sociale...
17 h 30 (version non révisée)
M. Paradis : ...consulte les
parties prenantes avant. Pourriez-vous nous parler de l'ampleur des discussions
que le ministre a eues avec le mouvement syndical ou avec votre mouvement
syndical avant.
Mme Senneville (Caroline) : Zéro.
Moi, écoutez, dans la dinde, là, j'ai donné des entrevues le 23 décembre et le
24 décembre à ce sujet-là. Puis c'est mon délégué à Trois-Rivières qui a dit :
Bien là, ça, ça roule beaucoup dans notre région, le ministre du Travail étant
député de Trois-Rivières, et je tombais des nues. Alors, après, le ministre
nous a rencontrés, les organisations syndicales, mais je pense que le projet de
loi était déjà pas mal écrit, là, parce qu'il y a beaucoup de choses qui ont
été dites par le ministre, même ici, qui nous ont été dites à cette
rencontre-là, mais... Et on a exprimé notre colère, ça peut répondre à M.
Leduc, je pense que oui. Il n'y a pas de surprise par rapport à notre colère,
on l'a exprimée très clairement, mais non, zéro... Puis on est partout, là, on
siège partout.
M. Enault (François) : C'est
un peu ça, notre colère, hein, il y a le fond et la forme. Sur le fond, on s'entend
qu'on n'est pas d'accord avec le projet de loi...
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Désolé. Ça met fin aussi à ce petit bloc d'échange. M. le député de
Saint-Jérôme, la parole est à vous.
M. Chassin :Bien, justement, ça va être très court aussi. Merci. Votre
présentation, évidemment, je pense que vous avez dit quelque chose, Mme
Senneville, qui, pour moi, est très important. Quand vous dites, c'est très
large, c'est très flou, dans le fond, ça laisse la place à... Que feront les
prochains ministres du Travail? Parce qu'on a le député de Trois-Rivières, mais
on a d'autres ministres du Travail qui, un jour, seront, dans le fond, saisis
de ces nouveaux outils là. Puis moi, ça, c'est une question qui me préoccupe,
je me dis : Jusqu'où ça peut aller? Puis l'arbitraire, en fait, c'est qu'on
dit : Bien oui, mais il faut garder une agilité, pouvoir faire du cas par
cas.
Moi, je ne sais pas si, même si on dit que
c'est un 107 balisé, je ne sais pas si c'est si balisé parce que les concepts
sont assez flous. Puis, dans le fond, j'ai envie de poser la question peut-être
à vous, M. Enault, mais assister au Festival d'été de Québec, c'est-tu une
conséquence sur la sécurité économique de certains ménages?
Mme Senneville (Caroline) : Pas
assez pour... Mais allons-y sur 107 balisé, 107 est contesté.
M. Chassin :En plus. Donc, vous, vous dites : Peut-être, au moins,
attendons 107.
Mme Senneville (Caroline) : Bien,
moi, je serais curieuse de savoir si le ministre de la Justice... Le ministère
de la Justice a été consulté sur le contenu de ça. Parce qu'en tout cas, nous,
les juristes, à qui on parle, nous disent qu'il y a beaucoup de matière à...
M. Enault (François) : Moi,
je vous dirais que c'est plus un 107 déguisé qu'un 107 balisé.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
Ça met fin à l'ensemble des échanges avec les groupes parlementaires. Merci à
vous quatre de la Confédération des syndicats nationaux.
On va suspendre les travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 33)
(Reprise à 17 h 42)
Le Président (M. Allaire) : Alors,
nous allons reprendre les travaux. Avant de débuter et de souhaiter la
bienvenue à notre nouveau groupe, j'ai besoin de votre consentement pour
permettre à la députée de Verdun de remplacer le député de Laurier-Dorion. Est-ce
que j'ai votre consentement?
Des voix : Consentement.
Le Président (M. Allaire) :
Consentement. Pardon?
Une voix : ...
Le Président (M. Allaire) :
Oui. Ça va? Excellent, merci. Donc, nous accueillons notre prochain groupe, la
Centrale des syndicats démocratiques. MM. Lesage et Vachon, bienvenue. Je vous
laisse le soin quand même de vous présenter avec votre titre plus officiel et
je vous cède la parole pour votre exposé de 10 minutes. La parole est à
vous.
M. Vachon (Luc) :Alors, merci beaucoup, bon. Alors, bon, M. le Président, M.
le ministre, Mmes et MM. les députés, les parlementaires et toutes vos équipes,
alors bonjour à tous. Je me présente, je suis Luc Vachon, président de la CSD,
donc la Centrale des syndicats démocratiques. Je suis accompagné de Samuel
Lesage qui est conseiller syndical à la recherche. Pour... la CSD représente
près de 72 000 personnes salariées, principalement dans les secteurs
privé, municipal, la construction et les ressources de type familial à
l'enfance et à l'adulte. Alors, je vous remercie tout le monde d'avoir invité
la CSD aux consultations particulières portant sur le projet de loi n° 89,
Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève
ou de lock-out, afin que nous puissions soumettre les inquiétudes des
travailleuses et travailleurs.
Vous avez probablement lu notre mémoire et
constaté que nous nous opposons au projet de loi n° 89 dans son contenu
actuel. Nous jugeons qu'il ne répond à aucun problème réel concernant l'état
actuel des rapports collectifs de travail et qu'il affaiblira le processus de
négociation collective et, par le fait même, la capacité des travailleuses et
travailleurs du Québec d'améliorer leurs conditions de travail et de vie.
Cela étant dit, nous désirons appuyer un
élément spécifique que nous n'avons qu'évoqué dans notre mémoire, à savoir tout
le processus qui a mené au projet de loi n° 89. Dans un modèle de
promotion et de valorisation du dialogue social, nous nous serions attendu à ce
qu'avant de soumettre un projet de loi d'une telle nature que soit soumis aux
différents intervenants de se pencher sur les préoccupations et qu'ils soient
mis à contribution dans la recherche de solutions, solutions qui souvent
prennent un peu plus de temps, mais qui, sans être parfaites, ont le mérite de
moins diviser, de proposer des zones de compromis et d'apporter des arguments
qui font progresser les réflexions au lieu de polariser les débats sur la place
publique.
De plus, M. le ministre, vous nous avez
habitués à proposer des projets de loi qui sans faire l'unanimité généralement
rejoignent en partie les organisations syndicales et patronales. Vous avez été
soucieux de préserver un certain équilibre dans les projets de loi concernant
le travail que vous avez déposés. Avec ce projet de loi, nous ne retrouvons ni
le processus de consultation qu'un sujet de cette nature aurait plus que mérité
ni le souci de préserver cet équilibre. Ce projet de loi a été annoncé à la
veille des vacances de la période des fêtes, en référence directe à l'article
du code... 107 du Code canadien du travail, qui a mis fin aux conflits
dans les secteurs du transport portuaire et ferroviaire. La constitutionnalité
de l'usage de l'article 107 étant plus que questionnable, le projet de loi
n° 89 prend une voie différente, créant un nouveau régime d'encadrement
des conflits de travail.
Mais peu importe, à ce stade-ci, que ce
nouveau régime soit constitutionnel ou non, la vraie question est : Qui
sert-il? De plus, d'où vient le besoin? Quel est l'enjeu dans le déroulement
des négociations collectives? En quoi ça répond à un enjeu qu'on voit
actuellement dans le processus de négociation? Nous n'en voyons aucun. Plutôt,
le projet de loi n° 89 introduit un affaiblissement de la capacité de
négocier collectivement en assujettissant les conflits à un...
M. Vachon (Luc) :...régime de maintien en activité minimale, sous le couvert
du bien-être de la population et en se réservant le droit de le faire cesser si
le conflit risque de lui causer un préjudice grave ou irréparable. Nous
déplorons que le projet de loi no 89 soit imposé de la sorte et qu'il vienne
rebrasser aussi profondément le fragile équilibre des rapports collectifs de travail.
Cela est d'autant plus frustrant que le projet de loi le fait en opposant la
population aux conflits de travail, ce qui met les syndicats dans une drôle de
posture défensive.
Les personnes salariées que nous
représentons font aussi partie de la population. Prendre la décision de faire
la grève représente pour elles une décision sérieuse et un risque majeur. Cette
manière d'opposer syndicats et population ne sert personne ni ne rend justice
aux travaux faits au fil du temps pour l'amélioration des relations de travail.
De notre point de vue, le projet de loi no 89 vise précisément les syndicats et
leur capacité à mener une grève effective. Aucun cas de lock-out n'a été
mentionné pour justifier ce projet de loi, bien que notre mémoire montre que les
impacts économiques de lock-out... est beaucoup plus important qu'on ne le
croit. Permettez-moi de citer quelques chiffres. Sur près de 20 ans, 40 %
des grèves ont duré moins de 15 jours, tandis que près de 47 % des
lock-out ont duré plus de 100 jours civils.
Mais suivons le projet de loi. Où est
l'avantage des travailleurs à demander de maintenir les activités minimales?
Aucun. Il n'est que pour l'employeur, qui se retrouverait donc dans une posture
d'écrasante supériorité à la table de négociation. Le projet de loi no 89, en
clair, respecte peut-être, et je dis bien peut-être, symboliquement la lettre
de l'arrêt Saskatchewan, mais il a été à nos yeux très clairement écrit pour
contourner les restrictions aux lois spéciales de cette décision. Manifestement,
le projet de loi no 59 ne respecte aucunement l'esprit de Saskatchewan.
La capacité de faire la grève constitue
une composante essentielle et fondamentale de tout processus de négociation
collective fonctionnelle. Voilà l'enseignement de Saskatchewan et de près de
150 ans de syndicalisme à travers le monde. Personne ne fait la grève pour le
plaisir, mais il s'agit de l'ultime moyen qu'ont les travailleuses et
travailleurs lorsque les négociations sont dans l'impasse. Et il est normal que
cette pression se traduise parfois par des impacts économiques ou sociaux. En
fait, c'est précisément le fondement de ce moyen, et cette considération ne
devrait aucunement être remise en question.
En venant, dès le départ du conflit,
ouvrir la possibilité de restreindre la portée de la grève ou même de la faire
cesser au nom du bien-être de la population, le projet de loi jette une chape
de plomb sur la capacité des personnes salariées à réellement s'organiser pour
améliorer leurs conditions de travail. Si le projet de loi est adopté tel quel,
nous craignons une judiciarisation importante des conflits, une perte d'intérêt
des employeurs à participer de bonne foi aux négociations, qui pourront adopter
une attitude attentiste jusqu'à l'intervention du législateur, et un
aggravement des relations de travail, lesquelles deviendront acrimonieuses
pendant la négociation, mais aussi entre les périodes de renouvellement de la
convention collective. Tout cela aura l'impact contraire de ce que prétend
viser le projet de loi.
De plus, en étant la porte d'entrée des
recours prévus au projet de loi no 89, le gouvernement ouvre la voie à la
politisation de la gestion des conflits et donne même à des parties intéressées
le pouvoir de demander aux TAT de s'assurer du respect du régime. Le
gouvernement et le TAT doivent-ils être la porte d'entrée des antisyndicaux? Le
processus, la négociation et la résolution des conflits appartiennent aux
parties et doivent rester uniquement entre les mains des parties concernées.
• (17 h 50) •
Tout cela fait du projet de loi no 89 une
proposition que nous ne pouvons accepter, écrite en catimini, affaiblissant la
capacité de négociation et proposée avec une approche populiste. Il n'y a pas
de place pour aménager des voies de passage, à moins de le réécrire en
profondeur. Les recours encadrant les conflits pour protéger les équipements et
biens de l'employeur ou pour garantir les services essentiels suffisent, selon
nous. Pour le reste, si le gouvernement cherche à améliorer et corriger
certains problèmes du Code du travail, toute forme ne sera jugée recevable que
si elle fait intervenir les organisations syndicales afin de dégager des pistes
d'amélioration. Surtout, toute proposition ne sera acceptable que si et
seulement si elle ne nuit pas d'emblée au processus de négociation collective.
Nous ne pouvons accepter un recul aussi majeur...
M. Vachon (Luc) :...de la capacité des personnes syndiquées à négocier. Et
tous savent très bien que lorsqu'on affaiblit la capacité des syndiqués
d'améliorer les conditions de travail et de vie, au final, c'est toute la
population qui y perd, celle-là même que le projet de loi prétend vouloir se
préoccuper, et ce, même si le projet de loi n° 89 prétend parler en leur
nom. Je vous remercie de votre écoute.
Le Président (M. Allaire) : Merci
à vous. On débute la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.
M. Boulet : Oui, merci.
Merci, M. Vachon, de votre présentation. Merci de l'énergie que vous avez
consacrée à la préparation de votre mémoire. Merci à vous deux, là, d'être ici,
d'ailleurs, au Parlement.
Évidemment, je ne répéterai pas ce que
j'ai mentionné avec le groupe précédent, qui était la CSN, mais il y a des
questions qui m'interpellent, M. Vachon. Puis ce n'est pas de mettre en
opposition les syndicats avec la population. C'est plutôt d'harmoniser l'impact
que peut avoir un conflit de travail sur une population qui est parfois rendue
vulnérable. C'est de trouver un bon équilibre entre l'exercice du droit de
grève ou de lock-out et les besoins parfois fondamentaux de cette
population-là.
Et vous me dites, parce que vous me posez
une question, qui ça sert : ça sert les enfants à besoins particuliers, ça
sert les personnes à faibles revenus, ça sert les familles endeuillées. On en
parle. Puis votre prédécesseur disait, bon, il n'y avait pas de convention
depuis un certain nombre d'années, mais il n'y avait pas d'activités de travail
parce qu'il y avait une grève depuis au-delà d'une année. Puis il y avait une
accumulation des dépouilles dans des frigidaires. Puis c'est des cas vécus,
c'est des cas réels où ces personnes-là étaient impuissantes, incapables de
procéder à l'inhumation d'une personne chère, ne pouvaient pas non plus aller
se recueillir dans le cimetière parce qu'il n'avait pas été entretenu. Il y
avait une crise de verglas. C'est ces personnes-là que nous voulons servir. Ce
n'est pas de judiciariser. Au contraire, c'est des cas exceptionnels dans des
circonstances particulières où la population du Québec a besoin de prévisibilité
et de stabilité.
Puis je pense que c'est bénéfique pour
l'environnement québécois dans nos lois du travail. Ce n'est vraiment pas pour
opposer la population aux syndicats. Ce n'est vraiment pas pour avoir un impact
sur le rapport de force entre les parties. C'est de s'intéresser dans un projet
de loi à l'impact perturbateur ou déstabilisateur sur la population que peut
avoir un conflit de travail. C'est ça, l'enjeu, c'est ça que nous voulons faire
simplement.
Puis j'en avais parlé, et je le disais à
mes collègues des partis d'opposition, à une rencontre du CCTM, où, je pense,
vous étiez présents. Et c'était dans la foulée de l'utilisation par mon
collègue à Ottawa de l'article 107 dans le cadre du conflit ferroviaire.
Et tout le monde comprenait. Puis j'avais mentionné que je m'intéressais à ce
critère-là, qui était un peu restrictif, de détermination des services
essentiels.
Et deux points qui me préoccupent, là,
quand vous dites «politisation». Vous êtes un homme brillant, M. Vachon, on se
connaît bien, vous savez que ce n'est pas le gouvernement qui décide. C'est le
Tribunal administratif du travail. Puis vous savez que c'est des personnes
indépendantes et impartiales qui vont devoir déterminer si les critères
s'appliquent. Est-ce que les critères ont besoin de précision? Jamais je
n'argumenterai que c'est des critères parfaits. Mais, quand ce n'est pas du
mur-à-mur, qu'on veut s'assurer que ce soient des décisions adaptées à des cas
concrets, ça nous prend des critères qui sont englobants. Puis la sécurité
sociale, économique ou environnementale... environnementale, c'est pour éviter
des catastrophes naturelles, et c'est des termes qui sont définis, qui sont à
interpréter par un tribunal. Puis c'est les besoins de la... le bien-être de la
population qui est mis en exergue par ce critère-là.
Et vous avez mentionné «anti-syndicaux».
Ce n'est pas des décideurs antisyndicaux. Puis ce n'est pas parce qu'il y a un
décret gouvernemental que ça impose une décision au Tribunal administratif du
travail. Si le tribunal décide que le critère n'est pas rencontré, qu'il n'y a
pas des impacts importants sur la population...
M. Boulet : ...ce sera
respecté par le gouvernement, c'est une décision d'un tribunal, je l'ai dit
encore une fois, on est dans un État de droit. Puis le deuxième mécanisme,
l'arbitrage, vous le savez, vous avez déjà été impliqué dans des dossiers
d'injonctions interlocutoires provisoires, vous savez c'est quoi un préjudice
sérieux ou irréparable, ou grave, ou irréparable? Parce que «sérieux», ça nous
a été proposé par un groupe ce matin. Vous savez que ça doit être consécutif à
une conciliation-médiation infructueuse. Vous le savez à quel point on met de
l'énergie, dans notre ministère, à accompagner les parties pour améliorer leurs
relations de travail, pour les aider à négocier. Puis je sais qu'il y a quand
même eu une augmentation quand même particulièrement importante du nombre de
conflits de travail puis je ne veux pas m'attarder au quantitatif, puis qu'il y
en ait eu 95 % ou 98 % qui ont n'ont pas abouti à des conflits de
travail, tant mieux! Il faut souhaiter qu'il y en ait presque 100 %, mais
qu'il n'y en ait pas, le moins possible, des cas où la population est
vulnérabilisée ou marginalisée par des conflits de travail. C'est ça qu'on veut
éviter, c'est simplement ça, ce n'est pas de quoi de si sophistiqué. Moi, je
pense qu'il faut revenir à la base, s'intéresser aux objectifs du projet de loi
puis s'assurer... vous le dites, dans la vaste majorité de mes projets de loi,
on a... on a discuté, on a développé des consensus, mais il y a des sujets sur
lesquels on n'avait pas de consensus, et le législateur est là parce qu'il est
élu pour faire l'arbitrage et faire des lois. C'est ce que nous avons fait dans
un projet de loi qui a 11 articles qui concernent la protection de la
population, et c'est une des missions fondamentales d'un État, d'un
gouvernement, de protéger sa population.
Et je le répète puis je ne veux pas
simplifier à outrance le contenu du projet de loi, mais c'est simplement ça, il
n'y a pas de volonté antisyndicale. Il y a une quête incessante que vous
partagez avec moi d'un bon équilibre dans les rapports de force.
Malheureusement, dans certains dossiers, il y a eu un déséquilibre de ce
rapport de force là qui a fait mal à la population, qui a fragilisé du monde.
Bon. Puis je pourrais prendre des exemples, vous en connaissez autant que moi,
mais je vais finir en disant que c'est deux mécanismes qui vont être utilisés,
qui vont devoir être utilisés avec parcimonie, puis c'est deux mécanismes qui
sont très loin de l'article 107 du Code canadien du travail, qui fait
l'objet de contestations judiciaires. Et j'ai retenu votre commentaire que le
projet de loi n° 89, il respecte probablement ce que vous avez dit, la
lettre de l'arrêt Saskatchewan, pas nécessairement l'esprit, puis ça, il y a
des opinions variées là-dessus, et je respecte votre opinion, mais je la
retiens.
Alors, merci beaucoup à vous deux. Merci à
la CSD pour sa présentation. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Allaire) :
Merci, M. le ministre. On enchaîne.
M. Vachon (Luc) :Mais là, on a-tu temps pour intervenir?
Le Président (M. Allaire) :
Bien, en fait, je reviens à ce que j'ai dit tantôt, là. Là, tantôt, c'est parce
que c'est un peu la première fois que ça nous arrivait, là. Il appartient
vraiment au groupe parlementaire, peu importe lequel, de gérer son temps. Donc,
dans ce cas-ci, il appartient au parti gouvernemental de gérer le temps qu'il
a.
M. Boulet : Mais, M. le
Président, ceci dit, on se connaît bien, vous savez mon intérêt pour le
dialogue social. Je vais être équitable avec le groupe précédent, alors, M.
Vachon, allez-y. Si vous pouviez le faire de façon diligente, ça serait bien
apprécié, mais allez-y.
Le Président (M. Allaire) : Allez-y,
la parole est à vous.
M. Vachon (Luc) :Je vais... je vais essayer d'être concis là-dessus. Alors,
il faut... ce qu'il faut retenir dans l'intervention, vous avez vu qu'on s'est
attardés beaucoup plus à la forme que le fond au niveau du projet de loi parce
qu'on aurait souhaité vraiment, je pense, que ça aurait été nécessaire, dans
des chambardements importants comme ça, qu'on passe par le processus du
dialogue social.
• (18 heures) •
Qu'est-ce que ça fait quand on passe par
le processus du dialogue social? Ça crée déjà, d'entrée de jeu, avec les
intervenants qui sont en place que ce soit des organisations patronales,
syndicales, ça crée déjà d'entrée de jeu une réflexion et des zones de compromis
qu'ils vont générer. Les préoccupations sont soumises, auraient pu être
soumises là, auraient été discutées, et il se serait généré des zones de
compromis. Quand en bout de ligne, il n'y a pas de consensus absolu, c'est
vrai---je me doutais que le ministre nous dirait qu'il y a un rôle d'arbitrage
à la fin---il y a un arbitrage, et l'arbitrage, quand on le connaît...
18 h (version non révisée)
M. Vachon (Luc) :...ça veut dire qu'on a entendu les représentations de
chacune des parties, leurs arguments, leurs préoccupations, et on détermine en
fonction de tout ça. Dans ce cas, ici, il n'y a pas eu de ça. Et, dans ce cas,
ici, il suffit d'écouter ce qui se dit sur la place publique, il suffit d'entendre
les différentes représentations qui ont été faites pour se rendre compte qu'on
n'est pas dans un projet de loi pour lequel... qui va, en fait, plaire, en
partie, à des groupes, puis moins à d'autres. On est vraiment polarisés. Ça, ça
veut dire que les discussions ont achoppé. Les discussions auraient dû être
faites plus tôt, et ils ne l'ont pas été.
Et, ceci dit, je ne doute absolument pas
de l'intention du ministre quand il nous soulève ça, mais quand on a un projet
de loi... Regardez, écoutez ce que vous avez eu, comme représentations, aujourd'hui,
avant les deux derniers groupes : c'est une brèche, et ce qui est attendu,
c'est... ce n'est pas suffisant. Ce qui est attendu, c'est qu'on va pousser
dans ça pour ouvrir... Alors... Puis là... puis ce qui a circulé sur la place
publique, dans les différents... dans différents médias, ce n'est pas aussi
restreint que ce que le ministre soulève.
Alors, il y a une prudence extrême par
rapport à ça. On ouvre une brèche. Comment on sera capables de la refermer,
cette brèche-là, à partir du moment où... Aujourd'hui, c'est M. Boulet qui est
le ministre. Qui ce sera demain, et comment les tribunaux évolueront, puis
quels genres d'influences il pourra se faire au niveau des tribunaux, ça, c'est
une grande préoccupation que nous avons. Parce que, vous avez entendu ce matin,
ça, c'est bien, mais pas assez. C'est ça qui a été dit.
M. Boulet : Simplement
mentionner que l'absence de recommandations dans les mémoires de certains
groupes démontre que leur volonté fondamentale, c'est le maintien du statu quo.
Donc, j'aurais apprécié qu'il y ait certaines recommandations. Mais vous faites
la démonstration qu'ultimement ce que vous souhaitiez, c'est le statu quo. Le
groupe précédent nous a dit, cependant : Ce qu'on aurait discuté, dans le
cadre d'une consultation, c'est comment améliorer les articles sur la
négociation de bonne foi, puis comment avoir plus d'inspecteurs pour s'assurer
du respect des dispositions anti-briseurs de grève. Ça fait que c'était mon
commentaire, tu sais. Puis j'ai discuté. Est-ce que j'ai obtenu des avis en
amont? Non. Mais ça n'empêche pas de faire des recommandations quand le projet
de loi est déposé. Merci, là, c'est vraiment complet.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
M. le ministre. On enchaîne avec l'opposition officielle. Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, la parole est à vous.
Mme Cadet : ...le Président.
Bonjour, M. Vachon. Bonjour, M. Lesage. Donc, ravie de vous revoir. Merci pour
votre mémoire. Peut-être reprendre, donc, vos derniers propos, M. Vachon, ce
que vous disiez, donc, ce qui a été évoqué sur la place publique et ce qui a
été entendu précédemment, donc, fait en sorte que, bon, selon vous, donc, ce
qui nous est présenté n'est pas aussi restreint, là — c'est le terme
que vous avez évoqué — que ce que le ministre propose. Donc, selon
vous, donc, comment... ce n'est pas quelque chose qu'on a l'occasion de lire
dans le mémoire... donc, comment, donc, des dispositions du projet de loi, ou d'autres
dispositions qui, selon vous, auraient dû se retrouver dans le projet de loi,
donc, permettraient, donc, de restreindre adéquatement les différents pouvoirs
additionnels qui sont octroyés au ministre?
M. Vachon (Luc) :Bien, il y a deux volets dans le projet de loi. Donc, il y
a la question des activités minimales ou de... qui seraient maintenues. Ça, c'est...
là dessus, je pense que les services essentiels couvrent déjà une grande
partie... en fait, permettent déjà de fonctionner. Il y a... Tu sais, c'est sûr
que... il faut... il faut faire attention aussi, parce que la question du
bien-être... Je veux dire, pour moi, le terme «bien-être» est très... Tu sais,
si on regarde la définition de «bien-être», là, sincèrement, il n'y aura plus
de conflits au Québec, ça va être terminé, parce qu'il ne peut plus y en avoir,
parce que le bien-être, c'est aucun souci, ça, bon.
Qu'on s'attaque au... qu'on veuille se
préoccuper des personnes en situation de vulnérabilité, bien, peut-être... on
pourrait peut-être trouver des voies de passage là-dessus, mais le projet de
loi, ce qu'il dit lui, c'est «notamment pour les personnes vulnérables»,
«notamment». Bien, je ne ferai pas un cours à personne ici, mais, quand on dit
«notamment», ce n'est pas exclusif, ça. Ça, c'est très large, c'est tout, mais
particulièrement, peut-être, eux. Alors, il y a des façons de lire le projet de
loi, qui dit que, demain matin, ce n'est pas terminé, bon.
Puis l'autre bout, c'est... on s'attaque beaucoup
aux résultats, et pas... ou à la conséquence, plutôt, et pas aux processus
avant. Pourquoi on n'aurait pas pu travailler mieux...
M. Vachon (Luc) :...et plus, surtout le processus de négociation. Parce que,
ce qu'on veut, et le ministre le disait précédemment, ce n'est pas 95 %,
c'est 98 % des négociations qui vont se régler par... sans conflit de
travail. On veut ça aussi. Parce qu'il ne faut pas penser qu'on souhaite les
conflits de travail avec nos représentations, mais loin de là, parce qu'il
suffit d'en avoir vécu ou d'avoir côtoyé des gens qui ont vécu des conflits de
travail pour savoir qu'il n'y a rien de drôle, là, il n'y a rien de drôle.
C'est drôle deux jours, un conflit de travail, mais... puis il faut qu'il fasse
beau, idéalement. Mais ceci dit... Alors, à partir de là, on ne souhaite pas
ça. Notre préoccupation, c'est tout le processus de négociation qui se voit
encore plus affaibli parce qu'il l'est déjà souvent.
Alors, pourquoi on ne se serait pas
préoccupé en même temps de corriger ce qui fait défaut au niveau du processus
de négociation et dire : Peut-être qu'à l'autre bout, les derniers
résultats qu'il y aura, on pourra trouver des pistes. Mais on ne s'occupe pas
de ce qui cause ça, mais on s'occupe juste de la finalité. Ça, pour nous, ça
pose un problème, ça pose un problème. Donc, comment on pourrait renforcer les
dispositions antibriseurs de grève? Il y a de l'espace, là. Comment on pourrait
renforcer l'application des décisions des tribunaux? On a un groupe au Saguenay
qui est en conflit depuis deux ans, 12 décisions favorables au syndicat
sur 13 puis il ne se passe rien, il n'y a rien qui a changé. Pourquoi? Parce
que ça fait mal à... pour que l'employeur ne souffre pas : Ah oui! je vais
payer une amende de 5 000 $. Une amende à 5 000 $, il
dit : Je peux-tu payer la prochaine tout de suite? Tu sais, c'est ça notre
modèle dans lequel nous sommes, et ça, c'est au cours de la négociation,
donc... Mais il n'y a rien qui se préoccupe de ça. Voilà.
Mme Cadet : Donc, est-ce que,
selon vous, là, le projet de loi aurait dû s'attaquer, dans son ensemble, au
processus de négociation avant...
M. Vachon (Luc) :En fait, je reviens. Si on avait pu prendre ça avec les
préoccupations soulevées dans un processus de dialogue social où on aurait pu
réfléchir à l'adaptation de notre modèle de relation de travail en tenant
compte non pas juste des situations de conflit, mais qu'est-ce qui génère les
conflits de travail, comment on est capable d'améliorer le processus par sa
source et non pas travailler uniquement sur la finalité, ça aurait été bien
plus bénéfique, à mon avis.
Mme Cadet : Merci beaucoup.
M. Lesage, vous voulez...
M. Lesage (Samuel-Élie) : A
contrario à ce qui vient d'être dit, actuellement, le projet de loi... ne
s'applique, excusez-moi, que sur la conséquence, le conflit, la conséquence...
le processus sans s'attarder au tout début, bien, ça a un impact sur le début.
Et c'est ça au final que nous déplorons, c'est que le processus de négociation
est entaché, il est limité, il est réduit. En fait, l'équilibre de rapport de
force est atteint parce qu'au final, on dit, dès le départ : Il y a...
mais pas ce qui va se passer. Dès le départ, il y a le potentiel qu'à la fin
vous soyez impactés négativement face à une table de négociation. C'est partir
avec un désavantage.
Mme Cadet : O.K., je
comprends. Merci. Je comprends bien votre position ici. Plus tôt, il a été
évoqué... donc, les travaux du Comité de la liberté syndicale de l'Organisation
internationale du travail, qui s'est penché sur la question, donc, des services
minimalement requis. Donc, vous avez évoqué, donc, le libellé qui est ici, puis
je pense que vous m'avez entendu poser des questions justement sur la clarté ou
comment, donc, ce serait possible de mieux baliser ce qui est présenté ici. Je
ne sais pas si vous, vous vous êtes penché sur les travaux du Comité de la
liberté syndicale et les exemples qui ont été donnés sur des services
minimalement requis, qui pourraient servir de balises au Tribunal administratif
du travail dans son interprétation de l'article 4.
M. Vachon (Luc) :À date, je ne me suis pas penché là-dessus. Je dirais
n'importe quoi si je...
Mme Cadet : M. Lesage.
M. Lesage (Samuel-Élie) : Oui.
Bien, je peux répondre très brièvement. Dans le mémoire, on en cite, certaines
des décisions... bien, certaines synthèses des décisions du Comité de la
liberté syndicale qui montrent clairement l'importance de... bien là, je vais
citer, je suis à la page... de mon mémoire. N° 1 :
Mettre la vie en danger et sécurité de la population dans son ensemble...
services essentiels au sens strict du terme. N° 2 :
Qui pourrait créer une crise nationale aiguë. N° 3 :
Services publics d'importance primordiale. Là, on est pour les services
essentiels. Si on touchait 109.3 par le Code du travail, j'imagine que le
Comité de liberté syndicale ou quelque chose d'équivalent quelque part que je
n'ai pas regardé à ce moment-là pour le mémoire, mais on voit qu'on a des
critères qui sont extrêmement plus restreints, plus limités, très prudents,
leur application. Et, en disant ça, on se demande en quoi 111.0.17 services
essentiels, quand... assujettis aux entreprises privées, excusez-moi, en quoi
ce n'est pas suffisant?
• (18 h 10) •
Mme Cadet : ...pouvez-vous
répéter le dernier bout de votre phrase, 111.0.17?
M. Lesage (Samuel-Élie) : Oui.
111.0.17, quand ça s'applique en entreprises privées qui donnent des services
essentiels, en quoi ce n'est pas suffisant?
Mme Cadet : O.K., O.K. Bien,
essentiellement, ce que je... ma compréhension de ce 111.0.17, c'est que, là,
donc, on parle, donc, des services publics qui, à ce moment-là, donc le...
Mme Cadet : ...donc, peuvent
être déférés, là, au tribunal... donc, tribunal, de son propre chef ou à la
demande de l'employeur ou de l'association accréditée, donc, peut, s'il croit
que ça peut avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité
publique, ordonner à ceux-ci les services... de maintenir les services essentiels.
Donc là, on est vraiment dans l'interprétation stricte des services essentiels.
Mais ici, la question que j'avais, là, c'était sur le concept, donc, de
services minimalement requis, là, qui a fait l'objet de travaux, qui va
au-delà, donc, de l'interprétation donnée aux services essentiels. Mais je vous
entends là-dessus que, selon vous, ce qui est prévu ici, donc, devrait pouvoir
correspondre, même si c'est... c'est plus large. En fait, ce que vous dites,
c'est que le législateur détient déjà les outils, là, pour répondre à ces
services-là, selon vous.
Ensuite... Bien, en fait, je pense, je
vais laisser ma collègue de D'Arcy-McGee d'y poser des questions avec le temps
qui nous est imparti. Merci.
Le Président (M. Allaire) : Mme
la députée de Darcy-McGee, la parole est à vous.
Mme Prass : Merci, M. le
Président. Vous avez évoqué, dans une de vos réponses ici, que vous
reconnaissez quand même qu'il y a un effet sur des populations vulnérables. Et
vous avez critiqué dans le projet de loi qu'on mentionne «notamment». Donc,
vous n'avez pas fait de recommandations dans le cadre de votre mémoire, mais,
par exemple, est-ce que ça n'aurait pas été un élément à ajouter? Parce que
vous semblez avoir une reconnaissance qu'il peut y avoir un effet négatif sur
certains groupes de personnes vulnérables. C'est ce que je comprends de ce que
vous avez dit tantôt?
M. Vachon (Luc) :Effectivement. L'idée, ce n'est pas de... L'idée, dans
notre présentation, ce n'est pas de venir nier qu'il ne peut pas y avoir des
choses qui soient... qui devraient être aménagées, qui pourraient être
aménagées. L'idée, ce n'est pas ça. Je répète, notre intervention, elle est sur
la forme beaucoup plus que sur le fond. Puis, de venir mette que c'est le
bien-être de la population en opposition au conflit, ça, ça heurte
profondément. Parce qu'on peut, on peut, lorsqu'on nous sollicite, intervenir
et trouver des pistes de solutions. Alors, si, demain matin, on avait travaillé
puis qu'on aurait eu des préoccupations, qu'on aurait eu des choses, on aurait
pu mettre des choses au jeu, on aurait pu regarder c'est quoi les éléments et
trouver peut-être des pistes qui auraient déjà balisé, peut-être que ça aurait
même permis, au niveau des organisations syndicales, en contrepartie de... Parce
que le dialogue social... ça a été nommé, le dialogue social, ça veut dire
qu'on discute, ça veut dire qu'on écoute l'opinion des autres parties, des
arguments, et chercher les zones de compromis. Et, chaque fois qu'on travaille
en dialogue social, c'est ce que nous faisons.
Donc forcément, il y aurait eu des
préoccupations qui auraient été... Ça aurait été quoi, les pistes de solution?
Je ne suis pas capable de le dire, mais peut-être que ça aurait permis qu'en
contrepartie d'une ouverture sur des personnes vulnérables, nous aurions eu une
contrepartie qui sécurise le processus de négociation, par exemple, ou qui
vient sécuriser la grève, si elle a lieu, le conflit de travail, s'il a lieu,
pour rééquilibrer les rapports de force. Mais est-ce qu'on peut nier qu'il y a
des situations? La réponse est non. On aurait pu... On aurait pu se pencher
là-dessus.
Mme Prass : Merci beaucoup.
Je pense, mon temps est écoulé. Merci.
Le Président (M. Allaire) : Vous
avez bien calculé. On enchaîne avec la députée de Verdun. La parole est à vous
pour trois minutes 28 secondes.
Mme Zaga Mendez : Merci.
Merci beaucoup pour votre présentation.
Ma première question. Vous avez déjà
commencé à répondre en parlant de l'élaboration puis de s'attarder plutôt aux
situations en amont plutôt que, comme vous l'avez dit, de restreindre, réduire
et limiter le cadre de la négociation, de voir comment on peut le faire en
amont... on pouvait développer sur comment et les effets bénéfiques que ceci
pourrait avoir.
M. Vachon (Luc) :En fait, un peu comme je le soulignais, c'est... Quand on
aborde une situation comme celle-là, et là on est en train d'apporter une
modification au Code du travail, quand on aborde un sujet aussi polarisateur
que ça, et, je pense, je n'ai pas besoin de vous faire la démonstration de la
polarisation qui génère, ça devrait, socialement, pour que ce soit durable,
pour ne pas qu'on embarque dans un processus de judiciarisation, passer par un
processus de consultation.
C'est vrai que ça peut bousculer quand on
amène un sujet comme celui-là, quand on amène autant les associations
patronales que les organisations syndicales à discuter d'un sujet comme ça, ce
n'est pas forcément un élan naturel qui va se faire. Il va y avoir une certaine
réaction. C'est correct. Mais, en même temps, on sait tous qu'en bout de ligne
on va devoir trouver une piste parce que, sinon, il va se passer quelque chose
pareil. Avec ou sans nous, il va arriver quoi, à l'autre bout. Donc, on a
intérêt à travailler, on a intérêt à travailler sur les pistes et de trouver
des zones de compromis et même d'échanger des éléments...
M. Vachon (Luc) :...en contrepartie. Ça permet ça, pour arriver à la fin à
dire : Bon, O.K. Voici où on s'entend - ça, c'est déjà réglé. Une fois
qu'on s'est entendus, on ne s'obstinera pas - et voici où on ne s'entend pas
puis pourquoi on ne s'entend pas. L'argumentaire serait produit, les
propositions seraient faites. Et à ce moment-là, bien évidemment, le ministre a
son rôle d'arbitrage là-dedans pour aller... Mais ça, on fait déjà ça. On l'a
fait, puis ça a été nommé, pour le travail des enfants. Je veux dire, on le
fait déjà. Est- ce qu'il y a des sujets plus costauds que d'autres, puis que
celui-là en serait un? Assurément.
Mme Zaga Mendez : C'est
contraire aux pratiques habituelles que vous avez connues auparavant dans
l'arbitrage de ces enjeux?
M. Vachon (Luc) :C'est à dire qu'on a pu voir... C'est ça. Je ne dirais pas
que c'est la première fois qu'un projet de loi est déposé comme ça, je dirais
juste que, quand on est dans... en processus où on veut valoriser et promouvoir
le dialogue social, c'est dans les moments les plus costauds comme ceux-là
qu'il faut le faire. Le dialogue social ne peut pas servir aux affaires qui sont
plus périphériques uniquement, on doit utiliser le dialogue social pour les
événements qui sont cruciaux dans le monde du travail. C'est le meilleur moyen
de faire réfléchir les intervenants puis de développer des relations à long
terme.
Mme Zaga Mendez : Puis,
adopté tel quel, le projet de loi, est-ce que vous avez l'intention de
contester cette loi devant les tribunaux?
M. Vachon (Luc) :Tel quel?
Mme Zaga Mendez : Oui.
M. Vachon (Luc) :Vous me faites peur, là. Mais tel quel, je pense qu'il ne
faut rien écarter, effectivement.
Mme Zaga Mendez : Bon, il me
reste peut-être 10 secondes. Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque
chose.
M. Vachon (Luc) :Non. Je dirais... Moi, j'ai confiance au processus,
s'occuper de ce qui génère les conflits, pas uniquement de la situation de
conflit, et c'est ce que je ne retrouve pas, puis que je reçois dès qu'on
retrouve.
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Merci, Mme la députée de Verdun. On enchaîne avec le député de Jean-Talon. La
parole est à vous.
M. Paradis : Merci. C'est
intéressant. On a beaucoup parlé de l'arrêt de la Cour suprême Saskatchewan.
Vous nous parlez d'un autre arrêt, l'arrêt Pepsi-Cola 2002, dans lequel la Cour
suprême rappelle que l'objectif de la grève, c'est de causer des effets
socioéconomiques, et que ça fait partie du droit de grève. Vous nous dites que
le projet de loi, en réalité, c'est ce qu'il vise principalement, c'est de
s'attaquer à cette question-là des effets socioéconomiques, et qu'en
conséquence ça violerait non seulement les décisions de la Cour suprême, mais
aussi le droit international, et notamment les décisions rendues par
l'Organisation internationale du travail. C'est bien ça?
M. Vachon (Luc) :Bien, effectivement. Quel est le... Quand un groupe de
salariés décide de faire la grève, bon, alors forcément, le levier que ça a,
c'est un levier économique; je veux dire, c'est de faire mal économiquement
pour forcer l'autre partie à accepter des positions et des mises au jeu. Est-ce
que ça a des effets collatéraux? Oui, ça va en avoir, c'est sûr, ça fait partie
de l'équation, puis je dirais même que des fois c'est l'impact sur le public
qui est le plus grand levier, justement, c'est le plus grand levier. Si on
élimine l'aspect économique d'abord, que les tribunaux ont déterminé qu'il ne
fallait pas prendre en considération...
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Malheureusement, ça met... Désolé, ça met fin à ce petit bloc. Député de
Saint-Jérôme, la parole est à vous pour le même temps.
M. Chassin :Ça va très vite. Vous parlez... Dans le fond, on ne
s'attaque pas à ce qui génère les conflits, on s'attaque finalement à un moyen
de mettre fin, dans le fond, au conflit a posteriori, là, une fois qu'il est
apparu. Si je vous prends au mot, puis là je vous prends un peu au mot,
justement, si on parle de certains... de certaines problématiques que... de la
population a vu dans les syndicats, par exemple le fait qu'on vote sur la
poursuite d'une grève ou sur, par exemple, entériner une entente de principe,
mais après des heures de procédure en Teams, puis là, bien, ça devient très
compliqué, puis certains syndiqués ont qualifié ça d'épreuve olympique, bien,
est-ce qu'on peut peut-être réfléchir, au CCTM, là-dessus?
M. Vachon (Luc) :Tout... Dans les pratiques syndicales, il y a certainement
des choses à aménager. Les travailleurs sont propriétaires de leur
organisation, c'est à eux de faire en sorte que l'organisation réponde à leurs
besoins correctement. C'est à eux, ça leur appartient. Si des choses comme ça
se passent, ce n'est pas souhaitable, c'est clair que ce n'est pas souhaitable.
Mais ça appartient aux travailleurs puis aux travailleuses, ils ont le pouvoir
de le faire. Moi, si quelqu'un chez nous vit ça, c'est sûr que le téléphone va
sonner, puis qu'il va y avoir des choses qui vont changer, puis je n'ai pas
besoin d'une loi pour ça.
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Merci. Ça met fin à ce petit bloc d'échange, donc ça met fin aussi à l'ensemble
des blocs d'échange. Merci, M. Lesage, M. Vachon, pour votre contribution à
cette commission...
Le Président (M. Allaire) : ...plaisir
de vous retrouver pour un autre projet de loi. Donc, nous allons suspendre les
travaux. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 20)
(Reprise à 18 h 28)
Le Président (M. Allaire) : Alors,
nous allons reprendre les travaux. On accueille le dernier groupe de la
journée, la Fédération québécoise des municipalités. Bienvenue! Alors, je vais
vous laisser vous présenter avec votre titre officiel, s'il vous plaît, et vous
aurez la parole ensuite pour votre 10 minutes, pour votre exposé. Alors, la
parole est à vous.
M. St-Pierre (Guy) : Bonjour.
Bienvenue... pas bienvenue, mais merci de nous recevoir - la journée est longue
pour nous aussi à l'occasion - merci de nous recevoir. Je suis Guy St-Pierre,
maire de Manseau. Je siège au conseil d'administration de la FQM et aussi à
l'exécutif de la Fédération québécoise des municipalités. Je suis accompagné de
Sylvain Lepage, qui est notre directeur général; de Mme Héloïse Desgagnés, qui
est directrice des services RHRT, Ressources humaines et relations de travail;
et Vincent Desrosiers, qui est agent politique au niveau de la FQM. On y a va.
Donc, M. le ministre, M. le Président de
la Commission de l'économie et du travail, Mmes, MM. les députés, membres de la
commission, je remercie les membres de la commission de nous recevoir. Et,
comme vous le savez, la Fédération québécoise des municipalités regroupe plus de
1050 municipalités locales et régionales, l'ensemble des MRC, et, à ce titre,
nous sommes le porte-parole des régions. Aujourd'hui, je suis accompagné de...
- je l'ai dit, excusez, c'est dans mon texte.
D'entrée de jeu, la FQM est en accord avec
les objectifs poursuivis dans ce projet de loi, c'est-à-dire de prendre en
compte le bien-être de la population en cas de grève ou de lock-out, et nous y
voyons une pertinence particulière pour les régions éloignées où l'accès aux
services est déjà restreint. Également, la possibilité pour le ministre de
déférer un conflit à l'arbitrage constitue un levier pour les municipalités
dans le cadre de la négociation de leur convention collective, notamment, en
raison de leur capacité financière souvent limitée. Toutefois, nous sommes
d'avis qu'il serait utile d'apporter des modifications au projet de loi afin de
s'assurer que l'impact d'une grève ou d'un lock-out sur le bien-être de la
population soit évalué en tenant compte de la taille et de l'éloignement des
communautés.
• (18 h 30) •
Maintenant, le maintien des services
assurant le bien-être de la population. Ces dernières années, le Tribunal
administratif du travail a été amené à de nombreuses occasions à se prononcer
sur l'assujettissement aux services...
18 h 30 (version non révisée)
M. St-Pierre (Guy) : ...de
différents services publics. Dans certains cas, même si le bien-être de la
population pouvait être affecté par une grève, le tribunal n'a pas ordonné le
maintien de services essentiels car il n'était pas démontré à la satisfaction
du tribunal que la santé ou la sécurité du public pourraient être mises en
danger. Par exemple, dans la dernière année, les préfets de la MRC de la
Côte-Nord ont demandé à Québec de faire de la traverse Matane-Baie-Comeau-Godbout
un service essentiel, en plus de mettre fin au conflit de travail entre la
Société des traversiers du Québec et ses employés. En 2020, le Tribunal
administratif du travail avait jugé que la traverse n'était pas un service
essentiel, car même si la grève cause des difficultés, des ennuis ou des
inconvénients, elle ne met pas en danger la santé ou la sécurité publique, qui
est le seul critère applicable en cette matière. Pour les préfets, il était
évident que l'interruption de service, notamment en raison de l'enclave de la
région causait des préjudices au bien-être de la population, entre autres pour
le déplacement des travailleurs et pour l'obtention de soins de santé dans les
établissements hors de la région. Dans le projet de loi n° 89, le ministre
vient régler ce vide juridique en élargissant la possibilité de maintenir un
niveau de service minimal en cas de grève ou de lock-out des secteurs ou des
activités qui ne sont pas visées par la définition des services essentiels au Code
du travail. Ainsi, sans être qualifié de service essentiel, le traverse
pourrait se qualifier de service à maintenir pour assurer le bien-être de la
population. La FQM est aussi d'accord avec l'élargissement de cette mesure au
secteur privé.
En régions plus éloignées, l'arrêt de
certains services en raison d'une grève ou d'un lock-out peut causer de sérieux
préjudices au bien-être des populations vulnérables, comme les personnes
aînées, les personnes itinérantes, les personnes à mobilité réduite et les
personnes isolées géographiquement, pour ne nommer que ceux-là. Nous proposons
au gouvernement de prévoir un mécanisme permettant à une municipalité de
soumettre au ministre une demande visant à garantir un niveau suffisant de
services Si elle estime qu'une grève ou un lock-out sur son territoire porte
atteinte à la sécurité économique, sociale ou environnementale de sa population.
Elle pourrait agir ainsi à titre d'employeur, mais également à titre de
gouvernement de proximité. Il reviendra alors au ministre de juger bon ou non,
de décréter ou non le maintien des services pour assurer le bien-être de la
population.
La FQM accueille favorablement la
possibilité pour le ministre de déférer un conflit à l'arbitrage s'il entrevoit
qu'une grève ou un lock-out cause ou menace de causer un préjudice à la
population et si l'intervention d'un conciliateur ou d'un médiateur s'est avérée
infructueuse. En plus d'être un levier intéressant pour les municipalités, il s'agit
d'un compromis favorable permettant d'assurer à la fois la protection des
droits des travailleurs à négocier leurs conditions de travail, de la sécurité
sociale, économique... de la sécurité sociale, économique ou environnementale
de la population et de la capacité de payer des municipalités. Par cet
arbitrage, le ministre pourra mettre fin à une impasse en cours de négociation
en y substituant un mécanisme véritable de règlement de différends.
À nouveau, et pour ces mêmes raisons, nous
recommandons de prévoir un mécanisme permettant à une municipalité de soumettre
au ministre une demande afin de déférer un conflit de travail à l'arbitrage si
cette dernière estime qu'une grève sur son territoire porte un préjudice grave
ou irréparable à sa population. Évidemment, il reviendra alors au ministre de
juger de la pertinence de déférer le conflit à l'arbitrage. Finalement, comme
mentionné précédemment, le ministre peut déférer à un arbitre un conflit de
travail pour déterminer les conditions de travail s'il constate ou appréhende
une menace pouvant causer un préjudice grave ou irréparable à la population en
raison d'une grève ou d'un lock-out.
Néanmoins, nous nous questionnons sur l'interprétation
que donneront les tribunaux au terme «préjudice grave ou irréparable». Nous
proposons de le remplacer par la notion de «préjudice sérieux ou irréparable»,
qui figure expressément à l'article 511 du Code de procédure civile en matière d'injonction
interlocutoire et qui a été interprété et appliqué à plusieurs reprises par les
tribunaux et déjà à certaines occasions en matière de droit du travail. Nous
serions maintenant prêts à répondre à vos questions, avec mes collègues.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
M. St-Pierre. M. le ministre, la parole est à vous.
M. Boulet : Oui. Merci, M.
St-Pierre. Merci à la FQM, hein, c'est un très beau document. Vous avez des
recommandations. Quand on a des recommandations, c'est qu'on adhère aux
objectifs du projet de loi, et ça, je l'apprécie beaucoup. Quand on n'adhère
pas aux objectifs...
M. Boulet : ...on a peu ou
pas de recommandation. Ça, c'est un petit commentaire qui m'appartient. Mais je
suis intéressé aussi de reprendre... puis vous le savez, que le processus de
négociation, ce que certains disent en amont, il y a énormément d'expertises
qui ont été développées au Québec, soit dans le privé et aussi dans le public,
parce que là, je pense au ministère du Travail, on a fait au-delà de 500
interventions. Et vous connaissez ça, Héloïse, vous... Mme — excusez-moi,
votre nom de famille? — ...
Des voix : ...
M. Boulet : ...Desgagnés,
parce que vous vous occupez des ressources humaines, Mme Desgagnés, l'aide à
l'amélioration des relations de travail, l'accompagnement à la négociation de
renouvellement ou de première convention collective puis les
conciliateurs-médiateurs, il y a un groupe à Québec et à Montréal. Mais je le
dis parce que je suis un peu sensible, en fait beaucoup, M. St-Pierre, quand,
dans votre mémoire, vous faites référence à la pertinence du projet de loi puis
vous référez notamment aux régions... aux personnes qui sont dans les régions
un peu plus éloignées. Est-ce que, M. St-Pierre, vous auriez un exemple à nous
donner... puis peut-être que vous n'en avez pas, mais un exemple d'une région
ou d'une municipalité où l'éloignement a été un facteur qui a nui à l'accès aux
services de la population en cas de conflit de travail? Est-ce que vous avez un
cas? Sinon, ce n'est pas plus grave que ça, là.
M. St-Pierre (Guy) : ...laisser
Sylvain y aller, mais, dans le mémoire, on parlait de la Côte-Nord tantôt, là,
sur la...
M. Boulet : Ah! oui, j'ai vu
ça, là. Mais est-ce qu'il y en a un, cas particulier de la Côte-Nord, d'une
municipalité là-bas?
M. Lepage (Sylvain) : Dans le
cas de la traverse, je pense que tout le monde...
M. Boulet : C'est vrai, c'est
vrai.
M. Lepage (Sylvain) : ...c'est
un dossier qui a été très médiatisé, vous le savez. On peut prétendre que ce
n'est pas un service essentiel, c'est d'ailleurs ce que nous a dit le tribunal,
au sens des définitions actuelles. Sauf que vous savez comme moi que la
Côte-Nord, c'est un immense territoire, et d'exiger des citoyens qu'ils fassent
le tour, hein... Je pense, c'est un cas concret, là, tu sais.
M. Boulet : C'est tellement
un cas concret. Puis j'en ai parlé à des collègues de d'autres partis à
l'Assemblée nationale, puis effectivement ce cas-là revient souvent. Le critère
pour les groupes soumis au régime des services essentiels dont les services
publics comme celui des traversiers, il est assez restrictif, et c'est pour ça
qu'on crée un régime parallèle où on réfère à la nécessité de s'intéresser au
bien-être de la population, puis c'est là qu'on utilise le concept de service
minimalement requis pour assurer que la sécurité sociale, économique ne soit
pas affectée de manière disproportionnée. C'est un cas tellement patent, un cas
tellement clair, où, si on entendait des personnes venir ici puis témoigner de
l'impact du conflit de travail sur leur qualité de vie, sur le temps
d'attente... C'est vraiment un cas... puis je le souligne, là, c'est
particulièrement intéressant. Vous parlez aussi des capacités financières
souvent limitées. Ça, vous référez éventuellement, en cas de soumission, à un
arbitre de différent, de...
M. Lepage (Sylvain) : Ça fait
partie des problématiques que nous avons, M. le ministre, que, même dans le
cas... même dans le cas des premières conventions collectives, là, qui sont
assujetties, vous le savez, déjà à l'arbitrage, il y a souvent un déséquilibre
entre les petites municipalités. Une municipalité qui a 200, 300, 400, 500
habitants, comprenez-vous qu'elle ne peut pas payer... Et là je vais parler
contre ma paroisse, ayant gagné ma vie pendant plusieurs années comme procureur
patronal, il n'en demeure pas moins que payer 50 000 $,
100 000 $ d'honoraires pour faire un arbitrage de première convention
collective, c'est extrêmement difficile pour les petits employeurs et que sont
souvent les petites municipalités. Alors, en ce qui nous concerne, il y a quand
même un certain déséquilibre à ce niveau-là que règle partiellement, bon,
l'existence du droit à l'arbitrage. Mais oui, effectivement, vous avez raison
de souligner qu'on souligne dans notre mémoire le fait que le recours à
l'arbitrage n'est pas ouvert autant qu'il peut l'apparaître en raison du coût
qui est attaché à ça.
• (18 h 40) •
M. Boulet : Totalement, pour
les très petites municipalités. Puis, oui, vous avez totalement raison. Si
jamais on a à embaucher un avocat, avec les honoraires professionnels, ça finit
par presque accoter un bon pourcentage de la masse salariale, là, des employés.
Ça fait que ça, je le comprends. Mais sachez que les critères, là, inhérents à
la masse salariale puis les comparaisons avec les autres employés, là, qui
apparaissent, vous le savez, là, dans la loi...
M. Boulet : ...pour le régime
de négociation dans le secteur municipal sont maintenus dans notre projet de
loi.
Niveau suffisant, bien, je ne sais pas si
vous m'avez entendu, évidemment, ce sera plus du cas par cas, là. On ne peut
pas dire «le secteur municipal», il faut essayer d'avoir un projet de loi qui
est le plus compatible possible avec les enseignements de la Cour suprême.
C'est ce que nous allons faire. Et donc il s'agira d'évaluer, de documenter et
de justifier les circonstances de chaque conflit de travail et s'assurer que
les critères, parce que c'est le Tribunal administratif du travail qui aura à
le déterminer, sont rencontrés.
O.K., vous disiez, bon, évidemment,
l'arbitrage c'est... J'ai pris note de votre... au lieu de préjudice grave ou
irréparable», vous souhaiteriez que ce soit préjudice sérieux ou irréparable».
C'est quoi... pourquoi vous demandez ça, particulièrement?
M. Lepage (Sylvain) : Parce
que l'expression «préjudice sérieux» a fait l'objet d'une abondante
jurisprudence, vous le savez, notamment en vertu du Code de procédure civile,
et donc il n'y aura pas de controverse jurisprudentielle sur ce que ça veut
dire. Notre objectif, c'est d'éviter, encore une fois, d'investir dans les
honoraires d'avocats. Lorsque le droit est clair et peu contesté, ça amène
beaucoup plus facilement les parties à s'entendre.
Et l'autre recommandation, vous l'avez
sûrement remarquée, c'est que la loi soit davantage claire sur la possibilité,
pour une municipalité, mais je peux vous dire pour un employeur, de s'adresser
au ministre. Pour nous, ça semble implicite. On comprend que vous aurez le
pouvoir, que le ministre aura le pouvoir, mais il devrait y avoir un droit
clair de s'adresser au ministre, qui fera son enquête et décidera, en fonction
de l'enquête qu'il fera, si les critères, comme vous venez de le dire, il y a
quelques minutes, sont rencontrés, mais ça... il nous apparaît essentiel que la
loi précise qu'une personne, un employeur peut s'adresser au ministre pour le
demander, qui l'acceptera ou le refusera, en fonction de sa discrétion, là, des
règles applicables au pouvoir discrétionnaire, là.
M. Boulet : Parfait. C'est
bien compris, c'est bien entendu. Merci beaucoup pour vos recommandations.
Merci. Vous êtes aussi, Me Lepage et Me Desgagnés... et la notion de préjudice
sérieux ou irréparable, vous expliquez très bien la raison. Puis comme j'ai
parlé, je pense à un groupe précédent, c'est souvent interprété dans les
contextes d'injonction interlocutoire provisoire. Ça fait que, merci de vos
commentaires puis de votre adhésion aux objectifs et aux principaux paramètres
de ce projet de loi qui est vraiment important pour la population québécoise.
Merci, et au plaisir de se revoir bientôt.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
M. le ministre. On enchaîne avec l'opposition officielle. Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, la parole est à vous. Vous avez un peu plus de...
Mme Cadet : Ah! D'accord.
Merci beaucoup, M. le Président. Merci à vous, M. St-Pierre. Me Lepage, Me
Desgagnés, M. Desrosiers. Merci également, donc, pour votre mémoire. Donc, je
vais d'abord y aller avec vos recommandations, avant peut-être d'ouvrir plus
largement, puisque je comprends que nous avons un peu plus de temps. Donc, vous
l'avez évoqué, donc, en fin d'échange avec le ministre, donc, votre première
recommandation, vous souhaitez que le gouvernement prévoie un mécanisme qui
permet à une municipalité de soumettre au ministre une demande visant à
garantir un niveau suffisant de services et les SEM qu'une grève ou un lock-out
sur son territoire porte atteinte à la sécurité économique, sociale ou
environnementale de sa population.... bien saisir, donc, ce serait, donc, un
mécanisme parallèle à celui qui se trouve dans le projet loi, mais qui serait
spécifique, attribuable, donc, aux municipalités?
M. Lepage (Sylvain) : ...un
mécanisme complémentaire. Parce qu'on n'a pas trouvé de disposition claire qui
dit : Lorsqu'une municipalité est d'avis que le conflit ou la situation
porte... porte un... ou fait, cause, un préjudice sérieux ou irréparable à sa
population, elle peut s'adresser au ministre et demander que, puis le
ministre... suite à ça, le ministre a tant de jours pour étudier puis répondre
si, oui ou non... Ce n'est pas présent dans le texte actuel du projet de loi.
Mme Cadet : O.K. Donc, quand
vous dites, donc, complémentaire, donc, ce qu'on retrouve à 111.22.4, là, qui
est introduit par l'article 4 du projet de loi, lorsqu'on dit : «Le
gouvernement peut, par décret, désigner l'association accréditée et l'employeur
à l'égard desquels le tribunal peut déterminer les services d'assurance
bien-être de la population devant être maintenus en cas de grève ou de
lock-out», donc, vous dites, donc, préalablement à l'émission de ce décret,
donc, vous voudriez, donc, avoir un mécanisme formel pour...
M. Lepage (Sylvain) : Tout à
fait, qui fait que nous devons avoir une réponse formelle à une demande
formelle...
M. Lepage (Sylvain) : ...
Mme Cadet : O.K. O.K. Et,
ici, peut-être, en fait, nous orienter. Parce que là je me dis, en théorie, le
ministre, donc, peut, donc, émettre, donc, ce décret-là. Et, à ce moment-là,
donc, le tribunal s'en saisit. Pourquoi est-ce que vous souhaitez vous adresser
directement au ministre et non pas vous dire : O.K., bien, nous, on
aimerait, donc, saisir... avoir un autre mécanisme, là, où est-ce qu'on saisi
directement le tribunal?
M. Lepage (Sylvain) : Essentiellement
parce qu'avec tout le respect que j'ai pour les parlementaires et pour le
ministre, généralement, on régit... on réagit à l'actualité médiatique. Quand
vous êtes à Barraute, en Abitibi, mon village natal dont plusieurs d'entre vous
ont entendu parler à chaque fois que je viens ici, l'actualité médiatique se
retrouve rarement à la une des journaux et de La Presse que vous lisez tous
chaque matin ou Le Devoir. Alors, si on veut faire émerger au niveau politique
ces situations-là qui existent concrètement à l'extérieur de Québec et
Montréal, la meilleure façon, c'est que le maire écrive au ministre pour
dire : Écoutez, moi, j'ai tel conflit depuis tant de semaines, il se passe
ceci, pouvez-vous faire de quoi? Alors, il peut évidemment déjà s'adresser à
son député, vous allez me dire, mais là il y a une demande formelle d'adressée
au ministre, et le ministre devra répondre. Il pourra répondre non, mais il
aura à justifier auprès de l'élu ou des élus et de la population de la
communauté le refus.
Mme Cadet : De justifier
publiquement. Parce qu'en fait, dans les faits, la municipalité, donc, peut
toujours... si les canaux de communication sont ouverts, donc, interpeler le
ministre. Mais, vous, ce que vous souhaitez, c'est qu'il y ait un mécanisme...
M. Lepage (Sylvain) : Vous
savez, quand vous êtes à Rochebaucourt, les travaux de... la communication,
elle a... elle a plus de chance de passer par la FQM que par une adresse au
ministre.
Mme Cadet : Oui.
Certainement.
M. Lepage (Sylvain) : Mais
c'est quand même ça, la réalité des régions, là. On est tous très
québéco-montréalocentristes. Et j'en fais partie. Je vis à Québec depuis
30 ans, mais aussitôt qu'on sort à l'extérieur des grands centres, surtout
dans le nouveau contexte médiatique que vous connaissez tous où il y a peu
maintenant de journaux régionaux... Je viens de l'Abitibi. J'ai découvert que
tous les journaux qui existaient autrefois n'existent pas. L'Écho abitibien,
pour ceux qui connaissaient, c'est tous des journaux qui n'existent plus, qui
amenaient sur la place publique ce genre de situation là. Ça fait qu'on pense,
c'est important que les élus municipaux puissent s'adresser au ministère, au
ministre pour dire : Écoutez, nous, on vise telle situation, nous vous le
demandons. Le ministre devra toujours exercer sa discrétion. On le comprend.
Mme Cadet : O.K. Directement
et non pas par l'entreprise... par l'entremise de la FQM, là. Là, je comprends
mieux. Puis je pense que vous répondez en amont à ma prochaine question.
M. Lepage (Sylvain) : Je ne
demande pas que la loi dise : Vous devez vous adresser à la FQM.
Entendons-nous bien, là, tu sais. Mais...
Mme Cadet : Ou à un organisme
de représentation. Mais vous avez répondu, peut-être, je pense, en amont, à la
question suivante que j'avais, à l'interrogation suivante que j'avais par
rapport à votre première recommandation, qui était, bien, est-ce que vous...
est-ce que c'est un mécanisme qui serait exclusif aux municipalités ou est-ce
que vous... bien, en fait, vous donnez votre propre exemple, parce que, bon,
évidemment, ce sont les membres que vous représentez, mais ça pourrait être
ouvert à n'importe quel...
M. Lepage (Sylvain) : Je ne
prendrai pas la place du Conseil du patronat. Je vais me contenter de
représenter les municipalités que nous représentons.
Mme Cadet : Parfait. Bien, il
y a aussi, je pense, l'exemple que vous avez donné, là, des petites
municipalités peut-être un peu plus éloignées, là, qui donnent une spécificité
à votre recommandation, donc je le saisis.
Ensuite, bien, je pense, en fait, on est
un peu dans la même mouture, là, ce que... la première recommandation, donc,
visait, donc, la question, donc, des services minimalement requis. Puis je
comprends que c'est un peu, donc, une mesure similaire que vous souhaitez voir,
là, en ce qui a trait, donc, à la soumission, donc, d'un conflit de travail à
l'arbitrage, que «le gouvernement prévoit un mécanisme permettant à une
municipalité de soumettre au ministre une demande de déférer un conflit de
travail à l'arbitrage, si cette dernière estime qu'une grève sur son territoire
porte un préjudice sérieux et irréparable à sa population.» C'est le même
concept ici?
M. Lepage (Sylvain) : C'est...
C'est... C'est le même constat. Vous avez tout à fait raison.
Mme Cadet : O.K. Donc,
c'est... c'est le même concept qui est appliqué ici. En fait, peut-être pour...
parce que là, vous êtes deux avocats devant nous, peut-être juste aussi, pour
cet aspect-là... ce que là, je comprends bien, la première... le mécanisme de
la première recommandation où est-ce qu'on... il y a, donc, toutes ces
couches-là qui sont mises de l'avant, ici, bon, on a beaucoup parlé de l'arrêt
Saskatchewan et de l'importance d'avoir des mécanismes les plus impartiaux,
efficaces et indépendants possible. Est-ce que ça viendrait, selon... ça ne
viendrait pas, selon vous, compromettre un peu, là, l'aspect d'indépendance, si
vous avez cette possibilité-là vous-mêmes de pousser officiellement?
• (18 h 50) •
M. Lepage (Sylvain) : Non,
parce que ce n'est pas nous qui, un, au bout de la ligne, va décider s'il y a
déférence à l'arbitrage. Évidemment, l'arbitre doit être indépendant. Donc, à
ma connaissance, et sous réserve que la Cour ait révisé les décisions que j'ai
déjà lues il y a plusieurs années, la Cour a...
M. Lepage (Sylvain) : ...a
dit et puis la doctrine enseigne que, dans la mesure où il y a un arbitrage
véritablement indépendant, ça permet et équivaut de compenser, entre
guillemets, l'absence de droit de lockout et de grève dans ces cas-là alors, et
on peut présumer que l'arbitre qui entend l'ensemble de la preuve va trancher
de façon à compenser l'ensemble des parties, dont les salariés. Alors, non,
pour nous, il n'y a pas de... il n'y a pas de problème là puis, à mon humble
avis, il n'y a aucune indication dans la jurisprudence à l'effet contraire, là.
Mme Cadet : Je vous vois
hocher de la tête, Me Desgagnés.
Mme Desgagnés (Héloïse) : Je
suis tout à fait d'accord avec M. Lepage.
Mme Cadet : Ah! Parfait.
Votre troisième recommandation, mais on la lit un peu dans la deuxième, là.
Vous utilisez déjà ce libellé-là de «préjudice sérieux et irréparable». Je
pense que vous l'avez évoqué un peu avec le ministre, donc c'est vraiment,
donc, la question de l'interprétation des tribunaux, selon vous. Mais, en même
temps, donc, ça ne vient pas amoindrir le... le degré de... de gravité, là,
parce qu'on a l'impression que, quand on utilise le concept de «préjudice grave
et irréparable», on donne un seuil plus élevé que celui du «préjudice sérieux».
M. Lepage (Sylvain) : Écoutez,
vous savez, la gravité d'une situation où le caractère sérieux varie en
fonction de nos moyens financiers respectifs. Je vais vous conter un cas très
véridique. Vous vous rappelez qu'il y a environ deux ans on a eu une grève RTC
à Québec. Ma femme de ménage n'avait pas de transport en commun, O.K.? Alors,
elle a dû abandonner son emploi en appelant chez nous, et je vous jure que ce
que je vous conte là est vrai, parce qu'elle n'avait aucun moyen de... de
partir du fond de Charlesbourg pour venir dans Montcalm pour travailler. O.K.?
Et c'est la première fois où je me suis senti assez démuni face... Vous savez,
moi, j'aurais pris un taxi, je l'aurais payé ou un Uber, et ça n'aurait rien
changé dans ma vie. Elle, elle était littéralement sans moyens. Ça fait qu'il
faut faire attention à l'expression «préjudice grave». Pour elle, là, c'est un
préjudice grave ou c'est un préjudice sérieux, pour moi, c'était...
personnellement, j'aurais pris le taxi. Et ce que je vous dis, je vous jure que
c'est véritablement arrivé, et elle a démissionné, mais ça fait que c'est juste
pour vous illustrer qu'on ne parle pas de situations qui n'arrivent pas, c'est
vraiment des situations qui arrivent. Évidemment, le ministre va exercer sa
discrétion et je ne l'appellerai pas pour lui parler du cas de ma femme de...
ma femme de ménage. Mais pour ces gens-là qui, par exemple, utilisent le
transport en commun, pour eux, pour elle, il n'y a aucun doute que c'était un
préjudice sérieux. Et de dire qu'il devait être grave, tu sais, comprenez-vous
que pour nous «sérieux», c'est suffisant? On parle de services publics,
entendons-nous bien, on ne parle pas de McDonald qui est en grève puis, au
pire, j'irai à l'autre. Ce n'est pas de ça dont on parle, on parle de services
publics dont les citoyens sont privés. Alors, quand ça leur cause un préjudice
sérieux, on est d'avis que le ministre peut décider que ça mérite d'aller à
l'arbitrage.
Mme Cadet : Oui. Merci. Vous
venez de parler de services publics, donc on l'a évoqué plus tôt,
l'article 111.0.16 du Code du travail indique qu'on entend par «services
publics», notamment une municipalité ou une régie intermunicipale». Pouvez-vous
nous donner... puis je pense que vous avez donné l'exemple d'un peu donc de la
traverse, là, je pense. Mais peut-être étayer un peu mon argumentaire, là. Vous
dites donc que l'ajout donc d'une seconde catégorie donc de services minimaux à
garantir, donc, pourrait donc vous être utile, considérant que, de toute
manière, donc, le tribunal donc peut même, de son propre chef, ordonner à...
bon, en fait, le maintien donc de services essentiels en cas de grève lorsqu'on
parle de services publics.
M. Lepage (Sylvain) : Oui.Quelle
est votre question?
Mme Cadet : Ma question, là,
c'est en fait donc en quoi donc une deuxième catégorie donc de... mais en fait
la catégorie plutôt donc des services minimaux à garantir, là, et minimalement
requis. Comment donc ça viendrait donc vous toucher au-delà de ce qui est déjà
prévu, là comme...
M. Lepage (Sylvain) : Bien,
si vous voulez mon humble avis, un des problèmes, puis j'imagine que les
juristes du ministère l'ont regardé, c'est que la définition actuelle de
«services essentiels» est beaucoup trop restrictive, tu dais. Le gouvernement,
je le comprends, a fait le choix de ne pas toucher parce qu'il y a toutes
sortes de conséquences, je peux le comprendre, légales de toucher à cette
définition-là et de prévoir à côté un nouveau système ou un système parallèle.
J'imagine qu'il y a des raisons peut- être constitutionnelles ou autres, là,
mais en ce qui me concerne, et là je parle en mon nom personnel, une partie du
problème est la définition trop restrictive que l'on retrouve actuellement au
Code du travail, et c'est ce que vient corriger en bonne partie le projet de
loi.
Mme Cadet : Merci. Je vais
laisser ma collègue de D'Arcy-McGeecontinuer. Merci beaucoup.
Le Président (M. Allaire) : Mme
la députée, la parole est à vous.
Mme Prass : ...M. le
Président, on...
Mme Prass : ...on parle,
évidemment, dans le projet de loi, de services minimaux requis, et, quand il y
a un conflit de travail, bien, c'est communiqué, déjà, au cabinet du ministre
de... du Travail. Donc, est-ce que vous pensez... parce que, justement, le fait
que vous voulez pouvoir demander qu'il se saisisse d'un conflit de travail pour
mettre en place ces mesures-là... est-ce que vous ne pensez pas qu'il y aurait
déjà une reconnaissance, qu'il faudrait intervenir dans le cas de ces services
minimaux requis? Ou, pour vous, il y a des cas particuliers, au-delà... compte
tenu de la réalité des régions?
M. Lepage (Sylvain) : Bien,
écoutez, je n'ai jamais... je n'ai jamais travaillé dans un cabinet. J'ai quand
même fait beaucoup de choses. Et je serais surpris que le cabinet du ministre
du Travail regarde, dans le détail, chaque conflit si personne ne lui soumet
qu'il y a une situation particulière qui mérite l'attention du ministre. Alors,
évidemment, notre objectif, c'est qu'il reviendra aux élus de déterminer à quel
moment ça mérite qu'on dérange... excusez l'expression, là... qu'on s'adresse
au ministre pour dire : Écoutez, il y aurait lieu que vous regardiez ce
qui se passe ici, là, tu sais.
Mme Prass : Puis, justement,
est-ce que c'est question d'entendre la part des citoyens, qui vont dire :
Écoutez, nous, cette réalité-là fait en sorte que ça nous porte préjudice, ça
nous porte un préjudice sérieux? Ou est-ce que vous... est-ce que c'est
vraiment la municipalité qui va être déterminée, au nom de ses citoyens?
M. Lepage (Sylvain) : Bien,
nous ne demandons pas que les citoyens puissent s'adresser directement au
ministre. En ce qui nous concerne, c'est le rôle des élus. Ceci dit, si les...
personne ne peut empêcher un citoyen d'écrire au ministre. Le ministre, la loi
prévoit déjà qu'il peut déjà lui-même, décider si un conflit est rendu
suffisamment perturbateur, si vous me permettez l'expression, pour faire en
sorte que les citoyens s'adressent au ministre. J'imagine que le ministère va
réagir, mais...
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Malheureusement, ça fait... fin à ce petit bloc d'échange. On poursuit avec le
député de Jean-Talon. La parole est à vous, 1 min 19 s.
M. Paradis : Je remarque,
dans votre mémoire, à la page 6, que vous parlez de protéger les citoyens des
conséquences néfastes et perturbatrices des conflits de travail, et, ensuite,
vous parlez des services que la population juge importants. Est-ce que, ce
faisant, vous proposez une lecture, ou votre lecture, de ce que ça
signifierait, donc, les services minimalement requis pour éviter que ne soit
affectée, de manière disproportionnée, etc., qu'on retrouve dans le projet de
loi?
M. Lepage (Sylvain) : Je ne
pense pas, je ne pense pas, en toute honnêteté, que... Vous me demandez
d'interpréter à l'avance ce que va faire la commission, là, ou le tribunal. Je
pense que le texte de la loi est un peu plus restrictif que ce que nous
écrivons, là, en toute honnêteté.
M. Paradis : Mais c'est...
mais c'est ce que vous aimeriez voir poindre comme...
M. Lepage (Sylvain) : C'est
ce qu'on aimerait... Écoutez, ce qu'on veut éviter là, c'est des situations
comme celle dont je vous ai parlé, qui est vraiment... L'idée, ce n'est pas de
s'adresser au ministre parce que le balai n'a pas été passé sur la Grande
Allée. On peut tous survivre à ça. Je pense qu'on... je doute que le ministre,
peu importe son identité, intervienne dans ces cas comme ça. Ce qu'on souhaite,
c'est que, lorsque le ministre ou qu'un élu municipal constate qu'il y a une
situation difficile, préjudice sérieux...
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Malheureusement, je dois vous couper.
M. Lepage (Sylvain) : Malheureusement,
vous n'avez... vous n'avez pas de temps, mais on pourra en parler ensemble, là.
Le Président (M. Allaire) : On
enchaîne... on enchaîne avec le député de Saint-Jérôme. La parole est à vous.
M. Chassin :Le dernier, mais non le moindre, j'ai envie d'ajouter.
Bien, en fait, évidemment, vous comprendrez que... Je pense qu'il y a comme,
toujours une évolution dans le droit du travail. Là, on arrive, dans le fond,
avec un outil législatif qui, justement, prête à interprétation. Puis, en fait,
moi, c'est un petit peu ma problématique, là, on confie des pouvoirs au ministre,
à l'État ou au tribunal sur la base de concepts flous et peu clairs.
Maintenant, je suis sensible à la
situation des municipalités, notamment parce que vous avez, certainement, bien
des membres qui ont fait face à des conflits de travail. Vous n'aviez plus
d'outils, dans le fond, pour, par exemple, forcer à l'arbitrage. Ça, ça a été
problématique pour vous. Puis là je ne sais pas si... Est-ce que... est-ce que
vous voyez, là, dans le fond, une solution rétroactive, ou est-ce que, dans le
fond, je ne sais pas...
• (19 heures) •
M. Lepage (Sylvain) : Non, on
ne voit pas une solution rétroactive. On voit une solution de gros bon sens.
Lorsqu'on constate qu'il y a un préjudice sérieux ou grave, choisissez le mot
que vous voulez, pour la population, le ministre peut d'abord, en certains cas,
imposer une liste de services, puis, à défaut, si ça...
M. Chassin :C'est ça. Mais l'accès aux piscines municipales, par
exemple?
M. Lepage (Sylvain) : Oui,
pardon?
M. Chassin :L'accès aux piscines municipales l'été?
M. Lepage (Sylvain) : Oui.
L'accès... l'accès à une piscine municipale, le 15 juillet, quand il y a
une canicule qui dure depuis...
19 h (version non révisée)
M. Lepage (Sylvain) : ...10
jours, je pense que le ministre pourrait dire : Écoutez, là, ça fait.
M. Chassin :Merci.
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Merci, M. le député de Saint-Jérôme. Ça met fin à ce dernier bloc d'échange. M.
Desrosiers, M. St-Pierre, M. Lepage, Mme Desgagnés, merci pour votre belle
contribution à cette commission. C'est apprécié.
Alors, la commission ajourne ses travaux
au mercredi 19 mars 2025, après les avis touchant... les travaux des
commissions, pardon, où elle poursuivra son mandat. Merci, tout le monde.
(Fin de la séance à 19 h 01)