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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le jeudi 24 avril 2025 - Vol. 47 N° 99

Étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out


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Journal des débats

12 h (version non révisée)

(Douze heures deux minutes)

Le Président (M. Allaire) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! ayant constater le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte.

La commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Boivin Roy (Anjou—Louis-Riel) est remplacée par Mme Lachance (Bellechasse); Mme Mallette (Huntingdon), par Mme Picard (Soulanges); et Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey), par Mme Prass (D'Arcy-McGee); et M. Fontecilla (Laurier-Dorion), par M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve).

Le Président (M. Allaire) : Merci, Mme la secrétaire. Alors, si vous vous souvenez, lors de l'ajournement 15 minutes plus tôt que prévu hier, nous étions à l'article 4 qui introduit un nouvel article, et plus précisément il y avait un amendement qui était déposé par le député d'Hochelaga-Maisonneuve et le député de Jean-Talon était dans son intervention.

Alors, pour commencer la journée de ce matin, je vais céder la parole au député de Jean-Talon, qu'il puisse continuer son intervention. La parole est à vous, M. le député.

M. Paradis : Merci, M. le Président. Oui, quand on s'est laissé hier, nous étions, M. le ministre et moi, dans un échange sur la portée du projet de loi n° 89 ou la portée des dispositions des deux mécanismes, le mécanisme qui permet donc de restreindre le droit de grève en déclarant que certains des services visés sont nécessaires pour le bien-être de la population, par rapport aux régimes existants de services essentiels, et ensuite la capacité de mettre fin à une grève pour envoyer en arbitrage. La discussion, c'est qu'il y a une série d'amendements proposés par le collègue d'Hochelaga-Maisonneuve qui vise à restreindre les secteurs ou les emplois auxquels s'appliqueraient le projet de loi n° 89. Et le ministre nous dit : Il est d'avis que non, il doit s'appliquer de manière générale. Et la discussion, c'est de voir : Oui, mais est-ce qu'on ne veut pas s'assurer que c'est une atteinte minimale au droit d'association qui comprend le droit de grève? Et, là-dessus, donc, le ministre, juste avant qu'on termine, disait, puis je l'apprécie, que lui, il envisage une utilisation exceptionnelle et prudente des pouvoirs qui lui sont conférés par le projet de loi n° 89 ou qui sont conférés au futur ministre du Travail par... et au gouvernement et futur gouvernement par le projet de loi n° 89 et qu'il espère qu'il va y avoir de moins en moins de conflits qui vont nécessiter l'application de ces dispositions. Il a dit : Ça va être appliqué avec parcimonie.

Je conclurais peut-être notre échange ou j'aimerais l'entendre réagir à deux extraits de mémoires qu'on a reçus et de... en fait, de personnes qui sont venues témoigner en consultations particulières. Parce que je continue à penser que, ni dans les moments et la façon dont le ministre pour adopter un décret pour déclencher le premier mécanisme ni dans la catégorie d'emplois visés, on ne retrouve pas, actuellement, à même le projet de loi, les mêmes mots ou les mêmes concepts que lui utilise pour décrire la façon dont ces mécanismes-là vont être... vont être mis en vigueur ou vont être enclenchés. Parce que, quand il va y avoir des services assurant le bien-être de la population, au départ, ça prend un décret du gouvernement, et ça, ce n'est pas encadré. Il n'y a pas de critères actuellement. Les mots «parcimonie», «exceptionnel» ou des concepts qui rappellent ça ne sont pas là.

Et hier on avait aussi une discussion sur le fait que, bien, est-ce que ça, ça a un impact sur la négociation ou seulement sur le droit de grève. Et moi, j'ai dit : Non, ça a un impact, c'est lié. Le droit de grève et la négociation, c'est lié. Et la capacité d'avoir cette épée de Damoclès va venir influencer sur la capacité des parties de librement négocier les conditions de travail. L'Université de Montréal est venue nous rappeler ça. Les experts, donc, du Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail de l'Université de Montréal à la page 19 nous disent que «la capacité du pouvoir exécutif de mettre, lorsqu'il le jugera nécessaire, le chapeau de joueur, et ce de manière imprévisible et à tout moment du processus de négociation dépouille aussi les parties à la négociation de toute prévisibilité stratégique et risque d'introduire beaucoup d'incertitudes dans le processus de négociation et d'affecter sa dynamique.» Il y a beaucoup de catégories d'emplois notamment qu'on ne veut pas exclure, là, et notamment qui font l'objet des propositions d'amendement du collègue d'Hochelaga-Maisonneuve.

Dans le même... dans la même foulée sur l'incertitude et sur le risque, en fait, qu'il y ait plus de conflits devant les tribunaux, c'est le Pr Finn Makela, de l'Université de Sherbrooke, qui nous rappelait ceci à la page 12 de son mémoire : «Aucune loi québécoise ne définit les notions de "sécurité sociale" ni de "sécurité économique"...

M. Paradis : ...Ainsi, il reviendrait au Tribunal administratif du travail de tracer les contours de ces notions jusqu'ici inconnues en droit québécois. Personne ne peut donc prédire avec précision l'importance des limites qui seraient apportées à la liberté d'association des personnes salariées québécoises si le projet de loi devait être adopté. Cependant, une chose est certaine, les situations captées par la définition proposée de services assurant le bien être de la population seraient nécessairement celles où la santé et la sécurité publique ne sont pas menacées, sinon ce serait le régime actuel des services essentiels qui s'appliquerait». Ça vient jouer dans notre discussion aussi d'hier sur dans quel cas s'applique tel régime. À notre connaissance... Je continue à citer le Pr Makela. «À notre connaissance, depuis l'affaire Saskatchewan Federation of Labor, aucun tribunal canadien a confirmé la constitutionnalité d'un régime de grève contrôlé — ce qui est proposé par le ministre, ça, c'est moi qui le dis — lorsque les services visés ne posent pas un danger pour la santé ou la sécurité de la population. Il est donc envisageable, sinon probable, qu'un tribunal vienne à la conclusion que le régime proposé par le projet de loi est incompatible avec l'article 2 d de la Charte canadienne des droits et libertés et de l'article 3 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne». D'où l'importance de réduire ou de cibler le plus possible les emplois, les catégories d'emploi, les travailleurs à qui ça s'applique? Qu'est-ce que le ministre en pense?

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Boulet : Merci, M. le Président. Je pense qu'on va revenir à la discussion qu'on avait hier. Je pense qu'il y a deux éléments centraux dans vos remarques, collègues. C'est premièrement l'atteinte minimale, mais l'atteinte minimale, c'est dans une série d'options. Il faut prendre l'option qui est la moins attentatoire possible pour évidemment éviter d'enfreindre un droit fondamental qui est prévu dans nos chartes. Ici, ce n'est pas le but des amendements présentés par notre collègue d'Hochelaga-Maisonneuve. Ce que j'ai mentionné hier, c'est faire un peu de «cherry picking», c'est ajouter des exceptions, les universités, les centres de services scolaires, ajouter des exceptions en disant qu'il n'y a jamais eu de conflit justifiant ou donnant une légitimité à une loi comme le p.l. no° 89. Puis vous allez m'excuser de le redire, ce n'est pas parce qu'on n'a jamais violé les dispositions antibriseurs de grève qu'elles ne s'appliqueront pas à toi. Ce n'est pas parce qu'on n'a jamais fait d'ingérence patronale que les articles 12, 13, 14 du Code du travail ne s'appliqueront pas à toi. Ce n'est pas parce que tu n'as jamais négocié de mauvaise foi que l'obligation de négocier de bonne foi et avec diligence prévue dans le Code du travail ne s'appliquera pas à toi. C'est ce qu'on appelle l'application générale d'une loi. Les lois du travail, comme toutes les lois, à moins de certaines exceptions que nous avions discutées dans la loi sur l'encadrement du travail des enfants, bien, il faut que les exceptions soient... Dans le cas du travail des enfants, il fallait trouver des exceptions qui étaient le prolongement de la vie scolaire ou familiale de l'enfant et compatibles avec leur niveau de maturité socioaffective. Ça fait qu'ici je pense que c'est l'atteinte minimale pour protéger les besoins de la population et j'en suis convaincu.

• (12 h 10) •

Ceci dit, le deuxième élément soulevé par vos propos, c'est le Pr Makela de l'Université de Sherbrooke, je ne sais pas si je le prononce bien, que j'ai bien apprécié par ailleurs, avec qui j'aurais aimé avoir des échanges, comme vous d'ailleurs, on est... Je pense qu'on aime les débats intellectuels. Des fois on est un peu à côté de la track, mais on discute et c'est comme ça qu'on fait avancer les choses. Puis on apprend à apprendre. Puis quand on a commencé nos études, vous et moi, on avait la même perspective. Il faut apprendre à apprendre. C'est la meilleure façon de réussir des études. Mais quand le Pr Makela, il est docteur aussi, dit : C'est dur à définir, la sécurité sociale et économique, vous me permettrez de vous taquiner, votre collègue de Matane, lui, il comprend bien c'est quoi la sécurité économique. Et parlez-lui de la sécurité économique dans le contexte d'un conflit des traversiers, où il y a aussi des services essentiels, mais où il pourrait y avoir des services complémentaires en vertu du p.l. no° 89. Puis votre collègue de Matane, on le connaît, vous le connaissez bien mieux que moi, mais il vous donnerait une définition claire et précise...

M. Boulet : ...et quand le professeur... il dit : Dans l'hypothèse où il y a une contestation, il est raisonnable de penser que ça ne passera pas le test, il est raisonnable de penser que ça peut passer le test. Je reviens tout le temps à ce qu'est le droit. On gagne ce qui est perdu d'avance puis on perd ce qui est gagné d'avance, mais moi, je demeure convaincu, puis je pense que j'ai échangé avec lui là-dessus, en tout cas, avec un des professeurs, plus on définit un critère chirurgical, ce que vous me proposiez hier, plus on se met à risque constitutionnel dans l'hypothèse d'une procédure judiciaire. Plus on met un risque défini de manière chirurgicale, plus on donne un caractère un peu politique à la décision et on enlève de la marge de manœuvre, certainement une marge d'appréciation, à un tribunal impartial et indépendant qu'est le Tribunal administratif du travail.

Ça fait que ça, c'est une autre conviction que j'ai, collègue, que le critère est tel qu'il est défini, moi, je trouve qu'il est facile à comprendre. Quand on réfère au bien de la population, c'est les services minimalement requis, puis services minimaux, vous savez d'où ça vient, c'est un comité de liberté syndicale, l'Organisation internationale du travail. Sécurité sociale, économique, environnementale, on le sait. Environnementale, pour éviter une catastrophe ou un cataclysme économique, pour éviter des impacts majeurs ou significatifs. Puis sociale, la même affaire, on l'a vécu dans certains cas où ça aurait pu peut-être s'appliquer.

Mais je le répète, on n'a pas intérêt, vous et moi, dans notre quête d'un bon équilibre, à trop définir, puis je serai toujours ouvert, là, parce qu'on n'est pas dans ce débat-là, on n'est pas rendus à l'article sur les critères, mais j'aime ça, dans les amendements, comme ça, prendre de l'avance puis discuter de tous les articles. Il y en a 11 dans le projet de loi. Puis, à un moment donné, quand on aura terminé les amendements soumis, particulièrement par mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, ça va nous permettre d'avancer plus rapidement. On a toujours travaillé comme ça, puis j'ai la même confiance que ça va se continuer avec ce projet de loi là. Ça fait que c'est mon opinion, ceci dit, humblement soumise, collègue de Jean-Talon, moi, je pense que le critère, il est clair, puis ce sera au tribunal de l'apprécier, toujours en fonction des faits mis en preuve.

Le Président (M. Allaire) : M. le député Jean-Talon.

M. Paradis : Oui, moi aussi, j'apprécie la discussion, qui est éminemment juridique, avec le ministre, et, oui, il a raison, on prend un peu d'avance sur ce qui s'en vient par la suite, mais c'est parce que c'est lié. Ici, on est en train de discuter à qui peut s'appliquer le projet de loi no 89. Donc, ça, c'est 111.22.2, mais c'est lié à la notion de pouvoir. Dans quelle mesure il y a un pouvoir discrétionnaire conféré au ministre ou au gouvernement d'intervenir dans des conflits de travail. Si ce n'est pas le qui qui est circonscrit ici, c'est le quand et le comment, notamment à l'article 111.22.4. Donc, c'est lié, donc... mais c'est lié, c'est pour ça qu'on a la conversation en parallèle, parce que, bien, si ce n'est pas circonscrit là, est-ce que c'est circonscrit ici ou, à l'inverse, si ce n'est pas circonscrit ici, est-ce que c'est circonscrit là? C'est-à-dire comment et quand s'exerce le pouvoir discrétionnaire d'adopter un décret, à qui il s'applique?

Là, le ministre dit, bien... c'est ça qu'il nous dit, son optique, c'est : Je veux que ça reste large quant à qui ça s'applique. Alors là, il faudra qu'on ait une discussion à... quand et comment ça s'applique. Parce que, depuis le début, quand j'écoute le ministre répondre, il tient pour acquis que le décret ne peut être adopté. En tout cas, j'ai l'impression, je comprends de ses réponses qu'il tient pour acquis que le décret ne sera adopté que quand il y a un conflit de travail qui est en cours. Je ne vois pas cette limitation dans l'article 111 22.4. Je ne vois pas où est balisé l'exercice du pouvoir discrétionnaire du gouvernement d'adopter un décret qui va avoir un impact majeur sur le déroulement des négociations, qu'il y ait conflit ou pas, si, d'ailleurs... elle peut être adoptée longtemps à l'avance.

Il nous a parlé, c'était hier ou avant-hier, des critères...

M. Paradis : ...qu'il va analyser, qu'il va consulter, qu'il va observer la durée du conflit, la nature du conflit. C'est ce qu'il nous a dit, mais ce n'est pas dans le projet de loi actuellement. Donc, c'est pour ça que c'est lié. Ici, on est en train de discuter qui on ne veut pas restreindre, on ne veut pas ciseler, fort bien, mais on va avoir donc une discussion, à... 111.22.4, sur comment s'applique le décret.

Je termine en disant que je suis un petit peu étonné de ce que le ministre affirme sur le plan juridique quand il dit : Donner plus de détails ou baliser, c'est rendre la chose plus politique. C'est l'inverse, en droit administratif, en droit législatif, quand il y a un pouvoir discrétionnaire, plus il est balisé, moins il y a de la chance de politiser, moins il est balisé, plus il y a de la chance d'être politisé. Actuellement, comment et quand s'adopte le décret qui démarre tout le processus menant à une potentielle déclaration de service assurant le bien-être de la population, on ne sait pas quand, on ne sait pas comment ça s'exerce.

Donc, si on ne balise pas ici, on balisera plus tard puis et on aura une partie de la discussion entamée sur cette question-là.

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Boulet : Intéressant, c'est que vous essayez de transformer le décret en pouvoir discrétionnaire, c'est faux. Puis on ne dira pas, dans une loi ou dans un projet de loi, comment est adopté un décret, quand est adopté un décret. Le décret est un geste gouvernemental, pas ministériel d'abord, puis le décret est un élément déclencheur d'un processus. Il n'y a rien de politique là-dedans, c'est une des parties qui demande TAT : Est-ce que les critères de sécurité prévus dans la loi sont rencontrés? Après ça, les parties, si les critères sont rencontrés, définissent les paramètres des services à maintenir. C'est totalement apolitique.

Je vous réfère, encore une fois, à 107 du Code canadien : «Le ministre peut prendre les mesures qu'il estime de nature à favoriser la bonne entente.» Ça, c'est une discrétion. Ce n'est pas ce qui est prévu dans la p.l. 89. Le gouvernement observe, analyse, consulte, détermine le moment opportun pour adopter un décret. Quand il y a un décret, il y a un mémoire qui est rendu public, tout est connu, tout est su, et après c'est les parties qui pourront déterminer quand. On ne dira pas, dans le décret, on va identifier un employeur, une association détentrice d'une unité d'accréditation syndicale, elles détermineront. Nous, on est là, d'abord et avant tout, pour accompagner, pour aider à la négociation par les parties. C'est un processus qui leur appartient. On peut même les faire accompagner par des experts en conciliation-médiation.

• (12 h 20) •

Donc, c'est parce que j'ai souvent l'impression que vous essayez de transformer ce qui est dans le 89 en pouvoir discrétionnaire du ministre. Ce n'est pas le cas. Le ministre, il discute. Il y a une décision qui est prise par le Conseil des ministres d'adopter un décret. Vous savez, en plus, vous, de par votre formation, comment s'adopte un décret, et le gouvernement ne se fera pas dire comment adopter un décret. Il va l'adopter avec toute la rigueur puis l'analyse que ça requiert et, après ça, le dossier ne cesse jamais d'appartenir aux parties. Puis le gouvernement ne dira pas, ne dira pas : La sécurité sociale ou la sécurité économique est compromise. C'est le tribunal indépendant et impartial. Ce n'est pas politique, c'est ça qui est important, selon moi, de retenir. Puis je ne veux pas trop utiliser l'article 107 du Code canadien du travail, mais c'est pratique de le faire devant des allégations que c'est un pouvoir discrétionnaire du ministre.

Le décret, il va être adopté. J'ai expliqué hier à de multiples reprises comment il va être adopté. Il peut être adopté quand le gouvernement va juger que c'est important de le faire. C'est une question d'opportunité, parce que le ministre et le ministère du Travail analysent les circonstances, décident du moment opportun permettant à une des parties de saisir le Tribunal administratif du travail, mais il va le faire à un moment qui est opportun.

Le Président (M. Allaire) : Merci. D'autres interventions? M. le député de Jean-Talon. Allez-y.

M. Paradis : Je note que...

M. Paradis : ...du décret et de l'étape numéro un, ce qui déclenche tout le processus. Vous glissez tout de suite sur la deuxième étape. Ah oui, bien là, il va falloir qu'une des deux parties demande au tribunal de définir s'il devrait y avoir, donc, assujettissement et ensuite quelles sont... la nature, puis là obligation de négocier. Mais l'étape un, on ne peut pas la minimiser. Vous allez vite, là, sur l'étape un. Vous dites : Oui, mais à l'étape deux, il va y avoir un tribunal. L'étape un, tout commence. L'épée de Damoclès commence à être au-dessus de la tête des parties, par exemple, un syndicat qui est en grève, à partir du moment où le gouvernement, quand il va le juger opportun, c'est ça que vous venez de dire, va dire : Bon, bien, j'adopte un décret, je dis que vous, associations accréditées, puis vous, employeurs, à partir de maintenant, le tribunal va pouvoir déterminer s'il y a des services assurant le bien-être à la population qui devraient être maintenus. C'est fondamental. C'est un geste qui est fondamental, et il n'est pas balisé, actuellement. Vous utilisez beaucoup de mots qui ne sont pas là-dessus. Puis, oui, je sais très bien comment s'adopte un décret, puis vous le savez, que je le sais.

M. Boulet : ...

M. Paradis : Ah! il y a bien des pouvoirs discrétionnaires qui sont balisés partout dans la loi. Dans quelle mesure, à quel moment? Ce n'est même pas dit. Je le dis, vous dites tout le temps : Ça va être dans le cadre d'un conflit. Ce n'est même pas indiqué dans l'article 111.22.4. Ce n'est même pas indiqué quand. Vous avez dit : C'est quand le gouvernement va le juger opportun. «Quand le gouvernement va être jugé opportun», ce n'est pas de la politique, ça?

M. Boulet : ...

Le Président (M. Allaire) : Merci. D'autres interventions concernant cet amendement?

M. Boulet : Pas d'autre intervention.

Le Président (M. Allaire) : Ça va? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à la mise aux voix de l'amendement. Est-ce que cet amendement est... Appel nominal, Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?

M. Leduc : Pour.

La Secrétaire : M. Boulet (Trois-Rivières)?

M. Boulet : Contre.

La Secrétaire : M. Martel (Nicolet-Bécancour)?

M. Martel : Contre.

La Secrétaire : M. Caron (Portneuf)?

M. Caron : Contre.

La Secrétaire : M. Dufour (Abitibi-Est)?

M. Dufour : Contre.

La Secrétaire : Mme Picard (Soulanges)?

Mme Picard : Contre.

La Secrétaire : Mme Prass (D'Arcy-McGee)?

Mme Prass : Abstention.

La Secrétaire : M. Paradis (Jean-Talon)?

M. Paradis : Contre... Pour!

La Secrétaire : M. Allaire (Maskinongé)?

Le Président (M. Allaire) : Abstention. Donc, l'amendement est rejeté. Alors, on revient donc à l'article 4, qui introduit le 111.22.2. Est-ce qu'il y a des interventions? M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : ...pas beaucoup de temps, hein?

Le Président (M. Allaire) : Pardon?

M. Leduc : Sur le principal.

Le Président (M. Allaire) : Oui. Sur l'article introduit., 111.22.2.

M. Leduc : Peut-être que le ministre pourrait, rapidement, nous dire si le projet de loi qu'il a déposé aujourd'hui, le no 101, a une incidence, d'une manière ou d'une autre avec le projet de loi.

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Boulet : Non, ils sont complètement parallèles. Il n'y a aucune incidence, l'un sur l'autre ou de l'autre sur l'un.

M. Leduc : Vous touchez au Code du travail, quand même, dans le 101.

M. Boulet : Oui.

M. Leduc : Il n'y a rien, rien, rien qui va toucher à ça ici?

M. Boulet : Non.

M. Leduc : O.K.

Le Président (M. Allaire) : Ça va? Pas d'autres interventions? Bon. Parfait. Donc, on passe au deuxième article introduit, le 111.22.3. M. le ministre, je vous laisse en faire la lecture, apporter vos commentaires, et j'ai compris que la députée de D'Arcy-McGee aurait un amendement à proposer ensuite. Donc, allez-y pour la lecture, M. le ministre, et vos commentaires.

M. Boulet : Merci, M. le Président. «111.22.3. Dans le présent chapitre, on entend par «services assurant le bien-être de la population» les services minimalement requis pour éviter que ne soit affectée de manière disproportionnée la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population, notamment celle des personnes en situation de vulnérabilité.»

Commentaires : Bon. C'est là, ici, qu'on circonscrit ce qu'on entend par les services assurant le bien-être de la population. Puis là je ne relirai pas l'article, là, on en a discuté abondamment.

Le Président (M. Allaire) : Ça va?

M. Boulet : Oui, tout à fait.

Le Président (M. Allaire) : Parfait. Mme la députée de D'Arcy-McGee, est-ce que vous souhaitez le déposer tout de suite?

Mme Prass : s'il vous plaît.

Le Président (M. Allaire) : Donc, parfait, donc, on va l'afficher. Vous pouvez peut-être commencer à en faire la lecture et donner vos explications et votre argumentaire.

Mme Prass : Oui. Donc, insérer, après le premier alinéa de l'article 111.22.3 du Code du travail, proposé par l'article 4 du projet de loi, le suivant :

«La notion de service assurant le bien-être de la population est définie par règlement du ministre.»

L'article modifié se lirait comme suit :

111.22.3. Dans le présent chapitre, on entend par «services assurant le bien-être de la population, les services...

Mme Prass : ...minimalement requis pour éviter que ne soit affectée de manière disproportionnée la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population, notamment celle des personnes en situation de vulnérabilité.

«La notion de services assurant le bien-être de la population est définie par règlement du ministre du Travail.»

Donc, comme ça a été mentionné, il y a plusieurs notions dans ce projet de loi qui sont un petit peu floues et qui sont ouvertes à interprétation. Et justement, pour que ce ne soit pas le TAT qui encadre la définition de ce qui est le bien-être de la population, qui est un nouveau terme dans ce sens-là, nous pensons qu'on a besoin d'une interprétation de cette terminologie pour... comme... pour que quand la loi va s'appliquer pour la première fois, par exemple.

Alors, il n'y a pas de définition qui est proposée dans le projet de loi et on pense qu'en faire un... définir par règlement de la part du ministre, ça serait un point de départ. Parce qu'il ne faut pas donner trop de latitude au TAT. On ne sait pas comment ils vont interpréter l'intention justement du ministre. Alors, pour ne pas nuire de façon permanente, on donne l'exemple si le TAT va trop large, plus loin que le gouvernement l'aurait souhaité, donc... Et, par exemple, est-ce que le TAT va se pencher avec des experts pour élaborer une définition de ce qui est le bien-être de la population?

Donc, on n'est pas toujours favorables à la notion que le gouvernement fasse des choses par règlement, mais, dans ce cas-ci, on trouve que ça serait une façon d'encadrer, d'amener des balises et surtout de la prévisibilité pour les parties qui auront... qui iront devant le TAT à ce sujet-là.

Le Président (M. Allaire) : Merci, Mme la députée. M. le ministre, vous souhaitez intervenir? Allez-y.

M. Boulet : Bien, merci pour la présentation de l'amendement. Je vous dirais que ma réaction primaire... C'est sûr que, un règlement, il y aurait des risques de changement et il y aurait des risques de politisation du processus qui sont plus importants, alors que le critère qui est dans la loi est bien défini. Ce que je réponds souvent aux autres collègues, c'est qu'il est quand même assez large pour envoyer la balle au Tribunal administratif du travail pour bien l'appliquer, pour que le critère, si le TAT décide de l'appliquer, soit concordant avec les faits, les circonstances puis le contexte du dossier qui lui est présenté.

• (12 h 30) •

Ça fait que c'est un peu un inconfort, là. Je comprends le but de l'amendement, mais je ne serais pas confortable de dire : C'est un règlement, la notion est définie par règlement du ministère du Travail. Il y aurait le risque aussi de vouloir adapter le règlement à une situation conflictuelle particulière. C'est pour ça qu'on a fait beaucoup de travail pour que le critère soit le plus englobant possible et pour laisser le tribunal l'interpréter.

Et peut-être, le dernier élément, collègue, c'est... quand on a un critère dans une loi, ça confère une certaine stabilité au concept puis une certaine stabilité... Je disais hier : Il n'y aura pas de stabilité jurisprudentielle. Je souhaite qu'on ne l'utilise jamais, le p.l. 89, c'est-tu assez clair, le moins souvent possible. Il faut régler les conflits qui font mal à la population, il faut éviter ces conflits-là. Donc, on va travailler tout le monde ensemble pour que les parties puissent éviter de blesser des personnes qui sont dans un état d'impuissance suite à un conflit. Ça fait que moi, la stabilité, là, puis la possibilité du changement me rend inconfortable.

Le Président (M. Allaire) : Merci. Vous souhaitez ajouter? Allez-y, Mme la députée.

Mme Prass : Vous venez de dire que, dans le projet de loi, les critères sont bien définis mais assez larges pour l'interprétation du TAT. C'est un petit peu une contradiction, par contre, parce que justement, s'il y avait des critères qui étaient bien définis, il n'y aurait pas des craintes que l'interprétation se fasse de façon aléatoire du TAT. Justement, lors des consultations qu'on a eues, entre autres, il y a l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés qui laissait entendre qu'en laissant entièrement l'entière responsabilité à la jurisprudence d'interpréter ces notions, la décision des tribunaux pourrait ne pas correspondre à la volonté initiale du ministre, elle pourrait être définie plus largement...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

Mme Prass : ...au fil du temps, alors que les décisions s'accumuleront. D'un autre côté, les tribunaux pourraient en faire une interprétation si restreinte, voire nulle, ce qui pourrait en quelque sorte invalider la loi en tant que telle». Donc, je comprends qu'on ne peut pas donner une définition qui est trop restreinte justement pour permettre au TAT de bien faire son travail, mais en même temps, on se comprend, la notion de bien-être de la population peut être interprétée de différentes façons, dépendamment du point de vue. Allez-y.

M. Boulet : Collègue, c'est le bien-être de la population, c'est-à-dire, puis c'est là qu'on le définit, les services minimalement requis pour ne pas que la sécurité sociale et économique affecte de manière disproportionnée la population. Puis je suis assez d'accord avec le commentaire que vous venez de citer. Il faut que le concept soit suffisamment large pour permettre une marge de manœuvre au TAT. Plus c'est restrictif, plus ça enferme le TAT dans une boîte et plus ça met à risque constitutionnel, si jamais il y a des procédures, l'application du projet de loi. Et je suis d'accord avec vous. Puis, plutôt que de le définir par règlement du ministre, moi, je serais toujours ouvert à ce qu'on me propose des critères plus élargis. Je suis d'accord, je partage votre philosophie, mais c'est tout à fait contraire à la philosophie chirurgicale du collègue de Jean-Talon. Plus on est chirurgical, plus on expose la loi à un risque d'invalidation constitutionnelle. Ça fait qu'il n'y a pas de contradiction. Je pense qu'on s'entend et je comprends pourquoi vous voulez donner un pouvoir réglementaire au ministre. Normalement, on est... le ministre peut être confortable avec ça, satisfait de ça. Moi, je ne le suis pas parce que je comprends que c'est un droit constitutionnellement, constitutionnellement reconnu, la grève, puis je ne veux pas m'immiscer dans un processus, je veux qu'il soit le plus apolitique, le critère. Si vous pouvez m'en proposer un qui est encore plus général, moi, je suis prêt à le discuter. Mais je trouve que celui qu'on a, il est très, très englobant.

Le Président (M. Allaire) : Vous pouvez poursuivre. Allez-y, Mme la députée.

Mme Prass : Oui, mais écoutez, les autres termes que vous avez mentionnés qui sont dans l'article pour définir c'est quoi le bien-être de la population sont aussi ouverts à interprétation. Et je pense que c'est la crainte que ça soit trop large ou que ça soit trop restreint. Donc, encore une fois, ce n'est pas pour... C'est pour... C'est pour donner des balises au TAT pour pouvoir travailler à l'intérieur de ces définitions-là. Et je vous lis, justement, un autre commentaire qu'on a reçu de la CSN qui dit que : «Le premier enjeu est donc qu'il est difficile de savoir comment ces concepts seront définis et interprétés par les tribunaux. Les critères sont tellement vastes qu'ils auraient le potentiel de tout viser. Ces notions dépassent largement ce qui est nécessaire pour protéger la santé et la sécurité publique». Donc, encore une fois, ça peut aller très large. Et ce que le gouvernement reconnaît comme le bien-être de la population peut être amplifié par la définition ou l'interprétation plutôt du TAT et faire en sorte que des cas de grève, des cas de lockout qui autrement auraient été considérés comme ne pas affectant le bien-être de la population, peuvent l'être pas le TAT dans certains cas. Encore une fois, comment est ce que le tag va faire pour définir lui-même cette notion? Est ce qu'ils vont appeler des experts pour... Dépendamment du contexte de la grève, est ce qu'ils vont appeler des experts pour comprendre, bien, tu sais, il y a vraiment une atteinte au bien-être de la population? Comment est-ce que vous envisagez qu'eux ils vont se pencher justement sur cette question-là et avec quels outils, disons, pour bien... pour bien répondre à la situation qui sera devant eux?

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Boulet : D'abord, ce n'est pas le gouvernement qui détermine si le bien-être de la population est affecté, c'est le TAT qui le déterminera. Mais moi, je pense que les termes sont clairs. Ceci dit, le terme le plus clair sur la planète est susceptible d'interprétations et de problématiques d'application. Il y a des griefs sur à peu près tous les articles contenus dans une convention collective de travail. Même la loi la plus parfaite fait l'objet de débats. Puis il y a des avocats, puis des conseillers, puis des experts qui les font, ces débats-là. Si on me dit : C'est quoi, un accident de travail? C'est un événement imprévu ou soudain survenu par le fait ou à l'occasion du travail. Il y a des gens à l'adoption de la loi qui disaient : C'est clair. Mais il y a un vaste...

M. Boulet : ...vide jurisprudentiel sur c'est quoi, «imprévu et soudain» puis c'est quoi, «par le fait ou à l'occasion du travail». Mais c'est en tenant compte de la preuve qui est soumise, c'est là que les critères prennent vie. En écoutant les témoins, en écoutant les experts, le TAT peut obtenir des observations. Il y a des règles de preuve et de procédure qui guident ses travaux, mais les parties peuvent être accompagnées d'un conseiller, ou d'un procureur, ou d'une personne qui a l'expertise. Il y a des personnes expertes qui peuvent être entendues. Et, moi, je vais... Puis le dictionnaire, à la limite, est aussi un outil d'interprétation. Mais les définitions, je les ai déjà... je vais les redire parce que je les avais dans mes commentaires additionnels services minimalement requis. Services minimalement requis, ça vise à limiter la portée des services qui devraient effectivement être maintenus pour porter, le moins atteinte possible, au droit de grève. Parce que j'ai répété souvent que le droit de grève se maintient, alors qu'il y a des manifestants qui m'ont dit : Mais là vous éliminez le droit de grève. Non, on n'élimine pas le droit de grève. On est dans le premier mécanisme, collègue. Je poursuis. Ce ne sont pas tous les services nécessaires pour prévenir tout inconfort qui devraient être maintenus, mais ceux minimalement requis pour assurer le bien être de la population.

Et là on s'en va à la sécurité sociale, économique ou environnementale. Cette expression vise à prémunir la population ou à la protéger de difficultés importantes causées par un arrêt de travail, notamment la pauvreté, l'isolement, l'insécurité alimentaire, l'atteinte au développement d'une personne, l'atteinte à des droits, à la sécurité, à la dignité. Elle inclut également la protection quand un risque important tel qu'une catastrophe naturelle ou une dégradation importante de la qualité de l'environnement. Affecté de manière disproportionnée, l'effet sur la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population doit être significatif et ne peut être un simple désagrément ou un inconfort. La population vit des répercussions significatives.

• (12 h 40) •

Personne en situation de vulnérabilité désigne un ou des groupes de personnes particulièrement à risque de subir des conséquences plus importantes liées à un arrêt de travail — Dr Royer nous en a parlé abondamment. Cette notion variera en fonction du contexte, type de service visé, durée de la grève. Pour le premier mécanisme, c'est des concepts, après ça, ça appartiendra au tribunal de dire : Est-ce que les faits mis en preuve justifient l'application de ces critères-là? Et, si oui, les parties sont assujetties à maintenir des services minimums. Puis il ne le fera même pas lui-même, les définir, c'est les parties qui vont les définir par entente. Puis si elles ne s'entendent pas... Et puis le tribunal, avant, il peut même les faire accompagner par une personne pour les aider à les définir. Parce qu'on va dire c'est quoi, ces services-là, une personne qui va les accompagner va les aider à définir. Puis le TAT, bien, il peut s'exprimer sur la suffisance ou non, mais normalement il va respecter l'entente que les parties font entre elles.

Le Président (M. Allaire) : Ça va? Mme la députée de D'Arcy-McGee.

Mme Prass : Oui, mais c'est... C'est parce que ce qui nuit au bien-être de l'un pourrait ne pas nuire à un autre. Et, encore une fois, je comprends qu'avec le temps les choses évoluent. Il y a des situations qui ne pourraient pas être... bien, qui sont... auxquelles on ne prend pas en considération aujourd'hui, mais qui pourraient se manifester dans le futur. Mais, encore une fois, je pense que la crainte, c'est que c'est un terme nouveau, un terme qui est flou, qui... Vous dites, oui, il est vaste justement pour leur donner l'habilité de pouvoir l'appliquer et l'interpréter de la façon dont il trouve nécessaire. Mais, en même temps, c'est... Écoutez, le bien-être de la population, même disproportionné de la sécurité sociale, économique ou environnementale, encore une fois, peut, dépendamment de la personne qui siège, peut être interprété de façon... au-delà de ce que le gouvernement avait l'intention avec ce projet de loi. Donc, c'est...

Mme Prass : ...c'est vraiment question aussi d'amener de la prévisibilité pour les parties qui vont être devant le TAT si le projet de loi n° 89 est invoqué dans une situation de grève ou de lockout pour justement leur permettre de comprendre quels sont les critères qu'ils doivent démontrer justement pour prouver que cette situation-là fait en sorte de nuire au bien être de la population. Donc, c'est également pour que le tribunal et les parties qui vont être devant le tribunal puissent comprendre les critères et les définitions qui vont être devant eux pour bien porter leur dossier.

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Boulet : C'est un excellent point, hein, collègue. Je me suis exprimé sur un règlement du ministre. Si on peut mieux définir le critère, moi, je suis ouvert à des suggestions collègue de D'Arcy-McGee. Je comprends très bien votre point. Moi, je peux trouver que c'est clair, mais encore une fois, ça s'éclaircit par la preuve qui est présentée au tribunal, puis on ne cherche pas à ce qu'il se développe un intérêt croissant pour l'application d'un p. l. comme celui-là, on essaie de développer un intérêt qui va décroître, en fait qui va sensibiliser les parties à l'importance de ne pas affecter de manière disproportionnée la population. Mais s'il y a un autre... ou s'il y a un mot, moi, je suis ouvert. Si vous faites des suggestions, des amendements sur le contenu du critère, j'aime mieux que le critère appartienne au législateur qu'à un règlement du ministre.

Mme Prass : Je suis d'accord avec vous que, de façon générale, les règlements faits par le gouvernement ne sont jamais très... on n'est pas toujours réceptif. Mais en même temps, comme je l'ai dit, c'est... c'est pour aider les parties qui auront peut potentiellement être devant le TAT de comprendre. Puis s'il y avait eu une meilleure définition aussi, ça pourrait faire en sorte justement d'éviter des fois un lockout ou une grève, parce que si on sait que l'action qu'on va prendre justement va nuire au bien-être de la population et qu'on risque de se trouver devant le TAT, bien, peut-être que ça fera en sorte que les discussions, les négociations se poursuivront avant d'arriver à cette étape-là également.

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Boulet : C'est un point de vue. Évidemment, le bien-être de la population est un... est un concept révélateur. Maintenant, comment bien le définir pour que la population le saisisse bien, son sens? Je suis d'accord avec ça. Moi, j'ai toujours dit que tous les projets de loi sont perfectibles puis, si vous faites des suggestions, on va les... on va les discuter.

Le Président (M. Allaire) : Mme la députée de D'Arcy-McGee, ça va? D'autres interventions sur cet amendement? Oui, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Étrangement, je vais être assez d'accord avec le ministre là-dessus. Je serais inquiet, pour être honnête, chers collègues de l'opposition, de donner l'entièreté du pouvoir au ministre, de commencer à définir les concepts. Déjà qu'on est très inquiets de lui donner toute cette capacité-là de décréter, désigner était le bon terme qu'on a décidé, de désigner tout seul, de son bord, quel groupe ou pas, fait partie d'une potentielle assujettissement... d'un potentiel assujettissement. Si en plus, il faut qu'on lui donne la capacité d'écrire et potentiellement de modifier à son bon vouloir, puis en fonction de l'évolution de la jurisprudence, la définition de ces critères qui sont déjà extrêmement flous, on va être très mal partis.

D'ailleurs, sur la question des règlements, de manière générale, le bilan, il est à critiquer, hein, parce que le Règlement sur la santé, sécurité, sur la prévention de la santé, sécurité qui traîne sur le bureau du ministre, il traîne depuis des années maintenant, là, le p. l. 59, qu'on a discuté sur le... sur la santé-sécurité, prévoyait qu'il y a une discussion patronale-syndicale à la... au CNESST. cette discussion-là a eu lieu, a déposé un règlement. Et non seulement il n'est pas adopté depuis ce temps-là, mais là, ce que j'ai compris du projet de loi n° 101 qui a été déposé tantôt, je ne m'écarterai pas trop longtemps là-dessus, M. le Président, c'est que M. le ministre décide de refuser le consensus patronal qui était prévu dans le règlement, puis décide de faire autre chose à travers sa loi. On en débattra en temps et lieu, j'imagine. Ça fait que moi, de dire que c'est le ministre en plus qui va décréter lui-même le contenu de l'interprétation de ses propres concepts qui sont déjà bien trop flous, je pense qu'on s'enligne dans une très mauvaise piste si on fait ça, M. le Président.

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Boulet : Si vous permettez, puis ce n'est évidemment pas pertinent, là, mais on se connaît et on a des échanges. C'est inexact, il a été adopté par...

M. Boulet : ...par le C.A. de la CNESST puis il va être adopté par le gouvernement. Puis c'est confirmé dans le p.l. puis il va y avoir des mécanismes s'appuyant sur le régime intérimaire amélioré pour les secteurs de la santé et de l'éducation, avec de la formation, de l'identification de risques psychosociaux et autres. Il y a des avancées considérables.

Souvenez-vous, quand on a commencé le projet de loi n° 59, il y avait 25 % des travailleurs, travailleuses au Québec qui étaient couverts par des programmes de prévention puis des comités paritaires de santé-sécurité, on est à 100 % légalement. Maintenant, ça va être de s'assurer que ça imprègne chacun des milieux de travail. Puis dans des secteurs, en raison des multiétablissements, c'est un peu plus long, mais il y en a qui sont hyper avancés, là, mais il n'y a rien qui est laissé de côté, là. La prévention, c'était un des morceaux importants de cette modernisation-là. Puis la prévention, ça se fait avec les travailleurs, travailleuses puis les employeurs. Ça fait que... mais excusez-moi cette impertinence-là, mais on aura, je comprends, des débats sur le projet de loi... C'est le numéro...

Une voix : ...

M. Boulet : 101.

M. Leduc : ...

M. Boulet : Oui.

M. Leduc : ...je faisais référence, M. le Président, au règlement, parce que, moi, je suis inquiet parce qu'on était supposé d'avoir... On avait une entente, là, quand on a fait le 59 sur le... les règlements, ça procéderait, tu sais. On avait même négocié un règlement intérimaire. C'était une idée que j'avais soumise au ministre, puis qui m'avait... il m'avait entendu après de nombreuses heures en commission parlementaire.

Des voix : ...

M. Martel : ...il y a un amendement qui devait être discuté, je pense, qu'on déborde beaucoup trop, là.

Le Président (M. Allaire) : ...avec vus, sur ce point. M. le député, je vous ramène à l'amendement qui est en cours actuellement et le sujet. De part et d'autre, je vous ai laissé intervenir de chaque côté. Je pense que vous avez eu votre moment pour en discuter. Maintenant, je vous demande puis je vous invite à revenir sur l'amendement de votre collègue de d'Arcy-McGee. La parole est à vous, M. le député.

M. Leduc : Merci. J'éviterai d'aller sur le fond, je veux rester sur la forme, c'est-à-dire que j'utilise cet exemple-là pour justifier le fait que je ne pense pas que c'est une bonne idée de donner encore plus de pouvoir au ministre par la voie réglementaire, parce qu'il n'a pas... il ne nous a pas démontré au regard, et je ne rentrerai pas dans le contenu, on aura en masse de temps pour en discuter d'ici la fin de la session, j'imagine, mais il ne nous a pas démontré une bonne gestion de sa... du dossier du règlement sur la prévention en santé-sécurité. Alors, moi, de dire oui, oui pour la définition de ça, passons par la voie réglementaire, oh, oh, gros bémol, gros, gros bémol. La démonstration n'est pas faite que c'est pris au sérieux de l'autre côté de la chambre.

• (12 h 50) •

Le Président (M. Allaire) : Ça va? D'autres interventions? S'il n'y a pas d'autres interventions, nous allons procéder à la mise aux voix de l'amendement déposé par la députée de D'Arcy-McGee. Donc, par vote nominal, s'il vous plaît. Mme la secrétaire.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. Mme Prass (D'Arcy-McGee)?

Mme Prass : Pour.

La Secrétaire : M. Boulet (Trois-Rivières)?

M. Boulet : Contre.

La Secrétaire : M. Martel (Nicolet-Bécancour)?

M. Martel : Contre.

La Secrétaire : M. Dufour (Abitibi-Est)?

M. Dufour : Contre.

La Secrétaire : Mme Picard (Soulanges)?

Mme Picard : Contre.

La Secrétaire : M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?

M. Leduc : Contre.

La Secrétaire : M. Paradis (Jean-Talon)... Pardon. M. Allaire (Maskinongé)?

Le Président (M. Allaire) : Abstention. L'amendement déposé la députée de D'Arcy-McGee est rejeté.

Alors, on revient donc à l'article introduit au 111.22.3. Est-ce qu'il y a des interventions? M. le Président d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous.

M. Leduc : J'ai envoyé sur Greffier quelques amendements.

Le Président (M. Allaire) : Ah, parfait.

M. Leduc : Il y en a quatre. J'aimerais commencer par celui qui fait référence à disproportionné.

Le Président (M. Allaire) : Parfait. On va le chercher.

M. Leduc : Numéro 5 qu'on m'a dit.

Le Président (M. Allaire) : Ça ne sera pas très long. Vous pouvez peut-être commencer à en faire la lecture si vous l'avez en avant de vous, bien sûr.

M. Leduc : un instant. Alors, ça va comme suit : À l'article 11.22.3, proposé par l'article 4 du projet de loi, remplacer «disproportionné» par «grave et fondamental».

Ça donnerait quelque chose comme ça, là. Dans le présent chapitre, on entend par services assurant le bien-être de la population le service minimum requis pour éviter que ne soit affectée de manière grave et fondamentale la sécurité sociale, économique et environnementale de la population, notamment celle des personnes en situation de vulnérabilité.

Le Président (M. Allaire) : ...affiché.Tout le monde peut le voir.

M. Leduc : Merveilleux! Il y a plusieurs problèmes dans l'article 111.22.3. On aura l'occasion aujourd'hui et peut-être dans trois semaines, quatre semaines d'en décortiquer chacun deux, parce que c'est important de le faire au regard de son application future, même si le ministre dit qu'il souhaite que ce ne soit jamais appliqué. Comment... c'était quoi, le paradoxe de Tchekhov, là, il faut s'en méfier si c'est... comme... je répète ce que c'est, le paradoxe de Tchekhov...

M. Leduc : ...c'est l'auteur Anton Tchekhov, l'auteur russe, le dramaturge russe qui dit : Si vous, dans votre pièce de théâtre, vous ouvrez et vous faites référence à un fusil installé sur un mur, vous devez dans la pièce utiliser ce fusil sur un mur, sinon il n'y avait pas rapport d'y référer. Alors, c'est un peu pour dire : Bien, si vous avez inventé ce pouvoir-là, on va assumer que vous allez vous en servir. Sinon, pourquoi diable êtes-vous en train de le créer?

Alors, plongeons sur «disproportionné». C'est un terme dans la, je vais dire, la soupe de termes que nous soumet le ministre, qui est remis en cause par les experts. Je commence par le mémoire des professeurs de l'École des relations industrielles, je répète donc, Mélanie Laroche, Patrice Jallette et Gregor Murray, de l'École des relations industrielles de l'Université de Montréal, et qui font partie, donc, du fameux Centre de recherche interuniversitaire sur la modulation et le travail, à la page 16 de leur mémoire : «De plus, l'introduction par le projet de loi d'un critère de proportionnalité est confuse et probablement inapplicable. Si la disproportion vise à comparer et à soupeser les libertés individuelles d'association et celles du droit à la sécurité dans le cadre d'un conflit, même nature privée, les tribunaux ont déjà, avec les chartes, tous les outils nécessaires pour y parvenir. Si cette disproportion vise plutôt à soupeser les enjeux et les impacts d'un conflit, comment alors mesurer les désagréments à la sécurité environnementale, sociale et économique vécue par la population en le mettant en rapport avec les objectifs poursuivis par cet arrêt de travail? Il s'agit d'un problème de mesure bien réel, car il faudrait aussi considérer les bénéfices produits pour l'ensemble de la population par l'amélioration des conditions de travail des groupes en conflit et potentiellement des services qu'ils assurent. Par exemple, il n'est pas rare que dans les secteurs des services publics, les points litigieux menant au conflit sont animés par un désir des travailleurs d'améliorer les services à la population ou d'en éviter la dégradation. Dans le même esprit, un conflit dans le secteur privé peut viser à empêcher un employeur à délocaliser une partie de ses activités qui seraient susceptibles d'affecter la place des opérations locales dans la chaîne de valeur mondiale, ce qui n'irait pas sans conséquences pour la communauté locale. De telles considérations seront-elles prises en considération dans l'évaluation de la proportionnalité?» Est-ce que le ministre peut nous expliquer comment ça va marcher, la proportionnalité?

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Boulet : On va demander une suspension. Là, on va faire une analyse de ces concepts-là. Mais, oui, je l'ai expliqué tout à l'heure, ce qui était le disproportionné, c'est l'effet sur la sécurité sociale, économique ou environnementale doit être significatif, pas un simple désagrément ou un inconfort, dit des répercussions significatives. Puis le mot «disproportionné» est défini d'ailleurs dans le dictionnaire. Un instant, je l'ai déjà regardé.

Des voix : ...

M. Boulet : Ça réfère à l'importance, la grandeur avec quelque chose. Ça réfère à de quoi qui est excessif. C'est un terme qui est bien défini dans les dictionnaires. Puis quant au «grande et fondamentale», je trouve que c'est une tentative de faire indirectement ce qu'on ne voulait pas faire plus directement. Vous voulez transformer ça en service plus qu'essentiel. Parce que dans le mot «fondamental», on dit : Qui a un caractère essentiel et déterminant. Donc, vous voulez aller même au-delà de ce qui est essentiel. Puis «service essentiel», il est défini selon un critère de danger pour la santé-sécurité de la population. Et là, vous rajoutez de quoi de «grave et fondamental». Ça fait que... Mais on va faire... Je pense que j'accueille positivement un amendement de cette nature-là. Ça démontre la discussion que voulait amorcer notre collègue de D'Arcy-McGee, là, mais je vous donne ma réaction préliminaire, collègue.

Le Président (M. Allaire) : Alors, si je regarde l'heure, puisque vous avez demandé de suspendre mes travaux, est-ce que c'est toujours votre intention, M. le ministre, c'est toujours votre intention de suspendre?

M. Boulet : ...

Le Président (M. Allaire) : Parfait. Donc, si vous le permettez, on va suspendre les travaux jusqu'à 2 heures. Alors, merci, tout le monde, et bon dîner.

(Suspension de la séance à 12 h 57)


 
 

14 h (version non révisée)

(Reprise à 14 h 04)

Le Président (M. Allaire) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie du travail reprend ses travaux. Merci de prendre aussi quelques secondes pour éteindre la sonnerie de vos appareils électroniques.

Donc, nous poursuivons l'étude détaillée du projet de loi no 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out. Si vous vous souvenez, lors de la suspension de ce matin, nous étions toujours à l'article 4, qui introduit l'article 111.22.3, plus spécifiquement sur un amendement déposé par le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Ça fait que, M. le député, je vous céderais la parole.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Juste avant qu'on commence, mon estimé collègue m'a dit qu'il avait des problèmes de voix ici, dans cette Chambre, vous l'avez remarqué, la mienne aussi est affectée. Je voulais lui offrir, là, des petites pastilles, là, si jamais c'était nécessaire, mais on m'a dit qu'il y avait déjà des collègues qui lui en avaient acheminé. Ça fait que c'est parfait, mais, en tout cas, s'il en manque, il y en a d'autres ici, si je ne les finis pas avant, d'ailleurs.

Cela étant dit, nous étions en train de discuter de la notion de proportionnalité, parce qu'à 111.22.3 le ministre amène une bonne quantité de nouveaux concepts. Juste avant qu'on se quitte, le ministre a fait référence aux termes qui sont utilisés dans la loi des services essentiels. Je ne sais pas, s'il pouvait juste me... pas me réparer, mais me répéter, parce que je n'ai pas eu le temps de le noter. Je pense que c'était «déterminant». Est-ce que je me trompe?

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Boulet : Déterminant?

M. Leduc : Vous avez fait la liste juste avant qu'on quitte, du terme qui est utilisé dans la Loi sur les services essentiels, plutôt que...

M. Boulet : Non, c'est la... excusez-moi, la définition du mot «fondamental» comprenait «essentiel et déterminant».

M. Leduc : Ah! d'accord. J'ai mal compris, alors. Allons ailleurs. Le texte que j'ai lu, du mémoire, là, des Prs Laroche... et Murray, qui se questionnaient sur la pertinence de faire référence à la... à cette dite proportionnalité parce qu'elle est, à toutes fins pratiques, impossible à définir clairement, elle est, par définition, extrêmement subjective, rajoutait en plus une couche de complexité parce que l'atteinte dite proportionnelle, et donc disproportionnelle en fonction du texte original, ne prend pas nécessairement en compte le fait que, parfois, l'atteinte est faite dans le cadre d'un service public, par exemple, précisément parce qu'on se soucie de l'atteinte de manière permanente des services pour une catégorie de personnes.

Puis, hier, on a eu un échange fructueux sur les gens qui sont dans le secteur de l'éducation, notamment les gens qui accompagnent des élèves en situation de handicap ou de... ou de, bien, avec des défis particuliers, puis on n'a pas eu le temps de terminer cet échange-là parce que le temps imparti à mon amendement était terminé, mais je voulais juste vous souligner que, dans ma circonscription, il y a l'école Irénée-Lussier, qui a d'ailleurs été rénovée pendant le précédent mandat, le ministre de l'Éducation était venu faire un tour dans Hochelaga, on était bien contents, et l'école Irénée-Lussier est une école dédiée complètement, là, à des enfants en besoins particuliers, donc. Et pendant la grève de la FAE, des 22 jours, là, qu'on traitait hier, obn, les presque presque cinq semaines complètes de grève, bien, la grève... l'école Irénée-Lussier était également en grève, forcément, hein, c'est la même commission scolaire, le centre de services scolaire, maintenant, et le même syndicat, par la force des choses, donc le même employeur.

Et j'ai fait le tour, moi, de toutes les lignes de piquetage dans ma circonscription, incluant celle d'Irénée-Lussier. Et en allant à Irénée-Lussier, qu'est-ce que j'ai trouvé? J'ai trouvé des professeurs, du personnel enseignant avec la même détermination et le même souci...

M. Leduc : ...que ceux des écoles à savoir je suis inquiet de la qualité des services que nous sommes en capacité d'offrir. Je suis inquiet, par exemple, des capacités de recrutement et de rétention de la main-d'œuvre. Je suis inquiet de voir qu'on n'est pas capable de fournir à la tâche pour offrir des services à la hauteur de ce que les enfants méritent. Et je fais la grève pour ça parce que je souhaite rétablir ce niveau de service-là à moyen long terme. Alors, il y a quelque chose d'assez intéressant dans votre concept de disproportionnalité qui vient être en confrontation avec ça, à savoir : Si la grève est faite sous un motif de maintenir à long terme la qualité des services, mais qui, pour attirer l'attention du gouvernement, nécessite une diminution des services temporaires, est-ce que ça, au final, c'est quelque chose qui est, finalement, proportionnel?

M. Boulet : Non, je ne vous suis pas, collègue. Ceci dit, avec respect, là, je ne vois pas le lien entre l'explication que vous venez de faire puis le mot «disproportionné».

M. Leduc : Dans votre texte, vous dites... dans 111.22.3, pour qu'on puisse imposer des services minimaux, il faut qu'il y ait une atteinte disproportionnée à la sécurité sociale, économique et environnementale, le «disproportionné». Dans le cas... Puis je vais prendre peut-être un autre exemple, l'exemple des infirmières. Vous vous rappelez sûrement les infirmières et autres personnels de la santé, les annonces de la FIQ. Je ne sais pas si vous vous rappelez les annonces de la FIQ pendant la grève du secteur public. C'était écrit : Nos conditions de travail sont vos conditions de soins. Et c'est un peu ça, le message qu'ils voulaient passer : Si on est capables d'avoir des bonnes conditions de travail, on va avoir une plus grande stabilité de personnel, du personnel plus qualifié et donc vos soins vont être de meilleure qualité. Alors, est-ce que, si on arrête nos prestations de services, si on fait la grève... Dans le cas des infirmières, c'est différent parce qu'ils relèvent de la loi sur les services essentiels, bien sûr. Donc, revenons au cas des écoles. Si je fais la grève dans l'objectif d'un maintien des services, ne suis-je pas en train, justement, de ne pas être dans une logique de disproportionnalité, d'où le fait qu'on devrait changer ce terme-là par un terme beaucoup plus clair? Quand je dis plus tôt : On change «disproportionné» par «grave et fondamentale», là, on est... on évite une forme de subjectivité.

• (14 h 10) •

M. Boulet : Non, en fait, c'est un amendement qui vise à éliminer le critère que nous avons et le remplacer par un critère qui s'apparente ou qui est similaire à la définition de services essentiels. Mais ce qui est intéressant dans ce que vous dites, c'est qu'il n'y a pas que les employeurs qui s'intéressent à maintenir des services pour assurer le bien-être de la population. Il y a les professeurs, il y a les syndiqués, il y a les syndicats aussi. C'est pour ça que, dans le projet de loi n° 89, c'est une des parties. Puis, si on se met dans la peau d'un professeur syndiqué, par exemple, dans une école spécialisée, on peut se dire : On va faire la grève, mais assurons-nous de maintenir un niveau de service qui va empêcher les enfants, par exemple, à besoins particuliers de régresser. Ils pourraient avoir ce raisonnement-là.

Moi, je le répète, ça, vous nous enfermez... en fait, vous éliminez le régime parallèle qu'on met en place, parallèle à celui des services essentiels qui demeure intact. Donc, on ne peut pas déshabiller notre régime de services à maintenir pour le bien-être de la population puis le transformer en régime de services essentiels 2.0.

M. Leduc : Bien, évidemment, je ne suis pas d'accord avec votre analyse que je veux éliminer dans le sens où... Idéalement, je n'en voudrais pas, du projet de loi, là, soyons clairs. Mais là on essaie de voir qu'est-ce qu'on peut faire pour clarifier les différents concepts que vous mettez en branle. Puis là vous rajoutez trois éléments, vous rajoutez sécurité sociale, économique et environnementale qui ne sont pas des éléments de la loi sur les services essentiels. La loi sur les services essentiels, c'est la sécurité physique des personnes, la santé, la sécurité physique des personnes. Votre nouveauté, c'est la sécurité sociale, économique et environnementale, puis on en parlera plus tard. Là, moi, je veux me concentrer sur la disproportionnalité. Je vous ai lu l'extrait du mémoire qui dit : Eh boy! comment on quantifie ça, la juste proportion? Quand est-ce que ça devient disproportionné? Puis prenons encore une fois l'exemple de l'école Irénée-Lussier, qui s'occupe à 100 % d'enfants avec des besoins particuliers. À partir de quand la prestation de travail, en pourcentage, mettons, devient disproportionnelle...

M. Leduc : ...en matière d'atteinte.

M. Boulet : On va répondre à ça, parce que c'est une décision apolitique qui va être rendue par le tribunal en tenant compte des faits qui seront présentés en preuve. Puis, tu sais, le concept de grave, là, ça réfère notamment... ça met en danger la vie d'une personne. Ça va loin, là, c'est encore pire que le critère d'un service essentiel que nous avons actuellement. Ça fait que c'est sûr que la disproportion, c'est une affaire d'appréciation en fonction de la preuve des témoins, des experts que le TAT va entendre. Une réponse sommaire, là, mais je ne pourrai pas parler aussi longtemps cet après-midi.

M. Leduc : Ça ne va pas bien, parce que là, c'est vous, le ministre, puis on parle de votre projet de loi.  

M. Boulet : Non, mais ma collègue de D'Arcy-McGee va m'aider à un moment donné.

M. Leduc : Oui, j'insiste, je ne veux pas faire de la pub indue, mais c'est bonnes pastilles. Moi, c'est là-dessus que je roule depuis hier, puis ça va très bien... bien, ça va très bien, je suis capable de fonctionner. C'est des Halls, hein, ce n'est pas fameux, ça, des Halls.

M. Boulet : C'est lesquelles que tu as?

M. Leduc : C'est des Fisherman's Friend, ça, c'est bon.

M. Boulet : Pourquoi elles sont...

M. Leduc : Vous allez les prendre? Je vais m'en garder une ou deux, parce que là je vais peut-être... moi non plus.

M. Boulet : Non, non, on va partager à deux. 

M. Leduc : On va partagerà deux.

Le Président (M. Allaire) : Alors, on va continuer à poursuivre, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Allez-y.

M. Leduc : Oui, avec plaisir.

Une voix : ...

M. Leduc : Épicé? C'est miel et citron. On va peut-être se ramasser à Infoman avec tout ça, on verra bien.

La proportionnalité, elle pose sérieusement problème, parce que si je dis : Nos amis enseignants et autres professionnels de l'école — ...pourrait reprendre notre exemple — eux autres, ils disent : On manque de ressources. On n'est pas capable d'y aller avec la... ce qu'on devrait être capable d'offrir comme service. La négo piétine. Le gouvernement ne nous entend pas. Qu'est-ce qu'il nous reste comme moyen? La grève. Bon. Là, si le gouvernement dit : Bien, j'active mon nouveau mécanisme. Je désigne le service d'enseignement comme c'est prévu avec le beau petit graphique, comme potentiellement assujettissable à cette nouvelle disposition en fonction du TAT, et que là le TAT est obligé de se positionner. Mais il va faire comment? Je comprends que vous, vous ne voulez pas le faire à sa place. C'est bien correct, puis vous vous mettez une certaine distance, c'est ce qui vous permet d'avoir l'échange avec mon collègue précédemment sur le fait que, selon vous, ce n'est pas politique. Ça l'est un peu quand même parce que vous les désignez, mais, après ça, vous dites : Je mets une distance. C'est bien correct. Mais comment, mais comment les gens du TAT vont devoir tracer une ligne sur la disproportion? Je reprends l'exemple des enseignants dans l'école Irénée-Lussier, est-ce que... Ça va être quoi, ça va être 80 %, 90 %? À partir de quand le désagrément devient une atteinte au bien-être et à la sécurité sociale?

M. Boulet : Je vais tenter d'être un peu plus clair. Il y a deux concepts qui doivent être utilisés, les effets sur la population par rapport aux inconvénients dont on peut s'attendre que la population subisse. Donc, les effets de la grève et les inconvénients, ça, c'est deux termes où il y a une disproportion, et ça, ça va dépendre de la preuve. Puis ce n'est pas un calcul mathématique, ce n'est pas quantifiable, c'est vraiment qualitatif. Donc, vérifier, le TAT devra vérifier si les effets sur la population sont disproportionnés par rapport aux inconvénients, dont on peut s'attendre que la population subisse, en raison de l'exercice du droit de faire la grève. Ça ne peut pas être plus clair.

M. Leduc : Cependant, c'est toujours, encore une fois, un défi d'application...

M. Boulet : Ah oui, oui.

M. Leduc : ...parce que c'est forcément quantifiable parce que le résultat, lui, sera quantifiable, à savoir : Qu'est-ce que le TAT... Si le TAT décide d'imposer 90 % de tâches, en disant : Vous avez le droit de faire la grève en élargissant un peu votre heure de dîner d'une demi-heure, mettons, là, ça, on vous permet de le faire, parce qu'à partir de ce moment-là on considère que l'atteinte est illimitée. Forcément, c'est quantifiable. Forcément, le TAT va finir par dire : Je considère potentiellement que, oui, il y a atteinte et que, pour limiter l'atteinte, «schlack», je trace la ligne à 90 %, par exemple, de tâches. 

M. Boulet : ...mais pas nécessairement. C'est parce que j'ai peur de l'analogie entre les pourcentages et les ratios. Mais, tu sais, il faut que la preuve démontre que la grève cause des conséquences qui dépassent ce qui doit normalement être accepté dans...

M. Boulet : ...cadre d'un conflit de travail. Et le niveau de service à maintenir, il est déterminé par les parties, et ce n'est pas forcément un pourcentage. Une nature de service, les services A, B, C, plutôt que le pourcentage.

M. Leduc : O.K. Avez-vous un exemple? Avez-vous un exemple, quand vous dites un service A, B, C?

M. Boulet : Bien, le type de clientèle, par exemple. Tu sais, si on est dans une école, ça peut être, notamment, notamment de maintenir les services pour les enfants à besoins particuliers, là. Tu sais, ce n'est pas qu'un pourcentage ou ce n'est pas forcément un pourcentage.

M. Leduc : O.K. Mais là, dans le cas d'Irénée-Lussier, qui est une école 100 % dédiée à ces élèves-là?

M. Boulet : Oui. Ce serait de maintenir un niveau suffisant...

M. Leduc : À 100 %. Le travail de tout le monde.

M. Boulet : ...pour empêcher la régression des enfants.

M. Leduc : O.K. Ça fait qu'eux, ils n'auraient pas le droit de faire la grève ou en tout cas certainement pas à 100 %.

M. Boulet : Ce n'est pas ma prétention. C'est le tribunal qui va le déterminer.

M. Leduc : Je donne un autre exemple toujours sur les élèves à besoins particuliers. C'est ma fille qui m'a expliqué ça. Dans son école primaire, il y a des élèves à besoins particuliers. Puis, ce que je comprends... Vous vouliez que je parle... Vous voulez que je parle plus longtemps pour vous donner une chance. Il n'y a pas de problème pour faire ça. Ce que je comprends, c'est que, souvent, au primaire, puis je me souviens que dans mon école primaire, j'ai vécu ça aussi, les élèves à besoins particuliers sont en partie intégrés aux classes dites régulières. Puis elle m'a expliqué qu'elle, dans son école, ils les appellent les explorateurs. Je trouvais ça très beau, très poétique. Alors, les explorateurs, exploratrices aussi, forcément, viennent faire un passage dans sa classe régulière sur certaines matières, à certaines reprises. Donc, ils ne sont pas là de manière permanente, mais ils viennent faire un tour puis ils sont comme un peu intégrés, dans le fond, dans la classe. Puis il y a certaines matières qu'ils font avec les élèves comme... comme tous les autres. Mais, ça, c'est intéressant.

Ça veut-tu dire que, dans un modèle comme ça, pour une école primaire... qu'est-ce qui se passe? Est-ce que les élèves à besoins particuliers, qui est intégré... comment... je lui demandais combien de fois par semaine ils venaient dans sa classe, elle me disait presque... presque tous les jours, comment ça marche? Est-ce que l'élève à besoins particuliers de... en scolarisation au premier cycle, là, de primaire, il faut-tu maintenir l'école ouverte au grand complet pour qu'il puisse continuer à aller faire ses ateliers dans la classe régulière?

• (14 h 20) •

M. Boulet : C'est aux parties à le faire, à le déterminer. Ce n'est pas... Ce n'est pas nous qui allons le faire.

(Interruption) Excuse. C'est parce que ma voix est complètement... M'entendez-vous comme ça?

M. Leduc : Vous pouvez parler moins fort. Il n'y a pas de problème.

M. Boulet : Mais ça appartient aux parties qui auront à le déterminer. Ce n'est pas moi qui va dire : Dans telle hypothèse ou dans tel cas de figure, il devrait m'aider à tel niveau.

M. Leduc : O.K. Mais, encore une fois, M. le ministre, vous leur pitchez tout un problème dans leur... beau... belle grosse patate chaude.

Voulez-vous qu'on suspende quelques instants?

Le Président (M. Allaire) : Bien, en fait, oui. Je pense qu'on peut suspendre les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 14 h 21)

(Reprise à 14 h 26)

Le Président (M. Allaire) : Alors, nous allons reprendre les travaux. Alors, je pense que vous avez tous entendu la voix de notre ministre qui s'évapore à vue d'oeil. Je tiens à remercier l'empathie des collègues, qui m'amène à déposer une motion d'ajournement pour permettre au ministre d'aller reposer sa voix. Alors, je présente la motion suivante :

En vertu de l'article 165 du règlement, je fais fait motion pour que la commission ajourne ses travaux. Est-ce qu'elle est adoptée?

Des voix : Adopté.

Le Président (M. Allaire) : Adopté. Excellent. Merci, tout le monde. Alors, je vous remercie pour votre collaboration, comme je l'ai dit, grâce à cette motion. Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au mardi 29 avril, 15 h 30, où elle entreprendra un nouveau mandat. Merci, tout le monde. Bon week-end.

(Fin de la séance à 14 h 27)


 
 

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