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(Quinze heures trois minutes)
Le Président (M. Allaire) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. La commission est
réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi
visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou
de lockout. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire
: Oui, M.
le Président, Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey) est remplacée par Mme Prass
(D'Arcy-McGee); M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacé pas M. Leduc
(Hochelaga-Maisonneuve); et M. Paradis (Jean-Talon) est remplacé par Mme Gentilcore
(Terrebonne).
Le Président (M. Allaire) :
Merci, M. le secrétaire. Si vous vous souvenez, hier, lors de l'ajournement,
nous avions terminé l'étude détaillée. Donc, il reste quelques questions à vous
poser avant d'officiellement clore l'étude détaillée pour ensuite enchaîner
avec les remarques finales. Donc, est-ce que le titre du projet de loi est
adopté?
Des voix
: Adopté.
Le Président (M. Allaire) :
Excellent! Je propose que la commission recommande la renumérotation du projet
de loi amendé. Est-ce que cette motion est adoptée?
Des voix
: Adopté.
Le Président (M. Allaire) :
Parfait. Merci. Je propose que la commission adopte une motion d'ajustement des
références. Cette motion est-elle adoptée?
Des voix
: Adopté.
Le Président (M. Allaire) :
Adapté. Merci. Alors, nous sommes rendus à la dernière étape, les remarques
finales. Alors, je cède la parole au deuxième groupe de l'opposition. M. le
député d'Hochelaga-Maisonneuve, de Maisonneuve, vous avez 20 minutes. La
parole est à vous.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. D'abord, félicitations à vous et votre équipe. Vous avez fait une
belle présidence de nos débats, parfois animés entre le ministre et moi, puis
vous interveniez toujours au bon moment pour nous ramener à l'ordre.
Remerciements évidemment à mon collègue Ian Boivin, qui est à la recherche avec
moi depuis mon arrivée en 2018 dans le dossier du travail, qui a fait tous les
projets de loi du ministre du Travail depuis son entrée en fonction lui-même. Alors,
je le salue. Remerciements à toutes les équipes qui accompagnent les députés,
autant du point de vue gouvernemental que des équipes respectives. Salutations aussi
aux gens à la technique qui nous aident à transmettre nos débats et les gens
qui vont les taper pour la postérité.
Sur le fond des choses, sur le projet de
loi n° 89, sans grande surprise, vous allez m'entendre être extrêmement
critique de son... de la fin de ce périple, du projet de loi n° 89 qui est
qui est sorti un peu de nulle part, on se le rappelle, quelque part, comme le
disaient les gens qui sont venus en audience entre la dinde et le jour de l'an,
où le ministre dans une entrevue locale avec un média de Trois-Rivières, si ma
mémoire est bonne, mentionnait à la volée, là, qu'il fallait peut être
intervenir pour la question du droit de grève. Puis c'était beaucoup dans l'air
du temps, là, la question des grèves qu'il y avait eu dans les... plus dans les
domaines fédéraux, donc les postes, la question des ports, le transport
interprovincial. Et il y avait eu évidemment une utilisation nouvelle d'un
vieil article du Code du canadien du travail, l'article 107, si ma mémoire
est bonne, avec une approche, certains diraient, audacieuse, d'autres plus
sévères, diraient liberticide, mais qui interrompaient des grèves de manière
assez unilatérale et, je dirais, qui les interrompaient de manière assez
soudaine et violente d'une certaine manière.
Et le ministre nous arrive donc avec un
projet de loi qu'il dépose il y a quelques semaines, à deux volets qui sont, à
mon avis, deux reculs importants en matière de droit du travail même, je pense,
dans les plus grands reculs du droit du travail des dernières années. Le
premier, il vise à limiter le droit de grève. Bien sûr, le ministre dit qu'il n'a
pas aboli le droit de grève. Quoiqu'hier on a eu des sérieuses discussions sur
le pourcentage. Vous savez, dans l'ancien système des lois sur les services
essentiels, on pouvait limiter, c'était écrit même dans la loi, on imposait un
certain pourcentage de travail à des gens qui étaient en grève dans certains
secteurs. Ça a été jugé inconstitutionnel en vertu de la Charte des droits et
libertés. Puis après ça, on est revenu avec un autre système qu'on avait
négocié d'ailleurs, le ministre et moi, dans un de ses premiers projets de loi
en 2019. Ça fait plusieurs années maintenant.
Mais là, il revient avec une autre affaire
qui se veut parallèle. Moi, j'ai appelé ça des services essentiels déguisés. D'ailleurs,
plusieurs personnes, incluant des groupes patronaux qui sont venus ici,
faisaient référence au p.l. en utilisant le terme services essentiels. Ce faisant,
démontraient un peu le... peut-être, si vous me permettez le mot, là, le petit
subterfuge auquel on assistait. Mais dans sa volonté de limiter le droit de
grève, le ministre dit : Oui. Donc là, ce n'est pas moi qui vais le faire,
par exemple, ça va être une autre instance qui est le Tribunal administratif du
travail, le TAT. Donc, il essaie d'un peu de sous-traiter l'odieux de la
décision de limiter le droit de grève en disant : Non, non, ce n'est pas
moi, c'est dépolitisé, ce n'est pas partisan du tout, ce n'est pas... ce n'est
quasiment plus politique à l'entendre parler. Cela étant dit, c'est bien sûr
politique. Puis non seulement c'est politique en soi, mais dans la méthode qu'il
a choisi de mettre en place, où est-ce qu'il doit désigner un conflit de
travail...
M. Leduc : …donc une
association et un… syndicale et un patron, donc un conflit en cours, pour
qu'ils puissent commencer à être assujettis à la loi et éventuellement être
l'objet d'une décision du tribunal sur la limitation de la grève. Il doit être
d'abord désigné par un décret du Conseil des ministres. Bien, ça, M. le Président,
le geste de désigner un conflit de travail, désigner un groupe, c'est un geste
politique, c'est un geste éditorial. On n'est pas assis au conseil des
ministres en se disant : Bon, bien, qu'est-ce qu'on fait? Je veux dire, il
y a une discussion qui est faite. On nous a présenté d'ailleurs qu'il allait y
avoir un mémoire présenté par le ministère au Conseil des ministres pour
justifier cette décision-là, parce qu'on prend une décision exécutive par le
pouvoir exécutif du Québec, qui est le Conseil des ministres. Bien, donc de
désigner quelqu'un par décret, un groupe, pour l'assujettir éventuellement à
une limitation du droit de grève, c'est un geste politique, c'est un geste
éditorial et je pense qu'il faut le reconnaître. J'ai de la misère à le faire reconnaître
au ministre dans le cadre de l'étude détaillée. Peut-être il pourra le
reconnaître aujourd'hui ou dans… ou dans les remarques finales. C'est un geste
politique, c'est un geste éditorial qu'il fait, il ne peut pas le nier.
Et ce faisant, il s'expose à du lobbyisme
exhaustif. Qu'est-ce que vous pensez qui va arriver quand il y aura un conflit
dans une région X d'une entreprise Y? Qu'est-ce qui va se passer avec la
Chambre de commerce dans les lignes ouvertes, au bureau de circonscription, via
le téléphone ou le courriel ou des visites? Bien, des gens, ils vont faire des
pressions, justifiées ou pas, hein? Puis là, ce qui pouvait être des
désagréments, hein, qu'on avait jugé en vertu des services essentiels être des
désagréments, donc quelque chose de pas agréable, mais de pas illégal, puis
d'assez normal dans le rapport de pouvoir qui préside à la négociation des
conditions de travail dans notre système québécois de relations de travail,
bien, ce qui va devenir des désagréments, va devenir de la pression politique.
Ce qui était des désagréments va se transformer en pression politique parce
qu'on va le savoir, qu'il y a un endroit où on peut aller, une porte où on peut
aller cogner. C'est le bureau du ministre du Travail, puis le bureau de son
député de région aussi de circonscription, qui va aussi aller faire des
pressions à travers son caucus au parti au pouvoir pour dire : Vous devez
faire cesser cette grève, vous devez limiter ses impacts à travers une
limitation, donc, de l'exercice de la grève avec une désignation du ministre au
Conseil des ministres.
Donc, c'est un procédé très dangereux qui
l'expose à des pressions indues. On a même évoqué le fait que les
organisations, en tout cas certainement, peut-être pas les citoyens, bien sûr,
mais les organisations qui feraient de telles pressions devraient s'inscrire au
registre des lobbyistes. Donc on entre dans un autre univers où ce qui était
une discussion politique assez normale et saine dans une démocratie se
transforme en exercice d'influence, de relations de pouvoir qui devra
dorénavant être encadré par la loi sur le lobbyisme. Donc, quelque chose
d'assez détonnant, de regrettable, je trouve, dans cette transformation-là de
la façon d'aborder ce qui est une chose assez normale en démocratie, en relations
de travail, à savoir une grève.
Puis, j'insiste, encore, hein, une grève,
ce n'est pas le fun. J'ai été un conseiller syndical pendant des années, j'ai
fait du recrutement syndical, j'ai déposé des griefs, j'ai fait de la
formation, j'ai fait de l'organisation, j'ai organisé une grève. C'était à
l'université McGill il y a plusieurs années de cela et ce n'est pas agréable,
personne n'aime faire ça, c'est long, c'est difficile. Bon, les premiers jours,
c'est nouveau, c'est… tu sais, tout le monde sont un peu plus… quasiment
enthousiastes, j'oserais dire, mais ça… laissez-moi vous dire que ça descend
assez vite quand il se met à faire frette, quand il se met à pleuvoir. Quand on
se rend compte que le fonds de grève qui nous est fourni est bien apprécié,
mais bien en deçà de notre salaire régulier. Quand ça commence à durer deux
semaines, trois semaines, un mois, deux mois, trois mois. Bien, la grève,
personne n'aime la faire.
• (15 h 10) •
Mais pourquoi ils la font quand même, les
gens, M. le Président, la grève? Parce que c'est le seul moyen qui leur reste
face à un employeur qui parfois fait traîner des négos pendant des six mois,
des huit mois, des un an et un an et demi, ça se voit, ça se voit, ce n'est pas
rare. On a évoqué ad nauseam l'exemple de nos amis du cimetière
Côte-des-Neiges… Notre-Dame-des-Neiges, pardon, bien, c'était ça, ce
scénario-là, c'était une négo qui s'éternisait depuis des mois, des années, si
mon souvenir est bon, un an et demi, si mon souvenir est bon.
Bien, qu'est-ce qui reste à partir de là?
Bien, il reste la grève. Et il faut que dans une société démocratique, et c'est
ce que tous les expertes et les experts en droit du travail et en relations
industrielles sont venus nous dire, quelque chose de normal et de relativement
sain pour une saine redistribution de la richesse dans notre société. Donc, la
limitation du droit de grève, comme il est proposé par le mécanisme du
ministre, est en soi un problème qui… il va se magasiner des problèmes, puis
pas juste pour lui, parce qu'éventuellement il y aura un changement de
gouvernement, hein? Par définition, ce ne sera pas toujours la même couleur.
Mais peu importe la couleur du parti politique qui va occuper le siège du ministre
et le siège du gouvernement, bien, il s'exposera à des pressions, d'un bord
comme de l'autre. Un gouvernement peut-être plus progressiste s'exposerait à
des pressions plus progressistes aussi pour interrompre un lock-out, par
exemple. Donc, on est dans un système là où on se magasine du trouble, peu
importe la couleur politique des gens qui seront l'autre côté.
Deuxième mécanisme, la suspension de la
grève et la référence à un arbitrage exécutoire. C'est différent dans le sens
que, là, le premier, c'était pour limiter la grève, mais que la grève
continuait à être…
M. Leduc : ...existé, même si
elle n'avait plus la même portée puis plus la même... Là, dans ce deuxième
mécanisme là, il n'y en a plus, de grève, on interrompt la grève par une
décision puis, cette fois-ci, étrangement, qui ne découle pas d'un décret du
ministre... du Conseil des ministres, pardon, qui découle d'une simple décision
du ministre. Un bon matin, le ministre peut se lever et mandater, à travers,
j'imagine, une lettre ou un courriel, un arbitre pour qu'il décrète la
prochaine convention collective d'un endroit donné. Ça, on atteint vraiment une
forme de déni de démocratie, parce que la seule place où ça existe dans le Code
de travail actuel, un arbitrage obligatoire, c'est lors de la négociation d'une
première convention collective.
Savez-vous pourquoi ça existe, M. le
Président? Parce qu'il y avait des employeurs qui utilisaient cette
stratégie-là, donc, de jouer l'horloge pour stagner, stagner, stagner puis
étirer assez longtemps la négociation d'une première convention collective pour
que le monde se tanne, perde espoir et éventuellement demande la révocation de
l'accréditation syndicale. C'est ce qu'on a vu chez Walmart, par exemple. C'est
ce qu'on voit dans plusieurs employeurs, malheureusement. Puis c'est ce
qu'on... un peu, ce qu'on pourrait plaider qu'on a vu chez Amazon. Mais cette
décision-là de dire : Non, non, c'est fini, la grève, et j'impose
l'arbitrage, ce n'est pas du tout la même philosophie de ce qu'on retrouvait
dans le Code du travail, dans le cadre d'une première convention collective.
Dans ce cas-là, c'était pour dire : Ça ne peut pas trop tarder parce que
ça devient une stratégie de l'employeur.
Là, ce qu'on devine ici, c'est que ça ne
sera pas utilisé contre un employeur, ça là, ça va être utilisé dans le cas
d'une grève, dans le cas d'un employeur qui ne veut pas négocier, qui laisse
pourrir une grève et une relation de travail assez longtemps, en espérant que
ça pourrait... la vie du gouvernement, parce que ça revient dans l'actualité,
des citoyens qui ont eu... qui utilisent soit le service de l'entreprise ou du
service public, puis qu'à un moment donné le gouvernement se tanne, encore une
fois, parce qu'il y a reçu des pressions citoyennes, de chambres de commerce,
d'industries dépendant de cette industrie-là, pour qu'il décide
de :J'interromps la grève, c'est terminé, la grève, et je réfère à
l'arbitrage. Donc, il y a une forme, il y a une forme, à mon avis, d'un
certain autoritarisme par rapport à cette mesure-là, c'est certainement
discrétionnaire, encore une fois, je trouve, le terme «liberticide» est tout à
fait approprié et on s'expose encore à des pressions indues.
L'autre volet, qui est vraiment
particulier de ce deuxième mécanisme là, M. le Président, c'est qu'avant, pour
faire ça, ou quelque chose qui s'y approchait, il fallait faire une loi
spéciale, ça incluait un bâillon, bien sûr, mais on se ramassait toujours bien
au salon bleu à en débattre, hein? Puis il y avait des blocs de temps, puis on
échangeait, puis on pouvait dénoncer des choses. Là, on n'aura rien, là ça va
être le ministre qui est tout seul dans son bureau, même sans consultation du
Conseil des ministres, va décréter la fin d'une grève et envoyer ça à
l'arbitrage, puis on n'aura même pas de forum, comme opposition, peu importe
laquelle des oppositions, on n'aura aucun forum pour en débattre, ça ne sera
pas prévu. Il n'y aura pas une période d'une heure consacrée à ça au salon
bleu, suite à une décision du ministre, il n'y aura rien. Alors ça, c'est
vraiment regrettable. C'est aussi un recul à la fois pour le droit du travail
et, je trouve, un recul démocratique.
Je termine en disant qu'on a quand même
travaillé fort en étude détaillée. On a fait quatre jours pour plonger dans les
détails, dans chacun des concepts. Il y avait des concepts qui étaient, à mon
avis, mal attachés. On avait débattu longtemps de ce que ça voulait dire la
soi-disant sécurité sociale, la soi-disant sécurité économique et surtout la
soi-disant sécurité environnementale. On a une partie d'explication, pas
satisfaisante, à mon avis, mais, au moins, on a eu le temps, et on a pris le
temps, et j'ai pris le temps d'aller au fond de ces concepts-là pour aller
tirer le plus de «substantifique moi», comme disait mes professeurs de droit à
l'université, pour qu'au moins on sache dans le futur, puis que les gens qui
vont avoir à gérer cette drôle de loi là, bien, ils aillent un peu plus de
contenu sur quelle était l'intention du législateur, parce que, si on n'avait
pas eu ça, ça aurait été extrêmement flou, puis on aurait pitché cette belle
patate chaude là dans la cour des juges du Tribunal administratif du travail,
puis on leur aurait souhaité bonne chance. On leur souhaite, encore une fois,
quand même bonne chance, parce que ce ne sera pas facile à appliquer, mais, au
moins, là on aura eu le temps d'approfondir les concepts.
En toute fin d'études détaillée hier,
belle surprise, on a réussi à aller arracher un gain important dans la
circonstance, c'est-à-dire qu'il y aura un délai d'application. Ça ne sera pas
appliqué tout de suite, le projet de loi n° 89, ça va être appliqué
dans six mois suivant la sanction du projet de loi. Là, on est quoi, on est
mercredi, on adopte... On termine l'étude détaillée aujourd'hui, rapport déposé
demain. Quelque part, la semaine prochaine, probablement mardi ou mercredi,
sera l'adoption finale du projet de loi. On assume qu'il y aura un rendez-vous
qui va être pris avec le lieutenant-gouverneur, l'autre bord de la rue, sanction
de la loi. Ça fait qu'à partir de cette date-là, il y a un calendrier de six
mois où est-ce qu'on n'aura pas l'application de cette loi-là.
Rappelez-vous, on avait eu beaucoup
d'échanges, M. le Président, autant au salon rouge qu'ici, en commission, sur
le fait que, moi, j'avais l'impression que ce projet de loi là visait, entre
autres, la grève à venir dans les CPE, hein, on dit beaucoup la grève des
éducatrices, mais c'est... il y a toute sorte de monde dans un CPE...
M. Leduc : ...il y a aussi
des travailleurs, travailleuses de d'autres domaines. Mais bref, les grèves...
la grève à venir dans les CPE... qui avait commencé, hein, il y avait eu quand
même plusieurs jours de grève, on se dirigeait vers la grève générale, ça s'en
venait, c'était la prochaine étape. Il y a eu une entente de principe. Elle est
à débattre, je pense, dans les prochains jours, dans leurs assemblées générales
respectives. On leur souhaite de bonnes délibérations. Mais il y avait cette
crainte-là que je trouvais qu'il y avait, le gouvernement, qui n'avait pas aimé
la grève des professeurs, pas aimé la grève du secteur public l'an dernier,
voulait s'arranger pour qu'il n'y ait pas de grève dans les CPE. On avait
réussi à faire dire au ministre que ça ne s'appliquerait pas pour les CPE. Mais
là, la grève étant pour l'instant écartée, on est revenus à la charge pour
dire : Bien, ça ne devrait pas s'appliquer à aucun syndicat dans les
prochaines... prochains mois, puis savez-vous pourquoi, M. le Président? Parce
que, quand on a négocié, le ministre et moi, le projet de loi sur le secteur de
la construction, moi, j'avais insisté, puis ça faisait longtemps que j'en
parlais, pour qu'on puisse permettre la rétroactivité salariale dans la
construction. Vous savez que c'étaient les seuls travailleurs et travailleuses
du Québec, tous secteurs confondus, qui n'avaient pas le droit d'avoir de la
rétroactivité salariale parce que c'était écrit dans la loi. C'était
complètement absurde. Puis là, finalement, là, convaincs le ministre de le
changer, puis, en toute fin de projet de loi, il mettait une petite surprise où
est-ce que ça ne s'appliquait pas tout de suite, ce changement-là, alors que la
négo commençait pour le secteur de la construction, on le voit, il y a même une
grève à venir, là, dans le secteur de... résidentiel. Le ministre m'avait
plaidé à l'époque : Bien, c'est parce qu'on ne peut pas changer le cadre
pendant une séance de négo. On pouvait débattre sur le fait que c'était-tu
vraiment commencé, la négo de la construction, ou pas il y a plus d'un an. On
n'était pas d'accord, mais son argument avait un certain sens. Bien, je l'ai
repris, cet argument-là, puis je lui ai resservi, au ministre, en disant :
Bien, vous ne pouvez pas changer le cadre de négo, en faisant apparaître deux
nouveaux mécanismes, pour des centaines d'accréditations au Québec, qui, peu
importe leurs secteurs, privé, public, péripublic, peu importe, sont en train
de négocier. C'est la même chose. Bien, je pense que, là-dessus, le ministre a
certainement fait preuve d'honnêteté intellectuelle et je le salue. Il a
accepté cette suggestion-là de ne pas appliquer la loi pour les prochains six
mois, parce qu'en effet ça modifierait le cadre de négociation qui est celui
dans lequel avaient commencé les négos de plusieurs accréditations syndicales
au Québec et qui doivent se terminer avant que s'applique ce nouveau système.
Donc, six mois de délai avant l'application du projet de loi n° 89. Ça nous
amène peut-être quelque part en octobre l'année prochaine. Donc, pour tous les
gens qui négocient au Québec, sachez qu'on vous a gagné un six mois de délai.
• (15 h 20) •
Je terminerais avec deux éléments, M. le
Président. Le premier, c'est la question de l'équilibre. Le ministre plaide
souvent que c'est sa recherche, il rechercher l'équilibre dans ses projets de
loi. Bien sûr, hein, moi, je ne veux pas tout jeter à la poubelle ce que le
ministre a fait comme interventions en droit du travail. Il y a eu des gains
intéressants sur le régime, par exemple, de harcèlement psychologique. Je l'ai
salué, son projet de loi, on l'a travaillé ensemble, on l'a bonifié. Sur la
question de la protection des stagiaires, ça a été une avancée importante. Ce
n'était pas parfait, comme d'habitude, mais c'était intéressant. Le salaire...
pas le salaire, pardon, mais le l'âge minimal de 14 ans, je l'appelais de mes
vœux, il l'a fait. Bravo! Par contre, on ne peut pas dire qu'il a trouvé
l'équilibre avec le projet de loi n° 89. Quand vous avez 100 % des
associations syndicales qui déchirent leurs chemises en disant : C'est le
pire recul en droit du travail depuis les 20 dernières années, puis que vous
avez 100 % des associations patronales qui disent : Quelle bonne
idée, il nous faut ça au Québec, l'équilibre est où, là? Il n'y a pas de nuance,
là. C'est que vous l'avez échappé. C'est donc un projet de loi qui penche
certainement du côté patronal. Ce n'est pas un projet de loi qui a des pour et
des contre des deux bords. Non, non, ils sont tous en maudit et ils sont tous
très contents. Ce n'est pas ça, l'équilibre. C'est un échec de consensus
social. Si on avait mieux travaillé en amont, notamment avec les partenaires,
que ça soit la CPMT ou à d'autres instances de coordination, on aurait trouvé
des compromis. S'il fallait rouvrir la loi sur les services essentiels pour
changer deux, trois virgules, il y aurait eu de l'ouverture pour ça. Ça lui a
même été proposé en fin de parcours de faire ça comme piste d'atterrissage.
Refus total du côté du gouvernement, c'est bien dommage. On se magasine artificiellement
des crises sociales, avec des débordements qu'il y a eu, malheureusement, dans
certains bureaux de députés, qu'on a dénoncés comme tout le monde. Mais ça
vient d'où, ça? Ça vient d'une crise qu'on a générée artificiellement du côté
du gouvernement, parce qu'il n'y avait pas de problème de relations de travail
au Québec. C'était somme toute très bien équilibré comme système auparavant, et
là on vient dangereusement le déséquilibrer. Il faudra être très vigilant pour
la suite des choses.
Je termine en disant ça, M. le Président,
c'est un... une gifle quand même, là, importante dans le droit du travail pour
les travailleurs, travailleuses. Bien, je pense qu'ils vont s'en rappeler, les
travailleurs, travailleuses, de ce... de cette gifle-là, lors des prochaines
élections qui vont venir on ne sait pas quand. Il y a des rumeurs d'élections
anticipées, des fois, qui se promènent ici, au parlement, qui vont, qui
viennent. On verra si elles sont fondées ou pas. Certainement maximum septembre
2026... ou octobre, plutôt, 2026, si vous me corrigez, M. le Président. Bien,
les travailleurs, travailleuses du Québec s'en rappelleront, du projet de loi
n° 89, et je souhaite qu'ils fassent leurs choix électoraux en conséquence.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Allaire) :
Merci à vous, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. On enchaîne avec
l'opposition officielle. Mme la députée de D'Arcy-McGee...
Le Président (M. Allaire) : ...vous
avez 20 minutes, la parole est à vous.
Mme Prass : Merci, M. le
Président. Je vais commencer par remercier tout le monde qui a travaillé sur ce
projet de loi, le personnel du ministre, cabinet et ministère, mon... En fait,
je voudrais commencer par remercier... excusez-moi, notre collègue de Bourassa-Sauvé,
qui m'a donné... qui a eu confiance en moi pour me permettre de terminer le
projet de loi pendant qu'elle est à la maison en train d'attendre d'accoucher
de son deuxième petit bébé. Je voudrais remercier Thomas Guérette à qui m'a
accompagnée en tant que recherchiste, Vincent, stagiaire de la Fondation
Charles-Bonenfant, les pages, les membres de l'opposition, le personnel de tous
les membres de l'opposition et du gouvernement.
Je pense que ça a été un projet de loi qui
peut-être est étendu en matière, mais quand même qu'on a pu aller de l'avant
dans une belle collaboration et de façon constructive pour vraiment représenter
tous les différents points de vue qui pourraient toucher à ce projet de loi. Et
justement, lors des consultations, tous les groupes, toutes les voix que nous
avons entendues, tous les mémoires qui ont été déposés, je pense qu'ils nous
ont... nous a permis... nous a alimenté pour nous permettre justement de bien
aller de l'avant avec les points qu'on voulait représenter.
Ça a été un projet de loi qui nous a... qui
nous a permis aussi d'explorer le droit de grève au Québec, un droit que, je
pense, nous valorisons tous et nous prenons en compte qu'il fait partie de
l'historique du Québec. Je pense que c'est un projet de loi qui vise... qui ne remet
pas en cause le droit de grève. Il ne vise pas à museler les travailleurs et les
travailleuses. Il vient plutôt clarifier les balises dans lesquelles ce droit
peut s'exercer dans un esprit de responsabilité collective envers les personnes
les plus vulnérables.
Comme je l'ai mentionné auparavant, je
suis la maman d'un petit garçon avec un TSA et j'ai pu voir de façon
personnelle l'impact que des grèves pourraient avoir sur certaines populations
vulnérables telles que les enfants avec des besoins particuliers et autant
qu'on ne veut pas avoir un impact négatif sur les membres syndicales et leur
droit de grève, on ne veut pas non plus qu'il y ait un déséquilibre pour les
groupes qui se retrouvent en situation de vulnérabilité et qui sont
négativement impactés de façon disproportionnée quand une grève est appelée.
Mais nous reconnaissons également que ce
droit... ce droit d'être balisé et que le projet de loi propose donc une
réflexion sur la manière dont nous pouvons mieux considérer les besoins des populations
vulnérables dans ces situations de conflit de travail. Il ne remet pas en
question le droit de grève ni le droit de lockout, mais cherche plutôt à
établir des balises claires pour que ces droits s'exercent dans le respect des
citoyens.
Nous... nous espérons que cette loi ne
sera... sera appliquée rarement et ne deviendra pas un réflexe face aux grèves
de la part du ministre ou des futurs gouvernements qui pourraient être en
place, car le droit de grève, surtout au Québec, est fondamental et nous en
convenons tous, mais il ne peut se faire au détriment des populations
vulnérables, et la responsabilité du gouvernement à la fin de la journée est
envers tous les membres de la population du Québec, et c'est des considérations
qui doivent être prises en... qui doivent être prises en considération des
fois.
Donc, nous avons soutenu ce projet de loi
parce que nous croyons qu'il est possible d'assurer la continuité des services
essentiels... de certains services sans compromettre les principes démocratiques
qui guident l'action syndicale. Comme je l'ai dit, je... je remercie tous les
collègues parce que je pense que, quand même, compte tenu de la matière et des
différents points de vue, on a pu avancer de façon respectueuse et pour
explorer tous les points de vue des parties patronales, syndicales, des parties
des populations vulnérables. Donc c'était une belle expérience pour moi.
Comme j'ai dit, nous on veut juste
s'assurer que ça ne devienne pas un outil que le gouvernement met en place,
quel que soit le gouvernement, pour régler des conflits de travail. Mais nous
sommes tout à fait d'accord avec l'intérêt des populations vulnérables. Donc je
remercie chacun pour sa contribution.
Le Président (M. Allaire) : Merci
à vous, Mme la députée de D'Arcy-McGee. Avant de terminer avec le ministre,
est-ce qu'il y a d'autres membres du parti gouvernemental qui souhaitent faire
des remarques finales? Ça va. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.
M. Boulet : Oui. D'abord, mes
remerciements à vous, M. le Président. Vous avez contrôlé les discussions de
manière élégante et dans le respect de toutes les personnes qui ont pris la
parole. J'aimerais ça saluer aussi mes collègues, ma collègue de Huntingdon
qui, comme vous savez, est mon adjointe avec qui je travaille de manière
étroite, intensive et qui s'intéresse aux relations de travail et qui a
développé une affection particulière pour ce domaine d'expertise là, et elle a
contribué à tout ce que je fais depuis qu'elle est élue au mois d'octobre 2022...
M. Boulet : Alors, merci
collègue. Évidemment, ma collègue d'Anjou—Louis-Riel, on aimerait ça se nommer
par nos prénoms, hein, mais on ne peut malheureusement pas le faire. Merci
beaucoup aussi à mon collègue de Portneuf, à mon collègue d'Abitibi-Ouest et
mon collègue de Nicolet-Bécancour. En fait, c'est des collègues, mais surtout
des amis, parce qu'en politique, on apprend aussi à développer des liens
étroits. Puis au-delà du respect, on apprend aussi à s'apprécier puis à s'aimer
d'une certaine manière. J'aimerais ça saluer aussi ma collègue de Bourassa-Sauvé.
Je pense souvent à elle puis je disais à ma collègue de D'Arcy-McGee de la
saluer. Je lui souhaite évidemment beaucoup de bonheur avec le prochain être
humain qui va nous accompagner, nous tous. Ma collègue de D'Arcy-McGee, on se
connaissait peu ou pas. Puis c'est le fun les commissions parlementaires, parce
qu'au-delà de nos discussions, on apprend à se connaître aussi. Puis moi, je
vous estime beaucoup déjà au plan humain puis au plan professionnel. Merci
d'être ce que vous êtes. Thomas. Évidemment, Thomas, on commence à avoir
quelques années aussi de travail en collaboration. Thomas est un jour de bonne
humeur. Puis je pense qu'il contribue, ma collègue de Bourassa-Sauvé me l'a répété
souvent, un chercheur et un rechercheur vraiment exceptionnel.
Hochelaga-Maisonneuve. On n'est pas
tannés, après tant d'années ensemble, à travailler en... C'est notre... Le 14ᵉ,
c'est le projet de loi n° 101. Mais j'espère qu'on va inspirer d'autres
parlementaires parce que non seulement on a un intérêt commun, celui pour les
relations de travail, mais on le fait dans le respect. Puis c'est sûr que,
quand vous dites que c'est un projet de loi qui est un recul en relation de
travail, ce que j'apprécie, c'est que vous dites un recul dans les dernières
années, alors que certains m'ont dit un recul dans les dernières décennies. Ça
fait que j'y ai vu peut-être une fleur que vous vouliez me lancer. Ceci dit, on
n'est pas toujours d'accord, mais c'est ça la réalité en relations de travail.
Parfois il y a des gains et parfois il y a des échecs. J'ai vécu des échecs en
pratique, j'en ai vécu en politique, mais on est capables d'aller au-delà de
ça, d'avoir une certaine ascendance. Et je le répète constamment, on a une
affection commune, mais on a aussi un respect à l'égard l'un de l'autre.
Guillaume. Mes salutations à Guillaume
aussi que j'aime bien. Ma sous-ministre, Isabelle Merizzi, qui n'est pas là,
mais à Stéphanie, à Laurence, à Steeven qui ont travaillé beaucoup à
l'élaboration des textes, à Johey qui travaillent dans mon cabinet. Je pense
que je n'oublie personne. Les pages.
• (15 h 30) •
Une voix : ...
M. Boulet : Pardon? Oui,
Jean-Talon. Je ne l'avais pas dans ma liste, mais le collègue de Jean-Talon qui
était là la première semaine de notre étude détaillée. C'est grâce à nous tous,
hein? Le projet de loi, il nous appartient à nous tous. Puis on le remet à la
population du Québec. Et je ne veux pas faire trop de partisanerie, mais c'est
un projet de loi qui est simple, qui est... qui s'intéresse à la population
quand il y a des conflits de travail qui ont des impacts, on le sait,
disproportionnés sur la population. Qui n'a pas vécu... On parle du cimetière
Notre-Dame-des-Neiges. Moi, je l'ai vécu, j'ai vécu des... j'ai eu des
témoignages de familles endeuillées qui n'étaient pas capables de gérer
l'inhumation de la personne qui était décédée. J'ai vécu puis j'ai eu des
témoignages de parents, de familles, d'élèves, de personnes marginalisées et
vulnérables, de personnes à faibles revenus. Tout le monde a son exemple. Il
faut s'assurer que les grèves et les lockout reviennent à ce qu'ils étaient
d'abord et avant tout à l'origine, c'est-à-dire un moyen de pression sur un
employeur pour accepter des conditions de travail ou un moyen de pression sur
un syndicat qui accepte des conditions de travail. Mais malheureusement ou je
ne sais pas ce qui s'est passé, mais on est devenus les champions du nombre de
conflits de travail au Québec. Puis tu sais, j'ai fait un calcul conservateur,
respectueux de ce que le collègue d'Hochelaga-Maisonneuve me proposait en
tenant compte des accréditations syndicales multiples, mais Statistiques Canada
a quand même dit : On a battu un record, 691 en 2023, puis malgré le fait
que 95 % des dossiers se réglaient...