Cette transcription a été réalisée à l’aide d’un logiciel de reconnaissance vocale. Elle pourrait donc contenir des erreurs.
(Onze heures vingt-deux minutes)
M. Lacombe : Bonjour,
tout le monde. Je vais y aller rapidement, mais d'abord je vous dis que je suis
bien heureux d'être devant vous aujourd'hui et je veux commencer en remerciant
l'équipe du ministère qui a travaillé vite. Vous les avez vus tantôt, vous leur
avez parlé. Ils ont surtout bien travaillé sur ce dossier-là et ils vont se
reconnaître, certains sont dans la salle, mais comme ministre, je peux vous
dire que je suis chanceux de pouvoir compter sur une équipe aussi engagée,
parce qu'on s'est quand même embarqués dans quelque chose que le gouvernement
du Québec n'avait jamais fait, légiférer en cette matière-là. Donc, content de
pouvoir compter sur eux qui sont tout aussi engagés dans cet important dossier
pour la souveraineté culturelle du Québec.
Donc, je vous fais peut-être une brève
mise en contexte. Il y a un an à peine, dans le cadre du Groupe d'action sur
l'avenir de la langue française, qui est présidé par mon collègue Jean-François
Roberge, j'ai annoncé mon intention officiellement, parce que je l'avais déjà
évoquée, mais de façon officielle, de légiférer pour favoriser la découvrabilité
des contenus francophones dans l'univers numérique. Donc, nous y voici
aujourd'hui avec le dépôt du projet de loi. Donc, c'est la somme de tout le
travail qui a été réalisé depuis ce moment-là.
C'est un projet de loi qui est ambitieux
mais qui est nécessaire, nécessaire parce qu'il y a un constat quand même assez
implacable qui s'est imposé à nous dans les dernières années : plus le
numérique avance, plus notre culture recule. 92 % des jeunes ont de la
difficulté à repérer les biens culturels francophones qui sont disponibles sur
les plateformes en ligne, 92 %. 77 % des internautes québécois
disposent d'un service d'abonnement payant pour visionner des films et des
séries. Donc, c'est maintenant plus que le câble. D'ailleurs, au début de mon
mandat, il y a eu ce moment de vérité où on est passé d'une proportion... en
fait, à un nombre plus élevé de gens abonnés à une plateforme que de gens
abonnés au câble. Sur les 10 000 chansons les plus écoutées au Québec
en 2023, il y en a seulement 5 % qui étaient des titres francophones de
chez nous, québécois, alors qu'il n'y a pas si longtemps, à l'époque des
disques compacts que... dont vous vous rappellerez, je suis certain, il y a une
vente sur deux, une vente sur deux faite à cette époque-là en faveur d'un artiste
québécois. Dans le palmarès des 50 chansons les plus écoutées en ligne au
Québec, il y a une seule chanson en français, c'est L'Amérique pleure, des
Cowboys fringants.
Donc, nécessaire, je viens de vous le
mentionner, de vous démontrer pourquoi, mais ambitieux aussi parce qu'il
propose au Québec de se donner les moyens pour que notre culture prenne toute
sa place dans l'espace numérique. Et donc, c'est ça, le principe de la
découvrabilité. On ne peut pas choisir quelque chose qui ne nous est pas proposé.
On ne peut pas aimer quelque chose qu'on ne connaît pas. Puis l'accès à notre
culture, à des films, à des séries télé, à des chansons en français, ça doit
être facile, ça doit être simple quand on est au Québec. C'est aussi simple que
ça pour nous.
Grâce à ce projet de loi, je souhaite que,
lorsque les Québécois, surtout nos jeunes dont je viens de vous parler, vont
entrer sur les grandes plateformes numériques, ils vont se sentir chez eux,
ici, au Québec, ils vont sentir que le contenu d'ici leur est offert et,
surtout, ils pourront faire le choix. Donc, on n'oblige personne à faire
quelque choix que ce soit, mais on veut qu'ils aient la possibilité au moins de
choisir entre du contenu d'ici, du contenu francophone, du contenu d'ailleurs.
L'idée, c'est de recréer un peu sur les plateformes numériques ce qu'on a fait
dans les magasins de disques à l'époque ou dans les librairies encore
aujourd'hui, un accès tout aussi facile à notre propre culture qu'aux autres
cultures du monde.
Donc, pour y arriver, deux éléments.
Premièrement, on va insérer un droit à la découvrabilité et à l'accès à des
contenus culturels francophones dans la charte québécoise des droits et
libertés. Ça, c'est le premier élément. Le deuxième, on va créer la loi
québécoise sur la découvrabilité, qui va justement nous permettre de favoriser
un meilleur accès des Québécois à des contenus francophones originaux en ligne.
Il y aura donc des obligations de disponibilité, quand on parle d'accès, mais
aussi des obligations de visibilité et de promotion, donc davantage pour la
découvrabilité, des contenus culturels francophones pour les services de
visionnement en ligne, de contenus audiovisuels et les services d'écoute de
musique, de balados et de livres audio. C'est important de mentionner qu'il y a
aussi ces services-là qui sont visés. On va inclure dans cette loi les
télévisions connectées. Donc, les fabricants de téléviseurs et d'appareils
connectés à des téléviseurs, on veut les obliger notamment à rendre nos
diffuseurs nationaux obligatoires. Donc, on pense à Télé-Québec, à Radio-Canada
ou à TV5, par exemple.
Notre objectif, je suis certain qu'il y
aura des questions là-dessus tantôt, c'est de créer un cadre qui est plus
général, qui est flexible et qui va pouvoir s'adapter dans le temps et suivre
les évolutions technologiques. Donc, il y a beaucoup d'éléments qui vont se
retrouver dans les règlements, on va en parler, mais c'est ce qu'on souhaite
parce qu'on souhaite que ce soit un cadre flexible qui puisse s'adapter. Et,
s'il y a une entreprise qui ne peut pas se conformer à ces obligations, c'est
une autre question qui revient souvent, elle aura l'opportunité de conclure une
entente avec le gouvernement, une entente par laquelle l'entreprise et le
gouvernement vont convenir ensemble d'autres mesures à être posées par les
entreprises pour que... posées par l'entreprise, pardon, pour que cette
dernière se conforme quand même à la loi, qu'elle en respecte l'esprit et
l'objectif.
En plus des consultations qu'on a déjà
tenues l'été dernier pour rédiger le projet de loi, il va y avoir des
consultations particulières, évidemment. Donc, j'espère que les gens
participeront en grand nombre. Ce qu'on souhaite, évidemment, c'est d'avoir le
meilleur projet de loi, ultimement la meilleure loi possible si elle est
adoptée, ce que je souhaite évidemment. Donc, j'ai bien hâte aussi
d'entendre.... bien hâte aussi d'entendre les groupes d'opposition nous donner
leur avis sur ce qu'on présente aujourd'hui.
Donc, en terminant, le Québec est
aujourd'hui et il restera toujours le meilleur juge quant à l'état de sa langue
et de sa culture. On est une nation pleinement souveraine en ce qui concerne
notre culture. Pour paraphraser Paul Gérin-Lajoie, le père de la doctrine Paul
Gérin-Lajoie, ce qui est de notre compétence chez nous l'est tout autant dans
le monde numérique. Donc ça, c'est important. C'est aussi à la base du geste
législatif qu'on pose aujourd'hui. S'il y a bien une chose qui va toujours
relever du Québec, malgré les débats qu'on peut avoir au quotidien, c'est
l'avenir de notre langue et de notre culture. Donc, avec ce projet de loi, on
vient prendre notre responsabilité et on vient s'assurer que la culture
québécoise occupe la place qui lui revient dans l'univers numérique. Donc,
voilà. Merci.
Le Modérateur
: Merci,
M. Lacombe. On va passer à la période des questions en commençant avec
Caroline Plante, LaPresse canadienne.
Journaliste
: Bonjour,
M. Lacombe.
M. Lacombe : Bonjour!
Journaliste
: J'ai
quand même plusieurs questions.
M. Lacombe : J'ai du
temps. J'ai du temps.
Journaliste
: On va y
aller une question à la fois. Finalement, ça serait intéressant d'essayer de
comprendre pourquoi mettre dans le projet de loi contenu francophone versus
contenu québécois.
M. Lacombe : Bien, c'est
une question qu'on s'est posée longuement. Je vous dirais que le réflexe
naturel serait d'aller probablement vers du contenu québécois. Par contre,
quand on regarde ce qui s'est fait ailleurs, d'abord il y a des choix
similaires qui ont été faits. Prenez l'Union européenne, par exemple, ils ont
décidé, dans le cadre qui est le leur, de parler de contenu européen. À
l'intérieur de ça, il y a des États. Prenez la Belgique, notamment avec la
Fédération Wallonie-Bruxelles, qui a décidé d'avoir un quota à l'intérieur du
30 % de contenu. Mais cette idée d'y aller plus largement, elle n'est pas
unique au Québec, elle a été... elle a été mise de l'avant dans d'autres, dans
d'autres juridictions. Donc, c'est le pari qu'on fait, c'est-à-dire de s'allier
avec la Francophonie parce que c'est un combat commun quand même. On pense
qu'on a davantage de risques ou en fait de chances de succès. L'autre élément
qui est important, je pense, à mentionner, c'est que même si, dans le cadre de
l'ACEUM, on a le... on aurait le pouvoir de légiférer pour du contenu québécois
parce qu'on pourrait évidemment faire appel à l'exception culturelle, on pense
qu'on agit quand même avec une certaine prudence en parlant de contenu
francophone, parce qu'on discrimine... on ne discrimine pas selon le lieu
géographique, mais davantage selon la langue. Et ça, ça ne contrevient pas aux
accords commerciaux.
Journaliste
: Parce
qu'il y aurait des risques que les Américains veuillent aller chercher une
compensation ailleurs dans d'autres secteurs.
M. Lacombe : Bien, c'est
clair que, dans le cadre de l'ACEUM, il y a effectivement une clause de
représailles qui est prévue. Donc, votre lecture est juste, il pourrait...
Quand on se protège derrière l'exception culturelle, la façon dont l'ACEUM a
été négocié, ça permet effectivement aux États-Unis, par exemple, c'est le cas
que vous donnez, d'avoir des mesures de représailles, donc pas dans le milieu
culturel, mais dans un autre milieu, pour des montants, disons, équivalents.
Donc, avec notre stratégie, on pense qu'on vient se prémunir contre ce genre
d'attaque là.
Journaliste
: Puis ma
deuxième question porte sur le fait qu'on dirait que, dans le projet de loi,
tout reste à négocier finalement avec les plateformes numériques. Est-ce que,
vraiment, êtes-vous d'accord avec mon affirmation? Mais aussi est ce que...
Est-ce qu'il y a eu... Mais commençons avec celle-là. Est-ce que, d'après vous,
c'est un départ aujourd'hui, mais que finalement il y a un paquet d'éléments
qui restent à négocier avec des plateformes?
M. Lacombe : Bien, je
dirais que c'est juste de dire que c'est un départ aujourd'hui et qu'il reste,
pour la suite, beaucoup d'éléments à mettre en place. Je ne dirais pas à
négocier avec les plateformes, je dirais à mettre en place parce qu'on devra
écrire les règlements. On est en train d'y travailler et les étiqueter. Mais je
pense que c'est important peut-être de remettre les choses en contexte. On part
d'une situation où on n'a pas du tout de cadre qui existe. Le Québec n'a jamais
légiféré en cette matière, donc, on fait un pas de géant, et c'est la raison
pour laquelle on a pris plus d'une année pour être capables d'arriver avec ce
qu'on présente aujourd'hui. Il fallait bien faire les choses. Puis je vous soumets
que, quand on se compare avec d'autres gouvernements, prenons le gouvernement
canadien par exemple, si vous voyiez le nombre de ministres de la Culture et le
nombre d'années que ça a pris pour arriver avec, je dirais, un projet de loi
qui est similaire dans l'esprit au nôtre, c'est-à-dire qui vient donner un
cadre général, mais qui demande ensuite au CRTC, comme on va le faire avec nos
règlements, de définir les détails, je pense qu'on a travaillé très vite. Donc,
on a... on fait les choses dans l'ordre, le projet de loi d'abord, les
règlements ensuite, mais on le fait à un rythme qui est beaucoup plus soutenu
que ce qu'on voit dans d'autres parlements.
Le Modérateur : Mathieu
Gohier, Radio-Canada.
Journaliste : Le consommateur
à la maison, à quel pourcentage de contenu francophone il peut s'attendre à
être exposé une fois le projet de loi adopté? Parce que les intentions sont là,
mais il n'y a pas de chiffre précis, puis, de l'aveu même du ministère, c'est
difficile à l'heure actuelle de mesurer l'espace qu'occupe le contenu
francophone sur les plateformes, particulièrement en termes de diffusion de
séries télé ou de cinéma.
M. Lacombe : Oui, parce qu'il
y a une distinction, évidemment, sur les plateformes musicales, le contenu est
là. L'enjeu, c'est vraiment la découvrabilité. Sur des plateformes de diffusion
pour les films et, par exemple, pour les séries télé, l'objectif pour moi
aujourd'hui, ce n'est pas de donner un chiffre, ce n'est pas de donner une
proportion, c'est d'établir le principe que, dorénavant, les plateformes vont
devoir respecter une loi à l'effet que le contenu doit être accessible, il doit
être là dans le catalogue, puis ensuite il doit être facilement découvrable.
Donc, ça, c'est l'objectif aujourd'hui. Pour tout ce qui est des proportions,
du nombre, ça, c'est les questions qu'on va se poser quand on va rédiger les
règlements, ce qu'on est en train de faire à l'heure actuelle.
Journaliste : Puis vous
reconnaissez qu'il y aura forcément une négociation avec ces plateformes-là,
qu'il y a une ouverture à ce que ce soit 15 %, 20 %, 30 %,
c'est-à-dire que ce n'est pas coulé dans le béton, là.
M. Lacombe : À l'heure
actuelle, il n'y a pas de décision qui est prise, c'est juste de dire ça, il
n'y a pas de décision qui est prise. L'objectif, c'est vraiment que le contenu
soit accessible et qu'on puisse assurer une meilleure découvrabilité de ce
contenu-là. Ce qu'on souhaite, c'est que la loi, elle soit applicable,
évidemment, et que ça se passe bien. Donc, on ne négociera pas avec les
plateformes dans le sens où on a une responsabilité. Cette responsabilité-là,
on va la prendre, mais, en même temps, on va arriver avec quelque chose qui est
réaliste aussi parce que, ce qu'on veut, c'est que ça fonctionne.
Journaliste
: Merci. Je
vais me permettre de poser quelques questions, M. Lacombe. Bon, je
comprends qu'actuellement il est peut-être trop tôt pour vous parler de
chiffres, de quotas ou quoi que ce soit, mais on nous a quand même dit, un peu
plus tôt, lors d'une séance d'information technique, que, par exemple, en
Europe, il y a un quota de 30 % de contenu européen. Est-ce que c'est un
chiffre qui vous parle pour le contenu francophone? Est-ce qu'on parle de
moins? Est-ce qu'on parle de plus? C'est possible de quand même nous donner une
idée de grandeur de ce que vous visez pour les plateformes numériques?
M. Lacombe : Encore une fois,
je ne donnerai pas de chiffres aujourd'hui pour partir un débat qui ne doit pas
être fait en ce moment. Je pense que le travail doit être rigoureux. On doit
travailler avec les plateformes, on doit avoir une collaboration avec elles. On
va faire ça dans les prochains mois. Mais c'est déjà commencé, le travail a
commencé, mais on va le poursuivre dans les prochains mois. Puis, à terme,
évidemment, on déposera les règlements quand on sera prêt. Mais ce n'est pas un
chiffre que je suis prêt à donner aujourd'hui.
Journaliste
: Vous
aviez quand même parlé de ce projet de loi ou, en tout cas, d'une éventuelle
législation en février 2023, si je ne me trompe pas. Ensuite, bon, après le
dépôt du rapport d'experts, vous aviez été clair, vous vouliez déposer un
projet de loi. Comment ça se fait qu'on n'a pas encore de chiffres, qu'on n'a
pas encore de règlements plus clairs, prêts à être présentés dans les prochains
mois?
M. Lacombe : Encore une fois,
je pense que c'est une question de perspectives. Pour être à l'intérieur du
gouvernement et y avoir travaillé plusieurs projets de loi, c'est toujours
complexe quand on s'attaque à des dossiers qui sont, disons, moins habituels
pour le gouvernement. Ça l'est encore plus quand on légifère dans un domaine où
on n'a jamais légiféré. Donc, c'est nouveau pour le gouvernement du Québec.
On a la compétence de le faire, il fallait travailler avec les experts pour
asseoir cette légitimité-là. Je pense que plusieurs avaient des doutes sur
notre capacité à légiférer en cette matière. Donc, d'être capable d'arriver un
peu plus d'un an après l'avoir annoncé officiellement avec un projet de loi,
moi, je pense que c'est une victoire, surtout quand on se compare avec d'autres
gouvernements pour qui ça a pris plusieurs années avant d'arriver avec une loi
et, sur le même principe que nous, ensuite donnée au CRTC, par exemple, si on
prend l'exemple d'Ottawa, le mandat de rédiger ce qui, pour nous, est les
règlements, ce qui, pour eux, est autre chose, mais on l'a fait beaucoup plus
rapidement. En fait, je pense qu'il y a eu cinq... Je ne sais pas, là, mon
directeur de cabinet me fait signe que oui. Je pense qu'il y a eu cinq... huit
ans et cinq ministres du Patrimoine à Ottawa pour faire l'équivalent de ce que
nous, on vient de faire en un peu plus d'un an.
Journaliste
: Parlant
d'Ottawa, le rapport, vous avez dit que vous aviez tous les pouvoirs pour
légiférer. Vous en êtes-vous assuré? Puis est-ce qu'il y a quand même des
négociations à mener avec Ottawa sur le plan du partage des pouvoirs?
M. Lacombe : Non, il n'y a
pas de négociation à avoir avec Ottawa. On est dans notre champ de compétence,
donc on légifère dans notre champ de compétence.
Journaliste : O.K. Merci.
Le Modérateur : Caroline
Plante, La Presse canadienne.
Journaliste : Avez-vous eu
des discussions au préalable avec les grandes plateformes numériques? Est-ce
qu'elles vont être surprises aujourd'hui de voir le projet de loi puis le
contenu du projet de loi?
M. Lacombe : Bien, je ne veux
pas présumer de leur réaction, je vais... je vais les laisser réagir, si elles
réagissent. Oui, il y a eu des discussions, je dirais, sur deux fronts ou dans
deux forums, de deux façons différentes. D'abord, il y a eu une consultation
l'été dernier. Donc, ça, c'est un élément plus officiel mené par le ministère.
Deuxièmement, il y a eu certaines entreprises que j'ai rencontrées, donc des
plateformes, avec qui on a eu des discussions, qui nous ont fait part de leurs
craintes parfois, qui nous ont beaucoup fait part de leur désir de collaborer aussi.
Donc, ça, je pense que c'est intéressant, parce que vous avez été plusieurs
dans les derniers mois à me demander si les plateformes allaient collaborer
avec nous, si on avait vraiment la capacité de légiférer face à elles. Puis je
trouve que c'est intéressant quand même de noter qu'elles ont d'emblée offert
leur collaboration. Elles ont signifié qu'elles avaient... elles avaient un...
je ne veux pas dire... je ne veux pas leur mettre de mots dans la bouche en
disant «un objectif commun», là, mais elles nous ont offert leur collaboration.
Journaliste : Quelles étaient
leurs craintes?
M. Lacombe : Bien, je
n'entrerai pas dans les détails des discussions qu'on a eues, mais c'est
clair... Et ça ne me surprend pas qu'à chaque fois qu'un gouvernement, quel
qu'il soit, je m'éloigne même du gouvernement du Québec seul, légifère dans un
domaine où il n'a jamais légiféré, dans ce cas-ci les plateformes de diffusion,
bien, ça peut bousculer les habitudes. Donc, ils nous ont fait part de leurs
craintes. Puis je vous dirais qu'on en tient compte, pas parce qu'on veut
accommoder les plateformes, mais parce qu'on veut que ça fonctionne. Donc, on a
nos objectifs, ça, ce n'est pas négociable, mais le chemin pour s'y rendre, je
pense qu'on peut faire preuve d'ouverture.
Journaliste : Comme par
exemple, qu'est-ce que vous avez mis dans le projet de loi pour, pour reprendre
le mot, là, accommoder, pour répondre à leurs craintes? Qu'est-ce qui a été mis
dans le projet de loi pour répondre à leurs craintes?
M. Lacombe : Bien, en fait,
je vais... je vais le formuler différemment, je vais dire peut-être ce qu'on a
mis dans le projet de loi pour nous assurer que la loi soit applicable puis que
ce soit réaliste de l'appliquer, parce que, souvent, ce qu'elles nous disaient,
c'est : Bien, dans notre cas, vous voyez, on a telle ou telle situation où
là on se demande comment ce serait réalistement possible d'appliquer une loi
comme celle-là. Donc, ce n'est pas pour les accommoder, mais c'est parce qu'on
veut que notre loi fonctionne. Donc, un exemple : les mesures de
substitution qui sont prévues. Il y a certaines plateformes qui pourraient
soulever le fait que leur modèle d'affaires fait en sorte que l'atteinte de la
loi, avec les moyens qui sont prescrits dans la loi, ce n'est pas possible pour
eux de les mettre... de les mettre en marche. Donc, à ce moment-là, bien, on
prévoit des mesures de substitution. Donc, ça, c'est un bon exemple où il peut
y avoir une négociation avec l'entreprise pour arriver à la fin à une entente
où on respecte l'esprit, donc l'objectif de la loi, avec des moyens qui sont
différents de ce qu'on avait prévu dans le texte législatif mais qui sont
équivalents, par contre.
Le Modérateur : Mathieu
Gohier a quelques questions.
Journaliste : ...du pouce
là-dessus. Est-ce qu'en matière de substitution, par exemple, un investissement
dans la production locale pourrait être jugé satisfaisant ou encouragé?
M. Lacombe : Ce sera une
négociation à avoir avec les plateformes. Donc, ça pourrait être ça, ça
pourrait être autre chose. C'est une discussion à avoir avec les plateformes
qui voudront se prévaloir de mesures de substitution. Mais l'objectif de ça,
c'est de nous assurer qu'à la fin l'esprit de la loi soit respecté d'une façon
différente mais équivalente. Puis l'élément d'équivalence est important, là.
Donc, parfois, le modèle d'affaires ne leur permettra peut-être pas de le faire
tel quel, tel que prescrit par la loi, mais on va, avec les mesures de
substitution, avoir un résultat équivalent.
Journaliste : Parce que je
pense particulièrement à la télévision et au cinéma, est-ce que cette loi-là ne
sert pas un peu de levier pour les encourager à dépenser plus chez nous en
productions québécoises, là?
M. Lacombe : Ça pourrait
effectivement être un effet. Je pense que ça serait un effet bénéfique. Je
serais bien heureux de voir ça. Il y a deux sources d'approvisionnement pour
les entreprises comme Netflix, comme Disney, comme Amazon Prime : elles
peuvent acheter les droits de séries qui ont déjà été produites, ça, c'est une
avenue qui est... qui est possible, ou elles peuvent commander du matériel
original, donc des séries originales. On l'a déjà vu dans le cas de Netflix
notamment, dans le cas d'Amazon aussi. Donc, ce sera à eux de déterminer leur
stratégie.
Journaliste
: Merci. Je
me permets une dernière petite précision, là, avant de passer... on a quelques
questions en ligne, mais avez-vous l'intention de les inviter, là, les Netflix,
Spotify, et autres, Apple Music en consultations particulières?
M. Lacombe : Bien, je
pense que, si elles souhaitent venir, ce sera une discussion qui sera
productive.
Le Modérateur
:
Parfait. C'est ça, j'ai quelques questions, là, Guillaume...
Une voix : ...
Le Modérateur
: Oui,
Caroline Plante. Pardon.
Journaliste
: Les chiffres
que vous nous avez donnés au tout début, là, de votre allocution, les 92 %
des jeunes qui ont de la difficulté à repérer... 77 % des Québécois qui
disposent d'un abonnement. Bon, ils viennent d'où, ces chiffres-là? Dans la...
que vous avez donnée?
M. Lacombe : Il y a
différentes sources.
Journaliste
: Oui,
plusieurs statistiques. Elles viennent d'où?
M. Lacombe : Oui. Il y a
différentes sources. Si on prend une statistique que je n'ai pas donnée, mais
que je peux vous donner maintenant, je parlais des jeunes. 91 %, 92 %
des jeunes nous disent qu'ils ont de la difficulté à trouver le contenu. Quand
on prend la population en général, donc les internautes québécois, c'est
65 %. Ça, c'est l'Institut de la statistique du Québec. Il y a le l'Office
québécois de la langue française qui nous donne d'autres chiffres, qui nous dit
que lorsqu'on pose la question aux Québécois : Dans quelle proportion
écoutez-vous majoritairement de la musique en français? Bien, c'est 17 %.
Quand on parle des films, c'est 54 %. Quand on parle des séries télé, on
est à 42 %. Donc, les sources varient. Mais bon, tout ça, évidemment... Et
ce sont des données qui sont crédibles.
Journaliste
: Merci.
Le Modérateur
: J'ai
donc quelques questions sur une plateforme en ligne, en français de surcroît.
Guillaume Bourgault-Côté de L'Actualité, en lien avec cette question-là,
d'ailleurs, dit : Comment on va arriver à évaluer l'efficacité du projet
de loi? Par exemple, on souhaiterait que le 5 % d'écoute de musique québécoise
évoqué par le ministre un peu plus tôt, passe à combien?
M. Lacombe : Bien ça,
c'est difficile pour moi de répondre à cette question-là parce qu'en même
temps, et la ligne, elle est là, on ne veut pas obliger les Québécois à écouter
quoi que ce soit. Ça relève d'eux, les choix musicaux qu'ils font. Par contre,
notre objectif, c'est de nous assurer que les entreprises leur offrent le
choix, ce qu'on n'a pas en ce moment. Puis les statistiques dont je viens de
vous parler, je pense, le démontrent assez aisément. Donc, je ne pense pas que
c'est à moi de fixer un objectif, mais je pense que, nécessairement, quand on
va leur offrir davantage de contenu, puis que ce contenu-là sera davantage
accessible facilement, bien, je pense que ça aura un effet positif sur le
pourcentage.
Le Modérateur
: Bien,
ça serait un échec, tout au moins, que ça reste à 5 %.
M. Lacombe : Est-ce que
ça serait un échec? Là, vous préparez peut-être vos questions de l'année
prochaine ou dans deux ou trois ans, mais je pense que c'est difficile de
répondre à cette question-là parce qu'en même temps, l'idée, ce n'est pas de
juger de ce que les Québécois écoutent. Mais là on a un problème. Le problème,
c'est qu'on a 5 % d'écoute seulement de musique québécoise, 8,5 % si
on prend tout le contenu francophone sur une année, mais on voit que le contenu
est difficilement accessible. Les Québécois, en tout cas, nous disent qu'ils
ont de la difficulté. Donc, partons... Je pense que, quand on aura du contenu
plus facilement accessible, on aura peut-être une mesure de départ qui nous
servira de comparable après.
Le Modérateur
:
Deuxième question de Guillaume Bourgault-Côté. Faut-il comprendre que le quota
qui sera fixé sera déterminé par règlement... Je recommence parce que, là, ça
ne marchait pas. Faut-il comprendre que le quota qui sera déterminé par
règlement sera établi en négociant avec les plateformes? Et est-ce qu'elles
auront un mot à dire dans les objectifs visés par Québec?
M. Lacombe : Encore là,
on est dans les nuances, mais je pense que les nuances sont importantes.
L'idée, ce n'est pas de négocier dans le sens où on va se plier aux demandes
que vont nous faire les plateformes. L'idée, c'est vraiment de nous assurer
d'avoir une discussion intelligente, d'avoir un processus qui est intelligent
pour, à la fin, arriver avec une loi qui va être applicable, qui va être, qui
va être réaliste. Je pense qu'aujourd'hui tout ce qu'on présente est solide et
réaliste. Après, sur la proportion, si on vous arrivait demain matin en disant
que ce sera 60 % de contenu, ça ne serait pas réaliste, ça n'arriverait
pas. Donc, je pense... Je ne pense pas qu'on est dans la négociation. On est
davantage dans la recherche du meilleur... du point d'équilibre.
Le Modérateur
: Le
fédéral avait donné environ neuf mois au CRTC pour transformer en règlement les
grands principes de son projet de loi à Ottawa. Quel est l'horizon visé par le
gouvernement du Québec dans le cas présent?
M. Lacombe : C'est une
bonne question. Bien, je dirais que d'ici la fin du 18 mois, la fin du
mandat, donc, on devrait être capable d'avoir une meilleure idée de ce qui sera
dans les règlements.
Le Modérateur
:
Parfait. Merci. On va passer aux questions en anglais en commençant avec Cathy
Senay, CBC.
Journaliste :
Minister Lacombe, what do you want to
see in... We live in a digital world, how do you want this bill to change Quebecker's lives?
M. Lacombe :
In English?
Journaliste :
Yes. I'm sure you can do it. Take your
time.
M. Lacombe :
I can, I can. I would say the goal of
this bill is to make sure that Quebeckers have the choice. We want to make sure that they can choose what
they want to listen, if we talk about music or watch, if we talk about movies
or television. But right now, it's not very easy for them to find Francophone
content on Netflix, Amazon Prime, Disney+. So, the goal is really to make sure
that there's some Francophone content and to make sure that it's easy for them
to find it. After, they can choose to watch, to listen what they want, but we
want them to have the choice.
Journaliste :
You don't want to start a war?
M. Lacombe : No, obviously not.
Journaliste :
How will you make sure that digital
platforms take you seriously with this piece of legislation?
M. Lacombe :
I'm sure they will. Because if you see
what's happening in other countries, in other jurisdictions, they have some
laws. For instance, the European Union, the Government of Canada has a
legislation as well. So, what we see is that they want to cooperate, they want
to work with governments. They are not... they don't agree with everything, but
they want to work with us. This is what I heard when I spoke with them.
Journaliste :
OK. But, in your bill, you give digital
platforms the option to get an agreement for other measures. So, you're already
putting an alternative in your bill.
M. Lacombe :
Yes.
Journaliste :
Why?
M.
Lacombe :
Because,
for... because we wanted to work, we wanted to work. So, for some businesses...
I don't want to name some of those businesses, but it will be hard, because of
their business model, to respect the law as it is written. But with this
substitution... I don't know if it's the right word, with the substitution...
Journaliste
: With other measures.
M. Lacombe : ...with the
other measures or substitution measures, we will be able to have an agreement,
to reach an agreement with them. And it's important to say it's not... it's an
agreement... Je ne suis pas capable de te l'expliquer en français,
Cathy, là, mais... en anglais, mais ça va être une entente qui va devoir...
Journaliste :
Provide results.
M.
Lacombe : Bien, qui va devoir atteindre... qui va devoir permettre
d'atteindre les objectifs de la loi d'une façon différente, mais équivalente.
Donc, ce n'est pas une porte ouverte pour se dérober, là, c'est vraiment juste,
techniquement, il y a des entreprises qui, par leur modèle d'affaires, ne vont
pas pouvoir répondre aux exigences de la loi comme elle est écrite. On veut
quand même qu'elles aient des obligations, on ne peut pas les exempter. On va
leur dire : Bien, voici, négocions une mesure de substitution.
Journaliste
: Et, last question. You're
basically targeting Francophone content as opposed to content... Québec
content. Did you have the... Why did you do that? What's the strategy behind
it? You didn't want to become a vulnerable target in promoting only Quebec's
content?
M.
Lacombe : Encore une fois, je pense que ça va être complexe d'expliquer
ça en anglais, là, mais... c'est technique, mais c'est ce que je disais tantôt,
il y a un élément de solidarité, en fait, avec la francophonie. Je pense que si
on fait front commun...
Journaliste : OK. So, if you want to survive with other francophone countries, you
have to be together.
M. Lacombe : I think it's a good strategy to be together. So, if we talk about
francophone content, French content, francophone... If we talk about
francophone content, we have a francophone team with every other francophone
countries to work with. I think it's interesting. And… Si on parle des
accords commerciaux, encore une fois, je pense qu'on se protège encore plus de
cette façon-là.
Journaliste :
OK. But stronger with more francophone
countries, more francophone nations.
M. Lacombe :
Yes.
Journaliste :
To block the English content.
M. Lacombe :
I will not say to block the English
content. It's… It sounds maybe… Ça sonne belliqueux un peu. Je ne dirais
pas ça. Je dirais plus que c'est de mettre notre contenu à l'avant.
Le Modérateur
: Merci.
Maria Sarrouh, CTV.
Journaliste :
So, you're mentioning that the Canadian
Government or the European Union, they have a history of working with these
streaming services to develop deals like this, but, as far as I know, Netflix,
Disney, Amazon Prime, they don't work with provinces or states. So, what
leverage does Québec have to really get them to do this?
M. Lacombe :
We have the jurisdiction. We
have… Comment on dit «compétence»? C'est-tu ça, «jurisdiction»? Je vais me
ramasser à Infoman avec ça, mais... It's not… It's not about
being a country or a province, it's about being able to have a law, to adopt a
law, and we have the jurisdiction to do it. If you take, for instance,
Belgium, la Flandre, la Fédération Wallonie-Bruxelles — je ne peux
pas traduire ça en anglais — they have... ils ont un quota à
l'intérieur du quota, donc ils ont... ils légifèrent eux aussi, ils ont leur
autorité de réglementation. Donc, je pense qu'on a... je pense que ça démontre
qu'on a... j'en suis déjà convaincu, mais je pense que, s'il y a des
sceptiques, ils peuvent regarder ce qui se fait ailleurs.
Journaliste :
Talking about the US and some of the
trade tensions that we have with them right now, is this compliant with our
current trade agreement?
M. Lacombe : Yes.
Journaliste
: And even if it is, do you think that it might create some tension?
M. Lacombe :
If it's not about this, it will be
about something else. So, I think we have to protect our culture. It's
important.
Le Modérateur
:
Merci. C'est ce qui met fin à cette conférence de presse.
M. Lacombe : Merci, tout le
monde.
(Fin à 11 h 55)