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(Onze heures quarante-neuf minutes)
Le Modérateur : Bonjour!
Bienvenue à cette conférence de presse du ministre de la Justice Simon
Jolin-Barrette concernant le dépôt de la loi constitutionnelle de 2025 sur le
Québec. Il est accompagné aujourd'hui de Mathieu Lévesque, adjoint
parlementaire à la Justice et leader parlementaire adjoint, de Julie
Bissonnette, secrétaire générale au Secrétariat des relations canadiennes, et
de Me Élise Labrecque, sous-ministre associée au ministère de la Justice.
M. Jolin-Barrette, je vous passe la
parole.
M. Jolin-Barrette : Merci.
Bonjour, tout le monde! Mme Julie Bissonnette, secrétaire générale associée aux
relations canadiennes, Maître Élise Labrecque, sous-ministre associée et
sous-procureure générale adjointe aux affaires juridiques, M. Mathieu Lévesque,
député de Chapleau, leader parlementaire adjoint et adjointe gouvernementale à
la Justice. Bonjour.
C'est avec un grand sentiment de fierté
que j'ai accepté, en janvier dernier, le mandat que m'a confié notre premier
ministre de présenter à la nation québécoise un projet de constitution du 15359 Québec. J'ai la conviction profonde que
le texte que nous vous présentons aujourd'hui marquera un point tournant dans
l'histoire d'une nation qui a accompli de grandes choses et qui poursuit son
parcours unique en incarnant le fait français en Amérique du Nord.
Nous avons toutes les raisons d'être fiers
d'être Québécois. Cette fierté prend racine dans nos réalisations collectives,
mais aussi dans nos valeurs et nos traditions qui se transmettent de génération
en génération. Elle prend racine dans notre manière de nous exprimer, dans
notre manière d'interagir et dans notre manière de vivre, qui n'est ni
française ni anglaise, mais toute québécoise. Notre fierté, c'est la somme de
tous ces peuples qui nous ont nourris et dont on se souvient, gravés dans les
murs de notre Assemblée nationale par Eugène-Étienne Taché et dans notre
mémoire collective. Québécois de naissance ou d'adoption, nous sommes
tous les héritiers de cette histoire exceptionnelle qui s'écrit ici en
français. Être Québécois, c'est le plus beau des compliments, le plus beau des
qualificatifs qui soit. Être Québécois, c'est sortir le banc de piano parce
qu'on manque de chaises autour de la table du souper du réveillon. C'est Félix
Leclerc, Gilles Vigneault et Robert Charlebois qui ont vu le loup, le renard et
le lion le temps d'un spectacle. C'est l'énergie de nos rivières, cette grande
richesse qui nous permet aujourd'hui de nous réchauffer et de nous éclairer.
C'est s'émerveiller devant la première neige, mais surtout devant les premiers
bourgeons du printemps. C'est faire la révolution, mais tranquillement. C'est
hisser en secret le fleurdelisé sur le mât central de l'hôtel du parlement et
voir ce drapeau accroché sur les balcons tout le mois de juin, au parc
Maisonneuve et sur les plaines d'Abraham. C'est empiler les manteaux sur le lit
de la chambre d'ami et passer la soirée les coudes serrés autour de l'îlot de
la cuisine. C'est se laisser bercer par la voix et la poésie de Leonard Cohen.
C'est cohabiter avec les Premières Nations et les Inuits, qui ont influencé
notre culture, nos traditions et notre vision du monde. Ce sont ces petits et
grands moments qui font la richesse et l'unicité de notre identité.
Que nous ayons toujours vécu au Québec ou
que nous ayons choisi de nous y enraciner plus tard, cette fierté d'être
Québécois trouve écho en chacun de nous. René Lévesque avait trouvé, selon moi,
les... selon moi, les mots justes pour résumer ce sentiment qui nous unit. Il
disait : «Nous sommes des gens d'ici, ici où, depuis quatre siècles, il
existe, sur les rives du fleuve Saint-Laurent, un peuple d'origine française
qui, sous deux régimes coloniaux et de multiples arrangements constitutionnels,
s'est progressivement affirmé à travers ses institutions et puis, avec l'apport
d'autres communautés, s'est développé au point d'acquérir toutes les
caractéristiques d'une société distincte.»
Aujourd'hui, plus que jamais, il faut se
tenir debout, pour notre langue, notre culture et nos valeurs. C'est là tout
l'esprit de la Constitution du Québec que nous vous présentons
aujourd'hui : protéger, renforcer et rassembler.
Le projet d'une constitution pour le
Québec a été longtemps rêvé, souvent tenté, mais jamais réalisé. Déjà, en 1837,
le Mouvement des Patriotes appelait à la rédaction d'une constitution du
Bas-Canada. Plusieurs années plus tard, à partir des années 1960, l'idée
reviendra en force. L'Union nationale, le Parti libéral du Québec et le Parti
québécois, tous les partis politiques de l'époque, à travers des figures
importantes comme Daniel Johnson père, Paul Gérin-Lajoie et Jacques-Yvan Morin,
vont réfléchir à doter le Québec de sa loi fondamentale, et pour cause. Comment
peut-on accepter que le fondement juridique de l'existence de notre État
national demeure dans des lois à Londres ou à Ottawa, des textes qui,
souvenons-nous, ont parfois été adoptés sans le consentement du Québec ou même
malgré son opposition formelle?
Au fil des décennies, le Parlement du
Québec a adopté plusieurs lois de nature fondamentale afin d'affirmer le caractère
distinct de notre nation et de ses institutions. Pensons notamment à la Loi sur
l'Assemblée nationale, à la Charte des droits et libertés de la personne, à la
Charte de la langue française, et à la loi 96 qui est venue la renforcer, et à
la Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple
québécois et de l'État du Québec, ou tout simplement à la Loi sur la laïcité de
l'État. Le Québec a donc bel et bien entamé sa démarche constituante. Malgré
ces avancées significatives et innovantes, le Québec n'est jamais allé au bout
de cet exercice capital, en résulte aujourd'hui une constitution dispersée, une
constitution inachevée. Ces lois fondamentales devraient pourtant former un
tout inspiré par notre identité nationale pour incarner notre identité
constitutionnelle.
La constitution est la loi des lois, au
cœur même de notre existence comme nation. Nos institutions, notre tradition
juridique, notre histoire, notre langue, notre culture et notre territoire
s'articulent tous autour de cette loi fondamentale qui nous rassemble, qui nous
protège, mais surtout qui renforce notre existence en tant que nation. Le
regretté Benoît Pelletier disait justement que, «s'il est important, pour une
nation telle que le Québec, de se connaître, de savoir d'où elle vient et de se
projeter dans l'avenir, il est tout aussi important que sa spécificité soit
admise par la majorité. Toute nation, quelle qu'elle soit, n'existe pas
seulement en elle-même; elle existe également dans le regard de l'autre.» Quoi de
mieux que, pour exister en nous-mêmes et dans le regard des autres... que
d'adopter une constitution qui nous rassemble, qui nous ressemble, que l'on
construit sur l'héritage des Québécoises et des Québécois qui nous ont précédés
et à qui l'on doit les fondations de notre existence constitutionnelle?
Pendant trop longtemps, le Québec s'est
privé du précieux outil d'affirmation que représente une constitution formelle.
Nous sommes longtemps restés paralysés par l'attente, soit l'attente que le
Québec devienne un pays ou que l'on nous fasse une place dans la Constitution
canadienne. Et, si, avant toute chose, il nous fallait commencer par se définir
et s'affirmer nous-mêmes, ce n'est pas l'attente de lendemains plus favorables
qui a permis au Québec de devenir ce qu'il est aujourd'hui. C'est plutôt le
courage et le dynamisme d'une nation déterminée à être maître chez elle. C'est
en bûchant, en essayant et, surtout, en ne lâchant jamais que le Québec a
réussi à déjouer l'histoire et à bâtir un État moderne et français sur ce
continent, faisant mentir ceux qui prônaient notre assimilation, ils nous
réduisaient à un peuple sans histoire et sans littérature. Nos plus grandes
réalisations, nous les devons aux Québécoises et aux Québécois qui ont eu
l'audace d'agir en... et de se tenir debout pour notre nation. Ces victoires du
passé inspirent aujourd'hui la doctrine constitutionnelle de notre
gouvernement.
Nous sommes convaincus que, pour sortir de
l'impasse, il nous faut plus que jamais utiliser tous les moyens à notre
disposition afin de préserver les caractéristiques fondamentales du Québec,
accroître son autonomie et assurer son épanouissement suivant nos valeurs
collectives, nos droits et nos priorités. C'est l'essence même de la troisième
voie, cette voie qui a permis à notre gouvernement de faire d'importants gains
pour les Québécois au cours des sept dernières années. Pensons notamment à
l'adoption de la Loi sur la laïcité de l'État, au renforcement de la Charte de
la langue française avec la loi n° 96, à l'abolition de l'obligation pour
les députés de l'Assemblée nationale du Québec de prêter serment au roi et à la
modification unilatérale de la Constitution canadienne pour se consacrer que
les Québécoises et Québécois forment une nation et que le français est notre
seule langue officielle et commune.
Nous n'attendons plus. Nous agissons et
nous occupons tout l'espace qui nous revient. Le projet constitutionnel que
nous vous présentons aujourd'hui se veut la suite logique de cette troisième
voie. Il incarne la possibilité, pour le Québec, de définir lui-même... de se
définir lui-même, par l'entremise de son Assemblée nationale et des
représentants élus par la nation, les termes de son existence nationale. Comme
l'écrivait l'ex-ministre péquiste Jacques-Yvan Morin : «Pour une nation ou
pour un peuple, existe-t-il un facteur d'identité qui soit plus probant que
l'adoption d'une constitution?» Il s'agit, sans aucun doute, d'un des moyens
les plus prometteurs de protéger, de renforcer ce que nous sommes ainsi que de
rassembler les Québécoises et les Québécois autour de cette identité commune.
Alors, le projet que nous vous présentons
aujourd'hui vise à protéger nos droits, notre identité et nos spécificités.
Plus précisément, la constitution protégera les droits et libertés de la
personne en consacrant les premiers chapitres de la Charte des droits et
libertés de la personne ainsi que les droits linguistiques fondamentaux
garantis par la Charte de la langue française.
La constitution vient également confier une
nouvelle responsabilité à l'État québécois de protéger la liberté fondamentale
des femmes de choisir pour elles-mêmes et de disposer de leur corps comme elles
l'entendent en défendant leur liberté de recourir à l'avortement. Comme
l'écrivait Simone de Beauvoir : N'oubliez jamais 15359 qu'il suffit d'une crise politique,
économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en
question. Ces droits ne sont jamais acquis.»
Aux centaines de femmes qui, dès 1970, ont
élevé leur voix et manifesté pour que soit décriminalisé l'avortement, aux
médecins, qui, malgré les poursuites, ont lutté pour la santé des femmes, au
ministre Marc-André Bédard, qui, en 1976, malgré la loi fédérale, a accordé
l'immunité aux médecins pratiquant des avortements au Québec, à Chantale
Daigle, qui, en 1989, armée d'un courage admirable, a pavé la voie à des
milliers de femmes au Québec et au Canada pour que leur liberté de choisir soit
respectée, votre détermination inspire et pousse à l'action. Aujourd'hui, nous
vous remercions et nous voulons nous assurer que votre combat n'a pas été mené
en vain. Et je tiens à envoyer un message à toutes les femmes du Québec :
C'est votre corps, et ce sont vos choix, et l'État du Québec va continuer de
protéger cette liberté.
Le projet de constitution propose
également de modifier la Charte des droits et libertés de la personne afin de
protéger le droit des Québécois de mourir dans la dignité et de recevoir l'aide
médicale à mourir lorsque leur état le requiert. Nous souhaitons aussi protéger
le territoire du Québec et notre patrimoine commun, de l'île d'Orléans de Félix
Leclerc en passant par le Kamouraska d'Anne Hébert, par le Saint-Élie-de-Caxton
de Fred Pellerin, de la Gaspésie, de la Bolduc, le Natashquan de Gilles
Vigneault ou le Rimouski de Boucar Diouf. La constitution protégera, par
ailleurs, nos lois fondamentales, en interdisant que l'argent des contribuables
ne puisse servir à les contester devant les tribunaux. Et, dans le même esprit,
le droit du Parlement du Québec d'avoir recours à la disposition de
souveraineté parlementaire sera également protégé.
La constitution permettra aussi de
renforcer la vision québécoise des droits et libertés. En 1982, le Canada a
imposé sa vision du multiculturalisme et individualiste des droits et libertés
au Québec. Pourtant, le Québec avait déjà son propre régime de protection des
droits et libertés de la personne, plus généreux et plus soucieux d'un juste
équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs de la nation.
La charte québécoise sera ainsi modifiée pour favoriser une interprétation des
droits et libertés distincte de celle de la charte canadienne. L'interprétation
qui en sera faite devra notamment tenir compte des droits collectifs de la
nation et de l'égalité entre les femmes et les hommes. Parallèlement, nous
prévoyons renforcer l'égalité entre les femmes et les hommes en s'assurant que
celle-ci l'emporte sur la liberté de religion en cas de conflit entre les deux.
Afin de renforcer le caractère distinct de
notre nation, nous proposons également une nouvelle modification unilatérale de
la Loi constitutionnelle de 1867. En 2022, nous y avons inscrit que les
Québécoises et les Québécois forment une nation, et que le français est notre
langue officielle et commune. Nous y ajouterons les caractéristiques
fondamentales suivantes. Le Québec est un État laïque. L'intégration nationale
est le modèle de vivre-ensemble du Québec. Le Québec est un état de tradition
civiliste. La constitution renforcera, par ailleurs, l'action et les capacités
du Québec en matière de relations internationales, grâce à la codification et
la bonification de la doctrine Gérin-Lajoie, de l'ancien ministre libéral sous
Jean Lesage.
Afin de renforcer l'autonomie
constitutionnelle du Québec, le projet propose aussi l'adoption d'une loi-cadre
à ce sujet. Celle-ci prévoit notamment la possibilité, pour le gouvernement,
d'émettre une directive de préservation de l'autonomie constitutionnelle du
Québec afin, notamment, de contrer les ingérences du fédéral dans nos champs de
compétences, l'adoption d'une stratégie d'État sur l'autonomie
constitutionnelle du Québec, la tenue de débats exclusivement réservés aux
enjeux constitutionnels du Québec à l'Assemblée nationale, et la participation
du Québec dans le processus de nomination des sénateurs et des juges de la Cour
suprême.
Si nous voulons que ces changements
perdurent dans le temps, il importe de prévoir le renforcement de nos
institutions. Le Québec ne dispose actuellement d'aucune instance autonome et
distincte pour se prononcer sur les questions constitutionnelles qui le
concernent. Nous prévoyons y remédier en créant le Conseil constitutionnel, qui
aura pour mandat de donner, sur demande, son avis écrit quant à
l'interprétation de la Constitution du Québec, ou encore, sur les conséquences
des ingérences du 15359 gouvernement
fédéral.
Parce que les Québécois rejettent la
monarchie et ses symboles, le projet prévoit également que le titre de
lieutenant-gouverneur sera remplacé par celui d'officier du Québec, et celui-ci
sera désormais nommé sur désignation du premier ministre du Québec.
Finalement, la Constitution du Québec sera
un instrument rassembleur. Elle rassemblera les Québécoises et les Québécois
autour d'une plus grande reconnaissance de notre unicité, mais surtout autour
de nos valeurs communes. Ces valeurs qui nous rassemblent forment le fil
conducteur de l'histoire politique récente du Québec. Il s'agit de l'égalité,
du respect des droits et libertés individuels et collectifs, de la laïcité de
notre État et de la protection de notre seule langue officielle et commune, le
français. Ces valeurs communes forment le socle autour duquel les Québécoises
et les Québécois de toutes origines peuvent s'épanouir et se rassembler.
Notre démarche permettra par ailleurs de
réaffirmer formellement, dans notre loi fondamentale, la reconnaissance par
l'État québécois des 11 nations autochtones avec lesquelles nous
partageons ce vaste territoire ainsi que leurs droits ancestraux ou issus de
traités. Nous sommes fiers du chemin parcouru ensemble et nous sommes
déterminés à poursuivre dans cette voie de nation à nation.
Il en va de même pour nos compatriotes
québécois d'expression anglaise. La Constitution du Québec n'affecte aucunement
ni ne remet en question les droits de la communauté anglophone. Le Québec
continuera d'affirmer son identité nationale et constitutionnelle dans le
respect le plus complet et sincère des institutions de la communauté québécoise
d'expression anglaise. Vous avez toujours fait partie du nous et vous en ferez
toujours partie.
L'esprit du projet que nous présentons
aujourd'hui, c'est sans doute la célèbre formule de Robert Bourassa qui
l'exprime au mieux, et vous me permettrez de le rappeler : «Quoi qu'on
dise et quoi qu'on fasse, le Québec est, aujourd'hui et pour toujours, une
société distincte, libre et capable d'assumer son destin et son développement.»
Cette liberté et cette capacité d'agir
reposent en grande partie sur des institutions solides et respectables que nous
avons su faire évoluer au fil du temps. Le projet de constitution est
l'occasion de les façonner un peu plus à notre image. Ces institutions, au
premier chef l'Assemblée nationale, doivent être et demeurer la plus fidèle
expression politique de la nation québécoise. En pratique, j'ai bon espoir que
la Constitution que nous proposons permettra à ces institutions de continuer à
servir les intérêts supérieurs du Québec et que les prochaines générations
sauront en tirer le maximum pour que nous puissions collectivement continuer à
nous projeter vers l'avenir. Cette constitution sera à la fois le miroir et le
bouclier de la nation québécoise.
Notre projet légitime, c'est celui d'un
peuple, d'une nation, une nation enracinée sur ces quelques arpents de neige où
il nous est pleinement possible d'être chez nous, où nos ancêtres ont bâti des
villages, des villes, un État. C'est le projet d'une société moderne,
accueillante et égalitaire. Une Constitution proprement québécoise, c'est
donner la possibilité aux Québécois de se reconnaître enfin pleinement dans une
loi fondamentale. Plus que tout, c'est donner les moyens à notre nation de
prendre son avenir en main, un avenir dont nous pourrons être fiers.
Nous le réitérons, nous avons toutes les
raisons d'être fiers d'être Québécois et d'affirmer que, oui, du petit peuple
du Refus global, nous sommes aujourd'hui, sans aucun doute, un grand peuple,
une grande nation, et l'heure est venue pour nous d'écrire un nouveau chapitre
de notre histoire. Pour reprendre la formule du premier ministre Paul
Sauvé : «Désormais», nous ne remettons plus le projet de Constitution à
demain, nous sommes déterminés à écrire cette page centrale de la vie de notre
nation.
Je vous remercie et je vais céder la
parole au député de Chapleau Mathieu Lévesque.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci.
Merci, M. le ministre. Mme Bissonnette, Maître Labrecque. Je suis à la fois
heureux, honoré et je dirais même un peu ému de prendre la parole devant vous
en cette journée que j'estime historique pour le Québec. Honnêtement, je suis
fier de faire partie d'un gouvernement qui place l'identité québécoise au cœur
de ses priorités. Je tiens à féliciter le premier ministre pour son leadership
dans ce dossier. Je tiens également à remercier le ministre la Justice pour sa
confiance, parce qu'il m'a confié en novembre dernier le mandat de le soutenir
dans le cadre du suivi des recommandations du rapport du Comité consultatif sur
les enjeux 17851 constitutionnels du
Québec, que l'on appelle maintenant le rapport Proulx-Rousseau. C'est dans
l'esprit, évidemment, comme le ministre le disait, de la troisième voie et afin
de se doter d'outils novateurs pour affirmer notre identité et notre unicité
ainsi que pour renforcer notre autonomie au sein de la fédération canadienne
que nous avons mis sur pied le comité Proulx-Rousseau. Le comité devait nous
recommander des moyens de protéger et de promouvoir les droits collectifs de la
nation québécoise, d'assurer le respect de nos valeurs et de notre identité
commune, de garantir le respect des champs de compétence du Québec et
d'accroître son autonomie au sein de la fédération canadienne. Et donc le
rapport étoffé qui nous a été présenté propose une vision qui, et je cite,
«table sur la souveraineté parlementaire du Québec et sur l'existence
d'institutions démocratiques fortes et surtout enracinées dans l'histoire».
En présentant aujourd'hui un projet de
Constitution du Québec, nous répondons à la recommandation-phare du rapport
Proulx-Rousseau. Le ministre l'a bien dit, le projet se veut le miroir et le
bouclier de la nation québécoise. Le projet de constitution permet la mise en
œuvre d'une quinzaine d'autres recommandations porteuses qui protégeront nos
valeurs, notre identité, renforceront notre autonomie et nos institutions, mais
surtout rassembleront les Québécois.
Le ministre en a énuméré plusieurs, mais
permettez-moi de réitérer certaines mesures qui répondent directement aux
recommandations du rapport Proulx-Rousseau.
Nous allons moderniser des parties de la
loi constitutionnelle de 1867 qui concernent le Québec et y ajouter, comme le
ministre le disait, des références à la laïcité, à notre modèle d'intégration
et certainement à notre tradition civiliste, et ce, afin de prendre l'espace
qui nous revient dans cette loi et de s'assurer qu'elle reflète les
spécificités québécoises.
Nous distinguerons également la charte
québécoise de la charte canadienne afin que son interprétation reflète les
valeurs collectives québécoises. N'oublions pas que notre charte a été adoptée avant
la charte canadienne. Elle doit continuer de jouir d'une existence distincte et
cohérente avec la volonté du législateur québécois.
Nous consacrerons et bonifierons également
la doctrine Gérin-Lajoie, un jalon important de notre histoire constitutionnelle
moderne, l'assise de toute l'action internationale du Québec et essentielle à
sa prospérité et à sa reconnaissance en tant que nation.
D'ailleurs, le principe à la base de cette
posture visionnaire du regretté Paul Gérin-Lajoie s'appliquera dorénavant à
l'univers numérique. Ce qui est de compétence québécoise dans le monde réel
l'est aussi dans le monde numérique. C'est particulièrement fondamental pour la
culture, qui, nous le savons, est de plus en plus numérique. La culture, c'est
le vecteur de notre identité et de nos valeurs, on ne le répétera jamais assez.
Nos livres, nos films, nos séries télé, notre musique, c'est au cœur de la
nation. Afin de se prémunir contre une centralisation fédérale en matière
culturelle, la constitution va consacrer spécifiquement le droit et la capacité
du Québec d'agir pour préserver et promouvoir sa langue et sa culture, y
compris dans l'univers numérique.
Permettez-moi de terminer sur une note un
petit peu plus personnelle. Je suis vraiment touché de prendre part à ce grand
moment, longtemps rêvé par un brillant juriste que j'ai eu le privilège de
considérer comme un mentor et pour qui j'ai eu le plaisir de travailler, Benoît
Pelletier, qui a d'ailleurs été député de Chapleau avant moi pendant 10 ans. Il
a marqué mon parcours professionnel. Il aura été une inspiration non seulement
pour moi, mais pour toute une nation. Par son travail comme juriste, député et
ministre, il a érigé d'importantes fondations pour l'autonomie et l'affirmation
du Québec, desquelles nous nous inspirons aujourd'hui et sur lesquelles nous
nous sommes appuyés pour élaborer la Constitution du Québec. Aujourd'hui, j'ai
sincèrement une pensée pour lui, pour son œuvre et pour l'héritage qu'il aura
laissé au peuple québécois.
Pour M. Pelletier, je me souviens, une
constitution québécoise avait non seulement un rôle symbolique fort, mais aussi
une valeur juridique réelle dans le cadre du droit québécois. Elle permettait
au Québec de mieux exprimer son identité, d'affirmer sa spécificité dans le Canada
et de renforcer sa démocratie. La constitution qu'on vous présente reflète bien
ce rêve que portait M. Pelletier, une constitution qui contient la Charte des
droits et libertés de la personne du Québec, la Charte de la langue française,
la loi 99, la doctrine Gérin-Lajoie et les principes fondamentaux qui guident
notre destin collectif. Comme M. Pelletier le souhaitait, cette constitution
vient réaffirmer le statut de nation du Québec, de même que son caractère
francophone et laïque et les valeurs fondamentales de notre société, une
constitution pour un Québec généreux, accueillant, mais néanmoins désireux de
préserver et de faire valoir son identité particulière, une constitution qui
incarne la nation forte et autonome que forment les Québécois.
Je crois sincèrement que, s'il était des
nôtres aujourd'hui, bien, M. Pelletier saluerait cette démarche. Notre
gouvernement pose aujourd'hui un geste audacieux et optimiste pour la nation
québécoise, à l'image de l'homme d'État qu'était M. Pelletier. Merci.
Le Modérateur
: On va
passer à la période des questions.
Je constate, M. Jolin-Barrette, qu'on est
beaucoup. Donc, restez concis dans vos réponses, si possible, ça serait
apprécié.
On va commencer avec Alain Laforest, TVA.
Journaliste
: Je suis
prêt...
Journaliste : ...Bonjour à
tous. M. Simon Jolin-Barrette, vous pourrez me corriger si c'est le cas, là, la
constitution québécoise, c'est au cœur de votre engagement politique, là. Vous
êtes venu beaucoup en politique pour parler de constitution, pour faire la
constitution. Je sais que ça vous anime énormément. Depuis 1838, vous
l'avez dit, qu'on parle de constitution québécoise, ça date des Patriotes. La
dernière véritable constitution, c'est Daniel Turp, qui en a présenté. Il reste
361 jours avant le scrutin. Pourquoi maintenant et pas avant?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, depuis 2018, on a adopté la Loi sur la laïcité de l'État, ensuite
on a fait la loi n° 96, qui était la plus grande réforme de la Charte de
la langue française, pour renforcer notre langue nationale, et là on est rendus
à faire la constitution. Donc, c'est un parcours, c'est une évolution, et puis
on est rendus à faire la constitution. Depuis, vous l'avez dit, 200 ans,
on en parle. Depuis les années 60, c'est un projet qui a été porté par
tous les partis politiques, mais il n'y a aucun gouvernement qui avait agi.
Alors, nous, on agit. On prend les choses en main et puis on dépose la
constitution du Québec, qui reprend entre autres beaucoup de lois qui ont été
adoptées à l'Assemblée nationale, qui ont été portées par les autres partis,
comme la Charte des droits et libertés de la personne portée par le Parti
libéral du Québec ou la Charte de la langue française qui était portée par le
Parti québécois.
Journaliste : Une des
critiques virulentes que vous subissez depuis mardi, c'est le processus de
consultation. En 361 jours, vous serez incapable d'aller consulter
l'ensemble des Québécois, d'aller consulter les nations autochtones qui sont
concernées et qui ne reconnaissent pas le gouvernement du Québec, leur
gouvernement, c'est le gouvernement fédéral.
M. Jolin-Barrette : Écoutez,
j'ai beaucoup consulté au cours des derniers mois, des dernières années, j'ai
eu plusieurs rencontres avec différents intervenants, avec mes... mêmes mes
collègues des autres formations politiques, vous avez pu le constater ce matin
que je les avais rencontrés. Alors, on a consulté des universitaires, des gens
de la société civile, et on va continuer de consulter. Aujourd'hui, c'est l'étape
du dépôt du projet de loi, et il y aura d'autres consultations.
Journaliste : Mais il n'y
aura pas de consultation ouverte, là.
M. Jolin-Barrette : Il va y
avoir des consultations particulières élargies, et je vais discuter avec mes
collègues des oppositions. Moi, je suis convaincu qu'on est en mesure de
travailler ensemble. Et ma posture est la suivante, c'est une constitution qui
n'est pas libérale, qui n'est pas du Parti québécois, qui n'est pas péquiste,
qui n'est pas caquiste, mais qui est québécoise. Alors, je vais travailler avec
l'ensemble des membres du Parlement ici pour viser une adoption de la
constitution du Québec parce que c'est un élément qui est important dans
l'identité constitutionnelle du Québec.
Le Modérateur : Merci. Véronique
Prince, Radio-Canada.
Journaliste : ...c'est quoi,
une commission élargie? Pouvez-vous préciser ce que vous voulez dire par là?
M. Jolin-Barrette : Des
consultations particulières élargies, c'est des consultations qui sont plus
longues qu'à l'habitude.
Journaliste : OK. Pouvez-vous
quand même préciser davantage? Vous dites que ça va être plus long. Ça veut
dire que vous vous attendez à recevoir combien de groupes?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, je vais consulter mes collègues leaders des oppositions, et on va
travailler avec eux, pour tenir des consultations sur le projet de loi.
Journaliste : Donc,
avant-Noël, on ne pense pas que ça va être adopté, là. Si vous faites ça
élargie puis que vous prenez le temps, ça va... vous allez...
M. Jolin-Barrette : Vous
voulez dire que le projet de loi soit adopté avant Noël?
Journaliste : Oui.
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, moi, je ne contrôle pas ça, là. Mes collègues...
Journaliste : Bien, vous êtes
leader.
M. Jolin-Barrette : Bien non.
Moi, ce que je contrôle, c'est le fait que je dépose un projet de loi
aujourd'hui puis que je vais m'asseoir avec l'ensemble des députés de toutes
les formations politiques ici pour étudier le projet de loi. Mais je suis
convaincu qu'on va passer des dizaines d'heures avec mes collègues des
oppositions, justement. Puis il y a beaucoup d'éléments dans la constitution
qui m'ont été suggérés par les oppositions lorsque je les ai rencontrés.
Journaliste : Puis mon autre
question, ça serait : Quelle est la valeur aux yeux du gouvernement
fédéral? Parce que c'est un peu ce que disait Québec solidaire, ça n'a pas de
valeur finalement, cette constitution-là.
M. Jolin-Barrette : Bien, au
contraire, on est dans une fédération. Le Québec, c'est un État qui fait partie
du Canada. Alors, la Colombie-Britannique a déjà sa constitution. Les
50 États américains ont une constitution. En Autriche, qui est une
fédération, ils ont une constitution. Les cantons suisses ont une constitution.
Les länder allemands ont une constitution. Pourquoi, de l'approche du Parti
québécois et de Québec solidaire, on ne devrait pas adopter une constitution?
Journaliste : Non, mais
expliquez-moi en quoi le gouvernement est lié...
M. Jolin-Barrette : Bon.
Qu'est-ce que ça change?
Journaliste : Bien, je veux
savoir, d'un point de vue non partisan, là, en quoi le gouvernement fédéral est
lié à votre constitution si vous l'adoptez là.
M. Jolin-Barrette : Le
gouvernement fédéral doit respecter la constitution québécoise parce que c'est
la loi des lois. Alors, toutes les lois de l'Assemblée nationale vont devoir
être conformes à la loi de la constitution québécoise, un peu comme au fédéral,
ils ont la Constitution canadienne et les lois du Parlement fédéral doivent
être conformes à la Loi constitutionnelle de 1982 et la Loi
constitutionnelle 1867. Le fédéral a sa propre constitution, nous avons la
nôtre également. 15359 Alors, il y a
une partie qui est dans la Loi constitutionnelle de 1867, comme vous le savez,
où est-ce qu'on a changé? Mais il y a un élément important, c'est que nos lois
vont être interprétées à la lumière de la conscience québécoise qui va avoir
primauté sur toutes les autres lois. Ça, ça veut dire que, de la façon dont nos
lois sont interprétées, elles doivent l'être en fonction de la Constitution
québécoise. Ça veut dire que, quand vous avez une situation litigieuse par
contre, on va devoir donner primauté à l'égalité entre les femmes et les
hommes. Donc, ça va devenir hiérarchiquement plus haut que la liberté de
religion. On va faire en sorte que le français, les droits collectifs, la
laïcité, ça soit le socle, la base des lois qu'on adopte ici, et elles ne
devront pas être en contradiction avec ces valeurs et ces règles-là qu'on s'est
données.
Le Modérateur
: Patrick
Bellerose, Le Journal de Québec.
Journaliste
: Oui.
Bonjour à tous.
M. Jolin-Barrette : Bonjour.
Journaliste : M. Jolin-Barrette,
est-ce que votre projet de loi, on pourra l'adopter comme une loi normale, donc
avec seulement l'appui du gouvernement ou est-ce que vous vous engagez à aller
chercher l'appui des partis d'opposition pour la faire adopter, vu
l'importance, là, d'une Constitution québécoise?
M. Jolin-Barrette : Moi, je
suis convaincu que je vais réussir à rallier l'ensemble des formations
politiques.
Journaliste : Vous savez très
bien que ce n'est pas ma question. Est-ce que vous allez vous engager à aller
chercher de l'appui des oppositions ou est-ce qu'un simple vote à majorité
pourrait faire adopter une Constitution québécoise?
M. Jolin-Barrette : Comme je
viens de dire, je suis convaincu que je vais réussir à rallier l'ensemble des
formations politiques.
Journaliste : OK. Correct,
aucun engagement. J'aimerais que vous m'expliquiez, parce qu'on n'a pas de
breffage malheureusement, l'impact sur...
M. Jolin-Barrette : Je suis
là pour ça.
Journaliste : Oui, l'impact
de mettre des droits collectifs au-delà... en fait que les droits collectifs
aient une préséance sur les droits individuels. Donc, vous dites quand une
loi... quand une loi va être étudiée par un tribunal, des droits collectifs
devront être pris en compte et auront préséance, si je comprends bien sur les
droits individuels?
M. Jolin-Barrette : Non. Les
droits collectifs et les droits individuels vont se retrouver dans une
situation où le tribunal va devoir prendre en compte les droits collectifs.
Durant trop longtemps, les tribunaux nous ont dit : Ça n'existe pas, les
droits collectifs de la nation québécoise. Or, c'est faux, ils existent et on
l'a prévu à la Charte des droits et libertés de la personne. Désormais, on le
prévoit dans la Constitution, notamment la question de l'égalité entre les
hommes et les femmes, ça, c'est un droit collectif. Le français, la laïcité de
son état, ça, c'est des éléments concrets qui font en sorte que dans
l'équilibrage que les tribunaux font, bien, ils vont devoir évaluer ça.
Je donne un exemple concret l'égalité
entre les femmes et les hommes. Avec ce que nous proposons, les cas comme il se
passe à la Société d'assurance automobile du Québec, où un homme qui se
présente et qui, pour des raisons religieuses, refuse de se faire servir par
une femme, mais ça, ça ne pourra pas arriver parce que le droit collectif de
l'égalité entre les femmes et les hommes aujourd'hui, nous, on dit : Au
Québec, c'est plus important que le droit à la liberté de religion. Et
malheureusement l'interprétation judiciaire, parfois, faisait primer le droit à
la liberté de religion.
Journaliste : Mais comme ma
collègue le soulignait tantôt, le droit canadien a quand même préséance. Je
veux dire, vous ne serez peut-être pas, d'accord, mais la Constitution canadienne
a préséance sur celle du Québec. Qu'est-ce qui fait qu'un tribunal pourrait
décider d'interpréter en fonction des... de la Constitution québécoise plutôt
que fédérale?
M. Jolin-Barrette : Oui. On
est venu mettre des règles d'interprétation dans la Constitution pour faire en
sorte que la Constitution canadienne et la Constitution québécoise soient
distinctes. Donc, quand un litige va être analysé, il va devoir y avoir une
analyse distincte en fonction de la Charte québécoise. Tout dépend également de
la demande qui est formulée, en vertu de quelle loi, mais ça amène une
distinction, puis c'était une des recommandations du rapport Proulx-Rousseau
notamment, de faire en sorte qu'on vienne clairement établir que le droit
québécois est évalué à la lumière des droits individuels qu'on a choisis au
Québec et des droits collectifs de la nation. Donc, on donne des règles
d'interprétation pour les tribunaux, justement pour distinguer la Charte
canadienne et la Charte québécoise. Et d'ailleurs, la Charte québécoise, elle,
est plus généreuse en termes de droits que la Charte canadienne. Cependant, au
Québec, on a une approche distincte sur le vivre ensemble, sur la collectivité,
sur les droits collectifs. Alors, c'est ce qu'on vient inscrire dans...
Journaliste : Donc, ce n'est
pas précisé.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Journaliste
: Je ne
suis pas prendre trop de temps, mais ce n'est pas précisé. Donc, les tribunaux
de juridiction québécoise devront fonctionner en fonction en fonction de la
Constitution québécoise et non canadienne...
M. Jolin-Barrette : Non, ils
vont devoir...
Journaliste
: ...pour
évaluer les...
M. Jolin-Barrette : La
Constitution canadienne demeure, la Charte canadienne des...
Journaliste : Quand vous
dites «analyse distincte», je veux juste comprendre ce que ça veut dire.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
dans le fond lorsque... Souvent, lorsque vous avez, supposons, une requête ou
une demande devant les tribunaux, on applique les mêmes critères, les mêmes
règles d'interprétation pour la Charte canadienne, la Charte québécoise.
Désormais, ça ne sera plus possible de faire, ils vont devoir distinguer, même
si parfois il y a des termes similaires. Donc, on va venir décoller la
jurisprudence entre les deux, parce qu'on fait nos propres choix au Québec, et
notamment l'article interprétatif et de justification, qui est prévu à
l'article 9.1, comprend notamment l'égalité entre les hommes et les femmes,
15359 le français, les droits
collectifs de la nation québécoise. Alors, ce sont des éléments qu'on ne
retrouve pas dans la Charte canadienne.
Le Modérateur : Merci. Hugo
Pilon-Larose, La Presse.
Journaliste : Comment est-ce
que le projet de loi n° 1, la Constitution compte-t-elle protéger, donc,
le droit de l'Assemblée nationale d'avoir recours à la clause de dérogation?
M. Jolin-Barrette : Oui. On
est venus inscrire très clairement dans la Loi sur l'autonomie
constitutionnelle... Parce que vous comprendrez que le projet de loi contient
la Constitution, la Loi sur l'autonomie constitutionnelle du Québec, une loi
également créant le Conseil constitutionnel, puis des dispositions
modificatives relativement à d'autres lois et des modifications à la Loi
constitutionnelle de 1867.
Alors, ce qu'on prévoit, c'est qu'on vient
affirmer comment on peut utiliser la disposition de souveraineté parlementaire.
Donc, on vient clairement établir qu'il y a uniquement l'Assemblée qui va
pouvoir déterminer de quelle façon on l'utilise, que ce soit d'une façon
préventive ou après la décision d'un tribunal.
Journaliste : Mais, cette
question spécifique... Là, moi, je ne suis pas constitutionnaliste, là,
j'essaie de tout comprendre qu'est-ce qui se passe en ce moment. Mais cette
question spécifique est débattue devant la Cour suprême qui doit émettre un
jugement. Donc, peu importe ce que vous allez écrire dans cette loi-là, le
jugement qui doit sortir en 2026 va l'écraser, là.
M. Jolin-Barrette : On est
dans une fédération. On est dans un État de droit où il y a différents
pouvoirs. Le Parlement, l'Assemble nationale, l'État québécois a ses propres
institutions. Et le peuple, la nation détermine de quelle façon est-ce que le
contrat doit être interprété. Alors, la position du Québec est claire.
Bien, d'ailleurs, il y a une lettre des
premiers ministres qui est sortie hier, notamment de l'Ontario, de la
Nouvelle-Écosse, de la Saskatchewan et de l'Alberta, qui disent au gouvernement
fédéral : Ça fait partie des conditions du rapatriement de 1982,
l'utilisation par les assemblées législatives des provinces de... l'utilisation
de la disposition de souveraineté parlementaire.
Alors, nous, on réaffirme quel est l'état
du droit et comment ça doit être. Alors, le Parlement se prononce sur ça. Puis
c'est la même position que je plaide en tant que procureur général devant la
Cour.
Journaliste : OK. Donc, c'est
ça, c'est un message que vous envoyez à la Cour suprême. Est-ce que votre
Constitution...
M. Jolin-Barrette : Bien, si
la constitution est adoptée, c'est ça, l'état du droit, au Québec. Là, il y a
un litige devant la Cour suprême, mais, très certainement, je pense que les
premiers ministres des différentes provinces ont envoyé un signal très clair au
gouvernement fédéral.
Journaliste : Je remarque, à
moins que je l'aie... que je l'aie manqué, qu'il n'y a pas de clause dans la
Constitution, j'essaie d'utiliser les bons mots, là, pour la cadenasser, là.
Dans le sens où que, si un gouvernement futur souhaitait l'abroger, il pourrait
le faire à la majorité simple des députés à l'Assemblée nationale, là.
M. Jolin-Barrette : Effectivement.
Dans le fond, en vertu du principe de souveraineté parlementaire, la
Constitution pourrait être modifiée par une loi qui doit modifier la
Constitution.
Cela étant, moi, je suis ouvert aux
suggestions. Puis, dans le cadre des consultations, peut-être, certains groupes
vont venir me proposer de mettre une formule d'amendement. Mais je ne
souhaitais pas que la Constitution québécoise soit verrouillée pour
1000 ans comme la Constitution canadienne.
Journaliste : Puis une
dernière question...
M. Jolin-Barrette : Parce que
j'ai du respect pour les électeurs, pour le Parlement et pour le principe de
souveraineté parlementaire, parce que je crois beaucoup à la démocratie.
Journaliste : Vous avez tendu
la main aux anglophones dans... le premier ministre aussi dans son discours. Je
vois par contre que vous voulez interdire aux organismes publics d'utiliser de
l'argent pour contester, entre autres, la Loi sur la laïcité, ce que font les
commissions scolaires. Et ça semble vous enrager. Donc, c'est pour ça que vous
voulez le mettre dans la Constitution, pour qu'ils ne puissent plus le faire à
l'avenir?
M. Jolin-Barrette : Sur...
Non. Sur les caractéristiques fondamentales de l'État québécois, notamment...
Seulement certaines lois. La laïcité de l'État, la Loi sur l'intégration
nationale, la Charte de langue française, effectivement, les fonds publics ne
pourront plus être utilisés pour contester ces lois-là.
Journaliste : Ce qu'on fait
avec les commissions scolaires anglophones, là.
M. Jolin-Barrette : Bien, il
y a notamment la Commission scolaire English Montreal, effectivement, qui a
fait ça, mais également le Conseil de la magistrature du Québec, qui avait
utilisé 4 millions de fonds publics pour contester la loi 96.
Alors, ça va toujours être possible de
contester les lois. Cependant, on ne peut pas utiliser l'argent des Québécois
pour le faire lorsque l'Assemblée nationale inscrit dans un article que la loi
protège les caractéristiques fondamentales. Alors, si les administrateurs du
centre de services scolaire English Montreal veulent contester la loi au nom de
la Commission scolaire English Montreal, ils peuvent le faire, cependant, ils
devront financer autrement le recours que d'utiliser l'argent des Québécois.
Le Modérateur : Merci. Thomas
Laberge, La Presse canadienne.
Journaliste : Je vais vous
poursuivre sur ce dossier-là. Juste pour préciser : Si la constitution est
adoptée avant que ça se règle au fédéral, ce qui risque fortement d'arriver...
ou pas, je... bref, est-ce que la English School Board va devoir juste se
retirer de la contestation?
M. Jolin-Barrette : Non. Ce
qu'on a prévu, considérant que la loi 15359 va
être adoptée après leur recours, la loi va s'appliquer aux éventuels recours.
Journaliste : OK.Ça
fait que ce recours-là ne sera pas touché, mais c'est un exemple de cas qui ne
pourra plus être fait avec les fonds publics pour la...
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Donc, ce recours-là ne sera pas touché.
Journaliste
: Parfait.
Bien, on a parlé beaucoup, là, de transpartisanerie dans les derniers jours.
Vous avez vu quand même, là, fait inusité, les oppositions se sont toutes
opposées, même, au dépôt du projet de loi. Ça commence quand même mal.
M. Jolin-Barrette : Moi, je
suis d'un naturel optimiste, je suis convaincu que je vais réussir à convaincre
et, à force de travailler avec mes collègues, j'ai bon espoir que l'ensemble
des formations politiques vont appuyer la Constitution du Québec.
Parce que, vous savez, moi, je... mon engagement
politique, il est pour le Québec. Depuis le début de la semaine, on se fait
dire : Écoutez, il reste un an au mandat électif. Est-ce qu'on peut
travailler? Est-ce que les gens qui ont un contrat de travail arrêtent de
travailler dans l'intérêt de leurs concitoyens parce que, dans un an, il y a
des élections? Moi, je ne fonctionne pas comme ça. Mon engagement politique, il
est pour le Québec, pour faire en sorte que l'État québécois ait davantage de
droits, d'autonomie au sein du Canada.
Alors, on est ouverts à débattre sur les
modalités, sur le texte, mais je viens de déposer le texte, on me critiquait
quatre jours avant que le texte soit déposé. Écoutez, j'ai pris la peine de
rencontrer mes collègues des oppositions cet été, en plein milieu de l'été. On
a travaillé depuis des mois là-dessus. Moi, je suis ouvert, je leur tends la
main puis je suis convaincu qu'on va rassembler pour arriver à l'adoption de la
constitution.
Journaliste : Mais,
justement, vous les avez rencontrés. Qu'est-ce que vous leur avez dit pour
qu'ils soient autant opposés au projet de loi avant même qu'il soit déposé...
puis même à voter contre le dépôt du projet de loi? Je veux dire, si vous les
avez rencontrés, vous ne les avez pas convaincus à ce moment-là.
M. Jolin-Barrette : Je les ai
écoutés, je les ai consultés. Et d'ailleurs il y a beaucoup d'éléments dans le
projet de loi qui proviennent de leurs idées lorsque je les ai rencontrés.
Alors, aujourd'hui, je vais les laisser décanter le projet de loi, en prendre connaissance,
je vais répondre à leurs questions puis je vais travailler en collaboration
avec eux, parce qu'on doit faire ça pour les Québécois.
C'est un outil, la constitution, important
pour l'État du Québec, pour assurer notre souveraineté à l'intérieur du Canada,
pour assurer la souveraineté de nos champs de compétence, pour assurer notre
autonomie de... que nos champs de compétence soient exercés sans ingérence. Et
nous donnons tous les outils à l'État québécois pour à la fois inscrire nos
valeurs, inscrire comment est-ce qu'on veut que le droit soit interprété,
renforcer nos institutions. Alors, pour moi, c'est un objectif qui est
transpartisan, c'est un objectif qui est québécois et qui ne relève pas d'une
formation politique.
Journaliste : Mais, M. Jolin-Barrette,
je vais me permettre une question là-dessus. François Carabin, Le Devoir.
Les oppositions ont qualifié... en tout cas, certains... certaines figures de
l'opposition ont qualifié la constitution, cette semaine, de bébelle
électorale. Est-ce que vous diriez qu'en s'opposant à... même au dépôt de votre
projet de loi l'opposition fait de... fait dans l'électoralisme, oui?
M. Jolin-Barrette : Je ne
veux pas leur prêter des intentions. Aujourd'hui, mon message est clair pour
l'ensemble des formations politiques à l'Assemblée nationale. Je viens de
déposer la Constitution du Québec. C'est un outil, pour la nation québécoise,
d'autonomie, du respect de soi-même et de prendre notre place à l'intérieur du
Canada. Alors, pourquoi ne pas travailler avec moi dans cet objectif-là? Moi,
je leur tends la main puis je vais être disposé à travailler avec eux justement
pour donner des outils aux Québécoises et aux Québécois.
Écoutez, Jacques-Yvan Morin était en
faveur de ça. Daniel Turp, il y a 15 ans, a déposé une constitution. Daniel
Turp était au Parti québécois, au Bloc québécois, un éminent juriste qui a été
professeur émérite à l'Université de Montréal, à la Faculté de droit. Vous avez
eu des propositions, à l'époque, de Daniel Johnson père, M. Pelletier, au Parti
libéral. La commission politique du Parti libéral, l'an passé, Antoine Dionne
Charest, André Pratte ont recommandé l'adoption d'une constitution québécoise.
Écoutez, il faut agir. Il est le temps
d'avancer. Puis, moi, mon objectif, c'est d'avancer pour que le Québec fasse
des gains.
Journaliste : Je vais
utiliser une expression du premier ministre. Avez-vous l'impression que la
constitution, c'est un dossier pour lequel les gens se battent dans les
autobus?
M. Jolin-Barrette : Mais,
parfois, peut-être que ça ne paraît pas, mais la constitution, elle est partout
dans notre quotidien. Ça touche la réalité. Il n'y a personne qui va
dire : Ah... Bien, peut-être, moi, le soir, j'ai ma constitution
à côté de ma... de ma table de chevet. Donc, je ne
prétends pas que les Québécois ont la... font la même chose que moi, mais notre
vie est régie par le partage des compétences, par la réalité du pouvoir fédéral
de dépenser, dans nos institutions. Prenez les soins de santé. Si le fédéral
dépensait ce à quoi il devrait nous octroyer notre argent, par rapport au
financement des soins de santé, le système de santé se porterait mieux. Alors,
c'est des batailles qu'il faut constamment faire, parce que c'est l'argent des
Québécois, c'est les pouvoirs des Québécois. La question, également, de notre
identité, nos valeurs, de comment est-ce qu'on veut vivre au Québec, ça touche
quotidiennement les Québécois, ça aussi. Alors, la constitution, elle est pas
mal plus concrète que l'on pense, puis ça va faire partie également de mon
rôle, puis avec mes collègues des oppositions, d'expliquer l'importance de
cette constitution-là, et l'impact dans le quotidien des gens.
Le Modérateur : Merci. Paul
Wells.
Journaliste : Le paragraphe 2°
de la Constitution dit que la Constitution du Québec a préséance sur toute
autre règle de droit incompatible. Concrètement, ça va marcher comment? Si un
juge de la Cour supérieure du Québec voit un conflit entre la Constitution
canadienne et la Constitution québécoise, il doit oublier la Constitution
canadienne?
M. Jolin-Barrette : Non. Dans
le régime dans lequel nous évoluons, la Constitution canadienne a priorité.
Cela étant, les lois de l'Assemblée nationale doivent être conformes à la
Constitution québécoise. Je vous donne un exemple. Auparavant, on a plusieurs
lois qui avaient des dispositions de prépondérance, exemple, la loi sur la
laïcité ou la Charte de la langue française, alors... et la charte québécoise
des droits et libertés, alors les lois du Parlement du Québec devaient être
conformes à la charte québécoise. Mais la Constitution canadienne demeure,
parce qu'on est dans le cadre de ce régime constitutionnel là depuis 1867 et
depuis le rapatriement de 1982. Cependant, on a mis des dispositions dans la
loi, notamment modifier la Loi d'interprétation, pour forcer le juge, par
contre, à... lorsqu'il a un cas devant lui et qu'on lui soumet il va faire une
analyse distincte à travers la charte canadienne et à la charte québécoise, il
ne peut plus copier-coller les deux chartes, parce qu'elles ne sont pas les
mêmes et que le législateur québécois fait des choix qui sont propres au
Québec.
Journaliste : Mais ça va
certainement tomber entre les mains des juges, à quelque part. Et vous venez de
dire que la Constitution canadienne a préséance. En passant, c'est exactement
ce que dit le paragraphe 2° de la loi constitutionnelle de la
Colombie-Britannique que j'ai lu ce matin, qui dit que, quoi que semble vouloir
dire cette Constitution colombienne, la loi constitutionnelle canadienne a
préséance. Étant donné ce que vous venez de nous dire, est-ce que ce deuxième
paragraphe de votre constitution est... a du sens, ou est-ce que c'est
décoratif?
M. Jolin-Barrette : Bien non,
il y a du sens, parce que toutes les lois de l'Assemblée nationale doivent être
conformes à la constitution. Donc, dans la hiérarchie des normes, vous avez les
lois ordinaires, les lois quasi constitutionnelles, puis là vous avez la
constitution québécoise, qui se retrouve avec un statut constitutionnel, mais
dont les lois québécoises doivent être conformes à la constitution québécoise.
Dans votre exemple, supposons, lorsqu'il y aura une requête, supposons, une
demande devant les tribunaux, supposons, pour faire interpréter un article, si
la Constitution canadienne, elle est invoquée, bien, effectivement, c'est la
Constitution canadienne qui va servir de base.
Cependant, on se retrouve dans beaucoup de
situations où les deux chartes, supposons, Charte des droits et libertés de la
personne du Québec et charte canadienne, sont utilisées... et, souvent, ce sont
des analyses similaires qui sont faites... en fait, c'est une analyse... donc,
on vient distinguer ça. Mais toutes les lois québécoises doivent être conformes
à la constitution du Québec, comme c'était le cas, actuellement, avec la charte
québécoise, où toutes les lois du Québec devaient être conformes à la charte
québécoise. Puis, je vous réitère, la charte québécoise, elle offre plus de
droits que la charte canadienne, notamment que ça vise les rapports entre
particuliers, ce que la charte canadienne... vise juste des rapports entre
l'État et les particuliers.
L'autre élément de la constitution, c'est
qu'on donne des outils à l'État québécois dans le cadre de la fédération
canadienne, sur l'autonomie constitutionnelle, un peu comme la Saskatchewan a
fait avec l'adoption de la Saskatchewan First Act avec le tribunal...
Assessment Tribunal, pour l'équivalent du Conseil constitutionnel qu'on
développe ici pour les initiatives fédérales dans les champs de compétences
québécois ou pour avoir une interprétation de comment va être le droit. Alors,
on se donne des outils, il est vrai, à l'intérieur du cadre constitutionnel
canadien, parce qu'on est à l'intérieur du Canada. Donc, on utilise tous les
outils à notre portée pour renforcer l'autonomie du Québec à l'intérieur du
Canada.
Le Modérateur : Merci.
Valérie Gaudreau, Le Soleil. Puis, juste avant, on va prendre trois
journalistes en français, puis ensuite on passera en anglais pour laisser le
temps à nos collègues anglophones.
Journaliste : Oui, bonjour,
M. le ministre. Vous avez évoqué certaines consultations en amont qui ont mené
aux documents que vous présentez aujourd'hui. Quelle a été la consultation
auprès des Premières Nations et leur contribution, là, au moment où on se
parle?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bien, j'ai eu plusieurs rencontres avec différentes nations.
Journaliste : Toutes les
nations?
M. Jolin-Barrette : Avec
différentes nations, mais notamment avec l'APNQL.
Journaliste : Puis est-ce
que... On a... Vous dites : Il y a des contributions de l'opposition dans
ça. Est-ce qu'il y a des passages, là, qui, pour vous, vous rendent
particulièrement fier d'être un résultat de ces discussions ou de consultations
dans le document présenté aujourd'hui?
M. Jolin-Barrette : Bien oui,
parce qu'on est notamment venu inscrire clairement dans la Loi
constitutionnelle la reconnaissance des 11 nations au Québec, la question
de la reconnaissance de la langue, de la culture des nations autochtones, la
reconnaissance aussi, puis ça, je pense que c'est très important, des droits
existants, des droits ancestraux et des droits issus de traités. Puis, ça, je
pense que c'est fondamental de poursuivre cette reconnaissance-là de nation à
nation, on partage, on cohabite sur le territoire. Puis on a pris en compte les
préoccupations des Premières Nations et des Inuit. Et, cela étant, on va
continuer la discussion avec eux.
Journaliste : Donc, ils
pourraient par exemple faire partie des groupes, des consultations élargies?
M. Jolin-Barrette : Effectivement.
Si tel est leur souhait.
Le Modérateur : Philip
Rodrigue-Comeau, Cogeco.
Journaliste : Bonjour. Sur la
question de protéger le libre choix des femmes d'avoir recours à l'avortement,
ça a été dit dans les dernières semaines, il y avait une inquiétude au sujet de
potentielles brèches, un danger de contestation. Comment ça va s'appliquer?
Puis est-ce qu'il y a véritablement un danger en lien avec cette notion-là qui
est inscrite dans le projet?
M. Jolin-Barrette : Oui. J'ai
beaucoup travaillé sur cet aspect-là parce que, je vais vous dire, je pense que
c'est important de protéger cette liberté de choix là au Québec. On est un des
États les plus avancés sur ce sujet-là, mais il faut être vigilants et il ne
faut pas baisser la garde. Alors, au Québec, c'est un élément important de
l'identité québécoise, le libre choix des femmes de choisir pour elles-mêmes.
Alors, le libellé qu'on a choisi, l'État
protège la liberté des femmes d'avoir recours à l'interruption volontaire de
grossesse. On se met une responsabilité, en tant qu'État, en tant que
gouvernement, de protéger le libre choix. Alors, ça, c'est nouveau. C'est une
voie qui permet justement au Québec, à l'État, d'appuyer les femmes et de dire
que ce sont aux femmes de choisir.
Alors, il y a eu une longue lutte
historique sur ce choix-là, sur ce droit-là, sur cette liberté-là. Il n'en
revient qu'aux femmes. Alors, l'État québécois fait un geste, pose une digue
supplémentaire pour venir protéger cette liberté-là.
Journaliste : Mais est-ce que
ce libellé vous met à l'abri de contestations ou s'il y a quand même cette
possibilité-là qui...
M. Jolin-Barrette : Bien, la
Constitution, c'est un... c'est la loi des lois, comme je l'ai dit, donc c'est
beaucoup plus difficile d'attaquer. Et le libellé que nous avons choisi a été
mûrement réfléchi pour justement prendre en considération ces craintes-là qui
pourraient exister de légiférer sur ce point-là. Mais, moi, je suis confiant et
convaincu qu'avec le libellé que nous avons, ça va nous permettre, en tant
qu'État, en tant que nation, de protéger la liberté de choix des femmes. Puis
je pense qu'au Québec c'est important de venir clairement envoyer un message
que notre Parlement dit : Au Québec, les femmes ont le droit de choisir
pour elles-mêmes, et que ça ne les concerne qu'elles.
Le Modérateur : Merci.
Sébastien Desrosiers, Radio-Canada...
Journaliste : Bonjour, M.
Jolin-Barrette. Toujours sur la question de l'avortement, des groupes avaient
recommandé à votre collègue Martine Biron de ne pas aller de l'avant avec un
projet de loi qui inscrirait ce droit-là dans la législation québécoise. Donc,
quelle a été la nature des consultations que vous avez tenues sur ce sujet-là,
si de telles consultations ont eu lieu?
M. Jolin-Barrette : Oui. J'ai
rencontré beaucoup de groupes de femmes, notamment spécialisées sur ces
questions. J'ai pris en considération leurs commentaires, leurs craintes et
leurs préoccupations. Et c'est pour ça qu'on arrive avec un libellé comme je
vous ai récité tout à l'heure. L'État protège. On n'est pas dans une approche
qui est classique. On est dans une approche étatique où on s'impose à nous, en
tant qu'État, une responsabilité de protéger. Et, ça, c'est un aspect qui va
nous assurer de mettre une digue supplémentaire 15359
pour cette liberté de choix que l'on reconnaît au Québec et que l'on
veut protéger. Alors... puis c'est ça.
Journaliste
: Puis je
reviens sur un élément que vous avez... que vous avez mentionné, c'est-à-dire
qu'il y a beaucoup d'éléments, justement, dans le projet de loi qui proviennent
des idées de l'opposition. Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples de
ces éléments-là?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, notamment que le Québec a le droit à l'autodétermination, le fait que
la Charte des droits et libertés de la personne soit incorporée, le fait qu'il
y ait une reconnaissance des Premières Nations, différents éléments sur
lesquels mes collègues des oppositions m'ont sensibilisé ou m'ont interpelé.
Alors, moi, je pense qu'aujourd'hui on dépose le projet de loi. Je souhaite que
ça ne soit pas partisan, je souhaite que l'ensemble des collègues, on travaille
ensemble pour arriver à donner au Québec une constitution.
Journaliste
: Mais,
juste pour ajouter là-dessus, le fait que ce se soit tenu derrière des portes
closes, ça alimente une certaine méfiance, on le voit cette semaine. Pourquoi
ne pas avoir tenu des assemblées publiques comme vous l'avez fait dans d'autres
cas?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, on va continuer de consulter. D'ailleurs, il y aura des consultations
publiques à l'Assemblée nationale, comme je l'ai dit tantôt à votre collègue.
Le Modérateur
: Merci.
On va passer en anglais, en commençant avec Cathy Senay, CBC.
Journaliste :
Minister Jolin-Barrette, what do you
say to Quebeckers today?
Because we don't hear about their interests, in Québec, in having a Québec
constitution. So, what do you tell them, that this is about their lives? What
do you say to Quebeckers about
the raison d'être of this Québec Constitution?
M.
Jolin-Barrette :
I say to them that's a will for over 200 years. And that's
really important for Quebeckers
to be able to recognize themselves in a constitution that will protect,
strengthen and unite them. We need to protect our values, our identity, our
rights, our distinctive characteristics to strengthen our autonomy, our
institution...
Journaliste :
Yes, but...
M.
Jolin-Barrette : ...and parliamentary
sovereignty, and to unite Quebeckers around the symbol of pride and affirmation.
Journaliste
: Sorry. These are words, these are words. It's not tangible. How it
is tangible to have a Québec constitution for Quebeckers?
M.
Jolin-Barrette : Well, it's really tangible.
You have my bill, right now, here, and with that bill, we will put like the
equality of women and men as a collective right and also as a fundamental
value, and we will put that up, higher than the freedom of religion. We will
not accept anymore in Québec that the person that will require a public service
and that will say: For religious matters, I don't want to be served by a woman
because she's a woman. That's the end of the game. We don't accept that in our
Québec society. We have so much fight for that equality. We will not tolerate
that anymore. So, that's a concrete thing that the Constitution do.
Also, we will protect the
right of «mourir dans la dignité», we will protect French, secularism,
collective rights. It's things that are really concrete. We will protect also
the autonomy of Québec with a bill about autonomy of Québec. So, these are… And
we will protect the right to abortion by putting a responsibility on the
shoulder of the states, because that's clear, in Québec, that we want to be
sure that women will always have their freedom to choose. And, in our society,
there is no discussion about that, but that's really important for the
Parliament of Québec, for our nation to say: The choice of the woman is the
choice of the woman.
Journaliste :
EMSB has challenged Québec's laws,
Bill 96, Bill 21. So, basically, you're saying to EMSB: Don't use
public funds anymore, don't go there. It's a clear message.
M.
Jolin-Barrette :
It's a message to every public institutions. If you want to contest
bill that have been 15359 characterized
as fundamental characteristic of Québec. If you want to contest it, you will
use your own money, and you don't use public money to do that.
Le Modérateur
: Merci. Phil Authier, The Gazette.
Journaliste :
Good day.
M. Jolin-Barrette :
Bonjour.
Journaliste :
I just wanted to go over the clause in
which you talk about the English-speaking community, and you say the objective…
the purpose… that objective is a manner that is respectful of the institutions.
I'm not a lawyer, but «respectful» doesn't sound like a very legally binding
kind of commitment on the part of the government.
M.
Jolin-Barrette :
Well, it's already the same clause that you already have in
fundamental bills as Charte de la langue française, Bill 21 and also bill on…
la Loi sur l'intégration nationale.
Journaliste :
But, if you look at the constitution
that the Québec liberals are proposing, they propose to entrench the rights of
the English-Speaking community to services in English, health and… health and
education services in English. Why wouldn't you word it that way to make it
stronger?
M.
Jolin-Barrette :
Well, it's already in la loi sur la santé et
services sociaux, and it's already in the Bill 101
about that… Bill 96, because I did that when I was Minister of French language.
So, it's already there.
Journaliste :
And I want to ask you about the
lieutenant governor. You… It's… After all of the fuss about the role of the
lieutenant governor in Québec, in Parliament, you simply changed the person's
name from «lieutenant governor» to «officer of Québec», and the person would be
designated. I believe, the Premier already has a say in who is the lieutenant
governor of Québec. He makes… He makes a recommendation… Mr. Legault makes a
recommendation to Ottawa? Does he not?
M.
Jolin-Barrette :
No.
Journaliste :
No? OK.
M.
Jolin-Barrette :
No. So…
Journaliste
: So, what are you… what are you changing? Just… Just changing the
name on that? Is that all you can do? Because to change... to abolish the
monarchy in Québec's Parliament, you'd have to have a constitutional amendment
of all the provinces.
M.
Jolin-Barrette :
That's right. So, that's a complex constitutional modification. You
need 10 provinces if you change the… «la charge» of the king. So, what we
change, it's the vocabulary and call that «officier du Québec». And we add a
new thing, the fact that the Premier will choose him and say it to the federal
government, because it's part of our institution, and that's an example of how
we are managing inside the rules that we have. And our new doctrine of the
Québec government is about that : use each hole to fill it with autonomy.
Journaliste
: But don't you…
M.
Jolin-Barrette : I don't know if I express
myself…
Journaliste :
It doesn't matter. Does the… But the
fact that…
M.
Jolin-Barrette :
Oui, mais…
Des voix : …
Journaliste
: …to have the Premier… to have the Premier…
M.
Jolin-Barrette : I'm thinking about it…
Journaliste :
I'm just kidding. What I mean is that I
understand.
Journaliste
: ...on apprécie beaucoup l'effort.
Des voix : ...
Journaliste
: But don't you need a constitutional… don't you need a
constitutional amendment to designate… to designate the… don't you need a
constitutional amendment to designate the lieutenant governor?
M.
Jolin-Barrette :
Well, we will need to have discussion with federal government, and
we want to develop constitutional convention with the federal government about
that. But, if we don't go... if we don't table that, if we don't go further, it
will not happen. If you want… If you want things that happen, you need to push
it and to activate yourself, as we did with… I give you, for example… You know,
the participation of Québec in the appointment of judges for Superior Court and
Court of Appeal, it was a recommendation of Proulx-Rousseau report, and we
tabled a motion, a resolution here, at the National Assembly. It was the first
time over 30 years. Last one was Pauline Marois with the kindergarten…
Des voix : …
M.
Jolin-Barrette : Sorry. Confessional school
boards.
Journaliste
: Confessional schools.
M.
Jolin-Barrette : Yes, schools. And we met Sean
Fraser, and the Liberal federal government recognized, for the first time, his
obligation to negotiate 15359 first
time. So, in constitutional law, it's really important. Because we had the
leadership to do it, and to table that, and now we are negotiating with the
federal Government. Though... So, before, it was about "le renvoi sur la
sécession", and now the federal Government, as... It was our position.
When the member of the federation, the different State use the playbook, you
need to negotiate by the playbook. And federal government recognize that. So,
that's really a step forward for all the provinces.
Le Modérateur :
Merci. Kelly Greig, CTV.
Journaliste :
Hello. We have the Canadian
constitution. We have the Québec Constitution, if it's passed. Can you explain
where the Canadian would take precedent or the Québec would take precedent?
M.
Jolin-Barrette :
We are in the Canadian federation, so the supreme law is the
Canadian constitution, even we didn't have signed them... signed it, and
didn't... "bien", it has been imposed to the Québec.
So, what is important is
that the Québec Constitution is the bill of the bill, and all the bill that
have... and will be add up here at the National Assembly will have to respect
the Québec Constitution. So, for example, it was already the case with the
Québec Charters of Right and Freedom, which is... which the scope is larger
than the Canadian Charter of Rights. So, that's a bill, the Québec
Constitution, that will be useful for our autonomy, for our distinctive values
and also for our collective rights. So, and it will help when there will be a
case in front of the tribunal to make a clear distinction between the ruling
over the Canadian Charter, or the Québec Charter, or the Québec Constitution.
So, that's a tool inside the Canadian federation to be sure to protect the
autonomy of Québec, as Alberta or Saskatchewan did, and British Columbia, too.
So, that's a tool.
Journaliste :
There's a heavy emphasis on democratic
traditions. But, with the restriction on where the money can come from, in a
constitutional challenge in this case, would that not be considered almost
anti-democratic? Because you're restricting on how an organization can
challenge in the judicial system.
M.
Jolin-Barrette :
Well, we don't make limitation about challenging a bill of the
National Assembly. Each public organization has the right to contest a bill
that has been adopt at the National Assembly. What we only say, and only on few
bills, that National Assembly have been written in it, it's part of the
fundamental characteristic of Québec, they will not be able to use public
money. So, that's a big difference. It doesn't affect "la capacité d'ester
en justice", but it effects how you will spend millions of dollars
contesting bills that are really important for the Québec nation.
Journaliste :
But why do that?
M.
Jolin-Barrette :
Because, as you can see, the "Conseil de la magistrature"
spent over $4 million contesting a bill, it's public money, a bill that have
been adopted by people who are elected by the population of Québec. So, if you
want to contest bills of the National Assembly and you are in a public
organization, take your own money.
Le Modérateur : Merci. Je
vais juste revenir en français rapidement parce que j'avais oublié un collègue.
Rémi Léonard, Le Soleil.
M. Jolin-Barrette : Bonjour.
Journaliste : Je voulais
aussi parler de la transformation du rôle de lieutenant-gouverneur en officier
du Québec. Ça a été répondu en anglais, là, mais peut-être pour
confirmer : Est-ce que c'est... une fois qu'il est nommé par le PM, est-ce
que l'Assemblée nationale doit le confirmer aux deux tiers ou ce n'est pas
nécessaire?
M. Jolin-Barrette : Non. Ce
qu'on a prévu dans la Loi constitutionnelle de 2025, c'est le fait que le
premier ministre va le désigner. Et on change l'appellation, le titre pour
officier du Québec.
Dans le fond, une des recommandations
notamment, c'est les symboles monarchiques aussi, il n'y a pas d'attachement du
Québec envers la monarchie, alors je pense que c'était important de marquer un
pas avec le lieutenant-gouverneur. Et donc, il sera désigné par le premier ministre,
qui va... dont le choix devra être avalisé par le gouverneur en conseil à
Ottawa. Parce que 15359 la réponse de
M. Authier : Ça nécessite une modification de 10 provinces.
Journaliste
: Est-ce
que vous auriez préféré tout simplement l'abolir si ce n'était pas aussi
compliqué?
M. Jolin-Barrette : Bien, le
régime conventionnel dans lequel on évolue requiert 10 provinces, le
consentement de 10 provinces plus les deux chambres de l'assemblée.
Le Modérateur
:
Tommy... Je crois que Tommy Chouinard...
Journaliste : ...un lieutenant-gouverneur
et un officier du Québec.
M. Jolin-Barrette : Non, ça
va juste être un officier du Québec.
Journaliste : Mais le fédéral
va dire quoi? Il va dire non, c'est dans la Constitution.
M. Jolin-Barrette : Non, dans
le fond, le lieutenant-gouverneur devient l'officier du Québec. On a le droit
de définir de quelle façon identifie les titres ici au Québec.
Journaliste : Donc, c'est
symbolique, mais aucun changement technique, M. le ministre. Il doit toujours
sanctifier les lois au nom du Canada, là.
M. Jolin-Barrette : Sanctifier?
Des voix
: Ha, ha, ha!
Journaliste : Dans un État
laïc.
M. Jolin-Barrette : Dans un
État laïc. Oui? Alors, son rôle ne change pas parce que, comme je vous dis, ça
prend une procédure de modification constitutionnelle complexe de
10 provinces avec la Chambre des communes et le Sénat. Mais la nouveauté,
c'est de faire en sorte que le premier ministre désigne le lieutenant-gouverneur
que nous souhaitons à l'Assemblée nationale et donc d'établir une convention
constitutionnelle. Et c'est ce que je disais tout à l'heure, il faut toujours
avancer et prendre la place qui nous revient dans la fédération canadienne avec
le plus d'autonomie possible, puis ça, ça devrait être le premier ministre qui
le désigne. Alors, on se donne les outils pour atteindre.
Journaliste : Mais la
Constitution le prévoit, ça?
M. Jolin-Barrette : Là,
laquelle?
Journaliste : Bien, le fait
que le premier ministre du Québec puisse nommer, ça, c'est inscrit dans la
Constitution ou c'est une interprétation de la Constitution.
M. Jolin-Barrette : Non, non.
Ce qui est écrit, c'est que le premier ministre va désigner le lieutenant-gouverneur.
Journaliste : Dans votre
Constitution.
M. Jolin-Barrette : Dans
notre Constitution.
Journaliste
: Mais,
dans la Constitution canadienne, est-ce que c'est prévu?
M. Jolin-Barrette : C'est le
gouverneur général qui désigne le lieutenant-gouverneur.
Journaliste : Donc?
M. Jolin-Barrette : Donc, on
va établir.
Journaliste : Vous allez...
Vous vous destinez à un affrontement, là?
M. Jolin-Barrette : Non, moi,
je suis beaucoup dans la collaboration puis dans la politique de la main
tendue. D'ailleurs, la démonstration, c'est la résolution constitutionnelle
qu'on a adoptée sur les juges. On est présentement en négociation, puis le
fédéral a reconnu son obligation de négocier, ce qui est majeur en droit
conventionnel pour l'ensemble des États fédérés du Canada. Alors, le gain que
nous avons fait pour le Québec sur cette reconnaissance-là, il est bon pour
l'Alberta, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique, les Maritimes, pour toutes
les provinces.
Le Modérateur
: Tommy
Chouinard, je lui permettre une courte question.
Journaliste : Je fais ça
rapidement. J'ai raté un bout de la conférence de presse, donc j'ignore si le
sujet a été abordé. Les modifications au Code de procédure civile, est-ce qu'il
en été question?
M. Jolin-Barrette : Non.
Journaliste
: Parfait.
Allons-y. Ce que je constate, c'est que, dans votre projet de Constitution, il
est question de modifications au Code de procédure civile...
M. Jolin-Barrette : Entre
autres.
Journaliste
: ...si une
personne décide de contester une loi qui a été adoptée à l'Assemblée nationale,
quelque... un règlement, un décret adopté par le gouvernement, donc là, je ne
parle pas de lois qui disent qu'on protège, là, le... si j'ai bien compris, la
spécificité de ça, là. Mais donc le Code de procédure civile, les modifications
que vous proposez, est-ce que ça confirme l'état du droit ou est-ce que ça
impose pour un magistrat des critères supplémentaires pour accueillir une
demande de sursis, donc une suspension, là, de l'application d'une loi, d'un
décret ou des règlements? Donc, est-ce que ça devient plus difficile donc
d'obtenir ce sursis par rapport à l'état du droit actuel?
M. Jolin-Barrette : Oui. Alors,
la question que vous posez, c'est une bonne question, c'est la modification
avec l'article 79.1 du Code de procédure civile. Dans le fond,
actuellement, le sursis n'était pas prévu dans le code... dans le Code de
procédure civile, dans une... C'était une confection jurisprudentielle donc qui
avait été développée par les tribunaux, notamment sur la question des critères.
Journaliste
: OK.
M. Jolin-Barrette : Alors,
dans une approche de droit civil à l'Assemble nationale, où nos règles de droit
doivent être codifiées et écrites, et non pas dans le cadre d'une approche de
common law, on a fait le choix de venir codifier dans le fond le sursis qui
était utilisé notamment devant la Cour supérieure. Alors, il y a une partie qui
est de codification de la jurisprudence qui existe déjà, et on a amené
certaines précisions aussi sur l'exercice du sursis dans le cadre du Code de
procédure civile.
Journaliste : Dans le but de
faire quoi?
M. Jolin-Barrette : Mais dans
le but de définir très clairement quels sont les critères. Exemple, l'apparence
de droit, l'intérêt... la balance des inconvénients, l'intérêt pour pour agir,
pour faire en sorte que ce soit très clairement une loi qui est adoptée à l'Assemblée
nationale, elle est présumée valide. Quand l'Assemblée nationale se prononce
sur un texte de loi, qu'elle est sanctionnée par éventuellement l'officier du
Québec, mais là, à ce moment-là, l'exercice démocratique s'est réalisé, et le
fait 15359 d'accorder un sursis. C'est
un exercice qui doit être fait avec réserve et déférence, parce que les
représentants élus de la nation québécoise ont voté une loi. Donc, avant de
suspendre une loi, le temps qu'elle... son... la constitutionnalité soit
évaluée, son contrôle constitutionnel, au fond, bien il y a une présomption que
la loi est adoptée dans l'intérêt public, et qu'elle doit s'appliquer le temps
des procédures judiciaires. Puis je pense que c'est important de venir
clarifier ça, et que le législateur indique, dans le Code de procédure civile,
qui est, dans le fond, la procédure devant les tribunaux, comment doivent être
présentées les requêtes, les demandes, et tout ça, qu'on vienne clarifier les
principes.
Journaliste
: Mais
dois-je comprendre que l'obtention d'un sursis devient plus compliquée?
M. Jolin-Barrette : On vient
clarifier les règles pour l'obtention d'un sursis.
Le Modérateur
: Merci,
c'est ce qui... Oui, OK.
Journaliste : ...M. Lévesque,
peu importe, mais qu'est-ce que ça va changer d'étendre... au monde numérique?
M. Jolin-Barrette : Oui,
bien, dans le fond, ça, c'est dans la logique des travaux qui ont été faits par
mon collègue le ministre de la Culture, Mathieu Lacombe. Dans le fond, c'est
les compétences du Québec qui peu importe dans quel tuyau ça passe... si c'est
une compétence du Québec, bien, ça s'étend dans le monde numérique également.
Alors, la doctrine Gérin-Lajoie, c'est nos compétences, le prolongement sur la
scène internationale, dans l'univers numérique aussi. Puis on vient également
donner des outils au Québec pour dire : S'il n'a pas été suffisamment
consulté ou n'a pas participé aux négociations dans le cadre d'un accord
international, le gouvernement se réserve la possibilité de dire : Non, on
ne sera pas lié par l'accord.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup, c'est ce qui...
Journaliste
: Précision
technique : Est-ce que la clause dérogatoire est dans la constitution?
M. Jolin-Barrette : Non.
(Fin à 13 h 07)