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Point de presse de M. Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière d’éducation

Version préliminaire

Cette transcription a été réalisée à l’aide d’un logiciel de reconnaissance vocale. Elle pourrait donc contenir des erreurs.

Tuesday, November 11, 2025, 8 h 15

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement


 

8 h 17 (version non révisée)

(Huit heures dix-huit minutes)

Le Modérateur : Donc, bonjour, tout le monde. Bienvenue à ce point de presse de Québec solidaire. Prendront la parole dans l'ordre, Gabriel Nadeau-Dubois, député de Gouin; Lara Quevillon, psychoéducatrice; Audrey... enseignante; Claudine Blouin, orthophoniste. Merci.

M. Nadeau-Dubois : Merci, Nicolas. Bonjour, tout le monde. D'abord, je veux remercier Audrey, Lara et Claudine d'être ici avec moi ce matin. Une des premières choses que j'ai remarquées, en prenant les responsabilités de l'éducation, c'est à quel point il y a une véritable omerta dans le réseau de l'éducation au Québec, à quel point il y a une culture du silence, et ça prend beaucoup de courage pour venir, en ce mardi matin, parler de ce qui se passe dans les classes du Québec, dénoncer la détérioration du climat à laquelle on assiste dans les écoles du Québec. Ces jours-ci, tout le Québec débat de l'exode présumé de quelques dizaines de médecins, mais, ais pendant ce temps-là, il y a un exode encore plus massif et pas mal plus désastreux pour le Québec, qui a déjà commencé en éducation. Dans nos écoles, le climat se détériore extrêmement rapidement.

Moi, ce que tout le monde me dit sur le terrain depuis la rentrée, c'est qu'on assiste, en ce moment, à la pire des rentrées scolaires depuis des décennies au Québec. La violence est en augmentation rapide. Les gens n'ont jamais vu ça. Il y a un nombre record d'élèves en difficulté qui sont abandonnés. Les coupes de la dernière année ont fait très, très, très mal sur le terrain des écoles. La seule solution à très court terme, la première chose à faire ici et maintenant, c'est d'envoyer des renforts dans nos écoles. C'est ce que je demande à Sonia LeBel ce matin. Il y a une mise à jour économique qui s'en vient. Il faut un réinvestissement d'urgence pour ajouter du monde dans nos écoles, pour prendre soin des enfants, pour embaucher rapidement des professionnels puis des employés de soutien, ça, ça veut dire des techniciens en éducation spécialisée, des psychologues, des orthophonistes, des surveillants, etc.

Je suis soufflé de ce que j'entends depuis... depuis deux mois, depuis que j'ai pris les responsabilités en éducation pour ma formation politique, je suis inondé de commentaires, c'est à se briser le cœur. Et ces histoires-là, ce ne sont pas des anecdotes. Selon la CNESST, les réclamations pour de la violence en milieu scolaire ont augmenté de 77 % en trois ans. Il y a un sondage qui vient de démontrer que c'est plus de la moitié, 52 % du personnel de soutien qui a fait face à de la violence physique directe dans les derniers mois. Il y a 1 300 profs qui ont quitté l'an dernier, ça, c'est une augmentation de 67 % en cinq ans. Et, pendant que tous les voyants sont au rouge comme ça, qu'est-ce qu'on fait? On retire du monde des planchers de nos écoles. Croyez-le ou non, il y a 1 300 postes de TES de moins aujourd'hui, qu'il y en avait en mai dernier dans les écoles du Québec. On s'en va dans un mur et on y va beaucoup plus vite qu'on pense.

Alors, la seule chose à faire, et c'est ce que je demande à la ministre de l'Éducation aujourd'hui, c'est de poser un geste qui ne réglera pas tout, mais qui va, au moins, empêcher un exode massif, et ça, c'est envoyer des renforts sur le terrain. Pour vous parler de ce qui se passe dans les écoles du Québec, je passe la parole à Lara.

Mme Quevillon (Lara) : Bonjour. Je suis Lara Quevillon. Je suis déléguée en Montérégie et je suis psychoéducatrice scolaire. Je travaille dans le monde de l'éducation depuis 25 ans. Honnêtement, un automne comme celui qu'on est en train de vivre, je n'ai jamais vu ça, jamais. Les professionnels de l'éducation ne sont pas remplacés. Ça a un impact direct et concret sur les élèves. Les professionnels de l'éducation, c'est les psychoéducateurs, les psychologues, les orthophonistes, les ergothérapeutes, entre autres, là, ils ne voient plus du tout d'élèves. Dans un centre de services scolaire de la Montérégie, c'est 10 % des effectifs professionnels qui ont été coupés, 10 %, des professionnels qui ne reviendront pas, une perte immense d'expertise pour nos enfants et pour nos familles.

Si je prends un exemple simple, là, lorsqu'il y a un congé de maternité qui n'est pas remplacé, une psychoéducatrice...


 
 

8 h 22 (version non révisée)

Mme Quevillon (Lara) : ...se retrouve avec le double d'écoles à couvrir. Le résultat : elle n'a plus de possibilité d'offrir des services directs aux élèves, elle ne fait que de la répondance, du soutien à distance aux équipes-conseils des écoles, elle ne fait plus d'intervention directe. C'est le service de deuxième ligne qui s'effrite. Et quand les services s'effritent, c'est toute la prévention qui disparaît. Les professionnels n'ont plus le temps de faire du repérage, d'intervenir tôt, et les difficultés se multiplient. Les impacts sur un élève, c'est quoi? Ça veut dire qu'il va y avoir moins de soutien en classe, moins de moyens pour gérer ces comportements. Les plans d'intervention ne seront pas appliqués parce qu'il n'y a pas de personnel pour le faire. Ça va multiplier ces inconduites à l'école, ça va multiplier ces sorties de classe, il va y avoir des retours à la maison plus fréquents parce qu'on va être obligés de les retourner parce qu'il n'y a personne pour s'occuper des élèves, des scolarisations à mi-temps, des familles qui s'épuisent, démunies, qui ne savent pas quoi faire pour aider leurs enfants.

Au bout du compte, on ne respecte pas la Loi de l'instruction publique, qui dit clairement que chaque enfant a droit à une éducation. Bien, aujourd'hui, ce droit, il n'est plus garanti. C'est devenu un cercle vicieux, et les professionnels perdent le sens du travail, sont épuisés, sont à bout de souffle. Ils souhaitent répondre aux besoins, mais ils n'en ont plus les capacités, ils n'ont d'autre choix que de référer les familles au privé en leur disant... les directions d'école disent : On n'a plus... on ne pourra pas offrir de services pour vous cette année. Le privé, c'est hors de prix, ça demande aux parents d'être confrontés à des choix qui sont vraiment déchirants. Alors, oui, il est urgent de réinvestir en éducation, urgent de redonner les moyens aux élèves, aux familles, et de permettre à chacun d'entre eux de réussir.

M. Nadeau-Dubois : Audrey.

Mme Audrey : Mesdames et messieurs les journalistes, bonjour. Je suis enseignante de français au secondaire depuis huit ans, et, dans les écoles où j'ai enseigné, on me connaît sous le nom de Mme Audrey. Je ne suis pas ici pour débattre de chiffres, mais pour vous parler de la réalité humaine de nos classes. La réalité de mes élèves, la réalité de mes collègues. Je vous parle de ma réalité. Ce qui se passe, dans ma classe, c'est que je ne suis même pas capable d'enseigner la simple règle sur la virgule. Pas parce que c'est une règle, une matière qui est complexe à apprendre, ni parce que je n'ai pas les compétences pour le faire mais parce que le climat d'apprentissage dans nos classes est devenu malsain. Parce que les besoins criants de nos élèves prennent toute la place dans la classe. Chaque jour, nous faisons face à une complexité pédagogique grandissante. Mes collègues et moi, nous ouvrons la porte de nos classes à des élèves qui ont des besoins disparates et profonds. Cette composition de classe devenue ordinaire met en péril la disponibilité aux apprentissages des élèves et le sentiment de sécurité de tous.

Nous, les enseignants, nous sommes formés et motivés à enseigner, mais nous sommes devenus des pompiers, des premiers répondants, constamment sur le qui-vive devant intervenir d'urgence parce que les quelques élèves ayant un trouble du comportement se sont regardés croche et en sont venus aux coups pendant que je rassurais une élève anxieuse.

Et, après ça, moi, je dois enseigner mon cours sur la virgule? Vous comprendrez qu'après avoir été témoin d'actes de violence mes élèves ne sont plus disponibles aux apprentissages, et moi non plus. Nous avons un besoin criant de TES et de professionnels dont le rôle est de stabiliser ces situations et de fournir un soutien ciblé essentiel au développement et à l'épanouissement des élèves.

Et c'est ici que l'effet domino des coupes budgétaires devient une catastrophe, parce que lorsqu'un enfant a besoin de services, une évaluation ou un soutien psychosocial, et qu'il n'y a pas accès, comme il n'y a pas de professionnel disponible, ou bien le quota d'évaluation est atteint pour l'année, on se dit : Bon, ça attendra l'année prochaine au prochain budget. Et puis comme ça, pouf!, la demande de service disparaît. Mais le besoin de l'élève, lui, il est encore là. Le besoin de l'élève, même, lui, il s'amplifie, et c'est comme ça que ça devient un problème, un cercle vicieux. L'élève passe à l'année suivante, non pas avec un retard ou un défi comme l'année d'avant, mais avec une difficulté aggravée qui affecte ses résultats, qui affecte son estime de soi, qui affecte son comportement, qui affecte son bien-être, finalement.

L'enseignante qui aura gagné à la loterie des services complémentaires aura peut-être la chance de recevoir de l'aide dans le groupe de cet élève. Ça voudrait dire que ces groupes sont en grande difficulté, je dirais même en très grande difficulté, étant donné qu'un groupe à 30 % d'élèves en échec n'est pas considéré encore assez en difficulté pour bénéficier...


 
 

8 h 27 (version non révisée)

Mme Audrey : ...services. Dire qu'il y a à peine huit ans, quand je sortais des bancs de l'université, c'était moi, la jeune enseignante qui était engagée comme ressource pour soutenir les apprentissages des élèves en difficulté. Il y avait peut-être trois à cinq élèves maximum par classe que j'allais aider. Aujourd'hui, les besoins sont tellement nombreux et tous les groupes ayant une... et tous les groupes ont tellement de besoins différents qu'une classe à huit élèves en échec n'est pas encore assez en difficulté pour recevoir du soutien pédagogique. C'est donc dire qu'on est rendu à la dizaine et même à la douzaine d'élèves en difficulté par classe, par classe, ça. Et après ça, moi, je dois enseigner mon cours sur la virgule.

Le seuil de service donné aux écoles ne répond même pas au seuil minimum des besoins urgents, parce que des difficultés scolaires ou comportementales amplifiées d'année en année dans nos écoles primaires, bien, ça donne des élèves qui entrent dans la classe ordinaire au secondaire alors que leurs besoins sont extraordinaires. Ce qu'on voit, ce sont des jeunes en grande difficulté qui devraient être classés et soutenus en adaptation scolaire, mais qui restent coincés dans la classe ordinaire, faute d'évaluation professionnelle disponible entre autres. Quand une quinzaine d'élèves d'adaptation scolaire sont répartis dans 10 groupes d'élèves du régulier qui, eux aussi, en passant, ont leurs propres besoins, mais ça donne un environnement qui est incompatible à l'enseignement et à l'apprentissage.

Mme Blouin (Claudine) : Bonjour, je m'appelle Claudine Blouin, je suis orthophoniste scolaire et je représente les professionnels de l'éducation de la région de Québec, donc orthophonistes, conseillers en orientation, conseillers pédagogiques, bibliothécaires, animateurs de vie... d'engagement communautaire. Donc, on est plusieurs professionnels.

Les abolissant de postes, les réductions de tâches, les non-remplacements des professionnels ont des conséquences réelles dans nos écoles. Ces décisions, ça touche directement les élèves, leurs parents puis les équipes-écoles.

Prenons un exemple concret. Dans un centre de services de la région de Québec, le temps en orthophonie a été réduit de 25 % cette année pour... dans les classes d'adaptation pour élèves présentant un trouble du spectre de l'autisme. Bien, 25 %, là, c'est 11 heures d'orthophonie par élève de cette classe-là. Aïe! on en fait des affaires en 11 heures. En 11 heures, là, je peux donner plusieurs heures en soins directs à enfant en thérapie, dans sa classe, dans la cour de récré, dans mon bureau, je peux rencontrer les parents et, surtout, je peux travailler avec l'équipe-école pour les outiller pour mieux intervenir sur le plan de la communication.

En orthophonie, on montre aux élèves à saluer, à comprendre les consignes, à poser des questions, à y répondre, à exprimer leurs besoins puis leur inconfort. Quand un élève n'arrive pas à dire qu'il a mal au ventre ou qu'il y a trop de bruit, il n'est pas disponible aux apprentissages puis il risque de se désorganiser. Un élève qui se désorganise, c'est un élève qui peut devenir violent, c'est un élève qui peut agresser les autres. Ça fait un milieu de classe qui n'est pas intéressant. Et souvent on en arrive avec une diminution des heures de fréquentation scolaire. Ce n'est pas ça qu'on veut.

La communication, c'est essentiel. Quand on coupe en orthophonie, on coupe la capacité même de ces enfants à s'exprimer puis à s'intégrer, on coupe dans leur avenir.

Un autre exemple. Un élève à fort risque, un petit jeune de sept ans à fort risque de violence a dû changer d'école à la suite d'un déménagement. Là, ce qui est arrivé dans sa nouvelle école, il s'est désorganisé. Dans sa désorganisation, il a agressé deux enfants de la classe, et ça, devant des dizaines d'autres élèves. Cet enfant-là a été suspendu une semaine puis il était retourné à son ancienne école. Tout ça aurait pu être évité si on avait eu des professionnels, si on avait une psychoéducatrice, une psychologue qui avait été là pour connaître les besoins antérieurs, qui étaient très bien documentés, parce que cet enfant-là s'était apaisé dans l'autre milieu, et si cette professionnelle-là avait pu rencontrer tous les intervenants du milieu. Mais les autres intervenants, là, ils sont débordés. On n'a plus le temps de leur parler. Parler à un éducateur du service de garde pour y parler de prévention, des gestes à poser, c'est de plus en plus difficile. Puis ça, mais ça abouti avec des déscolarisations, des arrêts de scolarisation.

Pour moi, un élève du... un élève qui est déscolarisé, c'est un échec du système scolaire. Quand un enfant du préscolaire ou du premier cycle du primaire et... se désorganise puis qu'il est mis à la porte de l'école ou qui est suspendu, ce n'est pas parce qu'il veut pu apprendre, c'est parce qu'on n'a pas été capables de comprendre ses besoins qu'il dit offrir le soutien dont il a besoin. Pour moi, un élève déscolarisé, c'est un échec, puis c'est la preuve et c'est la conséquence d'un manque de ressources professionnelles et de...


 
 

8 h 32 (version non révisée)

Mme Blouin (Claudine) : ...de soutien pour permettre l'inclusion de... Merci.

Le Modérateur : Nous allons maintenant passer à la période de questions. Je demanderai aux journalistes d'adresser leurs questions puis de rester sur le sujet du point de presse. Merci.

Journaliste : Bonjour, Caroline Plante, de LaPresse canadienne. Il y a quelques semaines, Mme LeBel a levé le plafond d'embauche dans les écoles, ça n'a pas donné de résultats.

M. Nadeau-Dubois : Ce que les centres de services nous disent, là, c'est que les annonces récentes de Mme LeBbel, ça va peut-être représenter, si on trouve ces gens-là, 1 400 embauches à la grandeur du Québec. Il y a 2 400 écoles primaires et secondaires. Faites le calcul. Est-ce que c'est suffisant pour mettre fin à la crise qu'on voit en ce moment en éducation? La réponse, c'est non, puis ça, c'est si on trouve ces gens-là, parce que la vérité, c'est que l'improvisation, la désorganisation totale provoquée par le yoyo. Drainville-LeBel en fait en sorte qu'il y a bien des gens dont on parle aujourd'hui, des orthophonistes, des TES qui sont partis travailler dans d'autres milieux et qui... et on les cherche aujourd'hui quand on cherche à les réembaucher.

L'autre enjeu, puis ça, les centres de services vont vous le dire, là, c'est que, oui, il y a eu la levée du plafond d'embauche, mais les budgets, ils restent encore trop limités. Malgré la... malgré les assouplissements de la ministre, il y a bien des centres de services, là, qui n'ont plus les moyens d'embaucher du monde supplémentaire, je le réitérais là, et ça, la source est facile, c'est le tableau de bord. Il y a 1 350 postes de TES de moins dans le réseau aujourd'hui qu'au mois de mai.

Donc, je veux dire, on ne peut pas faire plus avec moins, ce n'est pas vrai, il faut rajouter du monde dans les classes, puis moi je ne comprends pas que la situation tragique de l'école publique ne soit pas davantage discutée. Ça devrait nous occuper à temps plein ici à l'Assemblée nationale. C'est... Vous ne pouvez même pas imaginer les histoires qu'on reçoit des enfants handicapés dans les Laurentides qui passent deux ou trois heures dans leurs besoins parce qu'il y a plus de staff pour changer ces enfants-là. Une polyvalente à Victoriaville où il y a deux surveillants pour 1 200 élèves, ça se peut qu'il y ait une bataille s'il y a deux surveillants pour 1 200 élèves. Dans l'Est-du-Québec, on m'a raconté, un psychologue pour neuf écoles. Qu'est-ce qui arrive s'il y a un jeune qui a une pensée suicidaire?

Je veux dire, c'est ça, la réalité de l'école publique au Québec suite aux coupures caquistes et aux coupures libérales. Il faut arrêter de penser qu'on peut faire plus avec moins. Il faut envoyer des renforts maintenant.

Journaliste : Puis sur, en général, le climat malsain dans les classes, la violence qu'on voit dans les écoles, il y a plusieurs intervenants quand même, dont la ministre LeBel, qui disent que c'est un problème de société, c'est la responsabilité de la communauté. Par quel bout on prend ça quand c'est un problème qui est si large?

M. Nadeau-Dubois : Il ne fait aucun doute dans mon esprit, là, que l'augmentation de la violence dans les écoles, c'est un problème de société puis on a comme société québécoise des grosses questions à se poser parce que les jeunes, ils ne naissent pas violents. S'ils finissent par poser des gestes de violence, c'est parce qu'il se passe quelque chose à la maison ou dans la société, ou à l'école, qui fait en sorte qu'ils ont des gestes violents. Alors, bien sûr qu'il faut se poser des questions qui sont graves puis qui sont fondamentales. Mais si on n'est même plus capables de faire de prévention dans les écoles, là, ces belles réflexions de société, elles ne serviront à rien.

J'ai rencontré une TES l'autre fois, de 25 ans d'expérience, qui me disait : Gabriel, à mon époque, on en faisait de la prévention. Aujourd'hui, la prévention, ça existe plus. Audrey disait la même chose. À cette heure, les professionnels et les profs, ils éteignent les feux. Alors c'est beau le vouvoiement, c'est très bien l'interdiction du cellulaire, mais tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas du monde en chair et en os dans les écoles pour s'occuper des jeunes, là, puis faire de la prévention, il n'y a rien qui va se régler. Alors, personne ce matin, surtout pas moi, a la prétention d'avoir une solution miracle qui va tout régler. Mais il y a un incontournable, il faut du monde dans les écoles pour s'occuper des enfants.

Journaliste : Ce n'est peut-être pas vous qui allez être capable de me répondre, M. Gabriel Nadeau-Dubois, peut-être plus les enseignantes. Vous avez dit, je veux juste être sûr, 77... 77 % d'augmentation de cas de violence. C'est bien ça?

M. Nadeau-Dubois : Mais non, ça, c'est les réclamations pour violences en violences en milieu scolaire.

Journaliste : À la CNESST.

M. Nadeau-Dubois : Les réclamations acceptées, acceptées par la CNESST, 77 % en trois ans.  

Journaliste : Est-ce qu'on peut me donner un cas type dans une école? Ça arrive une fois, deux fois, une fois par mois, une fois par deux mois, tous les jours.

Mme Audrey : Dépendamment du type de classe dans laquelle on peut enseigner, ça peut aller de plusieurs fois par jour, à plusieurs fois par semaine, à plusieurs fois par mois. Ça peut aller des élèves d'âge préscolaire jusqu'à l'adolescence...


 
 

8 h 37 (version non révisée)

Mme Audrey : ...les enseignants sont toujours sur le qui-vive, non seulement pour se protéger eux-mêmes, mais pour protéger les autres élèves de la classe.

Journaliste : ...un exemple précis, là, de cas qui peut arriver, là? C'est crier des gros mots ou si c'est lancer un dictionnaire?

Mme Quevillon (Lara) : Bien, il y a toutes sortes de violences, il y a de la violence physique, de la violence verbale. En classe de déficience intellectuelle moyenne à lourde, des enfants qui frappent, qui peuvent se désorganiser, mordre. Il y a des intervenants qui se font casser le nez. Il y a un manque de formation à cause de ça, parce que ça demande des formations, on n'a pas le temps de les faire, on est au travail tout le temps, ça fait que... Ensuite de ça, bien, des élèves avec des difficultés familiales, qui arrivent à l'école déjà chargés, avec des émotions dans le tapis, qui vont envoyer promener même la... ils arrivent en retard, tu sais, la dame qui les accueille à l'administration : Ce n'est pas tes affaires, va... puis là, on entend toutes sortes de choses.

Journaliste : ...

Mme Quevillon (Lara) : Tous les jours.

Journaliste : Dans chaque classe?

Mme Quevillon (Lara) : Tous les jours. Mon bureau est à côté de l'administration. Je travaille dans une école secondaire, c'est chaque jour, à n'importe quel moment de la journée, avec n'importe quel adulte.

Journaliste : Puis vous n'avez pas personne pour intervenir?

Mme Quevillon (Lara) : Il n'y a pas beaucoup de monde pour intervenir.

Des voix : ...

Mme Blouin (Claudine) : Moi, je travaille surtout auprès de la population des tout-petits, des tout-petits qui ont des troubles de langage. Bien, c'est sûr que, quand on n'est pas capable d'exprimer qu'on ne va pas bien, qu'on n'a pas mangé, bien, ce n'est pas long que les coups partent. Puis cette violence-là, elle n'est pas connue de la CNESST parce qu'elle ne se rend pour en accident de travail. Un petit de quatre ans, là, qui pousse, un petit de quatre ans qui tire mes cheveux, qui me bouscule, qui me donne un coup de coude, qui me lance un jouet, on va faire une déclaration locale, mais on ne fera pas nécessairement une déclaration à la CNESST, on n'est pas blessé, on n'est pas en accident.

Tout ça, on en a. Il y a des années qu'il y en a plus que moins, il y a des classes dans lesquelles on en a plus que moins, mais c'est certain qu'on travaille chez les tout-petits du préscolaire, nos maternelles quatre ans, nos maternelles cinq ans, qu'on travaille en adaptation avec des élèves du trouble du spectre de l'autisme qui sont non-verbaux. Bien, on en a quotidiennement, des désorganisations, qui ne sont pas toujours de la violence physique, mais on a ce mal d'être, ce mal... cette incapacité-là à exprimer nos besoins puis l'incapacité à y répondre aussi. Tu sais, un enfant qui a juste besoin... qu'il y a trop de bruit, qu'il y a trop de monde, que tout le monde, il parle autour, là... Un enfant qui a un trouble de langage, là, plus on lui parle, plus on le désorganise. Mais tout ce qu'il veut, c'est avoir de la place pour décanter. S'il n'y a personne qui comprend ce besoin-là, qui est capable de lui offrir un petit coin pour qu'il décompense, qu'il se relaxe puis... après ça, on pourra revenir, nous, avec des dessins, avec des pictos, mais on... Ils ont besoin de cet espace-là, puis il y a surtout besoin que quelqu'un comprenne qu'est-ce qui a déclenché la désorganisation.

Puis, dans la vie d'une enseignante, ça va tellement vite que, souvent, ils n'ont pas le temps. C'est là que, nous, comme ressource professionnelle, on doit être en classe pour voir qu'est-ce qui s'est passé qui a déclenché cette violence-là, puis comment, demain, je vais travailler avec cet enfant-là pour que ça ne réarrive plus... bien, ça va être d'autres choses, mais c'est vraiment là qu'il faut être présente.

L'enseignante, elle va enseigner, elle va les voir, les choses, mais pour comprendre toujours qu'est-ce qui s'est passé, toutes les micro-étapes qui nous ont amenés à cette désorganisation-là, ça prend des ressources, puis ça ne prend pas une ressource... ça ne prend pas une orthophoniste qui passe une journée par semaine dans une école, ça prend une orthophoniste qui est présente à temps plein dans l'école et qui est dans les maternelles, qui est dans les groupes spécialisés, pour voir comment ça se passe, pour avoir un climat de confiance avec l'équipe-école aussi. Ça, on n'y arrive pas, hein? Tu sais, tantôt, on parlait de rajouter des ressources. Bien, si on rajoute une ressource en orthophonie puis qu'on l'éparpille dans neuf écoles, bien, elle ne pourra jamais offrir ce soutien-là parce qu'elle ne sera jamais là au moment des crises puis des désorganisations.

Journaliste : Maintenant qu'on a nommé la chose avec émotion...

M. Nadeau-Dubois : ...un ajout, là. Il faut savoir que, par exemple, les ratios enseignant-élèves dans les écoles sont encadrés par les conventions collectives. Dans le cas des professionnels du personnel de soutien, il n'y a pas de ratio. Qu'est-ce que ça veut dire, ça? Ça veut dire que... Moi, par exemple, on m'a contacté cette semaine, une jeune femme qui s'appelle Anne-Marie, qui est TES dans une école de Montérégie. Elle est seule pour 350 élèves, seule pour 350 élèves. Comment voulez-vous faire de la prévention de la violence si vous êtes seuls pour 350 élèves? C'est impossible.   Qu'est-ce que font ces gens-là? Bien, leur gros possible, puis, souvent, ça veut dire courir d'une crise à l'autre. Et c'est pour ça que, oui, dans les écoles du Québec, à chaque semaine, il y a des débordements, il y a des crises, il y a de la violence, parce qu'on n'est plus capable de prévenir.

Journaliste : ...coûte combien puis ça prend combien de monde, M. Nadeau-Dubois?

M. Nadeau-Dubois : Bien, moi, ce que je demande à la ministre, d'abord, là, c'est de se battre, qui est de rappeler au premier ministre ses propres priorités. M. Legault nous a fait croire ici pendant des années que l'éducation, c'était la priorité de toutes ses priorités. Il a l'air de l'avoir oublié. Donc, moi, je demande à Mme LeBel de rappeler au premier ministre les racines de son propre engagement politique.

Il y a une mise à jour économique qui s'en vient. Il faut des sommes d'urgence pour envoyer du monde dans les écoles.

Journaliste : Bonjour à vous tous. Quand vous parlez de ces sommes d'urgence là, ce serait pour ramener les 1350 TS qui sont partis ou il en faut encore...


 
 

8 h 42 (version non révisée)

Journaliste : ...davantage.

M. Nadeau-Dubois : Ce qu'il faut, c'est des embauches d'urgence en personnel professionnel, donc, ça, c'est orthopédagogues, orthophonistes, psychoéducatrices, les gens... tous les gens dont on a parlé aujourd'hui, et en personnel de soutien, donc ça, c'est surveillants, surveillantes, c'est techniciennes en éducation spécialisée pour, oui, réembaucher tous les gens qui ont été coupés lors des coupures de M. Drainville et aussi amener plus de renforts. Je veux dire, c'est la pire rentrée depuis des décennies. Je veux dire, il se prépare, dans nos écoles, une situation, une... une situation de crise extrêmement inquiétante. Il faut des sommes, dès la mise à jour économique, pour envoyer des renforts. Penser qu'on va calmer la détérioration du climat dans les classes avec le vouvoiement puis l'interdiction des téléphones, c'est se raconter des histoires, c'est impossible, ça n'arrivera jamais.

J'ai rencontré une TES au... qui me disait : Moi, Gabriel, quand j'ai commencé ma carrière, là, on voyait les jeunes sortir du... de l'autobus scolaire le matin puis, tu sais, on les connaît, ça fait qu'on les regardait, puis on les reconnaissait tout de suite, là, les petits gars puis les petites filles qui allaient faire du trouble. Ça fait que, qu'est ce qu'on faisait? Bien, avant que la classe commence, on disait : Hé! viens, donc, deux minutes dans mon bureau. Puis on leur parlait un peu, puis on les calmait. Puis c'était ça, de la prévention. Ça a l'air d'être un gros mot, hein, mais c'est juste ça, c'est avoir le temps, avant que la classe commence, de prendre la petite... la petite Stéphanie ou le petit Kevin puis prendre trois, quatre minutes avec pour le calmer puis qu'après il soit fonctionnel dans sa classe. Si vous êtes une TES pour 350 élèves, avez-vous le temps de faire ça? Bien sûr que non.

Journaliste : Ma prochaine question pour Mme Audrey. Vous l'avez dit, ça fait huit ans que vous êtes enseignante...

Mme Audrey : Oui.

Journaliste : ...vous pensez être capable d'en faire combien d'autres années dans cette situation-là? Il vous reste combien de temps?

Mme Audrey : C'est une excellente question que je me pose presque quotidiennement, autant moi que mes collègues dans la salle des enseignants. Et c'est exactement ce qui ressortait, pas plus tard que hier, sur l'heure du dîner : Pendant combien de temps on va être capable de faire ça? Parce que les profs qui sont encore dans les écoles en ce moment, c'est des profs qui sont passionnés, qui sont là pour les bonnes raisons. C'est des profs qui ont accepté de se former, qui ont accepté de se développer pour répondre aux besoins particuliers des élèves. Et, malgré ça, c'est des profs qui quittent. Pour être bien franche avec vous, je pense que la minute où je vais négliger ma propre famille pour élever les enfants des autres, ce sera mon point final pour moi.

Journaliste : Et ça prend un message donc assez fort du gouvernement avec un renfort d'urgence, sinon...

Mme Audrey : Un renfort d'urgence pour nous venir en aide, parce que les enseignants compétents qui sont là pour les bonnes raisons, qui sont là à la bonne place pour les élèves, s'ils quittent, c'est une immense perte d'expertise. En ce moment, j'ai une stagiaire qui termine son bac et vraiment, là, c'est une future enseignante très compétente déjà, elle est... Je suis déjà en train de préparer son insertion professionnelle. Et ce que je fais en ce moment, ce n'est pas tellement : On finit tes évaluations d'université. Je la coache pour qu'elle puisse essayer de perdurer dans le temps. Parce que mon inquiétude que j'ai, là, envers ma stagiaire en ce moment, ce n'est pas si elle va être une bonne prof, je le sais qu'elle va être une bonne prof puis qu'elle est à la bonne place, c'est : Est-ce que c'est une bonne prof qui va être capable de durer dans le temps, dans sa carrière? Parce que 35 ans en enseignement, là, ça use. Merci.

Journaliste : C'est quoi, la responsabilité des syndicats dans tout ça, M. Gabriel Nadeau-Dubois?

M. Nadeau-Dubois : Dans quoi spécifiquement?

Journaliste : Est-ce qu'ils ont une responsabilité de faire en sorte de peut-être mieux affecter les effectifs, et tout ça?

M. Nadeau-Dubois : Mais, moi, ce que je vois sur le terrain, c'est des travailleuses, des travailleurs qui... qui, au détriment de leur propre santé mentale et physique, essaient d'être à la hauteur de la situation. Mais quand quelqu'un dans votre équipe de travail tombe en congé de maladie puis qu'il n'est pas remplacé parce qu'il ne reste plus d'argent, les gens n'arrivent plus. Puis moi, les représentants puis les représentantes de ces travailleurs, travailleuses là, je les vois travailler, puis la seule chose qu'ils essaient de faire... en ce moment, ce qu'ils demandent là, comprenez-moi bien, là, ce n'est même pas tant d'augmenter les salaires, hein, ils ne veulent pas plus d'argent, ils veulent des renforts, ils veulent des collègues. Ils veulent que, quand leurs collègues de travail tombent en congé de maternité ou en congé de maladie, qu'ils soient remplacés. Parce qu'en ce moment, à cause des décisions de M. M. Drainville puis de Mme LeBel, là, ce monde-là ne sont même plus remplacés sur le terrain.

Vous imaginez vous ça, des congés de maternité pas remplacés dans un réseau où c'est 80 % des femmes? Je veux dire, ça ne prend pas un diplôme en astrophysique pour comprendre que ça ne peut pas fonctionner, un réseau à 80 % de femmes, si on ne remplace pas les congés de maternité, et c'est ce qui se passe. Même chose pour les congés de maladie. Des histoires, là, j'en ai des centaines à vous raconter comme ça, c'est tous les jours, je suis inondé.

Journaliste : Merci beaucoup...


 
 

8 h 47 (version non révisée)

M. Nadeau-Dubois : ...Merci beaucoup, tout le monde!

(Fin à 8 h 46)


 
 

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