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Point de presse de M. Amir Khadir, député de Mercier

Version finale

Wednesday, March 27, 2013, 13 h 30

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Treize heures trente-cinq minutes)

M. Khadir: Bonjour, tout le monde. Nous sommes en consultation publique actuellement, à l'Assemblée nationale, sur un nouveau projet de loi, le projet de loi n° 22, présenté par le ministre de la Justice, sur toute la politique d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Cette consultation nous a permis de constater que ce nouveau projet de loi fait l'unanimité, l'unanimité dans deux sens.
D'abord, tout le monde reconnaît qu'il y a un geste qui doit être salué. Il y a quelques avancées qui sont importantes et qu'il faut saluer. Cependant, tout le monde semble dire également que ce n'est pas la réforme attendue, que ça devrait être beaucoup plus... le projet de loi devrait aller plus loin et de rencontrer des demandes importantes qui sont faites par les groupes et les individus qui sont touchés par les actes criminels et qui se sont penchés sur ces situations depuis de nombreuses années.
Alors, je voudrais remercier pour leur présence, Mme Karine Tremblay, porte-parole du Regroupement québécois des centres d'aide de lutte contre les agressions à caractère sexuel, donc le Regroupement québécois des CALACS, et Mme Marie-Josée Béliveau, qui elle-même est venue aujourd'hui témoigner à titre individuel de l'agression qu'elle a subie et comment, comme victime, elle envisage ce nouveau projet de loi.

Mme Tremblay (Karine): Merci. Merci de l'invitation, ça nous donne l'occasion, au regroupement des CALACS, de parler d'un sujet qui touche bon nombre de victimes d'agression sexuelle: ce régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels ou IVAC.
Donc, comme M. Khadir l'a dit, on s'entend aussi pour dire que l'IVAC nécessite une grande réforme en profondeur. Il n'y en a eu aucune depuis sa mise sur pied en 1972, et même le ministre de la Justice, M. St-Arnaud l'a lui-même admis en commission parlementaire qu'une réforme était nécessaire, et nous saluons cette reconnaissance.
Pour le moment, le projet de loi n° 22 vise seulement à corriger certaines lacunes du régime, mais en laisse plusieurs telles quelles. Par exemple, la liste des crimes admissibles à l'IVAC n'a pas changé et elle a pourtant besoin d'une importante mise à jour. Il faudrait y ajouter, entre autres, les actes criminels en lien avec la prostitution, comme le proxénétisme, et les autres formes de violence sexuelle, comme l'exhibitionnisme par exemple.
Cependant, pour le Regroupement québécois des CALACS et surtout pour les victimes d'agression sexuelle et d'inceste avec qui nous travaillons, le délai de réclamation est notre plus importante préoccupation. Il s'agit du principal motif de rejet des demandes d'indemnisation à l'IVAC. Il s'agit trop souvent aussi d'un obstacle pour les victimes d'agression sexuelle qui veulent faire une réclamation parce qu'il peut être difficile pour les victimes de faire le lien entre les conséquences vécues et le crime subi.
Parmi les femmes que nous rencontrons dans les CALACS, il y en a trois sur quatre pour qui les agressions sexuelles ont eu lieu dans l'enfance ou dans l'adolescence; des agressions, pour le tiers de ces femmes-là, se sont échelonnées sur des périodes de deux ans ou plus, et près de la moitié d'entre elles ont attendu 13 ans ou plus avant même de demander de l'aide dans un CALACS.
Lorsqu'un souvenir douloureux et traumatisant remonte à la surface, les victimes ne sont pas forcément en état de remplir un formulaire, surtout si l'élément déclencheur est une nouvelle agression, parce qu'il y a beaucoup de revictimisation en matière de violence sexuelle aussi. De plus, les conséquences de la violence peuvent apparaître graduellement et même s'aggraver au fil du temps.
Donc, le retard à déposer une demande à l'IVAC ne devrait jamais empêcher une victime d'agression sexuelle ou d'inceste d'avoir accès à une indemnisation. Certes, le délai peut être renversé, mais c'est aux victimes de prouver qu'elles ne pouvaient pas agir auparavant, et ça peut être très décourageant pour elles. Certaines vont même renoncer à déposer une demande parce qu'elles la savent expirée et ne veulent pas se justifier face au régime d'indemnisation.
Bien sûr, le projet de loi propose de prolonger le délai de un à deux ans. C'est quand même un bon premier pas, mais ce n'est pas suffisant, en particulier pour les victimes d'agression sexuelle et d'inceste. Pour elles, nous avons demandé l'abolition du délai de réclamation hier en commission parlementaire et nous espérons avoir été entendues pour obtenir ce changement en attendant une véritable réforme de l'IVAC. Merci.

Mme Béliveau (Marie-Josée): Donc, bonjour. Marie-Josée Béliveau. Je remercie, moi aussi, fortement Québec solidaire, Amir Khadir, de m'avoir invitée, en fait, ici, à témoigner de ce que les victimes vivent en fait à la suite d'un crime à caractère sexuel. Dans mon cas, bon, j'ai vécu des crimes à caractère sexuel entre l'âge de 13 ans et 19 ans, que j'ai mis ensuite de côté, parce qu'il faut qu'on survive, il faut qu'on fasse notre vie, il faut qu'on aille à l'école, il faut qu'on se batte pour différentes choses. Moi, je me suis retrouvée dans une situation, par exemple, j'ai été à la rue à la suite des crimes que j'ai subis, alors que j'étais au cégep. Bon. On peut s'imaginer un peu les drames que je pouvais vivre et que vivent, en général, les victimes dans des situations comme ça.
Et donc j'ai poursuivi ma vie et, plusieurs années plus tard, j'ai vécu de nouveau un crime à caractère sexuel alors que j'étais coopérante à l'étranger. Et, à la suite de ce crime-là, où j'ai été séquestrée et violée, j'ai eu un choc post-traumatique. Je ne le savais pas, on ne sait pas nécessairement quand ça arrive qu'on vit un choc post-traumatique parce qu'on ne connaît pas ça. On sait juste qu'on va très, très mal, qu'on a des séquelles psychologiques, physiques, mais on ne sait pas d'où viennent ces séquelles-là, on sait juste qu'on ne va pas bien.
Et, à la suite de ça, j'ai entrepris des démarches pour essayer de me soigner, et c'est en faisant ces démarches-là que, petit à petit, comme sur un chemin où on ramasse les cailloux, au fil et à mesure qu'on avance, j'ai fait certains liens. À partir du moment où j'ai fait le lien entre les effets de l'abus sexuel dans ma vie et ma condition, ça m'a pris 10 mois. Malgré tout, quand j'ai fait une demande à l'indemnisation pour les victimes d'actes criminels, on m'a répondu que cette demande-là avait été faite trop tard, parce que j'aurais dû être en mesure de faire les liens de cause à effet avant parce que j'avais consulté avant un psychologue ou des personnes qui auraient pu m'aider à faire ces liens-là.
Mais je vais vous dire, ce n'est pas parce qu'on ouvre la porte d'un psychologue pour entrer dans son bureau qu'on fait des liens de cause à effet. Ça vient beaucoup plus graduellement que ça et c'est des choses aussi qui ressurgissent petit à petit, et que chaque obstacle à ces souvenirs-là de remonter font en sorte qu'on va se refermer dans notre coquille puis après on ne voudra pas parler parce que la société nous empêche de parler. Il y a plusieurs conditions qui nous ont empêché de parler. Ça peut être notre famille, ça peut être différentes choses.
Donc, moi, on me refusait à l'IVAC sur la base que j'avais fait ma demande hors délai. Ensuite, concernant... Ça, c'était pour les agressions que j'ai vécues à l'adolescence, mais concernant le viol que j'ai subi à l'étranger, on me... bien, on ne m'a pas refusé, mais, en fait, il n'y a aucun recours pour les victimes qui vivent des crimes à caractère sexuel à l'étranger, parce qu'il y a un fonds d'aide aux victimes qui existe au niveau fédéral, mais il faut avoir fait une démarche de dénonciation dans le pays où on a subi le crime, le préjudice, et, quand on a un crime à caractère sexuel, quand on est dans un pays étranger, qu'on a un choc... voyons, un choc post-traumatique, excusez-moi, on n'est pas en mesure, très, très, très souvent, d'aller à une ambassade, d'aller dans un poste de police où on peut encore se confronter avec des situations qui vont être très difficiles à vivre dans certains pays, par exemple.
Donc, moi, c'était même hors de question que je pense à ça à la suite du crime que j'avais vécu, et, de toute façon, quand on a vécu des crimes toute sa vie, de nature... à caractère sexuel, c'est très difficile de se considérer comme une victime. Ça ne vient pas... on se sent coupable. On se sent... c'est nous qui avons la honte. Donc, de faire ces démarches-là, d'aller dans un poste de police, d'aller faire une demande, remplir un formulaire, c'est excessivement lourd pour une personne qui a des séquelles, qui a des chocs post-traumatiques.
Donc, je suis venue ici pour demander moi aussi, en tant que victime, qu'il y ait des choses qui changent pour l'accès des victimes à une indemnisation, pour l'accès des victimes de crimes à caractère sexuel à une indemnisation dans tous les cas, qu'il n'y ait pas de délai, et aussi que, pour les personnes qui vivent des crimes à caractère sexuel à l'étranger et qui n'ont pas de recours, qu'il y ait une indemnisation là aussi pour ces victimes-là, parce que, sinon, c'est très difficile de poursuivre notre vie. Et c'est... en fait, d'avoir des refus, c'est une autre souffrance qu'on va vivre très profondément dans notre dignité. Merci.

M. Journet (Paul): Vous dites, M. Khadir, que ce n'est pas le projet de loi n° 22, ce n'est pas la réforme attendue, qu'on ne donne pas suite à plusieurs des recommandations du rapport Lemieux, mais le ministre St-Arnaud lui-même a dit: C'est un projet de loi qui vise à combler certaines lacunes qui sont jugées urgentes, et on ne nie pas qu'il y a d'autres réformes qui sont nécessaires, mais ces réformes-là viendront plus tard et, si on ajoute tout plein de trucs en ce moment dans le projet de loi n° 22, bien, ça va retarder l'adoption jugée urgente. Bref, il plaide qu'il faut procéder en deux étapes. Qu'est-ce que vous répondez à ça?

M. Khadir: Je pense que ce n'est pas valide parce qu'on... Regardez, son ministère travaille sur un projet de loi, on organise des consultations publiques, on sollicite plein de gens qui viennent donner leur avis, on a déjà des gens qui ont travaillé là-dessus depuis une vingtaine d'années, on a le rapport Lemieux. Bien, au lieu de quatre articles, on aurait pu inclure 10, 15 autres articles pour faire une réforme plus substantielle qui aurait, en plus, joui d'une plus grande adhésion, que ça soit sur la question des délais pour réclamation, que ça soit la reconnaissance des victimes d'actes criminels à l'étranger, ça n'aurait pas été plus compliqué.
C'est sûr qu'il aurait fallu accepter de payer pour parce qu'il y a des frais rattachés à ça, c'est sûr. Mais je pense que le gouvernement actuel, qui a accepté de tenir compte de l'angoisse fiscale du patronat québécois pour ne pas qu'il se sente anxieux devant la possibilité de payer un point de pourcent de plus en impôt, qui aurait ramené 1 milliard de dollars de plus dans les coffres du gouvernement actuel, c'est un peu mal placé d'invoquer l'argent, parce que c'est un cadeau qu'on a fait finalement aux plus riches, 1 milliard. 1 milliard de cadeau aux plus riches, puis on n'est pas capables de reconnaître la réalité et la nécessité. C'est une manière, en fait, de permettre la réhabilitation de ces gens pour qu'ils puissent retrouver les moyens, l'énergie, l'espoir de, par exemple, faire le recours judiciaire nécessaire au civil contre leur agresseur, ce qu'on a besoin de faire si on veut dissuader la...
Donc, je dis à M. St-Arnaud que ce n'est pas crédible. On a déjà tout en place, on a... on sollicite les parlementaires alentour d'une table, on sollicite des groupes qui viennent témoigner, on sollicite le temps du Parlement, l'argent du Parlement. Pourquoi se contenter de quatre articles, alors qu'une dizaine d'autres articles ou je ne sais plus combien auraient permis de rencontrer les demandes de nombreux secteurs de la société?

M. Journet (Paul): Maintenant, une question pour vos deux invités. La demande principale, donc, c'est qu'il n'y ait plus de délai de prescription, qui est en ce moment d'un an, alors on propose de le faire passer à deux ans. Est-ce que vous avez des chiffres pour nous dire, je ne sais pas, quel est le délai habituel que ça prend habituellement pour une victime pour soit dénoncer, si c'est le cas, son agresseur ou solliciter de l'aide pour remettre en contexte les difficultés dont vous nous avez parlé d'un plan un peu plus personnel, bon, qui font en sorte que ce n'est pas facile de tout de suite aller faire cette demande-là?

Mme Tremblay (Karine): Bien, moi, je peux y aller peut-être plus généralement à partir de... Au niveau de dénoncer à la police, on sait que, pour toutes sortes de raisons, les agressions à caractère sexuel comptent parmi les crimes les moins dénoncés. On estime qu'il y a environ une victime sur 10 qui va porter plainte à la police. Évidemment, c'est une estimation parce qu'on sait le nombre de plaintes, là, mais...

M. Journet (Paul): Ça vient d'où, ça? Juste une petite précision.

Mme Tremblay (Karine): Ça vient d'une enquête sur la violence sexuelle, je crois, qui date des années 1990 - il n'y a pas beaucoup de recherche malheureusement sur la violence sexuelle - où il y avait eu des déclarations, là, de la part des personnes interrogées mais en dehors des statistiques policières. Mais nous, ce qu'on observe dans les CALACS, c'est qu'il y a une faible proportion de femmes qui vont aller à la police, et c'est pourquoi aussi, comme le mentionnait Marie-Josée tout à l'heure, c'est pourquoi c'était difficile aussi, à l'étranger, d'avoir cette obligation-là pour avoir le droit à une indemnisation. Et l'IVAC, en ce moment, ne comporte pas d'obligation de porter plainte et de... ou de collaborer avec la police, et pour nous, c'est important que ça reste tel quel. Ça peut prendre des années.
Au niveau d'aller chercher de l'aide, bien, nous, ce qu'on observe dans les CALACS, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, c'est qu'il y a près de la moitié des femmes rencontrées qui ont attendu 13 ans ou plus avant de demander de l'aide dans un CALACS qui, on s'entend, est un milieu accueillant, sécuritaire, où elles seront crues, contrairement à peut-être un enquêteur de police qui va poser parfois des questions qui peuvent... tu sais, tester... moins sensibles ou en tout cas sur le... qui touchent la crédibilité de la victime. Et peut-être aussi la victime en a parlé à son entourage, elle n'a pas été crue. Donc, le...
Et quand je dis 13 ans et plus, on a environ 40 % des femmes qui ont entre 30 et 50 ans, et les agressions, le plus souvent, ont été subies... la moitié des femmes rencontrées, c'est avant l'âge de 12 ans. Il y a un autre quart que c'est entre 12 et 17 ans, dans les statistiques, parmi les femmes que nous rencontrons. Donc, entre l'enfance et la trentaine, le 13 ans ou plus, là, le «plus», il peut être très large. Même que récemment une intervenante d'un CALACS témoignait qu'elle avait une dame de 82 ans en suivi pour des agressions subies à l'adolescence.

Ça fait que ça vous donne un exemple que le temps imparti à chaque victime, le processus a son rythme, pour chaque victime, mais d'habitude c'est un rythme qui n'est pas très... qui n'est pas dans un délai d'un an ou de deux ans, je fais toutes les démarches ou je porte plainte. Ça peut arriver aussi, là, parce qu'il y a quand même une proportion des femmes rencontrées qui viennent dans l'année qui suit la ou les agressions qui motivent la demande, une femme sur quatre environ. Mais souvent, ça prend plus de temps, parce que l'agresseur est un proche, parce que les femmes se sentent coupables, parce qu'elles ont honte, parce qu'elles ont été manipulées. Il y a toutes sortes de raisons pourquoi ça prend du temps, ça prend beaucoup de temps. Donc, ça vous donne une idée, là, comment ça peut prendre de temps, et c'est sûr que le délai est renversable, là, mais je pense que Mme Béliveau, Marie-Josée, a donné un bon exemple de comment ça peut être difficile de renverser le délai, puis la prescription, c'est le tiers des demandes rejetées à l'IVAC. Donc... mais on n'a pas le... on ne sait pas le tiers pour quel crime, mais... Voilà.

M. Journet (Paul): Je comprends, M. Khadir, votre argumentaire sur l'argent. Néanmoins, j'aimerais juste peut-être avoir deux précisions. Bon, c'est très difficile à faire ce genre d'estimé là, mais est-ce qu'on pourrait à tout le moins avoir un ordre de grandeur sur deux choses: un, le nombre de victimes qui pourraient profiter de la fin du délai de prescription et, deuxièmement, les coûts annuels additionnels, si jamais on accède à votre demande pour la fin du délai?

M. Khadir: Dans les documents que nous avons consultés hier, en commission parlementaire, sur les 1 500 demandes à peu près qu'il y a eu en 2011...

M. Journet (Paul): C'est général, ça, 1 500, ou c'est pour...

Mme Tremblay (Karine): C'est les demandes rejetées, ça.

M. Khadir: C'est ça. Sur les 6 500 demandes rejetées, il y en avait 159 qui étaient liées à un délai de réclamation, donc ça fait à peu près 10 %. Mais ça, c'est un état de fait, en raison de ce que les gens connaissent, qui peut être très décourageant, c'est-à-dire que, sachant qu'il y a des délais, il y a bien des gens qui ne s'essaieront même pas.

Mme Tremblay (Karine): Oui, tout à fait.

M. Khadir: Donc, notre politique... Si notre politique est de prévenir et de soutenir... c'est une politique à caractère social pour ne pas laisser échapper personne, pour soutenir le plus possible les femmes et les victimes en général de ces actes d'agression, bien, avec ces règles, avec ces limitations-là, on décourage, on fait le contraire de ce qu'on cherche à faire.

M. Journet (Paul): Donc, c'est impossible à estimer, là.

M. Khadir: Pour le moment, c'est impossible à estimer. Ce qu'on peut dire, c'est basé sur les observations qu'on entend, depuis au moins une vingtaine d'années, sur l'étendue des actes de violence conjugale, par exemple, parce qu'il s'agit de ça aussi. Sans doute que c'est beaucoup, mais sachons également qu'une grande, grande majorité des gens qui seront... qui ont été et qui seront à l'avenir victimes de toutes sortes d'agressions, que ce soit à caractère sexuel, que ce soit de la violence conjugale sans lien avec un... sans caractère sexuel, ne porteront simplement pas plainte, ne demanderont pas indemnisation. Et on ne pousse pas nécessairement à ce que ce soit le cas. Il y a toutes sortes de mécanismes, social, familial, dans l'entourage, qui permettent à des gens de se réhabiliter. Mais, pour celles qui en ont besoin, il faut que notre politique soit la plus généreuse possible. Merci beaucoup.

(Suspension à 13 h 54)

(Reprise à 13 h 56)

M. Khadir: Merci d'être attentifs à une correction et à une précision supplémentaire. D'abord, une correction sur les chiffres que vous m'avez demandés. Sur l'ensemble des demandes présentées, 1 500 ont été rejetées, ce qui représente 21 % à peu près de refus. Sur ces 1 500, le tiers des rejets, comme l'a dit précédemment Mme Tremblay, le tiers des rejets est lié à un délai dans la présentation de la demande, un délai, donc, qui dépassait le un an auparavant.
Maintenant, sur ces 500 là, il y a aussi 159... pour illustrer le problème pourquoi il y a des groupes qui demandent qu'il ne faudrait pas qu'il y ait de délai de prescription pour les crimes à caractère sexuel, que la demande puisse être faite n'importe quand, c'est qu'à peu près 160 demandes de prestations présentées par les personnes majeures étaient liées à des violences, à un abus qui a été commis... à caractère sexuel, qui a été commis lorsque ces personnes étaient des enfants.
Donc, si on impose ces limitations-là, on en échappe quand même de nombreuses, puis ce n'est pas nécessaire. Notre société veut traiter les personnes victimes d'actes criminels d'une autre façon.

Mme Béliveau (Marie-Josée): Oui. Je voulais juste ajouter un petit commentaire par rapport à la question que vous avez posée... en fait, qui a été posée sur combien de temps ça prend à une femme avant de dévoiler - ou à une victime, en fait, parce que ça peut être un homme aussi - avant de dévoiler le crime que cette personne-là a vécu. En fait, comme le disait Karine, c'est très, très, très variable. Ça peut prendre énormément de temps, ça peut en prendre moins.
Je voulais simplement dire que, pour ma part, ça m'a pris 18 ans, et c'est à la suite d'une seconde... en fait, d'une autre agression vécue beaucoup plus tard dans ma vie, là, à l'âge de 37 ans, je pense, qui a été commise à l'étranger, que, là, j'ai eu un choc post-traumatique qui m'a amenée, plus tard, à faire les liens.
Mais ce que j'ai observé, parce que j'ai assisté à des séances de groupe avec des femmes - il y a quand même ces services-là qui sont offerts gratuitement, fort heureusement, parce que, sinon, il y a bien des femmes qui auraient beaucoup de difficultés à s'en sortir, dont moi-même - donc, en assistant à ces groupes-là, en parlant avec des femmes, d'autres femmes comme moi, je me suis rendue compte que mon cas était vraiment... je veux dire, il y a beaucoup de femmes qui mettent beaucoup, beaucoup d'années comme moi aussi, à la suite... ça peut être après avoir eu un enfant, ça peut être à la suite d'une autre agression, ça peut être toutes sortes de choses qui vont faire ressurgir les souvenirs du passé. Donc, c'est ça, ça fait partie du choc post-traumatique.
Et la personne, son mécanisme, à ce moment-là, ça va être d'essayer de ne pas les faire ressurgir, parce que c'est très douloureux quand ça ressurgit, surtout que certaines d'entre nous ont oublié, en partie ou complètement, ce qu'elles ont vécu. Alors, on ne veut pas le voir. Et donc, quand on fait des démarches et qu'on nous bloque ces démarches-là, que ce soit à un niveau ou à un autre dans la société, on va se reculer... Pardon?

M. Khadir: Ça va aggraver...

Mme Béliveau (Marie-Josée): Ça va aggraver et ça va faire en sorte qu'on va être empêché de dévoiler. Ça peut durer, encore là, plusieurs années.
Donc, on peut avoir dévoilé, à un moment donné, une partie, parce qu'il y a un souvenir qui a ressurgi, mais là, si on a une porte qui nous... qui fait en sorte qu'on ne peut plus continuer, bien, on va se refermer. Donc, c'était simplement ça que je voulais rajouter. Merci.

M. Khadir: Merci beaucoup. Au revoir, tout le monde.

(Fin à 14 heures)

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