(Treize heures trente et une minutes)
Mme David
: Alors,
bonjour. Nous voilà de retour à l’Assemblée nationale pour la session
parlementaire d’automne. Ce qu’on veut, à Québec solidaire, c'est établir tout
de suite les grands axes de nos interventions de l’automne. On va y aller rapidement.
D’abord, on va avoir comme axe central vraiment
toutes les questions relatives à la justice fiscale et sociale. En fait, si on
nous pose la question : De quoi les Québécoises et les Québécois ont
besoin d’entendre parler en ce moment?, bon, il y a une certaine charte, bien
sûr, qui est à l’ordre du jour, mais il y a vraiment un autre sujet, qui est
celui des inégalités, celui du fait que les Québécoises, les Québécois se
refusent à payer des tarifs d’hydroélectricité plus cher, alors que le gouvernement
en place avait promis de les geler. Les Québécoises et les Québécois veulent
des services publics, et ils les veulent en dehors de la privatisation, et ils
veulent en avoir pour leur argent. Ils sont déjà assez étranglés par toutes
sortes de taxes et de tarifs. Nous ne voulons pas qu’il y en ait davantage et,
là-dessus, nous allons être extrêmement vigilants tout au long de l’automne.
Nous allons plaider
aussi, avec le gouvernement actuel, qu’on peut, oui, avoir plus d’argent dans
les coffres de l’État, mais ça n'est pas en allant le chercher dans la classe
moyenne. Et on ne fera pas passer les commissions scolaires pour des valises,
faisant entendre que c'est de leur faute si les taxes ont augmenté, alors que
le gouvernement lui-même savait pertinemment que ça allait se terminer comme
ça.
On a un projet, vous le savez, il s’appelle
Pharma-Québec. Avec ça, on peut économiser entre 1 et 2 milliards par
année. On peut taxer le capital sur les entreprises financières; 600 millions
par année de plus dans les coffres du gouvernement du Québec. Autrement dit,
oui, on peut prendre les moyens pour que l’État ait les moyens de ses
ambitions, et c’est ce dont nous allons parler tout au long de l’automne. Nous
allons vraiment mettre de l’avant que justice fiscale et sociale et prospérité
vont de pair, et on aura plein de propositions, bien sûr, relatives aussi à la
création d’emplois.
Autre thème incontournable, évidemment,
celui de la laïcité, parce que c’est comme ça qu’il faut l’appeler. C’est de ça
qu’on est en train de discuter. Vous connaissez nos positions, nous les avons
élaborées assez longuement, je pense, depuis huit ou neuf jours. Nous n’avons
pas changé d’avis. Donc, oui, bien sûr, nous l’avons dit, à l’inclusion de la
laïcité dans la Charte des droits et libertés; oui à des balises qui existent
déjà, mais on peut les codifier, on peut les mettre noir sur blanc pour
encadrer les accommodements religieux; oui à l’interdiction de port de signes
religieux pour les employés de l’État en situation d’autorité coercitive — et
là on parle de juges, d’avocats, etc. — mais non à cette interdiction
qui serait faite à l’ensemble des autres employés, soit de la fonction publique
ou des services publics, de porter des signes religieux. Donc, nous allons
continuer de défendre cette position et nous aurons bientôt des propositions
concrètes pour aller plus loin sur ce sujet.
M. Khadir
: Un autre
sujet important, la question de l’exploitation du pétrole au Québec. Tout au
cours de l’automne, nous allons vraiment encourager, plaider, insister auprès
du gouvernement pour qu’il abandonne l’idée d’exploiter le pétrole dans le
golfe du Saint-Laurent, d’autant plus qu’on vient de recevoir un rapport du… en
fait le rapport d’évaluation environnementale stratégique qui devait être la
base de toute décision, hein? Ça fait plusieurs années qu’on parle de tout ça,
de l’exploitation du pétrole dans le territoire québécois, notamment dans le
golfe du Saint-Laurent.
Et je me rappelle du
consensus bâti alentour du fait que, bon, on va voir qu’est-ce que dit le rapport
d’évaluation environnementale stratégique. Or, il se trouve que le rapport dit
qu'on ne possède pas les capacités d’intervenir vraiment convenablement s’il y
a une marée noire, quelle que soit son ampleur, d’ailleurs. L’histoire de
Sept-Îles récemment le prouve bien. Donc, ça ramène, avec la tragédie qu'on a
connue au lac Mégantic, avec tous les problèmes que soulève l’inversion du flux
pétrolier dans les oléoducs, on réalise à quel point c'est dans notre intérêt,
dans l’intérêt de l’avenir du Québec, de notre prospérité à l’aube du XXIe
siècle de sortir le plus rapidement possible de l’ère du pétrole, de notre
dépendance au pétrole.
Il y a une période de
transition, bien sûr, mais c'est aujourd’hui qu’il faut commencer. Et on n’ira
pas bien loin si, nous-mêmes, on retombe dans le cycle, je dirais, très coûteux,
à la fois sur le plan environnemental, sur le plan humain, du développement
pétrolier au Québec. On ne le dira pas assez souvent, c'est le corollaire de ce
que je viens de dire, s’occuper de l’environnement, c'est la chose la plus
raisonnable, c'est la chose la plus judicieuse, c'est la chose, sur le plan
économique, la plus responsable à faire, parce que les dégâts environnementaux
qu’on se prépare, comme plusieurs qui, alentour de nous… puis on voit à quel
point c’est coûteux, les décontaminations des sites miniers, les
décontaminations de… la décontamination à venir, qu’on va devoir encore payer,
à Pointe-Claire, pour les BPC. Ça prouve à quel point, quand on est irresponsable
sur le plan environnemental, ça peut coûter très cher à notre société. Et ça,
c’est sans parler sur les milliards que les rapports d’experts
internationaux, dont un de l’ONU, nous annoncent déjà.
Donc, nous croyons qu’il est plus que
temps que jamais de bâtir la prospérité du Québec, de bâtir la prospérité du
Québec sur la justice fiscale et sur un modèle économique compatible avec leur environnement.
Ça, ça veut dire il faut sortir du pétrole, mais il faut surtout s’engager
à bâtir une économie tournée vers de nouvelles énergies et vers des secteurs où
on crée des emplois de qualité, mais en dehors des secteurs traditionnels
dangereux pour l’environnement et qui creusent les inégalités, comme Françoise
vient de le mentionner.
Bon, pour terminer, simplement, c’est
d’actualité en plus, hein, on a vu la… enfin, on a appris les perquisitions au
bureau du Parti libéral du Québec. Nous, ça fait longtemps qu’on a présenté
notre rapport. C’était, je crois, avril 2010, le premier rapport sur le financement
sectoriel des partis. On a montré à quel point, tout au long des années 2000,
surtout de 2003-2004 jusqu’en 2008 — et, je vous rappelle, M.
Couillard était ministre du gouvernement libéral, à cette
époque-là — le parti a installé un véritable… ce parti-là, une
véritable culture où tout était permis, tout était permis, et n’importe quel
secteur, y compris le secteur du monde interlope, pour aller chercher du
financement pour le Parti libéral. Maintenant, les exemples font foison. M.
Couillard plaide l’ignorance et plaide qu’il veut tout savoir. Il perd de plus
en plus de crédibilité là-dessus.
Moi, j’espère que la
commission Charbonneau va s’attaquer le plus rapidement possible à la question
du financement des partis au Québec parce que c'est une donnée importante, et
le choix des électeurs, pour être éclairé, doit reposer forcément aussi
là-dessus. Alors, on a déjà eu une élection sans qu'on puisse en connaître les
tenants et les aboutissants dans une commission formelle. J’espère que nous
allons, avant les prochaines élections… que le peuple québécois aura l’occasion
de savoir qu’est-ce qui s’est passé au cours de toutes ces années 2000 et même
avant dans le financement illégal du Parti québécois et du Parti libéral. Merci
beaucoup pour votre attention.
M. Gagné (Louis) : Vous voulez
placer la justice fiscale et sociale au coeur de vos priorités. Êtes-vous un
peu préoccupé par les chiffres au niveau de l’emploi, la baisse des revenus
autonomes du gouvernement? On parle, bon, il y a des chiffres qui se
contredisent, là, mais de plusieurs dizaines de milliers d’emplois, là, depuis
janvier. C’est quoi, vos impressions par rapport à ça?
Mme David
: Bien, c'est
sûr que ça n’est jamais une bonne nouvelle de voir des pertes d’emploi au
Québec. Le secteur manufacturier est atteint, mais je vous rappelle aussi que
les coupes qui se succèdent constamment dans les services publics font en sorte
aussi d’éliminer des emplois. Je n’ai pas de chiffres précis, mais c’est écrit
dans le ciel. Quand on est en situation de crise et d’insécurité économique, la
bonne vieille approche keynésienne devrait prévaloir. C’est le moment
d’investir.
Évidemment, nous
autres, on propose d’investir dans une économie verte. On peut aussi investir
dans les services publics, dans les soins aux personnes, par exemple, dans le
maintien à domicile pour les gens âgés. On peut investir dans la culture, dans
l’agriculture. Oui, il faut faire tout ça. Avoir un emploi, pas toujours,
remarquez bien, mais très souvent, c’est une manière de sortir de la pauvreté.
Encore faut-il qu’il soit à temps plein et payé décemment.
M. Khadir
: L’économie
sociale, là, au Québec, c’est 17 milliards. En 2009, c’était 17 milliards
d’activités; l’aérospatiale, 12 milliards, 65 000 emplois; l’autre, 125 000 emplois.
Ça, c’est 2009, ça a progressé depuis. Autrement dit, il y a des emplois
ailleurs que dans la grosse machinerie, dans l’industrie lourde ou dans le
pétrole et il est plus que temps de tabler sur les forces du Québec parce qu’on
est relativement forts au Québec. Pourquoi ne pas miser sur nos forces?
D’autant plus que c’est des forces à venir, c’est l’économie d’avenir,
l’économie des services, l’économie à utilité sociale, l’économie tournée vers
les énergies vertes. L’économie nouvelle repose sur autre chose que le pétrole
du XIXe siècle.
M. Dutrisac (Robert)
:
Sur la question de la laïcité, on a vu, par exemple, que le Parti libéral avait
une position très arrêtée, où il n’y avait pas de place aux compromis. Est-ce
que, de votre côté, vous voyez qu’il y a une possibilité de faire des
propositions qui iraient dans le sens d’un compromis avec le Parti québécois?
Mme David
: Moi, je
pense qu’il faut aller dans ce sens-là. On ne va quand même pas continuer,
pendant des mois, à camper chacun sur des positions, et surtout aux deux
extrêmes, les positions les plus rigides, celle du PQ d’un côté, celle du PLQ
de l’autre. Il va falloir que la classe politique se sente responsable de
trouver des compromis honorables pour tout le monde, qui font avancer la
laïcité — parce que ça, nous y croyons, à Québec
solidaire — mais qui ne vont pas au-delà de ce que, je dirais, le
consensus québécois est prêt à accueillir.
Alors, il faudra que
tous les partis politiques réfléchissent en ces termes, à notre avis. Il faut
absolument, d’ici quelques semaines, trouver des chemins, les bons chemins pour
être capables de faire des compromis et arriver à un résultat satisfaisant.
M. Dutrisac (Robert)
:
Mais, dans votre cas à vous précisément, ça voudrait dire faire des compromis
sur le port des signes religieux. Est-ce qu’il y a une…
Mme David
: Nous
proposons déjà, nous, ce qui était une proposition de la commission
Bouchard-Taylor, c’est-à-dire qu’il soit interdit de porter des signes
religieux pour les employés de l’État — puis là je choisis bien mes
mots — qui sont non seulement dans cette vague situation d’autorité
dont plusieurs parlent, mais une autorité qui est coercitive. Et là on parle
des juges, des gardiens de prison, des procureurs et des policiers et
policières. Pour ces personnes-là, nous, nous disons non, parce que c'est
terriblement important que ces personnes qui ont vraiment des droits
extraordinaires… ils ont cet immense privilège, en quelque sorte, de rendre la
justice, de l’appliquer, et là il y a des personnes, par exemple, qui peuvent
être mises en prison parce que des juges, des avocats, bon, etc., y ont
contribué.
Alors, pour ces
personnes-là, nous disons : Là, vraiment, c'est l’État lui-même qui
s’exprime, et c'est important, à ce moment-là, d'être assurés de la plus grande
neutralité dans la réalité, mais aussi dans les apparences, pour ces
personnes-là. C'est le compromis que, nous, nous faisons. On est en train de
réfléchir, il y en aura peut-être d’autres. Pour le moment, c'est là que nous
en sommes.
M. Pépin (Michel)
:
Votre programme parle précisément de devoir de réserve, hein, ceux qui occupent
des fonctions, là, qui exigent un devoir de réserve, ce qui est à la fois,
peut-être, plus restrictif, peut-être plus large. C'est ça, le… Et, vous, vous
interprétez que le devoir de réserve s’applique donc aux juges, policiers,
procureurs de la couronne, gardiens de prison.
Mme David
: Oui. Exact,
vous avez très bien compris.
M. Pépin (Michel)
: Et
ça s’en tient à ça.
Mme David
: Absolument.
M. Corbeil (Michel)
:
Sur le rapport D’Amours, qu’est-ce que vous pensez de l’omission du gouvernement,
au sens où il va tabletter le rapport?
M. Khadir
: C'est
dommage. C'est… D’après ce qu'on comprend, on va voir, ça semble devoir se
diriger vers un enterrement de première. Et, en même temps, ce qui est pire,
c'est qu'on retient juste l’histoire des régimes volontaires d'épargne-retraite,
qui était la proposition mineure, un peu par dépit et tout à fait secondaire du
rapport D’Amours, qui est la pire, qui repose uniquement sur l’épargne privée individuelle
gérée par les grandes compagnies d’assurance. Donc, c'est un autre cadeau,
comme le gouvernement du PQ et des libéraux ont été habitués de faire depuis
les 15 dernières années. Je ne veux pas en faire la nomenclature, là, mais, les
REER, c'est un peu ça, le régime d’assurance médicaments actuel, à deux
vitesses, c'est un peu ça. C'est tous des cadeaux pour le secteur financier.
Donc, voilà un autre cadeau que le PQ compte faire au secteur financier, sans
parler des autres que je ne nommerai pas.
Donc, pour nous, c'est
vraiment dommage, parce que voilà un enjeu majeur pour notre société, qui aurait
exigé du courage, de la ténacité puis la capacité de mobiliser du leadership
pour convaincre le secteur privé, le patronat et les employés de contribuer, au
total, 3,3 % pour assurer, par exemple, la rente de longévité
qui — ce n’était pas notre meilleure solution à nous, mais on était capables
de se rallier — qui aurait été quand même, disons, une correction
importante ou nécessaire pour la retraite de nos gens. Malheureusement, le PQ,
encore une fois, déçoit.
Mme Biron (Martine)
: Est-ce
que Maria Mourani a répondu à vos appels?
M. Khadir
: Elle répond
toujours à nos... moi, quand je téléphone, oui. Quel appel dont vous parlez?
Mme Biron (Martine)
:
...qu’elle répond à votre invitation de joindre...
M. Khadir
: Quelle
invitation? Personne n’appelle pour une invitation.
Mme David
: C’est ça,
on va mettre les choses bien au clair. Vendredi dernier, Mme Mourani a annoncé
qu’elle demeurait députée fédérale d’ici à l’élection de 2015, hein? C'est ce
qu’elle vous a dit, c'est ce qu’elle a dit à tous les médias, c'est ce qu’elle
a dit à la population. Et, jusque-là, nous n’avions pas encore parlé à Mme
Mourani, nous avions simplement laissé un message de gentillesse et de
sympathie à son endroit au répondeur téléphonique de son bureau.
Alors, je vais être complètement franche
avec vous, j'ai parlé avec Mme Mourani dimanche au téléphone pour lui répéter
ma sympathie, mon amitié, ma solidarité. Je lui ai répété ce que j’ai dit
abondamment vendredi dernier. C'est que, si un jour elle décidait de venir
atterrir sur le terrain québécois, bien sûr, les bras de Québec solidaire
seraient grands ouverts. Mais Mme Mourani a été très claire au téléphone, comme
elle l’a été vendredi matin, elle demeure députée fédérale d’Ahuntsic. C'est le
choix qu’elle fait pour le moment et d’ici à l’élection de 2015. Donc, je pense
que les paramètres sont extrêmement clairs. Tout le reste est un conte de fées.
M. Khadir
: Mais, si
vous nous surprenez à aller manger une poutine ensemble, il ne faut pas
supputer toutes sortes de suppositions.
Mme Biron (Martine)
:
...que ça évolue?
Mme David
: Ah! Mais,
vous savez, la vie politique est pleine d’évolutions et de rebondissements.
Alors, dans quelques mois ou quelques années, Mme Mourani peut absolument
changer d’idée. Mais une chose doit être très claire, c'est que, Mme Mourani,
il lui est arrivé ce que vous savez. On s’est parlé pour la première fois,
d’ailleurs, depuis des mois et des mois, dimanche, et elle maintient exactement
la même position. Et, nous, nous maintenons aussi notre estime et notre
affection à son égard.
M. Corbeil (Michel)
:
Est-ce que sa foi souverainiste était revenue quand vous lui avez parlé? Ça
avait semblé faiblir.
M. David (Michel)
:
Moi, ce que j'ai compris de tout ce que j’ai lu et de ce que j'ai
entendu — évidemment, parce que je l’ai écoutée, la conférence de
presse de Mme Mourani — je n’ai jamais entendu qu’elle n’était plus
souverainiste. J’ai entendu qu’elle mettait en garde le mouvement souverainiste
contre des dérives qui, selon elle, allaient éloigner ce mouvement, aujourd’hui
et pour longtemps, des communautés culturelles. C'est tout.
M. Khadir
: Elle
remettait en question la possibilité, pour le mouvement souverainiste, de
pouvoir percer chez les communautés immigrantes, chez les communautés récemment
établies, œuvre dans laquelle elle a contribué depuis à peu près une dizaine
d’années, dans laquelle je crois très modestement avoir aussi contribué. Mais
tout ça peut être balayé avec certaines politiques, disons, mal réfléchies ou à
courte vue, qui cherchent un bénéfice électoral immédiat sans penser aux
conséquences sur le mouvement indépendantiste et notre but ultime qui est
l’indépendance du Québec.
M. Chouinard (Tommy)
:
Est-ce que la pensée politique de Maria... de Mme Mourani, oui, est compatible
avec celle de Québec solidaire?
Mme David
: C'est
vraiment amusant que vous posiez toutes ces questions-là, parce que, nous, ce
que nous connaissons de Maria Mourani, ce sont ses positions dans différents
dossiers, les gangs de rue, par exemple, ou certains aspects de relations internationales,
où on pourrait avoir des discussions. Moi, je pense qu’elle porte des valeurs
de solidarité, Maria Mourani. C'est ce que j’ai toujours entendu d’elle.
Maintenant, lorsqu’elle lira un jour, si
elle en a envie, le programme de Québec solidaire, est-ce qu’elle sera d’accord
en tous points? Mais je n’en sais rien. Vous lui poserez la question à elle, un
jour, si vous avez l’occasion de la rencontrer. Tout ce que nous disons, nous,
c'est très simple, c'est : oui, c'est une personne pour qui nous avons beaucoup
d’estime, beaucoup d’affection. Si elle veut venir discuter un jour avec nous,
si elle veut s’asseoir avec nous, qu’on débatte de notre programme, de nos
plateformes électorales, ça va nous faire extrêmement plaisir. Et là, à ce
moment-là, on verra sur quoi on s’entend, sur quoi on s’entend peut-être moins.
M. Khadir
: Le Bloc
québécois a toujours été un parti très progressiste, et Mme Mourani a travaillé
au Bloc québécois depuis des années et sur bien des questions comme, justement,
la question, disons, de la laïcité, de la manière de l’implanter. Le Bloc
québécois et Québec solidaire ont toujours été très, très proches. Je parle de
ce qui... en congrès, et chaque parti a adopté... C'est sûr que là il y a des
interprétations différentes. Donc, sur beaucoup de choses, je pense qu’il y a beaucoup
de proximité, mais je vous rappelle aussi que, dans notre parti, il y a bien
des gens qui ne sont pas d’accord avec tout. Alors, il y a de la place pour les
gens qui... bon, puis, à l’interne, il y a des choses qui changent aussi.
M. Pépin (Michel)
: M.
Khadir, est-ce que vous croyez que le projet actuel, là, tel que formulé par M.
Drainville, les orientations, envoie un message négatif aux communautés
culturelles, coupe les ponts avec les communautés culturelles par rapport à la question
de l’indépendance ou de la souveraineté du Québec?
M. Khadir
: Bien, moi, je
ne pense pas que ce soit l’intention des députés du Parti québécois. Je ne
pense pas que M. Drainville ou Mme Marois ont fait ça pour ça. Mais il faut
mesurer l’impact, le message qui est entendu et...
Par exemple, si le projet avait été
accompagné pour un engagement ferme, pour aller au bout de l’idée, même si on
n'est pas d’accord, mettons, que l’application d’une laïcité judicieuse au Québec
du XXIe siècle n’exige pas la laïcisation des individus, c'est juste les institutions,
mais, au moins, si le Parti québécois veut aller aussi loin, bien, il aurait
fallu dénoter une cohérence et une sincérité; par exemple, que le Parti
québécois annonce qu’on va déplacer la croix, on va cesser le financement des
écoles privées, dont une bonne partie ont une connotation religieuse. Ça, ça
aurait envoyé un message moins, je dirais, divisif, moins, disons, susceptible
d’être perçu comme une discrimination, comme une favorisation d’une culture,
d’une racine, d’une religion par rapport à une autre.
À sa face même, de la manière
dont ça a été présenté, malheureusement... et je ne pense pas que c'est
l’intention de M. Drainville, mais c'est comme ça que c'est reçu. C'est que, dans
le fond, quand c'est une croix, quand c'est une prière en salle d’assemblée municipale
ou dans... pour le financement des écoles privées, bien, ce n'est pas un problème
parce que ça concerne surtout les chrétiens, les catholiques. Mais, quand c'est
le fichu sur la tête d’une Musulmane qui travaille comme inhalothérapeute à
l’Hôpital Jean-Talon, là c'est un problème.
M. Pépin (Michel)
:
Vous dites, et c'est encore dans votre programme, que, bon, l’État doit être
laïque, mais pas les individus. Mais, en même temps, votre position est de
dire : Bien, les juges, il y en a qui ont un droit de réserve, eux autres
ils doivent… ils ne doivent pas afficher de symboles religieux, n’est-ce pas,
hein?
M. Khadir
: Oui.
M. Pépin (Michel)
: Et
j’en viens à ma question, justement. Mais là, là, ce n'est pas tout à fait ce
que vous… vous dites : L’État doit être laïque, mais pas les individus. Mais,
en même temps, vous dites : Il y a des individus qui doivent être laïques,
eux autres. Alors…
M. Khadir
: Oui, oui.
Oui, parce qu’il y a toujours déséquilibre. La laïcité… revenons à l’histoire
de la laïcité au cours du XXe siècle. C'est un équilibre, il n’y a jamais de
perfection là-dessus. Ce n'est pas une indépendance totale de l’État par
rapport à toute présence de la religion en son sein, parce que les individus
pourraient bien travailler et avoir des convictions. Mais en même temps ce
n'est pas une liberté totale de l’exercice et de la croyance religieuse.
Dans toutes les tentatives d’introduire la
laïcité, que ça soit en 1905 par Briand en France, que ça soit tout au cours de
ces années en Europe, en Allemagne, dans les pays d’Europe du Nord, c'est
toujours accompagné de certains équilibres qui demandent des concessions aux
trois piliers qui sont : l’indépendance de l’État par rapport à l’Église,
mais aussi la garantie corollaire de liberté totale des croyances religieuses,
et un troisième élément qui est une équidistance, c’est-à-dire qu’on ne
favorise pas une religion par rapport à une autre, ce qui, dans la proposition
Drainville, manque, malheureusement.
Mme David
: Et, sur le
cas précis que vous soulevez, ma réponse va être très précise. Il y a quelque
chose de particulier à occuper une fonction de juge, policier, gardien de
prison ou avocat, je l’ai dit tout à l’heure. C'est que vous êtes, au moment où
vous siégez, au moment où vous travaillez avec des prisonniers, au moment où
vous arrêtez quelqu’un, vous êtes vraiment, comme individu, le représentant
autorisé et officiel de l’État et du pouvoir de l’État, allant jusqu’à la
coercition, c’est-à-dire jusqu’à la possibilité de vous mettre en prison.
Honnêtement, quand vous êtes une
fonctionnaire au ministère du Revenu en train de gérer les rapports d’impôt des
citoyens, quand vous êtes une enseignante en classe, et que votre rôle, c'est
un rôle pédagogique, c'est un rôle d’enseignement des connaissances, des
savoirs, votre rôle, c'est d’inculquer toutes ces connaissances qui sont dans
des programmes. Quand vous êtes médecin, vous soignez des gens, les gens ne
voient pas l’État à travers vous, ils voient un médecin, appartenant à un
service public ou à une clinique qui vient vous soigner. C'est complètement
différent, la nature du rôle de ces personnes est différente.
M. Pépin (Michel)
: Est-ce
qu’il n’y a pas une différence pour les enseignants, cependant? Vous parlez des
enseignants. M. Drainville semble croire que c'est le cas, qu’il y a… ou, en
tout cas, que l’influence, là — je ne me souviens pas des termes
qu’il a utilisés exactement — mais que l’influence des enseignants à
l’égard des enfants… Qu’est-ce que vous pensez de la position de M. Drainville
à cet égard-là? Et ça rejoint la Coalition avenir Québec qui a une position
pour que les enseignants portent ces… ne portent pas ces symboles religieux?
Mme David
: C'est sûr
que, des enseignants, des enseignantes, des éducatrices en service de
garde — parce qu’on parle d’elles aussi, hein — évidemment,
ont de l’influence sur nos enfants. Mais là, si on commence à vouloir légiférer
sur tout ce qui a de l’influence sur nos enfants, je peux vous dire par
expérience, ces temps-ci, qu’on va légiférer sur pas mal de choses. Est-ce
qu’on va interdire les allées bleues et roses chez Toys "R" Us qui
franchement, là, introduisent des biais totalement sexistes dans la vente de
jouets aux enfants selon qu’ils soient des garçons ou selon qu’ils soient des
filles? Est-ce qu’on va interdire les publicités de Wal-Mart à la veille de la
rentrée scolaire, où il n’y a que les mamans qui achètent des choses pour leurs
enfants? Ça a échappé à Wal-Mart que les pères existaient aussi.
De l’influence sur les enfants, il y en a
à la pelletée, y compris dans les jeux Internet, y compris dans tout. Alors, il
ne faut pas penser que les enfants sont des pauvres petites malheureuses
victimes qui vont être influencées uniquement et principalement par la personne
qui porte un signe religieux. Il y a un papa, il y a une maman aussi qui
peuvent très bien, le soir à la maison, dire : C'est vrai, Mlle Unetelle,
ton professeur, ou Mme Unetelle porte un voile. Pourquoi? Bien, demande-lui.
Elle, elle pense que sa religion lui demande de faire ça, mais maman, elle,
n’en porte pas. De la même façon que, quand mon fils m’a dit : Ma
grand-maman va à la messe, pourquoi pas toi? Bien, je lui ai expliqué que sa
grand-maman croyait en Dieu et en le petit Jésus et allait à la messe, mais pas
sa maman. Les enfants, là, c'est des êtres intelligents et qui sont capables de
reconnaître la diversité des adultes.
Mme Plante (Caroline)
:
Mr. Khadir, is it a surprise today to see that Liberal offices were raided
and to see the Liberals being put on the defensive?
M. Khadir
:
Well, it was not a surprise to us. We produced a report in April 2010
showing how, during the years 2000, from 2003‑2004 up to 2009, Liberal Party
has really installed a corrupt culture of financment of their party by giving
«des permis», permits of day-care to… meeting with people from the organized
crime, as we’ve seen in different stances, and mainly from corporate business
that have supported them.
So,
our question is: Why so late? But we understand that sometime building this
proof is hard. But what is surprizing to us is this capacity of
Mr. Couillard, as Mr. Charest did, to deny that, in fact, he has
responsibility. He says that he wants to know the truth, pretending somehow that
he didn’t know about it, but he was there. All through those years, he was
minister of this government, he appeared in the same cocktails of financement
of his party. He had to shake the same hands, give the same contracts as other
colleagues.
So I
think, if Mr. Couillard wants to show a real difference, he has to admit what
he knows. He has himself to explain to Quebeckers how it functions, he was
there. He can do, he can do the job. If he wants the truth to be known, he can
begin himself to indicate: That was the way we were doing things, I will
facilitate your job, OK, I will say, I will explain to you, and we’re not going
to do that again.
Mme Plante (Caroline)
: So why do you think the police operation was kept secret?
M. Khadir
: I don’t know. I know that, when my daughter was arrested the 6th of
June 2012, everybody knew in a matter of 30 minutes, and they knew also the
accusation and everything. But I don’t know, I have no explanations. You have
to ask to those involved.
Mme Plante (Caroline)
: …something you were urging the commission Charbonneau to quickly…
M. Khadir
: Yes. I think, we need, you know, the people of Québec to make their choices. A lot of people
continue to vote Liberals because they don’t believe these things happen. So we
have now a commission that I
think is relatively reliable, I urge them to take care of what… the files
concerning the financement of the PQ and the Liberal Party, because the people
are going to have to vote in less than a year, and this information is
tantamount to a wise manner of making choices.
M. Perreaux
(Leslie) : …when quick things … if I can, the PQ is trying to drive his back again today into a
discussion of the rest of Canada piling on us for our discussion. You’re both
back from big cities ridings in Montréal, where this is a burning issue. How
badly they’re dividing Quebeckers versus what Canada is doing to…
M. Khadir
: Unfortunately, I think, sometimes, some opinion makers in Canada are prompted to say anything. I
remind them that James Cameron is doing the same thing than the PQ in Great
Britain, OK? And he’s not a
nationalist, ethnic nationalist, OK ? He’s just doing some populistic approach, as the PQ is doing.
Angela Merkel, in Germany, the same.
So I
advise the rest of Canada to
just hold their breath, continue to also think like us, make some constructive
proposal instead of attacking the whole Québec and the Parti québécois being bigot, and so on, so on. PQ’s ministers, PQ’s members are not
bigots, OK? They might be
tempted by some populistic approach to politics, and we deplore that, but we’re
not going to say, you know, to join the voice of those who accused them of
everything, of ethnocide or, you know, God knows what.
Mme David
: I agree.
M. Khadir
: Thank you.
(Fin à 14 heures)