(Quinze heures trente-cinq minutes)
M. Khadir
: Bonjour, tout
le monde. En réaction aux questions de l’opposition, Mme Marois a souvent
répété que les revenus… sur la question de l’équilibre budgétaire, que les
revenus n’étaient pas au rendez-vous. Elle a admis puis elle s’en plaignait.
Bien, moi, j’aurais quelques bonnes adresses de rendez-vous pour le ministre
des Finances. La première chose, c’est de regarder du côté des miniers, où il
vient de déposer... Il a raté encore un autre rendez-vous. Malheureusement, c’était
une bonne adresse, sans parler de toutes les autres qu’on a données au cours
des dernières années. Si le gouvernement cherche des revenus, il faut que le
gouvernement aille chercher de... se présente aux rendez-vous des revenus.
Or, le projet de loi qui vient d’être
déposé par le ministre correspond en tous points à ce qui avait été prévu dans
le budget et à ce qui avait été présenté par le gouvernement. Or, ce
gouvernement qui avait fait... qui nous avait donné des explications, ce que ça
pourrait rapporter, son régime, là, dans le nouveau régime d’impôt
minier — ça correspond en tous points, on l’a vérifié — sur
760 millions — ils font un modèle sur trois ans, sur 760 millions — dans
un cas type de revenus à un puits minier, sur la valeur à la tête du puits
calculée pour ensuite comparer l’impôt minimum proposé avec la valeur de l’impôt
progressif proposé, en choisissant le plus haut de ces deux-là, bien, on l’a
calculé, ça donne 4,2 % d’impôt effectif.
Donc, on a beau envoyer en écran de fumée
des chiffres comme un impôt progressif qui pourrait aller jusqu’à 26 %, ce
que le ministre ne dit pas dans son communiqué, c’est que l’impôt minimum au
Québec, suivant ce nouveau régime, pourrait être aussi bas que 0,1 %, que
0,1 %. Regardez en détail. L’impôt effectif va être exactement pareil que
les 10 dernières années. Regardez le rapport du Vérificateur général en 2009.
Il demandait : Étant donné le 1,2 milliard de dégâts des sites
abandonnés, là, est-ce qu’à 5 % d’impôt effectif — parce que c’était
ça, le taux, quand on calculait puis on balançait le tout avec les crédits
d’impôt donnés — est-ce que ça vaut la peine qu’on ait cette
activité-là, alors qu’en fait ça ne compense même pas ce 5 %
effectif, ce que le Québec paie en routes, en infrastructures puis en
réparation de dégâts sur les sites abandonnés?
Donc, nous trouvons déplorable que le
gouvernement n’agisse pas, malgré des promesses... Je vous rappelle, ils
avaient promis 400 millions suivant, donc, ce nouveau régime, suivant
leurs propres calculs. Pour une année typique, une année record, c’est-à-dire
2011, ça donnerait 50 millions, c’est-à-dire, donc, huit fois moins que ce
qui a été promis par le PQ.
Nous implorons donc la première ministre
en vertu de la transparence. On veut savoir qui tire les ficelles au Québec. C’est
ça la question que j’ai posée en Chambre et à laquelle le gouvernement n’a pas
répondu. M. Drainville s’est levé pour faire un baroud d’honneur sur comment le
PQ était attaché à l’intégrité et à la transparence. Je veux bien le croire. Si
le PQ est attaché à la transparence, je leur demande, je demande à la ministre,
à la première ministre de nous dévoiler la liste des rencontres d’influence et
des lobbyistes qu’elle-même, que ses ministres et ses employés des cabinets ont
eu avec les lobbyistes du secteur minier au cours de la dernière année. Ce n’est
rien de compliqué.
Mme Prince (Véronique)
:
M. Khadir, je voudrais savoir... Je voudrais parler du projet de loi sur les
mines, celui pour lequel vous vous étiez abstenu, là. Mme Ouellet veut déposer
une nouvelle mouture avec amendements. Est-ce que, cette fois-ci... C’est
quatre amendements. Est-ce que, cette fois-ci, vous seriez peut-être prêt à
adopter le principe?
M. Khadir
: Je crois que
personne de sérieux au Québec, personne de sérieux ne peut penser un instant
que, nous, on est contre un moratoire sur les gaz de schiste. J’ai été le
premier député à l’Assemblée nationale à me lever pour dire : Nous sommes
pour un moratoire pour cinq ans. Le PQ, à l’époque, je ne me rappelle plus il y
a combien d’années, m’ont ridiculisé pour dire : Bien oui, le député des
solidaires veut des moratoires sur tout. Nous avons été les premiers à proposer
un moratoire. Maintenant que le PQ est d’accord et propose un projet de loi,
tout ce qu’on dit, c’est qu’il ne faut pas s’auto… de faire harakiri, de faire
dérailler ses propres projets de loi.
Sur la loi des mines, pour nous, ce qui est
important, c’est de rappeler que ce n’est pas deux abstentions qui font
renverser et qui bloquent un projet de loi. C’est le lobby minier qui contrôle
l’opposition officielle et aussi la CAQ jusqu’à un certain point quand
j’entends mon collègue Bonnardel défendre les intérêts miniers, là, comme il
les défend. C’est le lobby minier qui a énormément d’influence sur les
décisions de la classe politique. Mais, malheureusement, le PQ semble s’être
mis à genoux devant le lobby minier. Nous avons un devoir commun.
C’est sûr que Mme la ministre n’est pas
dans une très bonne position pour concéder quoi que ce soit à l’opposition
quand elle commence si bas dans son projet de loi. Ce qu’on lui a dit au début,
c’est qu’il faut placer les attentes très hautes. Il faut que la loi soit
beaucoup plus forte, beaucoup plus énergique, avec des demandes beaucoup plus
hautes pour l’industrie pour qu’il y ait une place pour négocier, parce que,
dans la situation où elle s’est présentée devant l’opposition, il n’y a plus
grand marge de manoeuvre. Si elle négocie sur n’importe quoi puis accède aux
demandes des oppositions sur le projet de loi n° 43, c’est, en fait,
entériner l’état de colonisation de notre sous-sol par l’industrie minière.
Mme Nadeau (Jessica)
:
Sur la question… Juste rapidement sur le projet de loi, sur les redevances
minières, sur les consultations, est-ce que vous pour ou contre les
consultations?
M. Khadir
: Nous
sommes toujours pour. Nous allons toujours voter pour le principe d’adoption.
Nous allons aller en commission pour dénoncer les manquements, pour dénoncer la
différence, le fossé incroyable entre le discours, les prétentions, les
promesses électorales puis ce qui est livré réellement, qui fait qu’on peut
aller aussi bas, au Québec, que de réclamer 0,1 %, 1/10 de 1 % de
redevances à des compagnies minières. Vous vous imaginez?
Mme Nadeau (Jessica)
: Est-ce
que vous voudriez des consultations larges ou restreintes comme les partis
d’opposition le veulent?
M. Khadir
: Le
secteur… les citoyens qui sont mobilisés depuis maintenant, on peut dire, au
moins quatre ans, les groupes populaires, les gens de Malartic, les gens de
Saint-Camille, les gens à Oka, tous ces citoyens-là et les groupes populaires,
la coalition qu’ils ont formée avec 200 autres organismes, ont déjà donné leur
opinion. On peut procéder rapidement, mais il ne faut pas que le gouvernement
donne des prétextes à l’opposition de les placer en situation de victimes puis
de dérailler leur projet. Ce qu’on dit, c’est : pas d’enfantillage, s’il y
a quelque chose qui peut débloquer, on le fait. Et, je pense, les groupes
populaires ne cherchent pas mieux que de revenir ici en charge pour dire :
Ça n’a pas de bon sens qu’on laisse notre sous-sol pour deux bouchées de pain à
des multinationales étrangères.
M. Caron (Régys)
: La
baisse des investissements d’exploration, M. Khadir, vous attribuez ça à quoi?
M. Khadir
: Il y a une
situation, d’abord, de difficulté pour les économies occidentales. Même les
économies en émergence connaissent des ralentissements dans leur secteur
industriel. Donc, il y a des considérations systémiques qu’il y a des choses
qui vont moins vite, mais je ne crois pas que le Québec ait besoin de s’en inquiéter.
M. Caron, si on a une activité dont on
contrôle 95 % du profit au lieu de 5 %, qu’est-ce que ça veut dire en
réalité? Ça veut dire qu’on peut baisser le régime de 10 fois puis être encore
gagnant. Ce qu’on dit au PQ, là : Prenons plus le contrôle de notre
sous-sol. On pourra fonctionner à moindre régime et avoir plus de bénéfices.
C’est ça, la réalité de la pensée. Il faut sortir de cette propagande de
l’industrie minière qui fait du... qui fait vraiment du chantage en nous
menaçant que, là, il va y avoir une baisse, qu’on va être... À les entendre,
là, le Québec va être sans pantalon, on va se trouver déculotté. Ce n’est pas
vrai. On a nationalisé l’hydroélectricité il y a 40 ans, c’était exactement le
même discours, c’était exactement les mêmes choses.
M. Caron (Régys)
: M.
Khadir, des mines ont déjà fermé au Québec, des usines de minerai de fer ont
fermé sur la Côte-Nord, ça s’est déjà vu.
M. Khadir
: Dans le
domaine des finances, des banques et de l’activité du secteur privé, si on
voulait lister toutes les faillites, tous les secteurs qui sont tombés, ça
n’empêche pas les financiers et l’activité dans tous ces domaines-là de
continuer. Ne nous faisons pas des peurs inutiles, s’il vous plaît, M. Caron.
Sortons un peu du cadre imposé par les économistes et les banquiers qui nous
ont, à chaque fois, entraînés dans les situations qu’on connaît, c’est-à-dire
les désastres financiers successifs.
Ce qu’on sait, c’est que les pays qui se
sont pris en main, il n’y a rien de tout ça qui est arrivé, que ce soit dans le
secteur minier ou dans le secteur des médicaments. Je vous ai donné l’exemple
de la Nouvelle-Zélande pour Pharma-Québec, c’est exactement les mêmes propos.
Et c’est drôle parce que ça ressemble exactement à ce qu’on disait du Québec
quand on a voulu nationaliser l’électricité.
Ce que je vous dis, c’est qu’on doit
regarder ça et développer nos mines avec patience et avec intelligence pour
qu’on ait plus de retombées, pour qu’on puisse donc, à moindre activité, pour
ne pas déposséder notre sous-sol et priver les générations futures… Elle est
où, l’équité intergénérationnelle dont tous les gens de droite se drapaient il
y a quelques années, là? L’équité intergénérationnelle, ça veut dire qu’il ne
faut pas gaspiller notre sous-sol en le vendant à vil prix, parce que là, ça va
moins mal, juste pour attirer des investissements. Nous devons nous occuper de
notre sous-sol. Ça nous appartient, M. Caron, ça n’appartient à personne
d’autre.
M. Caron (Régys)
:
...de nationaliser.
M. Khadir
: Non, je
n’ai jamais dit ça. J’ai dit : Prendre le contrôle. Prendre le contrôle,
ça peut être aussi simple que le Botswana, où il n’y a pas de... Il n’y a pas
de désastre au Botswana. Au Botswana, il y a déjà cinq ans qu’ils ont dit :
Tout développement doit passer par 51 % de contrôle de l’État. Si c’est
rentable, si un projet est rentable, on prend des parts pour 51 %. Si ce
n’est pas rentable, on ne le fait pas. Si ce n’est pas rentable pour
l’entreprise privée, ce ne sera pas rentable pour nous, on ne le fait pas.
Donc, plus de contrôle, propriété la plus collective possible. Ça peut vouloir
dire, dans certains secteurs bien choisis, intelligemment, dans la perspective
de développement durable, ça veut dire développement patient, on le fait à
notre rythme, ce qui convient au Québec, pas au marché.
Merci beaucoup.
(Fin à 15 h 45)