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Point de presse de Mme Françoise David, députée de Gouin

Version finale

Friday, June 10, 2016, 16 h 46

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Seize heures quarante-sept minutes)

Mme David (Gouin) : De façon un peu particulière, cet après-midi, et brièvement, j'aimerais m'adresser aux gens de la Côte-Nord. Là, il y a une loi qui vient d'être adoptée avec un processus d'adoption relativement rapide. La loi est adoptée, le Bella-Desgagnés, dès demain, va reprendre ses services habituels. Et, à Québec solidaire, on a quand même contribué, d'une certaine façon, à ce que les choses se passent bien, mais on nous a beaucoup reproché de ne pas faire en sorte que ça se passe hier.

Alors, moi, je veux expliquer pourquoi, hier, on a résisté à l'idée d'une adoption rapide d'une loi contraignant les travailleurs à revenir au travail. Ces travailleurs-là étaient en grève depuis trois jours. Dès leur entrée en grève, le gouvernement leur a dit : Vous êtes aussi bien de régler, on vous met un conciliateur, parce que, si vous ne réglez pas, dès jeudi matin, on vous avertit, là, il y aura une loi spéciale. Ce faisant, ce que le gouvernement fait, c'est qu'il affaiblit considérablement le pouvoir de négociation du syndicat. C'est très clair. Et là l'employeur, bien, lui, il a juste à se tourner les pouces puis à attendre que ça finisse, il sait qu'il y a une loi spéciale.

Bien, c'est exactement ce qui est arrivé, et finalement hier je me suis fait demander par la ministre du Travail de consentir à une adoption ultra rapide, là, hier, sans débat, d'une loi spéciale pour le retour au travail, et c'est vrai, j'ai dit : Non, non, ça ne se passera pas comme ça.

On ne va pas repousser les choses éternellement. On comprend que la population de la Côte-Nord vit des problèmes d'isolement, a des besoins de transport maritime. C'est très clair. On sait... J'ai beau vivre à Montréal, je sais que la route ne se rend pas jusqu'à Blanc-Sablon. Je suis très consciente de ça. On savait donc qu'il fallait trouver le moyen à la fois de respecter les droits des travailleurs, mais aussi assurer des services à la population, et ce qu'on voulait, puis ça a été ça, le sens de notre intervention, c'est qu'il y ait un débat.

Moi, je ne suis pas ici, à l'Assemblée nationale pour dire oui chaque fois que le gouvernement me demande quelque chose. Il peut arriver que je dise oui avec beaucoup de bonne volonté, mais quand ça me paraît et ça nous paraît, à Québec solidaire, déraisonnable, là, dans ce cas-ci, vouloir aller beaucoup trop vite pour adopter une loi, bien, je dis non. Sauf qu'après avoir dit non, donc il n'y a pas eu d'adoption hier, on s'est rencontrés, le leader du gouvernement et moi, et on a convenu d'une adoption aujourd'hui. J'en ai prévenu le syndicat, et cette adoption allait se faire, mais avec débat. Ça n'a pas pris tant de temps, mon Dieu, deux ou trois heures, et c'était réglé. Mais au moins ça faisait que j'avais... et mes collègues de Québec solidaire, on avait la possibilité d'exprimer pourquoi nous étions mal à l'aise devant une loi de retour au travail extrêmement rapide et qui, dans les faits, a enlevé aux travailleurs toute possibilité de négociation.

Je tiens à dire aussi qu'hier après-midi j'ai passé l'après-midi au téléphone avec des préfets et maires de la Côte-Nord, et, dans la majorité des cas, ce qu'ils m'ont dit, là, c'est : Vous savez, c'est vrai qu'on l'a demandée, la loi spéciale, parce que ça pose quand même un problème pour nos populations que le Bella-Desgagnés ne fonctionne pas, là, à pleine capacité comme d'habitude, mais ça, ça ne veut pas dire qu'on trouve que l'attitude de l'employeur, qui est le Relais Nordik, ça ne veut pas dire qu'on trouve que l'attitude de la Société des traversiers du Québec est convenable.

Il y en a même un, M. Noël, préfet de la Minganie, qui m'a dit : On se sent manipulés par Relais Nordik. Dans le fond, on a un employeur qui ne négocie pas, qui paie ses travailleurs à la journée au lieu de les payer à l'heure, ce qui devrait être la norme, puis après ça, quand il y a une grève, bien là, nous, on est mal pris parce qu'on a une population à desservir, donc on finit par demander une loi spéciale. Mais M. Noël et d'autres m'ont dit : Vous savez, Mme David, ce n'est vraiment pas de gaieté de coeur. Alors, ça, ça tempère un peu aussi la dramatisation que la ministre a voulu faire à un moment donné, ah, c'était bien épouvantable, Québec solidaire ne comprenait pas la Côte-Nord. Ça n'est pas vrai.

Je termine en disant que je veux donner deux exemples d'actions qui ont été menées par moi-même, de Québec solidaire, ici, à l'Assemblée nationale pour aider les gens de la Côte-Nord. D'abord, il y a une quinzaine de mois, j'ai lutté pied à pied en commission parlementaire, projet de loi n° 10 du ministre Gaétan Barrette. J'ai fait, là, mais tout ce que je pouvais pour obtenir qu'il y ait deux centres intégrés de santé et de services sociaux sur la Côte-Nord, compte tenu de l'étendue de la région. J'ai presque cru y arriver, mais M. Barrette, finalement, comme ça arrive souvent, s'est montré très intransigeant, et donc il y a un seul conseil d'administration pour les établissements de santé et de services sociaux de la Côte-Nord, ce qui me paraît être une aberration.

J'ai aussi, l'automne dernier, participé à un point de presse avec des travailleurs, travailleuses syndiqués de la Côte-Nord dans le secteur public et la députée de Duplessis pour dire que la prime de rétention accordée jusque-là aux travailleurs devait leur être conservée sur la Côte-Nord. Parce qu'à l'époque, dans la négociation du secteur public, le ministre, le président du Conseil du trésor, voulait leur enlever. J'étais présente à ce point de presse. Il y avait des travailleurs de la Côte-Nord qui campaient dehors, sous la tente, devant l'Assemblée nationale. On a passé quelques heures ensemble. Autrement dit, ça n'est pas vrai que, parce qu'on est une députée montréalaise, on ne comprend pas les problèmes d'une région éloignée. Là, c'est la Côte-Nord, ça pourrait être la Gaspésie, l'Abitibi-Témiscamingue. On a aussi des membres, à Québec solidaire, sur la Côte-Nord.

Donc, finalement, à la fin de la journée, comme on dit en anglais, il y en a une loi. Le Bella-Desgagnés, demain, va se remettre à fonctionner à pleine capacité. Pour les travailleurs et l'employeur, il y aura d'abord une tentative de médiation. Si ça ne fonctionne pas, il y aura un arbitrage. J'espère, j'espère vraiment que, dans tout cela, les travailleurs obtiendront justice, parce que, là, à mon avis, c'est vraiment leur tour. Merci.

M. Lavallée (Hugo) : Donc, vous dites, Mme David, la grève aura duré à peine trois jours. On voit aujourd'hui que vous n'avez pas peur, par ailleurs, de pousser le gouvernement un peu au pied du mur dans la procédure parlementaire. Est-ce que, dans ce cas-là, ça n'aurait pas été préférable, justement, de prendre un peu la logique que vous avez prise avec Uber et puis de forcer le recours au bâillon pour vraiment marquer votre opposition à ce projet de loi là?

Mme David (Gouin) : Il y avait quand même une différence entre les deux conflits. Dans le cas d'Uber, on a une multinationale qui ne paie pas ses taxes et ses impôts et qui tente d'imposer au Québec des règles qui ne sont pas les règles du Québec. Dans ce cas-ci, on est devant un conflit syndical classique, mais, qui plus est, on est quand même devant un service qui est en lui-même jugé essentiel par la population nord-côtière et qui, de fait, est quand même assez essentiel, si on tient compte du fait que la route s'arrête un peu plus loin, là, que Natashquan. Donc, on est devant des situations extrêmement différentes. J'ai eu plusieurs conversations avec le syndicat hier et j'en ai eu, comme je vous l'ai dit, avec le maire d'Anticosti, avec le préfet de la Minganie, le préfet du Golfe-Saint-Laurent, le chef Conseil des Innus de Pakuashipi. Donc, j'ai vraiment essayé de faire le tour, et d'équilibrer, et de proposer à mon équipe d'équilibrer nos positions.

Alors, d'un côté, on a dit : Non, on n'adopte pas aujourd'hui, parce que c'était une adoption sans débat, là, ça n'avait aucun sens. On a obtenu des droits de parole pour nous qui étions les seuls dans toute l'Assemblée nationale à nous opposer, des droits de parole supérieurs à ce que nous aurions eu dans une adoption rapide si ça avait eu lieu hier. Ça a permis, par exemple, que juste avant le vote aujourd'hui les trois députés puissent s'exprimer chacun pour une durée maximale de 10 minutes. C'était ça que je voulais obtenir, et je l'ai obtenu.

Alors, maintenant, à l'heure à laquelle on se parle, je sais que la population de la Côte-Nord, bon, de son point de vue, va respirer un peu mieux. C'est sûr que les travailleurs doivent être très déçus, et je le comprends. Je veux leur dire qu'on va être à leurs côtés. Ils s'en vont en médiation, j'espère vraiment que ça va bien marcher, parce que leur demande essentielle, qui est celle d'être payés à l'heure plutôt qu'à la journée, elle est tellement remplie de bon sens. Et je pense que la population, à mon avis, va les appuyer.

M. Lavallée (Hugo) : Donc, vous dites qu'en négociant de cette façon-là vous avez obtenu un droit de parole supérieur à ce que ça aurait été sous le bâillon. La même logique se serait appliquée, si je comprends bien, au cas d'Uber, si vous aviez...

Mme David (Gouin) : C'est très différent.

M. Lavallée (Hugo) : Mais vous auriez eu plus de temps. M. Fournier était à la place où vous êtes il y a quelques heures, il nous disait : Je ne comprends pas, ils auraient pu parler davantage s'ils ne nous avaient pas forcés à convoquer une séance extraordinaire plutôt que...

Mme David (Gouin) : Il y a une grosse différence. Le Bella-Desgagnés, là, je savais, moi, depuis quelques jours quand même, que les travailleurs étaient en grève, mais le dossier a éclaté hier matin. C'est depuis hier matin que, là, on a la possibilité de parler aux différents acteurs dans ce conflit-là, de pouvoir s'exprimer et tout. C'est super nouveau.

Alors, c'était important qu'on puisse s'exprimer. Je vous rappellerai que mon collègue le député de Mercier s'exprime sur Uber et sur le conflit avec les chauffeurs de taxi depuis des mois. Alors, sincèrement, là, on aura des petits droits de parole ce soir, mais, dans notre cas, tout a été dit. On n'a pas besoin d'avoir deux heures de plus pour donner notre opinion sur une multinationale qui ne respecte pas les règles en vigueur au Québec. Elle est illégale, elle a des activités illégales, et le ministre Daoust s'en va discuter pendant trois mois avec une entreprise qu'il a qualifiée, il y a quelques jours, lui-même d'illégale. C'est un peu ahurissant, mais tout ça, on l'a dit, on l'a répété. Mon collègue est allé en commission parlementaire, donc on a exercé amplement notre droit de parole. Les deux dossiers réellement sont très différents.

M. Lavallée (Hugo) : Vous n'avez pas l'impression que... parce qu'aujourd'hui c'est un grand jour pour Québec solidaire avec l'adoption de votre premier projet de loi. Vous n'avez pas peur que, justement, le fait de forcer le gouvernement à recourir à un bâillon, ça jette de l'ombre sur votre grande réalisation? Parce qu'on risque de parler plus du bâillon que des aînés ce soir puis dans les prochains jours.

Mme David (Gouin) : Ah! que voulez-vous, ce sont les aléas de la vie. Mais, en fait, moi, je suis très fière de ce qu'on fait aujourd'hui à Québec solidaire parce qu'on démontre qu'on est capables de marcher sur deux pattes en même temps. Il y a une patte qui est le fait de réussir à faire adopter un projet de loi, et, dans le cas d'une opposition, c'est presque une première, de réussir à faire un projet de loi aussi substantiel. Et je rappellerai aussi que, grâce aux efforts de ma collègue Manon Massé et d'Amir Khadir sur des sujets différents — les médicaments, les enfants trans — à force de pousser, de discuter, on réussit à faire adopter des projets de loi relativement intéressants. Ça, c'est la contribution qu'on apporte, là, et on en est très fiers.

Mais on a une autre contribution dont on doit être aussi fiers, c'est, à un moment donné, là, d'être capables de dire ce petit mot de trois lettres qui s'appelle «non». Non, on n'ira pas, comme aurait dit ma mère, à la fine épouvante quand on veut adopter une loi qui va à l'encontre du droit de grève des travailleurs. Non, on ne fera pas ça le même jour, en quelques heures, avec peu de temps de parole. On va prendre un peu de temps, 24 heures de plus. Est-ce qu'on convient quand même que nous avons été fort raisonnables?

Et, dans le cas d'Uber, on dit non à une négociation sans garantie écrite qu'on ne négociera pas avec une entreprise qui pose des gestes illégaux et que le projet pilote, s'il doit y en avoir un, va devoir respecter les mêmes règles que pour l'industrie du taxi. Le fait de dire parfois non est aussi important que le fait de dire parfois oui, et on fait les deux dans la même journée.

Le Modérateur : Merci. D'autres questions? Non?

Mme David (Gouin) : Merci à vous.

(Fin à 17 heures)

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