(Treize heures vingt-quatre minutes)
M. Drainville: Alors, j'ai écouté comme vous le point de presse du ministre de la Santé. D'abord, un petit peu d'histoire, là, juste pour mettre les choses en perspective. Je vous rappelle... je pense que... un de vous, là, qui l'a noté. En 2003, lorsque M. Charest s'est présenté devant les électeurs, il a dit que sa première priorité, ce serait d'éliminer l'attente une fois pour toutes. Sept ans plus tard, l'attente aux urgences n'a jamais été aussi élevée.
Actuellement, quand vous arrivez dans une attente... dans une salle d'attente d'une urgence du Québec, vous attendez en moyenne 17 heures et demie. Si vous vous présentez dans une salle d'urgence du Québec aujourd'hui, la moyenne de cette attente-là va être de 17 heures et demie. Elle n'a jamais été aussi élevée depuis 2003, depuis que M. Charest et l'équipe libérale sont au pouvoir. Pire encore, il s'étaient engagés à ce qu'on n'attende plus de deux jours et plus sur une civière dans une urgence. L'attente, là, pour les personnes qui sont alitées plus de deux jours dans un corridor, ça, ça devait être éliminé. Les derniers chiffres sont les suivants: l'année passée, il y a eu 40 000 personnes qui ont attendu deux jours et plus dans une urgence. Ça, c'est en 2008. En 2009, il y en a eu 50 000, 50 000 personnes qui ont attendu plus de deux jours sur une civière, dans une urgence du Québec. Ça, c'est la réalité, ça. C'est ça qui se passe actuellement sous la gouverne de M. Charest, qui s'était engagé à ce qu'il n'y en ait plus, de ça, qu'il n'y en ait plus d'attente comme celle-là.
M. Bolduc... M. Bolduc arrive en 2008. Première déclaration lorsqu'il devient ministre de la Santé, le premier jour, il dit: Il faut s'attendre à ce qu'il y ait beaucoup d'amélioration dans le réseau de la santé. Mon expertise est reconnue dans la gestion des délais et des listes d'attente. C'est une chose à laquelle on va s'attaquer. Deux ans, quoi, deux ans plus tard... plus de deux ans plus tard, les résultats sont... non seulement ne sont pas là, c'est un échec patent, la gestion de M. Bolduc. Jusqu'à maintenant, il n'a absolument pas fait la preuve qu'il était le soi-disant expert dans la gestion des salles d'urgence qu'il prétendait être lorsqu'il est arrivé ministre de la Santé. Pire encore, en 2009, M. Bolduc fait une tournée des urgences. Il va, entre autres, à Maisonneuve-Rosemont et il fait cette déclaration au sortir de sa tournée, il dit: Après avoir fait la tournée d'une dizaine d'urgences qui débordent ou qui ont des difficultés, il dit: «J'ai trouvé des solutions structurantes qui vont régler 75 % à 80 % des problèmes.» C'est les déclarations de M. Bolduc: «J'ai trouvé des solutions structurantes qui vont régler 75 % à 80 % des problèmes.» C'est ce qu'il nous déclarait en 2009.
Aujourd'hui, on vit quoi? On vit malheureusement une situation où, selon les professionnels de la santé, selon les médecins même, il y a des gens qui décèdent dans nos urgences, faute de soins. Alors là, vous avez entendu M. Bolduc comme moi, il est arrivé, il vous a présenté toute une série, là, de mesures, là. Avez-vous senti qu'il avait un plan derrière ça, là? Avez-vous senti qu'il y avait une stratégie, là, pour s'attaquer aux problèmes des urgences du Québec? Pas pantoute. En fait, il nous dit: Les solutions vont venir dans quatre ou cinq ans. M. Bolduc, le ministre de la Santé, qui, il y a deux ans, nous a dit: Je vais régler le problème des urgences, vient vous dire: On va trouver des solutions dans quatre ou cinq ans. Ça, c'est sa réponse, là, au drame que vivent les proches de Mme Bossé, qui est décédée à Sacré-Coeur, de Mme Fournier, qui est décédée à Maisonneuve-Rosemont, de Mme Deschênes, qui est décédée à Saint-Jérôme. Ça, c'est la réponse du ministre: On va avoir des solutions dans quatre ou cinq ans.
Puis, les solutions, on les connaît... les solutions. Vous avez couvert quelques points de presse, là, au cours des dernières années. On a-tu assez entendu parler des soins à domicile, comme quoi il fallait investir davantage dans les soins à domicile? La raison pour laquelle ils ont fait la grande réforme des CSSS, là, la raison pour laquelle ils ont décidé de regrouper les CLSC, les centres de longue durée et les hôpitaux en un seul... une seule structure, les CSSS, la raison... une des raisons, c'était justement de faire en sorte qu'il y ait des meilleurs soins à domicile. Ça, c'est la grande réforme. Quand ils nous disent, là, que ça va prendre encore quatre ou cinq ans, là, puis... même M. Levine parle d'une autre réforme. La réforme, elle a été faite, la réforme, elle a été faite quand le gouvernement libéral décidé de regrouper les CLSC, les centres de longue durée et les hôpitaux en une seule structure, notamment pour améliorer les soins à domicile. Est-ce que les soins à domicile se sont améliorés? En tout cas, s'ils se sont améliorés, on se demande bien ce qu'ils font les gens aux étages dans les hôpitaux puis comment ça se fait qu'on ne peut pas les retourner chez eux pour faire de la place justement pour les personnes qui sont dans les corridors des urgences.
Les médecins nous disent: Si le réseau de la santé était informatisé, on serait capables de soigner 20 % plus de patients chaque jour. Ça, c'est des gens qui seraient soignés dans la communauté plutôt que de se retrouver pour certains d'entre eux dans les salles d'urgence. 20 % plus de patients qui seraient soignés par nos médecins puis nos infirmières de famille si le système de santé était informatisé. La réponse... la situation, c'est quoi? C'est que le Dossier de santé du Québec est un échec, jusqu'à maintenant. Ils n'ont absolument pas été capables d'informatiser le système de santé. Même les quelques pharmaciens qui participaient au projet pilote ont tiré la plug parce que le système qu'ils testaient venait paralyser leur propre système, qui leur permet d'émettre les prescriptions puis de donner les médicaments... afin de traiter les prescriptions et d'émettre... et de donner les médicaments.
Alors, nous, ce qu'on demande à M. Bolduc, ce n'est pas des demi-mesures, là, ce n'est pas des engagements flous pour l'avenir, là, c'est un plan d'urgence pour les urgences. Ça prend un plan d'urgence pour les urgences. Les gens ont besoin d'être rassurés. Les Québécois ont le droit d'exiger que leur ministre de la Santé se comporte comme un ministre de la Santé puis qu'il arrive avec des solutions. Pas dans quatre ou cinq ans, maintenant. Maintenant, M. le ministre. Vous étiez le sauveur, vous vous êtes présenté comme étant le grand spécialiste des urgences, le premier ministre lui-même vous a présenté comme ça. Vous nous avez dit que vous aviez des solutions structurantes, l'année passée, qui régleraient 75 % à 80 % des problèmes? C'est le temps de les présenter puis c'est le temps surtout de les mettre en place, ces solutions-là. On en a besoin maintenant.
M. Duchesne (Pierre): M. Drainville, vous savez très bien qu'il n'y a pas de sauveur dans le domaine de la Santé. Votre propre gouvernement, les gouvernements précédents ont été aux prises avec la même chose. Est-ce qu'il n'est pas plus sage de parler de solutions structurantes à moyen, long terme que d'essaye de régler ça à la petite semaine?
M. Drainville: On ne va pas régler ça à la petite semaine. Là, il doit nous dire d'abord ce qu'il va faire pour désengorger les urgences qui débordent, combien de livres il va... combien de lits il va ouvrir, où est-ce qu'il va les ouvrir. Là, il doit rassurer les équipes soignantes qui sont découragées, qui sont brûlées, qui manifestent dans la rue. Imaginez, là, à Maisonneuve-Rosemont, qui est une des urgences en problème actuellement, là, ce midi, les infirmières étaient dans la rue. Pensez-vous que ça va améliorer, là, le fonctionnement de l'urgence à Maisonneuve-Rosemont, ça?
C'est le job du ministre d'arriver puis de dire aux infirmières puis aux médecins du réseau: Écoutez, on va s'asseoir ensemble, puis on va trouver un problème, on va trouver une solution à court terme pour le problème que nous vivons maintenant, c'est-à-dire un débordement avec les conséquences qui s'ensuivent. Puis c'est également au ministre de nous dire: Voici ce qu'on va faire pour accélérer le rythme de création de... par exemple, d'infirmières de famille; voici comment on va s'assurer que les soins à domicile soient disponibles, alors que visiblement ils ne le sont pas suffisamment; voici ce qu'on va faire pour accélérer le rythme de création des groupes de médecins de famille; voici ce qu'on va faire pour informatiser le système de santé, ce qu'on n'a pas réussi à faire jusqu'à maintenant, ce qui va nous permettre de traiter plus de patients puis éviter certains engorgements. C'est ça qu'on attend du ministre de la Santé, M. Duchesne.
M. Duchesne (Pierre): Le ministre...
M. Drainville: Avez-vous entendu ça, là, il y a un instant? Avez-vous senti, là, qu'il prenait le problème à bras-le-corps, là? Avez-vous été inspirés par son leadership? Tu sais...
M. Duchesne (Pierre): Mais c'était... Le ministre...
M. Drainville: Mais les gens... Vous savez, il y a des gens, des familles, là... il y a des gens, des familles qui ont perdu un être cher, qui nous appellent, ils nous appellent parce qu'ils ont besoin... ils ne savent plus vers qui se tourner, ils sont un peu désespérés, alors ils se tournent vers le porte-parole de l'opposition en santé parce qu'ils ont besoin de réconfort puis ils ont besoin de sentir que la mort de cet être cher n'a pas été vaine puis qu'il y a quelque chose de bon qui va sortir de ça. Alors, excusez-moi si je suis un peu impatient peut-être, dans mes propos, mais je me fais le reflet, je pense, ou le relais de cette... d'une impatience que l'on sent en tout cas chez certains de nos concitoyens, là.
M. Duchesne (Pierre): Ce que vous dites, c'est que les spécialistes de la méthode Toyota, ça ne fonctionne pas, là.
M. Drainville: Écoutez, sincèrement, là, je me suis posé la question, avant de venir vous voir, si j'allais... si j'allais l'utiliser, celle-là, puis j'ai décidé que, dans le contexte, je n'allais pas... je n'allais pas en parler parce que... Qu'est-ce que vous voulez, là? Il y a des gens qui décèdent, maintenant, là, tu sais, les... Mais disons que ce n'était probablement pas la bonne marque de voiture, hein, qu'il fallait utiliser pour son modèle.
M. Grant (John): Mr. Drainville, this is a problem that's existed for many, many years, successive governments haven't been able to solve it. Is this an impossible situation? Is it...
M. Drainville: This is a difficult situation, there are no magical solutions, but there are solutions. And the biggest problem we are facing these days is that some people are starting to believe that there are no solutions, they are becoming so disillusioned and so cynical that they're giving up, and some of them are giving up altogether on the whole system, on the whole public system. I'm telling you there are no easy solutions, but there are solutions, and we know them. Why the heck aren't we putting them in place?
M. Grant (John): Hospitals all adopted the best practices in their emergency departments. Why is it always the same hospitals that perform well and always the same hospitals that fail?
M. Drainville: Well...
M. Grant (John): What is wrong with the administrations? What's wrong with...
M. Drainville: Well, we should learn from the hospitals where things are going well, that is for sure.
M. Grant (John): ...to do, and here's his successor saying: It's not working.
M. Drainville: Well, it's got to be working. At some point, it has to be working. You know, I'm giving you a very concrete example about the computerization of the whole health care system. Why can't we computerize the health care system? We are last. Out of 10 provinces, we are at the very bottom, number 10 in terms of the implementation of «le Dossier de santé du Québec». Number 10 out of 10. Some provinces that do not have the technical and professional means that we have are way, way ahead of us. Why can't we put it in place? And doctors and nurses are telling us: Give me a better system, a system that will allow me to recognize and to know lab results. Les... the results of «l'imagerie médicale, là»... whether they are scans, whether they are... «comment on dit»...
M. Grant (John): X-rays.
M. Drainville: «Oui, la résonance magnétique.» Give me the whole drugs profile and I will... it will give me an instant picture of the health situation, the health condition of someone. And I will be able to treat that person much more quickly, and she will or he will come out of my office, and I will be able to take another one much more quickly. And some of these less serious cases could be treated by family nurses. Where are the family nurses? We've been asking for family nurses for years. Again, we are way, way, way behind Ontario, for example.
M. Dougherty (Kevin): Do you know the answers to these questions, specifically, on computerizing health care nurses... family nurses. Why... I mean... because, Dr. Couillard talked about exactly what you are talking about, having all the medical records, and so on. Why, between him announcing this and today, why... what happened? If Saskatchewan can do it, why can't we?
M. Drainville: Why? No, I'm asking you the question. I don't know. Why can't we get it done? Obviously, there is some incompetence and some mismanagement. And there is a lack of will, and there is a lack of vision, and there is a lack of... I don't know. Why can Newfoundland get it, and Quebec can't? Why? I'm... some questions. We have been asking these questions for a long time, Mr. Dougherty, you know that. And at the very... at the very early stage, when we started asking these questions, you had this minister coming right after me and saying: Well, he does not get it, you know, he is all wrong.
M. Dougherty (Kevin): Also, he mentioned, you know, the doctors and nurses were retiring... I think 1998, twelve years ago. And he says: That is still a factor. That is another reason why.
M. Drainville: Yes. Well, do you believe him now? Come on. You know... Not only have they been in power for seven years, now they are saying solutions will come in five years time. You know, in 2003, they said: We are going to get rid of waiting in the whole system. Mr. Bolduc was recruited as the... you know, the great master expert in waiting time. He was going to take care of business. You know, he did his whole, you know... he did his visit of problematic emergency wards last year, and he said he had found structuring solutions for 75% to 80% of problems. Well, we're still waiting for these solutions, aren't we?
At some point, you know, at some point, if you mean it, deliver on it. If you mean it, do it. Or just shut up. Start... You know, stop talking and just stop making commitments to the population. The problem is: right now, you've got... you've got a minister who has been making very, very substantive and substantial commitments, and you have a premier who did the same, and now people are getting extremely restless and... and impatient.
Mme Montgomery (Angelica): Mr. Drainville, you're talking about how frustrated you are that this is going to take years to fix, but your solutions...
M. Drainville: I've been in this job for three years, you know.
Mme Montgomery (Angelica): But your solutions would take years to implement as well. It takes years to train a family nurse, it takes years to introduce computerize systems.
M. Drainville: Yes, but let's begin. Can we at least begin? Can we at least start seeing some movement? They're telling us: Wait, in five... four or five years from now, you'll start to see progress. That's basically what they're telling us. Well, they've been there for seven years, and they've been telling us for seven years: Progress is on the way. You know, we are going to merge «les CLSC», and hospitals, and the CHSLD in one unit, so you have a better functioning of these three units, and home care will be improved by that. Well, five years later, obviously there's very little progress or too little progress. They've been talking about family doctors for how many years, now? We've been talking about family nurses for how many years, now? We've been talking about computerizing the whole healthcare system for how many years, now? I mean, at some point, you have to be accountable for the job you haven't been doing. And this is what I'm doing, I'm telling... I'm telling them: You, you haven't done the job, and you better start doing it because people are suffering because of that. Ça va?
M. Duchesne (Pierre): Un petit mot sur Joannie Rochette. Elle vient de l'Île-Dupas, comme chez vous? Êtes-vous content?
M. Drainville: Bien là, on change de...
M. Duchesne (Pierre): Oui, oui.
M. Drainville: On change de registre. Bien, moi, je suis très fier. Écoutez, le... on est 500 sur l'Île-Dupas. Mais là je pense que ça a augmenté un petit peu avec les chalets d'été qui ont été transformés en résidences à l'année, là, mais on est 500. Alors, les grands-pères, grand-père Drainville puis grand-père Rochette se connaissaient, ils étaient deux cultivateurs. Moi, j'ai bien connu Normand, son père. J'ai connu son oncle, Denis. J'ai joué au hockey avec Denis. La petite Joannie, je l'ai vu grandir à l'île. Sa maman, ses parents, sa famille sont les voisins de ma soeur. Bref, vous avez raison, c'est comme un... c'est quasiment une histoire de famille parce qu'à l'Île-Dupas on est 500; qu'est-ce que vous voulez, on se connaît tous. Alors, moi, je trouve qu'elle nous a donné un très bel exemple de courage, de dignité, et cette femme-là va être une inspiration pour des jeunes patineuses québécoises pour des générations à venir. C'est vraiment... moi, j'étais fier, on était... évidemment, on écoutait ça hier soir puis on était avec elle évidemment, puis, moi, j'étais extrêmement fier d'elle, et on s'est tous posé la question, et je pense que c'est Petrowski qui décrivait: Comment est-ce que, moi, j'aurais réagi dans de telles circonstances, est-ce que j'aurais été capable... tu sais, est-ce qu'on aurait eu cette force mentale, cette capacité de performer? Et elle nous a donné un extraordinaire exemple de réussite, et, moi, je lui lève mon chapeau. Je pense qu'on va se souvenir longtemps de cette performance-là. C'est une femme exceptionnelle dont on est tous très fiers, à l'Île-Dupas, et, je pense, dont tous les Québécois ont raison d'être fiers. Merci de me poser la question, c'est gentil. Merci et bonne journée.
(Fin à 13 h 43)