(Neuf heures neuf minutes)
Le Modérateur
:
Bonjour, tout le monde. Bienvenue à ce point de presse. Alors, vont s'exprimer,
dans l'ordre, Gabriel Nadeau-Dubois, député de Gouin; Bérangère
Paradis-Deschênes, Chloé Nadeau-Perrier, Françoise Hasty, de l'Association
étudiante sages-femmes du Québec; ainsi que Christiane Nault, de la Coalition
pour la pratique sage-femme. Merci.
M. Nadeau-Dubois :
Bonjour, tout le monde. Ce matin, je suis entouré d'étudiantes sages-femmes
pour vous mettre au courant d'une situation qui est particulièrement
inquiétante. Chaque année, au Québec, il y a des dizaines de jeunes femmes qui
s'engagent dans une formation pour devenir sage-femme, un métier qui est important,
un métier dont les bienfaits sur la santé et la sécurité des femmes sont
reconnus. Ça fait 20 ans maintenant que c'est une pratique qui est
légalisée, ça fait 10 ans que c'est inclus dans la politique québécoise de
périnatalité, et pourtant, encore aujourd'hui, passer au travers de cette formation-là,
c'est un défi. Pourquoi? Parce que c'est une formation qui nécessite plusieurs
centaines d'heures de stage, et pourtant ces stages-là ne sont pas rémunérés.
Concrètement, on parle de plus de 2 300 heures
de stage que font les étudiantes en pratique sage-femme, et ces 2 300 heures
là ne sont pas rémunérées. C'est des conditions inacceptables, surtout pour une
pratique qu'on prétend vouloir valoriser. Ça envoie un très mauvais message que
de ne pas compenser d'aucune manière les 2 300 heures de stage qui
sont effectuées par les futures sages-femmes au Québec.
Vous savez qu'à Québec solidaire on a
annoncé notre intention d'encadrer légalement et de rémunérer l'ensemble des
stages au Québec. Il y a beaucoup trop de jeunes Québécois, de jeunes
Québécoises qui travaillent sans être payés. C'est une forme de cheap labor
moderne qui, pour nous, est inacceptable.
Alors, ça nous fait plaisir d'accueillir
aujourd'hui les étudiantes en pratique sage-femme et de leur passer la parole
pour qu'elles puissent défendre leur métier, défendre leurs conditions
d'exercice parce que, si le gouvernement a des centaines de millions de dollars
pour les médecins spécialistes, la moindre des choses, ce serait de trouver le
1,6 million de dollars que les futures sages-femmes viennent réclamer
aujourd'hui au gouvernement pour rémunérer leurs stages.
Mme Paradis-Deschênes (Bérangère) :
Merci, M. Nadeau-Dubois. Chères Québécoises, chers Québécois, aujourd'hui,
nous sommes plusieurs étudiantes sages-femmes, membres de l'AESFQ,
l'Association des étudiantes sages-femmes du Québec, à s'être déplacées à
l'Assemblée nationale pour dénoncer l'alarmante précarité financière chez les
étudiantes sages-femmes, qui retarde et entrave la diplomation de plusieurs de
nos consoeurs du Québec et donc diminue l'accès aux soins de santé offerts par
les sages-femmes. Nous prenons la parole pour démontrer que les 2 352 heures
de stage et d'internat du baccalauréat en pratique sage-femme doivent être rémunérées.
L'AESFQ tient à faire comprendre au
ministère de la Santé et des Services sociaux que le taux de diplomation des
étudiantes sages-femmes a un impact réel sur l'accès aux services sages-femmes
au sein de son système de santé et que l'endettement préoccupant des étudiantes
sages-femmes entrave directement la diplomation des sages-femmes du Québec.
Pour remédier à cette situation alarmante, l'AESFQ demande au ministère de la
Santé et des Services sociaux de négocier une entente de service avec ses
membres afin que celles-ci obtiennent un statut de salarié et reçoivent les
compensations financières pour les frais encourus par leurs stages.
Maintenant, laissez-moi vous illustrer pourquoi
il est dans l'intérêt de toutes et tous que le travail des étudiantes sages-femmes
québécoises soit reconnu à sa juste valeur. Premièrement, un statut de salarié
permettrait aux femmes et aux personnes qui veulent obtenir le titre de sage-femme
de voir leur intégrité protégée en stage, notamment à travers les différents programmes
de la CNESST.
Deuxièmement, mettre un terme à
l'endettement disproportionné imposé aux étudiantes sages-femmes permettrait de
briser la barrière financière qui empêche plusieurs personnes de réaliser leur
vocation de sage-femme et donc de diversifier la communauté des sages-femmes du
Québec.
Troisièmement, éradiquer l'endettement des
étudiantes sages-femmes augmenterait notre taux de diplomation et soutiendrait
les équipes de sages-femmes qui se trouvent actuellement en manque d'effectifs
criant partout à travers la province.
Finalement, toutes ces mesures augmenteraient
l'accessibilité soins offerts aux femmes et aux familles du Québec.
Mme Naud (Chrystiane) : Alors,
bonjour. Moi, je suis membre du conseil d'administration du Regroupement
Naissance-Renaissance, qui est un regroupement politique qui milite entre
autres pour le respect des femmes en période périnatale. Je suis ici pour
remplacer Lorraine Fontaine, qui est coordonnatrice de la Coalition de la
pratique sage-femme et qui, la coalition, représente plusieurs membres, dont la
CSN, la FFQ, le Regroupement Naissance-Renaissance, entre autres.
Donc, voici les propos que
Lorraine Fontaine aurait voulu vous dire. Donc, alors, la Coalition pour
la pratique sage-femme, qui représente pas moins de 800 000 personnes,
appuie résolument les étudiantes sages-femmes dans leurs démarches de
reconnaissance financière. Nous considérons que des conditions décentes
mèneraient à un taux de diplomation plus élevé et donc à un plus grand accès
aux services sage-femme. Cela est nécessaire pour le déploiement des services
et l'accès à travers le Québec pour toutes, parce que de nombreuses femmes se
voient refuser un suivi sage-femme durant leur grossesse faute de suffisamment
de sages-femmes et de maisons de naissance. Le déploiement des services promis
dans la Politique de périnatalité 2008‑2018 du gouvernement libéral est
loin d'être atteint, nous n'en sommes qu'à 3,9 % des 10 % visés. Nous
croyons fermement qu'en soutenant les étudiantes sages-femmes cela aura pour
effet d'améliorer les services de première ligne en périnatalité au Québec.
Mme Nadeau-Perrier (Chloé) :
Je vais maintenant vous partager un extrait de mon parcours personnel comme
étudiante sage-femme et des éléments qui ont contribué à mon endettement
grandissant.
Donc, je suis étudiante interne
sage-femme, c'est-à-dire en dernière année de ma formation. Et, tout comme les
résidents en médecine de famille, qui font des suivis de grossesse, j'ai la
responsabilité clinique entière des couples que je suis.
À travers ma formation, à travers les
quatre ans et demi de pratique, j'ai dû déménager ma famille et mes enfants à
plusieurs reprises pour suivre les exigences de la formation. Je suis partie de
Montréal pour aller à Trois-Rivières, le seul endroit où la formation se donne.
Je suis retournée à Montréal pour être en stage. Ma famille et moi, on s'est
établis à Sherbrooke, pour être en stage aussi. Puis j'ai dû retourner à
Montréal et, comme je ne voulais pas bouleverser l'entièreté de ma famille, j'ai
payé un deuxième loyer entièrement à mes frais. Il n'y a pas de compensation
financière offerte par le baccalauréat ni par le programme d'aide financière
aux études. Ensuite, je suis retournée à Trois-Rivières, là aussi en payant un
deuxième loyer et là aussi sans aucune compensation.
Ensuite, à travers toutes ces années-là, j'ai
parcouru des milliers de kilomètres pour aller visiter les femmes dans des
visites pré et postnatales. Ces milliers de kilomètres que j'ai parcourus ont
été entièrement à mes frais. On doit se procurer nous-mêmes une automobile,
payer le kilométrage, payer l'essence, alors que les sages-femmes et les
professionnels de la santé sont rémunérés chaque fois qu'ils font des sorties
dans le cadre de leur travail avec leur véhicule personnel.
Finalement, j'ai eu la chance d'accueillir
dans ma famille une deuxième petite fille pendant ma formation.
Malheureusement, comme je n'ai pas été rémunérée durant mes stages et que je n'ai
pas pu travailler non plus durant mes stages, parce qu'on est de garde 24 heures
sur 24 jusqu'à sept jours consécutifs, ce qui rend impossible le fait d'avoir
un travail, je n'ai pas eu de revenu avant mon congé de maternité, donc je n'ai
pas eu droit au RQAP, augmentant encore plus mon endettement.
Ce témoignage-là, je vous le transmets
parce que c'est important, aujourd'hui, que ça change et que le gouvernement
soit à l'écoute.
Mme Soulière (Mayou) : Depuis
la création du seul programme de baccalauréat en pratique sage-femme du Québec
à l'UQTR en 1999, les étudiantes sages-femmes du Québec sont à bout de souffle.
Déjà, dans la première évaluation du baccalauréat en pratique sage-femme en
2006, les étudiantes, les sages-femmes et les enseignants consultés accusaient l'endettement
causé par les particularités du programme comme un obstacle à la diplomation
des sages-femmes. Cinq ans plus tard, en 2011, l'Association des étudiantes
sages-femmes du Québec est née, et nous avons fait de l'amélioration de nos
conditions financières un mandat prioritaire qui a d'abord mené à la production
et au dépôt d'un premier mémoire sur l'état de nos conditions financières en
2013. Depuis, les étudiantes continuent à se mobiliser pour que ça change.
Entre-temps, les internes au doctorat en
psychologie ont obtenu la rémunération de leur internat. Les étudiants et
enseignants ont obtenu une compensation financière de leur stage final, et la
Fédération des médecins résidents du Québec ont une nouvelle entente avec le
ministère de la Santé et des Services sociaux. L'Association des étudiantes sages-femmes
du Québec constate que seulement 1,6 million de dollars par année, soit
0,004 % du budget 2018‑2019 alloué en santé seulement, seraient
nécessaires pour la rémunération et les compensations financières de l'ensemble
des étudiantes sages-femmes. En octobre prochain, le Québec sera en élection,
il est dans l'intérêt du gouvernement libéral de rapidement se mettre en action
pour atteindre les cibles qu'il s'était fixées dans sa Politique de
périnatalité 2008‑2018.
Et puis, en passant, je ne suis pas
Françoise Hasty, je suis Mayou Soulière. Ma collègue est présentement à un
accouchement. C'est réel, nous militons et faisons ce point de presse en étant
en stage et de garde.
Mme Nadeau-Perrier (Chloé) :
Pour terminer, depuis le 8 mars dernier, Journée internationale de la
femme, chaque membre du gouvernement est au fait des demandes des étudiantes
sages-femmes. Ils sont au courant de la précarité financière dans laquelle nous
évoluons, car nous leur avons fait parvenir individuellement à chacun une copie
du mémoire décrivant nos conditions d'études. Une pétition a été entamée le
lundi 9 avril dernier à l'Assemblée nationale pour que les stages et
l'internat en pratique sage-femme soient rémunérés, et la pétition totalise
actuellement près de 600 signatures. Nous avons déjà l'appui formel de la
Coalition pour la pratique sage-femme et du Regroupement Les sages-femmes du
Québec. Une campagne de sensibilisation vidéo portant sur la précarité des
étudiantes sages-femmes est en cours depuis mardi le 10 avril dernier.
Pour la santé des femmes et des familles
du Québec, il est temps que le gouvernement fasse sa part et s'assoie avec
nous. La précarité des étudiantes sages-femmes doit cesser. Merci.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup. On va passer à la période de questions. Est-ce qu'il y a des
questions sur le sujet? Pas de questions sur le sujet. Merci beaucoup. Bonne
journée.
(Fin à 9 h 21)