(Huit heures trois minutes)
Mme Massé : Bonjour, tout
le monde. Vous savez, cette pandémie, il y a des gens et des entreprises qui en
profitent, on vous en parle depuis très longtemps, que ce soit Amazon, Netflix,
les grandes surfaces, etc. Mais il y en a qui profitent, par contre, de
l'inaction du gouvernement. Ce matin, on apprenait dans les journaux… Le réseau
public de santé paie le privé 150 $ de l'heure pour avoir des infirmières parce
que le gouvernement du Québec est incapable de leur offrir des bonnes conditions
de travail.
Ça, là, ça n'a pas de bon sens. Nous, les citoyens
du Québec, parce que nos gouvernements tardent à offrir de bonnes conditions de
travail à notre personnel de la santé, du réseau de la santé… Ces femmes-là, parce
qu'on parle principalement des femmes, quittent le réseau, s'en vont dans le
privé pour avoir des meilleures conditions de travail, et, comble du malheur,
les agences privées chargent à notre portefeuille collectif 150 $ de l'heure.
Bien là, il y a quelque chose qui ne marche pas là-dedans, là. Si, vraiment, ce
gouvernement-là veut relever le défi que nous impose la pandémie et que notre réseau
public a besoin, bien, il faut donner des bonnes conditions de travail à nos travailleuses
dans la santé.
Et, je vous dirais, je vous donnerais un
exemple simple qui illustre très bien… Je regarde dans la région de ma
collègue, en Abitibi-Témiscamingue, en l'espace de quatre ans, ces contrats de
service là sont passés, en 2016, à 1 million de dollars, et on parle maintenant
de 25 millions de dollars.
Alors, M. Legault, si vous voulez
trouver des solutions, là, faites donc en sorte que les gens qui sont assis à
la table de négociation, pour le secteur public, avec vos fonctionnaires leur
donnent des bonnes conditions de travail. Je pense, ça va les faire revenir
dans le réseau, ça va leur faire apprécier notre réseau puis ça va leur donner
des conditions de travail à la hauteur de l'effort qu'elles mettent pour notre
population.
Mme Lessard-Therrien :
Merci, Manon. Ce 25 millions de dollars là en main-d'oeuvre indépendante,
ça vous montre à quel point la situation est critique, en Abitibi-Témiscamingue,
au point de vue de la main-d'oeuvre de professionnels en soins. Depuis plus
d'un mois, nos services de santé de proximité sont complètement réorganisés en
Abitibi-Témiscamingue, pour ne pas dire coupés. Ce n'est pas la faute de la
pandémie, mais celle de la main-d'oeuvre chez nos professionnels en soins.
Au Témiscamingue, on demande maintenant à
certains patients de faire 100 kilomètres d'auto pour un simple changement
de pansement. Ça, c'est comme si on demandait à des gens de Montréal de s'en
aller à Drummondville pour se faire soigner une plaie. Dans ma région, les
jeunes mamans n'ont plus droit aux rencontres de suivi de leur poupon de six
mois pour s'assurer que leur développement va bien. Dans nos écoles, nos jeunes
sont laissés à eux-mêmes sur la question de la contraception et des ITSS.
En coupant les services de première ligne,
le CISSS de l'Abitibi-Témiscamingue se tire dans le pied. Alors qu'on nous dit
partout de rester chez soi, de ne pas se rendre à l'hôpital pour rien, chez
nous, on nous dit le contraire. On centralise les services dans les centres
hospitaliers et on abandonne temporairement les points de service en milieu
rural. Est-ce que le CISSS-AT avait le choix? C'est difficile à dire, mais,
chose certaine, il fallait agir.
Chez nous, il manque 160 infirmières
dans le réseau, ça, c'est 20 % de la main-d'oeuvre totale, malgré du temps
supplémentaire et malgré le 25 millions dépensés en main-d'oeuvre
indépendante. En Abitibi-Témiscamingue, on n'a pas besoin de COVID pour être en
alerte rouge dans notre système de santé. La crise numéro un, c'est la crise de
professionnels en soins. Quand j'ai questionné le ministre délégué à la Santé,
il y a plus d'un mois, sur l'enjeu, il m'a parlé de la solution de télémédecine,
comme si ça pouvait nous servir quand il est question de prises de sang.
La semaine dernière, j'envoyais une lettre
au ministre de la Santé pour attirer son attention sur la crise dans ma région,
pour qu'il la reconnaisse, pour qu'il la prenne en charge avec une cellule de
crise, silence radio. Quand on parle d'une déconnexion du terrain, c'est ça, laisser
tomber des citoyens et des citoyennes en prenant des décisions comptables dans
des tours d'ivoire, c'est de refuser d'écouter les intervenants du milieu et de
laisser la situation dégénérer comme une véritable bombe à retardement.
Il est urgent que le gouvernement
reconnaisse la crise et l'adresse sans plus tarder. Au Québec, les soins de
santé offerts à la population ne devraient pas différer en fonction du code
postal. Merci.
La Modératrice
: On va
prendre vos questions, une question et une sous-question. Est-ce qu'il y a des
questions en français?
M. Laforest (Alain) :
Mme Massé, 150 $ de l'heure, est-ce que c'est ça que le gouvernement doit
verser aux infirmières?
Mme Massé : Ce n'est pas ça
que je dis. Ce que je dis, c'est que, si le gouvernement du Québec est prêt à
payer 150 $ de l'heure à des agences privées parce qu'il y a des bris de
service, parce qu'il manque de personnel, il devrait se poser la question en
amont. Comment se fait-il qu'il n'est pas prêt à s'asseoir et à faire de
réelles ententes avec les infirmières, les inhalos, les auxiliaires? Ce n'est
pas que les infirmières…
M. Laforest (Alain) : Mais un
bon salaire pour les infirmières, c'est quoi, pour vous, là?
Mme Massé : Moi, je laisse les
infirmières négocier leurs conditions. Moi, ce que je vous dis…
M. Laforest (Alain) : Vous,
vous dites c'est quoi, là, c'est 25 $, c'est 30 $, c'est 40 $ de
l'heure?
Mme Massé : Non, non, non, moi,
je ne vais pas là. Moi, ce que je vous dis, là, c'est qu'il y a des
négociations du secteur public qui n'accouchent pas et qui doivent accoucher parce
que ce gouvernement-là utilise notre argent collectif pour payer des
entreprises privées 150 $ de l'heure pour offrir le service à nos
concitoyens. Alors, moi, je fais le calcul. Je ne sais pas ça veut dire comment.
Je laisse ça aux négociatrices qui sont à la table actuellement. Mais ce que je
vous dis, c'est : Au-delà du salaire, il y a les conditions de travail. Si
les infirmières se retrouvent en privé, ce n'est pas juste une question
salariale, c'est une question de conditions de travail.
M. Bergeron (Patrice) :
Mme Massé, prenons un exemple, justement, de conditions de travail. C'est
que, souvent, ils s'en vont en agence parce qu'ils peuvent choisir leurs
horaires, refuser le temps double, choisir les horaires qu'ils veulent. Est-ce
que, donc, dans le réseau public, on devrait dire : Laissez toutes les
infirmières choisir les horaires qu'elles veulent puis refuser systématiquement
le temps double, actuellement, dans les conditions actuelles, là?
Mme Massé : Bien, écoutez,
vous savez, quand on négocie, là, c'est parce qu'il y a deux entités qui
discutent et qui négocient. Moi, ce que j'entends quand je suis sur le terrain
avec les infirmières, c'est que, quand tu as fait ta semaine de 40 heures
et que tu te fais imposer systématiquement du temps supplémentaire obligatoire,
pourquoi? Bien oui, parce qu'il manque de personnel. Pourquoi? Parce que les
conditions de travail ne sont pas intéressantes.
Alors, je peux comprendre, moi, les
personnes, les individus. Mais moi, ce que j'interpelle aujourd'hui, c'est le
gouvernement, de dire comment on a besoin… Nos services publics ont besoin de
ces travailleuses-là, et la façon, bien, c'est de s'asseoir sérieusement à la
table, reconnaître… Ils l'ont fait pour les préposés. Vous ne trouvez pas ça
spécial? Ils le font pour les préposés en CHSLD. Pas que je suis contre. Je
suis supercontente de ça. Mais c'est tout le personnel en santé qui a besoin
d'être reconnu, d'être entendu, d'être reconnu, et, bien sûr, une des façons de
le faire, c'est leurs conditions.
M. Laforest (Alain) : …là,
entre autres sur le sectoriel, qui a été rejeté par les infirmières, c'est
signe qu'on n'est pas si loin d'une entente, là, si, déjà, le syndicat avait
acquiescé à ce que le gouvernement proposait?
Mme Massé : Bien, pour moi, ça
parle de deux choses. La première chose, c'est… Lorsque M. Legault dit :
Les syndicats, c'est… il oublie toujours que les syndicats, c'est des
représentants, représentantes des personnes syndiquées. Et, dans ce cas-là, les
personnes syndiquées, donc les filles qui sont sur le terrain, ont dit :
Non, ce n'est pas satisfaisant. Elles n'ont pas dit : Ce n'est tout pas
bon. Elles ont dit : Retournez négocier, ce n'est pas satisfaisant, écoutez,
on tient le Québec à bout de bras actuellement, dans tous vos points de presse,
vous nous remerciez, bien là assoyez-vous à la table puis ne faites pas juste
nous remercier en paroles.
Mme Gamache (Valérie) : Mme
Massé, concernant l'hôpital de Joliette, là, le CISSS de Joliette, le fait
qu'on ait remplacé finalement le P.D.G., est-ce que vous êtes satisfaite que,
finalement, le gouvernement ait procédé à ce changement-là?
Mme Massé : Bien, c'est sûr
que c'était essentiel que M. Castonguay soit démis de ses fonctions de P.D.G.
J'en avais d'ailleurs parlé avec le nouveau ministre des Affaires autochtones.
Alors, moi, je pense… Et, je veux dire, que moi, je sois contente, là, ce n'est
pas ça, le plus important. Je pense qu'il y a des personnes autochtones qui
ressentaient dans le fait de maintenir M. Castonguay en poste une espèce de
non-reconnaissance de ce qu'ils ont vécu. Et, moi, dans les dernières heures,
j'avais des discussions avec des gens qui… des autochtones qui connaissent… je
veux dire, qui souhaitaient vraiment que M. Castonguay soit retiré.
Mme Gamache (Valérie) : Est-ce
que ça envoie un bon message?
Mme Massé : Je pense que ça
envoie un bon message, mais ça ne peut pas s'arrêter là, ce n'est pas juste… Le
racisme systémique, là, je vous reviens, là, hein, ce n'est pas juste :
Ah! il y a une pomme pourrie, on la tasse, puis tout va être réglé. Non, c'est
qu'il faut s'attaquer au système. Et, dans le cas du système de santé, bien, il
y a, bien sûr, toute la question de la sécurisation culturelle qui ne doit
atterrir pas juste un petit peu à gauche et à droite, mais vraiment dans la
structure même de notre système de santé.
M. Laforest (Alain) : …M.
Castonguay, vous en pensez quoi?
Mme Massé : Je m'excuse,
monsieur…
M. Laforest (Alain) : Qu'on
le renvoie au ministère de la Santé s'occuper de la vaccination, vous en pensez
quoi?
Mme Massé : Bien, écoutez, honnêtement,
là-dessus, je n'ai pas vraiment d'opinion. C'est-à-dire que c'est sûr que je
trouve ça spécial. Je veux dire, cet homme-là a un passé, tu sais, que ce soit
durant les témoignages de la commission Viens, ensuite… On n'a pas hésité à
renvoyer les infirmières. C'est sûr que je… Mais, pour moi, le plus important,
c'est ce que voulaient les autochtones, parce que moi, je n'ai pas fait…
M. Laforest (Alain) : …pour
vous, là, le fait qu'il soit déplacé de Lanaudière puis envoyé au ministère?
Mme Massé : Bien non, je veux
dire, ce n'est pas moi qui gère le ministère de la Santé, là. Ça, je laisse ça
à M. Dubé. Moi, ce que je vous dis, c'est : Avec les événements qui se
sont passés à Joliette, il fallait… Et, même, ça a pris beaucoup de temps, là,
ça va faire bientôt trois mois que Joyce est décédée. Il fallait qu'il y ait un
message qui soit envoyé, puis pas juste en disant : On a retiré les infirmières — on
les a mises à la porte, d'ailleurs — mais bien en assumant qu'il y a
de l'imputabilité et que, dans ce cas-là, bien, M. Castonguay devait être
tassé parce que les autochtones, que ce ne soit pas juste à Manawan,
d'ailleurs, à Joliette, n'étaient pas rassurés avec sa présence.
M. Bergeron (Patrice) : Est-ce
qu'il y a encore du racisme systémique à l'hôpital de Joliette, selon vos
informations?
Mme Massé : Écoutez, moi,
je… Par définition, le racisme systémique, là, ce n'est pas un coup de
baguette. Le racisme systémique, c'est beaucoup de travail en amont qui doit
être fait. Il y a des formations. Le ministre a annoncé qu'il allait — je
pense, c'est jusqu'en 2021 — y avoir de la formation du personnel à Joliette.
Il y a des gestes comme celui qui a été posé aujourd'hui, qui sont majeurs,
pour... Et il y a aussi la sécurisation culturelle qui s'installe tranquillement
à Joliette. Mais, vous savez, Joliette, c'est un hôpital. Il y a plusieurs hôpitaux...
M. Bergeron (Patrice) : ...
Mme Massé : Je ne le sais
pas. Je ne peux pas, moi, vous témoigner… Mais ce que je peux vous dire, par
définition, le racisme systémique, ça ne s'enlève pas en tassant une personne.
La Modératrice
: Une
dernière question.
M. Larin (Vincent) : Pourquoi
vous n'avez pas signé la lettre du front commun pour demander l'élargissement de
la loi 101 aux entreprises à charte fédérale… Québec solidaire, pas vous?
Mme Massé : Oui, bien,
écoutez, quand on pose des gestes transpartisans, bien, on le travaille avec le
monde. Alors, nous, le contenu de la lettre, on est d'accord. D'ailleurs, on a
appuyé une motion, il y a quelque temps, qui reprenait sensiblement le même
contenu. Mais, à partir du moment où, là, que ce n'est plus transpartisan et
qu'il y a un des partis qui... nous, on dit : Bien non, là, c'est
transpartisan ou ça ne l'est pas. Mais ça n'enlève pas...
M. Bergeron (Patrice) :
C'est quoi qui achoppe, d'abord, avec vous, là? Qu'est-ce qui ne marche pas
dans la lettre, là?
Mme Massé : Non, non,
mais, je vous ai dit, le contenu de la lettre, je suis d'accord avec ça, mais
il n'y a pas d'enjeu, là. On va tous travailler… Et je pense que là où on va
vraiment se mettre à travailler pour vrai, et ça,
M. Simon Jolin-Barrette le sait parce qu'on lui a dit, c'est le jour
où il va déposer son projet de loi.
M. Bergeron (Patrice) : …que
ça signifie quelque chose?
Mme Massé : Je vous l'ai
expliqué. Écoutez, pour nous, quand il y a une démarche transpartisane, on travaille
en amont avec les gens. On fait le bout. Puis l'exemple… Aujourd'hui, on va
avoir un excellent rapport déposé, qui a été une démarche transpartisane,
concernant l'exploitation sexuelle chez les mineurs. Ça, c'est une démarche
transpartisane.
M. Laforest (Alain) :
Est-ce qu'il y a quelqu'un qui vous a peut-être incités à ne pas la signer?
Mme Massé : Bien, à
partir du moment où que ce n'était plus l'ensemble des partis qui signait, c'est
sûr qu'on n'avait pas à signer. Mais je redis, là, je réitère que le contenu de
la lettre… On n'a aucun problème avec ce contenu de lettre, là. Et aussi, puis ça,
c'est important, là, moi, je veux bien qu'on signe des lettres, qu'on adopte
des motions, etc., ce qu'on veut, nous, à Québec solidaire, là, c'est de commencer
à travailler sur ce projet de loi là. C'est ça qui est important. C'est ça qui
est fondamental. Et c'est ça que M. Jolin-Barrette devait faire cet
automne puis qu'il nous demande d'attendre au printemps.
M. Laforest (Alain) : ...
Mme Massé : Pardon?
M. Laforest (Alain) : Vous,
vous étiez prête à le signer, la lettre, là?
Mme Massé : Bien, il y avait
de l'ouverture. Le contenu qui est là-dedans est, comme je vous le dis, du
contenu avec lequel on est d'accord. Mais, ceci étant dit, une démarche
transpartisane, ça se fait autrement.
La Modératrice
: Merci.
On va passer en anglais.
Mme Senay (Cathy) : I don't know if you saw the article in LaPresse this morning about this
church, the celebrations, and police officers that can't do something when,
like, a celebration is on the way. The Criminal Code is not appropriate for
that, and now they're asking Public Health to do something. Do you have the
impression that we're always, like, going back and forth with measures, we have
to clarify those measures, we haven't seen something, we have to change it? Do
you have the impression that the Legault Government is just going back and forth all the time?
Mme Massé : First thing, you know, it's important for everyone, every institution to respect the Public Health recommendations. And, of course, a recommendation, when it changes, it's hard for people to understand.
But, you know what, we can understand in that moment that we are at 1,000 something,
600, 500 — I didn't see this morning — cases. How could you open your door and receive all these people
without clear action? I mean, it's very important that everyone, and especially
every center, has to respect that.
Mme Senay (Cathy) : So these celebrations in this church should never happen?
Mme Massé : I
think it's not respectful of the rules. And, if it's not respectful of the
rules, I don't know why they don't receive «amendes»…
Mme
Senay (Cathy) : …
Mme Massé : …yes, because we know that some people receive some, and how could these
people not receive it? I don't… You know, it's hard for the other sectors to
understand. Let's say the «restaurateurs», you know, they did everything that
asked the Public Health and they're still closed. So it's hard for people to
understand that.
Mme Greig (Kelly) : I want to ask you about the P.D.G. of Lanaudière... What message does this send, especially in the
light of what happened in Joliette?
Mme Massé : I think that the people of Manawan, Wemotaci, anyway, everyone hopes
that Mr. Castonguay recognizes… or Mr. Dubé recognizes that
Mr. Castonguay had to be kicked… of his job. And I think that today they
are very happy that that's happened. But, as I told a little bit earlier, you know, systemic racism, it's not only to
move people, it's to change the institution, and some work needs to be done.
La Modératrice
:Merci beaucoup.
(Fin à 8 h 22)