Point de presse de M. Amir Khadir, député de Mercier
Version finale
Tuesday, November 22, 2011, 13 h 15
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Treize heures quinze minutes)
M. Khadir: Alors, bon après-midi. Je suis, comme vous, assez choqué de voir avec quelle attitude de fermeture et cavalière le ministre de la Justice canadienne a accueilli le ministre québécois Jean-Marc Fournier. M. Fournier a fait le douloureux constat, finalement, qu'il n'y avait aucune ouverture de la part du gouvernement canadien pour entendre la voix du Québec pour empêcher que le nouveau Code criminel que s'apprête à instaurer le gouvernement canadien fasse en sorte que toutes les avancées que nous avons observées au Québec dans la réhabilitation des jeunes contrevenants vont être contrecarrées par cette mesure, par cette nouvelle loi introduite par le gouvernement canadien, par la loi C-10, qui, de plus est... En fait, ces modifications vont venir complètement à l'encontre de l'unanimité, non seulement de l'Assemblée nationale, mais de l'ensemble des acteurs québécois.
Alors, devant cet entêtement aveugle du gouvernement Harper qui veut à tout prix faire adopter son projet de loi C-10, qui bafoue le modèle québécois, Québec solidaire va proposer cet après-midi à l'Assemblée nationale une motion qui reçoit déjà l'appui, à la fois du Parti québécois, mais aussi de l'Option nationale et de son député M. Aussant, ainsi que les députés de Crémazie, de Rosemont, de Borduas et de Groulx, c'est-à-dire Mmes Lapointe et Beaudoin, ainsi que M. Curzi et M. Groulx...
Une voix: Gauvreau.
M. Khadir: Gros.
Une voix: Gauvreau.
M. Khadir: Je m'excuse. Donc, les députés de Crémazie, de Rosemont, de Borduas et de Groulx. Donc, pour ce qui est de M. Gauvreau, c'est le député de Groulx. Voici le libellé de la motion: «Que l'Assemblée nationale demande - donc, nous allons demander au gouvernement du Québec - d'entreprendre des démarches pour doter le Québec de son propre code criminel, qui reflétera les valeurs et les besoins des Québécoises et des Québécois; et
«Que l'Assemblée nationale réclame de ce fait au gouvernement fédéral un changement constitutionnel pour que le Code criminel relève de la compétence québécoise.»
Merci de votre attention.
Mme White (Marianne): Avez-vous eu des discussions avec le gouvernement à ce sujet-là, avec M. Fournier?
M. Khadir: M. Fournier était très occupé ces derniers jours. Je comprends qu'il est de retour... Il va être de retour d'Ottawa dans les minutes qui suivent. Notre demande est tout à fait sincère, ce n'est pas pour prendre le gouvernement au dépourvu. Nous croyons que nous sommes rendus là, 40 ans après, disons, la démarche québécoise dans tout le dossier de l'avortement, si on se rappelle, lorsque le Québec avait dû recourir à son propre, je dirais, amendement à l'interne, c'est-à-dire de demander aux procureurs de ne pas poursuivre en matière criminelle les médecins qui pratiquaient l'avortement, 40 ans après toute cette espèce de différend entre la société québécoise et les institutions canadiennes qui refusent de reconnaître notre spécificité, qui refusent par... autrement dit, on reconnaît la nation québécoise dans ses velléités qui sont légitimes, qui sont les nôtres, bien, il faut peut-être en venir à ça, c'est-à-dire simplement avoir notre propre code criminel.
M. Dutrisac (Robert): Ça, c'est une motion sans préavis.
M. Khadir: Oui, voilà.
M. Plouffe (Robert): À partir du moment où, M. Khadir, le gouvernement risque de ne pas l'entendre du tout, je vois que vous avez quand même une idée, là, mais, bon, on comprend très bien que ce n'est pas applicable. Mais, au-delà de tout ça, comment jugez-vous l'attitude du gouvernement Harper face aux demandes du Québec? Ça fait deux fois que M. Fournier y va, là, puis on se rend compte qu'aujourd'hui, là, il a fermé la porte encore une fois.
M. Khadir: Il y a quelques minutes, j'ai indiqué à quel point c'est insultant. Nous le prenons non seulement comme une insulte à M. Fournier, mais une insulte à l'ensemble de la nation québécoise. Ça montre à quel point M. Harper, en fait, jouait d'hypocrisie quand il a dit reconnaître la nation québécoise. Il faut que les bottines suivent les babines. Si le gouvernement Harper reconnaît vraiment la nation québécoise, il doit reconnaître qu'unanimement son Assemblée et presque unanimement sa société disent: On n'en veut pas de ces dispositions pour les jeunes contrevenants. Ça va pour ça comme ça va ailleurs, hein, sur le port des armes, les armes d'épaule, par exemple, et le registre des armes à feu.
Donc, une fois de plus, malheureusement pour le Québec, les institutions canadiennes ne répondent pas à notre appel. Donc, un jour ou l'autre, bien sûr, on va en tirer des conclusions plus fondamentales, mais, pour le moment, nous souhaitons que, malgré ce que vous dites, que M. Fournier acquiesce à notre motion pour qu'il ait quelque chose à sa disposition pour que, le moment opportun, on puisse, disons, on puisse agir au Québec.
M. Dutrisac (Robert): Mais vous êtes quand même conscient du caractère symbolique de cette motion.
M. Khadir: Bien, plus ou moins. Regardez, en 1997, on a fait pratiquement pareil, c'est-à-dire un amendement constitutionnel pour l'article 93 de la constitution pour permettre d'enlever les empiétements ou ce qui empêchait le Québec de procéder à sa réforme des commissions scolaires, pour avoir les commissions linguistiques plutôt que confessionnelles. Vous allez me dire que c'est un champ de compétence uniquement du Québec. Moi, j'estime que les champs de compétence, c'est les champs de compétence qu'on se donne.
C'est un débat avant tout politique, et le gouvernement québécois, la nation québécoise, de toute façon, n'a jamais reconnu la Constitution canadienne de 1982. Alors, il faut être conséquent avec tout ça, et il y a plus important que des phrases écrites sur un papier que nous n'avons pas approuvé. Il y a des enfants du Québec, des jeunes de 16 ans, de 17 ans, qu'on va mettre en prison, dans un milieu carcéral qui est hautement dangereux pour eux.
M. Dutrisac (Robert): Donc, vous seriez prêt à appuyer le gouvernement, si je suis votre logique, là, au-delà de cette motion-là, vous seriez prêt à appuyer le gouvernement s'il prend des gestes en matière d'application de l'administration de la justice qui pourrait contrer justement les effets de...
M. Khadir: Ça, c'est vraiment le minimum. Si le gouvernement ne veut pas procéder de manière plus cohérente, de manière plus, je dirais, robuste qui est ce qu'on lui propose, il y a toutes sortes de moyens. Mais il me semble qu'on est rendus là, comme société, et je pense que M. Fournier a là une belle occasion de démontrer peut-être que le gouvernement libéral prend parfois des risques pour le Québec.
Mme Montgomery (Angelica): Mr. Khadir, can you explain why is it that you want to have a Criminal Code change, why not just ask for sovereignty?
M. Khadir: Well, it will come one day, but the sovereignty, for Québec solidaire, is something to be dealt with by the population. In our program, once Québec solidaire is in power, in the matter of six months, there will be a constitutional assembly where people from all communities, including the English community, will be gathered and define the constitution of Québec, and decide where we want to go with that, sovereignty or not.
But while we are waiting for that, at this point, there are important issues. There are young people of 16 or 17 who risk to be incarcerated in prisons with hardened criminals, and we don't want that. We know it's not good for them. We have to save them, for that we have to take measures which are immediate.
Mme Montgomery (Angelica): But would it be necessary to go that far than to ask to repatriate the Criminal Code? You don't...
M. Khadir: Because we have done it in other matters. We have done it, for example, for schools, for the English versus French commissions, we have done it 10 years ago. Because we see so many obstacles. It's not only the question of the criminalisation of adolescence, of teenagers. It's also the question of, for example, the bearing of arms, you know, the registry for arms, what is criminal, what is not. It's... if we decide, you know, we are in a commission now to decide what we will do at the end of life. Will we permit in some instances, for example, euthanasia or help to... we haven't decided it. But, if we arrive to that end, we'll face again the problem because, in the Canadian Criminal Code, it's criminal to take some of these measures. So, instead of dealing piece by piece, why not repatriate the whole law and make it ours.
Mme Montgomery (Angelica): Would you see every province having its own Criminal Code or just one special for Québec.
M. Khadir: This is not to me to decide. That depends on the «volonté»... initiative of the population of these provinces. But, what is clear in Québec, there is a real consensus, not only in the National Assembly but in our society. So, let's do it.
M. Dutrisac (Robert): Si... Juste une petite dernière, là. Si on avait notre propre Code criminel, si on avait la compétence là-dessus, est-ce qu'il y a des changements que vous voudriez apporter pour alléger ce code-là? Vous avez parlé de l'euthanasie, par exemple.
M. Khadir: Bien, c'est des choses qui sont en débat. Mais je disais qu'à chaque étape, dans notre évolution, s'il y a des décisions qu'on prend... dans les décisions qu'on va prendre, on risque de se buter aux mêmes problèmes. Alors, au lieu de laisser ces choses-là se régler pièce par pièce, de s'empêtrer dans ce genre de, je dirais, d'exercices qui sont insultants pour le Québec comme le ministre Fournier vient de le vivre, on pourrait rapatrier ça.
Maintenant, ça ne veut pas dire qu'on est arrivés là. Ce que je dis simplement, c'est qu'il y a bien des enjeux sur lesquels on va avoir ce problème-là. On en a déjà eu il y a 40 ans, rappelez-vous, sur la question de l'avortement pratiqué par les médecins québécois, où la loi canadienne voulait incarcérer un Morgentaler. Merci.
(Fin à 13 h 26)