(Douze heures trente minutes)
M. Marissal : Alors,
rebonjour. On s'était donné rendez-vous ce matin, hein, on savait qu'on allait
revenir. Projet de loi n° 10, ma première réaction, c'est que le ministre
dit qu'il veut abolir les agences, je dis la même chose, c'est juste qu'on ne
prend pas, visiblement, le même chemin, on ne prend pas la même route pour y
arriver. Le ministre Dubé prend, visiblement, un itinéraire beaucoup plus long,
beaucoup plus long, parce que, de fait, par règlement, il prévoit se donner le
moyen de faire perdurer le service des agences partout où il y a besoin. Puis
malheureusement, en ce moment, bien, il y a beaucoup d'endroits où on en a
besoin parce qu'on n'a pas été capable de s'en débarrasser, puis elles se sont
implantées.
Alors, la première question que je me suis
posée, moi, comme député de Rosemont, c'est : Ça change quoi, ça, à l'Hôpital
Maisonneuve-Rosemont? Bien, ça ne changerait pas grand-chose, dans la forme
actuelle, parce que le ministre se permet de continuer, parce qu'il y a
urgence, par règlement en plus, à utiliser les agences. Cela dit, il veut
limiter la voracité des agences, ça, j'en suis, ça, je suis parfaitement
d'accord, je vous l'ai dit. Effectivement, les agences appuient beaucoup trop
fort sur le crayon, là, puis on se retrouve avec des factures qui n'ont aucun
bon sens. Ça, déjà, si on peut régler ça, c'est un pas dans la bonne direction.
Le fait est que, dans ce qui nous a été
présenté ce matin en briefing, il revient souvent, dans les objectifs du projet
de loi, les mentions «permettre de», donc permettre de faire usage des agences,
permettre de déterminer là où elles sont, permettre de prolonger, par exemple,
la durée d'utilisation. Là, on permet, on n'interdit pas. Alors, moi, j'ai
quand même quelques questions, et on étudiera le projet de loi à son mérite,
mais, pour le moment, il semble que le ministre s'est donné une route très,
très longue pour y arriver.
Puis franchement, pour prendre une
métaphore de santé, là, il y a deux façons d'arracher un plasteur, il y a deux
façons d'arracher un pansement. Vous pouvez y aller très, très lentement, là,
ça fait mal longtemps, puis vous arrivez, effectivement, à l'objectif de
l'enlever. Ou vous pouvez tirer d'un coup, ça, c'est l'autre façon, ça fait mal
aussi, mais ça fait mal moins longtemps. Je pense que le ministre a choisi
vraiment la méthode la plus longue, ça va faire très, très mal longtemps.
Puis dernière observation là-dessus. Pour
les infirmières, supposons qu'on plafonne — effectivement, qu'on
plafonne, c'est déjà ça de pris, là — les tarifs, une infirmière qui
va gagner 25 % de plus dans une agence que dans son hôpital, ou qu'elle
gagne 35 %, à 25 %, elle gagne encore pas mal plus que dans le
public.
Alors, moi, je vais faire le travail
consciencieusement, comme je le fais toujours en étude d'un projet de loi. Je
vais viser à ce qu'effectivement on atteigne l'abolition des agences. Le
ministre dit 2026, moi, je trouve qu'il a pris un chemin qui est bien compliqué
puisqu'il est bien long, mais je vais le prendre au mot, son objectif, c'est ça.
Ça fait qu'on va travailler en ce sens-là, mais il faut aussi travailler au
fait que ça ne soit pas si avantageux ou très avantageux d'aller travailler en
agence. Parce que sinon, évidemment, on ne réglera pas tous nos problèmes, du
jour au lendemain, dans les hôpitaux puis dans les services publics au Québec,
et les gens vont quand même vouloir aller vers les agences parce que c'est
permis. Alors, un modeste pas dans la bonne direction, mais c'est un pas très
lent qui emprunte une route très longue.
Mme Lamontagne (Kathryne) : Est-ce
que vous demandez, à ce moment-là, au gouvernement de négocier des conditions
avantageuses? Parce qu'il le lie directement à la négociation du secteur
public, là. Dans le fond, le fardeau incombe au gouvernement.
M. Marissal : Oui,
effectivement, le fardeau de la preuve est sur les épaules du gouvernement. Il
faut agir sur deux fronts, et ils sont concomitants, ils sont indissociables.
Il faut se débarrasser des agences pour ramener le monde dans le public. Pour
ramener le monde dans le public, ça passe par des bonnes conditions de travail,
des bonnes conditions de travail négociées sur les horaires, bien sûr, mais
aussi pour les salaires.
L'histoire que j'ai racontée ce matin,
pendant la période des questions, n'a aucun bon sang. À Maisonneuve-Rosemont,
des infirmières d'agence qui prennent la place d'infirmières du public, de
l'hôpital, sur les postes de jour, évidemment, parce que les agences,
généralement, c'est ce qu'elles font, elles sont formées par des infirmières
qu'elles bumpent, puis elles gagnent trois fois leur salaire. Ça n'a aucun bon
sens. Si on n'est pas capable de mettre un frein à ça, là, on peut adopter tous
les projets de loi qu'on voudra ici, là, c'est peine perdue.
Mme Lamontagne (Kathryne) : Est-ce
que vous trouvez que la façon de procéder, tu sais, y aller avec un projet de
loi qui est quand même large, puis après ça découper ça dans des règlements...
M. Marissal : C'est
malheureusement trop souvent, maintenant, le modus operandi du gouvernement
dans tous les projets de loi. On y va avec une structure, là, un ensemble, puis
après ça on y va dans le détail. C'est un peu comme si le gouvernement dit :
Dessinez avec moi les plans de la maison, puis on va débattre du plan de la
maison, mais tout ce qui est aménagement, couleurs des murs, disposition des
pièces, c'est moi qui va choisir après coup. Ce qui fait qu'on s'est retrouvé,
récemment, avec des projets de loi qu'on a adoptés, la législation précédente,
où il ne donne pas du tout ce sur quoi on avait discuté. Ça fait que c'est
dangereux, là, un chèque en blanc à un ministre, là, qui part avec un projet de
loi puis une loi, puis qui dit : Moi, je peux faire maintenant tout ce que
je veux. C'est dangereux.
Puis je pense que ça contrevient aussi à
l'esprit du parlementarisme, parce que moi, j'ai voté des affaires qui se sont
transformées avec le temps puis qui ne sont pas du tout ce dont on avait
discuté. Alors, le ministre, s'il veut se donner tous les moyens de garder les
agences, ce n'est pas un projet de loi pour les abolir. On va avoir des discussions
fort intéressantes.
M. Laforest (Alain) : C'est
un solage, puis vous n'aurez pas le droit... vous n'aurez pas votre mot à dire
sur la grosseur des murs puis les divisions.
M. Marissal : Bien au moins,
tantôt, je parlais du plan de la maison, là vous nous ramenez au solage. Effectivement,
c'est la base. On est pas mal à la base de la base, puis après ça le ministre
se réserve beaucoup, beaucoup de pouvoirs discrétionnaires. Discrétionnaire,
c'est dit, dans le projet de loi, là : Le ministre peut. En plus, entre
vous puis moi, je trouve ça un peu contradictoire, parce que le ministre nous
dit que lui, là, la microgestion, là, puis les feux dans les urgences, puis
dans les CISSS, les CIUSSS, ça ne l'intéresse pas, là, il veut se donner un
mégaoutil pour intervenir personnellement pour envoyer des infirmières
d'agences.
M. Laforest (Alain) : ...que
vous développiez un peu plus, là. Là, vous faites de la politique, mais
j'aimerais ça que vous développiez un peu plus sur l'esprit du parlementarisme.
Parce que, dans sa loi, est-ce que c'est là ou ce n'est pas là?
M. Marissal : Qu'est-ce qui
est là ou pas là?
M. Laforest (Alain) : L'esprit
du parlementarisme.
M. Marissal : Bien, ce n'est
pas tellement dans sa loi, c'est dans la transformation des lois puis dans le
processus d'adoption d'un projet de loi. Si on discute d'un sujet x, dans
un projet de loi, puis qu'on débat, par exemple, d'un article, on discute d'un
point précis, puis qu'après adoption le règlement vient complètement faire
bifurquer ou amène un autre sujet complètement, je pense que ça ne respecte pas
l'esprit du parlementarisme. Autrement dit, je ne sais pas sur quoi je vote
puisque je viens de donner un chèque en blanc au gouvernement.
On nous a fait le coup, notamment, avec la
télémédecine. La pratique mixte en télémédecine, on n'a pas discuté de ça en
forme de projet de loi dans le projet de loi qu'on a adopté à la dernière
législation. Par règlement, le gouvernement est venu en arrière changer complètement
les règles du jeu.
Mme
Mignacca (Franca G.) :
Just, in English. What did you make of this bill?
M. Marissal :
Well, if it's a good step in the right
direction, it's a very, very small step, baby steps. And if, and I say if, the
minister and the CAQ Government really want to get rid of agencies, I mean,
they took probably the longest road ever to get there. Because, at the end of
the day, when you look at what the minister is trying to gain as power is to act
by reglements. The day this draft bill will be adopted, the minister will have
all kind of new powers in hand to adapt new reglements, new articles and will
allow him to basically keep the agencies in place. My idea of this draft bill
is to rid of agencies.
Mme Mignacca (Franca
G.) : Are you concerned, then, that nothing
will change with this bill?
M. Marissal : No, I'm not saying that because, first of
all, this draft bill aims at limiting the profit that
it can make and the money that they can make. That's a good thing, that's a
good first step because, I mean, they've been exaggerating over the years, so
that's probably the best part of this draft bill. So, I wouldn't say that it
will change nothing, but let's take the example of Maisonneuve-Rosemont, the
hospital in my riding, I mean, if we adopt this tomorrow, nothing will change
at Maisonneuve-Rosemont because the hospital will be in bad shape as well as
now, and the CIUSSS will be able to call agencies, because of the lack of
personnel. So, basically, it doesn't go far enough.
Mme Mignacca (Franca
G.) :
What
would you have done differently?
M. Marissal :
Well, I mean, we have to stay focus,
one thing, get rid of agencies, and if you have all kinds of provisions in the
draft bill that allow the Minister, personally, to decide that he will keep
agencies, I mean, it's counterproductive.
M. Authier (Philip)
: ...there are too many exceptions?
M. Marissal : Too many exceptions, yes.
M. Authier (Philip)
: But he argues that, if you elimitate the agencies to fast, a shock in
the system, the lack of personnel would be too dramatic.
M. Marissal : And I totally agree with that. I totally agree with that, I said :
Three years, two years, you know, I'm flexible on that very point, but the thing is that. by
reglement, the Minister will have all kinds of powers to keep the agencies in
place and that, I think, is the problem with this draft bill.
M. Authier (Philip)
: It will be too tempting to keep them going?
M. Marissal : Well, I mean, it's the easiest solution, right? Like, personnel,
some ERs are closing, well, call the agencies. And the agencies, they will make
less money, that's right, that's a good point, but they still will make a lot
of money. Thank you.
(Fin à 12 h 41)