(Treize heures trente-trois minutes)
La Modératrice : Bonjour à
toutes et à tous. Bienvenue à ce point de presse du Collectif 8 mars à l'Assemblée
nationale. Prendront la parole, lors de ce point de presse, la députée de
Mercier, Ruba Ghazal, suivie de la députée de Robert-Baldwin, Brigitte Garceau,
suivie de la porte-parole du Parti québécois, Méganne Perry Mélançon. Puis nous
allons poursuivre avec Audrey Gosselin Pellerin et Marie-Andrée Gauthier,
porte-parole du Collectif 8 mars. Nous prendrons vos questions par la
suite.
Mme Ghazal : Merci. Merci
beaucoup, Sandrine. Bonjour, tout le monde. Bonjour, mesdames, hein? J'ai une
belle affiche Résistance féministe, que vous allez tenir, très, très
beau thème pour souligner la journée du 8 mars. Même si on est le 21 février,
c'est aujourd'hui qu'on le souligne à cause des travaux parlementaires. Je veux
aussi remercier mes collègues Brigitte, Méganne, rebienvenue à l'Assemblée
nationale, et aussi toutes les femmes qui sont ici, du collectif du 8 mars,
c'est celles qui prendront la parole après nous.
Pourquoi c'est important, encore aujourd'hui,
en 2023, de souligner et de célébrer la journée du 8 mars? Bien, parce que,
même au Québec, où, je veux dire, on est plus chanceuses qu'ailleurs dans le
monde, les luttes féministes ne sont pas terminées, loin de là. Et, vous savez,
des «boys' club», ça existe encore au Québec, dans beaucoup de secteurs, dans
beaucoup d'endroits, notamment aussi à l'Assemblée nationale, il y a des «boys'
club», il faut le reconnaître.
Ça prend beaucoup, beaucoup de temps à
changer une culture qui existe depuis très, très longtemps, qui a été faite par
des hommes depuis longtemps. Puis nous, les femmes, on s'adapte puis on essaie
aussi de changer cette institution. Oui, on est plus nombreuses, plus
nombreuses que jamais à l'Assemblée nationale. On est dans ce qu'on appelle la
zone parité, mais jamais, dans l'histoire de l'Assemblée nationale, il n'y a eu
plus de 50 % de femmes. Donc, cette première-là n'est pas encore arrivée.
Même nous, à Québec solidaire... Moi, je veux dire, Québec solidaire, c'est un
parti féministe qui a été fondé par des féministes, notamment Françoise David,
cette élection-ci, on n'a pas atteint la parité. Il y a des efforts à faire
partout, tout le temps pour cette question-là. Donc, c'est très, très important
de continuer à souligner la journée du 8 mars pour changer les choses.
Une des façons de le faire, c'est d'évaluer
l'impact des lois, des politiques publiques, des budgets qui sont adoptés ici,
à l'Assemblée nationale. Ce que les décideurs prennent comme décisions, les
décideurs et les décideuses, bien, ça a un impact qui est différent si on est
une femme ou un homme, si on est une femme qui est d'une origine ethnique
diverse ou si on est une personne, aussi, issue d'une minorité. Donc, ça a un
impact différent, puis c'est très, très important de faire cette analyse-là et
cette évaluation-là. Et, au Québec, on a tout ce qu'il faut, on a l'expertise
pour faire ce qu'on appelle une analyse différenciée selon les sexes, dans une
perspective intersectionnelle, hein, c'est le terme qui veut dire qu'il faut s'assurer
que ce qu'on prend comme décision, bien, on s'assure que ça ait un impact qui
ne défavorise pas certaines personnes, comme les femmes ou les minorités.
Je suis très, très heureuse, aujourd'hui,
et très fière de faire adopter une motion à l'Assemblée nationale, que je
souhaite qu'elle soit adoptée de façon unanime, qui parle, entre autres, de
prendre en compte l'ADS+. Et je vous annonce, je vais redéposer bientôt un
projet de loi pour que toutes les mises à jour économiques et les budgets du
gouvernement du Québec… bien, qu'il y ait une analyse ADS+, une analyse
différenciée selon les sexes et dans une perspective intersectionnelle. Je vais
le redéposer. Ça a déjà été fait l'année passée, et je vais continuer à le
faire. Donc, il faut continuer les résistances féministes. Merci.
Mme Garceau : Merci. Bonjour,
tout le monde, merci d'être ici. Vraiment, je suis très fière, c'est mon
premier point de presse avec les femmes, et merci beaucoup pour le Collectif 8
mars, pour tout ce que vous fait ici, au Québec, pour avancer le droit des
femmes.
Nous savons, le 8 mars est une journée
spéciale. Nous savons que c'est le 21 aujourd'hui, mais, compte tenu qu'on
n'était pas pour siéger le 8 mars, Ruba, et je te remercie pour l'initiative de
faire ça aujourd'hui pour souligner cette journée qui est tellement importante,
surtout en 2023, c'est avec... On doit continuer la lutte, la lutte continue
pour avancer le droit des femmes.
J'avais remarqué, plus tôt, avec les
femmes qui sont ici, du collectif, que leur slogan, La résistance féministe,
c'est vraiment un appel, c'est un appel à l'action, un appel à la solidarité
des femmes pour avancer le droit des femmes, pour s'assurer que nous soyons...
que les inégalités entre les femmes et les hommes... Nous avons tous un rôle à
jouer dans cette société pour avancer les droits des femmes et nous savons très
bien que nous avons quand même de grands défis devant nous.
Nous savons très bien qu'en ce qui a trait
à... il y a une augmentation de la violence faite aux femmes, il y a une
résurgence, si je peux dire, de la violence, surtout depuis la pandémie. On a
aussi une augmentation de femmes qui ne peuvent pas avoir d'hébergement. On n'a
pas assez de places dans les maisons d'hébergement pour recevoir les femmes qui
sont violentées ou qui sont en difficulté. Il y a une augmentation au niveau de
l'itinérance concernant les femmes.
Et donc même les conditions de travail,
c'est d'actualité, que ce soient les infirmières, que ce soient les éducatrices
de la petite enfance, que ce soient les intervenantes au niveau de la DPJ,
elles ont besoin d'aide. Elles vivent dans des conditions très difficiles, qui
affectent non seulement leur santé mentale, mais il y a des conséquences
financières également. On a un manque au niveau d'accès aux services de garde
qui fait en sorte que c'est majoritairement les femmes qui doivent rester à la
maison, elles mettent leur carrière ou leur emploi en veilleuse.
Donc, je suis très, très fière d'appuyer
la motion. Et merci beaucoup, mesdames, d'être ici, vous faites vos actions,
qui mènent à des mesures concrètes pour avancer le droit des femmes… est
remarquable. Et on vous remercie infiniment.
Mme Perry Mélançon (Méganne) :
Merci. Donc, à mon tour de saluer toutes les femmes qui sont présentes
aujourd'hui, qui regroupent, disons, des dizaines de milliers de membres, il
faut le dire. Parce qu'on en parlait, tout à l'heure, puis on est un petit
groupe, mais il y a beaucoup de gens derrière aussi qui s'allient à la cause.
Et, bien, j'ai justement à mes côtés deux femmes, également, des partis
d'opposition, que je salue, parce que nos travaux transpartisans, ils sont
importants à l'Assemblée nationale, là.
Je parle à titre de porte-parole de mon
parti, mais j'ai quand même aussi porté plusieurs dossiers en condition
féminine, puis on a réussi à faire, quand même, des avancées dans les dernières
années. Puis on voit que, quand on allie les forces, puis qu'on prend des
dossiers vraiment à cœur, puis qu'on les porte, bien, on voit le progrès puis
on voit des réalisations concrètes. Moi, je pense à un, disons, de mes
dossiers-phares, mes moments-phares, c'est la commission sur l'exploitation
sexuelle des mineurs. Je pense que tout le monde s'est rallié. Il y avait des
organismes communautaires de partout. On est allés, même, dans les communautés
autochtones. On a vraiment fait un gros travail, puis je pense qu'on aurait
tout à gagner de faire plus de ces initiatives-là.
Donc, merci pour l'organisation de ce
point de presse là et au Collectif 8 mars de profiter du moment de la
journée du droit des femmes, depuis plusieurs années déjà, et de nous organiser
des beaux débats, des beaux échanges pour que le politique soit vraiment le
plus près possible de la réalité que vivent les femmes. On parle... On pense
encore à l'équité salariale, qui n'est pas atteinte, malgré qu'on ait une loi,
au Québec, depuis plusieurs années, qu'on pense aux CPE, on n'en finit plus
d'en parler, puis on a plusieurs femmes, justement, qui sont associées à la
petite enfance.
Donc, je suis fortement en faveur de
l'application de l'analyse différenciée selon les sexes, évidemment. Puis j'ajouterais
même qu'on aurait tout intérêt à renforcer même le rôle du Secrétariat à la
condition féminine puis d'en faire un vrai ministère qui a des moyens, qui a du
pouvoir, qui peut prendre des grandes décisions puis qui peut s'assurer que
chaque ministère remplisse son rôle puis ait toujours en tête d'avoir l'équité
envers les femmes, puis la parité, et tout ça.
Donc, on a beaucoup de travail encore à
faire, mais c'est des journées comme ça qui nous rappellent, justement, le
progrès qui a été fait. On est plusieurs femmes qui sont élues à chaque
élection, et ça, bon, c'est un réel bonheur de voir ça au Québec, mais ça vient
avec une responsabilité de porter la voix de, justement, celles qui n'ont pas
cette chance-là ou qui n'ont pas la même voix dans la société. Alors, c'est
important de continuer ces luttes-là. Et, bien, je vous remercie d'être là.
Puis évidemment que, la motion, on va se faire un plaisir aussi de l'appuyer.
Voilà.
Mme Gosselin Pellerin (Audrey) :
Oui. Donc, bonjour. Mon nom est Audrey Gosselin Pellerin. Je suis ici avec ma
collègue Marie-Andrée Gauthier, on est porte-parole du Collectif 8 mars. Et
donc, d'emblée, bien, on tient, bien sûr, à remercier les parlementaires, là,
pour leur ouverture à mener conjointement ce point de presse.
Donc, en fait, le Collectif 8 mars,
c'est un organisme qui est composé d'organisations syndicales et
d'organisations féministes d'action communautaire autonome, et on représente
près de 800 000 femmes,
17 tables régionales de concertation en condition féminine et plus de
450 groupes de femmes et mixtes au Québec. Donc, les actions menées,
actuellement, par les membres du Collectif 8 mars démontrent que les
luttes féministes, au Québec, elles sont multiples.
Pour la Journée internationale des droits
des femmes, d'ailleurs, bien, cette année, le collectif et ses membres ont donc
choisi le slogan Résistance féministe. De génération en génération, dans
la rue ou dans l'espace privé, hein, les féministes luttent tous les jours pour
faire respecter leurs droits. Dans une riche diversité alimentée par leur
colère et aussi nourrie par leur sororité, elles s'unissent, elles ne veulent
plus négocier et ne resteront pas silencieuses. L'heure est grave, nous
sommes confrontés à l'urgence climatique, aux polarisations et aux
privatisations. Nous faisons face à l'effritement des droits des femmes, à
l'augmentation des violences à nos égards et à l'exacerbation des inégalités.
Nous luttons contre la montée du racisme, le sexisme décomplexé et la haine
assumée, c'est pourquoi le slogan Résistance féministe est apparu comme
une évidence. Cette année, particulièrement, il vise à donner la voix aux
groupes qui ne sont pas entendus.
Mme Gauthier (Marie-Andrée) : Le
gouvernement du Québec a tous les outils pour considérer ces voix. Il doit
avoir le courage politique d'intégrer l'analyse différenciée selon les sexes
dans une perspective intersectionnelle, l'ADS+. Il doit respecter l'engagement
pris lors de la signature de la déclaration et du programme d'action de la
quatrième conférence mondiale sur les femmes à Beijing en 1995. Nous
reconnaissons aujourd'hui l'importance de l'adoption d'une motion dans le cadre
du 8 mars et nous vous en remercions.
Or, il faut en faire beaucoup plus. M. Legault
et Mme Biron, nous vous interpellons pour que cette reconnaissance soit
traduite par l'application d'une ADS+, en amont, dans tous les ministères et
organismes. Rapidement, si on appliquait l'ADS+ à l'urgence climatique, on
verrait que la crise climatique creuse les fossés entre les femmes et les
hommes ainsi qu'entre entre les femmes elles-mêmes. Les impacts des changements
climatiques sont encore plus grands sur les groupes de femmes exposés à un
croisement de discrimination. Elles sont notamment plus susceptibles de
rencontrer des embûches dans l'accès aux soins de santé et aux services sociaux
ainsi qu'à une alimentation saine basée sur des produits de qualité et
accessible à proximité de leur résidence. Une ADS+ permettrait de prendre en
compte que les conséquences des catastrophes naturelles sont genrées :
augmentation du stress en raison du statut socioéconomique plus précaire que
chez les hommes, de la division genrée du travail, du rôle traditionnel de
dispensatrice de soins, sans parler de l'augmentation de la violence envers les
femmes, notamment en milieu familial.
Les femmes et les hommes sont dans la même
tempête, mais pas dans le même bateau. L'ADS+ continuera d'être au cœur de nos
revendications féministes. Nous considérons que le gouvernement doit prendre
ses responsabilités envers les populations les plus durement touchées, dont
font partie les femmes à la croisée d'oppressions. Une application transversale
et spécifique de l'ADS+ sera garante du respect des droits de toutes les femmes
au Québec.
La Modératrice : Merci. On va
prendre vos questions.
Mme Paquette-Comeau (Marie-Josée) :
Oui. En lien avec l'ADS+, est-ce qu'il a déjà été analysé… En fait, le coût
de cette demande-là, est-ce que ça a déjà été analysé?
Mme Ghazal : Pas à ma
connaissance, là. Je n'ai pas cette information-là, je ne peux pas vous
répondre maintenant. Je ne sais pas si vous... mais normalement, tu sais, il y
a une expertise qui existe. Le gouvernement, il sait comment le faire, c'est
juste qu'il ne l'utilise pas puis il ne l'applique pas. Moi, quand Christine
Labrie était responsable de la condition féminine, le nombre de fois qu'elle a
interpellé la ministre de la Condition féminine de l'époque pour le faire, pour
l'appliquer, parce qu'on peut, on peut le faire, il suffit juste que le
gouvernement ait la volonté.
Quel coût ça pourrait avoir? L'expertise
est déjà là. On n'a pas besoin d'embaucher McKinsey pour la faire, là, tu sais,
on a l'expertise, on a les gens au gouvernement du Québec. Il y a eu des
recherches, on sait c'est quoi, le bénéfice. Et, au fédéral, là, je n'aime pas
donner cet exemple-là des pays étrangers, mais au fédéral, à Ottawa, bien, ils
le font. J'ai regardé, l'année passée, quand j'ai déposé mon projet de loi, et
j'ai vu qu'est-ce qui se faisait ailleurs puis j'ai vu, par exemple, c'est quoi,
l'impact de telle mesure sur les personnes autochtones, les femmes, les femmes
racisées, etc. Donc, c'est quelque chose qui se fait, puis on a l'expertise à
l'intérieur.
Mme Paquette-Comeau (Marie-Josée) :
Et, cette analyse-là, en quoi est-elle positive pour tout le monde, en
incluant les hommes?
Mme Ghazal : Bien, c'est
pour savoir... C'est-à-dire que, quand on met en place une mesure, souvent… Il
n'y a personne ici qui vient à l'Assemblée nationale puis qui dit : Moi,
je vais faire une loi qui va vraiment pénaliser les femmes ou qui va pénaliser
les personnes autochtones, etc. Souvent, toutes les lois, souvent, là, dans la
majorité du temps, partent d'une bonne volonté pour faire quelque chose, mais
des fois il y a des angles morts.
C'est pour ça qu'on fait des études, et
tout ça, en commission parlementaire, pour que les gens nous parlent de ces angles
morts. Bien, l'ADS+ permet de voir que, par exemple, quand on fait une mesure
fiscale, on pense qu'on aide tout le monde, mais finalement il y a la grande
majorité des gens qu'on devrait aider qui ne sont pas aidés. Ça permettrait de
faire ça puis ça nous permettrait aussi d'être éclairés, quand on prend des
décisions, de ne pas le faire dans le noir.
Mme Paquette-Comeau (Marie-Josée) :
Parfait. Merci beaucoup.
Des voix : Merci.
(Fin à 13 h 49)