(Onze heures quarante minutes)
La Modératrice
: Donc,
bonjour et bienvenue à ce point de presse de Québec solidaire. Prendront la
parole Manon Massé, suivie de Mme Marjolaine Étienne, présidente de Femmes
autochtones du Québec, chef Ghislain Picard, de l'Assemblée des premières
nations Québec-Labrador, et chef Sipi Flamand, chef du Conseil des
Atikamekw de Manawan, sera suivi d'une période de questions.
Mme Massé : Oui, bonjour,
tout le monde. Merci d'être là. En fait, encore une fois, je suis très honorée
que mes frères autochtones et mes soeurs autochtones ont choisi de m'interpeller
pour marrainer une pétition qui exigeait du gouvernement du Québec de
reconnaître immédiatement le Principe de Joyce et se mette en action.
Malheureusement, on le sait, que ce gouvernement-là bloque à chaque fois qu'on
parle de racisme systémique, de discrimination systémique, et là c'est rendu
une histoire d'idéologie. Mais par contre ce qu'on sait sur le terrain, c'est
qu'il y a des femmes et des hommes qui ne reçoivent pas les soins dont ils et
elles ont droit. Je suis vraiment heureuse et je remercie Femmes autochtones du
Québec de m'avoir demandé de marrainer la pétition.
Et, ce matin, j'ai déposé une motion pour
rappeler au gouvernement qu'il avait pris avec nous des décisions par le passé,
qu'il avait déjà adopté des motions, des motions qui reconnaissaient les
principes de la déclaration des Nations unies sur laquelle s'appuie le principe
de Joyce, qu'on est rendus à l'étape de s'asseoir ensemble, les parlementaires
du Québec avec les élus et les femmes et les filles autochtones, pour définir
la suite de l'histoire, le chemin à suivre. Et, encore une fois, la Coalition
avenir Québec a battu ma motion. J'en suis triste, profondément triste, mais je
suis aussi extrêmement inspirée, grâce à la détermination de mes frères et
sœurs autochtones, à faire en sorte qu'on va aller jusqu'au bout.
Et Québec solidaire souhaite construire le
Québec de demain avec les Premières Nations. Et pour ça, bien, cette relation
de confiance là me donne de l'espoir pour la suite des choses. On va continuer
à se battre avec vous. Je vous présente Marjolaine Étienne, présidente de
Femmes autochtones du Québec, celles qui ont déposé... qui ont demandé cette
pétition.
Mme Étienne (Marjolaine) : «Kwe».
Bonjour. Merci à tous et toutes pour votre présence, pour l'intérêt que vous
portez à l'égard des femmes et des filles autochtones. Nous avions tous très
hâte au dépôt de cette pétition, mais nous espérons surtout que ces demandes
seront maintenant entendues et répondues auprès du gouvernement de M. Legault.
Je veux bien sûr remercier la
coporte-parole officielle de Québec solidaire, Mme Manon Massé, d'avoir
porté cette pétition à l'attention des élus de l'Assemblée nationale et d'être
l'alliée des femmes et des filles autochtones du Québec. Je remercie aussi
également le chef régional de l'Assemblée des premières nations du Québec-Labrador,
M. Ghislain Picard, le chef du Conseil de la nation atikamekw de Manawan,
M. Flamand, ainsi que la porte-parole du Conseil des femmes élues de
l'APNQL, Mme Lise Bastien, qui sont tous ici présents et qui se tiennent à
nos côtés dans le cadre de notre... du support et du soutien contre la lutte
des femmes et des filles autochtones pour la reconnaissance du racisme et de la
discrimination systémiques.
Je tiens aussi à souligner la présence de
personnes aînées vivant dans le milieu urbain, de différentes nations. Je
souligne aussi la présence de différentes commissions de l'Assemblée des premières
nations du Québec-Labrador, notamment celle du conseil de la nation... voyons,
du Conseil d'éducation des Premières Nations et celle de la commission de santé
et de services sociaux aux Premières Nations Labrador.
Je suis ici aujourd'hui pour représenter
et faire entendre la voix des femmes et des filles autochtones auprès du
gouvernement du Québec. Le racisme et la discrimination systémiques sont une
triste et dure réalité pour nous, les femmes autochtones, avec laquelle nous
vivons tous les jours.
Cela dit, le racisme et la discrimination
systémiques, c'est l'affaire de tous les Québécois et les Québécoises, et je
pense qu'on a vu que la population du Québec est derrière nous. Ils nous
soutiennent dans nos revendications. Nous avons récolté des milliers de
signatures, et notre réseau continue de s'accroître.
M. Lafrenière, M. Legault,
qu'attendez-vous? Qu'attendez-vous pour nous écouter et être réellement nos
alliés, vous aussi? Il est plus que temps que le gouvernement reconnaisse
l'existence du racisme et la discrimination systémiques au Québec et prenne des
mesures concrètes qui vont permettre l'amélioration de la situation des femmes
et des filles autochtones du Québec, notamment en adoptant le Principe de
Joyce.
Il faut éviter à tout prix qu'une
situation comme celle de Joyce Echaquan se reproduise. En reconnaissant le
racisme et la discrimination systémiques, on travaille sur les sources
véritables du problème. De cette façon, on évitera bien des drames, parce que
ces drames, ça n'arrive pas juste à Joliette, ça arrive dans toutes les villes
du Québec. Les femmes et les filles autochtones vivent des situations
dramatiques. On a tous été étudiés, documentés, prouvés depuis plusieurs
années. On peut penser à la commission Viens, l'enquête sur les femmes et les
filles autochtones disparues et assassinées, au rapport sur les stérilisations
imposées, au projet de loi n° 79 sur les enfants
disparus. Il faut que ça cesse. Tout être humain a droit à une vie digne et
sécuritaire au sens physique, mental, émotionnel et spirituel.
J'en appelle donc au gouvernement de la
CAQ à reconnaître le racisme et la discrimination systémiques, à adopter le Principe
de Joyce et collaborer, en tout respect mutuel, avec nous pour assurer des vies
pleines d'intégrité, de dignité et de respect envers les femmes et les filles
autochtones du Québec. Merci beaucoup.
M. Picard
(Ghislain) : (S'exprime dans une langue autochtone) Au nom de
l'Assemblée des premières nations Québec-Labrador, j'aimerais d'abord remercier
Mme Marjolaine Étienne, présidente de Femmes autochtones du Québec, qui
est à l'origine de cette pétition déposée ce matin. (S'exprime en langue
autochtone) Merci également à Manon Massé, coporte-parole officielle de Québec
solidaire et porte-parole en matière de relations avec les Premières Nations et
les Inuit, pour son appui dans la soumission de cette pétition et son soutien
continu aux enjeux touchant les Premières Nations et les Inuit.
Et je me permets une parenthèse. Le 1er octobre
2019, nous étions dans cette même Chambre pour saluer la réponse de M. Legault
au rapport de la commission Viens en présentant des excuses officielles au nom
du peuple québécois. Donc, c'est avec ironie, une certaine ironie qu'on se
retrouve aujourd'hui dans ce même salon bleu, de l'autre côté de la Chambre,
pour déposer une pétition sur les mêmes sujets qui ont été traités mur à mur
par la commission Viens.
Je souhaite également remercier et saluer
le chef de Manawan, Sipi Flamand, qui porte écho, aujourd'hui, au Principe de
Joyce avec courage depuis maintenant plus de trois ans. Je désire aussi saluer
et remercier les élus de l'Assemblée nationale, particulièrement ceux qui sont
nos alliés ainsi que l'ensemble des personnes présentes pour soutenir cette
initiative d'envergure, évidemment les aînés et les femmes, surtout, qui nous
accompagnent aujourd'hui.
L'objectif de notre intervention devant
vous ce matin est de réitérer la nécessité que tous les gouvernements, et plus
particulièrement celui de la CAQ, reconnaissent l'existence du racisme et de la
discrimination systématiques au Québec. Je ne saurais exprimer en des mots plus
justes que ceux utilisés par Marjolaine Étienne la nécessité que le Principe de
Joyce soit adopté immédiatement par l'Assemblée nationale. Il devrait
d'ailleurs l'être depuis déjà plusieurs années. Le racisme et la discrimination
systémiques sont présents dans la vie des peuples autochtones, et en
particulier des femmes et des filles autochtones, depuis beaucoup trop
longtemps. Le gouvernement actuel a une occasion unique de prêcher par
l'exemple.
Nous avons tous vu la nouvelle campagne de
sensibilisation aux enjeux autochtones du gouvernement actuel. Mais qu'en
est-il de la cohérence entre celle-ci et les actions significatives et
concrètes qui devraient être posées par le gouvernement du Québec? Moi, je me
rappelle d'une vidéo, il y a quelques années, vidéo... celle de Joyce Echaquan
quelques heures avant son décès. Qu'est ce qu'on fait pour que ça ne se
reproduise plus? Le cas de Joyce Echaquan n'en est pas un isolé. Il s'agit
malheureusement d'une réalité à laquelle font face nos membres, et plus
particulièrement nos filles et nos femmes.
Je me rappelle aussi du dépôt d'un
troublant rapport de recherche, le 24 novembre 2022, qui portait sur les
stérilisations imposées subies par les femmes autochtones et qui concluait à la
présence de racisme systémique, dans les services publics au Québec, envers les
Premières Nations et Inuit. Combien de vies enlevées par le système faudra-t-il
encore pour commencer à voir des changements?
Je me permets d'ajouter ici qu'il est
aussi grand temps que le gouvernement s'assoie avec nous pour qu'on s'entende
sur la mise en œuvre sur les principes de la Déclaration des Nations unies sur
les droits des peuples autochtones. Le gouvernement du Québec s'y était d'ailleurs
engagé par voie d'une motion unanime le 8 octobre 2019. Je me permets
d'ajouter que nous avons également invité le gouvernement du Québec à initier
une commission parlementaire spéciale qui verrait à l'écoute de ce que les
Premières Nations pensent de la relation entre le gouvernement du Québec et
leurs communautés. M. Legault, à quand la réponse? J'exhorte le
gouvernement provincial à passer à l'action dès maintenant, en collaboration
avec les peuples des Premières Nations de notre grand territoire que nous
partageons tous ensemble.
Enfin, je désire également saluer l'appui
incontestable de la société civile québécoise par le biais de cette pétition
largement signée par des gens qui veulent mettre fin au racisme et à la
discrimination systémiques de nos populations et pour offrir un avenir meilleur
à nos futures générations. (S'exprime dans une langue autochtone) Merci.
M. Flamand (Sipi) : C'est
important de reconnaître un fait, un enjeu, une réalité afin de pouvoir
améliorer les conditions dans la société. Le dépôt de cette pétition initiée
par Femmes autochtones du Québec indique alors au gouvernement de faire le pas
vers l'avant, s'il veut travailler concrètement dans la réconciliation avec les
peuples autochtones. De plus, le Conseil des Atikamekw de Manawan et la communauté
réitèrent l'adoption et l'application pleine et entière du Principe de Joyce
auprès des gouvernements, dans les institutions hospitalières et académiques,
afin de redéfinir une nouvelle relation de confiance des autochtones envers le
système de la santé publique. (S'exprime dans une langue autochtone)
La Modératrice : On va
maintenant passer à la période de questions. S'il vous plaît, vous avancer au
micro en nommant votre média et spécifier à qui votre question s'adresse.
Mme Lévesque (Fanny) : Bonjour.
Je voudrais savoir... On a questionné tout à l'heure M. Lafrenière, là,
sur le dépôt de la pétition. Il nous a répété ce qu'on sait déjà, donc qu'il ne
reconnaissait pas le racisme systémique, mais que ça ne les empêchait pas
d'agir. Qu'est-ce que ça permettrait de changer, si le gouvernement du Québec
reconnaissait l'existence du racisme systémique?
Mme Étienne (Marjolaine) :
Bien, moi, je vais y aller. Je vais prendre réponse à votre question. Qu'est-ce
que ça changerait? En fait, je pense effectivement à ce que Femmes autochtones
du Québec a bien voulu faire comprendre aussi.... de pouvoir mettre en place
une pétition, c'est certain, c'est en lien avec toute la reconnaissance du
racisme, la discrimination systémiques, ce que je disais tantôt, et d'adopter
le plus rapidement le Principe de Joyce. Je pense que le fait de travailler sur
une reconnaissance, qui est la base même de toute situation ou problématique,
peu importe les enjeux... quand on reconnaît effectivement quelque chose, on
est en mesure, effectivement, de travailler sur la source du problème.
Le fait de travailler sur cette
reconnaissance-là permet aussi, également, dans un esprit d'ouverture, de
communication, d'échange et de discussion entre nous, les femmes autochtones,
et les organisations politiques autochtones et le gouvernement, de travailler
sur le fond des choses. Donc, je pense que le fait de s'asseoir, le fait de
pouvoir se tenir une rencontre entre nous, d'apporter, parce que nous, on a
effectivement la connaissance, l'expertise aussi, également — nous,
Femmes autochtones du Québec, on reçoit des femmes qui vivent dans les milieux
urbains ou dans leurs propres communautés — qu'est ce qui se passe.
Donc, là-dessus, je pense que le changement,
ou plutôt l'amélioration qui serait apportée, c'est effectivement, dans un
premier temps, de pouvoir le reconnaître, dans un deuxième temps, de pouvoir
s'asseoir et, dans un troisième temps, de sortir et de dresser une liste de
mesures concrètes pour répondre aux vraies affaires. Donc, c'est dans cet
esprit-là que je pourrais répondre à votre question.
Mme Lévesque (Fanny) : Puis est-ce
que ça met un frein ou ça nuit aux efforts du gouvernement ou du ministre
Lafrenière, qui pose quand même certaines actions, là? Est-ce que, donc, le
fait de ne pas reconnaître ça, c'est comme s'il y avait éternellement un frein
à aller plus loin, justement, ou que le changement se pose sur le terrain?
Mme Étienne (Marjolaine) : Bien,
je vous dirais qu'il y a des choses qui se font, hein, il y a des choses qui se
font, là. Je ne dis pas que rien ne se fait pas, bien au contraire, il y a des
choses qui se font. La question que je me pose : Est-ce que les choses qui
se fait, à ce moment-ci, n'étant pas travaillées sur la reconnaissance, vont
être celles... dans deux ans ou demain matin ou dans trois ans, les bonnes
affaires? Je pense que le fait de pouvoir travailler sur la reconnaissance va
permettre effectivement, dans un long processus... Parce que, vous le savez comme
moi, le racisme et la discrimination systémiques ne datent pas d'aujourd'hui ni
d'hier, mais plusieurs années avant nous, avant moi, et puis je pense
qu'effectivement, dans cette base-là, il va falloir effectivement faire en
sorte de s'asseoir. Il faut en venir à cette reconnaissance-là. Toute chose a
une reconnaissance.
Mme Lévesque (Fanny) : Puis
est-ce que le fait de reconnaître, par exemple, la discrimination systémique,
comme l'a dit le rapport Viens, est-ce que ce serait un compromis acceptable
pour vous du côté... du point de vue du gouvernement, si on reconnaissait
l'existence de la discrimination et non du racisme?
Mme Étienne (Marjolaine) : Bien,
je pense qu'il y a plusieurs documentations. Les femmes et les filles
autochtones ont été étudiées, ont eu des recherches. Il y a des recherches, il
y a toutes des choses qui sont documentées, il y a toutes des choses qui font
en sorte, effectivement, que c'est écrit, là. Je ne pars pas sur rien, là, tu
sais, je pars sur des bases solides, où est-ce qu'il y a des recommandations,
où est-ce qu'on exprime, où c'est écrit aussi, également, qu'il y a présence des
discriminations systémiques dans les systèmes. Donc, moi je pense
qu'effectivement le fait que différents rapports le soulignent, bien, moi, je
trouve, effectivement, l'aspect... il faut y travailler, il faut y travailler
en concertation, il faut le travailler effectivement sur une base de
reconnaissance, il le faut.
Mme Massé : Si vous
permettez... Tu permets-tu, deux instants? J'ai juste envie de dire : Je
n'arrête pas de me faire... — comment on dit ça? — ce
n'est pas rare que le gouvernement répète que je fais un débat de mots.
Pourquoi le gouvernement... Moi, je ne le vis pas, le racisme systémique. Je
vis d'autres discriminations, mais ce qu'eux autres vivent je ne le vis pas. Je
suis qui, moi, pour dire que ce qu'ils vivent, ce n'est pas ça, ça devrait être
ça? Alors, moi, quand j'entends ça... je ne sais pas qui vous a dit ça du
gouvernement, mais, quand j'entends ça, je me dis : Bien, attendez, là, ça
ne marche pas, cette affaire-là. Les gens qui vivent la situation nous disent
qu'au quotidien ils sont victimes de racisme et de discrimination systémiques.
Pourquoi j'en couperais la moitié? Je ne le vis pas.
La Modératrice : Prochaine
question.
M. Picard
(Ghislain) :Ce que j'ajouterais, je pense
que la position du gouvernement est exactement le reflet d'une relation qui va
dans un sens uniquement, un gouvernement qui impose ses conditions. Je pense
que c'est important de le rappeler, ça aussi. Il y a deux semaines à peine, un
magistrat au Québec, dans un cas de protection de la jeunesse, a réitéré le
fait que le système est raciste. Donc, je veux dire, quelle sorte de preuve de
plus on a besoin? Mais, au contraire, le gouvernement choisit de s'isoler dans
sa position. Et, pour nous, là, vous parliez de compromis un peu plus tôt,
c'est quoi, la limite au juste de nos compromis à nous? Parce qu'on finit
toujours par être la partie qui se compromet dans ses positions, et ça, je pense
que, quelque part, il faut que ça arrête.
Mme Morin-Martel (Florence) : Florence
Morin-Martel du Devoir. «Kwe». Ma question, en fait : Est-ce que
vous faites un lien avec le refus de reconnaître le racisme systémique et le
refus de reconnaître l'intersectionnalité du gouvernement?
Mme Massé : Si vous voulez,
peut-être tu pourras... C'est parce que c'est un débat qu'il y a eu à
l'intérieur de la bulle parlementaire. Bien, pour moi, quand on n'utilise pas
les bonnes lunettes pour faire un diagnostic, on ne trouve pas les bonnes
solutions. Je ne le sais toujours pas c'est quoi, le problème avec la ministre
et la Coalition avenir Québec de reconnaître que l'intersectionnalité, c'est
une façon de regarder et d'aborder la vie qui nous permet de voir les racines
des problèmes. C'est drôle, ça ressemble à la définition que tu as donnée,
hein? Le racisme systémique, c'est une paire de lunettes, si on le reconnaît,
qui nous permet de voir les racines du problème. Alors, est-ce qu'il y a un
lien exact entre les deux? Allez questionner le gouvernement. Mais, pour moi,
je peux vous dire qu'il y a quelque chose de très lié là-dedans. Quand tu n'as
pas les bonnes lunettes, tu n'as pas les bons... la bonne analyse.
Mme Morin-Martel (Florence) :
Sur un autre sujet, M. Picard, vous avez parlé de la campagne de
sensibilisation. J'aimerais vous entendre. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Picard
(Ghislain) :Bien, nous savons
pertinemment qu'il y a eu quand même une certaine contribution de personnes qui
sont issues de différentes organisations pour préparer la campagne. Donc, je
pense que le gouvernement a adopté, sans doute, une stratégie sans faille dans
la promotion de l'exercice. C'est d'ailleurs un peu ce qui caractérise
peut-être l'approche de M. Lafrenière par rapport à la ministre qui le
précède.
Et, pour moi, c'est important d'insister
sur le fait qu'il y a quand même une réalité entre la promotion qui est faite
et la réalité sur le terrain. On parlait... D'ailleurs Mme Marjolaine
Étienne le rappelait encore plus tôt, c'est qu'il y a encore des cas qui nous
sont soumis. Pas plus tard que la semaine dernière, moi, j'ai eu l'appel d'une
personne qui relatait une expérience avec deux institutions hospitalières au
Québec. Je ne ferai pas de... Je ne nommerai pas des noms, mais ça, je pense
que c'est une indication à l'effet qu'il y a encore beaucoup, beaucoup de
travail à faire pour qu'on puisse vraiment changer les choses au niveau de
l'ensemble du réseau. Et je pense qu'il y aura toujours matière à soulever des
doutes, même avec une campagne comme celle qui a été initiée par le
gouvernement du Québec.
La Modératrice : Prochaine
question.
M. Desrosiers (Sébastien) : Bonjour.
Ma question est pour Mme Étienne, je crois bien. Vous connaissiez la
position du gouvernement du Québec par rapport au racisme systémique, et elle
ne semble pas avoir changé. Alors, qu'est ce que vous espérez que le dépôt de
cette pétition va changer, concrètement?
Mme Étienne (Marjolaine) : Je
vous dirais que ce que j'aimerais dire d'abord, c'est qu'il faut le voir pour
le voir sur une série d'étapes. Je pense qu'avant moi il y a des actions qui se
sont faites, il y a des motions qui ont été aussi déposées, et, encore
aujourd'hui, ça en est une autre. Ce que j'aimerais vous dire, c'est que je
n'ai pas l'intention de baisser les bras, bien au contraire. J'ai à cœur,
effectivement, à travailler encore plus fort pour les dossiers qui concernent
les femmes et les filles autochtones au niveau du Québec. Je crois
effectivement aussi, également, que le fait d'avoir déposé une pétition et
d'avoir eu aussi, également, l'appui des gens de la société québécoise, ou
autre, ça aussi, je le disais tantôt, ça ne fait qu'augmenter. Et ce sentiment
qui m'habite à ce moment-ci, c'est ça qui m'amène effectivement à dire, comme
présidente de Femmes autochtones du Québec, que je ne baisserai pas les bras.
C'est qu'effectivement... Je le dis et je le répète, c'est qu'il faut
effectivement qu'il y ait une reconnaissance au niveau du racisme et de la
discrimination systémiques.
Vous voyez, le chef Picard l'a mentionné,
effectivement, qu'il y a encore, au sein des milieux hospitaliers, des
situations, encore. Est-ce qu'il faut attendre qu'un drame se produise pour
réagir? Il y en a eu un, drame, Mme Joyce Echaquan. Est-ce qu'un autre
va... doit remplir la table de travail et continuer? Moi, je suis ici, je veux
faire en sorte qu'on puisse, à un moment donné, qu'on puisse à tout le moins...
Je ne pourrai pas jamais enrayer la problématique, mais est-ce qu'on peut à
tout le moins la minimiser? Parce que je pense à aujourd'hui, je pense à hier,
à mes parents, à des aînés aussi, également, et je pense à demain, à nos
générations futures. Est-ce que vous, vous voyez une société, effectivement, de
façon à être comme ça dans 10, 15 ou 20 ans? Bien au contraire, non. Je pense
que les jeunes vont pouvoir... probablement, et je le souhaite, puissent
changer les relations entre les deux peuples, à mon avis, mais, pour y arriver,
ça commence par la reconnaissance.
M. Picard
(Ghislain) :Si je peux juste me permettre,
peut-être, la question est trop intéressante pour ne pas réagir. En fait, je
pense que ce que le gouvernement du Québec doit comprendre, c'est qu'on vit
avec l'adversité à tous les jours. Donc, c'est clair que la position, et pour
les raisons que je citais plus tôt, je veux dire, c'est : fini les
compromis. Et, pour moi, quand je dis ça, je pense à Carol Dubé, qui continue à
mener une lutte pour avancer le Principe de Joyce, que le principe soit accepté
dans son intégralité. Et je pense que c'est ça qu'il faut comprendre, c'est le
respect qu'on doit à Joyce Echaquan.
Et, pour moi, bien, en même temps, j'ai un
doute qu'il existe cette volonté-là au niveau politique, parce que j'ai
l'impression que, plus on insiste, plus on est fermes dans nos positions, plus
le gouvernement se referme, alors qu'il devrait avoir... je pense qu'on devrait
voir, au gouvernement du Québec, une opportunité de se démarquer, pas pour bien
paraître, mais pour bien faire les choses. Je vous rappellerai que, comme je le
disais plus tôt, M. Legault s'est mis debout ici, s'est levé dans cette
Chambre, et a également prononcé des excuses pour l'ensemble des Québécois.
Est-ce que c'est fondé, ça? Est-ce que c'est réel, aujourd'hui? Je pense qu'il
y a une sérieuse mise en doute ici.
M. Desrosiers (Sébastien) : Et
je reviens aux propos de M. Lafrenière, qui a encore dit
aujourd'hui : Ce n'est pas parce qu'on ne reconnaît pas le caractère
systémique du racisme qu'on ne peut pas travailler ensemble. Bon, il y a
certains chantiers en cours, un projet de traité avec les Innus sur la
Côte-Nord, un projet de loi, aussi, qui doit être déposé bientôt, sur la
sécurisation culturelle. Est-ce que vous diriez qu'il est sur la bonne voie,
Mme Étienne ou M. Picard ou...
M. Flamand (Sipi) : Je dirais
que, tu sais, si on ne reconnaît pas le... bien, si le gouvernement ne
reconnaît pas le racisme systémique puis qu'il veut faire un projet de loi sur
la sécurisation culturelle, c'est comme mettre du bandage sur une
problématique. Il ne répond pas aux grands enjeux de fond dans les communautés
autochtones, dans les relations aussi qu'il y a envers les communautés
autochtones.
M. Picard
(Ghislain) :En fait, le problème, c'est
vraiment le déni du gouvernement du Québec de nous reconnaître une capacité de
gouvernance. C'est ça, le fond du problème ici. Et, lorsqu'on parle de
sécurisation culturelle, on pourrait dire la même chose pour les langues
autochtones, c'est que nous avons, nous aussi, nos gouvernements qui sont
capables de se voter des lois pour également insister sur les principes qui
devraient guider la sécurisation culturelle dans toutes les institutions au
Québec. Et je dirais même que ça va au-delà des communautés que nous
représentons, parce que la sécurisation culturelle est une préoccupation pour
d'autres communautés racisées également. Donc, il y a cet aspect-là, et je
pense qu'ici... D'ailleurs, on a transmis une lettre, pas plus tard que la
semaine dernière, à M. Legault — j'espère que celle-ci va avoir
une réponse — en disant que les communautés ont la première
responsabilité de se doter de lois en matière de sécurisation culturelle et de
langues autochtones, et à vous, comme gouvernement du Québec, de respecter ces
lois-là.
Mme Massé : Je vais rajouter
mon petit grain de sel. Vous voyez une montagne, un roc. Vous voyez une goutte
d'eau. Chaque fois que la goutte d'eau vient frapper le roc, elle est en train
de s'affirmer puis de changer le roc. Ça fait que moi, c'est comme ça que je
vois ce travail incessant des Premières Nations de nous rappeler à l'ordre. Et,
ce matin, là, ce que la CAQ a fait, elle a refusé qu'on adresse tous les
parlementaires. Parce que, quand on dit de nation à nation, là, ça inclut tout
le monde, ça. Alors, il a refusé que tous les parlementaires participent à une
rencontre que l'Assemblée des Premières Nations demande depuis deux ans... un
an et demi, à peu près. Alors, moi, j'avais envie de faire partie de la goutte.
La Modératrice : Prochaine
question.
M. Gill-Couture (Jérôme) :
Jérome Gill-Couture, de Radio-Canada. En fait, j'apporterais la discussion sur
un angle un peu différent. On dit que le gouvernement Legault se défend en
parlant d'une guerre de mots, ou de choses comme ça. Si c'est juste une guerre
de mots, pourquoi, selon vous, il se refuse de reconnaître le racisme
systémique?
Mme Massé : Allez lui
demander. Je ne comprends pas pourquoi il se refuse... même chose sur
l'intersectionnalité, je ne comprends pas pourquoi il s'y refuse. Je ne sais
pas de quoi il a peur. Allez lui demander.
M. Gill-Couture (Jérôme) : Et
selon vous?
M. Picard
(Ghislain) :Bien, moi, l'ironie, puis, je
veux dire, je vous ramène quelques années en arrière, parce que c'était
tellement... je veux dire, il y avait évidence ici, et je pense que c'est la
vice-première ministre qui parlait au nom de son gouvernement, et ce que je
lisais, le lendemain, c'est que Mme Guilbault niait l'existence du racisme
systémique, tout en le définissant. Et, pour moi, c'est un peu ça, je pense,
qui, finalement, nous maintient, là, en mode alerte, et insister sur le fait
que, pour répéter ce que Manon vient de dire, bien, je pense que c'est M. Lafrenière
et M. Legault qui sont les mieux placés pour répondre à cette question-là.
M. Flamand (Sipi) : Pour ma
part, je vais utiliser l'expression : seuls les fous ne changent pas
d'idée. C'est de même que je vois. Merci.
La Modératrice : On va passer
en anglais.
Mme Mignacca (Franca
G.) : My question is for Mme Étienne or
Chief Picard. I'm not sure who would like to take it. But we spoke to Minister
Lafrenière this morning, and, you know, we asked him why he's still refusing to
recognize systemic racism. And his response was that the province isn't there
yet, but that despite not recognizing systemic racism, the Government has done a lot to improve the situation, they've, you know, taken a lot of
your advice into account already and are working with communities. What would
you say to that argument?
M. Picard
(Ghislain) : Well, the fact that you're saying
that, you know... that you said that he said that the province is not there yet,
so I see some movement. I mean, and again, I'll say that the Government of Québec has the opportunity to be... to lead, you know, in this regard. Why
has Québec chosen to isolate
itself from the rest of the world, you know, when it comes to systemic racism?
And this is really what the problem is. And I think, and I spoke earlier «en
français», that there's a judge, just two weeks ago, in a case involving an Inuit
child placed 1,600 kilometers away from his
community, where the judge said, you know: That system is racist, and it has to
change. So, I mean, if the courts are, you know, looking at that opinion, why
is Government choosing to, you know, remain, you know, stuck in its position?
Mme Mignacca (Franca
G.) : Why is it so important to use the word
«systemic racism»?
M. Picard
(Ghislain) :
Because
the problem is the system. The system is racist. And, to me... You look at
Joliette, for instance. You know, as Chief Flamand said earlier, has putting
bandages in a situation, one
very specific situation,
contributed to healing the rest of the health system in Québec? I don't believe so, because, just
last week, I received a call from a member of a community, you know, reflecting
on experiences he's had at with these two hospitals. So, to me, there are situations like that, well, that will come,
you know, regularly knocking on our door, and we have to respond to these
people. And so, to me, we're far from, you know, being in a situation that would foster discussions and
dialog with the Québec Government.
And, to me, why is it our
party having to, you know, compromise? I think it's important to remind people
that compromise is part of our history in the last 400 years and that has to
change. It has to be fair for our people too.
Mme Mignacca (Franca
G.) :
Just one
more, if I may. Since the death of Joyce Echaquan and since the coroner's
inquiry report came out, do you feel that there have been any significant
improvements on the part of the Government?
M. Picard
(Ghislain) :
Well,
we found out, when was this, last year, I believe, that contrary to what, you
know, was made public in terms of the training for staff within the health
system, we had a much lower percentage of, you know, those people having had
that training. And, you know, is the training compulsory or is it a choice? I
think it's a question to be
asked. And I think it's important that the doctor, as much as the nurse, as much as even the janitor
in the institution take that
course, because it involves everyone. And health is certainely a matter of
security for our peoples too.
La Modératrice :
Next question.
Journaliste :
Joyce's Principle is based on
recognizing systemic racism. The Government is steadfast on not doing so. It seems like we are at an impasse.
So, is there a way to move on from this so we make sure that Joyce's Principle
is adopted? What do you see here as a solution or a way to move on?
M. Flamand
(Sipi) : I think we must talk to each other
about this principle. We know the Government of Québec has his
position about systemic racism, but now all indigenous communities want change.
Mme Massé :
And maybe, I just want to say, that's
why it's time to sit down around a table and talk about more than that, but
this kind of question. The Government doesn't have this vision, but Québec solidaire, we have this vision. We
are in the same nation. They have all the same definition about «racisme
systémique, discrimination systémique». So, I think
it's time to sit down, all MNAs, and have this kind of discussion, because our
nation, it's not only what the CAQ said.
La Modératrice
:
On va passer... O.K.
M. Picard
(Ghislain) :
I
think the Government needs to
be... deserves to be questioned about a motion that was adopted unanimously by
the National Assembly on
October 8th, 2019. That resolution directed the Government to sit down with First Nations and Inuit to discuss the terms of
the UN Declaration on the Rights of Indigenous Peoples, and, to me, it's very important. And I don't want to evade the question, but I think it's important to see that maybe that answer is there, in their response. And, I
would say, because we did come back with the issue of a special parliamentary commission that would allow not the Government but all elected officials from
the National Assembly to sit
down with our own elected officials and discuss and dialog on the relationship
that we want, and not one side imposing something on the other, I think this is
where this whole debate around systemic racism comes into play.
And to your question earlier, I don't think we close the
door on any kind of improvement. And to demonstrate that, you'll see... you can
look at the changes brought forward, you know, in Joliette. And, certainly, the
situation now is better than it
was in 2020, but are wee in a situation where we can say that for the whole health system? Far from it, and,
to me, this comes with, you know, some giving away. And Government has stayed, you know, isolated in
this position. It's a choice, as we have the choice to stick by those
principles that we feel are important to our people.
Mme Henriquez
(Gloria) :
In
terms of creating effective policy, why is it important to recognize the existence of systemic racism in order to create
policy that will be effective?
M. Picard
(Ghislain) :
Well,
there's no policy in Québec
when it comes to First Nations and Inuit, it's a piece-by-piece approach by the
minister and his government. If
you ask that question to Government, I can give you the answer,
because that's exactly what it is: there's no policy, there's only an ideology
that is promoted by the Government. And the approach by the minister is very simple, you know: I'll sit
down with everyone, every community, if not every individual, to make my case
heard. And this is the approach. And we certainly... I say this with all due
respect to the communities and nations. But at the same time, you know, what I
said earlier, you know, this parliamentary commission... we had a parliamentary commission in 1983, which gave way to a resolution in 1985 that really
established that relationship between our peoples and the Government of Québec of that day. This is, you know, 40 years
ago. The world has evolved. Why stay isolated to principles that date, you
know, 50 years? And this is why we say to the Government of Québec: Why
don't we renew that relationship, you know? Why don't we allow our people to
say how, you know, they see that relationship between
their governments and the Government of Québec? And to no avail, because we
didn't even receive any signal from the Government of Québec to a number of
letters that we sent.
La Modératrice
: Next question.
M. Authier
(Philip) :
Mr. Picard — Phil Authier, Montreal Gazette — we have spoken about this in the past. How would you… With what you
just said, how would you qualify the Assembly of First Nation's relations with
the CAQ Government now? Because, as you mentioned, their strategy is to speak
to each nation separately without having what you just asked for, that sort of
sit down with all the groups. They seem to want to keep people divided. So, how
would you qualify your organization's relations with the Government at this
moment?
M. Picard
(Ghislain) :
Well,
what I said earlier in French is, on October 1st, 2019, we were sitting in the
salon bleu on the Government side, applauding Mr. Legault for the apology
to our peoples back then, and more than three years later, we're sitting on the
opposite side. So, I think that gives a good indication in terms of that
relationship that you're referring to. And, at the same time, we're acting on
behalf of a collective of chiefs, who adopts positions. So, we have to maintain
that bar very high, and this is our responsibility, because we sort of play,
you know, the role of a watchdog. Whatever action or decision the Government
makes, and it's true for Ottawa as well, our responsibility is really to inform
our communities and chiefs. So, I think the example of the resolution from
October 8th, 2019, on UN Declaration on the Rights of Indigenous Peoples is a
good example. This is really what our target is, and this is where the
Government is not wanting to go. And, to me any, you know, fundamental position
that you hear from us is exactly what, you know, the Government, the Premier
and his minister are trying to avoid.
M. Authier
(Philip) :
You're
an astute politician. Politically, how could… how can the Government… They're
now into their second mandate. They spent the entire first mandate saying there
was no systemic racism. They're now into their second mandate. Politically, how
could they… how could the CAQ Government get itself out of that? Like, they're
obviously boxed in, on their view. Like, how can they possibly change their
position, even though you've presented your petition?
M. Picard
(Ghislain) : Well, to me, I think, it's just
a… they probably would look at the petition as another challenge. And, to me,
the way that this Government reacts to challenges is to take even stronger
hold. That's what I've seen in the last four years, and I don't see them
changing, you know. And, to me, what… And I've said this to Minister Lafrenière,
I've said this to Minister D'Amours at the time, I said: If I were the Premier
of Québec, I would look at this as an opportunity, you know, to be outside the
field and lead the way in terms of relationship with indigenous peoples. But
instead, the Government chooses
to isolate itself and just stay away from anything that we've seen elsewhere in
the country. Even Mr. Ford, in Ontario, is more open to indigenous peoples
than this Government is, and Mr. Ford is reputed as being so much to the
right when it comes to indigenous peoples. So, I mean, that's… there's some
demonstration there.
M. Authier (Philip)
: Thank you very much.
La
Modératrice : Merci. C'est ce qui me fait au point de presse.
(Fin à 12 h 25)