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Point de presse de M. Joël Arseneau, porte-parole du troisième groupe d’opposition en matière de santé, de services sociaux et de soins à domicile

Version finale

Wednesday, March 29, 2023, 14 h 50

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Quatorze heures cinquante-trois minutes)

M. Arseneau : Alors, évidemment, on réagit au dépôt d'un projet de loi qui est très imposant. On parle aujourd'hui d'une véritable réforme, à l'image de ce que Gaétan Barrette a entrepris il y a de cela quelques années. On parle de 1 180 articles, 37 lois modifiées. Alors, même si on refuse de nommer ce dont il s'agit, c'est une réforme extrêmement importante, majeure. Et ce qu'on entendait sur le terrain depuis des années, c'est que c'est... la dernière chose dont les membres du personnel de la santé au Québec avaient besoin, c'est d'un tremblement de terre ou qu'on ébranle à ce point les colonnes du temple, et surtout sans les consulter.

Donc, il y a toute la question du processus. Tout le monde semble un peu surpris de constater ce qui se retrouve dans le projet de loi et n'ont pas été partie prenante à la réflexion antérieure. Mais je vous dirais que ce qui est remarquable, dans la démarche qui a mené au dépôt du projet de loi et ce qu'on peut lire aujourd'hui, c'est qu'il y a quelque chose d'orwellien dans ce qu'on nous présente. On dit qu'on veut procéder à la décentralisation du système de santé avec une concentration du pouvoir et des décisions entre les mains d'un petit groupe de «top guns» du privé à Québec. C'est une hypercentralisation jamais vue. On dit qu'on veut redresser le système public et on fait appel au privé pour ce faire, qui va pouvoir signer des contrats avec des centres médicaux de services privés. Ils auront carte blanche. On dit qu'on veut une gestion de proximité, alors que le pouvoir va être concentré comme jamais entre les mains d'un petit groupe de gestionnaires à Québec. On fait même sauter tous les conseils d'administration des CISSS et des CIUSSS.

On dit qu'on veut accentuer l'imputabilité, et pourtant, pour le ministre, bien, on crée une espèce d'écran devant lui où toutes les opérations au quotidien du système de santé public du Québec vont lui échapper, où il n'aura que fixé les objectifs. Et, lorsqu'on posera des questions, bien, il aura beau jeu de dire : Moi, je ne suis pas là pour éteindre des feux, je ne suis pas là pour vaquer aux opérations, je suis au-dessus de la mêlée. Donc, les gestionnaires, ce qu'on comprend... la petite équipe de gestionnaires sera imputable de ses décisions au ministre, mais l'imputabilité, la responsabilité ministérielle, elle, si on se met du point de vue de l'usager, du point de vue du citoyen, bien, elle disparaît complètement. À qui pourra-t-on poser des questions sur les services de santé qui sont offerts dans toutes les régions du Québec, si on est un citoyen, si on est un usager, si on est un patient? Plus que jamais, cette possibilité-là disparaît. Même le service de plaintes... on dit qu'on va les concentrer, là, dans un protecteur du patient ou de l'usager à Québec. Alors, ce qu'on se dit, essentiellement, c'est qu'on va éloigner encore davantage les centres de décision du plancher, de là où les gens travaillent, d'une part, et là où les gens reçoivent des services, d'autre part.

Pour le reste, je vous dirais qu'on va regarder article par article comment on peut contribuer, collaborer à ce qu'essentiellement ce projet de loi là soit amélioré, mais, à première vue, le projet ne semble pas correspondre aux objectifs qu'on voit un petit peu partout, là, dans le... comment on appelle ça, le napperon qui nous a été présenté, là, en disant, par exemple, qu'on veut redonner une efficacité et un accès aux services pour les usagers, qu'on veut les entendre, même chose pour le personnel, ça se veut plus collaboratif. Ce n'est pas ce qui se dégage d'une première lecture.

M. Denis (Maxime) : Quand on parle des fameux «top guns», là, avec autant de poids sur les épaules, de responsabilité, d'imputabilité, là, qu'il arrive un incident avec un infirmier quelque part dans un établissement, tout va revenir à cette personne-là. Ça va intéresser qui de faire ce job-là?

M. Arseneau : Je ne sais pas qui peut être intéressé par ça, mais ce n'est peut-être pas pour rien que le ministre a dit qu'il allait faire sauter la banque pour ses gestionnaires. Donc, ce qu'on sait, c'est que ceux qui sont intéressés par un poste prestigieux et bien payé vont certainement tenter de relever le défi, mais la responsabilité sera lourde face au ministère, face au ministre, mais pas nécessairement face à la population. Et c'est là qu'il risque d'y avoir une cassure majeure entre ceux qui demandent des services puis ceux qui gèrent les opérations, qui... Je ne vois rien là-dedans, là, qui me confirme que les gestionnaires seront imputables de leur gestion envers les prestataires de services, ceux qui reçoivent les services, et ça, il me semble que c'est un virage qui éloigne, encore une fois, là, les citoyens, les usagers, les communautés des pouvoirs décisionnels. Donc, on va voir, là, de très, très loin, de très, très haut, là, ces grands gestionnaires qui prennent une décision pour le bien commun, mais avec pour conséquence que, localement, on n'aura aucune prise sur le système de santé et les soins auxquels on a droit un peu partout à travers le Québec.

M. Desrosiers (Sébastien) : Juste pour être certain de bien comprendre, quelles similitudes vous voyez avec la réforme Barrette?

M. Arseneau : Bien, en fait, c'est l'achèvement de la réforme Barrette. Par exemple, le fait qu'on ait, avec la réforme Barrette, éliminé les élections, là, pour qu'on ait un conseil représentatif de la population, c'était un premier pas pour déresponsabiliser les communautés par rapport aux services et soins de santé auxquels ils ont droit. Là, on décidait de nommer les P.D.G. et nommer les membres du C.A. Là, on décide de faire tout simplement disparaître les conseils d'administration. On aura un conseil d'établissement. Or, les conseils d'établissement, évidemment, n'auront aucun pouvoir, et ce ne sera absolument pas contraignant pour les gestionnaires locaux ou régionaux, et encore moins pour les gestionnaires de Québec, d'entendre la population à travers ceux qui accepteront de siéger sur ces conseils d'établissement, savoir comment ça se passe pour eux, la prestation de services sur le terrain. Alors, moi, ça, c'est une étape de plus, encore une fois, vers l'éloignement de l'imputabilité, justement.

Puis, si les gens qui sont dans les hôpitaux, dans les CIUSSS ne rendent pas de comptes à la population qu'ils desservent, bien, je pense qu'on n'améliorera pas l'expérience client ou patient, si on veut, contrairement à ce qu'on dit qu'on veut faire. Il y a déjà une connexion importante, là, à maints égards, dans toutes sortes de services gouvernementaux, mais la santé, c'est d'abord les humains, c'est d'abord ceux qui reçoivent des services et ceux qui les administrent, c'est-à-dire, qui les livrent, et puis ils ne font pas partie du projet.

C'est un brassage de structures et de gouvernance. Puis j'ai beaucoup de peine à imaginer, à voir le lien entre les objectifs, qui sont louables et qu'on partage en grande partie, l'accès, le public, ainsi de suite, de redorer le blason, et tout ça, et les moyens qui sont mis en place dans le projet de loi, qui est un brassage de structures, puis on donne les clés à des «top guns» du privé pour... avec cette idée-là, là, puis c'est très, très idéologique, justement, de dire que parce qu'on va aller chercher quelques gestionnaires du privé, magiquement, on va pouvoir améliorer les choses.

M. Laberge (Thomas) : Vous avez fait référence à Orwell, justement, pour montrer la disparité entre les objectifs et les moyens. Quelle intention vous donnez au ministre de la Santé avec ce qualificatif-là? Est-ce que c'est volontairement pour jeter de la poudre aux yeux aux gens ou vous trouvez que, finalement, c'est comme une forme d'incompétence puis que le projet de loi est incohérent?

M. Arseneau : Non, mais je vous dirais que c'est encore dans la méthode de communication — puis là on va voir que ça se traduit aussi dans le projet de loi — de dire une chose pour rassurer les gens : ce service-là va être plus accessible, le système public, on va le redresser. Mais, dans les moyens qu'on met en place, on devine que la part du privé va être encore plus grande, qu'on va... on dit qu'on va écouter davantage, par exemple, les employés syndiqués, on veut un mode de gestion plus collaboratif, mais les moyens qui sont mis en place risquent de générer exactement le contraire. Alors, c'est dans ce sens-là que le discours et les gestes qu'on pose nous apparaissent contradictoires. Et c'est dans ce sens-là que je dis que c'est orwellien, c'est qu'on veut faire dire autre chose au vocabulaire qui est utilisé. De dire que c'est un projet de décentralisation ou de gestion de proximité, c'est abuser de la crédulité des gens. C'est exactement le contraire, qu'on est en train de faire. On est en train d'hypercentraliser le réseau de la santé. C'est une réforme qui concentre le pouvoir comme on ne l'a jamais vu dans le passé, et on écrit exactement le contraire dans la description du projet de loi.

M. Laberge (Thomas) : Mais la question, justement, c'est : Pourquoi le ministre fait ça, selon vous?

M. Arseneau : Bien, je pense...

M. Laberge (Thomas) : ...il veut vraiment tromper les gens, selon vous?

M. Arseneau : J'ai de la difficulté à lire les pensées du ministre, mais je constate que les moyens qui sont mis en place vont créer exactement le contraire de ce qu'on dit qu'on va faire. Est-ce que c'est pour, justement, embellir la réalité, ouvrir à une meilleure réception du projet de loi, rassurer les gens? Bon. Je ne suis pas, là, du tout, là, dans la psychanalyse, mais je pense que les méthodes de communication qui sont utilisées pour vendre ce projet de loi là, pour le présenter, abusent un peu, oui, de la crédulité des gens.

On devrait dire les choses telles qu'elles sont, et ce projet-là va centraliser le pouvoir entre les mains d'un groupe et réduire l'imputabilité du ministre face aux citoyens, face aux oppositions, de façon claire.

M. Desrosiers (Sébastien) : Vous allez participer aux consultations sur le projet de loi. Quand est-ce que c'est réaliste de l'adopter, selon vous?

M. Arseneau : Bien, on a eu une rencontre avec le ministre après le dépôt de son projet de loi, il a semblé vouloir collaborer avec les oppositions. Il a évoqué le fait qu'on prendrait le temps que ça prend et il n'a pas fixé d'échéancier, à ce que je sache. Puis nous, on ne va pas faire durer le plaisir, là, des années durant, mais chose certaine, c'est un projet qui mérite qu'on y travaille longuement et de façon très, très chirurgicale. Donc, moi, je pense que... Le ministre a évoqué, là, que, regarde, s'il fallait prendre jusqu'à la fin de l'année pour bien faire les choses, bien, il semblait ouvert à ça. Moi, je n'ai pas de calendrier, je n'ai pas de boule de cristal non plus, on va voir comment les travaux vont avancer. On nous dit, mais on n'a pas fait la vérification, qu'il y a 50 % des articles qui sont des transpositions de ce qui existe déjà dans la Loi sur la santé et les services sociaux, donc peut-être que ça, ça peut aller plus vite, mais il en reste encore 600. Un projet de loi de 100 ou 140 articles peut prendre trois à quatre mois, donc moi, j'envisage difficilement qu'on puisse le finir avant la session d'automne. On verra.

M. Laberge (Thomas) : Est-ce que vous avez peur du bâillon?

M. Arseneau : Bien, moi, je n'ai pas peur du bâillon, dans la mesure où c'est un outil que le gouvernement a déjà utilisé lorsqu'il a jugé que tous les efforts avaient été consentis, mais on n'a même pas commencé à y travailler, donc je ne vois pas pourquoi on évoquerait, là, l'épouvantail du bâillon à l'heure actuelle. Puis le bâillon a pour conséquence justement d'antagoniser les parties, puis moi, je pense que le ministre, il dit qu'il veut collaborer avec l'ensemble des parties, donc ce serait contre-productif d'y aller avec la méthode forte, là, sachant que, déjà, il y a plusieurs éléments là-dedans qui sont très loin de faire consensus puis qu'il y a déjà plusieurs groupes, là, qui se sont prononcés avec un scepticisme, pour ne pas dire se sont opposés, déjà, à certaines propositions qu'on peut lire dans le projet de loi.

M. Spector (Dan) : Just a quick reaction in English. What did you think? What are your concerns?

M. Arseneau : My concerns are that, first of all, it's a reform, it's a very important change in the view, in the system, and we should, you know, recognize that it's going even further than the Barrette reform. And I'm not sure that's exactly what people in the public health network were looking for, it's actually the opposite that we hear from them. So, it's very, very large, 1,200 articles in the bill.

What I notice is the communication on this bill is very positive, you know. And we obviously agree with the objectives. We don't see the link between the means that they're putting down on paper in the bill and the objectives. We think there is a dichotomy between the two and we have a hard time, you know, understanding how these changes, which are mainly in the management of the network, will give people better services.

There are probably a few things that, you know, we could say will change positively the system, but, overall, it's just putting the operations in the hands of top gun managers from the private sector. I think it's been tried in the past, notably in 1986, I think, in the aborted reform or plan for reform under the Bourassa Government. So, I don't really think that's where we should have spent the time in the past few months.

And one more thing, just to finish. One of the mottos is proximity management, and I think this is absolutely the opposite that they are proposing in the bill. So, there are contradictions between what they say they want to do and what is actually the consequences of what they're proposing. I find that the power will be concentrated in the hands of a few managers. And, you know, saying that they will have to be... what do you say, «imputable», they have to respond to the...

M. Spector (Dan) : They'll be accountable.

M. Arseneau : Accountable, that is the word. So, they say they're going to be more accountable. Accountable to whom? And will the minister be accountable for the operations? When he says that he doesn't want to put out fires, and he doesn't want to get involved in the operations, well, what is the public to think, if, you know, the system goes wrong? Who are they going to be able to, you know, ask questions to? Merci. Merci beaucoup.

(Fin à 15 h 09)

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