(Onze heures dix-huit minutes)
La Modératrice : Bonjour et
bienvenue à ce point de presse de Québec solidaire. Prendront la parole
Guillaume Cliche-Rivard, suivi de Gabriel Nadeau-Dubois, ainsi que M. Jaskamal
Singh, Mme Shivani Sachdeva, M.Harsh Preet Singh. Les noms vous seront fournis par
texto ou courriel. Nous prendrons les questions sur les sujets du jour et
ensuite sur les sujets d'actualité. Merci.
M. Cliche-Rivard : Bonjour,
tout le monde. C'est avec beaucoup d'émotion que je me présente devant vous
aujourd'hui, avec des jeunes qui rêvent de vivre et de grandir parmi nous, pour
demander au gouvernement du Québec et à la ministre de l'Immigration de mettre
sur pied un programme québécois de régularisation de statut afin de leur
permettre d'obtenir la résidence permanente. C'est une promesse que j'ai faite
en campagne électorale, j'ai promis de me battre pour un programme afin de
régulariser le statut des personnes ici depuis au moins cinq ans ou bien des
familles qui comptent au moins un enfant.
Vous le savez, j'ai passé les 10 dernières
années à lutter contre les injustices dans le système de l'immigration, et la
cause des jeunes à statut précaire en est une qui me tient particulièrement à
cœur. Derrière moi, vous avez des ados qui vivent ici depuis plusieurs années
et qui sont scolarisés en français. Ils ont des rêves, ils ont des projets d'avenir,
ils ont des implications, leurs amis sont ici, tout ce qu'ils connaissent est
ici, mais, malheureusement,
ils sont menacés par la déportation. Ils ont fait
la route aujourd'hui pour nous parler de leurs craintes face à un retour dans
leur pays d'origine, mais surtout de leur amour pour leur vie au Québec, où ils
veulent vivre et grandir. Leur temps parmi nous est compté, alors qu'ils
risquent la déportation. Ils vivent chaque jour dans l'anxiété et le stress de
devoir un jour partir. De plus, ceux et celles qui terminent actuellement leur
secondaire n'auront pas la chance de continuer au cégep, en raison de la
précarité de leur statut. Ils devront se résigner à rejoindre le marché de
l'emploi à 16, 17, 18 ans, alors que plusieurs rêvent d'être ingénieurs,
médecins, infirmières et bien plus encore. Ils voient leurs amis nés ici
pouvoir poursuivre leurs rêves, alors que cela leur est impossible, cela ne leur
est pas permis. Alors, ils vont prendre la parole aujourd'hui, ils vont
exprimer leur anxiété, ils vont exprimer leurs rêves. Merci d'être là
aujourd'hui.
M. Nadeau-Dubois : Merci,
Guillaume. François Legault parle souvent d'immigration, mais, quand il en
parle, il nous parle de statistiques, il nous parle de chiffres. Aujourd'hui,
Guillaume et moi, on veut vous montrer des visages. On veut vous raconter des
histoires humaines, parce que l'immigration, c'est d'abord et avant tout ça,
des histoires humaines.
Ce qui me frappe le plus, chez les jeunes
qui sont derrière moi, puis on a eu l'occasion d'échanger un peu ce matin,
c'est leur amour pour le Québec, c'est leur amour pour le français. Ces
jeunes-là ont réussi, malgré les obstacles, à apprendre le français, souvent
très rapidement, en à peine une année d'efforts. Ils ont réussi, pour la
plupart, à quitter leurs classes d'accueil puis à rejoindre des classes
régulières au secondaire. Ces jeunes-là, là, c'est la preuve en chair et en os
que l'intégration au Québec, que l'intégration au français, ça peut fonctionner,
ça fonctionne souvent. Il suffit d'essayer pour vrai. Il suffit d'en faire un
vrai projet de société.
Aujourd'hui, ces jeunes-là continuent leur
apprentissage du français. Ce n'est pas facile à tous les jours, bien sûr.
Souvent, d'ailleurs, ils jouent les interprètes pour leur famille. Ce sont, eux
et elles, des ambassadeurs, des ambassadrices pour l'intégration de leurs
parents, et, aujourd'hui, ils sont fiers de venir vous parler ici en français,
dans leur Assemblée nationale du Québec. Ces jeunes-là, c'est des Québécois,
c'est des Québécoises. Ils veulent construire le Québec avec nous autres, mais
ils sont menacés de déportation. Moi, je pense qu'on a le devoir de ne pas les
laisser tomber, puis c'est ce que je demande au gouvernement de François
Legault aujourd'hui : Laissez-les rester. Merci.
Mme Sachdeva (
Shivani
) : Bonjour. Je m'appelle Shivani, je viens de... J'ai
arrivé au Canada en 2018. Quand j'ai venu ici, on m'a donné les classes
d'accueil. En moins qu'une année, elle m'a envoyé à l'école des adultes.
Là-bas, elle m'a dit... pour rester et tu peux attendre pour ta permanente
résidente pour ton secondaire. Maintenant aussi je suis à l'accueil et j'ai
attendu pour ma permanente résidente. En même temps, j'ai travaillé, j'ai
travaillé au Couche-Tard... une assistante-gérante et, en même temps, je fais beaucoup
de sport, comme gymnaste, et tout ça, je joue le basketball et soccer.
J'attendais pour ma permanente résidence.
Je veux que je finis mon secondaire et je
fais le comptable, l'école de comptable, parce que je préférais les cours de
mathématiques. Ou je pense que je fais les... je vais ouvrir mon entreprise
parce que, pour le moment, je suis assistante-gérante et... m'a donné la
position de gérante, et je pense qu'avec cette expérience je vais... ouvre mon
entreprise. Et moi, aussi, j'aime la peinture comme... j'ai participé à la
compétition de talent et, là-bas, j'ai gagné 300 $ et un certificat.
J'avoue que je veux juste attendre pour ma permanente résidence pour juste
finir mes études, parce que j'ai déjà 20 ans et je suis à l'école, je n'ai
pas fini mon secondaire, et juste attendre pour ma permanente résidence. Merci
beaucoup. Merci de m'écouter.
M. Singh (Jaskamal) : Bonjour,
tout le monde. Mon nom est Jaskamal Singh et je suis venu au Canada en 2017.
J'ai fait mes études au secondaire, et alors je veux dire que mon futur est ici
et je veux continuer à étudier ici et devenir un policier qui peut contribuer à
ce pays, mais, malheureusement, ce n'est pas possible pour maintenant, donc.
M. Singh (Harsh Preet) : Bonjour,
je m'appelle Harsh Preet. Je suis venu en Canada en 2018, en juin, venu ici... un
rêve de poursuivre une meilleure éducation au Canada que celle d'Inde, mais je
ne peux pas à cause de déportation. Et je vais à une école qui s'appelle
Lucien-Pagé, et je complète mon deuxième secondaire ici, et mes matières
préférées sont mathématiques et sciences, et, quand je suis grand, j'aimerais
devenir ingénieur mécanique.
Et j'avais des difficultés à comprendre le
français, mais j'ai mis du temps et finalement j'ai réussi à parler et écrire
le français. Chaque jour, je vois mes parents en train de travailler dur pour
moi et... mais, quand je demande pour quelque chose, chaque fois ils me disent
oui, mais ils ne montrent pas que... s'ils sont tristes ou non. Et j'ai
beaucoup d'amis ici, en Canada, et j'adore les gens, et j'adore la culture, et
j'apprécie vraiment de rester... j'apprécierais vraiment de rester ici, en
Canada, et de grandir ici, dans ce pays, avec les amis que j'ai ici. Merci de
m'écouter.
La Modératrice : Merci
beaucoup. On va maintenant passer aux questions sur le sujet du jour seulement
et, ensuite, sur les sujets d'actualité.
M. Denis (Maxime) : Bonjour.
Maxime Denis, TVA Nouvelles. J'aimerais juste comprendre vraiment qu'est-ce qui
menace leur retour, bien exprimé, concrètement, là, pourquoi, c'est ça... pour
les garder ici, dans le fond.
M. Cliche-Rivard : Bien,
alors, en ce moment, ce sont des jeunes avec leurs parents qui ont un statut
précaire. Donc, pour la plupart, ils attendent une lettre qu'on appelle la
lettre de renvoi, là, la lettre de déportation, où ils seront convoqués à
l'Agence des services frontaliers pour organiser le départ de manière assez
imminente. Cette lettre-là, selon leur stade, chacun ou chacune, des
procédures, peut arriver la semaine prochaine, comme elle peut arriver dans
quelques semaines ou quelques mois, mais ils en sont là, à être à risque de déportation
imminente. Donc, si on ne fait pas quelque chose rapidement, si on ne met pas
rapidement un programme québécois en place pour leur donner une voie d'accès à
la résidence permanente, on risque de perdre ces jeunes-là ici, au Québec, et
ce serait, vous l'avez entendu, très dramatique pour eux et, bien sûr, pour
nous.
M. Denis (Maxime) : Et ce
serait quoi, la réalité de retourner dans... ou de partir dans leur pays
d'origine?
M. Cliche-Rivard : Bien, je
pense qu'ils vous l'ont exprimé. La plupart m'ont dit avoir peu de
connaissance, par exemple, de la langue à l'écrit, de leur langue d'origine à
l'écrit. Bien sûr, ils la parlent à la maison, mais plusieurs m'ont dit qu'ils
seraient dans des retards scolaires incroyables s'il fallait retourner.
Plusieurs m'ont parlé du fait qu'ils seraient complètement déracinés, là.
Certains sont là depuis qu'ils ont huit ans, neuf ans, 10 ans. Tout ce
qu'ils ont connu, tout ce qu'ils connaissent, tout ce dont ils se souviennent,
c'est ici, au Canada. Leurs amis sont ici, leurs rêves sont ici. Ils vous ont
dit : Je voudrais être policier, je voudrais être comptable, je voudrais
être ingénieur. Leurs rêves, ils les font en français au Québec. Et ils sont
des exemples, de manière assez incroyable, de la résilience, parce que ce n'est
pas facile de vivre dans la situation dans laquelle ils vivent, mais, malgré
tout, à chaque jour, ils redoublent d'efforts. Ils se sont exprimés en français
de manière très claire aujourd'hui, et je pense que... Moi, je leur lève mon
chapeau, là, c'est incroyable, ce qu'ils sont capables de faire. Et de les
déraciner de leur Québec, ce serait absolument dramatique, et on appelle, au
gouvernement, une action très rapide pour régulariser les statuts.
M. Nadeau-Dubois : Moi, en
écoutant l'histoire de ces jeunes-là, il y a deux mots qui me viennent en tête :
injustice puis absurdité. Injustice, parce que ces jeunes-là, ils ont rempli
leur part du contrat. Ils ont appris le français, ils se sont intégrés, ils
travaillent fort. Ils veulent être Québécois et Québécoises, ils le sont déjà,
ils veulent construire le Québec avec nous, puis on va leur montrer la porte.
C'est injuste. Puis c'est aussi absurde. On est en pleine pénurie de
main-d'oeuvre, on a besoin de jeunes talents dans tous les secteurs de notre
économie. La jeune femme qui a parlé dit : Je suis déjà assistante-gérante
dans un Couche-Tard, je veux devenir gérante, je veux devenir comptable. On a
besoin de ce monde-là, au Québec. On en a un qui veut devenir policier, l'autre
ingénieur. Pourquoi on se priverait? Au nom de quoi est-ce qu'on se priverait
de ces gens-là, de leurs talents, de leur contribution au Québec? C'est absurde
de se priver de ce monde-là.
La Modératrice : Mme Lajoie.
Mme Lajoie (Geneviève) : Oui,
bonjour. Peut-être, techniquement, là, vous parlez de...
M. Nadeau-Dubois : Quand ça
commence par «techniquement», c'est lui qui répond.
Mme Lajoie (Geneviève) : ...statut
précaire. Est-ce que vous pouvez expliquer exactement dans quelle situation ils
sont et pourquoi ils sont devant une déportation? C'est-à-dire, ils... Je veux
dire, je comprends qu'ils attendent la résidence permanente, mais qu'est-ce que
vous voulez dire par statut précaire? Quelles démarches ont-ils faites déjà?
M. Cliche-Rivard : On utilise
cette terminologie pour être assez inclusif, parce que plusieurs ont des
parcours différents. On peut avoir un statut précaire au Canada, par exemple,
parce que notre visa a expiré. On peut, dans le cas de certains, dernièrement,
être demandeurs d'asile déboutés, donc ils ont perdu leur demande. Ils sont,
pour certains, en contestation, pour d'autres non, pour certains, ils ont
épuisé leurs recours, il ne reste pas grand-chose avant la fameuse lettre de
renvoi.
Donc, la volonté pour nous d'utiliser le
mot précaire, c'est une manière inclusive pour englober la plupart des statuts.
On pourrait penser à des travailleurs temporaires, les parents, par exemple,
qui perdraient leur statut, pour quelconque raison, là, le contrat n'est pas
renouvelé ou la compagnie ferme, et là l'ensemble de la famille tombe dans un
statut précaire. Bref, il y a plein de scénarios au Canada, dans la législation,
qui permettent de, malheureusement, tomber en précarité de statut. Et on
utilise là un vocabulaire inclusif. Cela dit, tous et toutes ici font l'objet
ou peuvent faire l'objet, demain matin ou la semaine prochaine, d'un renvoi
imminent. Alors, je pense qu'on pourrait même dire «à statut très précaire».
Mme Lajoie (Geneviève) : D'accord.
Peut-être sur un autre sujet...
La Modératrice : On va
prendre les questions sur les autres sujets juste après.
M. Duval (Alexandre) : Statut
précaire, M. Cliche-Rivard, on distingue vraiment de «sans-papiers», là. Ce
sont des jeunes dont les parents ont un statut x, que ce soit demandeurs
d'asile, travailleurs étrangers temporaires, mais ils ont un statut x, en ce
moment, ces gens-là?
M. Cliche-Rivard : Ils sont
régulièrement et légalement sur le territoire canadien. Ils n'ont pas de statut
parce que le statut a expiré, là, mais ils sont légalement connus, légaux, et
ils attendent malheureusement la date fatidique, la convocation fatidique. Mais
ils sont tous là et... sinon, ils ne se seraient pas présentés à vous, et ni à
nous, là, on va se le dire, ils sont tous là en toute légalité.
Journaliste : Sur le plan
juridique, le Québec a-t-il vraiment les moyens de mettre en place un tel
programme, étant donné que l'octroi de la résidence permanente, c'est de
compétence fédérale?
M. Cliche-Rivard : On a vu
que le Québec, dans la première phase, là, de la pandémie, en fait, sur le
programme des anges gardiens, a joué un rôle central, où c'est le Québec qui
émettait les certificats de sélection du Québec et Immigration Canada donnait
la résidence suivant le CSQ. C'est essentiellement la même chose qu'on demande.
Évidemment, nous, on demande les pleins pouvoirs en immigration, ça, c'est très
clair, mais de très court terme, à très courte vue, pour eux, ce qu'on demande,
c'est que le Québec exige que ces gens-là, une fois le CSQ émis, reçoivent la
résidence permanente dans des délais très rapides. Le Québec a toute la
législation et toute l'autorité de le faire de manière législative et réglementaire,
alors ça suffit que la ministre le dise et ça pourrait être fait.
M. Nadeau-Dubois : Puis
j'aimerais quand même signaler que, non seulement ça a été un engagement de
campagne dans Saint-Henri–Sainte-Anne pour Guillaume, ce programme québécois de
régularisation, mais il a questionné la ministre lors des crédits, il y a deux
semaines, et la ministre s'est montrée ouverte, là. Donc, le gouvernement de
François Legault peut agir aujourd'hui pour garder ce monde-là au Québec. La
seule bonne décision à prendre, par compassion, par gros bon sens puis par
intérêt pour le Québec, par intérêt pour le Québec, c'est d'agir, c'est de
garder ce monde-là au Québec. On a besoin du Québec... on a besoin de ces
gens-là au Québec, puis ces jeunes-là veulent rester ici. C'est vraiment une
question de gros bon sens pour le gouvernement.
La Modératrice : Sur le
sujet, d'autres questions?
M. Bossé (Olivier) : Évidemment,
c'est tous des jeunes, mais on parle de toutes leurs familles. En tout, on
parle de combien de personnes à peu près?
M. Cliche-Rivard : Dans notre
proposition, et c'est celle qu'on fait encore aujourd'hui puis qu'on maintient,
on a parlé de 10 000 personnes pour la première année du programme.
On réévaluera au besoin, selon le nombre de demandes reçues, mais c'est à
l'intérieur de nos cibles d'immigration, 60 000, 80 000. On reste sur
cet engagement-là. C'est l'engagement que j'ai fait en campagne. Donc, on vise
10 000 l'année un.
M. Bossé (Olivier) : Mais il
y en a plus que 10000?
M. Cliche-Rivard : Ça, c'est
une question qu'on ne sait pas, pour être très franc. L'irrégularité n'est pas
chiffrée, et il y a des discussions à avoir. Il y a des spécialistes qui
donnent des chiffres qui vont plus haut, il y en a d'autres qui donnent des
chiffres qui vont plus bas. On ne le sait pas, et c'est pour ça qu'on se donne
aussi la possibilité d'ajustements après l'an un. Donc, moi, je ne vais pas
spéculer sur ce que sera l'an deux, l'an trois, mais voici la proposition qu'on
met concrètement et clairement sur la table : 10000 l'année un.
M. Nadeau-Dubois : Puis, tu
sais, c'est intéressant, là, on a eu un débat, dans les derniers temps, sur
l'immigration permanente et sur l'immigration temporaire. Nous, depuis des mois
et des mois, avec Guillaume, à Québec solidaire, on le répète, là : Pour
combler nos cibles d'immigration, là, commençons donc par les gens qui sont
déjà sur le territoire du Québec. Ils sont ici, ils travaillent déjà, ils sont
en train d'apprendre le français et ils veulent demeurer au Québec. Pourquoi
est-ce qu'on ne commence pas par ouvrir la porte à ces gens-là? C'est une
proposition qui est à la fois une proposition de compassion puis une
proposition très pragmatique. Ils sont au Québec, ils veulent construire le
Québec, pourquoi est-ce qu'on les renverrait? C'est ridicule.
La Modératrice : Dernière
question sur le sujet. Ensuite, on passe...
M. Duval (Alexandre) : Oui. Petite
précision. Si, pour certaines raisons, le gouvernement fédéral rejette, par
exemple, la demande d'asile des parents de certains de ces jeunes, pourquoi le
gouvernement fédéral irait lui-même à l'encontre d'une décision qu'il a prise,
parfois sur des motifs qui peuvent être tout à fait logiques et fondés, là?
M. Cliche-Rivard : Les motifs
d'asile sont tout à fait différents des motifs de compassion, et d'humanité, et
d'intégration. Ce sont deux schèmes de pensée complètement différents. Donc,
une demande d'asile peut être refusée sur des motifs de protection, au sens de
la convention puis du droit international. Quand on entre dans l'empathie,
quand on entre dans l'histoire des jeunes, quand on entre dans leur vécu, on
est dans un autre volet d'analyse, on est plutôt en mode : voici ce que
ces gens-là apportent au Québec, on a besoin d'eux, et octroyons-leur la
résidence, pas par l'asile, par compassion, par motif humanitaire, sur la
preuve d'une intégration et d'une participation à la société québécoise.
M. Nadeau-Dubois : D'ailleurs,
peut-être, c'est important pour nous de préciser que des programmes comme celui
que Québec solidaire propose, ça existe dans énormément de pays, hein? La bonne
majorité des pays européens ont des programmes de régularisation comme
celui-là. Pourquoi? Parce qu'à un certain point ça devient une question de gros
bon sens de dire : Les gens sont sur le territoire de la nation, ils
participent déjà à l'économie, à la société, ouvrons-leur les portes pour qu'ils
aient... qu'ils profitent pleinement de tous les droits qui sont garantis aux
citoyens puis aux citoyennes au Québec. Donc, ce n'est pas une proposition qu'on
sort d'un chapeau, ça existe dans énormément de pays dans le monde, des
programmes d'amnistie comme celui qu'on propose aujourd'hui, et on n'a pas les
moyens de ne pas le faire au Québec.
La Modératrice : In English.
Journaliste
: Can you tell us exactly what is their status? What are you asking
the Quebec Government? And I don't know if, afterwards, we could listen to one
of them.
La Modératrice
: We can do individuals interviews after.
Journaliste
: O.K.. Good. Thank you.
M. Cliche-Rivard : So, most of them are at the end of their immigration process. They
could be coming from the work sphere and their parents lost their work permit,
for example, because a contract was not renewed or because a company closed.
Some of them are failed asylum seekers. So, they came in, they filed for
refugee claim, but, unfortunately, they wouldn't qualify. But they've been here
for five, six, seven years, sometimes.
So, there's multiple ways
into which you could be forced or led to having a precarious status. We want to
make sure to encompass all of them and to make sure that the different ways or
the different problems that people surface with immigration are all encompassed
in our program.
Journaliste :
O.K.. So, you were saying you're asking
the same thing the Government did for the «anges gardiens» during the COVID period?
M. Cliche-Rivard : I mean, it's the inspiration, it's the proof that it works, it's
the proof that Québec can do something, it's the proof that this can be
happening very soon. We did it once, we can do it again. We should do it again,
actually, we have to do it again right now, because those kids could be leaving us very quickly and they
expressed how important it is for them to stay here, to continue their
development and studies in French. They expressed that they wanted to be
accountants, police officers, that all their lives and all their dreams were
here, in Québec. And most of
them wouldn't remember much of what it was back there in their home country.
Some of them also expressed to me they couldn't write anymore their first
language. They could speak it with their family, of course, but going back to
school, secondary V, or high school, or postgrad, this would be absolutely
impossible for them. So, they would be… And they are facing extreme distress, they
are very afraid of going back, and the only thing they're asking is to stay
here, in Québec, to leave and
study in French, again and more, with their family and their friends.
La Modératrice
:Thank you. On va
maintenant passer aux sujets d'actualité. Parfait. Donc, une question, une sous-question.
M. Duval (Alexandre) : Bon. La
ligne de parti, ça existe dans tous les partis, M. Nadeau-Dubois. Par
contre, sur des enjeux aussi importants que le troisième lien, pour lesquels
des députés ont fait des promesses, on apprend que des députés sont en
désaccord et ne peuvent pas le dire. Qu'est-ce que vous en pensez, du fait qu'il
y ait un désaccord mais que ça n'existe comme pas, dans l'espace public, là?
M. Nadeau-Dubois : Bien, c'est
typique de François Legault. François Legault, il est allergique à la critique,
il est allergique au débat. Il n'aime pas ça, ça l'agace. On le voit dans plein
de dossiers. Et là ce bâillonnement de ses propres députés qui ont envie de s'exprimer
sur une trahison de leur propre programme électoral, c'est juste une
illustration du style de leadership de François Legault.
M. Duval (Alexandre) : Est-ce
que ça ne viendrait pas créer certains problèmes, si les députés pouvaient librement
s'exprimer sur des sujets comme ceux-là puis aller dans toutes les directions
une fois que le caucus est terminé?
M. Nadeau-Dubois : Bien, tu
sais, quand les gens votent pour un parti politique, ils s'attendent en effet
que ce parti-là partage une vision, un projet de société. Dans le cas des
électeurs caquistes, ils ont voté pour un parti qui s'engageait main sur le
cœur à construire un troisième lien. Ces électeurs-là, aujourd'hui, se sentent
floués. Même les gens qui étaient contre le projet de troisième lien se sentent
floués, parce qu'ils se disent : On s'est fait mener en bateau pendant des
années.
Et là ce qu'on apprend, c'est que le
premier ministre empêche ses propres députés de s'exprimer librement sur le
bris de cette promesse-là. Donc, moi, que des députés s'entendent sur une
position commune à défendre parce qu'ils ont une vision commune pour le Québec,
non seulement ça ne m'empêche pas de dormir, mais je pense que c'est une bonne
chose, mais de bâillonner des députés qui ont envie de dire le fond de leur
pensée pour être à la hauteur de leur propre parole, la parole qu'ils ont
donnée à leurs électeurs, ça, franchement, moi, je n'ai jamais vu ça, là.
M. Bourassa (Simon) : Bonjour,
M. Nadeau-Dubois. Sur la déclassification des documents de la commission
Grenier, là, sur le référendum de 1995, est-ce qu'on doit aller dans ce
sens-là, comme le demande le Parti québécois?
M. Nadeau-Dubois : Nous, on
va appuyer la motion du Parti québécois. C'est des informations qui sont
pertinentes pour le débat démocratique au Québec. Je pense que les Québécois,
les Québécoises ont le droit de savoir ce qui s'est passé durant le référendum.
Et peu importe de quel côté de ce débat-là on loge, on devrait s'entendre sur
l'importance de la transparence puis de la vérité.
M. Bourassa (Simon) : Est-ce
que ça pourrait relancer le débat référendaire dans un avenir proche au Québec,
selon vous?
M. Nadeau-Dubois : Bien, on
verra. On verra ce qu'il y a dans les documents, mais la transparence, c'est
important pour la démocratie, on devrait tous s'entendre là-dessus.
La Modératrice
: M.
Lecavalier.
M. Lecavalier (Charles) : Bonjour,
M. Nadeau-Dubois. Je reviens sur la ligne de parti. Vous avez peut-être lu la
lettre de Mme Foster la semaine dernière. Je me demandais, vous êtes chef,
quand même, d'une formation politique, puis c'est quand même confortable, la
ligne de parti, pour le chef. C'est-à-dire qu'à la fin c'est lui qui doit,
disons, s'assurer qu'il y ait une cohérence dans le message, mais quelle est la
liberté... qui sont données aux députés de Québec solidaire pour dire, bon :
Il y a une décision qui a été prise en caucus, moi, je ne suis pas d'accord?
Ils n'en parlent pas? Ils disent : Je ne suis pas d'accord, mais on a pris
une décision? C'est quoi la liberté que vous vous donnez?
M. Nadeau-Dubois : Nous, on a
profondément une culture de dialogue puis on a une culture, à l'interne du
caucus, où on recherche toujours à construire des consensus. Des fois, ça prend
du temps et des fois on n'est pas capable de répondre à la première question du
premier journaliste parce qu'on n'a pas encore pris le temps ensemble de
construire ce consensus-là. Et Manon et moi, depuis 2018, c'est là... depuis
2018 qu'on a un caucus, disons, numériquement significatif, on prend... on
trouve ça important de construire ces consensus-là et de prendre le temps
d'entendre nos députés, pour que, lorsque le caucus tranche démocratiquement,
bien, tout le monde se sente respecté là-dedans, que tout le monde ait
confiance dans le processus et que, donc, tout le monde soit capable de se
rallier. Et, depuis 2018, c'est comme ça qu'on travaille, et, jusqu'à
maintenant, c'est ce qui permet aux députés solidaires de se rallier, même dans
des circonstances où le caucus ne tranche pas de leur côté.
M. Lecavalier (Charles) : Par
exemple? Pouvez-vous donner un exemple?
M. Nadeau-Dubois : Bien, ça
arrive à chaque semaine sur des votes sur différentes motions, sur les prises
de position sur différents sujets. Quand on instaure un processus décisionnel
qui est respectueux des gens, qui les écoute pour vrai, on maximise les chances
que les gens adhèrent.
Dans le cas du troisième lien, c'est le
contre-exemple parfait : on a un premier ministre qui s'est levé un matin,
qui a consulté une ou deux personnes, on ne sait pas trop, puis qui a dit :
Ça va être ça, ça s'en va dans les médias, puis on vous l'annonce, quoi, 24, 36
heures d'avance, aux députés, on ne vous consulte même pas, même si c'est dans
votre comté, même si c'est dans votre région, même si c'est votre promesse
électorale. Je veux dire, c'est rare que je défends les députés de la CAQ, là,
mais je les comprends d'être en beau joual vert puis je les comprends de se
dire : Bien, voyons donc, c'est-u un parti politique, ça, ou c'est une
organisation pyramidale? Je veux dire, ça n'a pas de sens.
M. Lecavalier (Charles) : Mais
est-ce que c'est toujours possible d'aller chercher ce consensus-là quand on
forme le parti qui gouverne? C'est-à-dire que plus de... disons qu'il y a un
nombre beaucoup plus important de députés, et aussi, quand on est au pouvoir,
il faut souvent faire de l'arbitrage, choisir un projet au détriment d'une
autre région. Il y a de l'arbitrage à faire. Donc, est-ce que Québec solidaire,
par rapport aux autres formations politiques, aurait une approche différente
par rapport à la ligne de parti? Est-ce qu'il permettrait à un député de dire :
Je ne suis pas d'accord avec... évidemment, peut-être pas sur des questions
fondamentales, mais : Je ne suis pas d'accord avec le parti sur tel sujet,
bon, le choix a été fait, je suis déçu, mais, moi, je ne suis pas d'accord pour
telle, telle ou telle raison? Ça, est-ce que ce serait permis?
M. Nadeau-Dubois : C'est
sûr que, là, c'est une question largement hypothétique, que vous me posez, mais
mettons qu'on réfléchit ensemble, ce matin, tu sais, moi, je n'ai pas problème
à reconnaître que c'est vrai que, quand un parti arrive au pouvoir, les
décisions pèsent plus lourd, ont nécessairement plus de conséquences sur la vie
des gens puisqu'on gouverne. Donc, c'est sûr que ça complique un peu les choses,
mais moi, je pense qu'à Québec solidaire on construit depuis très longtemps
cette culture-là du dialogue, cette culture où on travaille en équipe. À
l'inverse, la CAQ, depuis sa fondation, depuis sa fondation, est le projet d'un
seul homme. Depuis sa fondation, la CAQ a instauré cette culture-là. C'est
l'article 1 de leur constitution interne : François Legault, François
Legault, François Legault. Donc, les graines étaient semées depuis longtemps
pour le genre de tensions qu'on voit aujourd'hui. À Québec solidaire, c'est le
contraire, depuis longtemps, on travaille à construire une culture différente.
M. Lecavalier (Charles) :
Mais c'est juste parce que... Précision, là. La dissidence, une fois que le
caucus a pris une décision, est-ce qu'elle est permise?
M. Nadeau-Dubois : Oui.
Le droit à la dissidence, à Québec solidaire, il est inscrit dans nos statuts.
Il y a un article de nos statuts, on pourra vous le fournir, qui reconnaît
explicitement à tout membre de Québec solidaire le droit à la dissidence.
Alors, ce n'est pas juste une vue de l'esprit, là, c'est inscrit dans
l'équivalent de notre constitution interne, que le droit à la dissidence
existe.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Donc, par les députés.
M. Nadeau-Dubois : Y
compris par les députés, oui.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Oui. O.K. Donc, c'était ça aussi, ma précision.
M. Nadeau-Dubois : Exact.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Je voulais savoir si... Est-ce que ce n'est pas plus sain aussi pour la
démocratie qu'un élu... c'est un élu du peuple, là, c'est les gens qui ont voté
pour cette personne-là, bien, puisse dire : Bien non, moi, je ne suis pas
d'accord?
M. Nadeau-Dubois : Oui.
Moi, je pense que c'est sain. Après ça, la... Moi, je pense que c'est sain, mais
le rôle des gens en position de leadership, comme c'est le cas de Manon et moi,
à Québec solidaire, notre rôle, c'est de travailler à l'unité puis de générer
des consensus. Et, jusqu'à maintenant, on y arrive très bien, parce que, malgré
que ce droit à la dissidence...
Mme Lajoie (Geneviève) :
Ce n'est jamais arrivé? Ce n'est jamais arrivé qu'un député ne soit pas
d'accord du tout et ne veuille pas le défendre sur la place publique?
M. Nadeau-Dubois : La
preuve est dans le pudding, je veux dire, le droit à la dissidence est dans nos
statuts depuis 15 ans, jamais un député ne l'a exercé. Je pense que c'est
la preuve que cette culture de création de consensus, elle nous enrichit, elle
nous rend plus forts, à Québec solidaire. Peut-être que ça arrivera un jour, je
ne sais pas.
La Modératrice
: M. Duval.
M. Duval (Alexandre) : Petite
dernière. Sur le salaire des élus, là, adoption du principe aujourd'hui, on se
dirige vers l'adoption du projet de loi, là, fort probablement. Vous, votre
position, elle ne bouge évidemment pas. Est-ce que vous réussissez à rallier
peut-être d'autres partis d'opposition, jusqu'à maintenant, ou d'autres députés
d'autres partis?
M. Nadeau-Dubois : On va
continuer à travailler très fort et on va prendre tous les moyens à notre
disposition, tous les moyens à notre disposition pour que cette hausse-là ne
passe pas.
Mme Lajoie (Geneviève) :
C'est à dire? Tous les moyens, ça veut dire quoi?
M. Nadeau-Dubois : Bien,
c'est-à-dire qu'on va...
Mme Lajoie (Geneviève) :
Du «filibust», de...
M. Nadeau-Dubois : C'est
à dire qu'on va travailler très fort au salon bleu, on va travailler très fort
en commission parlementaire, on va présenter des amendements. Et, non, on n'a
pas perdu espoir de créer un consensus avec d'autres partis politiques. Je veux
dire, après ce que M. Drainville a fait, là, la semaine dernière, après
cette erreur-là, je pense que l'humilité est de mise, à la CAQ, et que la CAQ
devrait prendre acte du fait que cette proposition-là d'augmenter de
30 000 $ par année le salaire des députés, cette décision-là, elle ne
passe pas, elle ne passe pas dans la population. Moi, mon bureau de comté est
inondé de messages de gens qui sont très fâchés de cette proposition-là de la
CAQ et qui nous félicitent de notre prise de position. La permanence de notre
parti aussi est inondée, sur les médias sociaux, je veux dire, toutes
allégeances confondues, là, les gens trouvent que ça n'a pas d'allure, ce que
s'apprête à faire François Legault.
Puis nous, on va se battre, démocratiquement, à
l'intérieur des outils qui sont ceux du Parlement, jusqu'à la dernière minute
de la session pour convaincre les autres partis de ça. Et moi, je réitère qu'on
croit, à Québec solidaire, que François Legault ne peut pas aller de l'avant
seul, sans l'appui d'aucun parti.
M. Lecavalier (Charles) :
Je ne suis pas un expert de procédure, mais, à votre connaissance — vous
avez été leader — est-ce que Québec solidaire, à lui seul, peut
empêcher l'adoption rapide du projet de loi avant l'été?
M. Nadeau-Dubois : Non.
M. Lecavalier (Charles) :
Non?
M. Nadeau-Dubois : D'un
point de vue de procédure, on n'a pas ce pouvoir-là, mais on peut amender le
projet de loi, on peut tenter de créer des...
M. Lecavalier (Charles) :
Mais en prenant beaucoup de temps, ça.... ils peuvent quand même l'adopter, là,
avant l'été.
M. Nadeau-Dubois : On
va... Il y a... Avec les... Dans le livre des règlements, là, il n'y a pas de
règlement qui nous permet, nous, en ce moment, d'empêcher l'adoption du projet
de loi, malheureusement. S'il y en avait un, on l'utiliserait.
La Modératrice
: Parfait.
Merci.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup.
(Fin à 11 h 49)