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Point de presse de M. Gabriel Nadeau-Dubois, chef du deuxième groupe d’opposition, et M. Guillaume Cliche-Rivard, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière d’immigration, de francisation et d’intégration

Version finale

Tuesday, May 23, 2023, 11 h 15

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Onze heures dix-huit minutes)

La Modératrice : Bonjour et bienvenue à ce point de presse de Québec solidaire. Prendront la parole Guillaume Cliche-Rivard, suivi de Gabriel Nadeau-Dubois, ainsi que M. Jaskamal Singh, Mme Shivani Sachdeva, M.Harsh Preet Singh. Les noms vous seront fournis par texto ou courriel. Nous prendrons les questions sur les sujets du jour et ensuite sur les sujets d'actualité. Merci.

M. Cliche-Rivard : Bonjour, tout le monde. C'est avec beaucoup d'émotion que je me présente devant vous aujourd'hui, avec des jeunes qui rêvent de vivre et de grandir parmi nous, pour demander au gouvernement du Québec et à la ministre de l'Immigration de mettre sur pied un programme québécois de régularisation de statut afin de leur permettre d'obtenir la résidence permanente. C'est une promesse que j'ai faite en campagne électorale, j'ai promis de me battre pour un programme afin de régulariser le statut des personnes ici depuis au moins cinq ans ou bien des familles qui comptent au moins un enfant.

Vous le savez, j'ai passé les 10 dernières années à lutter contre les injustices dans le système de l'immigration, et la cause des jeunes à statut précaire en est une qui me tient particulièrement à cœur. Derrière moi, vous avez des ados qui vivent ici depuis plusieurs années et qui sont scolarisés en français. Ils ont des rêves, ils ont des projets d'avenir, ils ont des implications, leurs amis sont ici, tout ce qu'ils connaissent est ici, mais, malheureusement,

ils sont menacés par la déportation. Ils ont fait la route aujourd'hui pour nous parler de leurs craintes face à un retour dans leur pays d'origine, mais surtout de leur amour pour leur vie au Québec, où ils veulent vivre et grandir. Leur temps parmi nous est compté, alors qu'ils risquent la déportation. Ils vivent chaque jour dans l'anxiété et le stress de devoir un jour partir. De plus, ceux et celles qui terminent actuellement leur secondaire n'auront pas la chance de continuer au cégep, en raison de la précarité de leur statut. Ils devront se résigner à rejoindre le marché de l'emploi à 16, 17, 18 ans, alors que plusieurs rêvent d'être ingénieurs, médecins, infirmières et bien plus encore. Ils voient leurs amis nés ici pouvoir poursuivre leurs rêves, alors que cela leur est impossible, cela ne leur est pas permis. Alors, ils vont prendre la parole aujourd'hui, ils vont exprimer leur anxiété, ils vont exprimer leurs rêves. Merci d'être là aujourd'hui.

M. Nadeau-Dubois : Merci, Guillaume. François Legault parle souvent d'immigration, mais, quand il en parle, il nous parle de statistiques, il nous parle de chiffres. Aujourd'hui, Guillaume et moi, on veut vous montrer des visages. On veut vous raconter des histoires humaines, parce que l'immigration, c'est d'abord et avant tout ça, des histoires humaines.

Ce qui me frappe le plus, chez les jeunes qui sont derrière moi, puis on a eu l'occasion d'échanger un peu ce matin, c'est leur amour pour le Québec, c'est leur amour pour le français. Ces jeunes-là ont réussi, malgré les obstacles, à apprendre le français, souvent très rapidement, en à peine une année d'efforts. Ils ont réussi, pour la plupart, à quitter leurs classes d'accueil puis à rejoindre des classes régulières au secondaire. Ces jeunes-là, là, c'est la preuve en chair et en os que l'intégration au Québec, que l'intégration au français, ça peut fonctionner, ça fonctionne souvent. Il suffit d'essayer pour vrai. Il suffit d'en faire un vrai projet de société.

Aujourd'hui, ces jeunes-là continuent leur apprentissage du français. Ce n'est pas facile à tous les jours, bien sûr. Souvent, d'ailleurs, ils jouent les interprètes pour leur famille. Ce sont, eux et elles, des ambassadeurs, des ambassadrices pour l'intégration de leurs parents, et, aujourd'hui, ils sont fiers de venir vous parler ici en français, dans leur Assemblée nationale du Québec. Ces jeunes-là, c'est des Québécois, c'est des Québécoises. Ils veulent construire le Québec avec nous autres, mais ils sont menacés de déportation. Moi, je pense qu'on a le devoir de ne pas les laisser tomber, puis c'est ce que je demande au gouvernement de François Legault aujourd'hui : Laissez-les rester. Merci.

Mme Sachdeva ( Shivani ) : Bonjour. Je m'appelle Shivani, je viens de... J'ai arrivé au Canada en 2018. Quand j'ai venu ici, on m'a donné les classes d'accueil. En moins qu'une année, elle m'a envoyé à l'école des adultes. Là-bas, elle m'a dit... pour rester et tu peux attendre pour ta permanente résidente pour ton secondaire. Maintenant aussi je suis à l'accueil et j'ai attendu pour ma permanente résidente. En même temps, j'ai travaillé, j'ai travaillé au Couche-Tard... une assistante-gérante et, en même temps, je fais beaucoup de sport, comme gymnaste, et tout ça, je joue le basketball et soccer. J'attendais pour ma permanente résidence.

Je veux que je finis mon secondaire et je fais le comptable, l'école de comptable, parce que je préférais les cours de mathématiques. Ou je pense que je fais les... je vais ouvrir mon entreprise parce que, pour le moment, je suis assistante-gérante et... m'a donné la position de gérante, et je pense qu'avec cette expérience je vais... ouvre mon entreprise. Et moi, aussi, j'aime la peinture comme... j'ai participé à la compétition de talent et, là-bas, j'ai gagné 300 $ et un certificat. J'avoue que je veux juste attendre pour ma permanente résidence pour juste finir mes études, parce que j'ai déjà 20 ans et je suis à l'école, je n'ai pas fini mon secondaire, et juste attendre pour ma permanente résidence. Merci beaucoup. Merci de m'écouter.

M. Singh (Jaskamal) : Bonjour, tout le monde. Mon nom est Jaskamal Singh et je suis venu au Canada en 2017. J'ai fait mes études au secondaire, et alors je veux dire que mon futur est ici et je veux continuer à étudier ici et devenir un policier qui peut contribuer à ce pays, mais, malheureusement, ce n'est pas possible pour maintenant, donc.

M. Singh (Harsh Preet) : Bonjour, je m'appelle Harsh Preet. Je suis venu en Canada en 2018, en juin, venu ici... un rêve de poursuivre une meilleure éducation au Canada que celle d'Inde, mais je ne peux pas à cause de déportation. Et je vais à une école qui s'appelle Lucien-Pagé, et je complète mon deuxième secondaire ici, et mes matières préférées sont mathématiques et sciences, et, quand je suis grand, j'aimerais devenir ingénieur mécanique.

Et j'avais des difficultés à comprendre le français, mais j'ai mis du temps et finalement j'ai réussi à parler et écrire le français. Chaque jour, je vois mes parents en train de travailler dur pour moi et... mais, quand je demande pour quelque chose, chaque fois ils me disent oui, mais ils ne montrent pas que... s'ils sont tristes ou non. Et j'ai beaucoup d'amis ici, en Canada, et j'adore les gens, et j'adore la culture, et j'apprécie vraiment de rester... j'apprécierais vraiment de rester ici, en Canada, et de grandir ici, dans ce pays, avec les amis que j'ai ici. Merci de m'écouter.

La Modératrice : Merci beaucoup. On va maintenant passer aux questions sur le sujet du jour seulement et, ensuite, sur les sujets d'actualité.

M. Denis (Maxime) : Bonjour. Maxime Denis, TVA Nouvelles. J'aimerais juste comprendre vraiment qu'est-ce qui menace leur retour, bien exprimé, concrètement, là, pourquoi, c'est ça... pour les garder ici, dans le fond.

M. Cliche-Rivard : Bien, alors, en ce moment, ce sont des jeunes avec leurs parents qui ont un statut précaire. Donc, pour la plupart, ils attendent une lettre qu'on appelle la lettre de renvoi, là, la lettre de déportation, où ils seront convoqués à l'Agence des services frontaliers pour organiser le départ de manière assez imminente. Cette lettre-là, selon leur stade, chacun ou chacune, des procédures, peut arriver la semaine prochaine, comme elle peut arriver dans quelques semaines ou quelques mois, mais ils en sont là, à être à risque de déportation imminente. Donc, si on ne fait pas quelque chose rapidement, si on ne met pas rapidement un programme québécois en place pour leur donner une voie d'accès à la résidence permanente, on risque de perdre ces jeunes-là ici, au Québec, et ce serait, vous l'avez entendu, très dramatique pour eux et, bien sûr, pour nous.

M. Denis (Maxime) : Et ce serait quoi, la réalité de retourner dans... ou de partir dans leur pays d'origine?

M. Cliche-Rivard : Bien, je pense qu'ils vous l'ont exprimé. La plupart m'ont dit avoir peu de connaissance, par exemple, de la langue à l'écrit, de leur langue d'origine à l'écrit. Bien sûr, ils la parlent à la maison, mais plusieurs m'ont dit qu'ils seraient dans des retards scolaires incroyables s'il fallait retourner. Plusieurs m'ont parlé du fait qu'ils seraient complètement déracinés, là. Certains sont là depuis qu'ils ont huit ans, neuf ans, 10 ans. Tout ce qu'ils ont connu, tout ce qu'ils connaissent, tout ce dont ils se souviennent, c'est ici, au Canada. Leurs amis sont ici, leurs rêves sont ici. Ils vous ont dit : Je voudrais être policier, je voudrais être comptable, je voudrais être ingénieur. Leurs rêves, ils les font en français au Québec. Et ils sont des exemples, de manière assez incroyable, de la résilience, parce que ce n'est pas facile de vivre dans la situation dans laquelle ils vivent, mais, malgré tout, à chaque jour, ils redoublent d'efforts. Ils se sont exprimés en français de manière très claire aujourd'hui, et je pense que... Moi, je leur lève mon chapeau, là, c'est incroyable, ce qu'ils sont capables de faire. Et de les déraciner de leur Québec, ce serait absolument dramatique, et on appelle, au gouvernement, une action très rapide pour régulariser les statuts.

M. Nadeau-Dubois : Moi, en écoutant l'histoire de ces jeunes-là, il y a deux mots qui me viennent en tête : injustice puis absurdité. Injustice, parce que ces jeunes-là, ils ont rempli leur part du contrat. Ils ont appris le français, ils se sont intégrés, ils travaillent fort. Ils veulent être Québécois et Québécoises, ils le sont déjà, ils veulent construire le Québec avec nous, puis on va leur montrer la porte. C'est injuste. Puis c'est aussi absurde. On est en pleine pénurie de main-d'oeuvre, on a besoin de jeunes talents dans tous les secteurs de notre économie. La jeune femme qui a parlé dit : Je suis déjà assistante-gérante dans un Couche-Tard, je veux devenir gérante, je veux devenir comptable. On a besoin de ce monde-là, au Québec. On en a un qui veut devenir policier, l'autre ingénieur. Pourquoi on se priverait? Au nom de quoi est-ce qu'on se priverait de ces gens-là, de leurs talents, de leur contribution au Québec? C'est absurde de se priver de ce monde-là.

La Modératrice : Mme Lajoie.

Mme Lajoie (Geneviève) : Oui, bonjour. Peut-être, techniquement, là, vous parlez de...

M. Nadeau-Dubois : Quand ça commence par «techniquement», c'est lui qui répond.

Mme Lajoie (Geneviève) : ...statut précaire. Est-ce que vous pouvez expliquer exactement dans quelle situation ils sont et pourquoi ils sont devant une déportation? C'est-à-dire, ils... Je veux dire, je comprends qu'ils attendent la résidence permanente, mais qu'est-ce que vous voulez dire par statut précaire? Quelles démarches ont-ils faites déjà?

M. Cliche-Rivard : On utilise cette terminologie pour être assez inclusif, parce que plusieurs ont des parcours différents. On peut avoir un statut précaire au Canada, par exemple, parce que notre visa a expiré. On peut, dans le cas de certains, dernièrement, être demandeurs d'asile déboutés, donc ils ont perdu leur demande. Ils sont, pour certains, en contestation, pour d'autres non, pour certains, ils ont épuisé leurs recours, il ne reste pas grand-chose avant la fameuse lettre de renvoi.

Donc, la volonté pour nous d'utiliser le mot précaire, c'est une manière inclusive pour englober la plupart des statuts. On pourrait penser à des travailleurs temporaires, les parents, par exemple, qui perdraient leur statut, pour quelconque raison, là, le contrat n'est pas renouvelé ou la compagnie ferme, et là l'ensemble de la famille tombe dans un statut précaire. Bref, il y a plein de scénarios au Canada, dans la législation, qui permettent de, malheureusement, tomber en précarité de statut. Et on utilise là un vocabulaire inclusif. Cela dit, tous et toutes ici font l'objet ou peuvent faire l'objet, demain matin ou la semaine prochaine, d'un renvoi imminent. Alors, je pense qu'on pourrait même dire «à statut très précaire».

Mme Lajoie (Geneviève) : D'accord. Peut-être sur un autre sujet...

La Modératrice : On va prendre les questions sur les autres sujets juste après.

M. Duval (Alexandre) : Statut précaire, M. Cliche-Rivard, on distingue vraiment de «sans-papiers», là. Ce sont des jeunes dont les parents ont un statut x, que ce soit demandeurs d'asile, travailleurs étrangers temporaires, mais ils ont un statut x, en ce moment, ces gens-là?

M. Cliche-Rivard : Ils sont régulièrement et légalement sur le territoire canadien. Ils n'ont pas de statut parce que le statut a expiré, là, mais ils sont légalement connus, légaux, et ils attendent malheureusement la date fatidique, la convocation fatidique. Mais ils sont tous là et... sinon, ils ne se seraient pas présentés à vous, et ni à nous, là, on va se le dire, ils sont tous là en toute légalité.

Journaliste : Sur le plan juridique, le Québec a-t-il vraiment les moyens de mettre en place un tel programme, étant donné que l'octroi de la résidence permanente, c'est de compétence fédérale?

M. Cliche-Rivard : On a vu que le Québec, dans la première phase, là, de la pandémie, en fait, sur le programme des anges gardiens, a joué un rôle central, où c'est le Québec qui émettait les certificats de sélection du Québec et Immigration Canada donnait la résidence suivant le CSQ. C'est essentiellement la même chose qu'on demande. Évidemment, nous, on demande les pleins pouvoirs en immigration, ça, c'est très clair, mais de très court terme, à très courte vue, pour eux, ce qu'on demande, c'est que le Québec exige que ces gens-là, une fois le CSQ émis, reçoivent la résidence permanente dans des délais très rapides. Le Québec a toute la législation et toute l'autorité de le faire de manière législative et réglementaire, alors ça suffit que la ministre le dise et ça pourrait être fait.

M. Nadeau-Dubois : Puis j'aimerais quand même signaler que, non seulement ça a été un engagement de campagne dans Saint-Henri–Sainte-Anne pour Guillaume, ce programme québécois de régularisation, mais il a questionné la ministre lors des crédits, il y a deux semaines, et la ministre s'est montrée ouverte, là. Donc, le gouvernement de François Legault peut agir aujourd'hui pour garder ce monde-là au Québec. La seule bonne décision à prendre, par compassion, par gros bon sens puis par intérêt pour le Québec, par intérêt pour le Québec, c'est d'agir, c'est de garder ce monde-là au Québec. On a besoin du Québec... on a besoin de ces gens-là au Québec, puis ces jeunes-là veulent rester ici. C'est vraiment une question de gros bon sens pour le gouvernement.

La Modératrice : Sur le sujet, d'autres questions?

M. Bossé (Olivier) : Évidemment, c'est tous des jeunes, mais on parle de toutes leurs familles. En tout, on parle de combien de personnes à peu près?

M. Cliche-Rivard : Dans notre proposition, et c'est celle qu'on fait encore aujourd'hui puis qu'on maintient, on a parlé de 10 000 personnes pour la première année du programme. On réévaluera au besoin, selon le nombre de demandes reçues, mais c'est à l'intérieur de nos cibles d'immigration, 60 000, 80 000. On reste sur cet engagement-là. C'est l'engagement que j'ai fait en campagne. Donc, on vise 10 000 l'année un.

M. Bossé (Olivier) : Mais il y en a plus que 10000?

M. Cliche-Rivard : Ça, c'est une question qu'on ne sait pas, pour être très franc. L'irrégularité n'est pas chiffrée, et il y a des discussions à avoir. Il y a des spécialistes qui donnent des chiffres qui vont plus haut, il y en a d'autres qui donnent des chiffres qui vont plus bas. On ne le sait pas, et c'est pour ça qu'on se donne aussi la possibilité d'ajustements après l'an un. Donc, moi, je ne vais pas spéculer sur ce que sera l'an deux, l'an trois, mais voici la proposition qu'on met concrètement et clairement sur la table : 10000 l'année un.

M. Nadeau-Dubois : Puis, tu sais, c'est intéressant, là, on a eu un débat, dans les derniers temps, sur l'immigration permanente et sur l'immigration temporaire. Nous, depuis des mois et des mois, avec Guillaume, à Québec solidaire, on le répète, là : Pour combler nos cibles d'immigration, là, commençons donc par les gens qui sont déjà sur le territoire du Québec. Ils sont ici, ils travaillent déjà, ils sont en train d'apprendre le français et ils veulent demeurer au Québec. Pourquoi est-ce qu'on ne commence pas par ouvrir la porte à ces gens-là? C'est une proposition qui est à la fois une proposition de compassion puis une proposition très pragmatique. Ils sont au Québec, ils veulent construire le Québec, pourquoi est-ce qu'on les renverrait? C'est ridicule.

La Modératrice : Dernière question sur le sujet. Ensuite, on passe...

M. Duval (Alexandre) : Oui. Petite précision. Si, pour certaines raisons, le gouvernement fédéral rejette, par exemple, la demande d'asile des parents de certains de ces jeunes, pourquoi le gouvernement fédéral irait lui-même à l'encontre d'une décision qu'il a prise, parfois sur des motifs qui peuvent être tout à fait logiques et fondés, là?

M. Cliche-Rivard : Les motifs d'asile sont tout à fait différents des motifs de compassion, et d'humanité, et d'intégration. Ce sont deux schèmes de pensée complètement différents. Donc, une demande d'asile peut être refusée sur des motifs de protection, au sens de la convention puis du droit international. Quand on entre dans l'empathie, quand on entre dans l'histoire des jeunes, quand on entre dans leur vécu, on est dans un autre volet d'analyse, on est plutôt en mode : voici ce que ces gens-là apportent au Québec, on a besoin d'eux, et octroyons-leur la résidence, pas par l'asile, par compassion, par motif humanitaire, sur la preuve d'une intégration et d'une participation à la société québécoise.

M. Nadeau-Dubois : D'ailleurs, peut-être, c'est important pour nous de préciser que des programmes comme celui que Québec solidaire propose, ça existe dans énormément de pays, hein? La bonne majorité des pays européens ont des programmes de régularisation comme celui-là. Pourquoi? Parce qu'à un certain point ça devient une question de gros bon sens de dire : Les gens sont sur le territoire de la nation, ils participent déjà à l'économie, à la société, ouvrons-leur les portes pour qu'ils aient... qu'ils profitent pleinement de tous les droits qui sont garantis aux citoyens puis aux citoyennes au Québec. Donc, ce n'est pas une proposition qu'on sort d'un chapeau, ça existe dans énormément de pays dans le monde, des programmes d'amnistie comme celui qu'on propose aujourd'hui, et on n'a pas les moyens de ne pas le faire au Québec.

La Modératrice : In English.

Journaliste : Can you tell us exactly what is their status? What are you asking the Quebec Government? And I don't know if, afterwards, we could listen to one of them.

La Modératrice : We can do individuals interviews after.

Journaliste : O.K.. Good. Thank you.

M. Cliche-Rivard : So, most of them are at the end of their immigration process. They could be coming from the work sphere and their parents lost their work permit, for example, because a contract was not renewed or because a company closed. Some of them are failed asylum seekers. So, they came in, they filed for refugee claim, but, unfortunately, they wouldn't qualify. But they've been here for  five, six, seven years, sometimes.

So, there's multiple ways into which you could be forced or led to having a precarious status. We want to make sure to encompass all of them and to make sure that the different ways or the different problems that people surface with immigration are all encompassed in our program.

Journaliste : O.K.. So, you were saying you're asking the same thing the Government did for the «anges gardiens» during the COVID period?

M. Cliche-Rivard : I mean, it's the inspiration, it's the proof that it works, it's the proof that Québec can do something, it's the proof that this can be happening very soon. We did it once, we can do it again. We should do it again, actually, we have to do it again right now, because those kids could be leaving us very quickly and they expressed how important it is for them to stay here, to continue their development and studies in French. They expressed that they wanted to be accountants, police officers, that all their lives and all their dreams were here, in Québec. And most of them wouldn't remember much of what it was back there in their home country. Some of them also expressed to me they couldn't write anymore their first language. They could speak it with their family, of course, but going back to school, secondary V, or high school, or postgrad, this would be absolutely impossible for them. So, they would be… And they are facing extreme distress, they are very afraid of going back, and the only thing they're asking is to stay here, in Québec, to leave and study in French, again and more, with their family and their friends.

La Modératrice :Thank you. On va maintenant passer aux sujets d'actualité. Parfait. Donc, une question, une sous-question.

M. Duval (Alexandre) : Bon. La ligne de parti, ça existe dans tous les partis, M. Nadeau-Dubois. Par contre, sur des enjeux aussi importants que le troisième lien, pour lesquels des députés ont fait des promesses, on apprend que des députés sont en désaccord et ne peuvent pas le dire. Qu'est-ce que vous en pensez, du fait qu'il y ait un désaccord mais que ça n'existe comme pas, dans l'espace public, là?

M. Nadeau-Dubois : Bien, c'est typique de François Legault. François Legault, il est allergique à la critique, il est allergique au débat. Il n'aime pas ça, ça l'agace. On le voit dans plein de dossiers. Et là ce bâillonnement de ses propres députés qui ont envie de s'exprimer sur une trahison de leur propre programme électoral, c'est juste une illustration du style de leadership de François Legault.

M. Duval (Alexandre) : Est-ce que ça ne viendrait pas créer certains problèmes, si les députés pouvaient librement s'exprimer sur des sujets comme ceux-là puis aller dans toutes les directions une fois que le caucus est terminé?

M. Nadeau-Dubois : Bien, tu sais, quand les gens votent pour un parti politique, ils s'attendent en effet que ce parti-là partage une vision, un projet de société. Dans le cas des électeurs caquistes, ils ont voté pour un parti qui s'engageait main sur le cœur à construire un troisième lien. Ces électeurs-là, aujourd'hui, se sentent floués. Même les gens qui étaient contre le projet de troisième lien se sentent floués, parce qu'ils se disent : On s'est fait mener en bateau pendant des années.

Et là ce qu'on apprend, c'est que le premier ministre empêche ses propres députés de s'exprimer librement sur le bris de cette promesse-là. Donc, moi, que des députés s'entendent sur une position commune à défendre parce qu'ils ont une vision commune pour le Québec, non seulement ça ne m'empêche pas de dormir, mais je pense que c'est une bonne chose, mais de bâillonner des députés qui ont envie de dire le fond de leur pensée pour être à la hauteur de leur propre parole, la parole qu'ils ont donnée à leurs électeurs, ça, franchement, moi, je n'ai jamais vu ça, là.

M. Bourassa (Simon) : Bonjour, M. Nadeau-Dubois. Sur la déclassification des documents de la commission Grenier, là, sur le référendum de 1995, est-ce qu'on doit aller dans ce sens-là, comme le demande le Parti québécois?

M. Nadeau-Dubois : Nous, on va appuyer la motion du Parti québécois. C'est des informations qui sont pertinentes pour le débat démocratique au Québec. Je pense que les Québécois, les Québécoises ont le droit de savoir ce qui s'est passé durant le référendum. Et peu importe de quel côté de ce débat-là on loge, on devrait s'entendre sur l'importance de la transparence puis de la vérité.

M. Bourassa (Simon) : Est-ce que ça pourrait relancer le débat référendaire dans un avenir proche au Québec, selon vous?

M. Nadeau-Dubois : Bien, on verra. On verra ce qu'il y a dans les documents, mais la transparence, c'est important pour la démocratie, on devrait tous s'entendre là-dessus.

La Modératrice : M. Lecavalier.

M. Lecavalier (Charles) : Bonjour, M. Nadeau-Dubois. Je reviens sur la ligne de parti. Vous avez peut-être lu la lettre de Mme Foster la semaine dernière. Je me demandais, vous êtes chef, quand même, d'une formation politique, puis c'est quand même confortable, la ligne de parti, pour le chef. C'est-à-dire qu'à la fin c'est lui qui doit, disons, s'assurer qu'il y ait une cohérence dans le message, mais quelle est la liberté... qui sont données aux députés de Québec solidaire pour dire, bon : Il y a une décision qui a été prise en caucus, moi, je ne suis pas d'accord? Ils n'en parlent pas? Ils disent : Je ne suis pas d'accord, mais on a pris une décision? C'est quoi la liberté que vous vous donnez?

M. Nadeau-Dubois : Nous, on a profondément une culture de dialogue puis on a une culture, à l'interne du caucus, où on recherche toujours à construire des consensus. Des fois, ça prend du temps et des fois on n'est pas capable de répondre à la première question du premier journaliste parce qu'on n'a pas encore pris le temps ensemble de construire ce consensus-là. Et Manon et moi, depuis 2018, c'est là... depuis 2018 qu'on a un caucus, disons, numériquement significatif, on prend... on trouve ça important de construire ces consensus-là et de prendre le temps d'entendre nos députés, pour que, lorsque le caucus tranche démocratiquement, bien, tout le monde se sente respecté là-dedans, que tout le monde ait confiance dans le processus et que, donc, tout le monde soit capable de se rallier. Et, depuis 2018, c'est comme ça qu'on travaille, et, jusqu'à maintenant, c'est ce qui permet aux députés solidaires de se rallier, même dans des circonstances où le caucus ne tranche pas de leur côté.

M. Lecavalier (Charles) : Par exemple? Pouvez-vous donner un exemple?

M. Nadeau-Dubois : Bien, ça arrive à chaque semaine sur des votes sur différentes motions, sur les prises de position sur différents sujets. Quand on instaure un processus décisionnel qui est respectueux des gens, qui les écoute pour vrai, on maximise les chances que les gens adhèrent.

Dans le cas du troisième lien, c'est le contre-exemple parfait : on a un premier ministre qui s'est levé un matin, qui a consulté une ou deux personnes, on ne sait pas trop, puis qui a dit : Ça va être ça, ça s'en va dans les médias, puis on vous l'annonce, quoi, 24, 36 heures d'avance, aux députés, on ne vous consulte même pas, même si c'est dans votre comté, même si c'est dans votre région, même si c'est votre promesse électorale. Je veux dire, c'est rare que je défends les députés de la CAQ, là, mais je les comprends d'être en beau joual vert puis je les comprends de se dire : Bien, voyons donc, c'est-u un parti politique, ça, ou c'est une organisation pyramidale? Je veux dire, ça n'a pas de sens.

M. Lecavalier (Charles) : Mais est-ce que c'est toujours possible d'aller chercher ce consensus-là quand on forme le parti qui gouverne? C'est-à-dire que plus de... disons qu'il y a un nombre beaucoup plus important de députés, et aussi, quand on est au pouvoir, il faut souvent faire de l'arbitrage, choisir un projet au détriment d'une autre région. Il y a de l'arbitrage à faire. Donc, est-ce que Québec solidaire, par rapport aux autres formations politiques, aurait une approche différente par rapport à la ligne de parti? Est-ce qu'il permettrait à un député de dire : Je ne suis pas d'accord avec... évidemment, peut-être pas sur des questions fondamentales, mais : Je ne suis pas d'accord avec le parti sur tel sujet, bon, le choix a été fait, je suis déçu, mais, moi, je ne suis pas d'accord pour telle, telle ou telle raison? Ça, est-ce que ce serait permis?

M. Nadeau-Dubois : C'est sûr que, là, c'est une question largement hypothétique, que vous me posez, mais mettons qu'on réfléchit ensemble, ce matin, tu sais, moi, je n'ai pas problème à reconnaître que c'est vrai que, quand un parti arrive au pouvoir, les décisions pèsent plus lourd, ont nécessairement plus de conséquences sur la vie des gens puisqu'on gouverne. Donc, c'est sûr que ça complique un peu les choses, mais moi, je pense qu'à Québec solidaire on construit depuis très longtemps cette culture-là du dialogue, cette culture où on travaille en équipe. À l'inverse, la CAQ, depuis sa fondation, depuis sa fondation, est le projet d'un seul homme. Depuis sa fondation, la CAQ a instauré cette culture-là. C'est l'article 1 de leur constitution interne : François Legault, François Legault, François Legault. Donc, les graines étaient semées depuis longtemps pour le genre de tensions qu'on voit aujourd'hui. À Québec solidaire, c'est le contraire, depuis longtemps, on travaille à construire une culture différente.

M. Lecavalier (Charles) : Mais c'est juste parce que...  Précision, là. La dissidence, une fois que le caucus a pris une décision, est-ce qu'elle est permise?

M. Nadeau-Dubois : Oui. Le droit à la dissidence, à Québec solidaire, il est inscrit dans nos statuts. Il y a un article de nos statuts, on pourra vous le fournir, qui reconnaît explicitement à tout membre de Québec solidaire le droit à la dissidence. Alors, ce n'est pas juste une vue de l'esprit, là, c'est inscrit dans l'équivalent de notre constitution interne, que le droit à la dissidence existe.

Mme Lajoie (Geneviève) : Donc, par les députés.

M. Nadeau-Dubois : Y compris par les députés, oui.

Mme Lajoie (Geneviève) : Oui. O.K. Donc, c'était ça aussi, ma précision.

M. Nadeau-Dubois : Exact.

Mme Lajoie (Geneviève) : Je voulais savoir si... Est-ce que ce n'est pas plus sain aussi pour la démocratie qu'un élu... c'est un élu du peuple, là, c'est les gens qui ont voté pour cette personne-là, bien, puisse dire : Bien non, moi, je ne suis pas d'accord?

M. Nadeau-Dubois : Oui. Moi, je pense que c'est sain. Après ça, la... Moi, je pense que c'est sain, mais le rôle des gens en position de leadership, comme c'est le cas de Manon et moi, à Québec solidaire, notre rôle, c'est de travailler à l'unité puis de générer des consensus. Et, jusqu'à maintenant, on y arrive très bien, parce que, malgré que ce droit à la dissidence...

Mme Lajoie (Geneviève) : Ce n'est jamais arrivé? Ce n'est jamais arrivé qu'un député ne soit pas d'accord du tout et ne veuille pas le défendre sur la place publique?

M. Nadeau-Dubois : La preuve est dans le pudding, je veux dire, le droit à la dissidence est dans nos statuts depuis 15 ans, jamais un député ne l'a exercé. Je pense que c'est la preuve que cette culture de création de consensus, elle nous enrichit, elle nous rend plus forts, à Québec solidaire. Peut-être que ça arrivera un jour, je ne sais pas.

La Modératrice : M. Duval.

M. Duval (Alexandre) : Petite dernière. Sur le salaire des élus, là, adoption du principe aujourd'hui, on se dirige vers l'adoption du projet de loi, là, fort probablement. Vous, votre position, elle ne bouge évidemment pas. Est-ce que vous réussissez à rallier peut-être d'autres partis d'opposition, jusqu'à maintenant, ou d'autres députés d'autres partis?

M. Nadeau-Dubois : On va continuer à travailler très fort et on va prendre tous les moyens à notre disposition, tous les moyens à notre disposition pour que cette hausse-là ne passe pas.

Mme Lajoie (Geneviève) : C'est à dire? Tous les moyens, ça veut dire quoi?

M. Nadeau-Dubois : Bien, c'est-à-dire qu'on va...

Mme Lajoie (Geneviève) : Du «filibust», de...

M. Nadeau-Dubois : C'est à dire qu'on va travailler très fort au salon bleu, on va travailler très fort en commission parlementaire, on va présenter des amendements. Et, non, on n'a pas perdu espoir de créer un consensus avec d'autres partis politiques. Je veux dire, après ce que M. Drainville a fait, là, la semaine dernière, après cette erreur-là, je pense que l'humilité est de mise, à la CAQ, et que la CAQ devrait prendre acte du fait que cette proposition-là d'augmenter de 30 000 $ par année le salaire des députés, cette décision-là, elle ne passe pas, elle ne passe pas dans la population. Moi, mon bureau de comté est inondé de messages de gens qui sont très fâchés de cette proposition-là de la CAQ et qui nous félicitent de notre prise de position. La permanence de notre parti aussi est inondée, sur les médias sociaux, je veux dire, toutes allégeances confondues, là, les gens trouvent que ça n'a pas d'allure, ce que s'apprête à faire François Legault.

Puis nous, on va se battre, démocratiquement, à l'intérieur des outils qui sont ceux du Parlement, jusqu'à la dernière minute de la session pour convaincre les autres partis de ça. Et moi, je réitère qu'on croit, à Québec solidaire, que François Legault ne peut pas aller de l'avant seul, sans l'appui d'aucun parti.

M. Lecavalier (Charles) : Je ne suis pas un expert de procédure, mais, à votre connaissance — vous avez été leader — est-ce que Québec solidaire, à lui seul, peut empêcher l'adoption rapide du projet de loi avant l'été?

M. Nadeau-Dubois : Non.

M. Lecavalier (Charles) : Non?

M. Nadeau-Dubois : D'un point de vue de procédure, on n'a pas ce pouvoir-là, mais on peut amender le projet de loi, on peut tenter de créer des...

M. Lecavalier (Charles) : Mais en prenant beaucoup de temps, ça.... ils peuvent quand même l'adopter, là, avant l'été.

M. Nadeau-Dubois : On va... Il y a... Avec les... Dans le livre des règlements, là, il n'y a pas de règlement qui nous permet, nous, en ce moment, d'empêcher l'adoption du projet de loi, malheureusement. S'il y en avait un, on l'utiliserait.

La Modératrice : Parfait. Merci.

M. Nadeau-Dubois : Merci beaucoup.

(Fin à 11 h 49)