Point de presse de M. Bernard Drainville, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'affaires intergouvernementales canadiennes
Version finale
Friday, May 11, 2012, 10 h 50
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Dix heures quarante-neuf)
M. Drainville: Alors, je ne doute pas que vous ayez tous écouté avec beaucoup d'attention l'interpellation de ce matin, mais, au cas où vous ne l'auriez pas fait, je vais vous résumer la teneur de notre position, la teneur de ce que j'ai présenté ce matin.
Vous savez, après le référendum de 1995, le gouvernement libéral fédéral a déposé ce qui s'est appelé le plan B. Alors, ça, c'était le plan de M. Chrétien et de M. Dion, et ça visait essentiellement à casser le mouvement indépendantiste québécois. Alors, il y a eu les commandites, la loi sur la clarté. Ils ont essayé toutes sortes de façons pour, dans le fond, briser les reins du Parti québécois et du mouvement souverainiste québécois, sauf que ça s'est soldé par un immense échec à cause du scandale des commandites, notamment, et puis de la commission Gomery qui a suivi. Les Québécois ont vu clair, dans le fond, dans ce que le fédéral essayait de faire.
Et là, ça fait un an que le gouvernement Harper est en place, gouvernement majoritaire. Et, si vous faites la synthèse de toutes les politiques, décisions, mesures, investissements qui ont été faits dans la dernière année, si vous faites la somme de tout ça, vous ne pouvez pas en venir à une autre conclusion qu'il y a une stratégie délibérée de la part du gouvernement Harper pour affaiblir le Québec. Quand vous dites, là, ils ont diminué le poids politique du Québec à la Chambre des communes, le résultat de ça, c'est un affaiblissement politique pour le Québec. Quand ils diminuent, quand ils coupent dans les transferts sans prévenir et que le directeur parlementaire du budget à Ottawa dit qu'à cause de ces coupures unilatérales, c'est l'étranglement financier des provinces qui nous attend d'ici quelques années, je ne peux pas faire autrement que de conclure que la décision de M. Harper sur les transferts va affaiblir le Québec sur le plan financier.
Quand tu regardes tous les investissements qu'ils ont fait pour l'auto, pour les chantiers navals, dans le pétrole, et, à peu près chaque fois, le Québec est mis de côté, tu ne peux pas faire autrement que de conclure qu'il y a un affaiblissement économique qui découle de notre appartenance au Canada, qui découle des décisions de Harper depuis un an. Quand tu regardes l'orientation sur C-10, quand tu regardes l'orientation sur le registre des armes à feu, c'est les valeurs québécoises qui sont attaquées par Harper. Il y a un affaiblissement de nos valeurs qui résulte des politiques de Harper, et aussi il y a toute la question de C-10, là: l'affaiblissement juridique, le fait qu'on va nous forcer à construire plus de prisons, et tout ça. L'affaiblissement identitaire, tout à l'heure, il aurait fallu mettre là-dedans également, là, les juges unilingues anglophones, le VG unilingue, l'emphase qui est mise sur la monarchie.
Alors, moi, ce que j'ai plaidé ce matin, c'est que ces cinq affaiblissements - politique, économique, financier, juridique et identitaire - c'est le résultat d'une décision, d'une volonté politique de M. Harper. Il prend son mandat majoritaire, il voit que le Québec est très affaibli parce qu'il n'est pas suffisamment défendu par notre gouvernement... je veux dire, notre gouvernement libéral ne mène pas les batailles qu'il devrait mener et, quand il les mène, il les perd. Alors, voyant cela, M. Harper a décidé de mettre en place ce plan C, et, ce plan C, il vise essentiellement une chose: il vise à faire, dans le fond, ce que Dion et Charest... Dion et Chrétien n'ont pas réussi à faire avec le plan B, c'est-à-dire mettre le Québec à sa place, en faire une province comme les autres.
Alors, voilà, en gros, ce qui se passe. Il y a un plan C, le bulldozage en règle est en marche, puis notre gouvernement québécois n'est pas capable de l'arrêter. Et puis j'ai réitéré, bien entendu, que, dans une situation comme celle-là, il vaut... c'est plus risqué de rester dans le Canada aujourd'hui que d'en sortir à cause de ce plan C, notamment, c'est plus risqué de rester dans le Canada que d'en sortir et d'avoir notre propre pays à nous qui nous permettrait de choisir nos priorités puis qui nous permettrait de défendre nos droits, nos valeurs et nos intérêts.
En résumé, c'est ce que j'ai dit. Vous voyez, ça a pris, quoi, cinq minutes?
M. Laforest (Alain): Les Québécois restent, les gouvernements passent. Dans quatre ans, le gouvernement Harper va retourner aux urnes.
M. Drainville: On verra ce qui arrivera dans quatre ans, là, mais, tu sais, les... Prends l'annonce sur le Bas-Churchill, là, par exemple, la décision fédérale de financer le Bas-Churchill. Tous les partis politiques fédéraux sont favorables à ça: le NPD est favorable à ça, le Parti libéral fédéral est favorable à ça. Sur le... Il y a plein d'enjeux sur lesquels la nation canadienne et la nation québécoise pensent différemment, et un parti politique fédéral, peu importe lequel sera au pouvoir à Ottawa, va toujours être pris à concilier les intérêts, les droits et les valeurs des Québécois d'un côté et les intérêts, les droits et les valeurs de la nation canadienne de l'autre. Alors, de penser qu'avec la défaite de M. Harper les problèmes vont se régler, c'est se bercer d'illusions. C'est se bercer d'illusions. On avait les mêmes problèmes...
M. Laforest (Alain): Mais vous avez fait le bilan... M. Drainville, vous avez fait le bilan ce matin de la première année du gouvernement Harper, là. Vous n'avez pas interpellé le ministre pour faire le bilan du fédéralisme.
M. Drainville: Non, non, non. Bien, non, bien, écoutez, c'est parce que, dans votre question, ça laissait entendre que, si jamais ce n'était pas Harper, les problèmes seraient réglés. Moi, je... ce que je dis, c'est que, Harper, dans le fond, parce qu'il s'est fait élire majoritairement, avec très peu de députés du Québec, il se sent les mains libres maintenant pour nous bulldozer et il ne se gêne même pas pour le faire. Auparavant, il se gardait une petite gêne, il était minoritaire, il faisait attention. Mais là, maintenant, là, on voit les vraies couleurs du gouvernement conservateur, et c'est un bulldozage en règle. Et le résultat de ce bulldozage-là, c'est un affaiblissement sur tous les fronts pour le Québec.
Ce que je vous dis, c'est que, si c'était quelqu'un d'autre, ce serait peut-être un peu moins agressif, mais ça se ferait pareil parce que ça s'est toujours fait. Tant et aussi longtemps qu'on va être minoritaires dans le Canada, ça va être très difficile pour nous de faire entendre notre voix et de faire respecter nos droits, nos valeurs et nos intérêts.
Alors, plutôt que d'être de plus en plus minoritaires dans le Canada, on pense qu'on devrait être à 100 % dans notre propre pays. Mais ça, ça veut dire l'indépendance.
M. Plouffe (Robert): Donc, le plan C, c'est de planter le Québec. Non, cela dit, M. Drainville...
M. Drainville: Le plan C, c'est de planter le Québec?
M. Plouffe (Robert): Oui.
M. Drainville: C'est pas mal, ça.
M. Plouffe (Robert): Hein, c'est... Vous aimez ça?
M. Drainville: C'est pas mal, ça, oui.
M. Plouffe (Robert): M. Drainville, il y en a sur les médias sociaux aujourd'hui qui demandent, justement, à M. Harper d'envoyer l'armée au Québec. On est-u rendus là, M. Drainville?
M. Drainville: Non. Non.
M. Plouffe (Robert): Est-ce qu'on doit recourir aux armes pour faire en sorte que ça cesse contre les gens qui font la casse puis tout?
M. Drainville: Voyons donc! La violence n'arrange rien. La violence n'a jamais rien réglé, puis ce n'est pas par la violence qu'on va régler le conflit actuel, ça, c'est clair. Il va falloir s'asseoir... Il va falloir s'asseoir puis s'entendre. Il n'y a pas d'autre façon de régler cette histoire-là.
Quand j'entends, là... Quand j'entendais, encore cette semaine, M. Legault dire, là, qu'il faut que, coûte que coûte, les étudiants rentrent en classe... Ah, oui? Coûte que coûte? Tu veux dire quoi, là? Tu proposes-tu d'imposer la Loi des mesures de guerre sur les campus du Québec? C'est-u ça que tu es en train de proposer, là? Tu penses-tu vraiment que c'est ça qui va régler le problème?
M. Plouffe (Robert): Vous êtes en faveur, quand même, de la loi. Qu'est-ce qu'on fait avec les injonctions qui ne sont pas appliquées, M. Drainville?
M. Drainville: Bien sûr, qu'on est en faveur de la loi. On est en faveur de la règle de droit puis on est en faveur du respect des lois. Maintenant, pour ce qui est de l'application des injonctions, il faut demander au ministre responsable comment il entend les faire respecter.
M. Laforest (Alain): Si vous étiez ministre, vous feriez quoi, vous?
M. Drainville: Bien écoutez, on va attendre des élections pour ça, là, tu sais.
M. Laforest (Alain): Mais vous travaillez pour ça, M. Drainville, là. Mais on fait quoi pour faire respecter l'ordre actuellement?
M. Drainville: Regardez. Actuellement, là, on a un ministre de la Sécurité publique, on a un ministre de la Justice. La semaine passée, ils n'avaient pas l'air de s'entendre, hein, sur la façon de faire respecter les injonctions. Alors, je ne sais pas si aujourd'hui ils s'entendent, mais je pense que c'est à eux de nous dire comment ils vont s'y prendre pour faire respecter les injonctions. Puis c'est la seule réponse que je peux vous donner.
M. Laforest (Alain): Mais, si les étudiants rentraient, pensez-vous que le mouvement se calmerait ou on est au-delà du mouvement étudiant, actuellement, avec ce qu'il se passe à Montréal?
M. Drainville: Écoutez. C'est très inquiétant, ce qui se passe actuellement. C'est clair. Puis ce n'est pas pour rien que ça fait des semaines, pratiquement depuis le début, qu'on dit que ça ne peut se régler que par le dialogue et par la négociation. Tu ne peux pas régler ça autrement. Alors, il va falloir, à un moment donné, qu'ils s'assoient.
M. Laforest (Alain): Alors, vous laissez entendre que c'est les étudiants qui sont derrière ça.
M. Drainville: Écoutez. M. Charest, il est où? Il est où, Jean Charest. C'est lui, le premier ministre. La fonction de premier ministre, ça ne consiste pas à se promener dans les capitales étrangères pour vendre un plan, là; ça ne consiste pas à manger des canapés dans des cocktails, là. La fonction de premier ministre commande qu'il s'occupe de cette crise et qu'il la règle par la négociation. C'est ça, son rôle, comme premier ministre. Comment ça se fait qu'on ne le voit pas? Comment ça se fait qu'il ne s'en occupe pas? C'est ça, son travail. Qu'il s'en occupe, puis ça presse.
Mme Montgomery (Angelica): M. Dutil, a number of people that were being sought-after...
M. Drainville: M. Dutil is the other one.
Mme Montgomery (Angelica): Oh! Not Dutil. That's right. Drainville, Drainville...
M. Drainville: That's fine, I was just... I'm teasing you. It was too easy to catch you there.
Mme Montgomery (Angelica): I speak a lot to M. Dutil, right? A number of the suspects that the police have produced the photos; they have been identified in the media. Are you concerned for their safety?
M. Drainville: For the safety of whom?
Mme Montgomery (Angelica): Of the people who have been identified by the police. And now their names are in the paper as being possibly in connection to the smoke bombs.
M. Drainville: Well look, I'm concerned for the safety of everyone these days. And, you know, we have reached a point where the only way to resolve this crisis is through negotiations. There is no other way. And I'm very concerned to hear discourses, statements to the effect that students should get back to their classrooms by all means, «coûte que coûte», this is what M. Legault said a few days ago. He basically said: They need to be back in their classroom by all means. Well, what is he talking about? He should be explaining himself on that score. Is he talking about declaring the War Measures Act on all campuses that are still on strike? Is this what he's talking about? He should be explaining himself, because this is quite irresponsible, I think, on his part, to make such a statement.
Mme Montgomery (Angelica): What do you think the effect would be if they declared the War Measures Act and brought in the army?
M. Drainville: This is just, you know... Nobody is seriously envisaging the War Measures Act, I hope. You know, this is a question I'm posing to Mr Legault, you know. When he says: They should be going back to their classroom by all means, well, what is he talking about? What does he suggest? Is this the way this issue, this conflict should be resolved? You know, we've been very, very coherent and very consistent on this issue ever since the beginning of this conflict. We've been saying there's only one way to resolve this conflict, and it's going to be through discussion, dialogue and negotiations, and this should be led by the Premier himself. You know, where is the Premier, where is the Premier, you know? He's traveling around the globe to sell «le Plan Nord» while he should be taking care of business here, at home, and he should be dealing with this conflict. He should be sitting down and finding a solution to it, you know? The job of Prime Minister or the job of Premier is not only to travel and, you know, have some good time in cocktails around the world; he should be sitting down and finding a solution to this problem. And there's only one way to do it and it's through negotiations and through dialogue.
Mme Montgomery (Angelica): And what do you think of this law to stop masked protesters in Montréal?
M. Drainville: I think, in principle, this is a good idea. Now there's been questions raised as to whether or not, you know, it would be applicable, but, I think, if we can apply it, if it can be applied, it's a good idea. OK? Merci beaucoup.
(Fin à 11 h 3)