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(Onze heures trente-six minutes)
M. Boulet : Bien, d'abord,
bonjour. Il me fait plaisir de vous revoir. Écoutez, c'est un enjeu important,
le sujet dont il est question ce matin.
Souvenez-vous, on a réformé le régime de
santé et sécurité du travail. On a encadré la protection des stagiaires. On a
fait une loi pour assurer le travail des enfants dans des environnements
sécuritaires puis pour permettre leur persévérance scolaire.
Et simplement vous rappeler qu'en 2020 il
y a 49 % des Québécois qui ont observé ou subi un comportement
inapproprié, sexualisé ou discriminatoire dans leur milieu de travail dans les
12 mois précédents. Puis ça, c'est une enquête sur les inconduites sexuelles
qui était menée par Statistique Canada. Puis il y avait eu un sondage du
ministère du Travail en 2019 qui indiquait que 39 % des femmes, 23 %
des hommes avaient subi une forme... ou un comportement sexuel inapproprié en
milieu de travail dans les deux années précédentes. Les femmes sont deux fois
plus nombreuses, les femmes ayant une incapacité aussi font partie de celles
qui sont les plus visées, et les personnes qui viennent de la communauté de la
diversité sexuelle et de genre.
Donc, le projet de loi, il vise, comme le
titre le mentionne, à prévenir et à lutter contre le harcèlement psychologique
et les violences à caractère sexuel en milieu de travail. Puis simplement
rappeler qu'en 2022 on avait formé un comité d'expertes : Rachel Cox, de l'Université
du Québec à Montréal, Anne-Marie Laflamme, de la Faculté de droit de
l'Université Laval, et aussi Dalia Gesualdi-Fecteau, qui est maintenant à
l'Université de Montréal. Rachel Cox, c'est l'UQAM, l'Université du Québec à
Montréal. Puis ils nous ont présenté un rapport avec 82 recommandations. Les
objectifs, essentiellement, c'est d'assurer un cadre juridique cohérent, de
permettre que le droit du travail réponde adéquatement aux torts causés,
réduire les risques de victimisation secondaire puis mieux outiller les milieux
de travail.
Dans le projet de loi, certaines des
mesures qui m'apparaissent vraiment importantes prévoient notamment que la
prévention du harcèlement s'applique aussi à des personnes qui sont des
clientes ou des fournisseurs qui viennent dans les milieux de travail. Ça,
c'est quand même une avancée qui est digne de mention.
Il y a aussi des dispositions qui réfèrent
au contenu minimal des politiques de prévention et de prise en charge, et on
permet à l'employeur, notamment, de faire des recommandations sur la conduite
sociale à adopter lors d'activités qui sont liées au travail.
Les personnes salariées qui effectueraient
un signalement à un employeur concernant un acte commis envers un autre salarié
ou qui collaboreraient au traitement d'un signalement, ils seront dorénavant
protégés concernant notamment les mesures de représailles que peut imposer un
employeur.
Il y a le délai maintenant pour faire une
plainte en matière de harcèlement psychologique, particulièrement en vertu
d'une convention collective, qui va être porté à deux ans. Et aussi, pour faire
une réclamation pour maladie professionnelle, au lieu d'être six mois, ce sera
porté à deux ans.
L'indemnité de remplacement de revenu, qui
était limitée dans la loi actuelle, pour les stagiaires, les enfants
travailleurs puis les étudiants va être dorénavant rehaussée et tenir compte de
la capacité de gain réelle s'il n'y avait pas eu, par exemple, d'accident de
travail ou maladie professionnelle.
Les arbitres, je reviens aux griefs, qui
vont entendre des griefs en matière de harcèlement psychologique auront
l'obligation de suivre une formation reconnue. Les arbitres vont aussi avoir la
possibilité de faire une conférence préparatoire avant l'audition si l'une ou
l'autre des parties le demande.
Ce qui est vraiment aussi fondamental,
puis ça avait été demandé beaucoup par les associations étudiantes, ce qu'on
appelle les clauses d'amnistie, qui permettent d'effacer un passé lié à des
comportements de violence physique ou psychologique, ne pourront plus
dorénavant empêcher un employeur de tenir compte des mesures disciplinaires
antérieures au caractère effectif des clauses d'amnistie, et ça, je pense que
ça va être considéré de manière positive dans l'application des mesures disciplinaires
et dans le respect du principe de gradation des sanctions.
Il y a des mesures sur la confidentialité
du dossier médical, la possibilité, pour les parties, de ne pas tenir compte
des clauses de confidentialité qui sont dans les quittances transactions qui
interviennent suite à des plaintes pour harcèlement. Il y a l'inhabilité aussi,
dans le secteur de la construction, à être un délégué syndical, à siéger au
C.A. de la Commission de la construction du Québec en cas d'infraction, au Code
criminel, liée à des agressions sexuelles. Puis il y a beaucoup, aussi, de
mesures collatérales, d'application plus administrative, qui étaient dans le
rapport soumis par le comité d'expertes. Notamment, à la CNESST, on s'assure de
la formation de tous les intervenants, que ce soient les agents, les
conseillers, les conciliateurs.
Au Tribunal administratif du travail, on
met en place une équipe spécialisée de juges administratifs, qui vont être
formés en matière de violence à caractère sexuel, puis les conciliateurs, même
chose, ils vont devoir suivre des formations. Et on va permettre un
accompagnement, du début à la fin du processus, qui est humain, respectueux des
préoccupations et des intérêts des personnes qui font des plaintes. Et, enfin,
bon, il y a la formation des médiateurs au Tribunal administratif du travail.
Ça, c'est l'étape qui précède l'audience formelle au tribunal. Et une
conférence préparatoire individuelle avant la médiation, accompagné par une
personne.
Et je rappellerai qu'on avait fait un
partenariat avec Juripop, qui est spécialisée dans l'accompagnement des
personnes plus vulnérables, plus marginalisées, qui ont besoin de services
juridiques pour leur permettre de cheminer de façon tout à fait compatible avec
leurs besoins. Et, enfin, bien, il y a un processus de signalement entre les
normes du travail et la santé et sécurité, parce qu'il y a une plainte qui peut
être faite en vertu de la Loi sur les normes du travail et une réclamation qui
peut être faite, aussi, en vertu de la Loi sur les accidents de travail. Donc,
on va s'assurer que les divisions concernées, au Tribunal administratif du
travail, communiquent ensemble et soient bien informées des deux recours qui
sont intentés.
Donc, c'est beaucoup d'améliorations.
C'est compatible avec les objectifs que visaient les trois expertes. Les
recommandations ont toutes été étudiées. On a consulté, au-delà du rapport des
trois expertes, beaucoup de groupes intéressés par le harcèlement psychologique
et les violences à caractère sexuel dans les milieux de travail. Je pense qu'on
en est arrivés à un consensus qui est intéressant, qui va nous permettre
d'atteindre notre objectif de tolérance zéro, faire beaucoup de pédagogie,
assurer une meilleure information, une meilleure formation. Puis on va être à l'écoute.
C'est un projet de loi, il y aura des consultations particulières, on va être
attentifs. Après ça, il y aura une étude détaillée.
Mais je conclurais en disant que ce projet
de loi nous permet, au Québec, d'être véritablement un précurseur en ce qui
concerne la prévention et l'indemnisation des victimes de harcèlement
psychologique et violences à caractère sexuel dans les milieux de travail. Ça
fait qu'on en est véritablement fiers. Alors, voilà, c'est tout, Louis-Julien.
Le Modérateur : Merci, M. le
ministre. On va maintenant passer à la période des questions pour les médias.
Journaliste : Bonjour, M.
Boulet. Concernant les indemnités puis la simplification des processus pour
toucher des réclamations, là, après un accident de travail ou, bon,
dépendamment, là, des différentes circonstances qui peuvent se présenter,
est-ce que vous diriez que votre projet de loi est une façon d'empêcher que des
gens soient comme dans une maison des fous pour aller toucher, là, des sommes
qui... auxquelles elles ont droit quand elles sont dans une mauvaise situation?
Parce qu'il y a des gens qui sentent, peut-être, que c'est trop compliqué à
l'heure actuelle.
M. Boulet : C'est une
excellente question, parce que c'est un des constats que les expertes faisaient,
c'est qu'il y avait une multiplicité de recours, qui créaient énormément de
confusion. Donc, on veut simplifier, par la formation des intervenants, et par
le traitement prioritaire des plaintes, et, enfin, l'accompagnement. Pour moi,
ça passe beaucoup par ces trois concepts là, prévention, formation,
accompagnement, et beaucoup la facilitation dans le processus de réclamations.
Il y a le processus des présomptions légales qui vont permettre d'alléger le
fardeau de la preuve au lieu, par exemple, quand tu fais une réclamation pour
maladie professionnelle, de démontrer le lien de causalité entre ce que tu
subis et que c'est survenu par le fait ou à l'occasion de ton travail. Tu vas
bénéficier d'une présomption, et ce serait l'employeur qui devrait faire la
preuve que ce n'est pas survenu au travail. Donc, il y a des présomptions, il y
a de l'accompagnement et il y a beaucoup de formations. Mais on va, et je le
souhaite, ardemment, avec Juripop, s'assurer aussi que les personnes qui n'ont
pas les mêmes moyens, les mêmes capacités puissent obtenir une réparation de
tort.
Je remarquais d'ailleurs, dans le sondage
qui a été fait par le ministère du Travail, en 2019, que 76 % des
personnes ne dénonçaient pas, puis souvent il y a des facteurs multiples, mais
ça peut être relié à de la confusion, un manque d'accompagnement puis de
formation des intervenants. Donc, c'est des réponses qu'on donne et qui sont
intégrées au projet de loi.
Journaliste : Sur l'amnistie,
là, qui est supprimée pour les gens qui ont commis des fautes dans le passé,
pourriez-vous juste me préciser qu'est-ce qu'est ce qui se passe à l'heure
actuelle? Là, en ce moment, il y a une période de temps x pendant laquelle la
faute est au dossier, puis, après un tel nombre d'années, la faute s'efface.
Puis vous, ce que vous vous dites, c'est : La faute ne s'effacera plus,
puis la... quelqu'un qui commet une faute, je ne sais pas, à 26, 27 ans,
quand il va être... rendu à 61 ans, en fin de carrière, il va encore
porter la tâche de ses actions passées, même s'il a fait beaucoup de travail
sur lui et tout, là. Donc, aujourd'hui, on commet une faute, il n'y a plus de
réparation possible, là. Est-ce que c'est un peu ça le sens du projet de loi?
M. Boulet : Oui. Puis juste
revenir... C'est Gabriel, hein? Le sondage du ministère du Travail, c'est
69 %. Est-ce que c'est la donnée... le pourcentage qui ne dénonce pas.
Bon, les clauses d'amnistie, là, ça permet à quelqu'un d'effacer son passé,
relié par exemple à une violence à caractère sexuel. Dans les conventions
collectives, les partis négocient souvent ces clauses-là et mentionne...
Mettons, si c'est survenu plus d'une année et demie avant le moment présent,
l'employeur ne peut plus la considérer. Alors, ce qu'on dit, nous, dans notre
projet de loi, c'est que ces clauses-là ne pourront pas empêcher l'employeur
d'en tenir compte, évidemment, au moment de l'imposition de la mesure
actuellement. Si aujourd'hui quelqu'un commet une violence à caractère sexuel,
s'il en a commis une autre il y a deux ans, deux ans et demi, trois ans,
l'employeur ne peut pas en tenir compte. Par l'application de la clause
d'amnistie, c'est comme si ça, c'était effacé. Donc, ce qu'on vient dire, nous,
c'est que ça ne pourra plus empêcher l'employeur de le considérer.
Puis, Gabriel, dans l'imposition d'une
mesure disciplinaire, un employeur, évidemment, il tient compte des
circonstances aggravantes puis des circonstances atténuantes. Si c'est survenu
il y a 12 ans, 15 ans ou 20 ans avant, ça n'a pas la même portée
aggravante, ça peut même avoir une portée, à certains égards, atténuante. Ça
fait que... Mais, si c'est survenu un peu avant la fin de l'application ou la
durée d'application de la clause d'amnistie, bien, il pourra le considérer. Et
souvent c'est des comportements qui sont récidivants. Et donc ce que nous avons
dans le projet de loi a comme effet pratique d'interdire l'application des
clauses d'amnistie dans les cas de violence physique ou psychologique, incluant
celles à caractère sexuel.
Journaliste : Puis
finalement, concrètement, là, en matière de prévention des violences sexuelles,
du harcèlement sexuel au travail, qu'est-ce que vous allez faire? Vous allez...
Il va y avoir des campagnes de sensibilisation, des affiches qui vont être
placées dans les milieux de travail, des gens qui vont se rendre sur place puis
qui vont dire : Ne faites pas de harcèlement sexuel? Qu'est-ce qui va se
passer, là, concrètement?
M. Boulet : Bien, là, on
prévoit le contenu minimal des politiques de prévention puis de prise en
charge. Il va avoir beaucoup d'informations avec la CNESST, le site Web. Je
rappellerai, Gabriel, on a embauché et formé 18 conseillers en santé
psychologique et on prévoit dans le projet de loi, aussi, que les risques
psychosociaux, souviens-toi quand on a modernisé le régime de santé-sécurité,
ça inclut aussi les violences à caractère sexuel, ce que nous précisons dans le
projet de loi. Donc, il va y avoir un exercice au sein de chaque entreprise
d'identification pour mieux contrôler et éliminer ces risques psychosociaux là.
Et la politique de prévention va être intégrée dans le programme de prévention
ou le plan d'action, là, sans embarquer dans les nuances. Donc, ça va passer
par information, sensibilisation, formation, puis dans le contenu minimal, il y
a beaucoup d'informations ou formations spécifiques, mais des techniques
utilisées pour identifier, contrôler et éliminer les risques, les modalités
applicables, comment faire une plainte, le devoir de confidentialité, les
mesures pour protéger les personnes concernées, comment on va prendre en charge
la situation de harcèlement psychologique, puis, ce que je mentionnais tout à
l'heure, un guide, là, de conduites à adopter pour éviter de se placer dans des
situations de harcèlement ou de violence.
Puis j'en reviens toujours à l'importance
de... c'est les milieux de travail qui doivent identifier les risques et se
prendre en main pour éviter que ça arrive. La prévention est vraiment un mot
clé, mais la loi prévoit aussi qu'au-delà de la prévention, tu dois corriger
quand c'est porté à ta connaissance. Si tu sais qu'il y a un contexte de
harcèlement ou de violence, tu dois intervenir, puis les mécanismes sont prévus
dans ta politique puis ça peut passer par une réaffectation, l'accompagnement
vers de la thérapie psychologique ou une absence maladie. Mais il y a plusieurs
façons de corriger le tir quand c'est porté à ta connaissance.
Journaliste : C'est tout pour
moi. Un gros merci.
M. Boulet : Merci.
Le Modérateur : Parfait.
Bien, merci à tous. C'est ce qui met fin à ce point de presse. Bonne journée.
(Fin à 11 h 53)