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(Onze heures)
M. Fortin :Bonjour, tout le monde! Moi, je pars de la prémisse où tout
le monde ici... tout le monde ici, à l'Assemblée, a le même objectif, c'est-à-dire
améliorer les services aux patients, mais, le projet de loi qui est présenté
aujourd'hui, c'est difficile de voir comment il va aider les patients. Pour
nous, c'est essentiellement un dumping de responsabilité, là. La responsabilité
d'offrir un accès à tous les patients, c'est la responsabilité du ministre de
la Santé. La responsabilité de s'assurer que les Québécois ont accès à une
chirurgie dans un délai raisonnable, c'est la responsabilité du ministre de la Santé.
Aujourd'hui, ce que le ministre vient dire aux médecins, c'est :
Occupez-vous de ma responsabilité, prenez sur vous la responsabilité du
ministre de la Santé, du gouvernement du Québec, sinon je coupe votre salaire.
Bien honnêtement, là, si le ministre veut... veut couper les salaires de quelqu'un,
peut-être qu'il devrait regarder le sien, parce que c'est ses objectifs à lui
qu'il leur demande de rencontrer.
Mais, au-delà de ça, l'approche qui est
privilégiée par le gouvernement, là, ce n'est vraiment pas sérieux. Le
médecin... Moi, là, il y a des médecins, des spécialistes, là, par exemple, que
je connais, là, ils veulent opérer parce qu'ils sont payés à chaque opération
qu'ils font. Là, aujourd'hui, ils travaillent dans des conditions où ils ne sont
pas capables d'opérer parce qu'il n'y a pas d'infirmière au bloc opératoire.
Ils travaillent dans des conditions où les salles d'opération sont disponibles
70 % du temps, puis même les salles d'opération qui sont utilisées ne sont
pas utilisées pleinement. Les raisons pour lesquelles les médecins quittent le
réseau public dans ma région, c'est parce qu'ils n'ont pas accès au bloc
opératoire. Alors, comment on peut leur dire aujourd'hui : Bien,
arrangez-vous pour que tous les patients soient opérés en un an, s'ils n'ont
pas accès au bloc opératoire? Ça, c'est comme dire à un travailleur d'usine, là :
Je vais te payer ton plein salaire si l'usine au complet, elle roule
parfaitement puis qu'on sort 100 % du produit qu'on avait prévu, mais la
moitié des machines, ils ne marchent pas. Ça ne fonctionne simplement pas.
Alors, de un, la solution du gouvernement,
elle va à l'encontre de ce qui a été proposé par son propre groupe d'experts.
Et de deux, c'est complètement contre-productif de dire : Si on n'atteint pas
un objectif panquébécois, bien, on vous coupe. Si le gouvernement tient
absolument à lier la rémunération à la performance, bien, ça doit être fait sur
une base individuelle, ça ne peut pas être fait sur une base panquébécoise. Il
faut donner un incitatif au médecin, une raison au médecin de rendre lui-même
des plages horaires disponibles, que lui-même sa performance soit meilleure, qu'il
soit en mesure de voir davantage de patients. Mais ça, ça ne peut pas être un
objectif panquébécois. C'est complètement contre-productif.
Et enfin, pour nous, ce qui est en train
de se passer, là, c'est un autre outil de négociation. En 2018, François
Legault a dit : Je vais couper 1 milliard du salaire des
spécialistes. Il ne l'a même pas mis dans sa plateforme électorale, dans ses
calculs électoraux. En 2019, il y avait des articles de la presse qui disaient :
C'est du sérieux, on va couper 9 %... on veut que le salaire des spécialistes
québécois soit 9 % plus bas que celui à travers... que ceux à travers le
Canada. Ce n'est pas arrivé. En 2023, le ministre de la Santé nous a dit :
On va avoir des AMP, des activités médicales particulières, pour des
spécialistes, ce n'est pas arrivé. En 2025, il nous dit : Ça va brasser,
on va couper le salaire des spécialistes. Ça fait sept ans que ce
gouvernement-là est en place, ça fait sept ans qu'il fait des menaces aux
médecins, mais qu'il recule à chaque fois, et c'est pour ça qu'on dit
aujourd'hui que c'est un outil de négociation.
Dernière chose sur l'attitude du premier
ministre. Je ne vois pas comment le premier ministre aide le débat en ce
moment. Je ne vois pas comment le premier ministre aide la négociation. Quand
il dit : Là, ça va brasser; il pense uniquement à ses intérêts politiques
parce qu'il n'aide pas la négociation, il n'aide pas la bonne entente avec les
professionnels de la santé. Il n'aide pas la motivation des médecins. Il n'aide
pas un patient à voir un médecin de plus. Tout ce qu'il fait, c'est jeter de
l'huile sur le feu. On dirait que le premier ministre est davantage intéressé à
se trouver un Bonhomme Sept Heures plutôt qu'à trouver une vraie solution
pour... pour les patients. C'est la bonne vieille recette de la CAQ, là, quand
ça ne va pas, bien, on blâme quelqu'un d'autre, on fait du tape médecins, on
vient... on vient parler de l'immigration. Mais ça fait sept ans, et il n'y a
absolument rien de réglé. Moi, je dirais au premier ministre : Attention
avec ce que vous mettez de l'avant, parce qu'aujourd'hui, là, on est sur un fil
de fer. Il y a 25 % des médecins qui ont 60 ans et plus, des médecins
de famille qui ont 60 ans et plus. Ces gens-là, là, s'ils le veulent, ils
peuvent prendre leur retraite.
Journaliste : Vous aviez...
vous avez dit au fond que vous n'êtes pas d'accord ni de la performance
collective, il vous faut la performance individuelle. Donc. Vous êtes d'accord
sur l'idée qu'il faudrait changer le mode de rémunération des médecins pour que
ce soit davantage ancré sur la performance. C'est bien ce que je comprends?
M. Fortin :Bien, je pense qu'il y a une... il y a une discussion à
avoir qui est légitime à avoir sur le mode de rémunération par capitation ou le
mode de rémunération à l'acte. Il y a aussi une discussion à avoir sur est-ce
qu'on veut... Et je pense que j'entendais des médecins hier dire eux- mêmes que
ce serait beaucoup plus logique d'avoir une rémunération liée à la performance
individuelle des médecins, c'est-à-dire : Est-ce que moi, comme médecin,
je peux offrir davantage de plages horaires? Là, on vient donner un incitatif,
une raison aux médecins d'en faire plus.
Mais si on dit aux médecins : Aie!
votre rémunération est basée sur ce que tous les médecins au Québec viennent
faire, bien, bien honnêtement, je pense qu'il y en a qui ne verront pas la
lunette.... la lumière au bout du tunnel puis qui vont se dire : Ça ne
tient pas la route, ce système-là. Ils vont regarder vers le privé. Ils vont
regarder vers la retraite. Ils vont regarder vers l'Ontario. Dans ma région,
ils vont regarder ailleurs parce que c'est complètement illogique et
contre-productif d'avoir un mode de rémunération comme celui-là.
Je vais... je vais ajouter une... une
chose, l'impression que le gouvernement donne, là, c'est qu'il ne sait pas ce
qu'il veut faire. Il a commencé en nous disant : On va avoir un médecin
pour tous les Québécois. Après ça, il nous a dit : Il faut qu'il y ait un
professionnel de la santé pour tous les Québécois. Après ça, c'est
devenu : Ah! Il faut qu'il y ait un groupe qui prend en charge tous les Québécois.
Après ça, c'était : Ah! bien, il y a des patients vulnérables, là, il y en
a 14000 au Québec, ces gens-là doivent être pris en charge. Après ça, il a
laissé entendre, dans la négociation, en fait dans les documents de
négociation, qu'il fallait enlever le médecin de famille aux gens qui étaient
en santé pour les donner à d'autres. Là, aujourd'hui, il nous dit : On va
couper le salaire des médecins si tout le monde n'est pas pris en charge. Il
improvise au fur et à mesure, il n'a aucune idée de ce qu'il fait, puis le
patient, là, il est très loin dans... dans le discours politique du
gouvernement aujourd'hui.
Journaliste : M. Legault, en
Chambre, a dit que ça faisait comme 23 ans qu'il voulait, en tout cas,
faire ce changement-là, que c'était nécessaire. Est-ce que vous pensez qu'au
fond, face aux médecins, c'est absolument nécessaire de faire un projet de loi
plutôt que de passer par la négociation pour réussir à changer leur mode de
rémunération?
M. Fortin :Bien, sur le... sur la capitation versus l'acte,
effectivement, il y a lieu d'avoir un projet de loi, mais ce n'est pas tout ce
qu'il y a dans ce projet de loi là. Ça, c'est une petite partie de l'ensemble
qui est proposé par le... le projet de loi. Le projet de loi, quand on dit que
le ministre vient se décharger de ses responsabilités, là, ce n'est pas la
première fois. Quand le ministre a créé Santé Québec, il a... il s'est déchargé
de ses responsabilités de toutes les opérations du réseau. Aujourd'hui, avec ce
projet de loi là, il vient se décharger de ses responsabilités par rapport aux
objectifs du ministère, par rapport aux résultats que le réseau met en place.
La responsabilité ministérielle, elle, n'existe plus avec le gouvernement de la
CAQ.
Journaliste :
In English. You think that this
remuneration is counterproductive. why is that?
M. Fortin :
Well, what the Government is doing
today is putting is own responsibilities aside. raison. The Government is the
one who has the responsibility to treat patients in an acceptable time frame,
to offer them surgery within an acceptable... medically acceptable time frame.
The Government is the one who has the responsibility to make sure that people
have front line access to services. And what they are doing today is saying: If
you… if doctors across Québec do not meet my objectives, the government
objectives, then I will penalize them on their salary. It's completely
counterproductive. If you really think that this is the way to go you can look
at it from an individual standpoint: Can this specific doctor offer more time
frames for people? Can this specific doctor be more available off hours to see
patients? But when you attach it to a global responsibility, it doesn't make
sense anymore, because the doctors want… the doctors I know they want to
operate, but the ORs across Québec, the operating rooms are functional 70% of
the time. They want to operate, but there's no nursing in the operating,
there's no nurses in the operating rooms, so they just can't do it. They… If
you have operating time once every two weeks, three weeks, it just simply
doesn't make sense. And there's a lot of doctors in Québec… 25% of family
doctors are over 60 years of age, if you start playing in their working
conditions, the way the government is doing it right now, there is a real risk
that a lot of them will choose retirement. There's also a real risk that a lot
of them will look at the private sector. I don't think that, when the
government puts forward measures like this, they understand just how vulnerable
it is.
And the last thing I want
to say about this specific issue is that the government asked for an expert
committee to look at the best ways of giving frontline access to Quebeckers. They paid $300,000 to this
committee to work for four months to find the best possible way of going
forward, and Tuesday during the credits, the Health Minister said: I'm very
satisfied of the work that was done. I've seen a preliminary report, and you
guys will absolutely love what's in there. Today, he does the exact opposite of
what that expert group is saying. And their experts are coming out and saying:
This will never… what the government is proposing will never work. It's
political posturing. So, when the experts are saying that about the government's
plan, I think it says a lot.
Journaliste :
And there are 1,5 million Quebeckers still without a family doctor.
And then now with this color-coding system and some of them will get bumped
further down. So, how do you think Quebeckers will be responding to this, and how does this actually help Quebeckers at all?
M. Fortin :I hope Quebeckers
can see through the government's game right now. This is the same government,
the same Health minister, who started out by saying: Every Quebecker will have access to a family
doctor. That's our promise. He then went to every Quebecker will have access to a health care professional of some sort. He
then said: Every Quebecker will
have access to a family… a clinic somewhere. Then he said: Oh, we'll remove
the patients… or the doctors for patients who are healthy and give it to those
who are vulnerable. Then he went and said: Oh, you know what? Like I'm going to
cut their salary if they don't meet my objectives. This is all political posturing,
it's… The government has no idea how to actually give services to Quebeckers. And when it has expert groups,
when it has experts coming out mandated by the government to tell them what to
do, they look the other way. They completely ignore their work, and they say:
No, I've got the solution here. The solution is not the one that's being
presented by the government. I trust the experts way more than I trust
Christian Dubé on this, especially given that he's changed his mind about as
often as he's changed his shirt.
Journaliste :
And Legault, his comments yesterday, do
they help?
M. Fortin :The premier of Québec seems intent on finding a boogeyman here. He
knows his government isn't going well. He knows there are scandals all the time
about government spending. He knows that Quebeckers are tired of not getting
the services that they need. And that's true on health care. It's true on
education. It's true on daycares. It's true on a number of fronts. But when he
says: Oh, it's going to… «ça va brasser», it's going to be a tough negotiation.
This is really going to shake the… shake the system. He's not helping the
negotiation. He's not helping the government's relations with the health care
professionals. He is not helping the motivation of the doctors. He's not
helping patients see doctors that are available. All he's doing is he's
throwing oil on the fire. He is looking for a boogeyman so that Quebeckers don't look at the actual results
that are being produced by his government. It's been seven years they've been
in power, seven years, they've made various promises that often contradict each
other with regards to health care and frontline access. And now he is coming
with something that nobody has recommended to him. The Premier has to be
careful on this file because there are a lot of family doctors out there who
are at an age where they can't afford to make decisions about the next steps
for them, and that means there is a potential out there for a lot of Quebeckers
to lose their family doctor. I certainly don't want to see it, I don't think
anybody wants to see that. But, if you... if you're treated as... «de façon si
cavalière»… as offhand as the Premier does, if you allow yourself to play
politics with a file like this, he's playing with fire right now. Thank
you.
La Modératrice : Merci.
(Fin à 11 h 14)