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(Onze heures trente-quatre minutes)
Le Modérateur : Alors,
bonjour à tous. Bienvenue à ce point de presse du Parti québécois, la députée
de Terrebonne, Catherine Gentilcore, sur le sujet de l'insuffisance de la
politique de transport adapté du gouvernement du Québec. Prendront la parole,
par la suite, Mme Natalie Savard, directrice du Regroupement des usagers de
transport adapté de Lanaudière, le RUTAL, Mme Danye Chartrand, présidente
du RUTAL et utilisatrice du transport adapté, et M. Dominique Viénot, qui est
directeur général de l'Alliance des regroupements des usagers du transport
adapté du Québec.
Mme Gentilcore : Bonjour.
Aujourd'hui, j'ai le grand plaisir d'accueillir Natalie Savard, qui est la
directrice du Regroupement des usagers de transport adapté de Lanaudière. J'accueille
également Danye Chartrand, qui est la présidente du conseil d'administration de
la même organisation et qui est aussi usagère du... utilisatrice du transport
adapté, et M. Dominique Viénot, qui est directeur général de l'Alliance des
regroupements des usagers du transport adapté du Québec, ainsi que des usagers
du transport adapté.
Je suis ici à leurs côtés pour les aider à
faire entendre leurs voix, parce qu'ils souhaitent dénoncer l'insuffisance de
la politique de transport adapté du gouvernement du Québec. Depuis que le
gouvernement de la CAQ a adopté le projet de loi n° 17 qui a déréglementé
l'industrie du taxi, les usagers ont vu une diminution drastique des services
de transport adapté.
Je rappelle d'ailleurs que le Parti
québécois avait voté contre l'adoption de cette loi-là. À juste titre, mon
collègue Joël Arseneau, à l'époque, avait dit que le gouvernement de la CAQ
agit avec précipitation dans ce dossier, sans mesurer les impacts réels de ses
décisions.
Eh bien, on a une preuve bien tangible de
ça ici, ce matin. On voit les impacts de cette déréglementation-là. Avant la
loi 17, la grande majorité des déplacements en transport adapté étaient
réalisés par taxi. Mais, depuis la déréglementation de 2019, il y a un grand
nombre de chauffeurs qui ont quitté l'industrie du transport adapté.
Aujourd'hui, on se retrouve face à une pénurie de chauffeurs de transport
adapté, ce qui mène à des coupures de service.
Le départ de ces chauffeurs-là vient aussi
avec une perte d'expertise. Puis actuellement, la formation pour les nouveaux
chauffeurs et même les chauffeurs actuels, elle est insuffisante tant au niveau
de la quantité de formations, du nombre de formations que de la qualité des
formations qui sont données.
Donc, évidemment qu'on ne se mettra pas à
faire du transport adapté avec Uber. Ce n'est pas concevable d'arriver à faire
ça. Il y a vraiment un coût en ce moment à ne pas agir dans le dossier du
transport adapté. Le manque de service prive des milliers de personnes d'accès
à l'emploi, à l'éducation, à la vie culturelle ou même à leurs soins de santé.
Donc, pour faire la lumière sur tout ça,
je laisse maintenant la parole à Nathalie, à Danye et à Dominique.
Mme Savard (Natalie) : Alors,
bonjour! Mme la députée de Terrebonne, je tiens à vous remercier pour votre
soutien dans ce dossier important et avoir supporté la voix des
8 500 usagers du transport adapté de la région de Lanaudière à
l'Assemblée nationale.
Mesdames, Messieurs, bonjour. Merci de
votre présence aujourd'hui. Donc, je suis... je me présente, Nathalie Savard,
la directrice du Regroupement des usagers de transport adapté de Lanaudière,
l'organisme de défense de droits des quelque 8 500 utilisateurs de
notre belle région.
Le 21 mai dernier, un mouvement sans
précédent s'est levé dans Lanaudière. Il y a eu une manifestation que nous
avons tenue. Près de 200 personnes étaient présentes à la manifestation.
Le message est clair, il s'adressait à François Legault, puisque nous étions
devant ses bureaux à L'Assomption, au premier ministre : les personnes
handicapées utilisatrices du transport adapté refusent d'être invisibilisées.
Elles ont pris la rue pour se faire voir et se faire entendre.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi 17
en 2020, les cinq services de transport adapté dans Lanaudière se sont dégradés
de façon alarmante en raison d'une diminution marquée de chauffeurs et de
véhicules adaptés, ramenant certains services à un niveau d'il y a 25 ans.
Les constats sont bien connus. Un service a réduit ses heures de desserte en
soirée, a coupé le service le dimanche ainsi que vers certaines municipalités,
faisant en sorte, à titre d'exemple, que des olympiques... des jeunes athlètes
d'olympiques spéciaux ne peuvent plus aller à leurs entraînements. Un autre
service a instauré des circuits à heures fixes, le matin, l'après-midi mais
plus le soir, et également a coupé des dessertes vers certaines municipalités.
Donc, on recule.
Les usagers subissent des trajets
interminables. Pour une destination située à environ cinq ou 10 minutes,
ces personnes peuvent faire jusqu'à deux heures, deux heures et demie ou une
heure, une heure et demie dans un trajet. Dans le véhicule, c'est très long.
Les retards sont fréquents. Des personnes arrivent en retard au travail, à
leurs activités, ce qui génère un stress important. Des usagers sont même
oubliés en raison d'erreurs de répartition. Ils se retrouvent à subir de
longues attentes dans des lieux des fois qui ne sont pas toujours sécuritaires.
Les chauffeurs ne sont pas bien formés adéquatement, et même que la formation
des chauffeurs n'est pas obligatoire pour tous les chauffeurs du transport
adapté en raison de la pénurie de main-d'œuvre. C'est ce qui amène à mettre les
chauffeurs rapidement sur la route, sans formation adéquate, ce qui compromet
des fois la sécurité des usagers dans leur approche qui n'est pas toujours la
bonne. Le manque de chauffeurs et de véhicules entraîne évidemment des délais
d'attente parce que, des fois, il faut attendre pour trouver un chauffeur
disponible ou un véhicule disponible.
L'absence d'interrégionalité en transport
adapté prive des personnes handicapées d'opportunités d'emploi ou de soins de
santé. Pourtant, il y a des circuits régionaux dans notre région pour le réseau
régulier, mais, en transport adapté, les gens ne peuvent pas circuler sur le
territoire lanaudois encore aujourd'hui, en 2025. Le gouvernement parle
d'efficacité et d'optimisation des services, mais, sur le terrain, des
personnes handicapées se retrouvent isolées, privées de soins, d'emploi, de vie
sociale. Ce n'est pas de l'optimisation, v'est de l'exclusion.
Pour optimiser les services, notamment
dans le nord de notre région, une réalité inquiétante s'installe. De plus en
plus de citoyens non handicapés, usagers du transport collectif en milieu
rural, sont dirigés par les équipes de répartition vers le transport adapté,
utilisant les mêmes chauffeurs et les mêmes véhicules. Ce jumelage de
différentes clientèles détourne le transport adapté de sa mission première au
détriment des personnes handicapées admises en vertu d'une politique
gouvernementale pour qui ce service a été initialement conçu. Il compromet
leurs priorités d'accès.
Les données viennent aussi appuyer cette
dégradation des services. En 2019, pour nos cinq services de transport adapté,
7 085 personnes étaient admises et 344 000 déplacements ont
été effectués. Mais, en 2023, bien que le nombre d'usagers ait augmenté à
8 500, le nombre de déplacements est descendu, lui, à 339 642.
Autrement dit, plus d'usagers pour moins de déplacements, un recul tangible de
l'accessibilité.
Ce recul s'explique aussi par un
financement inadéquat. Les ressources ne suivent pas la croissance des besoins,
et les aides ponctuelles et conditionnelles, financières, dans le fond, nuisent
à la planification et au développement des services. Donc, le maintien des
services, c'est déjà très difficile, alors penser les développer avec le
programme de soutien au transport adapté offre, c'est presque impossible à
l'heure actuelle.
Engagements concrets qu'on demande au
gouvernement. On rappelle tout d'abord que le transport adapté n'est ni un luxe
ni un privilège. C'est un droit fondamental. Il est temps de construire enfin
une société réellement inclusive. Le gouvernement doit agir avec cohérence,
respect et humanité par la mise en œuvre des mesures suivantes : un
programme national de recrutement pour contrer la pénurie de chauffeurs et
valoriser cette profession qui est essentielle, une formation obligatoire pour
tous les chauffeurs du transport adapté - taxis, minibus, vans adaptés,
incluant un volet de la connaissance de la clientèle, qui est une lacune
actuellement, pour bien avoir la bonne approche à privilégier, la mise en place
d'une interrégionalité lanaudoise permanente pour améliorer la mobilité sur le
territoire, et pour terminer, un financement adapté aux réalités régionales
garantissant une offre de service sécuritaire, stable et durable. Merci.
Mme Chartrand (Danye) : Bonjour!
Première des choses, merci beaucoup pour cette opportunité. Je me présente,
Danye Chartrand, présidente du RUTAL et usagère du transport adapté.
Aujourd'hui, je viens vous parler en tant qu'usagère, utilisatrice du
transport. Dans le fond, je veux vous décrier mon expérience vécue à travers
les différentes années.
Depuis que je suis invalide, depuis que je
vis avec un handicap, j'ai vu, à travers les dernières années, une dégradation
du service, des coupures. On a des trajets de plus en plus longs, que nous, on
appelle des runs de lait. Ce qu'on veut dire, dans le fond, c'est qu'on se
promène pendant des heures, on va chercher différents usagers pour aller à cinq
minutes de la maison, règle générale. Donc, c'est très long. C'est des trajets
qui sont stressants pour les usagers, qui augmentent nos douleurs, parce que
souvent, on vit avec des douleurs, des inconforts. Puis ces répercussions-là,
ce n'est pas juste sur le moment présent, ça peut durer plusieurs journées.
Donc, c'est vraiment important de pouvoir raccourcir les délais.
Puis je comprends qu'avec les manques de
chauffeurs, les manques de véhicules, c'est difficile. On a les heures de
service qui ne sont pas toujours adéquates. On le sait, avec le système de
santé, on a des rendez-vous médicaux des fois maintenant la nuit, mais, sans le
transport adapté, je n'ai pas l'opportunité d'aller à mes rendez-vous médicaux
qui sont la nuit, donc il faut que je trouve un plan B, un plan C, et il n'y en
a pas toujours. Donc, il y a plusieurs rendez-vous médicaux que je dois annuler
ou que je ne peux pas faire parce qu'il n'y a pas de transport adapté pour y
aller.
De même que le transport adapté ne se rend
pas... on ne peut pas aller dans l'interconnexion, c'est-à-dire dans les villes
avoisinantes qui ne sont pas la même MRC que nous. Donc, un rendez-vous qui est
dans la ville voisine, je ne peux pas y aller. Ça fait que je n'ai pas accès à
mon service de santé non plus. Je ne peux pas aller travailler dans la ville
voisine, je ne peux pas faire du bénévolat dans la ville voisine. Donc, c'est
important pour nous de pouvoir s'impliquer, même si on est handicapés. Même si
on a des limitations, on a le droit de s'impliquer dans la vie sociale. Leur
territoire, il est important. Il y a des retards de service qui arrivent
énormément. On se fait changer nos heures à la dernière minute. Encore une
fois, ça occasionne énormément de stress pour tous les usagers, déjà que, pour
nous, un transport, il faut s'organiser, il faut le planifier, on a toujours
comme plein de petites choses à emmener avec nous pour bien pouvoir partir de
la maison. Donc, un transport mal planifié par les répartiteurs alourdit cette
sortie-là, puis ça fait qu'on profite beaucoup moins du moment présent
également.
Il y a aussi... C'est difficile de
réserver le transport. Il faut réserver minimum 24 heures à l'avance. Mais
ça, c'est en semaine, parce que, pour réserver pour le lundi, je dois réserver
avant 12 h le vendredi. Mais, s'il arrive un imprévu, c'est difficile de
pouvoir y aller. On ne peut pas être spontanés, on ne peut pas vivre notre vie
de manière spontanée, comme toute personne bien portante. Puis je crois que
c'est important de ramener ces services-là puis de le rendre beaucoup plus
accessible. Donc, merci à vous.
M. Viénot (Dominique) : Bonjour
à tous. Déjà, merci beaucoup pour les interventions dans ce point de presse de
la députée de Terrebonne et de sa déclaration. Et nous, on est très heureux
d'être présents aujourd'hui pour venir soutenir également le RUTA Lanaudière dans
ses recommandations.
Je suis Dominique Viénot, le directeur
général de l'ARUTAQ, qui est l'Alliance des regroupements des usagers du
transport adapté du Québec, parce que, malheureusement, ce qui se passe dans la
région de Lanaudière, ça se passe aujourd'hui un peu partout, dans toutes les
régions du Québec.
Donc, je prends la parole aujourd'hui
pour, une fois de plus, tirer la sonnette d'alarme et rappeler que le transport
adapté, c'est bien plus qu'un service, c'est un droit fondamental à la mobilité
pour des dizaines de milliers de Québécoises et de Québécois qui vivent avec
des limitations fonctionnelles. C'est ce qui leur permet, comme le précisaient
Danye et Nathalie, d'aller à un rendez-vous médical, de fréquenter un
établissement d'enseignement, de se rendre au travail, de participer à sa vie
sociale et communautaire. Et ce droit, comme on l'a entendu précédemment, est
aujourd'hui fragilisé.
Partout au Québec, les services
s'effritent. Donc, les annulations se multiplient, le retard devient la norme
et les plaintes des usagers aussi. Pourquoi? Les raisons sont multiples, mais
l'une d'elles fait naître un sentiment d'urgence : il manque des
chauffeurs. Ce métier essentiel est trop souvent oublié, sous-évalué,
dévalorisé. Pourtant, derrière chaque déplacement, il y a un lien humain, une
personne qui accompagne, qui rassure, qui permet à l'autre de rester acteur de
sa vie.
Alors, soyons clairs, le Québec fait face
à une pénurie alarmante de main-d'œuvre en transport adapté. Et ce n'est pas
seulement un enjeu de gestion, c'est un enjeu de société, un enjeu de dignité.
C'est pourquoi nous recommandons de plusieurs... depuis plusieurs années la
mise en place d'un programme gouvernemental structurant qui aura objectif de
recruter activement de nouveaux chauffeurs en valorisant des profils qui ont à
cœur le service aux personnes qui vivent avec des capacités différentes,
d'offrir une formation spécifique axée sur l'accompagnement sécuritaire,
respectueux, humain des usagers qui sont admis au service public de transport
adapté selon la politique d'admissibilité et, trois, de reconnaître pleinement
ce métier, parce que c'est un métier d'avenir, c'est un métier à haute valeur
humaine. Ce programme serait bien plus qu'une solution à court terme et temporaire,
ce serait une opportunité stratégique pour le Québec dans un contexte de
vieillissement de la population et de maintien à domicile de personnes en perte
d'autonomie. Nous avons besoin d'emplois de proximité, stables, utiles,
porteurs de sens, de lien social, et le métier de chauffeur de transport adapté
incarne tout cela.
Aujourd'hui, nous avons un choix à
faire : continuer à improviser dans l'urgence ou investir dès maintenant
dans une vision ambitieuse et durable du transport adapté. L'ARUTAQ et ses 18 membres
sont prêts à travailler avec les ministères concernés pour bâtir cette
solution, mais cela exige une seule chose : une volonté politique, et il
faut l'avoir maintenant. Merci beaucoup.
Le Modérateur : Merci
beaucoup. C'est ce qui conclut ce point de presse.
(Fin à 11 h 49)