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(Onze heures quarante minutes)
Mme Ghazal : Alors, bien,
rebonjour. Donc, on a eu le temps de regarder... bien, peu de temps pour
regarder ce projet de loi là, cette loi spéciale, qui est quatre fois plus
grande, plus d'articles que le projet de loi n° 106. Sincèrement, avec le temps
qu'on a eu d'analyser ce qu'il y a dedans, là, avec les moyens qu'on a,
clairement il n'y a personne qui va être servi par cette loi spéciale, certainement
pas les patients qui vont avoir plus de soins... ils n'auront pas plus de
soins, pas plus de qualité de soins aussi, ni le système de santé. Puis ce qui
ne sera pas servi par cette loi spéciale, c'est notre démocratie. Ce n'est pas
en nous bâillonnant qu'on va pouvoir régler les problèmes des Québécois et
Québécoises à avoir accès à un système de santé de qualité. Je le répète, ce
projet de loi là, cette loi spéciale qui est imposée et avec laquelle on est
bâillonnés, on va faire un vote pendant la nuit, c'est un projet de loi qui
prouve la dérive autoritaire de François Legault, de la CAQ, qui est de plus en
plus revanchard et chicanier. C'est vraiment choquant.
M. Marissal : Bon, alors,
disons d'abord les choses comme elles sont, le projet de loi n° 106, c'est mort
et enterré, là. On a maintenant un autre projet de loi totalement différent, le
projet de loi n° 2, qui est passé de 52 articles à 214, de 39 pages à 113
pages. Et on est ici devant un double déni de démocratie.
Le premier déni, c'est évidemment le
bâillon, qui met fin aux discussions. Le mot le dit, là. D'ailleurs, dans le
jargon parlementaire un peu vieillot, là, vous me permettrez de trahir mon âge,
le terme utilisé pour «bâillon», c'est «guillotine», hein? On appelle ça une
guillotine, ce n'est pas pour rien. Alors, on vient de couper la tête des
débats ici.
Le deuxième déni de démocratie, et ça, c'est
une mauvaise habitude de la CAQ, là, c'est que le mot «règlement» revient 115
fois sur 113 pages. Ça, ça veut dire essentiellement que non seulement ce qu'on
va se faire rentrer dans la gorge par bâillon ici... les détails seront décidés
derrière des portes closes au Conseil des ministres, selon l'humeur du ministre
17867 ou du premier ministre, je présume.
Alors, ça devient difficile, là, pour les partis d'opposition de faire un
travail sous un bâillon. Puis quand on ne sait pas exactement de quoi on
parle... puisque ce sera au bon gré du ministre.
Ce ministre, de toute évidence, s'est
gâté, s'est fait plaisir. C'est un très gros projet de loi aux ramifications
quasi infinies, qui par ailleurs poussent beaucoup par en avant. Et je vous
invite à aller voir la section des objectifs, c'est en annexe du projet de loi.
Pour fins de référence, là, ça commence autour de la page 93 ou quelque
part par là, là. De toute façon, vous le trouverez, c'est ça, 93. On a... Pardonnez-moi,
92. On a les objectifs nationaux là-dedans, en annexe. Ça, c'est le catalogue
des vœux pieux du gouvernement, chiffrés sur ce qu'il veut arriver à faire dans
un délai x ou y. Alors, j'ai vu beaucoup de choses étonnantes en sept ans ici,
mais je ne savais pas qu'on pouvait légiférer les vœux pieux. C'est ça que ça
fait ici, là.
Et, en fait, tout ça, là, c'est
l'inventaire des échecs de la CAQ. Alors, ils n'ont pas été capables de le
faire. C'était dans leurs promesses depuis 2018. Maintenant, ils le mettent
dans un projet de loi en disant : Arrangez-vous avec ça, puis
arrangez-vous pour que ça marche. C'est de la pensée magique, c'est de la
pensée magique. Alors, de toute évidence, ce projet de loi là, dans les
prochaines heures, aujourd'hui ou demain matin, il sera adopté, mais, quant à
moi, il ne règle rien. Et j'ajoute qu'il ne fait qu'envenimer les relations
avec les médecins, qui sont aussi en train d'étudier ça. Et que ce soient les
deux fédérations ou les jeunes médecins, ils n'ont pas l'air bien, bien plus de
bonne humeur que nous autres.
Journaliste
:
J'aimerais ça vous entendre sur l'exode. Parce qu'il y a quand même des
contraintes monétaires assez sévères. On comprend que si un groupe de médecins,
les orthopédistes, décidaient de se désaffilier pour aller au privé, eux, c'est
assez facile à identifier, mais un médecin qui décide de traverser la rivière
des Outaouais pour aller à Montfort et que le lendemain, un autre collègue
décide de traverser la rivière des Outaouais pour aller à Montfort et que, le
jeudi, un autre collègue traverse la rivière des Outaouais pour aller à
Montfort, ils sont trois. Ça devient considéré par le ministère de la Santé
comme un acte collectif concerté avec une pénalité monétaire. Vous en pensez
quoi?
M. Marissal : Bien, d'abord,
ces médecins-là peuvent ne jamais revenir ici. De deux, je présume qu'ils
auront tout le loisir de faire valoir leurs droits devant les cours de justice
habilitées à le faire. Il y a cette chose qui existe, qui s'appelle la mobilité,
là, qui est généralement reconnue comme un droit fondamental. Et puis, sur le
fond, là, sur le fond, là, on va partir à la chasse aux médecins, on va les
attendre l'autre bord de la rivière des Outaouais quand ils vont revenir pour
les pénaliser. On va-tu avoir une police des médecins? C'est vraiment de ça
dont on a besoin en ce moment au Québec? Non, ce n'est pas de ça dont on a
besoin au Québec. On a besoin de réorganiser les soins. Puis, en passant, là,
il y en a un sacré paquet de médecins qui ont quitté le Québec. C'est de la
faute de la CAQ. Ils les ont poussés à quitter le Québec parce que ce
gouvernement est incapable de leur donner les moyens de faire leur travail ici.
Que la CAQ prenne ses responsabilités. Ce n'est pas en promettant, là... On va
envoyer la GRC en Ontario, aller les rechercher? On va envoyer la SQ? Il va y
avoir des shérifs des médecins? C'est tellement contreproductif et ça envoie
tellement un mauvais message. Pourquoi est-ce que ces médecins-là quittent?
Pourquoi veulent-ils quitter? C'est plus ça qu'il faut se poser comme question.
Mme Ghazal : Puis, tu sais,
c'est démotivant. Puis, en plus, toute la liste que tu as appelée la liste des
vœux pieux, je veux dire, ces indicateurs de performance, ça ne dépend pas 100 %
des médecins, ça dépend du gouvernement puis des ressources qu'ils mettent en
place. Donc, même s'il réussit, malgré nos droits puis nos chartes, à les
attacher puis à les garder au Québec, les patients n'auront pas plus de soins
puis on ne réussira pas à atteindre tous ces vœux pieux ou ces objectifs qui...
Je veux dire, on aimerait ça qu'ils soient atteints, ces objectifs-là, si le
gouvernement ne met pas en place les ressources nécessaires pour ça. Ça fait
que ça ne dépend pas des médecins.
M. Marissal : Avant de se
demander comment puis-je punir les médecins, le ministre aurait dû se
demander : Comment puis-je réorganiser le réseau pour leur donner les
moyens de travailler ici? C'est lui qui dit depuis des années qu'il veut
redevenir l'employeur de choix. Là, il est en train de nous dire qu'il va
partir à la chasse des médecins qui iraient travailler en Ontario ou au
Nouveau-Brunswick ou que sais-je encore. Enfin, c'est la voie qu'il a choisie
puis il va nous rentrer ça dans la gorge par bâillon. Il vivre avec son bilan.
Journaliste
: Ces
pénalités-là, vous dites qu'elles seront contestées. Est-ce que vous pensez qu'il
va y avoir d'autres contestations sur lui, ou même, une contestation large de
ce projet de loi là?
M. Marissal : Bien, c'est
plausible, c'est plausible. Maintenant, je vais laisser les médecins,
individuellement et en associations, décider des actes et des recours qu'ils
peuvent prendre. Mais, vous savez, il y a beaucoup d'arbitraires dans ce projet
de loi là, puis les Cours de justice sont le rempart contre l'arbitraire.
Journaliste : Pensez-vous
pouvoir le bonifier, ce projet de loi là? Puis, si oui, ce serait quoi, la
priorité, là? Est-ce qu'il y a quelque chose que vous pourriez modifier...
Mme Ghazal : Grosse mission.
M. Marissal : Moi, quand je
donnais des cours de journalisme, des fois, je recevais des copies qui étaient
tellement mauvaises, au début, que je choisissais de ne même pas les corriger.
Je demandais à l'élève de la refaire, sa copie, de recommencer. Et je ne vais
pas jouer dans le jeu de la CAQ, à accepter qu'ils nous bâillonnent et à
essayer d'améliorer leur torchon. La CAQ a posé un encouragement pour déposer
des bâillons, là. On ne va pas jouer dans ce film-là, là.
Mme Ghazal : Bien, tu vas
être présent...
M. Marissal : Ah! bien oui.
Mme Ghazal : ...puis on va
faire le travail, puis on va... on va rester jusqu'à minuit, 6 heures du matin,
on ne le sait pas, là, ça va être quand que... le vote...
M. Marissal : Oui, et à
l'heure... à l'heure qu'il faudra, ça va. Mais, non, moi, je n'ai pas
l'intention d'essayer... Et j'ai trouvé particulier, et assez indécent, de la
part du ministre, ce matin, de me répondre qu'on a une bonne éthique de travail
et qu'on arrive à améliorer des projets de loi. Là-dessus, je suis d'accord
avec lui, mais ça se fait en commission parlementaire, ça, ça ne se fait pas
des nuits de bâillon, là, quand tout le monde est excédé ici, là, puis qu'on
nous présente des projets de loi là, énormes comme ça, là, mal foutus. Ça ne
peut pas se faire dans des conditions comme ça. Moi, ce n'est pas comme ça que
je travaille.
Journaliste : Il y a les
réseaux de santé francophones au Nouveau-Brunswick, en Ontario, qui sont
vraiment agressifs, actifs, sur les médias sociaux, pour dire : Aïe! les
médecins québécois, là...
M. Marissal : J'ai vu ça.
Journaliste
: À quel
point vous pensez que ça peut se réaliser, là, de façon concrète, là, que les
médecins décident de... des enfants, souvent... les jeunes médecins, de prendre
leurs cliques puis leurs claques puis s'en aller?
M. Marissal : Savez-vous ce
qui m'inquiète bien plus? C'est qu'avec des projets de loi comme ça là, comment
on va faire pour attirer des médecins d'ailleurs au Québec? Puis comment on va
faire pour garder nos jeunes médecins? C'est bien plus ça qui m'inquiète. Après
ça, le Nouveau-Brunswick a bien le droit d'essayer de nous vendre ce qu'il
veut, on ne peut pas les empêcher de le faire. Mais si le Nouveau-Brunswick
devient plus attractif pour des jeunes médecins ou des médecins étrangers que
le Québec, c'est le Québec qui a un problème, ce n'est pas le
Nouveau-Brunswick.
Mme Ghazal : On ne souhaite
pas que ça arrive, en tout cas. Mais c'est ça, c'est ça que le gouvernement est
en train de dessiner, puis c'est très, très malheureux pour les patients.
Journaliste :
So, what's your main impression of Bill
2? It seems to be way more strict, coercitive, than Bill 106.
M. Marissal :
It is. Bill 106 is dead, we have a new
bill, it's Bill n° 2. And
it's something else, it's something stronger, they go... they go further with
that. And, clearly, they are pushing in time what they really want to achieve
with that. Go to the end of the Bill, with all the objectives. It's, basically,
all the objectives that the CAQ has not been able to achieve during the seven
last years, and now, they put it in a bill, hoping for a miracle that, at some
point, all these objectives will be achieved just because it's written in the
bill. They failed, since 2018, they just failed to do just that. And, all of a
sudden, just because it's written in a bill, it's going to happen? I don't
believe this.
Journaliste :
So, they are fast-tracking hardcore
means?
M. Marissal : Yes. Well, what do you mean exactly by that?
Journaliste
: Well, it's just... For example, fines, the fines that... for
example, like... doctors could leave Québec to work in Ottawa. You can have
fines, you can... you can get a reduction of years of practice. I mean, that's
a lot.
M. Marissal : Yes, but the question is: Why would you want to punish your doctors? It's probably
because you're not able to retain these doctors in Québec. And it's the CAQ's
fault. I mean, they have not been able, over the seven last years, to put in
place measures, programs, funding, resources that would make sure that we are
able to keep our doctors. Can we blame the doctors 17867that
are just fed up with this sick system, that they want to go practice elsewhere?
That's the question. At the very beginning, why are they leaving?
Journaliste
: Do you think they are creating a... of doctors?
M. Marissal : That... that's my fear. I mean, if you... if you say, in a bill,
that... if three doctors go to New Brunswick, or New York State, or Ontario,
that you are going to run after these doctors to find them and to punish them,
first of all, I think it's crazy, I think it's absurd. And then, yes, I think
that we're going just to run after doctor to punish them. I would prefer to see
the government act to make sure that we have the doctors working in Québec, in
good conditions, not tracking them like criminals. I mean, that's crazy.
Journaliste
: And to add this work of surveillance to the system, I mean, what
kind of climate do you think that's going to create among doctors, groups of
doctors?
M. Marissal : Well, the level of animosity is probably, on a scale of 1 to 10, at
7.5, it's going to reach 9, 9.5. What are you trying to achieve here? Make the
doctors even more mad that they are right now? I don't get it.
Journaliste
: Do you see anything in there that will improve patient care in your
mind?
M. Marissal : Well, you know, the measures are for the most part pushed forward
in time in 2026, 2028. So, it's pretty hard for me to say that it's positive.
And at the end of the day, when you look at all the objectives, I mean, it's
not because you write it in a bill that it's going to work. You have to put in
place the resources and the measures that... that will ensure that you are able
to achieve these objectives. The fact is that these objectives, the CAQ have
failed to achieve them.
Journaliste
: And just lastly, what do you make of the idea that they can keep
changing things up by... you know, at the cabinet table as they move forward?
They've baked into the... I mean, I don't know how to...
Des voix : ...
M. Marissal : Yes, «règlement» in
English, that's a good one. If you don't know... if you don't know it, how come
us too? I wouldn't know it. «Règlement»... Wait, there's a...
Mme Ghazal : Rules?
M. Marissal : Rules, or... There's a specific term about it, we will find it, but
I do understand.
Journaliste
: Regulations.
M. Marissal : Yes, I do... the details of the regulation, I do understand your
question, though. It's really hard for us, at the beginning, to work such a
bill in the closure. Beside that, in surplus, it's really hard for us to work
with a bill that works with «règlement» to come, you know. It's basically a blank check to the minister.
Do whatever you want, and you don't have to tell me, we don't have to debate
it, you will come to the cabinet, and you will decide behind closed doors,
giving your humor or the... I don't know, the weather, maybe. Thank you.
Mme Ghazal : Thank you.
M. Marissal : Merci.
(Fin à 11 h 55)