Point de presse de M. Jacques Duchesneau, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière de sécurité publique
Version finale
Le jeudi 21 février 2013, 13 h
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Treize heures)
M. Duchesneau: Alors, bonjour, tout le monde. Vous savez qu'à l'automne dernier le Parti québécois a déposé son projet de loi n° 1, qui devait s'attaquer à la corruption et à la collusion dans le contexte des contrats publics. On a fait plus de 20 heures d'étude du projet de loi, il y a plusieurs propositions d'amendement qui ont été apportées. On a voté, bien sûr, en faveur du principe, mais, tout au long de ces délibérations, on a apporté quelques bémols, notamment la protection des dénonciateurs.
Alors, la semaine dernière, on vous a présenté l'idée de la création d'un Commissaire à l'intégrité politique et administrative. Et nous croyons qu'une des mesures importantes qui vient appuyer ce commissaire, c'est le dépôt de loi concernant la protection des dénonciateurs, qu'on vous remet aujourd'hui. C'était un des engagements qu'on avait faits l'automne dernier. Et cette mesure-là est en ligne, finalement, directe avec, aussi, nos promesses de la dernière campagne électorale, qui visaient la transparence, l'intégrité et une approche beaucoup plus systémique face à la lutte à la corruption.
Alors, ce projet de loi vise à protéger les dénonciateurs, qui sont des acteurs clés dans la lutte à la corruption. Et on peut difficilement surestimer, justement, la valeur de ces personnes, qui ont le courage de sortir des rangs et de venir nous donner des informations qu'on ne verrait sûrement pas. En anglais, on appelle ça des «whistleblowers». Et aujourd'hui je suis convaincu que nous n'aurions pas de commission Charbonneau n'eût été de l'apport de ces personnes, qui ont comme objectif de se débarrasser de la corruption et de la collusion qu'ils ont découvertes.
Alors, quiconque a déjà enquêté sur des activités criminelles sait que la vérité est souvent dévoilée par des gens qui ont vu de près ces malversations. À l'Unité anticollusion, encore là, n'eût été des fonctionnaires loyaux et honnêtes du ministère des Transports, jamais on n'aurait pu découvrir ce qu'on sait aujourd'hui.
Donc, en même temps, ces dénonciateurs... ou ces lanceurs d'alerte s'exposent à des représailles qui sont parfois significatives, et, à défaut de les protéger, on les laisse seuls à supporter les risques, avec comme résultat que plusieurs, justement, hésitent à venir de l'avant pour nous parler. Donc, il faut faire en sorte de protéger ces gens. Et souvent non seulement il y a le patron qui n'est pas fier de ce qui a pu être dévoilé, mais il y a aussi la vindicte populaire quand on dénonce des systèmes. Et on n'a qu'à voir les travaux de la commission Charbonneau pour s'en convaincre.
Le grand frein, je répète, à des gens qui viennent de l'avant, c'est la peur de représailles. Alors, dans la loi actuelle, on ne va pas assez loin, et c'est ce que le projet de loi qu'on a déposé ce matin veut faire, finalement: venir préciser et consolider certains des aspects de la loi actuelle. Ils sont de l'ordre de trois: d'abord, l'anonymat - on va travailler beaucoup sur l'anonymat des personnes qui viennent de l'avant; des mesures de protection accrues et aussi des notions de représailles qui sont beaucoup plus élargies.
Alors, si je vous parle d'anonymat, lorsque le dénonciateur vient de l'avant, il peut exiger l'anonymat relativement à cette dénonciation-là, et ce qu'on demande, c'est que le Commissaire à la lutte contre la corruption lui donne. C'est déjà inscrit dans la loi, mais nous, on va beaucoup plus loin parce que non seulement l'anonymat va toujours être gardé, mais, si on doit aller devant les tribunaux, à ce moment-là on a des mesures de protection particulières qui vont venir protéger les dénonciateurs. Et là on exige que le commissaire prenne des moyens, doit prendre des moyens pour donner une sécurité physique et psychologique non seulement aux dénonciateurs, mais ce qu'on rajoute, c'est aussi à son entourage immédiat. Ce n'est pas un acte isolé quand une personne décide de venir de l'avant. Souvent, les membres de sa famille peuvent être harcelés.
Le commissaire peut aussi garantir une immunité contre toute poursuite civile ou poursuite criminelle et pénale, surtout le pénal dans les cas de juridiction provinciale.
Et finalement on élargit aussi la notion de représailles, vous l'avez vu dans le projet de loi. Parce que, dans le cas des dénonciateurs, on ne couvre pas seulement des employés de la fonction publique mais tout dénonciateur qui peut venir de l'avant. Donc, dans la loi actuelle, on n'a pas de représailles contre quelqu'un qui n'est pas à l'emploi de la fonction publique. Là, vous allez voir qu'on va avec des possibilités d'amendes qui peuvent aller jusqu'à 250 000 $.
Alors, rapidement, c'est ce que nous avons proposé ce matin avec ce projet de loi là.
Le Modérateur: Questions.
M. Journet (Paul): M. Bédard, cet automne, semblait favorable au dépôt d'un projet de loi contre les dénonciateurs. Là, ce matin, il nous a dit qu'il estimait que ce qui était déjà en place était suffisant. Est-ce que vous avez une réaction à ça? Et est-ce que vous avez déjà eu des contacts avec lui pour savoir si ça pourrait être adopté?
M. Duchesneau: Tout au long de nos délibérations dans le projet de loi n° 1, j'ai martelé continuellement l'importance de la protection des dénonciateurs. Et c'est drôle que M. Bédard dise ça aujourd'hui. J'ai un article, je pense... je pense même... non, de M. Bergeron, où M. Bédard nous disait, au mois de novembre dernier, que c'était important d'avoir un loi qui va protéger les fonctionnaires dénonciateurs. Alors, je ne sais pas pourquoi il a changé d'idée aujourd'hui. Mais, comme je le dis, tout au long de nos discussions dans le projet de loi n° 1, c'est un des points que j'ai martelés, donc ça ne devait pas venir comme une surprise. Il devait trouver l'idée bonne au mois de novembre. Si on a changé d'idée aujourd'hui, bien, je ne comprends pas pourquoi.
M. Laforest (Alain): M. Duchesneau, l'UPAC nous dit qu'actuellement tant la loi de création de L'UPAC que la nouvelle Loi sur l'intégrité protègent les dénonciateurs.
M. Duchesneau: Oui. Dans la nouvelle loi, ça a été un long débat. On a fait quelques...
M. Laforest (Alain): On parle des articles 31, 32, 33. Et c'est clairement écrit, c'est noir sur blanc, là.
M. Duchesneau: Oui.
M. Laforest (Alain): Quand vous parlez d'anonymat, c'est écrit; de protection des témoins, c'est écrit. Le support, c'est écrit. Où vous allez plus loin que ce qui a été...
M. Duchesneau: L'entourage.
M. Laforest (Alain): C'est la seule chose.
M. Duchesneau: Oui. Non, mais j'y arrive. On parle d'entourage. On parlait de fonctionnaires seulement; nous, on va plus loin. On va même parler des gens qui ne sont pas dans le milieu de la fonction publique, notamment. Et la protection, elle n'est pas seulement physique, elle est psychologique et, comme je vous dis, elle s'étend à plus que la seule personne qui dénonce. Alors, ce sont des discussions qu'on avait eues lors de l'étude du projet de loi n° 1, mais, pour nous, c'était une question de principe de revenir aujourd'hui pour vraiment éclaircir la situation parce qu'elle n'est pas claire.
M. Laforest (Alain): ...bonification.
M. Duchesneau: C'est une bonification.
M. Dutrisac (Robert): Vous avez présenté... Bon, c'est le deuxième projet de loi que vous présentez. Est-ce que vous en avez d'autres dans votre besace que vous allez égrener comme ça...
M. Duchesneau: Oui. On y va tranquillement, on étire le plaisir. On en a six au total. Alors, un... Et, comme on aime vous voir régulièrement, bien, on en aura à peu près un par semaine.
M. Laforest (Alain): Toujours concernant la corruption et la collusion.
M. Duchesneau: Toujours concernant... Tout ça sous le chapeau de ce qu'on vous a présenté la semaine passée, qui était le plan d'ensemble, là, le Commissaire à l'intégrité politique et administrative. Aujourd'hui, c'est le premier dépôt d'un projet de loi, et, comme je vous dis, il y en a cinq autres qui s'en viennent, alors...
On ne veut pas que ce soit quelque chose qu'on dépose et qu'on oublie.
M. Laforest (Alain): Plus on les égrène, plus on est à la télé, plus on fait parler de nous autres.
M. Duchesneau: Ah! Si vous le voyez de même, parfait.
Mais, non, je pense qu'il y a plusieurs aspects qui ont été éludés complètement dans le projet de loi n° 1. Bien honnêtement, je l'ai dit, mais je vais vous le répéter aujourd'hui, la Loi sur l'intégrité des contrats publics n'avait que d'intégrité et de contrats publics que le titre. Nous, on veut aller beaucoup plus loin que ça, et on n'est pas satisfaits avec ce qu'on a actuellement, et on va continuer.
M. Journet (Paul): Vous parlez du rôle du commissaire dans ce que vous proposez, là. Est-ce que vos propositions pourraient quand même être adoptées, même sans mettre en place le poste de commissaire? Puis qui aurait ce rôle-là?
M. Duchesneau: Non, on a besoin d'un chef d'orchestre. Le commissaire...
M. Journet (Paul): ...sans commissaire, ce que vous proposez.
M. Duchesneau: Ah! Non, non. Ça, oui, sans le commissaire. Ce que vous dites, là... Le Commissaire à l'intégrité politique et administrative, là, c'est vraiment le parapluie qui va englober toute la démarche gouvernementale pour s'attaquer au problème. Mais le projet de loi qui touche les dénonciateurs, même si le commissaire n'est pas en place, ça vient améliorer la loi actuelle. Parce qu'on... De quel commissaire vous parlez? Du commissaire à la corruption?
M. Journet (Paul): ...voulais dire. C'est parce que, dans certains éléments, vous dites que le commissaire pourrait, bon, ajouter des protections supplémentaires. Tout ce que je me demande, c'est: Sans commissaire, qui aurait ce rôle-là, là, si on l'adoptait sous le gouvernement actuel? C'est tout, là.
M. Duchesneau: O.K. Bon point. Moi, je parle du Commissaire à la lutte à la corruption, donc l'actuel commissaire de l'UPAC.
M. Journet (Paul): O.K. C'est beau. Merci.
M. Duchesneau: Mais nous, on va plus loin que ça avec le commissaire à l'intégrité.
M. Gagné (Louis): Quand vous dites que la loi s'étend... ne s'applique pas qu'aux fonctionnaires, vous parlez des fonctionnaires dénonciateurs ou des personnes qui feraient des représailles? Donc, est-ce que quelqu'un qui fait des représailles contre un dénonciateur mais qui n'est pas lui-même fonctionnaire pourrait être soumis à la même loi?
M. Duchesneau: Très bon point. Vous avez raison, on va plus loin que ce qu'on a actuellement, qui vise essentiellement les fonctionnaires du gouvernement. Mais quelqu'un, par exemple, qui travaillerait dans une compagnie de construction qui verrait quelque chose, et qui dénoncerait, et que son patron viendrait pour lui taper sur les doigts, il est passible d'amendes pouvant aller jusqu'à 250 000 $. Parce que, là aussi, on a beaucoup d'informations qui nous viennent de personnes qui sont dans le milieu et qui n'aiment pas voir des choses: entrepreneurs en construction, ingénieurs.
Vous savez, la grande majorité des gens sont honnêtes. C'est souvent une infime partie des gens de différents milieux qui veulent profiter du système.
Le Modérateur: In English.
M. Harrold (Max): Sir, how important is it to protect whistleblowers? How important are they to the whole process of weeding out corruption?
M. Duchesneau: Without them, there's no way we could've had a Charbonneau Commission. They are the keystone in order to make progress the way we do right now. Without the whistleblowers that we had in the last two, three years, we would not have gotten a global picture of the problem the way it is now.
So, to me, you know, we cannot do without whistleblowers. There are usually law-abiding citizens who see things but don't really know where to go in order to disclose what they learned.
M. Harrold (Max): And why is the current system not working, for you, enough?
M. Duchesneau: Well, actually, I'm kind of surprised that we don't see the protection of whistleblowers the way it should be done. I mean, we had lengthy discussions with the Minister when we discussed Bill 1. And, yes, it was important, but I don't think he seems to grasp the real meaning of the importance of whistleblowers in what we're seeing now. Without whistleblowers, like I repeat, there would not have been a Charbonneau Commission.
M. Harrold (Max): And, if you could just explain, so, we're talking about outside the civil service as well.
M. Duchesneau: Yes.
M. Harrold (Max): So, if I'm a mid level manager in a construction firm and I... Let's just sort of explain me how this would work.
M. Duchesneau: OK. Well, right now, we're protecting people working at the provincial level, but, with the new project, we're also talking about people working at the municipal level, for instance. We're also talking about people working in a construction firm or in an engineering firm who sees things and thinks that it goes beyond his values and he's ready to disclose what he's learned. From this, we can build a case. And, if we don't have them, there's no way we can succeed.
So, if a company... Let's say you work for a construction company and you disclose what you have seen. Well, if your boss kicks you out or, you know, does anything that could harm you, you know, he will be in a position where he could receive $250,000 fine.
M. Harrold (Max): ...for making...
M. Duchesneau: For making your life miserable, for laying you out, for trying to threaten you in any way, shape or form. So, that's really key to the corruption fight that we now do.
M. Harrold (Max): And this would only be for public contracts.
M. Duchesneau: Yes.
M. Harrold (Max): So, for a construction firm... So, it's nothing to do... it has to have a public component to it..
M. Duchesneau: Well, it's directly related. But, the way we spelled out the proposition, the bill, this morning, it could go beyond that. But, you know, the focus is really on public contacts as it stands now.
M. Harrold (Max): What is the fine right now? You say it's going to be $250,000...
M. Duchesneau: There's nothing.
M. Harrold (Max): There's nothing.
M. Duchesneau: There's nothing. So, we... You know, if you are a civil servant, yes, you could be penalized if you come forward, but there's nothing for the private sector.
M. Harrold (Max): Mr. Bédard said, this morning, he's very willing to have more of a protection for whistleblowers. Why don't you work with him and try to forge a compromised bill?
M. Duchesneau: But I did. And, you know, we talked about it, and I was very adamant with the concept of whistleblower's protection. And, in November, he came forward and he said it was a great idea, but we are fed up with words. We need action.
Une voix: Thank you. Merci.
(Fin à 13 h 15)