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Conférence de presse de M. Bernard Landry, premier ministre du Québec, Mme Linda Goupil, ministre d'État à la Solidarité sociale, à la Famille et à l'Enfance, Mme Nicole Léger, ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion, et Mme Jocelyne Caron, secrétaire d'État à la Condition féminine

Présentation de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale

Version finale

Le mercredi 12 juin 2002, 11 h 40

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Onze heures quarante minutes)

M. Hébert (Michel): Alors, Mme Goupil, Mme Léger, M. Landry vont prendre la parole. Ensuite, vous me faites signe pour les questions.

Mme Goupil: Alors, voilà. Bonjour, tout le monde. M. Landry, notre premier ministre, mes deux collègues qui m'accompagnent, Mme Léger qui est ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion, ainsi que Mme Jocelyne Caron qui est secrétaire d'État à la Condition féminine, et, comme je le disais, c'est l'équipe de la Solidarité sociale.

Vous savez, les récentes données statistiques sur l'emploi démontrent hors de tout doute le potentiel du modèle québécois. Depuis le début de l'année, c'est 120 400 emplois qui ont été créés au Québec, et plus de la moitié des emplois qui ont été créés au Canada, et plus du double d'emplois qui ont été créés au Québec qu'en Ontario. Alors, ces résultats, nous les devons à un Québec qui est fort, un Québec qui se compare avantageusement aux autres nations du monde. Ce Québec qui est plus fort et plus prospère, nous le devons aux Québécoises et aux Québécois entrepreneurs, travailleurs, travailleuses et porteurs de projets. Nous le devons aussi à des hommes et à des femmes qui ont su prendre des bonnes décisions au bon moment.

Et je voudrais en profiter pour indiquer que lorsque notre premier ministre, M. Landry, avant qu'il occupe ses fonctions, indiquait qu'il faisait de l'emploi, et surtout du chômage, une obsession, quand on regarde le chemin parcouru, on est passés à plus de 12 % à 8 %. Il reste que, concrètement, on a des résultats qui sont incontestables.

Quand je pense aussi à notre vice-première ministre, quand elle a présenté ses deux derniers budgets, les énoncés budgétaires, et qu'on lui a dit qu'elle avait des lunettes roses, et quand on regarde toute la création du climat de confiance qui a été installé, qui a permis des mesures spécifiques pour soutenir l'emploi, on a permis à des femmes et à des hommes aussi de retrouver le chemin de l'emploi... Et, à cet égard, je vous parlerai tout à l'heure de certains chiffres. Ce Québec qui est fort et prospère se doit donc d'être encore plus solidaire, plus solidaire envers nos concitoyennes et nos concitoyens qui, pour différentes raisons, ne bénéficient pas toujours autant du progrès collectif que nous vivons en ce moment.

Ce que nous proposons aujourd'hui aux Québécoises et Québécois, c'est un nouveau défi pour une meilleure égalité des chances, c'est un plan de match, c'est un contrat social qui interpelle à la fois tous les membres de notre société.

Que les femmes et les hommes du Québec puissent réaliser leur plein potentiel et contribuer fièrement à la mesure de leurs capacités au progrès collectif, voici un projet qui est emballant, un projet qui se veut rassembleur; un projet aussi qui est à la hauteur d'une société moderne qui, désormais, prend conscience plus que jamais qu'elle ne peut, pour son avenir social et économique, laisser personne de côté, une société qui a la volonté d'agir et qui a la force de réussir.

La richesse d'une société repose en grande partie sur les talents, les compétences des femmes et des hommes qui la composent. Il est démontré par de nombreux chercheurs et scientifiques que, lorsqu'il y a un trop grand espace ou inégalité entre les citoyens, cela freine le développement économique et social. Par exemple, on sait que les personnes à faibles revenus ayant moins de moyens financiers ont moins accès au crédit, moins de chances d'atteindre un niveau élevé de scolarité, donc moins de chances d'avoir un emploi leur permettant d'exercer pleinement leur citoyenneté. Les inégalités sont également nuisibles à la cohésion sociale. On sait par exemple que, plus l'écart entre les riches et les pauvres existe, plus cet écart peut être une source de ressentiments pour les plus pauvres et ainsi nuire à leur volonté de participer à la vie économique et sociale.

Au contraire, la diminution des inégalités contribue à développer une plus grande solidarité, un meilleur climat social et ainsi accroître le désir de tous à exercer pleinement sa citoyenneté, et ainsi contribuer à augmenter la croissance économique et sociale de sa communauté, de sa région et de son pays.

Le gouvernement du Québec et la société québécoise doivent également tenir compte de deux données factuelles extrêmement importantes dans les choix qu'ils doivent faire maintenant. Je parle ici de notre déficit démographique qui, actuellement se situe à 1,4, et combiné au vieillissement accéléré de notre population qui, après le Japon, est l'endroit au monde où le rythme de vieillissement de la population âgée de 65 ans ou plus doublera en moins de 30 ans. Je vous ai apporté deux tableaux – tout à l'heure, si vous souhaitez, on pourra juste les regarder – où on voit tout le phénomène du vieillissement de la population, où on se retrouve avec des personnes qui, d'ici 20 ans, au Québec, sur une période, doublera. C'est-à-dire, le nombre de personnes qui sont sur le marché du travail, il y en a le double, 65 ans et plus, qui vont se retrouver à la retraite. Conséquemment, combiné avec un taux de natalité de 1,4, je vais vous dire, nous nous retrouvons actuellement dans une situation que, si nous n'avons pas une vision d'ensemble et un cadre d'action intégré, les coûts de la pauvreté vont exercer de plus en plus des pressions sur les finances publiques au fur et à mesure des changements démographiques. Et l'exclusion d'une partie des citoyennes et citoyens affectera la capacité de développement du Québec en le privant d'une main-d'oeuvre requise au cours des prochaines années.

Ce défi, le gouvernement ne peut le relever seul. C'est pourquoi la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale s'appuiera sur une approche globale, intersectorielle, où l'ensemble des groupes de la société seront invités à apporter leur contribution. La stratégie se veut d'abord un cadre intégrateur aux politiques et aux plans d'action en matière sociale qui viennent d'être annoncées et celles qui le seront au cours des prochains mois dans le cadre d'un plan d'action.

La stratégie proposera des moyens de soutenir la prise en charge régionale et locale, de lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale et de reconnaître la contribution des entreprises socialement responsables. La stratégie s'appuiera, en matière de prévention, sur des approches intégrées, mises de l'avant dans les divers ministères et organismes – et, tout à l'heure, Nicole pourra vous indiquer de façon plus spécifique les cinq grandes orientations que nous retrouvons dans notre stratégie – également, un revenu de solidarité et, enfin, nous nous retrouvons avec une stratégie qui se concrétise dans un texte de loi.

Le projet de loi qui est déposé cet avant-midi constitue presque une première mondiale. Nos légistes, pour bâtir ce projet de loi, n'ont pu se référer qu'à un seul précédent, c'est la Loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, qui a été adoptée par le Parlement français. Ainsi, pour s'inspirer, nos collaborateurs ont puisé dans le projet de loi qui nous a été proposé par le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté et, à cet égard, nous tenons à les remercier de leur contribution. Ce projet de loi déposé ce matin constitue donc un grand projet de société, un projet original et unique, qui prend racine dans notre réalité nord-américaine.

Toutefois, l'expérience européenne nous a été grandement utile aussi, que ce soit l'expérience de la Grande-Bretagne avec sa stratégie d'«opportunity for all» mettant en oeuvre une série de mesures et de programmes qui visent la réduction de la pauvreté; de la France, sur la Loi d'orientation relative à la Loi contre les exclusions. Et, finalement, comme le soulignait le programme des Nations unies pour le développement humain, Tendre vers un monde sans pauvreté – et je cite – «c'est un impératif moral en même temps qu'un but accessible.»

La pauvreté n'est plus une fatalité. Pour les sociétés comme pour les individus, avec une volonté ferme d'agir, nous pouvons trouver la force de réussir. Désormais, par cette loi, les situations de pauvreté et d'exclusion feront l'objet d'une préoccupation constante et interpelleront l'ensemble de la société. Désormais, l'État et ses partenaires devront régulièrement rendre compte de leurs actions pour combattre la pauvreté et l'exclusion. C'est, désormais... Je veux être bien précise... ne discrédite nullement le travail qui a été accompli jusqu'à maintenant. Au contraire, l'engagement fondamental concrétisé par la loi s'inscrit dans la foulée d'une série de gestes en faveur d'un Québec qui est plus solidaire.

Rappelons quelques actions gouvernementales qui, depuis 1994, ont permis de faire en sorte qu'une diminution importante... les prestataires de l'assistance-emploi puissent diminuer de façon importante. C'est près de 30 % de la population du Québec qui se retrouve actuellement soit en retour d'emploi ou en action pour justement poursuivre une formation scolaire leur permettant d'avoir de meilleures conditions salariales.

La création d'emplois sans précédent – 120 000 emplois pour les cinq premiers mois – je vais vous dire: Ne seraient-ce que ces données-là confirment qu'il y a eu des mesures spécifiques qui ont soutenu cette solidarité à l'égard des femmes et des hommes. Nous avons eu aussi l'application de la clause d'appauvrissement zéro pour les prestataires de l'aide sociale qui ont des contraintes sévères à l'emploi. On a instauré également, vous le savez, cette politique familiale. Le régime de perception des pensions alimentaires, le régime d'assurance médicaments, la nouvelle allocation de logement et bien d'autres mesures sociales avant-gardistes ont été nombreuses, lors des dernières années particulièrement. Il y a beaucoup de choses qui ont été faites aussi au niveau de l'emploi. On a mis en place Emploi-Québec et des centres locaux d'emploi. Des carrefours locaux d'emploi aussi ont permis aux chercheuses et aux chercheurs d'emploi d'avoir accès à des services publics d'emploi performants, diversifiés, regroupés sous un même toit et, surtout, accessibles à tous et à toutes.

Rappelons-nous la création du Fonds de lutte à la pauvreté, en 1997, par la réinsertion au travail, de Destination emploi, de Solidarité jeunesse, de Ma place au soleil, qui ont permis à 36 000 personnes, depuis la création du Fonds, d'occuper un emploi, et cela, dans l'ensemble du territoire. Les derniers investissements qui ont été annoncés par les deux derniers budgets confirment que c'est plus de 1,4 milliard de sommes d'argent qui sont consacrées pour être en plus grande solidarité aux femmes et aux hommes qui en ont le plus besoin. Je pense notamment à l'indexation annuelle et automatique des prestations d'assistance-emploi pour toutes les personnes qui sont à l'aide sociale et qui sont aussi avec les mesures d'Action emploi.

Il faut se rappeler aussi au Québec qu'avec l'indexation des tables d'impôt, l'augmentation du nombre de personnes qui ne paient plus d'impôt, en 2002... les chiffres sont de 43 % de personnes qui ne paient plus d'impôt. Et quand on regarde ce qu'était la proportion en 1982, c'est 27,9 % de gens qui, à ce moment-là, ne payaient pas d'impôt.

Malgré toutes ces avancées, il faut constater que c'est une réalité qui existe, et à tous les jours on est confrontés, comme députés, dans nos bureaux, notre premier ministre est sollicité de part et d'autre, pour faire en sorte qu'on soit capables de se doter d'une intervention qui soit, je dirais, plus concertée, et c'est dans ce contexte-là que le travail qui a été amorcé par notre collègue, M. Jean Rochon, qui a été amorcé par Nicole tout au long de l'année et également avec Jocelyne qui s'occupe aussi les dossiers de la Condition féminine... Il nous fallait absolument être capables d'avoir une intervention qui soit globale. Lutter contre la pauvreté, ce n'est pas une chose qui est simple en soi, ça demande de l'intervention et ça demande surtout une stratégie d'intervention avec des actions précises.

Le plan concerté que nous allons... la stratégie que nous déposons aujourd'hui et le texte de loi nous permet de se dire que, collectivement, on peut mieux utiliser nos ressources financières qui sont déjà importantes, être capables d'en ajouter pour permettre aux gens de se sortir de cette situation extrêmement difficile et, finalement, convenir ensemble que, d'ici 10 ans, nous nous engageons collectivement à faire en sorte qu'il y ait moins de personnes pauvres au Québec. Et vous avez, dans les documents qui vous ont été remis, différents tableaux dans lesquels on y retrouve quels sont les outils sur lesquels nous allons nous baser pour être capables de faire le débat en commission parlementaire.

Et je terminerais en vous disant que relever le défi de réussir à diminuer le nombre de personnes qui vivent une situation de pauvreté et d'exclusion, c'est nous permettre individuellement et collectivement de devenir encore meilleurs.

Mme Léger (Nicole): Alors, M. le premier ministre, mes collègues Linda Goupil et Jocelyne Caron, représentants des médias, mesdames et messieurs. Le dépôt du projet de loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale me remplit de joie et de fierté. De joie d'être parmi vous pour présenter le fruit des travaux de validation et d'échanges fréquents qui se sont tenus tout au long de la dernière année avec les groupes intéressés par cet enjeu. De fierté puisque le projet de loi et les moyens qu'il institue favorisent la mobilisation des forces vives qui désirent que le Québec poursuive sa marche vers une société plus équitable où toutes les citoyennes et tous les citoyens pourront vivre dignement et participer à la prospérité du Québec de demain.

Au printemps 2001, le premier ministre du Québec, M. Bernard Landry, nous confiait la responsabilité de mener une importante démarche de mobilisation et de validation auprès des entreprises, des syndicats, des régions et des organismes communautaires qui côtoient les personnes démunies au quotidien où les personnes elles-mêmes plus démunies et vivant dans la pauvreté témoignent de leur vécu. Ainsi, à l'automne dernier, avec le soutien des conseils régionaux de développement, une tournée des 17 régions du Québec a été réalisée, et les groupes visés étaient appelés à réagir et à valider le document d'orientation intitulé Ne laissez personne de côté , à s'en inspirer pour identifier leurs priorités régionales en matière de lutte contre la pauvreté.

Ces rencontres locales et régionales ont permis de rejoindre et de recueillir les propos de représentantes et représentants de plus de 1 000 organismes de toutes les régions du Québec. De plus, sept forums de discussions regroupant près de 50 organismes nationaux ont eu lieu. Ces rencontres de travail ont permis aux participantes et aux participants de s'exprimer ouvertement sur plusieurs questions spécifiques dans les domaines de la famille et l'enfance, de l'éducation, de la reconnaissance des acquis et des compétences des nouveaux arrivants, de l'intégration en emploi des jeunes, des communautés culturelles, du logement social et des préoccupations du milieu rural en ce qui a trait à la pauvreté.

Alors, l'élaboration de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale est également alimentée par l'apport d'un groupe-conseil regroupant des femmes et des hommes provenant de tous les horizons de la société et des travaux de recherche-action qui sont venus soutenir les efforts en documentant les pistes d'action les plus prometteuses. Également, plusieurs rencontres avec le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté ont permis de guider le gouvernement dans l'élaboration du projet de loi et de s'inspirer de cette grande démarche citoyenne.

Avec le dépôt de ce projet de loi, le Québec se montre plus solidaire que jamais à l'endroit des personnes qui ont eu moins de chance dans la vie. Investir pour améliorer la société des plus démunis constitue un choix d'avenir pour le Québec. Notre préoccupation première est d'améliorer les conditions de vie des plus pauvres, favoriser leur autonomie et bâtir un Québec meilleur où chaque personne a sa place, peut mener une vie digne, peut participer selon ses capacités à la vie sociale et au progrès collectif, et cela, tout au long de sa vie.

Ce projet de loi vise à guider le gouvernement, les partenaires socioéconomiques, les collectivités régionales et locales de même que les organismes du milieu vers la planification et la réalisation d'actions pour combattre la pauvreté en atténuant les effets sur les individus et les familles et contrer l'exclusion sociale.

Le projet de loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale institue quatre grands éléments: la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, le Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, l'Observatoire de la pauvreté et de l'exclusion sociale et un fonds pour appuyer les initiatives d'inclusion sociale.

La Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale va s'appliquer dans toutes les sphères de la société et va s'articuler autour de buts et d'orientations qui constituent une base solide pour l'élaboration d'un plan d'action d'envergure qui contiendra une foule de mesures qui toucheront tous les secteurs de la société et qui sera dévoilé cet automne.

Le Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, quant à lui, aura pour mandat de conseiller le gouvernement dans l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation des actions prises dans le cadre de la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

L'Observatoire de la pauvreté et de l'exclusion sociale sera un lieu d'observation, de recherche et d'échanges visant à fournir des informations qui soient fiables et objectives en matière de pauvreté et d'exclusion sociale. L'Observatoire vise à mesurer les progrès afin de maintenir le cap sur les objectifs et la mobilisation collective. Le Comité consultatif collaborera avec l'Observatoire de la pauvreté et l'exclusion sociale pour la mise en place d'indicateurs permettant d'évaluer les progrès réalisés dans l'atteinte des buts fixés dans le projet de loi.

Un fonds pour appuyer les initiatives d'inclusion sociale, qui prendra la relève du Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail, sera un outil essentiel pour favoriser la prise en charge locale et régionale de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, un levier important pour la réalisation de projets novateurs sur les plan local et régional.

En terminant, permettez-moi de remercier toutes ces femmes et tous ces hommes qui ont rendu possible, par leurs judicieux commentaires, l'élaboration de la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Le gouvernement du Québec s'est engagé fermement depuis plusieurs années dans la lutte contre la pauvreté, mais il ne pouvait élaborer ce projet de société seul. Certes, il assume son leadership mais, en mettant de l'avant une stratégie, une loi, un plan d'action et une commission parlementaire, il place des éléments essentiels dans la durée, dans un débat public, avec des actions globales et intégrées, parce que les causes de la pauvreté sont multiples et complexes et entraînent des problématiques variées.

Le gouvernement du Québec doit pouvoir compter sur l'importante participation de toutes celles et de tous ceux qui, comme nous, aspirent à un Québec plus solidaire, plus équitable pour toutes les Québécoises et tous les Québécois. Nous comptons à nouveau sur leur engagement afin de mener à bien la mise en application des mesures qui seront prévues dans le plan d'action. Merci. M. le premier ministre.

M. Landry: Le modèle québécois, ce n'est pas qu'un modèle économique, ce n'est pas qu'un modèle de création de la richesse; c'est un modèle socioéconomique. Et, souvent, les grandes orientations prises par notre société au cours des dernières années l'ont été dans des rencontres socioéconomiques, précisément.

Et, lors de notre retour au pouvoir, nous avons eu à mener une opération plus administrative, plus budgétaire et économique que sociale. Nous avons pris la précaution quand même de baliser l'action sociale dans ces années difficiles par la clause d'appauvrissement zéro qui fait que ceux qu'on appelait les «inaptes» et ceux qui ont de sévères contraintes à l'emploi voyaient leurs moyens maintenus. Et nous avons créé, lors des mêmes périodes, le Fonds de lutte qui a été un instrument puissant, qui a eu des résultats intéressants. Mais ce n'était pas encore à la hauteur de nos aspirations. C'était à la hauteur de nos moyens.

Mais nos moyens ont fini par augmenter. Et, en particulier, quand j'ai accepté de succéder à Lucien Bouchard, j'ai établi des lignes de base de mon action déjà dans mon discours d'acceptation, à Verchères, où j'ai bien dit que la création de la richesse, pour moi comme pour notre parti, n'est pas une fin en soi; il faut qu'elle soit accompagnée d'un effort articulé de redistribution de la richesse entre les individus comme entre les régions.

C'est pourquoi, dès le discours inaugural de 2001, dès le discours d'ouverture, j'ai souligné que nous allons engager une action frontale de lutte contre la pauvreté, et c'est ce que nous avons fait dès ce moment. D'autres ministres ont été responsables, Jean Rochon, en particulier, qui s'est mis à l'oeuvre et, en fait, depuis 2001, c'est 1,3 milliard de dollars que le gouvernement a investis, en plus de tout ce qu'il fait déjà – parce que le Québec est déjà une société généreuse et répartitrice – dans des mesures de ce genre. On a même utilisé, à hauteur de 100 millions de dollars, la fameuse réserve pour répondre à des besoins précis, et ça a donné en particuliers les petits déjeuners dans les écoles, les cuisines collectives, l'achat en commun, des initiatives qui ont été très appréciées et qui sont de portée très pratique.

Par la suite, dès que les premiers énoncés budgétaires sont venus, nous avons ajouté des mesures aussi dirigées directement vers cette lutte à l'exclusion et la pauvreté alors, en particulier, l'abolition de la pénalité de 50 $ par mois pour ceux qui partagent un logement, qui est déjà annoncée; des logements à prix abordable; construction de 13 000 nouveaux logements; rénovation de 27 000. Nous avons consolidé – et ça, c'est proprement québécois et c'est très efficace – près de 5 000 organismes communautaires en portant nos contributions à plus de 500 millions de dollars par année. C'est une façon très québécoise de faire les choses, parce que ce n'est pas l'État qui agit directement, c'est des groupes communautaires, sur le terrain, où il y a beaucoup d'argent, mais beaucoup de dévouement aussi. Il y a plus de dévouement que d'argent. Donc, quand on met 500 millions là, il y a peut-être quelques milliards de dollars de travail et d'action là-dedans.

Cependant, pour distribuer la richesse, il faut la créer. Alors, attaque frontale contre la pauvreté, oui, dont une des dimensions est la création de la richesse. Et, de ce point de vue, le modèle québécois réussit très bien aussi, vous le savez. Et ça va nous faciliter les choses pour mettre en place ce plan, puisque, chose jamais vue du reste, 120 000 nouveaux emplois ont été créés dans cinq mois dans notre économie nationale. Même dans nos rêves les plus secrets, on ne pensait pas qu'une telle chose pouvait se faire en cinq mois. Et Robert Bourassa est passé à l'histoire pour l'avoir fait en 12.

Au-delà de ces chiffres de création d'emplois, il y en a un qui est plus important encore. Il y a 3,6 millions de personnes qui travaillent au Québec actuellement. C'est le plus haut niveau de toute notre histoire. Alors, ça en fait autant qui, par leurs moyens, s'échappent de la pauvreté en tout ou en partie. Quand on travaille, on est déjà moins pauvre, même quand on est au bas de l'échelle des salaires, et vous savez qu'au bas de l'échelle des salaires, le Québec a des stimulants puissants pour que les gens améliorent leur condition ou que l'impôt ne leur prenne pas ce qu'ils gagnent. Ce qui fait que le nombre de ménages à l'aide sociale était de 813 000 en mars 1996, il est de 563 000 en mars 2002. Il y en a 30 % de moins.

Donc, la lutte à la pauvreté et à l'exclusion, elle est menée sur plusieurs fronts et, bien sûr, sur le front de la création de la richesse. Mais ce n'est pas assez. Dans un État libéral ou néolibéral, on dit: Bon, au mieux, on va créer la richesse, on va laisser l'économie le faire, puis la redistribution se fera suivant les lois du marché. C'est l'économie de marché. Nous sommes d'accord avec l'économie de marché, nous récusons la société de marché. Alors, là, notre société se donne, par cette loi, par cette stratégie, par ce plan d'action, une obligation, face à toute la population et face aux plus démunis, d'accentuer considérablement l'effort pour baisser le nombre des gens que l'on appelle des pauvres ou des démunis.

Nos objectifs sont ambitieux et nous entendons dégager près de 600 millions de dollars annuellement pour assurer la mise en oeuvre du plan d'action, en plus de ce qu'on a annoncé depuis mars 2001. La société peut être fière de cet effort, peut être fière d'être capable de se le payer aussi puisque, moins il y a de gens à l'aide sociale, plus il reste de moyens pour ceux qui restent à l'aide sociale; plus il y a de gens au travail, plus il y a d'impôts payés, ainsi dégageant plus de moyens pour lutter contre la pauvreté.

Ça place notre société dans une position enviable parmi les nations progressistes. Ce n'est pas nécessaire qu'une nation progressiste ait une loi, mais certaines en ont, la France en particulier; nous en avons une. Et, encore une fois, que l'on n'attribue pas cette action à la conjoncture, ou politique, ou économique. C'est une erreur manifeste de faire cela. Pourquoi? Parce que la lutte a commencé en 2001, dans le discours inaugural et par l'action de Jean Rochon et par le milliard quelques centaines de millions que nous avons déjà mis.

Mais, pour arriver à un document aussi avancé, qu'est-ce qu'ont fait mes collègues? Ils ont vu des centaines, des centaines et des milliers de personnes. Ce n'est pas le fruit de la génération spontanée, ce qui donne une vertu supplémentaire au document. Mes collègues – Jean Rochon avait déjà commencé, d'ailleurs – ont consulté plus pour ce plan et cette loi qu'on le fait dans un sommet socioéconomique. Ils ont vu beaucoup plus de monde sur une beaucoup plus longue période, donc une action beaucoup plus en profondeur. C'est pour ça qu'on peut affirmer sans l'ombre d'un doute que ce désir de lutter contre la pauvreté a animé mon gouvernement depuis la première seconde où il a été en existence. Et ce que nous voyons aujourd'hui, c'est une accélération, une augmentation de l'effort parce que ça correspond à des convictions profondes. On peut avoir diverses convictions pour être dans la vie publique; les nôtres, vous les connaissez: création de la richesse, oui, par tous les moyens, y compris l'intervention publique, et redistribution de cette richesse entre les hommes et les femmes et les diverses régions.

Alors, je crois que le Québec était déjà exemplaire. Avec l'effort de ces femmes qui m'entourent, il le sera davantage et, avec l'appui des groupes communautaires nombreux de l'économie sociale – le Québec est la terre de l'économie sociale, à cause de nos efforts des dernières années nous sommes les plus avancés au monde – tout ça devrait faire que la stratégie contre la pauvreté va donner des résultats éblouissants qu'a donnés la stratégie pour le développement économique.

M. Hébert (Michel): Alors, question en français d'abord. Claude Brunet.

M. Brunet (Claude): M. Landry, pourquoi ne pas d'abord tout simplement bonifier les prestations d'aide sociale pour les amener au seuil de pauvreté, plutôt que ce programme un peu complexe de supplément de revenu?

M. Landry: Parce que les gens qui vivent sur le terrain, dans les centaines de groupes communautaires, dans le fameux Collectif de lutte contre la pauvreté, ont un diagnostic beaucoup plus précis, beaucoup plus aigu que jamais aucun fonctionnaire ne pourra le faire parce qu'ils sont sur place. Alors, on aurait pu faire suivant la tradition et décider d'en haut: Il faut cela et cela, et le faire en ordre dispersé. Là, on a une stratégie voulue par le milieu, connue, concertée et qui va augmenter nos chances de succès considérablement. La lutte contre la pauvreté, c'est un idéal. Il y a peu de pays qui ont une victoire totale, mais nous, on vient d'augmenter nos chances de victoire, là, en ayant une pensée beaucoup plus approfondie. Comme en économie: il y a beaucoup de provinces au Canada qui n'ont pas de stratégie de développement économique, on n'entend pas parler de modèle de Saskatchewan. Au Québec, il y a un modèle québécois qui donne des rendements extraordinaires, et on veut que, dans notre lutte à la pauvreté, on ait le même modèle plus performant, plus efficace qu'ailleurs.

M. Brunet (Claude): En fait, ma question c'est: Actuellement, on constate que les prestations d'aide sociale maintiennent les prestataires sous le seuil de pauvreté. Pourquoi ne pas avoir augmenté leurs prestations pour les amener au-delà de ce seuil?

M. Landry: D'abord, je vais laisser à mes collègues qui sont plus spécialisés. J'aurais bien aimé y répondre moi-même, mais j'ai plus de chance de parler.

Mme Goupil: En fait, l'objectif c'est que... Vous savez, on ne réussira pas à faire tout ça du jour au lendemain. Il est démontré que, pour être capable... Par exemple, pour soutenir des gens, pour les sortir de cette réalité, ça prend des interventions plus globales. Je prends par exemple l'expérience qu'on a vécue, de Solidarité jeunesse. On a choisi au Québec, depuis maintenant, on en est à notre deuxième année, d'offrir autre chose à nos jeunes qu'un chèque d'aide sociale. On les accompagne d'abord pour comprendre comment se fait-il qu'ils se retrouvent à 18 ans pour aller se chercher un chèque. Et on les accompagne par des interventions. C'est trois réseaux du gouvernement du Québec, avec des partenaires sur le milieu, qui accompagnent ce jeune.

On avait 8 000 jeunes qui étaient ciblés par cette mesure il y a deux ans, quand on l'a mise de l'avant et, actuellement, on se retrouve avec 5 300 jeunes qui sont en mouvement, retour à l'emploi, retour aux études, parce qu'on les a accompagnés du début jusqu'à la fin. Et ce n'est pas en fonction d'un programme qu'on soutient ce jeune, mais on a changé notre façon de faire; c'est en fonction de l'individu. Alors, c'est une...

La pauvreté, aujourd'hui, elle est plus complexe que ce qu'elle était autrefois. Ce n'est pas en donnant uniquement une prestation à quelqu'un qu'on va réussir à combler tous les problèmes. Parce que l'objectif, c'est qu'on soit capable d'atteindre un niveau permettant à des gens d'être moins dans une situation de pauvreté et de tendre à un revenu de solidarité qui nous permettrait collectivement de dire que ces gens peuvent exercer leur citoyenneté parce qu'ils ont suffisamment de sous pour subvenir à leurs besoins.

M. Hébert (Michel): Norman Delisle.

M. Delisle (Norman): Je suis un petit peu inquiet sur la transparence du processus. Je regarde à l'article 19: «Le ministre va faire rapport sur le plan d'action au gouvernement», pourquoi pas à l'Assemblée nationale? Ailleurs, les avis du conseil consultatif, on dit à l'article 31 que «le comité consultatif peut les rendre publics», pourquoi on ne dit pas «doit les rendre publics? À l'article 41: «L'Observatoire va proposer au ministre des mesures de pauvreté», pourquoi pas les proposer plutôt à l'Assemblée nationale, de façon à ce que tout le monde soit au courant du processus?

Mme Goupil: Alors, je vais vous dire, c'est une excellente question. Et, en commission parlementaire, ce sont les débats que nous avons aussi. Vous avez raison qu'il sera possible de le faire. On n'a pas indiqué dans les moindres détails tout ce qu'il allait y avoir dans le projet de loi. On a essayé de le rendre le plus complet possible. C'est évident que c'est quelque chose qui pourrait être fait de le déposer à l'Assemblée nationale.

Quant à l'Observatoire, il est évident que l'Observatoire qui va être créé va justement nous permettre de leur confier soit des mandats, soit que le conseil demande à avoir des spécifications pour qu'on soit capable de dire: Les mesures qu'on a mises de l'avant, est-ce qu'elles correspondent réellement à des gestes permettant de réduire la pauvreté? Et si jamais ce n'est pas suffisant, nous permettant de corriger le tir au bout de trois ans, quatre ans ou cinq ans, selon ce que l'Observatoire va nous avoir livré comme outils de spécification pour lutter contre la pauvreté.

M. Hébert (Michel): Denis Lessard.

M. Lessard (Denis): M. le premier ministre, deux questions. La première: Vous avez parlé de l'injection de 600 millions annuellement, est-ce qu'on peut avoir des détails? Combien de ça est associé au revenu de solidarité, et est-ce qu'on parle de l'année 2002-2003 ou des années ultérieures?

M. Landry: Les détails vont venir dans le plan d'action, là, qui va être sur la table au cours de l'été, mais on sait déjà à peu près, là, qu'est-ce que ça va faire.

Mme Goupil: Il y a des mesures, dans son ensemble... C'est parce que le projet de loi tel qu'il est, vous savez, on a l'obligation de déposer le plan d'action dans les 60 jours de l'adoption de la loi. Alors, il est évident qu'en vertu... Vous faites signe que non, mais c'est écrit dans la loi. On a 60 jours...

M. Delisle (Norman): Article 12. Ce n'est pas dans l'adoption de la loi, c'est dans son entrée en vigueur. Ce n'est pas la même chose du tout.

Mme Goupil: Non, mais une fois que la loi va être entrée en vigueur puis qu'on va l'avoir adoptée à l'Assemblée nationale, on a 60 jours pour le déposer. Alors, il est évident qu'on va, avec ce débat de la commission parlementaire... Notre plan d'action est presque complété, mais on ne voulait pas être capable de tout de suite cibler toutes les mesures sans les canner. On a dit: Dans le cadre de la commission parlementaire, on va indiquer, à la suite des débats qu'il va y avoir, à quel endroit nous devrions déposer plus d'argent: Est-ce que c'est dans des mesures d'emploi, des mesures de soutien à l'éducation, est-ce que, au niveau des personnes qui sont inaptes, on va leur donner des sommes d'argent plus importantes plus rapidement? Et les personnes qui sont aptes, on va les accompagner dans des mesures.

M. Lessard (Denis): D'accord. Mais sans aller jusqu'à la décimale, je voulais savoir, sur le 600 millions, est-ce qu'on peut dire que les deux tiers de ça vont aller au revenu de solidarité ou une partie moins importante ou...

Mme Goupil: Ça va être tout précisé dans le plan d'action. Puis, dans le cadre de la commission parlementaire, on va être à même... Vous voyez, dans la Stratégie, vous y retrouvez les bases de calcul sur lesquelles on veut travailler. Ce revenu de solidarité là, va falloir qu'il se fasse un consensus au Québec, parce que c'est des sommes d'argent importantes. On parle de la création d'un fonds. Quelle va être la hauteur du fonds? Est-ce qu'il va exister de la même façon dont on a existé jusqu'à maintenant? On veut que le débat puisse se faire d'abord pour éliminer les préjugés qui existent encore trop souvent versus les personnes qui essaient de s'en sortir actuellement.

Deuxième des choses, on veut être capable de mieux utiliser les sommes d'argent que nous avons. On a déjà soutenu davantage. Je prenais l'exemple du programme de Solidarité jeunesse. C'est 19 millions d'argent qu'on a consacrés, des mesures supplémentaires versus l'aide qu'ils avaient pour les aider à s'en sortir. Et, sur les 8 000 jeunes, il y en a 5 800 aujourd'hui qui ne sont plus prestataires et qui sont soit à l'emploi ou soit aux études.

Alors, c'est à partir de ces données-là qu'on a calculé des chiffres et l'ordre de grandeur de 1,5 milliard. Et on ne veut pas tout de suite les canner au complet, parce qu'on veut que le débat se fasse en commission parlementaire.

M. Landry: Les chiffres vont se modifier en cours de route aussi, on l'espère bien, parce que le nombre de ménages, en très peu de temps quand même, de 1996 à 2002, a reculé de 30 %. Et là, l'économie tourne comme jamais. Alors, ça va reculer encore, on l'espère, laissant du découvert pour d'autres choses.

M. Lessard (Denis): Ma deuxième question, c'est: Là, il y a des surplus, ça va bien, mais j'imagine que vous avez fait la réflexion: En temps de récession, qu'est-ce que ça voudrait dire si on a des objectifs aussi contraignants? Parce que, si je comprends bien, le gouvernement est lié, va être lié, après l'adoption du plan d'action, à des objectifs très précis.

M. Landry: Oui. Mais c'est toujours proportionné aux capacités de payer de la société, de l'État, mais de la société en général. Là, on voit que l'économie va bien, et la plupart des observateurs prévoient un certain nombre d'années d'opulence. Parfait. Mais la loi tient compte du fait que c'est suivant la capacité de payer de notre société, suivant les conjonctures.

M. Hébert (Michel): Dominique Poirier.

Mme Poirier (Dominique): Mme Goupil, on nous disait tout à l'heure, en briefing, que le premier but qu'on voulait atteindre avec le revenu de solidarité, c'est 200 000 personnes, dans un premier temps, d'ici cinq ans.

Mme Goupil: Ménages.

Mme Poirier (Dominique): Ménages, oui, c'est ça, d'ici cinq ans. Il y a des chômeurs, il y a des salaires minimums, des assistés sociaux inaptes. On a l'impression que ça laisse en plan des milliers et des dizaines de milliers d'assistés sociaux aptes au travail qui, eux, n'auront pas droit à ce supplément de revenus là s'ils n'améliorent pas leur condition.

Mme Goupil: Alors, il est évident que, dans le cas de cette stratégie, on veut être capables de soutenir de façon... le plus solidairement possible les femmes et les hommes sans aucune distinction. Et c'est pour ça qu'il y aura une indexation automatique des prestations. C'est ce qui a été annoncé par l'énoncé budgétaire de Mme Marois. Donc, forcément, il va y avoir une indexation qui va se retrouver pour l'ensemble des gens. Mais ce qu'on veut faire aussi, c'est qu'on veut soutenir de façon plus progressive encore ceux et celles qui font tous les efforts nécessaires pour s'en sortir. Et, dans cette réalité, on convient que ça interpelle à la fois les employeurs, ça interpelle les intervenants et intervenantes qui accompagnent les gens.

Je prends comme exemple une femme de 51 ans, qu'on a rencontrée encore cette semaine, qui est devenue veuve, elle reçoit tout simplement la Régie des rentes, elle ne reçoit pas un gros montant en soi, et elle veut justement occuper un emploi. On l'accompagne par des mesures d'emploi. Alors, ce qui fait en sorte que, sur chaque dollar supplémentaire qu'elle pourra gagner, cette personne, on veut la soutenir puis l'accompagner pour que, d'ici 10 ans, on ait réussi à augmenter le revenu de ces gens-là pour qu'ils se situent à un revenu de solidarité leur permettant justement de subvenir à leurs besoins.

M. Landry: Ce n'est pas juste du transfert, c'est de l'inclusion sociale, l'exclusion. Alors, pour les gens qui ont des contraintes sévères, dans certains cas, il n'y a aucun espoir d'amélioration de l'employabilité, sauf exception. Les ateliers pour personnes handicapées, entre autres, un exemple extraordinaire, mais ça reste assez marginal.

Puis, pour les autres, l'objectif, c'est de leur donner ce qu'il faut, oui, mais surtout les inciter à se réinsérer dans le circuit. Et c'est une grande partie de la philosophie de cette loi.

Mme Poirier (Dominique): Vous parlez d'exclusion, mais ce n'est pas une façon d'exclure aussi les assistés sociaux qui sont aptes au travail. C'est peut-être aussi une façon de les exclure en ne leur donnant pas ce supplément de revenu.

Mme Poirier (Dominique): En fait, ce que vous leur dites, c'est: Si vous voulez l'argent, vous devez travailler pour...

Mme Léger: Il faut faire attention.

Mme Goupil: ...catégorique.

Mme Léger: Moi, j'ai fait la tournée, la tournée du Québec cet automne particulièrement. Et, dans la tournée, les gens, ce qu'ils nous demandaient, dans la tournée... Il y a des régions du Québec qui sont très avancées dans des plans d'action stratégique vraiment pour aider les gens qui vivent dans les situations de pauvreté.

Ils nous disent, la plupart nous disent: Oui, on veut une loi, parce qu'on veut que ça dure, qu'il y ait une durée puis que ça oblige... comme M. Lessard dit, lier le gouvernement dans un plan d'action et une stratégie. Ils veulent aussi, les gens, que nos actions soient concertées, intégrées, parce que c'est évident qu'on peut avoir des prestations d'aide sociale, effectivement, mais les gens démunis ne se retrouvent pas tous dans l'aide sociale nécessairement, ça peut vous arriver à vous comme à moi d'être un jour ou l'autre dans une situation de pauvreté. Donc, il faut être capable de les accompagner, pas juste qu'il y ait un programme.

M. Landry: Depuis leur dernière négociation, eux autres, ils sont corrects.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Léger: Ha, ha, ha! Pas juste nécessairement des programmes, ils nous disent: On peut-u intégrer ces actions-là? On peut faire de la lutte au décrochage scolaire, mais il faut aussi accompagner l'adolescent dans toute une démarche. Alors, c'est ça, la stratégie de lutte à la pauvreté, c'est qu'il y a une loi, il y a des actions, une stratégie qui nous obligent à faire des actions intégrées puis englobantes, prendre la personne où elle est. Il y a des gens actuellement dans les entreprises d'économie sociale qui ne peuvent pas demain matin aller sur le marché du travail. Il y a des gens qui sont sur l'aide sociale qui ne peuvent pas demain matin se retrouver un emploi tout de suite; pas parce qu'il n'y a pas d'emplois, mais il faut les accompagner à avoir des habitudes de travail, des habitudes de comportement. Alors, ça, c'est des entreprises d'économie sociale à qui il faut donner un coup de main.

Alors, le fonds qu'on va instituer aussi, qui fait la suite du Fonds de lutte à la pauvreté, va permettre à des actions locales et régionales... Pas un programme nécessairement d'aide sociale – oui, on en a un, programme d'aide sociale – mais que, en région, partout au Québec, dans des régions plus rurales aussi, d'être capable de se doter d'outils pour être capable d'aider vraiment et sur le terrain des actions qui sont pour aider les gens qui sont en situation plus démunie.

Donc, c'est une stratégie qui a une loi pour nous lier, mais qui a aussi des actions intégrées et va permettre dans un autre temps, après une commission parlementaire qu'on va avoir cet automne... qui va remettre le débat... parce que ça n'appartient pas juste à un gouvernement, la lutte à la pauvreté, ça appartient à toute la société civile. Dans les tournées régionales, j'ai rencontré les gens du monde économique, les gens d'entreprises. C'est sûr qu'il y a un cheminement à faire aussi au niveau des entreprises, qui se sentent concernées aussi par la lutte à la pauvreté.

Donc, le leadership vient du gouvernement, on met sur place ce que les gens nous ont demandé, parce qu'ils nous ont demandé ça dans les régions.

M. Hébert (Michel): Une dernière en français, Valérie Lesage. Mme Lesage (Valérie): Je reviens sur les investissements, parce qu'on parle de 1,5 milliard sur cinq ans. Mais, par contre, vous parliez tout à l'heure de 600 000 $ annuellement. Alors, sur cinq ans, ça ferait 3 milliards.

Une voix: 600 millions.

Mme Lesage (Valérie): 600 millions, pardon. Mais, sur cinq ans, ça ferait plus que ça si on met 600 millions annuellement. Alors, j'aimerais ça, comprendre, moi.

M. Landry: C'est parce que le rythme n'est pas exactement le même. Il y a des mises en place puis il y a des récurrences annuelles, et puis on fait l'addition au bout du processus.

Mme Goupil: En fait, quand on regarde les annonces qui ont déjà été faites...

Mme Gagnon (Katia): Au bout de la ligne, la récurrence et tout ça, ça fait combien d'argent sur tant d'années?

Mme Goupil: À partir des calculs qu'on a effectués, sur les cinq prochaines années, c'est de 1,5 milliard que l'on parle. Alors, ça, c'est très clair. Il y a des annonces budgétaires qui ont été faites avec l'énoncé budgétaire de Mme Marois, avec des mesures qui ont déjà été annoncées, et on sait que c'est près de 1,3 milliard sur les trois prochaines années.

Mme Gagnon (Katia): Juste une précision, là, 1,5 c'est en plus du 1,3?

Mme Goupil: Tout à fait, tout à fait. Alors, c'est une concentration...

M. Landry: Il peut avoir une année où on va pouvoir en mettre 150 millions puis, l'année d'après, 250 millions. Alors, ce n'est pas par tranches égales annuelles, c'est suivant la mise en place des programmes et des besoins.

Mme Goupil: Et de notre capacité collectivement aussi à répondre à tout cela. Alors, il est évident que, lorsqu'on regarde les prestations que nous versons aux personnes, de dernier recours, on a eu une réduction au cours des années. Les sommes d'argent, nous les avons utilisées pour être capables de soutenir les gens dans la formation. Alors, il est évident que s'il y a moins de personnes qui sont prestataires et qu'on investit les sommes, c'est ce qu'on a fait comme choix puis ça a donné des résultats. Et parfois, aussi, on regarde des personnes qui se retrouvent dans une situation où, lorsqu'ils gagnent un peu plus, on va leur permettre justement de conserver ce qu'ils ont pour qu'ils aient un incitatif et qu'ils se sortent de cette pauvreté-là, qui, souvent, sont plafonnés, quand on parle de la poche de pauvreté. Parce qu'ils ont augmenté leur revenu, ils perdent parfois un programme. Alors, comme on veut avoir une intégration complète, bien, on veut que chaque personne qui va faire les efforts pour s'en sortir ne soit pas dans une situation pénalisante mais, au contraire, que, lorsqu'il se sort la tête de l'eau, bien, on le soutient puis on l'accompagne, puis il n'est pas pénalisé.

M. Hébert (Michel): Kevin...

M. Landry: Je voudrais ajouter deux éléments de macroéconomie à ça, qui nous ont aidés dans notre décision. Premièrement, tout cet argent réparti généralement est mis en circuit économique dans les semaines qui suivent l'émission du chèque. Alors, sur le plan macroéconomique, cette dépense-là a un effet de stimulation de l'économie. Et le deuxième élément macroéconomique, c'est que, la pauvreté, elle coûte cher, pas rien qu'en aventures et mésaventures humaines, elle coûte cher en argent parce que c'est avec la pauvreté qu'on retrouve souvent la maladie et d'autres misères humaines. Alors, une lutte contre la pauvreté est aussi une opération macroéconomique.

Mme Gagnon (Katia): Juste une dernière question, Mme Goupil, si je peux me permettre. Les groupes, là, comme le Collectif, par exemple, la Fédération des femmes, vous demandaient d'imposer une espèce de barème plancher à l'aide sociale, un seuil en bas duquel on ne peut pas descendre en termes, bon, de coupure de chèque et tout ça si la personne ne participe pas à des mesures d'employabilité. Pourquoi vous ne faites pas ça?

Mme Goupil: Bien, c'est parce qu'on a besoin de faire une intervention globale. Il y a des mesures spécifiques qui ont été apportées tout de suite. On parlait tout à l'heure de la réduction pour le partage du logement, il y a des mesures spécifiques qui ont été faites. L'indexation automatique, ça a été fait. Mais les personnes qui vivent cette situation de pauvreté, combien il y a de gens qui, aujourd'hui, perdent un emploi, ils ont parfois 45 ou 50 ans. Ils ne sont pas outillés pour faire face soit aux nouvelles technologies ou tout simplement à la nouvelle technologie leur permettant d'occuper un emploi. Alors, ces gens-là, ce qu'ils nous disent, c'est qu'on a besoin d'être soutenus et accompagnés, et ce n'est pas parce qu'on ne correspond pas à un programme qu'on ne peut pas avoir d'aide. Et comme on se retrouve avec un taux de natalité qui est extrêmement bas puis une population qui va se retrouver à la retraite massivement, on a besoin d'accompagner nos gens pour les soutenir.

Alors, plutôt que de faire... ça aurait été plus facile de dire à la pièce, une et l'autre, mais ce qu'on veut et ce qui nous a été demandé, et ce que les chercheurs ont dit: À l'étranger, quand on est allé voir, ils nous confirment qu'il faut avoir une intervention globale en prévention, meilleure sécurité, permettre aux gens de les soutenir au niveau de l'emploi et surtout que ça ne parte pas du niveau national constamment, mais qu'on soit capable de s'inspirer de ce qui se fait sur le terrain et la réinsertion sociale, c'est ce qui a permis à bien des gens aujourd'hui d'occuper un emploi rémunérateur et qui se situe au-delà du seuil de pauvreté.

Une voix: Oui, je comprends...

M. Hébert (Michel): En anglais, Kevin Dougherty.

M. Landry: Le barème plancher, c'est du mur-à-mur et les spécialistes, et les gens qui regardent ça de façon pointue et qui sont vraiment favorables à la réinsertion disent que ce n'est pas la meilleure méthode. Il faut se garder une souplesse d'opération.

M. Dougherty (Kevin): That's a good answer. Ha, ha, ha! I'm not sure on the money but you said talking about $600 million, new money or $1,5 million, new money a year.

M. Landry: Not a year. Globally, into ...1.28 the recurrence of the measure.

M. Dougherty (Kevin): How much new money a year then?

M. Landry: It will vary but the total will be 1.5.

M. Dougherty (Kevin): For how many years then?

M. Landry: Five.

M. Dougherty (Kevin): O.K. ...1.42 my question. I just want to know to what extent were you inspired by the Mario Dumont's proposal for a guarantee annual income?

M. Landry: Not a fraction of a second nor the substance nor the mediatic effects because we are working over that at the time when Mario was at 8 % in the polls. So, those things have been announced in the opening speech, have been announced in my address before accepting to be the successor of Lucien Bouchard. Jean Rochon did work lot over that, my three colleagues here met thousands of people on the ground, in the field and anyhow, we started that fight against poverty into 2002 in the budget, in the «exposé budgétaire» supplementary and so on. It's an ongoing operation. We have already spent more than $1.5 billion, and we go on. Now, that thing must be established on solid basis and I think the facts are there. So we were a little bit sorry to see that some were attributing the ...3.02 intellectual efforts of my colleague and their work in the field to variation in political pose. Frankly, it's not the case. An honest person must admit it.

M. Hébert (Michel): John Grant.

M. Grant (John): Mr. Landry, you said that your colleagues have consulted thousands of people over a number of years. You know roughly how much money you have. Why are you waiting? Why not do it now?

M. Landry: To start with, because we have to work with the National Assembly, have the law, have other consultations over more detailed proposals and that will be done during the summer and in the regular process of adoption of the law.

M. Grant (John): Are you afraid that you don't have a consensus?

M. Landry: Pardon me!

M. Grant (John): Are you afraid that you don't have a consensus in the society for this?

M. Landry: We have a large consensus but nothing is perfect.

Le Modérateur: Rhéal Séguin.

M. Séguin (Rhéal): Mr. Premier, it's taken you 14 months to elaborate a detailed strategy to combat poverty in Québec. Can we expect the same strategy on sovereignty over the next few months?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: I will have a special and dedicated press meeting to answer that order of question. We are on fight against poverty. But, ultimately, sovereignty could be a good instrument also because we're losing 50 millions dollars a week in the hands of the federal Government at the moment. And with the recuperation of all our means, the «congé parental» particularly would be already done.

Le Modérateur: Une dernière question, Jessica Brando.

Mme Brando (Jessica): M. Landry, this all sounds good but I'm wondering if you can tell us what are the concrete things that are going to be... what you can tell to people living under the poverty line? What are the first things that they're going to receive?

M. Landry: They already have concrete measures that have been announced by Mme Marois...

Mme Brando (Jessica): But in this new legislation.

M. Landry: ...in the last exposé and months after months. During summer, we will have more accurate discussions and during fall, but, over the five years to come, you see'll the means, yes, «revenu de solidarité» particularly. About when, «revenu de solidarité»?

Mme Léger: 60 jours après l'adoption de la loi.

Mme Goupil: L'adoption de la loi à l'Assemblée nationale.

M. Landry: It is 60 days after the adoption of the bill, «revenu de solidarité».

Des voix: ...

M. Landry: To be the more advanced in the occidental world, in term of fight against poverty, yes, it takes consultation, it takes time, it takes weeks and months but the result is already partially there and will be more and more there.

M. Hébert (Michel): Donc, possiblement tout ça sera mis en place pour 2003.

M. Landry: Bien, une grande partie.

(Fin à 12 h 31)