Point de presse de Mme Françoise David, députée de Gouin
Version finale
Le mardi 28 mai 2013, 13 h 44
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Treize heures quarante-quatre minutes)
Mme David: Alors, bonjour, tout le monde. Je suis accompagnée aujourd'hui d'une humble patate, oui, que j'ai reçue du Collectif pour un Québec sans pauvreté. En fait, l'ensemble des députés en ont reçu, de même que la ministre Agnès Maltais. Cette patate, en fait, vient dire, de la part du collectif, que, selon eux, selon lui, la ministre fait patate.
Moi, je dirais, après avoir écouté le point de presse de la ministre, puis je lui dis respectueusement - et je sais qu'elle a le sens de l'humour, Mme Maltais - je pense que ce qu'elle vient de nous annoncer montre qu'elle est un tout petit peu dans les patates et qu'en fait sa longue conférence de presse n'était qu'un pétard mouillé. Je suis vraiment obligée de dire ça parce que j'étais suspendue à mon crayon. Toute la première partie, qui portait sur les coupures, les mesures d'employabilité, etc., était du réchauffé. Je savais, nous savions à peu près tout ce qu'elle a dit, à l'exception peut-être du fait que, pour les gens de 54 à 58 ans, là, bon, les gens qui auront bientôt 55 ans, la mesure est reportée au 1er juillet plutôt qu'au 1er juin. Mais, je pense, ça ne méritait pas forcément une conférence de presse.
Donc, je pense que j'étais comme vous, hein? Avec mon crayon, avec mon stylo, j'attendais. Elle fait quoi pour les personnes seules? Parce que l'annonce avait été très claire en avril: Je vais améliorer le sort des 85 000 personnes seules à l'aide sociale qui, il est vrai, ne couvre que 51 % de ce qu'on peut appeler le panier d'épicerie, là, les besoins de base. Et finalement la seule annonce qu'on a, c'est qu'à la rentrée, en septembre, il y aura une panoplie de ministères qui, tous ensemble, vont nous annoncer quelque chose dont on ne connaît pas l'ampleur. Et on ne sait surtout pas s'il y aura augmentation réelle des prestations de ces gens-là, ce qui fait que je ne peux pas faire autrement que d'appeler ça un pétard mouillé. Je trouve ça vraiment dommage. La ministre avait créé quand même un certain espoir, hein, chez 85 000 personnes. Ce n'est pas rien. Et puis là, bien, ces gens-là sont obligés de se dire: On va attendre en septembre et puis, là, peut-être qu'on va daigner nous annoncer une mesure qui, je l'espère, sera substantielle parce qu'on n'en est plus aux amuse-gueules, là. Il faut qu'on arrive avec le plat de résistance.
Un mot seulement, malgré tout, sur toute cette histoire d'employabilité. Le problème là-dedans, c'est qu'il y a les apparences puis il y a la réalité. Moi, je ne doute pas de la sincérité de la ministre. Sortir les gens de la pauvreté par un accès à l'emploi, mais qui peut s'objecter à ça? En tout cas, moi, je ne m'y objecterai certainement pas. Dire qu'il y a des gens qui n'ont pas été rencontrés depuis longtemps, qu'il faudrait aider, à qui on pourrait proposer des voies de sortie de pauvreté, pas de problème. Pourquoi est-ce qu'on commence par les couper? Je reviens toujours avec la même question.
Et là, oui, il y a une commande du Conseil du trésor. Je pense qu'il faut être au clair là-dessus, là. Je pense que la ministre, comme l'ensemble des ministres de tous les ministères que j'ai pu côtoyer depuis quelques mois ont reçu la même commande: Vous allez couper parce qu'il faut atteindre l'équilibre budgétaire. Et, bon, vous connaissez le discours là-dessus. Or, c'est ça que je continue de trouver extrêmement dommage et certainement pas le fait qu'on veuille rencontrer des gens et les aider à trouver un emploi qui est peut-être réel ou peut-être hypothétique aussi, il faudra voir.
Je termine en disant simplement que, par exemple, s'il est vrai que maintenant la majorité des personnes ayant plus de 55 ans, dans l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise est au travail jusqu'à 58, 59 ans, c'est vrai, ces personnes-là sont des gens qui avaient déjà un emploi et restent à leur emploi. J'espère pour eux qu'il est intéressant et bien rémunéré. Il y a des gens qui ne peuvent pas quitter à 55 ans parce que, de toute façon, la retraite, c'est à 65 ans puis ils n'ont pas les moyens de quitter un emploi. C'est assez normal qu'ils restent à l'emploi.
Il est vrai aussi que parfois il y a des gens qui retournent à l'emploi après avoir quitté quelques temps, parce que finalement ils manquent d'argent, et puis ils s'ennuient, et puis ils ont toutes les qualifications nécessaires pour occuper un emploi. Donc, je ne nie pas que cela soit possible, loin de là.
Maintenant, qui sont les personnes, en ce moment, là, qui ont de 55 à 58 ans, à l'aide sociale? L'immense majorité sont des hommes seuls qui n'ont pas complété leur secondaire V et, pour un bon nombre, sont à l'aide sociale depuis 10 ans. Alors, vous imaginez la difficulté que ça représente d'aller trouver un emploi rémunéré décemment, à durée indéterminée. Franchement, là, vous posez la question à des employeurs: entre une personne qui est déjà à l'emploi, qu'on voudrait conserver plus longtemps, qui a toutes les qualifications requises et une personne comme celle que je viens de vous décrire, qui est-ce qu'on va engager?
Donc, je suis obligée de dire à la ministre que ça demeure une contrainte temporaire à l'emploi, le fait d'avoir 55 ans, quand on est à l'aide sociale. C'est ça la variable qu'elle oublie tout le temps de dire. Et pourtant, les chiffres que je vous donne sur la situation réelle de ces personnes-là, je les ai pris dans son ministère. Donc, elle connaît très bien la situation, Mme Maltais.
Alors, moi, j'espère que dans quelques mois, malgré tout, on pourra dire quand même qu'il y aura des personnes qui auront réussi à trouver un emploi. J'attends de voir, on fera le bilan à ce moment-là. Mais je continue de répéter que cette coupure n'est pas nécessaire, que le gouvernement devrait y renoncer parce que la seule raison d'être de la coupure, c'est l'atteinte de l'équilibre budgétaire et c'est cette idée que chacun, chacune doit faire sa juste part, y compris les plus pauvres, mais en faisant surtout bien attention aux plus riches.
M. Lessard (Denis): Comment on peut parler de coupures, Mme David? Parce que c'est une prestation de 129 $ qui disparaît mais qui est remplacée par une autre de 195 $, qui, on comprend maintenant, va se prolonger à perpétuité. S'il n'y a pas d'emploi au bout, on prolonge les mesures d'employabilité, et puis le prestataire reste avec son allocation spéciale de 195 $. Donc, il n'y a pas de compression là, là.
Mme David: Premièrement, il y a des compressions. Vous le savez très bien, c'est une commande du président du Conseil du trésor. Je vous l'ai entendu dire en conférence de presse, il y a une compression de 19 millions. Mais l'argent qui est mis dans les prestations, l'allocation additionnelle, là, pour les gens qui vont suivre les mesures d'insertion en emploi vient d'Emploi-Québec, bon. Et là il y a de l'argent étatique puis il y a de l'argent de d'autres partenaires. Il y a vraiment une sorte de jeu de vases communicants dans tout ça.
Et, pour répondre plus directement à votre question, c'est évident qu'à partir du moment où une personne est vraiment participante à une mesure... Et j'ai bien hâte de voir, moi, ça serait une grande première dans l'histoire du Québec puis de tout ce que moi, j'ai vu depuis 20 ans, là, que vraiment, là, au bout de six mois après la fin de la mesure, on lui en offre immédiatement une autre, là, pour qu'il n'y ait pas de délai, qu'il n'y ait pas de coupure, que tout aille bien et qu'on va le faire jusqu'à temps qu'elle retourne sur le marché du travail. J'ai bien hâte de voir ça.
Mais, mettons que ce soit vrai. Dans ce cas-là, évidemment, oui, la personne, elle a 190 $ par mois au lieu de 129 $. Je ne le nie pas. Mais il y a deux choses. La première, c'est la ministre prend l'engagement solennel, document à l'appui, de rencontrer tout le monde. Encore là, moi, je n'ai pas encore compris que cet engagement s'appliquait immédiatement, qu'on allait voir vraiment toutes les personnes avant qu'elles soient coupées, qu'on allait faire toute la démarche qu'elle vous a longuement expliquée, une démarche que, moi, je connais, là, hein, de lettres, de téléphones, de... Après ça, il faut les rencontrer, il faut faire un plan personnalisé. Tout ça, ça ne se fait pas en 10 minutes, là. Donc, ça peut prendre un mois, deux mois, trois mois pour que, vraiment, on ait trouvé la bonne mesure pour la bonne personne. Elle est coupée pendant ce temps-là, la personne. Elle n'a pas encore le 190 $.
Et finalement, ironiquement, je me disais: Pour les gens qui ont plus de 54, 55 ans - parce qu'elle les prend juste avant qu'ils arrivent à 55 ans - c'est bien beau de dire: Les mesures d'insertions seront indéfinies, puis, tout ça, c'est pour aller sur le marché du travail. Mais ça sert à quoi au juste, si c'est vrai, d'avoir quelqu'un pendant deux ans sur des mesures d'insertion de travail? La personne, à travers tout ça, elle finit par avoir 57 ans, et puis, un an plus tard, bien, dans le fond, si c'est une personne, comme ce qui arrive souvent à l'aide sociale, en détresse psychologique, fatiguée, malade, pas bien, etc., mais pas assez pour être dans la catégorie contrainte sévère à l'emploi, bien, il se peut fort bien qu'à 58 ans, de toute façon, elle n'ait pas trouvé d'emploi, elle ait fait toutes ces mesures-là un peu pour rien et, finalement, bien non, elle n'a pas d'emploi. Puis là, bien, elle revient à la prestation régulière.
Donc, je ne sais pas. Je ne comprends pas cette idée de couper. Qu'on commence par offrir les mesures, qu'on les offre vraiment, avec ce que la ministre dit, engagement de rencontrer tout le monde, très bien, et on maintient l'allocation de contrainte temporaire jusqu'à temps que la personne soit dans la mesure et reçoive l'allocation de 190 $. Ça, ça aurait été la méthode par étapes, là, qui, à mon avis, produirait tout autant de fruits que de commencer par couper. Il n'y a pas d'autre rationnel à la coupure que l'équilibre budgétaire. Il n'y en a pas d'autres.
Mme Biron (Martine): Dans le contexte, justement, des compressions budgétaires, est-ce que vous y croyez à l'augmentation des prestations pour personnes seules?
Mme David: La vraie réponse, là, c'est que je veux y croire. J'ai de la difficulté, mais je veux y croire, parce que, oui, 85 % de personnes seules... et je vous dirais aussi les couples sans enfants, dont on ne parle jamais, mais il y en a à l'aide sociale. Eux, ils sont à 56 % de ce qu'on peut appeler le panier de consommation, là, qui couvre seulement les besoins de base: logement, nourriture, électricité, transport. C'est tout, O.K.? Donc, 51 %, les personnes seules; 56 %, les couples sans enfants.
Une vraie augmentation de prestation, là, c'est de l'argent. Je vous donne un exemple, on l'a calculé: Si on passait de 600 $ à 700 $ par mois pour les personnes seules, c'est 100 millions par année de plus à l'aide sociale. Avec ce qu'on connaît de l'obsession gouvernementale à atteindre l'équilibre budgétaire d'ici maintenant moins d'un an, j'ai quelques doutes. Et je n'ai pas envie du tout qu'à la rentrée, après tout ce grand flafla, là, finalement, l'annonce, ça soit 20 $. Tu sais, ça ne serait pas sérieux, là.
Donc, moi, j'invite vraiment la ministre et toute la panoplie des ministères qui, semble-t-il, vont être concernés en septembre...
Mme Biron (Martine): C'est presque 20 millions, ce n'est pas loin de 20 millions.
Mme David: Oui, mais de deux choses l'une, là. Il faut être ...
Mme Biron (Martine): Vous pensez que le gouvernement a les moyens de faire une augmentation qu'il a qualifiée de substantielle?
Mme David: Le gouvernement a décidé - vous l'avez lu dans les textes de M. Parizeau dernièrement - dès cette année, de rembourser 1 milliard à la dette publique.
Moi, ça ne me dérangerait pas du tout qu'on prenne 100 millions pour augmenter le sort des plus pauvres de la société, franchement, là, premièrement, parce qu'on agit avec des personnes en assurant leur dignité, ce qui n'est pas rien. Puis, si on veut à tout prix parler d'économie, savez-vous que plus les gens sont pauvres, plus ils sont sujets à toutes sortes de maladies? On les retrouve dans le système de santé, ils coûtent cher. Il y a plein de chercheurs qui ont fait des études là-dessus. Investir dans la lutte à la pauvreté, c'est économiser. Ça, il faut le dire, et le redire, et le redire. Moi, je préfère parler d'abord de dignité, je trouve que c'est plus important.
M. Corbeil (Michel): Sur un autre dossier, le tabac, est-ce que vous êtes d'accord pour resserrer la loi, entre autres l'interdiction de fumer dans les autos? Les groupes antitabac ont fait une sortie aujourd'hui...
Mme David: O.K. Vous me l'apprenez. Laissez-moi le temps de réfléchir à tout ça, je vous reviendrai.
M. Dougherty (Kevin): I guess, in English. Are you happy with what Mme Maltais is proposing now?
Mme David: No, because, in fact, she doesn't propose anything new, any increase of the benefits for people on welfare, any increase and she announced that a few months ago for persons who are alone, and we have nothing today. And she continues to cut a little benefit for people who have 55-year-old or for parents with young kids. Yes, she says that she will meet each people who need any kind of measure to finally go to work, but that is not new, she said that since February. So, for persons who are alone, she creates «espoir»...
Des voix: Hope.
Mme David: Oui. She created hope in April and now she says it will be in September, and we don't have any sign of a real increase of the benefits for these people. So, no, it's not a good day for people on welfare.
M. Dougherty (Kevin): She said that the problem is that the people who are opposed to this want a minimum wage of $18,000. Is that your position?
Mme David: Could you repeat the question?
M. Dougherty (Kevin): Un salaire minimum de 18 000 $, c'est ça qu'elle dit que les opposants veulent, un salaire de 18 000 $ par année.
Mme David: O.K. Est-ce que je peux répondre en français?
M. Dougherty (Kevin): Oui.
Mme David: Dans le fond, étant donné que vous écrivez votre texte... À Québec solidaire, on propose un salaire minimum qui permet aux gens de sortir vraiment de la pauvreté, donc qui leur permet d'accéder au seuil de faibles revenus. On ne met pas de chiffre parce que ça varie selon les années. Là, pour le moment, je pense qu'on est rendu à 10 $ l'heure depuis le 1er mai, si je ne me trompe pas.
Une voix: 10,15$
Mme David: Ou 10,15 $. C'est sûr que c'est une amélioration par rapport à ce qu'on vivait il y a quelques années. En fait, je n'ai qu'un seul compliment à faire au gouvernement libéral durant toutes les années où il a été au pouvoir, c'est qu'il a augmenté le salaire minimum davantage que le PQ. Ça, je suis obligée de le reconnaître. Pour le reste, ça a été une catastrophe, mais ça, il l'a fait.
Donc là, on est à 10,15 $, mais 10,15 $, en 2013, si vous travaillez 40 heures-semaine, bon, ça fait un peu plus de 400 $ par semaine, moins les impôts. Mais savez-vous que la majorité des gens au salaire minimum ne travaillent pas 30 heures-semaine? Pas parce qu'ils ne veulent pas, mais parce que c'est ce qu'on leur offre. Donc, s'ils ont, je ne sais pas, à la fin de la semaine, 300 $, on n'arrive pas avec ça.
Alors, oui, il y a un bon nombre de groupes communautaires qui réclament un salaire minimum plus élevé. Moi, je pense que c'est parfaitement logique. Mais ça n'est pas, franchement, le sujet de la discussion lorsqu'on parle, en ce moment, d'aide sociale. Moi, je trouve qu'il y a un petit peu de diversion là-dedans. De ce que, moi, j'ai entendu, là, j'ai lu beaucoup, j'ai entendu beaucoup les groupes depuis février, ce qu'ils demandent essentiellement à la ministre, c'est de ne pas procéder aux coupures annoncées, d'y aller vraiment avec beaucoup d'enthousiasme avec toutes les mesures qu'elle propose pour rencontrer les gens, offrir des mesures d'employabilité, offrir des emplois, etc. Tout le monde est d'accord avec ça. Mais ce contre quoi les groupes d'objectent, ce sont les coupures. Voilà. Merci.
(Fin à 14 h 1)