L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Actualités et salle de presse > Conférences et points de presse > Forum national sur le déséquilibre fiscal

Recherche avancée dans la section Actualités et salle de presse

La date de début doit précéder la date de fin.

Forum national sur le déséquilibre fiscal

Événement spécial

Version finale

Le mardi 8 octobre 2002, 9 h 34

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Neuf heures trente-quatre minutes)

M. Garneau (Richard): Bonjour, mesdames, messieurs. Nous espérons que vous avez passé une très bonne nuit et une très bonne soirée, et bienvenue à cette deuxième journée du Forum national sur le déséquilibre fiscal.

Après avoir abordé hier la problématique globale du déséquilibre fiscal et de ses conséquences, le Forum abordera aujourd'hui les perspectives que représenterait la correction du déséquilibre fiscal pour l'État québécois. La séance d'aujourd'hui sera constituée de trois volets consacrés respectivement à la santé, à l'éducation et au soutien à la famille. Dans la foulée de la motion unanime de l'Assemblée nationale sur le déséquilibre fiscal, les ministres d'État à la Santé et aux Services sociaux, à l'Éducation, et à la Famille et à l'Enfance viendront tour à tour présenter les grandes orientations auxquelles seraient consacrées toutes sommes récupérées du gouvernement fédéral si l'on corrigeait le déséquilibre fiscal. Pour chaque partie consacrée à un secteur, tout participant disposera d'un temps de parole de trois minutes maximum pour exprimer la position de l'organisme qu'il représente. Chaque chef d'un parti politique siégeant à l'Assemblée nationale dispose d'un temps de parole de quatre minutes qu'il peut utiliser en tout temps en s'adressant à l'animateur, et, à la fin de chaque secteur, le ministre aura deux minutes pour réagir aux commentaires.

Après les présentations du ministre responsable, les secteurs de la santé et de l'éducation disposeront respectivement d'un bloc de 90 minutes. Nous ajournerons nos travaux vers 12 h 30 pour reprendre ceux-ci à 14 h 30 et poursuivre avec le secteur de la famille pour une période de 30 à 45 minutes. Enfin, ce sera la séance de clôture du Forum et chaque participant disposera alors d'un temps d'intervention de deux minutes, suivie par la suite et dans l'ordre par M. Mario Dumont, chef de l'Action démocratique du Québec, de M. Jean Charest, chef de l'opposition officielle à l'Assemblée nationale, et de M. Bernard Landry, premier ministre du Québec.

J'invite maintenant le ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux à faire sa présentation en vue d'amorcer la discussion sur le volet de la santé. M. le ministre.

M. Legault (Rousseau): Oui. M. le premier ministre, membres du Conseil des ministres et de l'Assemblée nationale, distingués représentants de la société civile, M. Garneau, mesdames, messieurs. Si nous sommes rassemblés ici aujourd'hui pour discuter de déséquilibre fiscal, c'est en grande partie à cause de l'enjeu de la santé. On assiste au Québec, et on l'a vu hier, à une croissance annuelle moyenne de plus de 5 % des coûts de système de la santé, alors que les revenus de l'État québécois n'augmentent que de 2 à 4 % par année. Donc, pas besoin d'avoir fait un M.B.A. pour se rendre compte que le Québec fait face à un problème structurel de financement de son réseau de santé. Et, je l'ai dit lorsque j'étais ministre de l'Éducation et je le répète comme ministre de la Santé, je pense que ce serait irresponsable de régler les problèmes de financement en santé au détriment des autres grandes missions de l'État québécois, en particulier l'éducation.

Rassurons-nous cependant, le problème n'est pas propre au Québec. Les autres pays occidentaux sont aussi confrontés à l'accroissement exponentiel des soins de santé et les autres provinces canadiennes font également face à cet enjeu. Il y a quelques semaines, j'étais à Banff avec les ministres de la Santé des autres provinces et j'ai pu voir que la préoccupation se retrouve dans toutes les provinces. D'ailleurs, nos voisins ontariens sont particulièrement préoccupés, puisque la santé publique représente cette année plus de 47 % du budget de la province de l'Ontario. D'ailleurs, le ministre de la Santé de l'Ontario, Tony Clement, m'a offert de venir ici comme conférencier pour justement défendre le déséquilibre fiscal ou l'importance de régler ce déséquilibre fiscal.

Or, ce problème structurel de financement ne découle pas de la nature publique de notre système de santé. Si tel était le cas, l'accroissement des dépenses en santé serait beaucoup moins important aux États-Unis. Or, on le sait, la situation est pire chez nos voisins américains, où les coûts de système en santé augmentent de 11 à 13 % par année.

Bien sûr, le fonctionnement de notre système de santé doit être amélioré. Nous, du milieu de la santé – et il y en a plusieurs ici aujourd'hui, médecins, infirmières, cadres – avons encore des devoirs à faire. On aurait cependant tort de croire que ce problème structurel de financement n'est lié qu'à un problème de gestion de notre réseau. Les vraies raisons de l'explosion de nos coûts sont bien connues et elles sont partout présentes dans le monde: Il y a d'abord l'impact du vieillissement de la population – et, en ce sens, c'est aussi un débat d'équité entre les générations – il y a ensuite l'augmentation des coûts des nouveaux équipements et des nouvelles technologies – on soigne mieux, mais ça coûte plus cher – et il y a enfin l'accroissement du coût des médicaments, et les gouvernements ont peu d'emprise sur ces facteurs externes.

Lorsque M. Cadieux hier, de l'AHQ, nous parlait de ce qui se passe, en pratique: Cette année, on a dit aux hôpitaux: Vous avez une augmentation de vos budgets de 2 ou 3 %. Or, avec raison, les directeurs généraux des hôpitaux nous ont répondu: C'est bien beau, 2, 3 %, on peut couvrir les augmentations de salaires, les progressions d'échelon, mais qui va payer pour l'augmentation des médicaments de plus de 10 %? Qui va payer pour l'augmentation de volume de plus de 1 % qu'on retrouve dans les établissements? Qui va payer? C'est là qu'est le dilemme, et on ne peut que répondre à chaque année: Il faudra être plus efficace, gérer mieux. Mais, à un moment donné, cette approche a des limites.

Or, au Québec, nous savons ce qu'il faut faire pour rétablir notre système de santé. Grâce aux recommandations du rapport Clair, nous connaissons les pistes d'avenir, et les bases d'un système rénové sont à portée de main. Les principes qui doivent nous guider sont simples:

1° réinvestir en première ligne: garantir l'accès à un médecin de famille à toutes les Québécoises et à tous les Québécois, quelle que soit la région, l'heure du jour ou de la nuit, notamment en accélérant la mise sur pied des groupes de médecine familiale et en uniformisant les services rendus par tous les CLSC à travers le Québec;

2° assurer de meilleurs soins, surtout à domicile, à nos personnes âgées – avec le vieillissement de la population, des mesures urgentes s'imposent;

3° réduire les listes d'attente, et en s'assurant que le personnel requis est disponible et en dotant nos centres hospitaliers des ressources et des équipements nécessaires aux soins appropriés; et enfin

4° miser sur la prévention, parce que la meilleure assurance contre la maladie – et c'est un ancien premier ministre qui le disait – c'est la santé, et il faudra trouver des moyens pour que nos jeunes et nos moins jeunes fassent plus d'exercice, il faudra également tenter de prévenir, par toutes sortes de moyens ciblés, certaines maladies chroniques.

Mais, pour faire face au défi du vieillissement et de l'accroissement des coûts de système, pour mettre en oeuvre les mesures que je viens d'esquisser, il va falloir plus de moyens. Or, lorsqu'on cumule les impôts et les taxes que paient les contribuables québécois aux deux paliers de gouvernement, on se rend vite compte que la priorité que constitue la santé pour une majorité de Québécois et de Québécoises n'est pas respectée, et, lorsque le fédéral promet de s'en occuper, on a souvent des raisons de croire que les compétences des provinces ne seront pas respectées. On a déjà trop vu de fonds et de fondations du gouvernement fédéral par le passé.

Or, il faut clarifier les enjeux et ne parler que d'une seule voix sur cette question cruciale. Le déséquilibre fiscal n'est pas un enjeu partisan au Québec. L'enjeu du déséquilibre fiscal, c'est beaucoup plus qu'une simple question administrative, beaucoup plus qu'une affaire de finances publiques, beaucoup plus qu'une chicane de compétences entre Ottawa et Québec. L'enjeu du déséquilibre fiscal est avant tout social. On ne peut pas rester les bras croisés. Il y a urgence d'agir. Il s'agit pour le gouvernement du Québec d'offrir des services essentiels à des gens dans le besoin.

Donc, au Québec, on ne peut pas accepter qu'Ottawa accumule les surplus pendant que certaines listes d'attente ne cessent de s'allonger ici au Québec. On ne peut pas laisser le gouvernement fédéral mettre son argent dans Patrimoine Canada pendant que de plus en plus de personnes âgées doivent recevoir des soins. Donc, les porte-parole du gouvernement fédéral doivent savoir que le Québec est aujourd'hui déterminé à aller jusqu'au bout. Merci.

M. Garneau (Richard): Merci, M. Legault. Nous vous invitons maintenant à intervenir. Je vous signale – vous allez le voir ici – que vous avez trois minutes, maximum. Quand vous verrez la petite lumière jaune, ça veut dire qu'il reste une minute et, quand vous voyez la lumière rouge, malheureusement, j'aurai la triste tâche de vous interrompre. Alors, je pense que Mme Wheelhouse a demandé la parole et ensuite M. Cadieux, M. Adam, pardon.

Mme Wheelhouse (Jocelyne): Merci beaucoup, bonjour. Alors, pour la Centrale des syndicats du Québec, il y a un préalable fondamental qu'on souhaiterait, c'est-à-dire qu'il soit inscrit dans la loi québécoise les principes de la loi canadienne, c'est-à-dire les principes d'accessibilité, d'universalité, d'intégralité, de transférabilité et de caractère public. Et les interdictions de surfacturation et de réclamation des frais doivent aussi faire partie de cette déclaration-là. Ce serait effectivement très rassurant et cela témoignerait d'un engagement clair à vouloir les préserver.

Alors, quant aux priorités qui ont été énoncées par M. Legault, il y a beaucoup de ces priorités-là avec lesquelles on est en accord, c'est-à-dire que la prévention et l'accessibilité aux services de première ligne doivent être mises au coeur des priorités. En ce sens-là, les ressources mandatées pour réaliser les activités de prévention doivent obtenir les sommes appropriées; l'harmonisation de l'offre commune des services en CLSC, que ça ne se traduise pas, en aucun cas, par un nivellement par le bas; que le développement futur des groupes de médecine familiale respecte les obligations du modèle initial, c'est-à-dire un lien contractuel avec les CLSC du territoire; que le niveau des services offerts maintenant en CHSLD soit accru afin de répondre à la totalité des besoins; le développement des services à domicile – vous en avez parlé – que ça atteigne un niveau de fonctionnement optimal d'ici quatre ans; et finalement que les services spécialisés de réadaptation jeunesse obtiennent les sommes nécessaires à la réalisation de leur pleine mission.

Et, concernant le personnel, alors, nul besoin de dire qu'on demande un rehaussement des conditions de travail par la mise en oeuvre de solutions d'abord à la pénurie de la main-d'oeuvre, à la surcharge de travail, à la rétention, à la valorisation aussi des collectifs de travail.

Alors, quand on répondra comme ça, adéquatement, à cet ensemble de besoins de même qu'on fera face aux pressions futures sur les coûts de santé, et vraiment, il y a une nécessité d'un réinvestissement autant en rattrapage et en développement.

Et, pour terminer, je dirais qu'hier on a eu un débat et qui visait aussi l'éducation populaire et une compréhension saisissable de la population en matière de fiscalité. Le gouvernement a réalisé d'excellentes campagnes qu'on peut voir, entre autres, sur le décrochage scolaire, la réussite, et tout. Et je pense à l'exemple du ministre Landry hier, en termes de financement en santé, qui est très, très parlant, le 0,14 $ par dollar investi. Il y a lieu là d'avoir une campagne d'éducation populaire en termes de message sociétal qui serait très, très pertinent. Merci.

M. Garneau (Richard): Merci. M. le premier ministre.

M. Landry: Oui. Mme Wheelhouse, puisque vous posez, dès le début de nos travaux, la question d'un principe fondamental, j'aimerais y répondre au nom du gouvernement. Globalement, le gouvernement du Québec souscrit aux grands principes de la Loi fédérale sur la santé. Ça peut vous étonner que je fasse cette constatation mais vous ne serez pas étonnée si je dis aussi que cette loi ne devrait pas être une loi fédérale. La santé, c'est de la juridiction des provinces et donc du gouvernement national du Québec. C'est absurde. Est-ce que le British Health System pourrait être géré à partir de Bruxelles? Personne ne pourrait avoir une idée aussi incongrue, n'est-ce pas, parce que la santé, c'est une question sociale, donc étroitement liée aux questions de particularismes nationaux.

Cependant, il y a des principes que les pays progressistes peuvent avoir en commun. Et ce sont les progressistes au Canada qui ont établi les principes de la loi canadienne, et les progressistes québécois généralement y souscrivent, et c'est le cas de notre gouvernement. Cela ne veut pas dire dans le moindre détail, puisqu'il y a des adaptations à faire pour notre société. Mais, quant à l'accessibilité, je crois que c'est une grande victoire des États avancés que d'avoir rendu les citoyens et citoyennes égales et égaux devant la maladie. C'est déjà assez pénible d'être malade, s'il faut que nos discriminations économiques nous suivent à l'hôpital, je pense que ce serait une régression grave.

M. Garneau (Richard): Alors, dans l'ordre, ce sera d'abord M. Adam, suivi de M. Hémond et de M. Vaudreuil. M. Adam.

M. Adam (Daniel): Merci. M. le premier ministre, M. le ministre, l'AHQ reconnaît, comme vous, la nécessité d'investir en prévention, d'une part, de consolider les services de première ligne, notamment par l'implantation des GMF, et d'accroître les services aux personnes âgées, par le rehaussement des soins à domicile et des soins de longue durée, et d'accroître également dans les hôpitaux nos actions pour diminuer les listes d'attente pour les opérations, les services diagnostiques. Et je pense qu'il faut établir également des délais médicalement acceptables et s'en tenir à ces délais-là.

Je pense qu'on doit aussi – et ça, c'est un volet que j'aimerais souligner – investir dans les immobilisations, les hôpitaux notamment – beaucoup d'hôpitaux sont dans un état de désuétude fort avancée parce qu'on a beaucoup coupé là-dedans – investir dans les équipements et investir également dans les technologies de l'information, qui sont le nerf de la guerre, pour comprendre un petit peu la façon dont le réseau marche. Je pense que l'ensemble de ces investissements-là, si on les a, vont aider les hôpitaux à se concentrer sur leur mission première de soins de courte durée et ça va aider au niveau des urgences.

Mais je pense que, dans toute cette opération-là, le gouvernement ne doit pas non plus oublier de rétablir la base de financement des établissements. Pour nous, la hausse des dépenses annuelles est de l'ordre de, vous l'avez souligné, 5 à 6 %, ça varie d'une province à l'autre. Vous avez souligné que ce n'est pas propre au Québec et que toutes les provinces sont touchées, c'est vrai. Et je vous rappellerai que l'Ontario, dans son dernier budget, a consenti une augmentation des budgets de la santé de 7,7 %, reconnaissant donc essentiellement le sous-financement.

Pour nous, l'écart entre le taux d'indexation consenti, dont vous avez parlé, 2,6 % en 2002-2003, et la croissance des coûts, qui dépasse évidemment la capacité de payer du gouvernement, ça risque ultimement de se traduire par des choix difficiles et ultimement par des coupures de services si on veut maintenir le budget du Québec équilibré. Et je pense qu'on comprend aujourd'hui pourquoi le réseau de la santé est en difficulté, que le personnel est essoufflé, démobilisé et, vous l'avez souligné également dans une récente intervention, qu'on tient, tout le monde, le réseau à bout de bras à l'intérieur de la santé.

Donc, en même temps qu'il faut développer des nouveaux services en amont et en aval de l'hôpital pour aider les hôpitaux à se concentrer sur leur mission première, je pense qu'il faut financer les établissements de manière à faire face à l'augmentation réelle des dépenses qu'on connaît à cause notamment des nouvelles technologies, du coût des médicaments, du vieillissement de la population et de l'augmentation des volumes. Et je pense que, nous, ce qu'on souhaite, c'est que, si la santé constitue une priorité pour le gouvernement, je pense qu'on doit reconnaître le sous-financement du réseau et le remettre à niveau. Et c'est pourquoi, nous, à l'Association des hôpitaux, on va appuyer le gouvernement dans le dossier du déséquilibre fiscal. Merci.

M. Garneau (Richard): Merci, M. Adam. M. Hémond maintenant, s'il vous plaît.

M. Hémond (Michel): Bonjour. À titre d'industriel, moi, je suis extrêmement mal à l'aise ce matin de voir qu'on dépense déjà ce qu'on n'a pas. Et, je reprends un peu les paroles de M. Massé, je pense qu'il ne faut pas rêver en couleur, on n'aura pas l'argent demain matin. Et je me demande, même si le débat est très important, parce qu'on ne peut pas ignorer la santé, l'éducation, les familles, c'est ce qu'il y a de plus important, qu'est-ce qu'on va faire si les gens s'entendent sur les dépenses et que l'argent n'est pas là. Et j'ai l'impression qu'on se tend un piège, là. Et, en tout cas, on va attendre, il va sûrement y avoir des frustrations à quelque part, parce que, si tout le monde s'entend à dire qu'on a des besoins partout et qu'on est en train de chiffrer ça et qu'on est en train de faire la mécanique de tout ça, puis qu'en bout de ligne on leur dit: Bah! il n'y a pas d'argent, il se passe quoi? Il faudrait peut-être, et, je pense, ce qui est important dans la discussion d'aujourd'hui, élargir l'ensemble des besoins, l'ensemble des dépenses et peut-être, là, parler d'équilibre. C'est peut-être une approche qui nous permettrait d'enrichir le débat.

M. Garneau (Richard): Alors, merci, M. Hémond. Ce serait au tour de M. Vaudreuil, ensuite de M. Audet et de Mme Gendron. M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): Merci. Alors, dans un premier temps, je voudrais vous dire que nous partageons le diagnostic du ministre Legault. Nous reconnaissons aussi l'acuité de la situation et l'urgence d'agir. Parce qu'au Québec je pense qu'il y a très peu de personnes qui n'ont pas, dans leur entourage ou dans leur famille immédiate, des histoires de personnes qui se sont heurtées avec des problèmes d'accessibilité du régime. Et puis ça évidemment, c'est une situation qui humainement et socialement est intolérable.

Il faut reconnaître aussi que le dossier de la santé, c'est un dossier qui est excessivement complexe, et puis qu'on ne pourra pas résoudre le dossier par un coup de baguette magique. Dans ce sens-là, les orientations apportées par M. Legault précédemment, nous les jugeons appropriées. Et je ne veux pas répéter, parce qu'on est d'accord, bon, avec les principes de la loi fédérale, je ne veux pas revenir sur certains éléments qui ont été soulevés sur la nécessité du réinvestissement mais je pense qu'il y a un élément sur lequel il faut porter un regard plus particulier, et, à ce moment-ci, ça n'a pas été soulevé, c'est toute la problématique de la démotivation qui existe parmi le personnel du réseau de la santé.

J'ai fait une tournée des CH, des CLSC, des CHSLD, dont les membres appartiennent à un syndicat qui est affilié chez nous, récemment et j'ai été étonné – parce que c'est souvent par des anecdotes comme ça qu'on saisit mieux la portée d'une situation. Je discutais avec des personnes qui étaient à la fin de la quarantaine, début de la cinquantaine et, après quelques minutes, la majorité me parlait du nombre de mois qu'il leur restait avant de prendre leur retraite, alors qu'ils sont dans les plus belles années de leur vie. Ils ont de l'expérience, ils ont un potentiel qui est très grand, et, moi, je trouve malheureux puis inacceptable qu'on se retrouve dans des situations comme ça dans le réseau de la santé et des services sociaux. Puis, à cet égard-là, je pense qu'il faudrait, à travers toutes les orientations qui sont définies ici, établir une priorité additionnelle, qui est celle de la motivation, de la valorisation du personnel, parce que je trouve ça très triste, parce que c'est du personnel qui s'investit.

Puis d'ailleurs, quand on regarde le résultat des sondages de la population, la population est très satisfaite des interventions qui sont faites par les gens qui travaillent dans le réseau, mais il faudrait travailler à améliorer la motivation de ces gens, de valoriser encore plus pour redonner un véritable sens à leur travail. Merci.

M. Garneau (Richard): Merci, M. Vaudreuil. M. Audet.

M. Audet (Michel): Oui. Dans un peu la foulée de ce que vient de dire Michel Hémond, on pressent un certain malaise non pas sur la nature des besoins exprimés aujourd'hui, mais sur le lien, une sorte de non sequitur, entre le débat d'hier sur la difficulté même de rencontrer nos obligations actuelles et maintenant cette grand-messe qu'on va faire ce matin sur tout ce qu'on pourrait faire finalement avec beaucoup plus d'argent, et je m'explique.

Hier, il y avait un tableau que Mme la ministre des Finances a présenté qui est très significatif. On y indiquait: Les impôts sont suffisamment élevés au Québec et au Canada. On aurait dû dire «suffisamment élevés au Canada et trop au Québec», puisque l'écart de 4 % dont il est question, en proportion du PIB, un PIB de 200 milliards, 4 %, c'est 8 milliards d'impôts par rapport à la moyenne canadienne, incluant le Québec. Si, pour des fins de figure, on excluait le Québec, l'écart serait encore plus élevé, donc serait peut-être de 5 ou 6 %, donc une dizaine de milliards d'écart par rapport à la fiscalité moyenne canadienne comme ponction fiscale. On ne peut pas s'embarquer dans une déclaration, s'embarquer dans un processus sans avoir en tête cette situation, qui est très sérieuse, très grave puis qui fait que... J'ai exprimé hier des chiffres concernant l'impôt des particuliers, on aurait pu prendre la taxe sur le capital, on aurait pu prendre d'autres... qui font que le Québec effectivement se démarque par sa fiscalité plus lourde.

Je comprends qu'on a des services, on peut toujours dire ça, mais concrètement, nous, on voudrait certainement, du côté patronal, que ça se reflète un peu plus également dans les préoccupations à venir et possiblement dans le consensus, que c'est un enjeu auquel il faut s'attaquer. Parce qu'on a l'impression aujourd'hui de s'associer à une démarche où tout le monde va nous dire qu'il faut dépenser plus dans différents domaines, ce qui est absolument indiscutable, mais il y a un problème, c'est que les ressources sont limitées. Et il faudrait même aller dans le contraire, il faudrait les réduire, les impôts. Alors, c'est cette démarche-là dont on vous fait part ce matin, je pense pour voir un peu comment on peut concilier le débat d'hier avec cette discussion d'aujourd'hui.

M. Garneau (Richard): Je vous remercie M. Audet. Mme Gendron, qui sera suivie de M. Brisson et de M. Fahey. Mme Gendron.

Mme Gendron (Andrée): Oui. Alors donc, nous, l'Association des CLSC et des CHSLD du Québec, avons donné très clairement notre appui à cette lutte sur le déséquilibre fiscal et nous le maintenons encore aujourd'hui, malgré le fait qu'effectivement les argents publics ne sont pas sans fin, mais aujourd'hui le Québec possède un savoir-faire en matière d'organisation de services de santé et de services sociaux. Parce que je crois qu'il faut aussi aujourd'hui parler de santé et de bien-être et non pas uniquement de maladie, parce que, comme société, c'est ça qu'on a recherché d'abord. Et le gouvernement fédéral actuellement, à même les fonds publics, est en train d'investir des budgets de recherche pour savoir comment on peut faire pour faire un virage de première ligne, alors que le Québec possède le savoir-faire, l'expertise.

Alors donc, moi, je pense qu'il faut absolument jouer de nos forces et un des grands problèmes qu'on a eu, c'est lors des coupures dans le transfert. On voit très bien que les transferts fédéraux ne seront pas les mêmes jusqu'en 2005. Alors qu'est-ce qui nous est arrivé? Ce qui nous est arrivé, c'est qu'on était en train de vouloir moderniser notre système de santé et on est restés dans un système qui est déséquilibré lui-même.

Une des composantes d'efficience, parce que l'argent se fait rare... Et je pense qu'effectivement, comme citoyens, on doit se poser la question de faire des investissements, mais des investissements rentables. À cet égard-là, je pense que l'organisation des services de première ligne, ce sont des services généraux, à proximité, qui doivent être accessibles pour la population, et c'est là que la population devrait retrouver 80 % des réponses à ses besoins. Ce sont des services qui, s'ils sont donnés rapidement, permettent de diminuer l'aggravation des problématiques et, je répète, aussi bien en santé physique qu'en social.

Alors donc, actuellement, au Québec, on a une première ligne, on a des CLSC – vous le savez autant que moi – qui n'ont pas atteint leur niveau d'efficience parce qu'ils ne sont pas suffisamment financés, parce qu'ils ne sont pas suffisamment ouverts. Ils devraient être ouverts, accessibles à la population. Ils devraient avoir des offres de service complètes aussi bien en santé qu'en social. Je pense qu'on a un très beau défi, là. Le projet des GMF est un projet porteur de sens pour la population et, si on arrivait à faire ça, on enlèverait la pression aussi sur nos services spécialisés, sur les problématiques qu'on vit toujours avec nos urgences, sur nos services médicaux.

Je voudrais aussi vous dire une chose, c'est toute la problématique de l'adaptation de l'offre de service à la population qui vieillit. C'est une fierté comme société d'avoir une population qui vieillit. Aujourd'hui, ce n'est pas le nombre de personnes âgées en bonne santé qui est problématique, c'est le nombre de personnes qui vivent avec des problématiques de santé mais qui vivent plus longtemps que jamais. Et, à cet égard, comme société, c'est une fierté. Et, quand on regarde le manque de services à domicile, quand on regarde un virage ambulatoire qui s'est fait au moment où est-ce que le transfert de la population s'est fait mais très peu de réallocation, on a, au Québec, un manque important. Il y a beaucoup de soins palliatifs qui doivent se donner à domicile, et c'est une question de qualité.

Et je ne peux pas laisser sous silence aussi la situation des centres d'hébergement et de soins de longue durée. Les gens qui ont besoin d'un centre d'hébergement et de soins de longue durée sont des personnes très âgées qui ont des problématiques multiples de santé, et ça aussi, c'est la richesse d'une collectivité, la manière dont on traite les personnes âgées. Et ces gens-là ont besoin de nous, comme société, et, à cet égard-là, les coûts de système et la non-indexation ont un impact majeur, parce qu'on connaît le coût de la médication, on connaît les infrastructures. Je voudrais juste vous dire ça.

Et, à cet égard-là, plus tard, on parlera sûrement de l'éducation, on parlera sûrement de la famille, parce que ce sont des composantes de la santé et du bien-être.

M. Garneau (Richard): Merci, Mme Gendron. Je vous rappelle que vous avez trois minutes. Quand vous voyez la petite lumière rouge, c'est censé être terminé. Puis j'invite maintenant M. Brisson.

M. Brisson (Nicolas): Oui, bonjour. Donc, la Fédération étudiante universitaire du Québec, comme je vous l'ai mentionné hier, est ici pour discuter de la capacité de l'État national québécois à faire des choix. À faire des choix aujourd'hui, mais être capable de faire des aussi des choix demain.

Comme je le disais aussi hier, avec le vieillissement de la population, ajoutez au fait que... puis tous les coûts que ça entraîne en santé, les hausses de coût, ajoutez au fait qu'aujourd'hui il y a cinq personnes qui sont en mesure de soutenir financièrement les personnes âgées de 65 ans et plus, que dans 10 ans c'est trois puis dans 20 ans c'est deux, ajoutez au fait qu'il y a quand même un service de la dette qui finalement diminue les marges de manoeuvre du gouvernement pour investir en santé, en éducation, ajoutons au fait aussi le déséquilibre fiscal, donc une grande partie de l'argent des Québécois qui est à Ottawa, pas toujours sur ce qu'on veut, bien, nous, on croit qu'il est vraiment temps qu'on mette sur pied une caisse santé parce que demain notre génération ne pourra pas faire des choix. En fait, elle va se faire imposer des choix, des choix qu'elle ne veut pas faire.

Je ne pense pas que notre génération souhaite la privatisation des soins de santé puis l'éducation. Je ne pense pas que notre génération souhaite qu'on coupe en éducation, je ne pense pas non plus qu'elle veuille qu'on hausse les tarifs pour avoir accès à des services publics ou qu'on en instaure des nouveaux. Je pense qu'elle veut encore des services publics accessibles à tous en santé et pour ça, il est urgent de mettre sur pied une caisse santé avec évidemment l'argent d'Ottawa pour faire en sorte que les prochaines générations, elles aussi, puissent faire des choix puis qu'elles n'aient pas à faire des choix aussi tristes que la privatisation des soins de santé. Merci.

M. Garneau (Richard): Merci, M. Brisson. Successivement, M. Fahey, le Dr Dutil et Mme Carbonneau. M. Fahey.

M. Fahey (Richard): M. le premier ministre, M. Legault. On a dit d'entrée de jeu: le contribuable doit être au centre de l'exercice d'aujourd'hui. Il est trop facile d'identifier où on peut dépenser, il faudrait se demander comment les revenus viennent. Or, les revenus viennent toujours de la même poche, du même contribuable, que ce soit une entreprise ou un particulier.

Quand une PME fait face à des difficultés, de la non-compétitivité, comme c'est le cas dans le régime fiscal au Québec, elle change ses processus d'affaires pour pouvoir prendre sa place sur l'économie mondiale. Quand une PME fait face à une situation budgétaire difficile, elle ne se dit pas: ah, mes clients devraient m'envoyer plus d'argent, elle analyse ses processus d'affaires, elle change ses façons de faire pour être plus compétitive, pour être plus... être en mesure de prendre sa place, encore une fois. Les PME créent la richesse et l'emploi au Québec, mais elles ont besoin d'oxygène. Si on ne met pas au coeur des débats aujourd'hui le fardeau fiscal des contribuables, que ce soit au niveau de la dette ou encore au niveau des impôts et taxes, je pense qu'on fait fausse route, on leur dit en quelque sorte: on va regarder qu'est-ce qu'on peut faire avec votre argent, comment on peut le dépenser à droite puis à gauche, mais on ne leur dit jamais: votre fardeau fiscal est trop élevé puis on en tient compte pour réduire en quelque sorte votre position non compétitive. Là-dessus, je pense que c'est important de mettre au coeur des débats aujourd'hui le contribuable. Bien que les besoins en santé soient criants, on le reconnaît, mais il faut parler aux contribuables québécois qui sont déjà surtaxés.

M. Garneau (Richard): Alors, merci. Alors, successivement – là je vais vous donner la liste des intervenants que nous avons jusqu'à maintenant. Si nous avons oublié quelqu'un, bien, prière de vous manifester. Il y aura le Dr Dutil, Mme Carbonneau, M. Desharnais, M. Taillon, M. Sawyer, M. Massé, Mme Fauteux-Lefebvre, Mme Skene, le Dr Dugré, Mme Labrie, M. Lucier, Mme Blondin, M. Belzil, Mme Rhéaume et M. Pellerin. Le Dr Dutil.

M. Dutil (Renald): Oui, M. le premier ministre, Mme Marois, M. Legault. Je pense, M. Legault, que vous avez fort bien exposé la problématique dans votre présentation, et je me permettrai de revenir sur certains problèmes et certaines solutions, et je vais circonscrire davantage mon intervention au niveau des soins et services de première ligne.

Nous avons des besoins grandissants, vous l'avez fort bien dit, dus au vieillissement mais aussi aux progrès médicaux, à la technologie, et nous avons actuellement, au niveau de la première ligne et sans doute au niveau de la deuxième ligne également, mais nous avons une offre de services très insuffisante pour répondre à ces besoins: manque de médecins, manque d'infirmières, manque de techniciens spécialisés. Au niveau des soins et services de première ligne, on en parle depuis longtemps de cette consolidation des soins et services de première ligne, mais je dois vous dire que les progrès sont très lents et c'est moins la résistance aux changements qui a freiné cette réforme des soins et services de première ligne que les raisons budgétaires. On a actuellement une accessibilité très compromise au niveau des services en médecine familiale. Et les médecins qui y exercent, autant dans les CLSC que dans les cabinets privés – puisque je rappelle qu'il y a quand même 80 % des services médicaux de première ligne qui sont dispensés dans les cabinets et cliniques privés, dont le seul côté privé, c'est l'infrastructure – ces médecins-là sont des médecins qui oeuvrent à l'intérieur du régime public.

Alors, les solutions. Il y a bien sûr des solutions de nature structurelle. Mais on est tous d'accord qu'il faut accroître l'intégration des différentes composantes de notre réseau de soins de première ligne. Mais l'efficience a ses limites et je ne crois pas qu'on puisse arriver à solutionner les problèmes qu'on a uniquement par des réformes structurelles. Et je ferai une mise en garde également de faire des réformes structurelles en silo. C'est un peu ce qu'on a connu dans le virage ambulatoire où on a fermé des hôpitaux, réduit le nombre de lits prétextant, avec raison d'ailleurs – le Québec avait pris un retard à cet égard – que plusieurs services pouvaient être rendus à moindre coût à l'extérieur d'un hôpital. Sauf qu'on n'a pas transféré les budgets pour rendre ces services à l'extérieur de l'hôpital et nous avons eu tous les ratés du virage ambulatoire.

Alors, il faudra continuer, bien sûr, au niveau des soins de première ligne. Entre autres vous avez souligné l'implantation des GMF. Nous avons 20 GMF sur papier actuellement. Malgré une entente particulière qui a été signée il y a au-delà de sept mois, aucun de ces 20 groupes de pratique en médecine familiale ne sont fonctionnels. Il y a là un modèle intéressant qui peut permettre, qui va certainement permettre une plus grande intégration de la pratique des médecins et des infirmières et des différentes composantes du réseau, mais il faudra aller de l'avant et il faudra y mettre les ressources et la volonté politique également pour aller de l'avant.

Dans les autres solutions, réduction de la couverture du panier des services. On appelait cela, à l'époque du Dr Rochon, lorsqu'il était ministre de la Santé, la modernisation du panier des services assurés. Et on a fait un long exercice pendant deux ans pour se rendre compte qu'on économiserait peut-être 10 à 20 millions sur une masse de 2,3 milliards. Alors, si l'on veut un système à l'Oregon, où on a une liste de priorités couvertes et le reste n'est pas couvert, je pense qu'il faudra le dire à la société parce qu'on aura une sérieuse réduction de services couverts. Alors, j'aimerais...

Là-dessus, j'aurais pu élaborer – et j'y reviendrai peut-être – sur la privatisation qui ne nous apparaît pas non plus un élément pour solutionner les problèmes qu'on a, et je conclus en disant que notre Fédération partage l'opinion du rapport Séguin et l'opinion du premier ministre et du ministre Legault que le fédéral devra investir davantage en santé et cesser de se délester sur les provinces.

M. Garneau (Richard): Merci. Alors, Mme Carbonneau.

Mme Carbonneau (Claudette): Merci, M. le Président. Vous me permettrez deux remarques préliminaires avant de cibler un certain nombre de secteurs dans la santé qui méritent et qui nécessitent même des investissements prioritaires.

Alors, ma première remarque sera de rappeler que viser un objectif de population en santé passe aussi par des investissements qui débordent le cadre strict de l'organisation des services de santé et des services sociaux. Je pense notamment à la lutte à la pauvreté, je pense aux questions de logement social, je pense à l'environnement, à la culture, à la lutte aux inégalités de revenus que connaît une population et bien sûr, aussi, aux services d'éducation; c'était ma première remarque préliminaire.

La deuxième, c'est de rappeler le plaisir que j'ai eu d'entendre M. le ministre rappeler que, bien sûr les difficultés de financement qu'on connaît dans le secteur de la santé ne sont pas liées au caractère public de notre système de santé. Mais je crois qu'il faut aller au-delà de cette affirmation-là et, effectivement légiférer dans le même sens que la loi canadienne pour réaffirmer non seulement l'importance de l'accessibilité, mais les quatre grandes caractéristiques qui y sont incluses, à savoir aussi la gratuité, l'universalité et la transférabilité.

Dans les choix d'investissement qui nous apparaissent majeurs, bien sûr la CSN met de l'avant un réinvestissement dans les services de première ligne qui, de notre point de vue, bien sûr, vise des services médicaux, mais aussi des services sociaux et vise à replacer les CLSC comme étant le centre devant diriger l'organisation des services de première ligne.

Les services à domicile, je pense que c'est vraiment un des parents pauvres de notre système de santé. On l'a vu de façon assez cruelle au moment où s'est implanté le virage ambulatoire, c'était vraiment le pendant manquant. On a du retard important par rapport aux autres provinces à cet égard-là. Alors, pour nous, c'est vraiment un secteur majeur où il faut réinvestir.

Les soins de longue durée – c'était dans la liste qui nous a été présentée par le ministre – la CSN souscrit à cette orientation-là. Nous croyons d'ailleurs qu'il faille ajouter aux services des personnes qui sont déjà dans les CHSLD, les personnels sont à terre, les services sont très difficiles à donner dans ce secteur-là, et qu'il faut aussi viser à développer d'autres places en termes d'hébergement public.

Services à la jeunesse, services de réadaptation, vous l'avez mentionné, M. le ministre, nous allons aussi dans cette direction-là. Je vous dirais que, dans ce que vous avez évoqué, il y a une absence qui me frappe, c'est la question du médicament. Et je pense que, de ce côté-là. sans générer des investissements publics majeurs. il faille agir de façon urgente, notamment en se dotant d'une politique de médicaments.

La prévention, il me semble que la description qui en est faite, on tombe facilement dans le «healthy people». Pour moi, la prévention, c'est aussi sa dimension sociale et c'est aussi fortement des personnels en santé. D'autres de mes collègues ont évoqué la morosité, les charges de travail extrêmement lourdes. On fait face à toutes sortes d'absence dans le réseau de la santé qu'il faut savoir aborder bien autrement que par des approches répressives et davantage par des politiques de prévention.

Ma dernière remarque sera la suivante. J'ai bien entendu des personnes ici crier à la rareté des ressources. Je pense que le premier courage qu'on doit avoir, c'est d'aller réclamer les argents des contribuables quand on les connaît pour être mal répartis entre les deux paliers de gouvernement. Quant à moi, j'affirme que jamais à la CSN nous ne poserons en absolu la réduction du fardeau fiscal, et c'est un débat de priorités qu'on ne peut pas placer en absolu. Qu'est-ce que ça donne à une famille de bénéficier de quelques dollars de plus par semaine si elle doit y sacrifier la lutte à la pauvreté, une mauvaise santé pour les concitoyens, des services d'éducation déficients?

M. Garneau (Richard): Merci, Mme Carbonneau. Je vous rappelle encore une fois: la petite lumière jaune indique qu'il vous reste une minute et la lumière rouge que c'est terminé.

Alors, il y aura d'abord M. Desharnais, suivi de M. Taillon et de M. Sawyer. M. Desharnais.

M. Desharnais (Renald): Merci, M. le Président. J'ai bien apprécié l'affirmation du ministre Legault dans son exposé lorsqu'il disait que l'évolution du coût des soins de santé n'est pas liée au caractère public des systèmes de santé au Québec et au Canada. Mon voisin, M. Hémond, disait: Oui, mais là, il faut faire attention de ne pas dépenser l'argent qu'on n'a pas, mais il faudrait peut-être élargir le débat. D'autres disent: Il ne faut pas trop l'élargir. En fait, on devrait surtout parler de fiscalité et de la compétitivité de notre système fiscal. Moi, je vais aller du côté que M. Hémond le suggère, et on va élargir un petit peu le débat.

Au Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec, nous comptons parmi nos membres des conseillers en affaires internationales et des agents de développement industriel qui oeuvrent notamment dans une société d'État qui s'appelle Investissement Québec. Ces gens-là ont pour mission de faire du démarchage auprès des investisseurs étrangers pour faire installer ces entreprises-là, démarrer de nouvelles entreprises sur le terrain du Québec plutôt qu'au Vermont ou plutôt que dans la banlieue de Boston, etc. Je leur ai dit: Coudon, c'est quoi, les avantages compétitifs qu'on a au Québec, notamment quand on parle des soins de santé? Voilà, ils m'ont faxé le petit document, et je vous le cite, ça sert des arguments promotionnels qui sont utilisés à Investissement Québec: c'est que les contributions des employeurs aux régimes facultatifs d'avantages sociaux – assurance-maladie privée, temps non travaillé, jours fériés et vacances – comptent pour 24,1 % des salaires aux États-Unis alors qu'ils ne sont que de 18,7 % au Québec. C'est intéressant. Parfois... Il y a un dicton qui dit: Quand on se regarde, on se désole puis, quand on se compare, on se console. Je pense que, si on élargit un peu le débat, on comprend que le système de santé au Québec, ce n'est pas un boulet, c'est un avantage concurrentiel.

Dans ce sens-là, je crois que ce dont nous parlons aujourd'hui, ce n'est pas de dépenser l'argent qu'on n'a pas, mais c'est d'aller se procurer l'argent qu'on nous doit. Dans ce sens-là, je crois qu'il faut travailler non pas à additionner chacun de notre côté un paquet de préalables, mais plutôt trouver une voie nous permettant de faire pression sur le gouvernement fédéral pour qu'il nous donne les moyens de répondre aux besoins et de maintenir un système de santé qui, je le répète, n'est pas un boulet, mais vraiment un élément concurrentiel. Je vous remercie, M. le Président.

M. Garneau (Richard): Merci. M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Merci beaucoup, M. le président.

M. le premier ministre, en signifiant hier de façon ferme la portée que vous donniez à la résolution de l'Assemblée nationale à l'effet que le transfert fédéral aux provinces devait être de 8 milliards à court terme, nous estimons que, de ce contexte-là, nous, on risque de replonger le fédéral en déficit. Nous avions fait part de cette préoccupation-là à Mme Marois lors de la préparation.

De plus, M. le premier ministre, nous croyons qu'à partir de cette hauteur, on met en péril le remboursement de la dette fédérale. Ce qui constitue pour nous une préoccupation importante au niveau du milieu des affaires, un message que l'on martèle à Ottawa constamment. Ce non-remboursement, en plus, compromet le dégagement de la marge de manoeuvre qui, à notre avis, est essentielle au rééquilibre fiscal à moyen terme.

En conséquence, M. le premier ministre, je dois vous signifier que, dans ces conditions, nous ne pourrons pas signer le projet de déclaration tel que vous nous avez invité à le faire hier.

M. Garneau (Richard): Merci. M. le premier ministre.

M. Landry: Bien. Vous m'étonnez. Vous m'étonnez parce qu'on signe ce que l'on signe, n'est-ce pas. Et, dans ce qu'on vous invite à signerm et qui a été signé par les trois chefs de partis et approuvé par l'Assemblée nationale, il n'est question ni d'échéancier ni de montants.

Moi, vous connaissez mes positions en matière fiscale et budgétaire. Je suis un progressiste rigoureux et je ne l'ai pas que prêché, je l'ai réalisé. Et moi aussi je crois, en pensant aux jeunes, en pensant à M. Brisson, que la dette doit être remise et que les finances publiques doivent rester en équilibre.

Rien... Et je vous implore, M. Taillon, de réfléchir encore un peu. Je vous invite à déjeuner même, si vous voulez. Rien, là-dedans ne va contre vos principes, ni contre les miens, ni contre ceux de l'Action démocratique, ni contre ceux du Parti libéral. Nous vous invitons, comme patron responsable – ce que vous êtes – à vous joindre au consensus québécois pour qu'avec les autres personnes ici présentes nous puissions parler d'un front commun solide qui dit au gouvernement central, dans les conditions acceptables... M. Séguin a été d'une clarté absolue, M. Bussière également. Il ne s'agit pas de bousculer des choses qui pourraient être vertueuses à Ottawa, comme l'équilibre et le remboursement de déficit, il s'agit de corriger en notre faveur et en celle de la puissante province d'Ontario, à côté – qui a la population de la Suède – un déséquilibre qui devient insupportable.

Je présume que vous auriez eu plus d'affinité avec Mike Harris que vous en avez avec moi-même, peut-être, je présume. Mike Harris était plus virulent que je ne le suis sur la nécessité de corriger le déséquilibre fiscal. Alors, vous ferez bien comme vous voudrez. Mais avoir des positions plus conservatrices que Mike Harris lui-même en cette matière vous situerait vraiment loin sur l'échiquier et je pense que les patrons québécois sont des gens plus modérés que ça.

M. Garneau (Richard): Merci. Alors, il y aura M. Sawyer, ensuite M. Massé et Mme Fauteux-Lefebvre. D'abord, M. Sawyer.

M. Sawyer (Michel): Merci, M. le Président. Je vous dirai que, pour les Québécois et Québécoises et Canadiens, la santé tient à coeur à tout le... tient grandement à coeur. La diminution des transferts fédéraux en matière de santé est totalement injustifiable en regard des coûts grandissants de ces services, surtout que ces coûts sont appelés à poursuivre leur ascension en raison du vieillissement de la population, de l'augmentation de la demande de soins qui en découle. De plus en plus, cette croissance des coûts de santé place les provinces dans une situation financière intenable, car l'ampleur des ressources exigées du secteur de la santé est en train de priver l'État des moyens d'assumer convenablement ses autres missions.

Cela dit, le SFPQ, les fonctionnaires puis les ouvriers du gouvernement du Québec que je représente, et dont je suis issu, d'ailleurs, estiment que la question du réinvestissement en santé est d'autant plus importante que le sous-financement chronique de ce secteur contribue à la privatisation en douce du régime, observable depuis déjà un bon moment: 30 % des dépenses liées à la santé vont désormais au secteur privé. Et l'idée d'une privatisation accrue menant à la création d'une médecine à deux vitesses – l'une pour les riches, l'autre pour les pauvres – va continuer de progresser au Québec si les services continuent de se détériorer, faute de ressources, ce qui ne fera qu'accentuer la dégradation du régime public de santé.

Des fonds additionnels, bien sûr, permettraient de colmater les brèches du système public de santé et serviraient, par exemple, à consolider le virage ambulatoire par le financement adéquat des soins à domicile. On pourrait également imaginer doter les hôpitaux de la fine pointe des appareils et équipements médicaux, et peut-être cesser de faire des quêtes publiques pour être capable d'avoir du matériel adéquat dans les hôpitaux.

Par ailleurs, le rapatriement des sommes dues au Québec par le gouvernement fédéral offrirait la possibilité de compléter notre régime d'assurance hospitalisation par la création d'un véritable régime public universel d'assurance médicaments assorti de mécanismes efficaces de contrôle des coûts des médicaments. Et le ministre Legault, tantôt, a parlé de la prévention, je rajouterai humblement, mais sans équivoque, les autres missions de l'État contribuent aussi au mieux-être de la population en créant des conditions sociales qui sont propices à l'instauration de la santé.

L'Organisation mondiale de la santé nous le rappelait il y a quelques années en adoptant la déclaration de Djarkarta qui stipule:

«Les conditions préalables de la santé sont la paix, le logement, l'éducation, la sécurité sociale, les relations sociales, l'alimentation, le revenu, l'émancipation des femmes, un écosystème stable, une utilisation judicieuse des ressources, la justice sociale, le respect des droits de l'homme et l'équité.» La plus grande menace à la santé est la pauvreté. Je vous remercie.

M. Garneau (Richard): M. Massé.

M. Massé (Henri): Oui. Je voulais parler de la santé, mais je pense que je vais demander à M. Taillon, d'abord, d'essayer de trouver les moyens de se rallier. Je pense que le but premier pour lequel on est ici, c'est la question du déséquilibre fiscal, qui est une question très importante. Et moi, M. Taillon, je vous rappelle encore une fois le Sommet socioéconomique où le Québec a décidé, de façon peut-être pas unanime mais très majoritaire, d'arriver à l'équilibrage fiscal.

Je pense que c'était assez naturel pour le monde des affaires. Ça faisait deux ans que vous criiez, deux ans, trois ans, quatre ans, que les déficits étaient trop grands, la dette trop importante, que l'économie en souffrait. Et nous, se rallier à l'équilibre fiscal, ce n'était pas naturel. On a fait le travail. Mais ce travail-là, aujourd'hui, il faut qu'il se concrétise, il faut qu'il se complète, il faut qu'on revienne dans certains secteurs pour corriger un peu ce qui s'est passé dans ces secteurs-là.

C'est l'ensemble des secteurs, dans le fond, tu sais, je veux dire, tous les... il n'y a pas un ministère qui n'y a pas passé au Québec. Mais, principalement dans la santé, l'éducation – parce que c'est des gros budgets, encore une fois, c'est le deux tiers ou le trois quarts des budgets de l'État – et c'est important qu'il y ait un consensus.

Nous, sur le plan syndical, à la FTQ, on a des liens pancanadiens, des liens même organiques. Et je reviens sur les déclarations, tantôt, et de la CSN et de la CSQ sur le fait d'inscrire, par exemple, dans la loi, les quatre principes. M. le premier ministre, vous dites que vous y souscrivez, mais, quand on s'est présentés à la commission Clair ou ailleurs, on l'a demandé, ça n'a pas été fait. Et je vous dirais qu'ailleurs, peut-être que les provinces, à l'heure actuelle, dans le reste du Canada, appuient le Québec sur la question du déséquilibre fiscal, mais les citoyens ordinaires pensent encore que c'est le gouvernement fédéral qui est le sauveur de la santé, parce que ces principes-là sont inscrits uniquement au fédéral. Dans certaines provinces canadiennes, on a essayé aussi, certains gouvernements, de démolir passablement les quatre principes. Puis, pour le monde ordinaire, bien, ces quatre principes-là, c'est le gouvernement fédéral. Et peut-être qu'au Québec, à un moment donné, on sera obligés de dire que le fédéral, Dieu merci! qu'on ait le fédéral pour nous sauver. J'espère que je n'aurai pas à dire ça de ma vie.

Mais je reviens sur la question du déséquilibre fiscal, encore une fois, moi, je pense que le gros du travail est là. Les budgets s'en viennent. Il y a du travail qui est en train de se faire au fédéral. Il y a des marges de manoeuvre qui vont peut-être disparaître à tout jamais. Et le consensus est important. Ce n'est pas une grand-messe, tu sais; bien du monde peuvent dire: C'est une grand-messe. Les journalistes me demandaient, hier: Qu'est-ce que ça va donner? Ça va donner qu'on est en train, comme société québécoise, de mettre de la pression pour être capable de mettre l'argent à la bonne place puis le coeur à la bonne place. Parce qu'on sait qu'on a des problèmes immenses.

Et, moi, M. Taillon, quand vous dites que, bon, le fédéral n'est pas capable de rembourser une partie de sa dette avec ça, bien, si ce n'est pas 2,5 milliards qu'on est capables d'aller chercher, mais 2,2 milliards ou 1,8 milliard, moi, je pense que c'est des questions... Puis, je n'ai pas de problèmes là-dessus, c'est des questions qui sont facilement réglables. Mais votre accord est très important, beaucoup plus important qu'on le pense; et comme le nôtre est important pour vous au moment de l'équilibrage fiscal, puis que ce n'était pas... Ce n'était pas facile l'équilibrage budgétaire, puis ce n'était pas facile pour nous autres non plus. Bon. Vous avez vos commettants, on a les nôtres aussi. En tout cas, je vous demanderais de le regarder à nouveau.

M. Garneau (Richard): Merci, M. Massé. Alors, il y aura Mme Fauteux-Lefebvre, Mme Skene et, ensuite, le docteur Dugré. Mme Fauteux-Lefebvre.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Merci. On sait, on a remarqué, bon, il va y avoir une augmentation des coûts dans l'avenir en fonction des ressources, conséquemment au vieillissement de la population. Puis il va être important de maintenir le réseau. C'est sûr qu'on ne veut pas qu'il y ait une diminution de l'accessibilité, une augmentation de la charge fiscale au niveau des contribuables, ni une privatisation. Puis il ne faudrait pas en arriver non plus à couper dans les autres services sociaux pour pouvoir maintenir le réseau en santé.

C'est pourquoi il faut investir puis penser à long terme nos solutions dans ce domaine. C'est pourquoi on demande aussi, au niveau de la Fédération étudiante collégiale du Québec, un fonds qui va permettre d'absorber les coûts, dans le fond, qui seraient générés autant par le fédéral et le provincial pour pouvoir continuer la sauvegarde de nos acquis, qu'on a actuellement dans le réseau de la santé, à long terme, quand il va y avoir un déséquilibre totalement intergénérationnel. Aussi, il faut investir immédiatement dans des réingénieries, des réaménagements qui vont permettre de faire des économies, donc qui vont permettre d'offrir, de continuer à offrir les mêmes services, des bons services, en ayant investi aujourd'hui, actuellement, lorsqu'on en est encore capables, puis avec ce qu'on est capables d'aller chercher aussi. Merci.

M. Garneau (Richard): Merci. Mme Skene.

Mme Skene (Jennie): M. le Président, quand on parle de santé, bien sûr, pour les gens qui sont directement associés au réseau, c'est quelque chose qui est notre quotidien. Mais je pense que, pour l'ensemble de la population du Québec, c'est une priorité fondamentale. Les citoyens du Québec veulent avoir une accessibilité à leurs services de santé quand ils en ont besoin. Ça ne veut pas dire demain matin, parce que j'ai mal à la tête aujourd'hui, mais ça veut dire dans des délais raisonnables.

Il y a une urgence, une urgence extrême d'agir parce que son non-fonctionnement ou son incapacité à répondre aux besoins fait en sorte qu'on alimente ce discours de la privatisation et qu'on donne des arguments à ceux qui portent ce discours-là. Il y a d'urgence d'agir aussi sur les déterminants de la santé, et un de ceux-là, c'est la pauvreté. Les pauvres ont une espérance de vie moins longue, sont plus souvent malades, ont plus de problèmes au niveau de l'école, à tous les points de vue. Et, dans ce cadre-là, si on pense prévention pour une population en meilleure santé, il faudra passer par l'élimination de la pauvreté, je dirais le plus rapidement possible, avec les limites que ça comporte.

À l'égard des orientations qui sont mises de l'avant, je pense que la première ligne, les soins à domicile, les listes d'attente, c'est sûr que quand on est en situation d'urgence, il faut aller là où c'est le plus difficile. Les soins à domicile, on a vu avec le virage ambulatoire, ils n'ont pas été capables de suivre la cadence et, trop souvent, ce sont les femmes qui se sont retrouvées non seulement à soutenir la famille, mais à soutenir la personne malade dans cette famille-là. Plusieurs ont laissé leurs emplois, donc ont affecté aussi les revenus de la famille. Il faut donc mettre en place un système de soins à domicile beaucoup plus performant que ce que nous connaissons, beaucoup plus disponible aussi pour la population.

Il y a des aspects qui n'ont pas été mentionnés dans vos priorités mais que d'autres personnes ont amenées, entre autres, une politique du médicament. Une politique du médicament qui peut même aller jusqu'à assurance universelle du médicament et un contrôle des coûts par, justement, des choix à faire comme société au Québec. On n'entrera pas dans les détails, il y a plusieurs commissions parlementaires qui se sont penchées sur le sujet, mais je pense qu'on ne pourra pas, dans un avenir plus ou moins rapproché, passer à côté de ça.

Bien sûr, les CHSLD. Je pense que la situation dans les centres de longue durée pour la population vieillissante, très vieille ou même en perte d'autonomie majeure à cause de pathologies chroniques est catastrophique, et on doit à ces personnes-là une qualité de vie dans leur fin de vie qui soit la plus confortable possible.

Moi, je voudrais revenir à des interventions où on nous dit: On dépense ce qu'on n'a pas encore eu. Moi, je ne pense pas qu'on dépense ce qu'on n'a pas encore eu, je pense qu'on met sur la table ce qui doit être fait d'une manière extrêmement rapide. Pour ça, pour y parvenir, il faut aller chercher l'argent du fédéral, mais pour ça, aussi, il faut avoir une solution de rechange, et moi, je vous dis que nous étions contre des baisses d'impôts au Québec. Nous partageons toujours l'avis que la santé et l'éducation, c'est fondamental et qu'il faut faire les choix là où ils sont nécessaires, et le fardeau fiscal, je pense que pour bien des Québécois, payer 3 ou 4 000 $ de plus en assurance groupe ou le donner en impôt pour l'ensemble de la société du Québec, il faudrait peut-être regarder ce que ça donnerait, mais il faut le voir, il faut une solution de rechange, si on n'est pas capable rapidement d'aller chercher l'argent au fédéral.

M. Garneau (Richard): Merci, Mme Skene. Le Dr Dugré.

M. Dugré (Yves): M. le Président, je voudrais d'abord partager que le diagnostic du ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux concernant les problèmes en santé ou en maladie, il s'agit à la fois de problèmes structurels, mais un problème relié, même, à l'état même de ce que c'est la santé pour les gens. C'est la première priorité. Un patient n'est jamais trop bien et nos patients demandent exactement tout ce qui se produit, dans le système de santé, de bien du côté nord-américain. Nous pratiquons une médecine nord-américaine et donc il y a des pressions énormes pour avoir autant les équipements, les médicaments, la formation de Nord-Américains, et ça pose un problème par rapport à notre société québécoise, compte tenu de sa richesse collective.

Donc, même en priorisant, même en réorganisant le système de santé, nous arrivons à un problème de financement parce que le véritable problème que la médecine spécialisée, entre autres, vit, parce qu'elle pratique principalement dans les hôpitaux, c'est un problème de pénurie d'effectifs. Nous sommes dans les années où nous avons à distribuer le plus petit nombre de médecins pour la répartition géographique. Ça veut dire, en clair, qu'on doit dire à des régions comme Montréal: Même si vous avez des besoins, on va restreindre jusqu'à un certain point vos candidats pour s'établir à Montréal, pour aller dans les régions parce qu'on priorise ces régions-là, même si à Montréal, c'est là qu'il y a les listes d'attente les plus longues. Nous sommes dans cette situation-là.

Il y a également un problème de pénurie de ressources. Les véritables plafonds d'activité, ce ne sont pas tellement les plafonds conventionnels comme les plafonds d'activité qui sont, à toutes fins pratiques, disparus dans les hôpitaux, mais le véritable plafond, c'est le budget de l'hôpital qui dit: Docteurs, orthopédistes, vous avez une priorité par semaine. Vous avez une demi-priorité par semaine. Vous devez canceller votre priorité, parce que je n'ai pas d'infirmières. Le véritable plafond, il est là, et c'est à ça qu'on doit s'adresser.

Donc, aussi, du côté des équipements – j'en ai mentionné tantôt – nous pratiquons, nous avons une formation de type nord-américain et les gens vont en formation à l'extérieur et reviennent avec souvent des appareils qui n'ont pas eu un programme de rénovation ou de remplacement adéquat, et ça pose un problème, nécessairement, autant sur la répartition que sur la prestation des services.

Donc, problème de financement. Nous en sommes, oui, à la réorganisation. Nous y participons activement. Il y a des solutions sur la table concernant la répartition des médecins, à grand déchirement, je dois le dire, parce que, encore une fois, je le répète, il y a un problème également partout. On doit un peu distribuer le peu que nous avons. Mais ça demande nécessairement un financement adéquat, et c'est ce que nous avons dit dans la commission Séguin, notre mémoire, un financement adéquat, un financement stable et prévisible pour éviter ces sursauts autant dans les équipements dans la désuétude, dans les parcs d'équipements en radiologie et dans les effectifs médicaux, donc un financement stable et prévisible et un financement transparent. Financement transparent pour que la population soit plus responsabilisée, et si elle dit qu'elle est d'accord à investir davantage en santé, que ce soit clair que ce soit dans le domaine de la santé. Et, à cet égard-là, beaucoup de sondages montrent que la population, en autant que c'est clair que ça va dans la santé, ce sera bien perçu.

Les priorités que vous énoncez, M. Legault, nous en sommes. Je regarde les listes d'attente, c'est clair. Et c'est pourquoi la Fédération des médecins spécialistes appuie la démarche, actuellement, de requérir du fédéral la part qu'il leur revient en santé. Ce désengagement-là, au milieu des années quatre-vingt-dix, a causé le dommage avec lequel on doit vivre aujourd'hui, et la Fédération, donc, appuie cette démarche.

M. Garneau (Richard): Merci, Dr Dugré. Il y aura d'abord Mme Labrie et, ensuite, M. Lucier et Mme Blondin. Mme Labrie.

Mme Labrie (Vivian): Merci. Je pense qu'avant de parler de fardeau fiscal, il y a un fardeau humain qui est encore plus prioritaire, c'est celui de nous garder la vie et garder la vie en santé. Et, dans ce sens-là, je rejoins l'intervention de Mme Skene quand elle dit que la pauvreté est un principal déterminant de la mauvaise santé. Il ne faut toujours bien pas oublier ça. Et ce dont on parle, c'est de cinq à 10 ans de moins d'espérance de vie, selon des territoires. C'est immensément important. En plus, toutes les recherches le disent, et c'est des recherches de direction de santé publique et autres, le revenu est la meilleure prévention possible pour une bonne santé, au-delà même des pratiques et des habitudes. Dans ce sens-là, il faut regarder comment on utilise nos leviers.

Je vais mentionner qu'on en a un levier qui est l'assurance médicaments, mais, pour toutes sortes de raisons, ce qu'on a fait quand on a installé l'assurance médicaments, c'est qu'on a ajouté au fardeau des personnes les plus pauvres dans la société, c'est-à-dire les personnes à l'aide sociale et les personnes âgées qui ont le supplément de revenu garanti, un fardeau de 200 $ de plus par année à payer.

Alors, qu'est-ce que ça donne? Par exemple, Centre des femmes de Laval, on va dire: Nous, ce qu'on fait, c'est réduction de la médication tout au long du mois afin de répartir sur deux mois. Alors, les gens qui pratiquent la profession médicale, ils savent que ce n'est pas bien bon de répartir des médicaments sur deux mois. Ensuite, idem pour la nourriture, c'est en se privant que l'on finit par boucler le budget. Un autre petit exemple, je suis juste pour m'acheter du lait et du pain pour moi et ma fille, alors imaginez pour les légumes et les fruits. C'est bon, ça, pour la santé.

Dans ce sens-là, nous, il y a une demande qu'on fait, depuis plus d'un an, et elle ne trouve jamais de réponse, et pourtant, ce n'est pas un frais croissant, c'est un frais fixe dans le système de l'assurance médicaments, c'est de rétablir la gratuité des médicaments pour toutes les personnes à l'aide sociale, comme c'était avant, et pour les personnes âgées qui ont le supplément de revenu garanti que, d'ailleurs, le fédéral ne leur donne pas automatiquement, ce qui est un autre problème. Tout ça pour nous conduire à se dire qu'on a un autre levier, en allant chercher les fonds au fédéral.

Et c'est là que je reviens au problème que j'ai souligné hier, il ne suffit pas d'agir sur la santé, l'éducation et la famille. Une partie de notre problème avec le fédéral touche à la sécurité du revenu. D'abord, l'utilisation outrancière de la caisse d'assurance chômage à d'autres fins – et c'est la sécurité du revenu des travailleuses et travailleurs – et, deuxièmement, le sous-transfert en matière de sécurité du revenu aux provinces, parce qu'on sait très bien que depuis le RAPC, qui était sans plafond, on est tombé sur le Transfert social canadien, qui est plafonné. Et donc, ça a conduit au fait que, pour moi, il devient très important, puis pour un groupe comme le Collectif, de me dire que, quand on va parler de réinvestissement, il faut se donner un cadre éthique, il faut viser la distribution de la richesse, il faut viser la réduction des écarts. Alors, voilà.

Maintenant ça m'amène à un point plus de fonctionnement ou de méthode pour aujourd'hui. Je voudrais exprimer qu'on est tout à fait d'accord pour être derrière toute pression vis-à-vis du gouvernement fédéral pour aller chercher les revenus qui nous reviennent, et on le dira. J'aurai aujourd'hui un problème technique, par ailleurs, que je vais expliquer. L'invitation était faite à des groupes qui avaient déposé des mémoires pour venir discuter. On vient le faire et on serait prêt à redire ce qu'on a dit dans notre mémoire: il faut réinventer les fiscalités autrement et travailler l'ensemble de ces déséquilibres-là.

Par ailleurs, la motion de l'Assemblée nationale, qui servira éventuellement de base cet après-midi, moi, je n'ai pas de mandat de mon groupe pour y aller sur la base de réinvestissement qui est là à cause de ce manque important qui est le travail sur la sécurité du revenu et la redistribution de la richesse. Alors, j'ai un problème que je veux juste souligner, qui n'est absolument pas un problème de fond. On est tout à fait d'accord sur le fait qu'il faut aller chercher les fonds nécessaires, et je voulais juste comme le mentionner à cette étape-ci de nos discussions.

M. Garneau (Richard): Merci. M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): Oui, M. le Président. Mon commentaire est général et porte aussi sur le sens de ce que nous faisons ici aujourd'hui. C'est une façon de vérifier ma propre compréhension et peut-être de contribuer au confort entourant le consensus que nous cherchons. Il me semble... J'avais compris, j'ai compris que ce que nous faisons aujourd'hui, c'est que nous explicitons, nous déployons – et ça ne sera pas exhaustif, d'ailleurs – ce qui doit être fait de toute façon et qui découle de nos responsabilités, de nos compétences puis des besoins incontournables que nous avons. Il va falloir de toute façon soigner et prévenir, il va falloir éduquer, instruire, il va falloir chercher, trouver et innover, il va falloir faire et élever des enfants. Alors, ça c'est des incontournables. De sorte que nous ne pouvons pas vraiment parler au conditionnel, comme le fait le document, comme si c'était optionnel, comme si on va le faire si jamais on a de l'argent d'Ottawa, ou comme si le refus d'Ottawa pouvait nous libérer de ces obligations-là. On ne peut pas s'en laver les mains, ça m'apparaît clair.

Mais, aujourd'hui, nous ne dépensons pas ce que nous n'avons pas, nous ne faisons pas nos listes d'épicerie, nous ne choisissons pas une plate-forme électorale, nous ne cautionnons pas à l'avance des hausses d'impôt ou des coupures de services. Il me semble que nous déployons, nous illustrons des besoins incontournables qu'il nous faut satisfaire, on n'a pas le choix. Et, dans ce contexte-là, il est évident que le déséquilibre fiscal est puissamment illustré par le déséquilibre de notre capacité de répondre à nos propres besoins. Et il me semble important qu'on se situe clairement dans la ligne de ce déséquilibre fiscal que nous illustrons et que la résolution de l'Assemblée nationale traduit admirablement, sans aucune dérive ou sans caution ou acceptation d'autre chose.

M. Garneau (Richard): Merci. Alors, successivement, il y aura Mme Blondin, M. Belzil, Mme Rhéaume, M. Pellerin, Mme Ruest-Jutras, M. Boucher et Mme Beaudry-Roberge. Mme Blondin.

Mme Blondin (Karine): Merci, M. le Président. Je tiens à renchérir sur l'importance de planifier le vieillissement de la population. On en parle régulièrement. D'ici 30 ans, la population de 65 ans et plus va doubler, le pourcentage dans la population va doubler. L'augmentation des coûts de santé va être beaucoup plus importante que l'augmentation des revenus de l'État, il doit donc être prioritaire de planifier ce vieillissement-là puis de vérifier... en fait, d'établir un mécanisme qui va nous permettre de faire face à l'augmentation de ces coûts-là. Pour nous, la solution c'est l'épargne pour le futur, et l'épargne doit se faire par le biais d'une caisse santé. Alors, la correction du déséquilibre fiscal est extrêmement importante, cependant elle doit être attachée à la création d'une caisse santé sans enlever les autres... elle peut servir aussi à d'autres choses qui sont extrêmement importantes à court terme, mais il ne faut pas oublier de planifier le long terme quand on parle de déséquilibre fiscal.

M. Garneau (Richard): Merci. M. Belzil.

M. Belzil (Michel): M. le premier ministre, je suis président de la Fédération québécoise des municipalités, qui regroupe 930 petites municipalités et moyennes, réparties sur le territoire du Québec dans 14 régions, qu'elles soient ressources ou de centralité. Et, à ce moment-ci, nous sommes au coeur des discussions qui portent sur le système de santé et les services de proximité à nos gens, etc., etc. Tantôt, on abordera le sujet de l'éducation et des petites écoles.

Quant à moi, j'aimerais identifier rapidement, à ce moment-ci, toute la dimension territoriale des discussions que l'on a ce matin. J'entends les gens en services de première ligne, bien sûr, services à domicile. La moitié de nos municipalités, quoiqu'il y en a des très petites, n'ont aucune forme de services en santé sur leur territoire. Plusieurs doivent faire des distances importantes pour être soignés et, récemment, à notre congrès en fin de semaine, on a vu que les 14 régions sont unanimes à demander un accès aux services de santé.

Je comprends que l'investissement du gouvernement du Québec per capita est important dans les régions, mais comme vous l'avez dit d'entrée de jeu tantôt, M. le ministre: Il faut garantir l'accès à des médecins de famille à tous les citoyens du Québec, peu importe où ils se trouvent sur le territoire et peu importe l'heure également. Alors, pour nous, la question de services à nos citoyens, services de proximité, donc première ligne, c'est très important.

Je veux seulement vous rappeler également qu'il y a eu une manchette, non pas pour affoler, mais que, dans les régions, particulièrement les régions éloignées, les possibilités de décéder d'un accident quel qu'il soit sont quatre fois plus élevées que dans les grandes villes urbanisées au Québec. Alors, c'est pour vous dire la nécessité de poursuivre votre vision et d'investir dans les régions du Québec, c'est extrêmement important, ça va dans le sens, je pense, des grands principes que vous caressez. Et, pour nous aussi, à la Fédération québécoise des municipalités, il faut se donner une politique d'accès aux services dans toutes les régions du Québec.

M. Garneau (Richard): Merci, M. Belzil. Maintenant, Mme Rhéaume et, ensuite, M. Pellerin. Mme Rhéaume.

Mme Rhéaume (Marie): La Fédération québécoise des organismes communautaires Famille regroupe 190 organismes qui soutiennent des milliers de familles dans les 17 régions du Québec. Et nous tentons d'assurer la place de la famille dans la société québécoise. À la Fédération, on estime que, lorsque des citoyens choisissent d'ajouter l'engagement parental à leurs responsabilités, ils devraient être soutenus pour leur contribution dans la société et, depuis de nombreuses années déjà, on réclame la mise place d'une politique familiale globale qui considère la famille comme le coeur et le pivot de la société, qui reconnaît les droits des familles, qui donne aux familles la capacité de faire des choix, qui s'appuie sur l'expérience des parents et favorise l'accomplissement de leur potentiel, qui respecte les diverses réalités des familles, qui vise toutes les familles et l'ensemble de leurs membres à toutes les étapes de leur vie, qui interpelle l'ensemble de la société, qui englobe l'ensemble des domaines concernant la famille, soit la santé, l'éducation, le travail, l'habitation, les loisirs, l'économie, l'environnement et les milieux de vie et favorise leur interaction qui est mise en oeuvre par le gouvernement dans l'ensemble de ses ministères et qui comporte un véritable plan d'action dans lequel le gouvernement joue un rôle central et met à contribution les divers secteurs de la société.

Nous partageons l'analyse effectuée sur les conséquences du déséquilibre fiscal et comprenons les impacts sur le système de santé. Nous appuyons le maintien d'un système de santé public parce qu'on sait que, dans le temps où ça n'existait pas, c'était la première cause d'endettement des familles. Les familles sont en première ligne quant aux impacts qui découlent des réductions de services. Par exemple, elles sont les premières concernées par les nouvelles pratiques entraînées par le virage ambulatoire pour les malades de tous âges et de toutes conditions, qu'on pense autant aux problèmes de santé physique qu'aux problèmes de santé mentale. Les familles sont encore concernées par le soutien à apporter à leurs membres en raison des délais d'attente qui se prolongent pour les interventions ou la prise en charge de ceux-ci.

En conséquence, il nous semble essentiel de renforcer les mesures de soutien à domicile, et il y aurait tout lieu de favoriser l'implantation de mesures de conciliation famille-travail tant dans les milieux syndiqués que non syndiqués, qui tiennent compte de la réalité des personnes qui ont à soutenir des parents âgés ou malades. Et il faudrait aussi accentuer la prévention qui passe, bien sûr, par la lutte à la pauvreté et par l'éducation populaire.

M. Garneau (Richard): Merci, Mme Rhéaume. Maintenant, M. Pellerin.

M. Pellerin (Laurent): Bonjour tout le monde. D'abord, on pourrait... j'aurais pu vous plaider probablement une couple d'heures l'utilité d'avoir un régime alimentaire intéressant, d'avoir une agriculture performante comme moyens de préserver la santé. M. Sawyer en a fait mention tantôt, ce sont déjà dans les consensus internationaux. Mais, après une couple de minutes, je me serais probablement trouvé hors contexte. Pourtant, ce n'est pas le premier forum auquel je participe.

Je vous entends parler et je note que, dans plusieurs cas, je vous trouve hors contexte dans plusieurs cas parce que vous me répétez, vous nous répétez le discours qu'on a entendu dans d'autres forums qui, à mon sens, n'ont pas rapport à ce qu'on discute ce matin. M. Audet, M. Taillon, de temps en temps les centrales syndicales, vous nous répétez les baisses d'impôt, la nécessité des baisses d'impôt, l'importance du déficit. C'est bien beau, peut-être que je suis trop terre à terre, venant de la terre, mais il me semble que c'est hors contexte.

Je pense qu'on va avoir besoin, si on veut finir aujourd'hui, de résumer la question. La question, elle est assez simple. Il ne s'agit pas de retourner voir les payeurs de taxes pour leur demander plus d'argent, évacuons ça tout de suite, il ne s'agit pas de dépenser de l'argent qu'on n'a pas, évacuons ça tout de suite, il s'agit – puis ce n'est pas l'entreprise, là, qui s'adresse à ses clients, c'est l'entreprise qui s'adresse à ses départements – il y a un département qui a des surplus, puis il y a un département qui a un déficit. Et, pourtant, le département de services à la clientèle, c'est lui qui doit répondre à la clientèle, puis il n'a pas les ressources de la part de la compagnie pour répondre à la clientèle. Pourtant, le département marketing pile, puis pile l'argent. Alors, si on veut le voir en termes d'entreprise, il va falloir le voir de ce côté-là.

J'aurais aimé ça avoir le temps de vous faire, de vous donner un point de vue sur les déficits, sur les impôts, mais la lumière jaune s'en vient rapidement. Alors, résumons la question. Il y a quelqu'un d'expert, hier, qui nous a dit: Ce n'est pas à savoir... La question, ce n'est pas à savoir si on a besoin de plus d'argent, elle est là, l'argent. Je pense que la démonstration, elle a été faite, elle est là, l'argent. Comment on fait pour s'assurer qu'on dirige le mieux possible cet argent-là aux besoins?

Vous savez que de réinvestir en santé pour des gens que je représente, on est le dernier au bout du kilomètre, nous autres, tout le temps. Les routes finissent toutes au Québec, puis nous autres, les producteurs agricoles et forestiers, on est le dernier au bout de la route, tout le temps. Alors, réinvestir en santé, réinvestir en éducation, ce n'est pas toujours une assurance que les services vont être meilleurs pour nous autres. Habituellement, ça se concentre on sait où puis ça se dilue à mesure qu'on avance.Alors, regardons donc plutôt la question principale. Moi, je ne veux pas passer la journée à vous plaider que c'est bien important, l'agriculture. Alors, je ne veux pas entendre non plus le plaidoyer des autres qu'il faudrait baisser les impôts, puis qu'il faudrait puis qu'il faudrait. Il faudrait qu'on se concentre sur la question principale qui est: Est-ce qu'on a l'argent? La réponse, je pense que c'est oui. Est-ce qu'on doit s'argumenter, pas pour la dépenser, l'argent qu'on n'a pas, est-ce qu'on doit s'argumenter pour faire la démonstration populaire, pour faire la démonstration politique aussi aux autres ministres des provinces puis à l'appareil politique canadien, s'argumenter que les besoins sont là, sont existants et on doit y répondre à ces besoins-là, pour le reste du débat.

M. Garneau (Richard): Merci M. Pellerin. Il y aura Mme Ruest-Jutras suivie de M. Boucher et de Mme Beaudry-Roberge. Mme Ruest-Jutras.

Mme Ruest-Jutras (Francine): ...quelques brefs commentaires parce que, bon, les soins de santé, ça ne relève pas des municipalités. Mais ce que je tiens à vous dire, c'est que les élus municipaux vivent sur leur territoire les effets de la dispensation de ces services, tout comme ils sont préoccupés des conséquences de l'évolution démographique, notamment du vieillissement de la population. C'est une réalité qui nous interpelle.

On a fait récemment un sondage auprès de nos membres, et c'était une de leurs principales préoccupations. Aussi, il ne faut pas s'étonner qu'on ait vu récemment certains élus municipaux réclamer un meilleur accès pour leurs citoyens à des services d'urgence, c'est ce qui s'est fait notamment à Shawinigan, ou encore avoir un meilleur accès à des soins spécialisés.

Comment, en effet, penser faire du développement, penser attirer de nouveaux citoyens dans une municipalité, penser même garder les résidents qui y demeurent si les soins de santé ne sont pas à la hauteur?

Je vous disais hier que les champs d'intervention des municipalités vont en s'élargissant. Alors, à cet égard, il ne faut pas oublier que, sur le terrain, nous vivons aussi les effets de la désinstitutionnalisation – avec le dossier des sans-abri, par exemple – que les problèmes de toxicomanie appellent une collaboration particulière de la part de nos policiers, que nous devons adapter les services municipaux à des clientèles particulières. On parlait du vieillissement de la population. Alors, c'est une clientèle avec laquelle on doit traiter de plus en plus. Je voulais aussi peut-être élargir le débat, comme certains l'ont souhaité, vous dire qu'il y a des facteurs externes qui ont une importance sur la santé publique et qui préoccupent les villes: on pense par exemple à la limitation des gaz à effet de serre, on pense à l'utilisation des pesticides, notamment en milieu urbain, mais surtout à la responsabilité qui est la nôtre de fournir des services d'eau potable de qualité à nos citoyens, et vous savez qu'il y a là des milliards qui sont en jeu. Aussi, on est heureux de retrouver – et je l'ai dit hier, mais je le répète – à la section III de votre document que, une fois qu'on aura parlé de santé, qu'on aura parlé d'éducation et de soutien aux familles, les préoccupations d'environnement, de logement social, de lutte à la pauvreté et des affaires municipales auront toute leur place.

M. Garneau (Richard): Merci. Alors, j'invite maintenant M. Boucher et ensuite Mme Beaudry-Roberge. M. Boucher.

M. Boucher (Gaëtan): M. le premier ministre, j'avais l'intention de faire un bref commentaire sur la question de la santé, mais, un peu comme Henri, l'intervention de mon collègue Gilles m'amène un petit peu à rectifier, je dirais, mon tir. Pierre Lucier a évoqué tout à l'heure le fait que nous ayons des obligations incontournables, que, dans le fond, l'exercice auquel on était convié illustrait dans le fond, en santé, en éducation, en famille et dans d'autres sujets, je dirais, nos besoins incommensurables, incontournables. Par ailleurs, il me semble aussi que, à tous égards, tous que nous sommes autour de la table, on représente des gens. Moi, je parcours le Québec depuis 15 ans. On fait à tous égards, tous que nous en sommes, de la politique. Il me semble qu'il faut être conscient, et Laurent Pellerin évoquait tout à l'heure que c'était un département qui faisait de l'argent. Mais il faut bien voir qu'on est en présence de deux compagnies qui, à bien des égards, s'ignorent mutuellement. Le vice-premier ministre s'est levé en Chambre hier et a réitéré ses propos de la fin de semaine dernière. Donc, les chances, effectivement, qu'on ait du succès ne sont peut-être pas très grandes.

De ce point de vue là, il m'apparaît un incontournable qu'au cours des prochaines heures on doit faire, comme assemblée, tout ce qui doit être fait pour générer un consensus entre nous, et donc d'aller chercher l'adhésion du patronat. De ce point de vue là, il me semble qu'il y a deux réflexions que je voudrais soumettre à votre attention. La première, c'est évidemment la notion du fardeau fiscal des particuliers et des sociétés. On ne peut pas prétendre que, pour côtoyer nos concitoyens et concitoyennes, cette question-là leur est indifférente. Il me semble que, dans la déclaration de fin de session, il devrait y avoir une ouverture autour de ça. Il devrait également y en avoir peut-être une autre autour de la manière même de livrer nos propres services. Le chef du Parti libéral et d'autres autour de la table, hier, l'ont évoqué, qu'il y avait aussi dans notre propre cour, en santé et en éducation, j'en conviens, des manières de faire qui, nécessairement, nous interpellent. Il me semble que si on recherche un consensus, on devrait peut-être pouvoir travailler sur d'autres paramètres que l'unique déclaration de l'Assemblée nationale pour aller chercher l'adhésion de tous les participants. Il me semble qu'il serait extrêmement malheureux qu'on se quitte ce soir sans effectivement que tous et chacun d'entre nous n'ayons pu signer la déclaration du Forum.

M. Garneau (Richard): Merci, M. Boucher. Mme Beaudry-Roberge.

Mme Beaudry-Roberge (Manon): Bien, vous savez, le secteur de l'éducation est toujours en concurrence avec celui de la santé lorsqu'il s'agit du budget québécois. C'est une chose promise. Toutefois, la Fédération des commissions scolaires du Québec souscrit aux propositions du ministre Legault, car, vous savez, dans le réseau primaire et secondaire, les compressions qu'il y a eues dans la santé se répercutent directement dans nos écoles: moins de services dans les CLSC, moins de services aussi pour les élèves en difficulté.

Je serai très brève. Nous souscrivons particulièrement à toute proposition touchant la prévention. Si l'argent est disponible, comme le disait M. Pellerin tout à l'heure, allons le chercher et allons le chercher en fin de journée, j'ose l'espérer, ensemble et de façon unanime. Merci.

M. Garneau (Richard): Merci. Nous allons maintenant inviter les représentants de chaque partie à vous adresser la parole. D'abord, pour l'ADQ, Mme Grégoire.

Mme Grégoire: Je vais être en ligne avec les deux derniers intervenants, parce que je pense que, au niveau du constat, tout le monde s'entend. Je pense qu'on ne cesse de parler du vieillissement de la population qui est plus rapide ici qu'ailleurs, à peu près partout dans le monde, à l'exception du Japon. On a un défi, comme société québécoise, d'assurer à chaque génération des soins de santé accessibles, et ça, pour moi, en tout cas, tout en assurant de protéger les autres missions de l'État. Parce qu'il y a... Plusieurs intervenants l'ont dit: La santé, ce n'est pas monolithique, ce n'est pas une seule chose, hein? C'est effectivement la pauvreté. C'est très difficile d'être en santé quand on ne mange pas bien le matin puis qu'on est un petit loup qui s'en va à l'école secondaire ou à l'école primaire. Mais c'est aussi l'agriculture parce que semble-t-il qu'on ressemble un peu à ce qu'on met dans notre assiette. Alors, moi, l'agriculture, ça m'interpelle aussi quand on parle de la santé.

Pour ce qui est des modèles, je pense que, effectivement – je pense qu'on l'a dit hier – il y a des campagnes électorales pour ça, puis on sera là pour en discuter puis on sera là pour mettre chacun nos idées sur la table. Je pense que, actuellement, ce qu'il faut se dire, c'est que le fédéral, tout en refusant de reconnaître le déséquilibre fiscal, continue de s'immiscer dans les compétences du Québec. Hier, on en faisait état, on parlait de fonds d'appareils médicaux pour 1 milliard; on parlait d'adaptation des services pour 800 millions; on parlait d'un programme de TI pour 500 millions. Ça, c'est une marge de manoeuvre, je pense, qui pourrait franchement être répartie à travers les provinces.

Alors, moi, je pense que, au-delà des intérêts particuliers qu'on a tous ici... Je pense qu'on a tous des intérêts particuliers ici, puis c'est clair, on représente différents groupes de la société québécoise, mais il est important aujourd'hui de sortir d'ici plus unis, plus forts que jamais pour aller chercher notre juste part, et je pense que c'est pour ça qu'on est ici.

M. Garneau (Richard): Merci, Mme Grégoire. Représentant le Parti libéral, M. Fournier.

M. Fournier: Oui, quelques remarques avant que le ministre puisse clore cette partie. M. le Président, bonjour à tous. Le sous-financement fédéral à l'égard de la santé, additionné au sous-financement décrété par le gouvernement du Québec, ont constitué une démission par rapport à notre système public. Il a amené certains à baisser les bras, d'autres à se tourner vers le financement privé avec les effets pervers et inéquitables que l'on connaît à cette option. On parle beaucoup d'un 50 millions par semaine dans cinq ou six ans, en ce moment. Mais pourquoi refuser de parler du milliard par semaine que le gouvernement du Québec injecte avec son budget de 50 milliards? N'y a-t-il aucun choix à faire dans cette enveloppe?

Parlons de la santé. En 1993-1994, le Québec consacrait 8 % de son PIB à la santé; en 1997-1998, nous sommes descendus à 6,7 %; nous sommes aujourd'hui un peu au-dessus des 7 %. Par rapport à notre capacité de payer, on en met moins aujourd'hui en santé qu'on le faisait il y a 10 ans. En 1994, selon l'Institut canadien de l'information sur la santé, le Québec occupait le troisième rang des provinces eu égard au financement per capita de la santé. Selon les mêmes bases de calcul, l'Institut, d'ailleurs reconnu par le ministère, qui lui a donné un contrat, révèle que nous occupons maintenant le dixième et dernier rang. Pendant que toutes les provinces s'attelaient à la lutte au déficit et pendant qu'elles étaient toutes affectées par les coupures fédérales, nous avons reculé jusqu'au dernier rang des provinces.

L'argent de la santé a donc servi à autre chose, c'est dire qu'il peut resservir à la santé. C'est une question de priorité, c'est une question de choix. Si gouverner, c'est choisir, l'impression qui se dégage aujourd'hui et hier, c'est que le gouvernement démissionne, il ne veut pas choisir dans sa compagnie, pour reprendre les paroles de M. Boucher. Veut-il gouverner? Le déséquilibre fiscal ne doit pas être un prétexte pour ne pas agir en santé.

Par ailleurs, la problématique de la santé ne se résume pas à une seule question d'argent, et là aussi c'est une question de choix. Par exemple, il y a des choix d'organisation qui doivent être mis sur la table et, soit dit en passant, qui interpellent plusieurs des acteurs autour de la table aujourd'hui. Ça aurait été agréable de pouvoir en discuter. Je n'en cite qu'un pour exemple. Le rapport Clair énonce, à la proposition 45, à la page 129 – je lis un court extrait: «Nous proposons – c'est la commission Clair qui parle – que les partis nationaux conviennent que les questions relatives aux horaires de travail, au remplacement, à la présence et à l'absence de travail, ainsi qu'à la gestion des postes soient négociées et agréées à l'échelle locale avant le début de la prochaine négociation nationale.» Deux ans après le rapport Clair, l'entre-négo est terminée et il y a des choix qui n'ont pas été faits. On peut difficilement mettre cela sur le dos du déséquilibre fiscal.

Je termine avec une recommandation, M. le Président. N'abdiquons pas devant le sous-financement en attendant de régler le déséquilibre fiscal – de notre gouvernement, nous attendons de l'action, pas une démission. N'abandonnons pas nos valeurs de justice sociale qui accompagnent le financement public de la santé en accentuant la place du financement privé – il y a une différence entre brasser la cage et la casser. Reconnaissons que gouverner, c'est choisir, et exigeons de nos gouvernements, chacun dans leur sphère respective, qu'ils priorisent la santé, d'abord en proposant de l'action et du changement à l'égard de nos façons de faire – il faut faire le ménage pour en avoir pour la pleine valeur de nos dollars santé; ensuite en choisissant un changement de cap pour enfin financer correctement la santé – les Québécois méritent mieux que la dernière position au Canada en santé; enfin en refusant de reporter à plus tard les choix qui peuvent être faits aujourd'hui. Gouverner, c'est choisir. Eh bien, M. le premier ministre, M. le ministre, gouvernez.

M. Garneau (Richard): Merci, M. Fournier. M. le premier ministre.

M. Landry: Vous pensez bien que, si les trois partis ont appuyé unanimement cette déclaration, c'est que c'est une des plus sophistiquée qui puisse être conçue par un cerveau humain. En effet, presque tout nous divise dans nos choix. Quand nous en faisons un unanime, il vaut que l'on s'y arrête.

Tous les mots ont évidemment été soigneusement choisis pour laisser place à tous les choix qui se feront au cours d'une campagne électorale et d'un débat politique démocratique. Et la clé de cette partie élective de la résolution, c'est le mot «principalement», il y a le mot «principalement». Il est factuel, le mot «principalement», puisque les trois secteurs nommément visés absorbent 80 % des dépenses de l'État. Ne pas dire «principalement» serait nier la réalité. Mais en disant «principalement», on dit qu'il y a aussi d'autres besoins, et, dans ces besoins, il y a des besoins de dépenses et il y a des possibilités et des besoins de moins rentrer.

Alors, dans cet adverbe, archi-commun, je pense qu'il y a de quoi rallier tout le monde. Les gens de l'agriculture peuvent dire: Oui, 80 % des dépenses de l'État, c'est éducation, santé, famille, mais, dans le 20 % qui reste, la puissante intervention agricole du Québec, la plus élevée du Canada, y trouve son compte, même chose pour les municipalités. Pour la lutte à la pauvreté, bien là je suis encore plus surpris, parce que, dans les trois mots, il y a la politique sociale de tous les États avancés: Éducation, santé, famille. Ça devrait déjà vous combler mais je vous offre, en plus, «principalement».

M. Garneau (Richard): Merci, M. le premier ministre. Et maintenant, le ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux, M. François Legault.

M. Legault (Rousseau): Oui, merci, M. l'animateur. Écoutez, mon rôle, c'est de vous faire un petit peu le résumé. Évidemment, il y a eu plusieurs interventions au cours du dernier échange qu'on vient d'avoir. Ce que je retiens... D'abord, je pense qu'il y a un consensus sur le fait qu'on a une croissance exceptionnelle des dépenses de santé au Québec, comme partout ailleurs. Et j'ai noté les interventions de certains, entre autres M. Adam, de l'AHQ, qui nous dit: «L'augmentation des coûts de système dépasse la capacité de payer du gouvernement du Québec»; M. Dutil, de la FMOQ, qui dit: «L'efficience a ses limites et même la privatisation ne réglera pas tout»; M. Dugré, qui dit: «Même en réorganisant, il y a un problème de financement». Donc, je pense qu'il y a beaucoup d'intervenants qui viennent nous dire: Il y a un problème structurel de financement au-delà de tous les choix qu'on puisse faire au niveau de l'organisation des services.

Il y en a certains qui sont venus nous parler du fait que, oui, mais il y a des impôts élevés. Je pense que, encore là, il faut être prudent. Qu'on parle de public, de privé, il y a une croissance réelle des coûts et quelqu'un doit payer. Et j'ai bien aimé l'intervention, entre autres, de M. Vaudreuil qui nous disait: À un moment donné, les gens dans le réseau sont démotivés parce qu'on leur demande un peu de faire de la magie; on leur demande actuellement d'avoir un système qui donne tous les services mais sans leur donner tous les moyens. Donc, à un moment donné, il faudra faire des choix peut-être qui seront difficiles, mais je pense qu'on doit être cohérents par rapport à ce qu'on demande au personnel qui est dans le réseau de la santé. Et, de ce côté-là, il faut les féliciter, je pense, pour le travail qui est fait.

Concernant les priorités que j'ai proposées, j'ai noté que plusieurs ont parlé de peut-être la nécessité d'inscrire dans nos lois québécoises les principes, entre autres, de gratuité et d'universalité. Je pense qu'il faudra sûrement se pencher sur ce point. Par contre, je sens un consensus sur les priorités: première ligne, personnes âgées, listes d'attente, prévention, incluant les dimensions sociales. Je comprends aussi que certains groupes, entre autres les groupes qui représentent les jeunes, nous ont parlé de caisse-santé, de fonds ou d'assurance groupe pour mieux planifier la réponse aux impacts du vieillissement. Je pense que ça amène une certaine réflexion.

Ce que je retiens aussi, en terminant, c'est peut-être l'urgence d'agir. J'entendais Mme Gendron, entre autres, des CLSC-CHSLD, nous parler de la situation difficile que vivent certaines personnes âgées; Mme Skene, de la FIIQ, aussi qui nous en parlait. Je pense que c'est important d'avoir un consensus, parce qu'il y a une question de cohérence. On n'est pas en train de se poser des questions, à savoir est-ce qu'on veut faire des déficits ou est-ce qu'on veut dépenser de l'argent qu'on n'a pas. Ce qu'on veut, c'est de rééquilibrer la capacité fiscale en fonction des priorités des Québécois, des Québécoises, des citoyens, des contribuables du Québec. On ne peut pas voir dans tous les sondages qu'on puisse faire au Québec le fait que la santé, c'est la première priorité, et en même temps... Comme gouvernements, les gouvernements doivent réagir à ces priorités et mettre l'argent là où sont les priorités. Donc, je pense qu'on doit...

Je suis content de voir qu'il semble quand même y avoir un consensus, mais je peux vous assurer qu'on va tous agir, avec les gens du réseau de la santé, de façon responsable, parce que, oui, il y a encore des gains d'efficacité à faire, mais aussi on doit avoir une certaine responsabilisation des gouvernements de rééquilibrer la capacité fiscale en fonction des priorités des Québécois et des Québécoises qui paient des taxes et des impôts aux deux paliers de gouvernement. Merci.

M. Garneau (Richard): Alors, merci, M. le ministre. Et ceci termine notre premier bloc.

Nous allons passer tout de suite au deuxième, sur les orientations pour le réinvestissement en éducation. Et j'invite le ministre d'État à l'Éducation et à l'Emploi, M. Sylvain Simard, qui va venir prendre la place de M. Legault, à vous adresser la parole. Ce sera le même système: Chaque intervenant aura trois minutes approximativement pour émettre ses commentaires, et ensuite il y aura l'intervention des représentants de chaque parti, et, finalement, la conclusion par le ministre lui-même, M. Simard, que je vous présente à l'instant même. M. Simard.

M. Simard (Richelieu): M. le premier ministre, M. le représentant de l'opposition officielle, Mmes et MM. les participantes et participants du Forum sur le déséquilibre fiscal. Je suis très heureux de lancer nos échanges sur l'éducation. Le gouvernement du Québec a consenti des efforts considérables pour améliorer la qualité de notre système d'éducation. Nous y avons ajouté un investissement de 1,4 milliard de dollars au cours des trois dernières années. Le Québec a besoin de tous ses jeunes pour progresser comme société. Le Québec vient de créer 128 000 emplois depuis six mois, du jamais vu dans notre histoire. C'est beaucoup parce que nous avons fait le choix de consacrer des sommes importantes au cours des années à l'éducation. Il faut donc poursuivre dans cette voie.

N'oublions pas, au départ – et je m'adresse à ceux qui regardent très attentivement les chiffres – que le simple maintien du système d'éducation à son niveau actuel exige chaque année d'ajouter à son budget environ 3,6 %, soit 400 millions de dollars, pour faire face aux seules augmentations de coûts de système. Il faut par ailleurs poursuivre le réinvestissement à l'éducation, surtout dans le contexte de la compétition qu'apporte la mondialisation. Pour préserver l'accessibilité, la qualité, l'égalité des chances pour tous et toutes, il nous faut mettre fin au déséquilibre fiscal. Avec des ressources additionnelles en éducation, nous pourrons consolider, accélérer, étendre les réformes du système d'éducation en vertu d'améliorer la qualité de l'enseignement et renforcer la position concurrentielle du Québec dans le monde.

Sur la base de cet objectif, je vous invite à retenir quatre priorités. La première priorité: renforcer la mobilisation autour de la réussite des jeunes ainsi que sur l'encadrement et le soutien à donner. Lors du Sommet du Québec et de la jeunesse, nous avons mobilisé le réseau scolaire pour favoriser la réussite de tous les jeunes et lutter contre le décrochage. Cette lutte est amorcée, elle donne déjà des résultats, il nous faut la gagner. Les jeunes des écoles secondaires et des cégeps doivent pouvoir profiter d'un meilleur encadrement, pensons aux services d'aide pédagogique, aux travailleurs sociaux, aux orienteurs, aux titulaires et aux tuteurs. Il faut également développer davantage d'activités parascolaires qu'elles soient sportives, sociales, culturelles. L'école, ce n'est pas seulement un milieu d'apprentissage, ça doit être un milieu de vie. Nous vous proposons donc de mettre le cap sur le développement des services de soutien pédagogique, d'encadrement et d'accompagnement offerts aux jeunes, particulièrement aux jeunes à risque ou en difficulté.

La deuxième priorité: fournir aux écoles des outils pédagogiques modernes pour soutenir la mise en oeuvre de la réforme de l'enseignement primaire et secondaire. La responsabilité d'un élève, vous vous en doutez bien, c'est d'étudier. Toutefois, il doit avoir des outils entre les mains pour réussir. À la suite des états généraux sur l'éducation, nous avons augmenté le nombre d'heures consacrées aux matières de base: français, mathématiques, histoire, et nous avons ainsi lancé la plus grande réforme en éducation depuis 40 ans. De nouveaux investissements nous permettraient d'accélérer la modernisation des outils pédagogiques. C'est très simple: des manuels scolaires, l'achat de livres pour les bibliothèques scolaires, des ordinateurs pour nos écoles. Et nous vous proposons donc de doter toutes les écoles du Québec d'outils pédagogiques modernes et de qualité pour soutenir les efforts des enseignants et des enseignantes pour la formation des jeunes.

Troisième priorité: consolider le positionnement des cégeps et des universités dans le contexte de la mondialisation. Il faut s'appuyer sur nos cégeps et nos universités pour maintenir notre compétitivité. Le Québec doit compter sur un important bassin de personnes hautement qualifiées pour soutenir la croissance économique actuelle. Trois enjeux retiennent particulièrement notre attention à ce chapitre: le recrutement de nouveaux professeurs dans nos universités, l'accroissement du nombre de diplômés à la maîtrise et au doctorat, le développement de créneaux d'excellence et la mise en oeuvre de programmes d'études techniques de grande qualité en appui au développement économique des régions. Nous vous proposons donc de continuer d'appuyer nos cégeps et nos universités pour assurer leur compétitivité dans le contexte nord-américain.

Quatrième et dernière priorité: Maintenir l'accessibilité à un système d'éducation de qualité sur tout le territoire du Québec. Dans plusieurs régions, le nombre d'élèves et d'étudiants diminue. Cela pourrait avoir des effets sur l'accessibilité à une éducation de qualité et à une formation tout au long de la vie. Cette diminution pourrait freiner notre capacité à offrir les programmes permettant de former la main-d'oeuvre nécessaire au développement des régions affectées par cette baisse. Bien que le Québec offre d'excellentes mesures d'aide financière aux études, il faut rester vigilants pour empêcher que certains coûts fassent obstacle à l'accès aux études supérieures. Nous vous proposons donc de maintenir, voire d'améliorer l'accès à des services éducatifs de qualité, particulièrement dans les régions confrontées à une décroissance économique.En résumé, maintenir et accélérer notre effort en éducation, c'est le meilleur investissement pour assurer le développement économique et social du Québec de demain. Et, pour ce faire, seul un réinvestissement substantiel découlant du rééquilibrage fiscal nous permettra d'atteindre pleinement nos objectifs. Je vous remercie.

M. Garneau (Richard): Merci, M. le ministre. Donc, je vous rappelle que chaque intervenant a droit à trois minutes ou à peu près. Et la lumière jaune vous indique qu'il vous reste une minute – je me répète – et la lumière rouge que ça doit être terminé, en principe. Le premier intervenant, M. Stronach.

M. Stronach (Gary): J'ai un problème, comme parent, au Québec: J'ai un enfant et j'ai l'obligation de l'éduquer. Gaëtan parlait tantôt qu'il y a deux compagnies avec qui nous faisons affaire. Je paie des services à deux compagnies, mais les deux compagnies ont l'obligation de me soutenir dans mon rôle comme parent. Je ne demande pas de quoi qui ne m'est pas dû. Le champ d'intervention de l'éducation, c'est bel et bien provincial. L'obligation parentale d'éduquer son enfant doit relever des deux compagnies, ça, j'en conviens. Dans un monde parfait, il n'y aura pas d'autobus scolaires, les élèves pourront aller à pied à l'école, ils pourront fréquenter de 9 heures le matin à 5 heures le soir, tout comme dans plusieurs pays. Nous ne vivons pas dans un monde idéal.

Les coûts du système, le transport scolaire, les enfants en difficulté – je ne rentrerai pas dans tous les besoins, je pense que tout le monde connaît les besoins de l'éducation – nous faisons bien avec les ressources que nous avons. Il nous manque de ressources. Quand on regarde la mobilité de la population, il n'y a rien qui dit qu'un élève éduqué au Québec n'ira pas travailler en Ontario. À ce que je sache, honteux fédéraliste que je suis, je suis un citoyen du Québec et du Canada et mon élève, mon fils et ma fille devraient avoir les mêmes droits, mais, à ce moment-là, on demande que l'éducation des enfants soit la même priorité pour les deux chefs d'entreprise.

Je regarde juste un point. Il y a plusieurs années, nous avons été demandés, comme ensemble, de parler pour les bourses millénaires, et j'étais un des premiers à dire: L'étampe qu'il y avait dans le coin du chèque, les élèves s'en foutaient carrément. Mais, quand je regarde l'investissement de 2,5 milliards qui est fait dans les bourses, je ne suis pas sûr, comme étant quelqu'un partie prenante dans l'éducation aujourd'hui, que j'aurais investi ce 2,5 milliards là. Laissons le soin aux ressources d'être dispensées où le milieu le plus près.

Je suis très cohérent. Quand je suis à l'école, je demande que, si on nous donne des responsabilités, on nous donne les ressources; à la commission scolaire, si on leur donne des responsabilités, qu'on donne les ressources; mais je dis la même chose: Si on donne au gouvernement provincial l'obligation et le besoin de dispenser des services, donnons-lui les ressources qui lui reviennent. Allons chercher ce que nous avons de besoin pour donner à nos enfants une éducation de qualité bien financée.

M. Garneau (Richard): Merci, M. Stronach. Il y aura Mme Wheelhouse, M. Lucier, M. Boucher, M. Brisson, Mme Fauteux-Lefebvre, Mme Carbonneau, le Dr Dugré et Mme Marois. D'abord, Mme Wheelhouse.

Mme Wheelhouse (Jocelyne): Oui, merci. Alors, au cours des dernières décennies, l'éducation québécoise a connu des améliorations importantes et malgré des coupures majeures qui ont été faites au système d'éducation, je dirais, grâce à la passion du personnel en place qui ont souvent relevé des défis, au détriment de leur propre santé mentale très souvent.

Alors, aujourd'hui les élèves québécois se classent dans le peloton de tête aux examens internationaux, c'est une fierté. Notre société s'est fixé des objectifs ambitieux en termes d'accessibilité et de réussite éducative. Malheureusement, depuis cinq ans, on constate que les taux de diplomation et d'accessibilité n'ont guère progressé. Alors, il y a un réinvestissement qui s'impose. Et, pour accroître la réussite et améliorer la qualité, voici ce que nous privilégions comme Centrale.

Premièrement, et on est en concordance avec ce qui a été énoncé, assurer un meilleur soutien aux élèves en difficulté et aux milieux plus difficiles. Alors, réussite et qualité passent par une réduction des écarts, et on a là un moyen systémique de lutter contre la pauvreté.

Deuxièmement, poursuivre la réduction du nombre d'élèves par groupe initié pour le préscolaire et le premier cycle du primaire. C'est la meilleure façon d'accroître le temps efficace d'apprentissage et c'était un consensus qu'il y avait eu lors des états généraux de l'éducation également.

Troisièmement, bien, on va se parler de services complémentaires aux élèves, alors psychologues, bibliothécaires, psychoéducateurs, éducation spécialisée, orthopédagogues et surtout toute la question du parascolaire. Il y avait une émission très intéressante hier soir sur la question des garçons. C'est vrai pour les garçons, c'est vrai pour les filles, c'est une nécessité de réinvestissement, et, devant la multiplication des problèmes sociaux et l'ampleur des changements en cours, c'est une nécessité de réinvestir en termes de services complémentaires.

En ce qui concerne la formation professionnelle et technique et l'enseignement supérieur, alors, on souhaite tout mettre en oeuvre pour maintenir une offre de formation qui soit variée, accessible sur l'ensemble du territoire et soutenir évidemment les collèges et les universités en région, offrir une meilleure offre de service aux jeunes et aux adultes qui font face à des échecs ou à des problèmes d'orientation. S'il y a des problèmes chez les jeunes, il y a aussi des problèmes chez les adultes, qui méritent d'être soutenus.

Et maintenant soutenir la recherche par des programmes structurants. Alors, le gouvernement fédéral et les entreprises ont envahi le champ de financement de la recherche, et bien sûr que ça a orienté ce champ d'investissement en termes de recherche, et donc il doit y avoir un soutien majeur sur les programmes qui sont structurants.

Et, en terminant, on souligne l'importance de développer la formation continue des adultes, c'est majeur, puis de mettre un terme au fléau de l'analphabétisme. Et la société québécoise, je pense, a raison d'être fière de son système d'éducation. C'est une de nos principales richesses collectives, un de nos plus importants acquis démocratiques, un bien commun dont on peut être vraiment fiers. Alors, il faut encore faire mieux. C'est là le défi qu'on a à relever, et donc il faut lui consentir les moyens adéquats. Merci.

M. Garneau (Richard): Merci, Mme Wheelhouse. M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): Merci, M. le Président. Le ministre de l'Éducation a exposé un certain nombre de priorités; je dirai que, de toute évidence, il est en terrain solide. Il est en terrain solide non pas seulement sur les rubriques spécifiques qu'il a mentionnées, mais sur la conviction fondamentale qui sous-tend ces priorités-là et qui est à l'effet que l'éducation, notamment l'enseignement supérieur, est au centre de notre capacité de développement, est au centre de notre développement culturel, social, économique, de notre prospérité et de notre accès à la richesse. C'est un investissement qui est central, et c'est ce qui fait la différence. Et nous nous réjouissons de voir que c'est cette conviction-là qui sous-tend les rubriques.

Le Québec fait beaucoup en éducation. On cite souvent la part de PIB, mais il faut remarquer évidemment que plus on est riches, plus la part est basse, c'est normal, et qu'au fond la vraie question qu'il nous faut poser ultimement, c'est: Est-ce que les établissements d'enseignement, notamment les universités, ont, pour les services universitaires, des ressources comparables à celles dont disposent les universités canadiennes concurrentes, amies, concurrentes et voisines? Et, à cet égard-là, la première phase de réinvestissement, nous l'avons accueillie avec grande satisfaction, ce n'est pas rien pour le contribuable, mais il est évident qu'il y a une deuxième phase qui va être nécessaire.En même temps que la première phase était annoncée, il y avait eu aussi l'engagement d'une étude conjointe – ça a été fait au Sommet de la jeunesse. Elle va bon train. J'aurai été plus heureux de pouvoir faire état de résultats aujourd'hui, mais ce ne sera pas très long. Je crois qu'on peut s'attendre à ce que cette étude comparative, disons, qui consiste à mettre en parallèle les ressources dont disposent les établissements québécois et les autres voisins au Canada... Il apparaît d'ores et déjà qu'on ne parlera pas d'une phase avec un montant moindre que lors de la première phase. Alors, c'est évident que, dans ce contexte-là, tout ce qui affecte la capacité du gouvernement du Québec d'assumer ses responsabilités, le déséquilibre fiscal évidemment, mérite une très grande attention.

Vous me permettrez d'ajouter aussi, concernant les établissements d'enseignement supérieur en région, qu'il faut les voir, ces établissements-là, comme faisant partie de la solution et non pas du problème et que, derrière leur sort, se joue finalement le sort des régions, et qui est un enjeu non pas régional, mais national. Nous sommes tous convaincus, et pas seulement ceux des régions, que les établissements d'enseignement supérieur, pour peu qu'on veuille des régions et une société capable de prendre en main son développement et de participer à la prospérité du siècle à venir, il est évident que ces établissements-là, tant au collégial qu'à l'universitaire, font partie de la solution. Je vous remercie.

M. Garneau (Richard): Merci, M. Lucier. Il y aura d'abord M. Boucher et ensuite M. Brisson et Mme Fauteux-Lefebvre. M. Boucher.

M. Boucher (Gaëtan): Oui. Merci, M. le Président. M. Simard, je dois vous dire d'entrée de jeu avoir apprécié les propos que vous avez tenus relativement à l'avenir de notre système d'éducation; vous dire également que la Fédération des collèges, la Fédération des cégeps, est solidaire du gouvernement du Québec en ce qui concerne la nécessité d'un meilleur équilibre fiscal entre les deux paliers de gouvernement; vous dire également que la Fédération attend du gouvernement du Québec qu'il consente à l'éducation sa juste part des budgets additionnels qui découleraient d'un rééquilibre fiscal entre les deux ordres de gouvernement; et vous dire enfin qu'on partage à tous égards les priorités retenues par le gouvernement du Québec pour le secteur de l'éducation, et que vous avez exprimées.

Évidemment, je voudrais rappeler un certain nombre de choses: Que nous avons eu, comme réseau collégial public, la part la plus modeste du réinvestissement en éducation, et que, au moment où on se parle, nous ne sommes qu'à 80 % du financement qui était celui des collèges en 1994, et que, contrairement à nos collègues des universités et des commissions scolaires, nous sommes littéralement captifs d'un financement d'État, puisque nous sommes financés à 85 % par l'État.

Ceci étant dit, je voudrais faire trois brefs commentaires sur trois des priorités que vous avez retenues. Le premier qui entoure de soutenir la réussite et la diplomation. Nous savons tous qu'il existe dans l'enseignement collégial un effort considérable à faire pour rehausser nos taux de diplomation, ils sont trop faibles. J'ai eu l'occasion de le partager avec votre prédécesseur et je l'ai réitéré encore hier soir, donc effectivement il faut voir que, si on veut passer du taux qui est de 63 % aujourd'hui à 76 % aux horizons de 2010, il faut pouvoir retisser autour de nos étudiants et étudiantes un tissu humain, il faut pouvoir trouver le moyen que nos garçons et nos filles puissent rencontrer des adultes pour pouvoir les mettre sur le chemin de la réussite et de la diplomation. Je vous rappelle que les compressions nous ont entraînés à l'abolition de 800 postes. Il faut pouvoir les restaurer.

La deuxième chose, c'est de consolider notre positionnement sur les marchés. Vous avez parlé d'offre de formation technique. Votre collègue, Mme Maltais, a dit en juillet dernier que 60 % des nouveaux postes qui seront créés au Québec vont exiger au moins une formation collégiale et universitaire. Donc, effectivement restaurer le potentiel de développement de la formation technique nous apparaît être une voie extrêmement intéressante.

Le dernier commentaire, il vise évidemment cette question qui est l'accessibilité des services à la grandeur du territoire du Québec. J'ai déjà eu l'occasion de le dire publiquement: actuellement, dans notre réseau, nous avons deux sortes de collèges, il y a ceux qui travaillent à leur survie et ceux qui travaillent à leur développement. Il faut véritablement s'insérer dans une dynamique où, à la grandeur du territoire du Québec, on puisse avoir accès à des services de même qualité sur tout le territoire. On pense qu'effectivement la consolidation et le développement de l'expertise en région, dans des formes de collaboration nouvelles avec les commissions scolaires et les universités, nous apparaît extrêmement prometteur, de la même manière que le développement de centres d'expertise autour des centres de transferts de technologies collégiales nous apparaît également être une voie porteuse.

En conclusion, je veux vous dire qu'à l'égard du réinvestissement en éducation vous avez notre appui le plus total mais que par ailleurs il va falloir aussi revoir. Je l'ai dit en commission parlementaire le 25 septembre dernier: Oui, certainement ça nous prend de l'argent additionnel, mais également, à terme, il va falloir revoir nos manières de voir et de faire les choses, de livrer nos services éducatifs au Québec. Il y en a pour 11 milliards, 17 milliards à l'horizon de 2020, et nos manières de faire, un jour ou l'autre, devront être regardées de façon extrêmement attentive. Merci.

M. Garneau (Richard): Merci, M. Boucher. M. Brisson.

M. Brisson (Nicolas): Oui. Alors, pour la FEUQ, c'est un dossier qui est prioritaire et depuis longtemps. Il y en a qui pensent que les plus grosses manifestations et mobilisations étudiantes ont eu lieu dans les années soixante et soixante-dix, quatre-vingt, c'est tout à fait faux. Les plus grosses manifestations étudiantes ont eu lieu entre 1994 et 1996, lors de ce qu'on a appelé la réforme Axworthy, parce qu'on savait, à l'époque, qu'on en paierait le prix, et on a payé le prix en éducation. Il y a eu à peu près, on calcule, 10 milliards de coupures du fédéral dans les transferts dédiés à l'éducation postsecondaire. Ça a eu des conséquences dans le reste du Canada, surtout en termes de frais de scolarité. Ici, nous, on a fait des pressions, puis on a un gouvernement qui a maintenu les droits de scolarité au niveau actuel, et il y a eu des conséquences sur la qualité de l'enseignement. Et on adhère pleinement aux priorités qui sont énumérées ici.

Mais ce qu'on a retenu aussi de 1994 et de 1996, 1995 aussi, des grandes manifestations étudiantes, c'est que, même si on avait le plus grand consensus québécois, même si on avait les plus grandes mobilisations étudiantes, le gouvernement fédéral nous regarde de haut puis il nous fait des bye-bye en disant que ça n'existe pas. Puis encore hier, à la Chambre des communes, le ministre Manley n'a même pas daigné reconnaître l'existence d'un déséquilibre fiscal, ce qui fait en sorte que, nous, on a convenu d'aller dans le reste du Canada et d'aller rencontrer le maximum d'associations étudiantes pour les convaincre que non seulement il y a un déséquilibre fiscal, mais que, s'ils voulaient voir leurs frais de scolarité diminuer un jour, s'ils voulaient voir améliorer la qualité de l'enseignement, bien, il y avait des surplus au fédéral puis il fallait que ces surplus-là soient transférés.

Donc, on a tenu une conférence, à Montréal, de l'ensemble des regroupements d'associations étudiantes provinciales du Canada, en vue de prendre position sur un certain nombre de choses, dont le déséquilibre fiscal et la nécessité que les surplus du fédéral soient transférés aux provinces, notamment en matière d'éducation postsecondaire. Et on a eu un consensus sur cette question-là. Et, moi, je vous inviterais, dans le but d'établir le plus grand rapport de force, d'abord de faire un consensus québécois. Ça, je pense que c'est absolument essentiel. Il faut le plus grand consensus au Québec sur cette question-là. Mais il faut aussi que chacun, dans vos réseaux, vous alliez sensibiliser les gens dans le reste du Canada à l'importance de cette question-là, parce que ça les touche aussi. Nous, on l'a fait et ce n'était pas facile, là. Vous aviez non seulement des tendances idéologiques différentes à l'intérieur même de ce qu'on appelle le «mouvement étudiant canadien», mais il y avait aussi un désir de centralisation.

Les bourses du millénaire, quand on leur a fait prendre position là-dessus, c'était aussi pour dire que, si le gouvernement fédéral avait de l'argent à mettre en éducation, c'était par le transfert aux provinces, puis c'était ça la priorité et non des bourses du millénaire. Puis aujourd'hui ils l'ont signé puis dans deux mois ils ne pourront pas crier hourra si le gouvernement fédéral investit dans une nouvelle fondation ou une nouvelle bébelle à M. Chrétien qui veut laisser ça comme héritage.

Donc, moi, je vous invite toutes et tous, et je sais que le premier ministre l'a fait avec les autres premiers ministres des provinces, les municipalités l'ont fait, et j'aimerais ça que, dans l'ensemble du Canada, on puisse arriver à un consensus sur la nécessité de transférer aux provinces les surplus fédéraux et du déséquilibre fiscal. Merci beaucoup.

M. Garneau (Richard): Merci, M. Brisson. Il y aura d'abord Mme Fauteux-Lefebvre suivie de Mme Carbonneau et du Dr Dugré. Mme Fauteux-Lefebvre.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Merci. Vous savez, pour nous, l'éducation ça a trois grandes priorités: donc une accessibilité, la qualité puis, ensuite, une réussite. C'est pourquoi les principes qui sont élaborés là, on y adhère pleinement. C'est des choses qu'on croit essentielles tout autant au niveau des services aux étudiants, l'accessibilité en région, soit géographique ou financière. Toutefois, hier, lorsqu'on présentait la projection des équilibres financiers, on remarquait qu'il n'y avait pratiquement pas d'augmentation des dépenses en éducation suite à la baisse des effectifs étudiants. Toutefois, je ne sais pas si on peut vraiment faire la corrélation directe entre une baisse d'effectifs puis une baisse... bien, ou un maintien des budgets, parce qu'il y a des coûts qui sont réels, qui sont fixes, qui ne se modifient pas nécessairement pour le maintien des écoles en région, les cégeps, même des universités. Une baisse d'effectifs, ça ne signifie pas une baisse des coûts. Les bâtisses sont là, les services doivent demeurer.

Donc, j'aimerais ça qu'on fasse... Pour nous, c'est important de faire attention à cette dimension-là dans l'avenir. C'est aussi... On croit vraiment important donc de s'arrêter, soit au déséquilibre fiscal, donc d'aller rechercher l'argent qui revient, qui doit revenir et qui devrait être réinvesti en éducation pour pouvoir continuer à permettre une accessibilité, une qualité puis une réussite de tous les étudiants.

M. Garneau (Richard): Merci. Mme Carbonneau.

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, en commençant, je vais apporter encore une fois deux remarques préliminaires. La première, c'est la nécessité que le secteur de l'éducation trouve sa juste part dans la construction des budgets, tant au Québec et tant dans les réallocations de sommes qui pourraient nous provenir d'un rééquilibrage de la fiscalité au niveau fédéral.

D'autre part, j'entendais la vision qui nous était proposée par le ministre et, bien que la CSN souscrive à plusieurs des priorités qui sont mises de l'avant, il me semble encore une fois constater qu'on s'oriente vers une vision du secteur de l'éducation qui laisse malheureusement un peu pour compte les adultes. Et, de ce côté-là, j'en appelle à la cohérence de l'action gouvernementale. En mai dernier, votre gouvernement a déposé cette fameuse politique concernant l'éducation des adultes et la formation continue, et je veux souligner qu'il ne s'agit pas strictement, quand on parle des clientèles adultes, d'une volonté de mieux répondre aux nouveaux impératifs du marché du travail mais aussi de fournir à des personnes des outils de développement dont elles ont besoin tout au long de la vie.

Par ailleurs, sur les priorités mises de l'avant, vous évoquez la réussite. Bien sûr, nous en sommes. Je pense que, de ce côté-là, il y a plusieurs éléments qui se doivent d'être soignés. La réussite notamment des garçons, le sort qui leur est fait au niveau du décrochage scolaire est vraiment un problème de société auquel il faille vraiment s'attaquer. Et je pense que, de ce côté-là, il n'y a pas de recette magique et je souhaite une intensification des études nous permettant de redresser rapidement la situation. Bien sûr, nous souscrivons aux priorités qui visent à ajouter de nouvelles ressources professionnelles d'aide aux étudiants et d'ajouter aussi des personnels de soutien, et ce, à tous les ordres d'enseignement. Je rappelle à cet égard que, oui, il y a eu des réinvestissements en éducation, mais néanmoins les compressions qu'on a connues entre 1994 et 1999 ont été très lourdes et ont beaucoup été orientées vers ces personnels-là.

Je termine cette section en rappelant une proposition très concrète que nous avions eu l'occasion de vous faire, M. le ministre, qui était de vous inviter à mettre en place un comité où nous serions invités à y souscrire, qui vise à orienter les travaux sur la réussite scolaire. Alors, on est toujours en attente de réponse, et je pense qu'il y aura là une proposition concrète qui nous permettrait de constater que, ma foi, on avance dans le sens des priorités que vous mettez de l'avant.

Vous soulignez aussi, à juste titre, bon, l'importance des régions. Je pense qu'il s'agit là d'un enjeu tout à fait majeur. Il y a toujours des écarts entre les taux de diplomation en milieu urbain et en milieu rural, et l'accès aux études supérieures est un facteur de développement absolument incontournable du côté des régions. Alors, je m'arrête là.

M. Garneau (Richard): Merci, Mme Carbonneau. Dr Dugré.

M. Dugré (Yves): M. le Président, je voudrais aborder la question de l'éducation sous l'angle de la santé. Il est indéniable qu'une population où les citoyens sont mieux instruits et mieux éduqués est en santé, tous les indicateurs le disent, et, dans ce cadre-là, on ne peut qu'accéder aux priorités qui sont énumérées. Mais je l'aborderais plus spécifiquement du côté de la formation des médecins, la formation doctorale, la formation postdoctorale.

Nous avons décidé collectivement d'augmenter les entrées en médecine de 55 plus 55. Vous avez fait mention du besoin d'augmenter les professeurs dans les universités. Donc, on a besoin d'un investissement, et, dans ce cadre-là, on ne peut qu'être en accord, et c'est un besoin réel si on veut avoir la main-d'oeuvre médicale nécessaire pour répondre aux besoins qui sont accentués – et on dit qu'on sera peut-être en déséquilibre par rapport à la pénurie des médecins jusque tard dans les années 2010 et plus.

Pour ce qui est de la formation postdoctorale, je veux dire la formation des résidents en médecine, je pense qu'il est important de donner le signal dès maintenant par un investissement sur à la fois la consolidation des CHU existants, qui sont celui de Québec et Sherbrooke, mais de donner le signal vraiment, les deux grands CHU de Montréal, que ce soit le CUS ou CHUM. Le gouvernement s'est donné une ligne de direction d'aller dans une voie de construire un hôpital universitaire digne du XXIe siècle, digne de ce que vous appelez la «globalisation«, «l'approche nord-américaine», qu'on ait une médecine de qualité au Québec. Donc, il faut y aller d'avant dans ces deux projets. Je pense qu'il est urgent de le dire.

Ces deux cadres... Il y aura peut-être des choix à faire sur le plan financier ou sur le plan du comment faire, mais il est urgent actuellement d'aller dans cette direction-là pour à la fois contrer un peu la morosité qui est venue des coupures à la fin des années quatre-vingt-dix, une espèce de vieillissement aussi de la main-d'oeuvre ou des professeurs en médecine, mais de réorganiser et donner un signal tout à fait convenable.

Le dernier point que je voudrais aborder est un peu dans la même ligne que j'ai mentionnée tantôt par rapport au problème que nous vivons de pénurie et de distribution de médecins sur le territoire. Il faut revenir et accentuer la formation en région des médecins, à la fois des médecins de famille, ce qui existe déjà dans les unités de médecine familiale mais également dans les hôpitaux régionaux, de se donner les moyens que les médecins aillent pratiquer, parfaire un stage dans les régions pour voir qu'est-ce qui se fait. C'est tout à fait un outil incroyable d'attraction et de rétention des médecins. On est pris avec une pénurie importante; on a à distribuer le peu de médecins qu'on a, mais donnons-nous les moyens, tous les moyens pour y arriver. Et donc les messages: Oui au CHU le plus rapidement possible, du côté de Montréal, mais à la fois décentralisons en même temps, jouons sur les deux notes, à la fois oui en milieu universitaire mais oui aussi en région. Et c'est dans ce cadre-là que la priorité du ministère de l'Éducation, nous l'appuyons pour aller contrer le déséquilibre fiscal. Merci.

M. Garneau (Richard): Merci, Dr Dugré. Il y aura d'abord Mme Marois, suivie de M. Adam, de Mme Gendron, de Mme Barbot, de Mme Beaudry-Roberge, de M. Pellerin, de Mme Rhéaume et de Mme Ruest-Jutras. Mme Marois.

Mme Marois: Merci, M. le président. Deux remarques générales qui concernent les débats de ce matin et ceux que nous avons maintenant. Un, je ne voudrais pas qu'on laisse s'accréditer la thèse qu'il ne soit pas nécessaire de réduire le fardeau fiscal des Québécois ou que nous ne voulions pas le faire. Mais ce que nous disons, c'est qu'actuellement, à cause d'un mauvais partage de ressources entre le gouvernement central et le Québec, les finances publiques du Québec sont dans un état de grande fragilité et nous ne réussissons pas à combler adéquatement les besoins en matière d'éducation, de lutte à la pauvreté et d'aide aux familles et de santé.

Deuxièmement, nous ne voulons pas dépenser de l'argent que nous n'avons pas, nous ne voulons pas non plus augmenter les impôts ni remettre le gouvernement fédéral dans une situation de déficit. Cependant, et je cite le rapport, à la page 167 de la commission Séguin, où on dit ceci: «La commission est d'avis que le nouveau partage fiscal ne doit pas conduire le gouvernement fédéral à des déficits budgétaires. Cela est possible si le nouveau partage est effectué de façon graduelle et si l'on tient compte des surplus réels du gouvernement fédéral. Il importe en effet que les surplus à venir soient consacrés prioritairement à ce nouveau partage d'espace fiscal en faveur des provinces.». Fin de la citation. Je souhaite donc que l'on puisse en ce sens se rallier à ce qui m'apparaît le gros bon sens.

M. Garneau (Richard): Merci, Mme la ministre. M. Adam.

M. Adam (Daniel): Merci, M. le président. M. le ministre, on connaît en santé de très, très graves pénuries de personnels: infirmières, médecins, personnel de réadaptation notamment, personnel de réadaptation dont nous aurons le plus grand besoin dans les années à venir si on veut maintenir l'autonomie des personnes qui vieillissent, et je pense que ces pénuries-là ne sont pas sur le point de se régler. On a eu, en 1997, le programme de départs assistés, mais pire, nous aurons, entre 2005 et 2010, de nouvelles vagues de départs avec le départ à la retraite des personnes qui auront, dans le réseau de la santé et de l'éducation et dans les autres réseaux, atteint le plein droit à la retraite, et je pense que ces départs-là risquent d'être d'autant plus importants que ce qu'on a connu dans les années passées.

Et donc, du point de vue de la santé, c'est que, même si nous obtenions l'argent nécessaire pour faire fonctionner et répondre aux priorités qu'a émises le ministre Legault, je pense que, si on n'a pas le personnel pour y faire face, il n'y aura rien de réglé. Et donc, ce que je souhaiterais, c'est qu'on puisse poursuivre et accentuer les décontingentements dans les professions de la santé qui seront en pénurie importante au cours des prochaines années. Je pense qu'il y a beaucoup d'études dans ce sens-là, et également de prioriser la formation d'étudiants en santé sans nier, bien sûr, les autres besoins. Merci. M. Garneau (Richard): Merci, M. Adam. Mme Gendron.

Mme Gendron (Andrée): Merci. Comme vous le savez, M. le ministre, les CLSC agissent beaucoup en prévention, en prévention de la santé et en prévention des problèmes sociaux. Et, à cet égard-là, nous, on a une préoccupation majeure parce que ce qu'on voit actuellement, et vous le savez fort bien, c'est que l'éducation, l'instruction est aussi un facteur de lutte à la pauvreté et c'est aussi un facteur de santé. Alors, notre préoccupation aujourd'hui devant le manque des finances publiques au Québec, il ne se pourrait pas non plus que l'éducation fasse l'objet de coupures majeures pour aller seulement en santé parce qu'on aurait ce problème de déséquilibre à donner sans fin des services pour réparer des situations.

Alors, donc, le portrait de société qu'on veut, si on veut avoir une société en santé et en bien-être, une société avec des richesses relatives, il nous faut aussi être capable de rééquilibrer et l'éducation et la santé, sinon c'est un vase sans fond.

L'éducation aussi doit agir énormément sur l'exclusion. C'est un des facteurs qui nous semble très important. Puis, de la même manière, je pense que, avec l'éducation et la santé, on est capable aussi de faire un intersectoriel, rejoindre les régions. Il y a des choses à faire. Mais c'est comme, est-ce que ce qu'on veut aujourd'hui, c'est cette société qui est riche de par sa santé, de par son éducation, de par la richesse de ses familles, de par sa lutte à la pauvreté. Je pense qu'on a des alliances à faire en ce sens-là.

Et comme un CLSC, qui sommes partout sur tous les territoires du Québec, nous croyons qu'il faut aussi maintenir des investissements suffisants en éducation.

M. Garneau (Richard): Merci, Mme Gendron. Mme Barbot et, ensuite Mme Beaudry-Roberge et M. Pellerin. Mme Barbot.

Mme Barbot (Vivian): M. le ministre, vous avez parlé de maintenir l'accessibilité à une éducation de qualité. Pour notre part, nous parlons plutôt d'instaurer de véritables mesures d'accessibilité, en particulier pour des clientèles qui n'ont pas accès à une éducation égalitaire actuellement. Nous parlons des familles monoparentales qui sont en grande majorité dirigées par des femmes, et nous en parlons aussi dans le cadre de la lutte contre la pauvreté.

Nous entendons aussi que le débat actuel, bien sûr il se fait dans le cadre du règlement du déséquilibre fiscal, mais ce que nous mettons sur la table, ce sont aussi des objectifs et une certaine orientation qui est extrêmement importante, qui sont extrêmement importants déjà, actuellement, donc des éléments dont il faudrait tenir compte actuellement.

En ce qui concerne l'accessibilité des familles monoparentales, je vous signalerai juste quelques éléments qui nous semblent fort problématiques actuellement. Par exemple, il y a une dégradation flagrante des prêts et bourses qui sont alignés sur les prestations de la sécurité du revenu. Et ça occasionne un problème majeur pour les familles monoparentales.

Par contre, par ailleurs, seulement 32 semaines de frais de garde sont payées pour les personnes qui vont aux études, les familles monoparentales, les mères par exemple qui vont aux études. Il n'y a rien pour les soirs ou les fins de semaine, rien non plus pour le temps que ces gens-là passent à faire des travaux scolaires. Et, par exemple l'été, que fait une mère de famille de ses enfants quand elle n'a pas de prêts et bourses qui couvrent cette période-là pendant qu'elle va travailler évidemment?

Par ailleurs, les pensions alimentaires viennent jouer un rôle aussi parce qu'elles sont déduites des prêts et bourses. Donc, les enfants et la mère n'ont aucune marge de manoeuvre finalement. Et la pension alimentaire ne sert pas à améliorer le niveau de vie, la qualité de vie des enfants.

Et, finalement le retour au programme aux études postsecondaires a été aboli et il n'y a aucun programme qui permette aux parents, en particulier aux mères, mais aussi aux pères qui sont dans cette situation-là, il n'y a rien qui leur permette véritablement de travailler à temps partiel. Donc, ce sont des mesures qui viennent miner l'accessibilité à l'éducation.

M. Garneau (Richard): Merci, Mme Barbot. Mme Beaudry-Roberge.

Mme Beaudry-Roberge (Manon): La Fédération des commissions scolaires du Québec représente près de 1 million d'élèves au Québec. Notre mission, notre mandat, c'est instruire, qualifier, socialiser. J'interviendrai sur les priorités 1, 2 et 4.

La première, renforcer la mobilisation autour de la réussite des jeunes ainsi que sur l'encadrement et le soutien à leur donner, nous ne pouvons que souscrire à ce principe, à cette priorité. En ce qui concerne particulièrement l'encadrement et l'accompagnement des jeunes au secondaire, ce qui, d'après un sondage réalisé par la Fédération le printemps dernier, est une demande expresse des parents. Cela se qualifie, se quantifie, se chiffre.

La bonification des activités parascolaires afin de créer un sentiment d'appartenance à l'école, que l'école fasse sens pour l'élève, et agir autrement pour contrer le décrochage scolaire, surtout pour nos garçons, cela se qualifie, se quantifie et se chiffre.

Nous constatons cependant que le financement par l'État de l'enseignement privé au Québec est plus élevé qu'au Canada et même en Amérique du Nord, ce qui crée une concurrence déloyale en matière d'éducation pour tous les élèves québécois. Cette priorité nous permettra d'être égal avec le réseau privé. À ce chef, nous tenons à souligner que la situation actuelle ne nécessite pas de bons d'éducation, puisque les parents québécois ont le choix de leur école.

La deuxième priorité sur laquelle nous voulons intervenir, c'est fournir aux élèves des outils pédagogiques modernes pour soutenir la mise en oeuvre de la réforme de l'enseignement primaire et secondaire. Nous adhérons à la réforme, mais nous constatons que la mise à jour des manuels scolaires coûtera plusieurs dizaines de millions et aussi qu'il est impératif de réseauter l'ensemble des écoles du Québec afin que tous les élèves, où qu'ils résident, puissent s'ouvrir sur le monde.

La troisième priorité sur laquelle nous voulons intervenir: maintenir l'accessibilité à un système d'éducation offrant des services de qualité sur tout le territoire. Le Québec vit une importante décroissance de clientèle, et ce, particulièrement au primaire et au secondaire. Nous avons eu d'ailleurs l'occasion de donner notre point de vue lors d'une récente commission parlementaire à ce sujet. Il est faux de croire que la baisse des clientèles génère des économies importantes, car chaque élève en milieu rural coûte plus cher à ce moment-là. Une école de 90 élèves coûte aussi cher qu'une école de 300 élèves; il y a des coûts fixes. Il faut aussi – et c'est très important de le faire – maintenir et améliorer à tout prix les services en formation professionnelle et en formation continue en région, car les commissions scolaires sont des partenaires au développement économique régional, et nous voulons y contribuer. Nous sommes heureux que le gouvernement du Québec fasse une priorité de l'accessibilité aux services éducatifs.

En conclusion, nous appuyons totalement le ministre de l'Éducation et le gouvernement du Québec sur les priorités énoncées. Merci.

M. Garneau (Richard): Merci. M. Pellerin et ensuite Mme Rhéaume. M. Pellerin.

M. Pellerin (Laurent): Oui. Alors, je vais poursuivre sur la question des régions et du milieu rural. Particulièrement dans le cas des agriculteurs, 22 % de nos agriculteurs ont une formation de niveau collégial. Nous avons comme objectif d'ici 2005 d'augmenter ça à 40 % pour devenir parmi les trois premières provinces canadiennes. On part de loin, là. Et, quand on regarde ce qui est en train de se désagréger comme services, c'est justement les formations collégiales en région. Donc, je ne plaiderai pas plus longtemps pour dire qu'il y a nécessité de renforcer ce réseau-là, de le maintenir et aussi d'y donner son prolongement dans la formation aux adultes, parce que, quand il y en a 22 % qui ont le cours collégial, ce n'est pas dit que ces gens-là fonctionnent sans formation. Ils vont la chercher ailleurs, leur formation, ils vont la chercher souvent dans la formation aux adultes. Encore là, parce qu'on est dans un milieu où la population est faible, l'accessibilité puis les normes d'accessibilité restreignent l'accès à cette formation-là. Donc, je pense qu'il y a un effort là.... Là non plus, je ne plaiderai pas bien, bien plus longtemps pour vous dire qu'il y a un effort à faire de ce côté-là.

Deuxième point que je veux faire, c'est... Tantôt, j'ai utilisé un exemple – un exemple, ça boite toujours un petit peu – quand j'ai parlé d'une seule entreprise avec des départements différents. M. Boucher m'a corrigé, il a parlé de deux entreprises, et quelqu'un d'autre l'a réutilisé. Je pensais que c'était le premier ministre qui replacerait ça dans son ordre. On est bien dans une seule entreprise, parce que, si c'étaient deux entreprises, je ne pense pas que le service de comptabilité de la deuxième entreprise ferait la perception des comptes de la première entreprise, on serait une seule entreprise et je pense qu'on s'organiserait pour percevoir nos comptes. Je vois sourire le premier ministre, je pense qu'il va opiner que c'est bien la situation. Donc, on est dans une entreprise et on a des ententes entre les départements, et ce sont ces ententes-là qu'il faut revoir.

Moi, je suis l'actualité un peu, j'ai été tout à fait surpris de voir la publicité TV où 10 premiers ministres canadiens ensemble ont acheté du temps d'antenne pour faire valoir leur message. À la limite, les trois partis politiques du Québec s'entendent. Ça s'est déjà fait, les précédents existent déjà, puis c'est déjà un tour de force assez intéressant. Mais, que les 10 provinces canadiennes, que les premiers ministres canadiens s'entendent pour aller jusqu'à acheter une publicité TV, c'est quand même assez fort. Ce que je souhaite de ce forum-là, c'est qu'au moins on soit capables, nous, de sortir avec un consensus, à tout le moins pour ne pas se faire damer le pion par les premiers ministres des provinces. On a déjà fait entre les partenaires de la société québécoise des consensus plus lourds que celui-là et on en a fait un – je vous rappelle celui qu'on a fait sur l'emploi – le rapatriement des sommes fédérales et ça a été extrêmement important à ce moment-là que autant les employeurs que le monde syndical que la société communautaire et autre soient parties prenantes de ce consensus-là.

Dans le fond, il faut se donner un rapport de forces correct si on veut aller chercher ce transfert-là. Et ça – Mme Marois l'a mentionné, je l'aurais rajouté aussi – sans mettre à risque la situation budgétaire fédérale. Je ne les pense pas assez ouverts pour en donner ou en redistribuer plus que qu'est-ce qui pourrait être raisonnablement entendu. Je ne pense pas que le risque soit très, très fort de ce côté-là. Donc, M. Taillon, laissez le fédéral se défendre seul, je ne pense pas que... Ne soyez pas inquiet qu'il se mette en déficit. Ils vont s'inquiéter eux autres même suffisamment.

M. Garneau (Richard): Merci, M. Pellerin. Alors, successivement, il y aura Mme Rhéaume, Mme Ruest-Jutras, le Dr Dutil, Mme Skene, M. Belzil et M. Vaudreuil. Mme Rhéaume.

Mme Rhéaume (Marie): M. le premier ministre, M. le ministre de l'Éducation. Encore une fois, les familles sont directement affectées par toutes les situations qui découlent des réductions dans le domaine de l'éducation. Les familles sont pénalisées par la réduction des ressources spécialisées qui compromet le développement du plein potentiel des jeunes. C'est pourquoi nous appuyons le développement des services de soutien pédagogique.

Il y a toute la question de l'accessibilité où on peut voir, par exemple, que les familles dont les ressources sont restreintes sont d'autant appauvries par l'augmentation des frais multiples exigés par les écoles. Il y a aussi toute la question des familles dans les régions qui doivent soit voir partir leur jeunes vers d'autres régions et soutenir ces jeunes-là, ce qui n'aide pas non plus. Et ce qui peut même, dans une certaine mesure, provoquer l'éclatement des familles où on voit... En tout cas, on le voit très souvent. Les communautés... Les jeunes dont la famille d'origine est restée en Gaspésie puis que la famille se fonde là autour de lieux où vont étudier. Donc, on pense que c'est important de maintenir l'accessibilité à ces deux niveaux-là.

On voudrait aussi souligner, bien, la question des prêts et bourses où il y a l'endettement croissant des jeunes diplômés qui se traduit, quand il deviennent parents, par un budget encore plus difficile à équilibrer puis une capacité de crédit limité qui contribuent encore une fois à accroître les difficultés économiques des familles.

En conséquence, on estime qu'il y a des efforts concertés entre les ministères qui doivent êtres faits lors de la mise en place de mesures susceptibles d'avoir un impact sur l'appauvrissement des familles.

M. Garneau (Richard): Merci. Mme Ruest-Jutras.

Mme Ruest-Jutras (Francine): Oui. Alors, quelques commentaires très brefs. J'ai eu l'occasion de faire récemment une tournée de toutes les régions du Québec pour prendre le pouls des élus municipaux quant à leurs priorités. Et une de celles-là, c'est le développement économique puis la création de la richesse. Mais apparaissait toujours comme prérequis indispensable, ça se profilait comme un leitmotiv, c'était le dossier de la formation de la main-d'oeuvre.

C'est vu, cette qualification de la main-d'oeuvre, comme une condition de développement des collectivités. Dans certains cas, c'est même vu comme une condition de survie. C'est également une condition de la nécessaire diversification des activités économiques sur un territoire. Alors, c'est un des points que je voulais faire valoir.

Je veux aussi souligner l'importance des institutions de savoir et des centres de recherche parce que c'est un facteur decompétitivité important pour les villes et c'est aussi un outil de développement de première ligne dans le développement des régions.

Et, en terminant, je voudrais souligner, l'importance a déjà été évoquée, on l'a vu dans les journaux, mais de la dernière école du village. Je pense que, pour certaines collectivités, si cette école ferme, c'est vu comme le début de la fin. Alors, il faut y attacher une importance particulière.

M. Garneau (Richard): Merci. Le Dr Dutil et ensuite Mme Skene. Dr Dutil.

M. Dutil (Renald): M. le Président, je constate que l'éducation souffre des mêmes problèmes que la santé: il y a un problème structurel de financement très important. D'une part, le Québec comme province doit fournir des services et le fédéral, lui, se décharge de ses obligations financières, mais quand il y a des problèmes au niveau de la fourniture des services, c'est bien sûr le fournisseur de services qui est interpellé, c'est rarement le fédéral.

Ceci étant dit, je reviens sur un point qu'a souligné tout à l'heure le Dr Dugré, la formation postdoctorale. Au niveau des unités de médecine familiale, nous devons faire appel à du bénévolat pour faire fonctionner nos unités de médecine familiale et nous avons fait, par un tour de passe, financer certaines activités académiques à travers le budget de l'assurance maladie, alors que normalement ça devrait incomber au ministère de l'Éducation. L'organisation de stages dans les régions éloignées – le Dr Dugré le soulignait à juste titre – c'est de loin le meilleur moyen de convaincre des jeunes finissants en médecine familiale de s'établir dans ces régions. Or, le développement de telles unités de formation en régions éloignées est bien sûr freinée, nettement freinée par ce manque de budget.

Il y a un dernier commentaire que je ferais, c'est la formation en cours d'emploi, ce qu'on appelle, nous, la formation médicale continue. Nos facultés de médecine n'ont, à toutes fins utiles, pas de budget ou très peu de budget pour la formation médicale continue des médecins, une formation qui leur permet de mettre à jour leurs connaissances mais qui leur permet également de réorienter parfois leur carrière. Et Dieu sait que pour répondre à certains besoins essentiels, comme l'urgence par exemple, on a besoin qu'un certain nombre de médecins mettent à jour leurs connaissances en médecine d'urgence, et plusieurs dans les régions les plus problématiques sont prêts à le faire.

Mais nous n'avons aucun budget et même nos facultés de médecine doivent faire appel à l'industrie pharmaceutique pour financer leur formation médicale continue, donc la formation en cours d'emploi des médecins. Il y a bien sûr un code d'éthique établi par le Conseil de l'éducation médicale continue, un code d'éthique relativement rigoureux mais il reste quand même qu'il y a un malaise à ce que la formation médicale continue soit financée principalement par notre industrie pharmaceutique, même si l'industrie pharmaceutique, je pense, a des devoirs à faire en ce sens. Il n'est pas normal qu'elle devienne le principal bailleur de fonds de la formation en cours d'emploi des médecins par manque de budget au niveau du ministère de l'Éducation et des facultés de médecine.

M. Garneau (Richard): Merci, Dr Dutil. Il y aura Mme Skene, ensuite M. Belzil, M. Vaudreuil et M. Taillon. Mme Skene.

Mme Skene (Jennie): M. le président, si on peut constater que l'éducation souffre d'un sous-financement, je dirais, tout aussi important que celui de la santé, moi, je voudrais m'attarder plus particulièrement sur la quatrième priorité qui a été amenée par M. le ministre de l'Éducation: Maintenir l'accessibilité à un système d'éducation offrant des services de qualité sur tout le territoire. C'est une problématique qui, pour nous, est extrêmement importante.

Vous savez, nous sommes en situation de pénurie. Les cégeps, actuellement, sont le premier formateur, en termes de formation de base, pour les infirmières, pour la relève infirmière. On sait qu'actuellement des cégeps ont de la difficulté à maintenir des programmes d'accès à des formations spécialisées comme celle-là, qui permettent d'assurer, sur tout le territoire du Québec, des services de soins infirmiers de la même qualité, que vous soyez à Gaspé, à Rouyn-Noranda, à Québec ou à Montréal. Le réseau des cégeps a permis, justement, qu'on atteigne un taux extrêmement important de rétention sur les territoires, parce que la formation se dispensait près des personnes, près de leur milieu de vie.

On sait que, le monde médical vient de nous le dire, il y a des difficultés pour des médecins de retourner en région. Quand vous êtes parti pendant cinq ans, 10 ans, d'un milieu où vous êtes issu, vous avez refait des choix au plan familial. Vous avez établi des liens ailleurs. Et c'est extrêmement difficile après ça de ramener les personnes dans leur région d'origine ou dans une région quelle qu'elle soit.

On a fait une bataille, je vous dirais, pendant une quinzaine d'années, avec nos corporations professionnelles, la nôtre, l'Ordre des infirmières, pour les convaincre qu'il fallait maintenir l'accessibilité à la formation infirmière par le cégep. Et un des objectifs que nous poursuivions, c'était d'assurer une équitabilité de répartition des ressources partout. Je pense qu'on a pu atteindre cet objectif-là par le cégep. Et, actuellement, il ne faudrait pas que, par la décroissance de la population, on arrive à créer un nouveau problème en plus de celui de la pénurie.

Actuellement, dans les régions du Québec, on le sait, ce n'est pas la plus grande pénurie qui se vit; elle se vit plus dans les grands centres. On va chercher des ressources en région. Mais, si on n'a plus de formation dans les régions pour les soins infirmiers, c'est très clair que, cette pénurie-là, elle sera aussi grave dans les régions qu'actuellement à Montréal ou dans certains autres coins du Québec. Et il faut vraiment porter une attention particulière pour garantir que l'accessibilité aux soins infirmiers, elle soit maintenue sur tout le territoire québécois.

M. Garneau (Richard): Merci. M. Belzil.

M. Belzil (Michel): Alors, M. le premier ministre, M. le ministre, juste un petit constat, ça me fait... Je suis bien heureux d'entendre, moi, les gens ici, aujourd'hui, sur la sensibilité qu'ils ont envers les régions du Québec. Alors, vous savez comment, chez nous, c'est d'une importance capitale. Alors, je suis content d'entendre la majorité des intervenants plaider, hein, pour l'accès aux services en éducation.

Sur la lancée de ma collègue Mme Ruest-Jutras, je veux particulièrement attirer l'attention sur la petite école de village; ça a été évoqué. Bien que je comprends bien les représentations des collèges, des commissions scolaires et des recteurs d'université, à la base même, quand même, du développement du Québec des régions et de l'occupation dynamique du territoire, c'est l'éducation à la base même dans les périphéries des villes importantes en région, hein, dans le milieu rural, dans les périphéries.

Alors, je veux indiquer ici... Et vous le savez déjà, M. le ministre – on en a jasé – et c'est la direction que, je pense, vous entendez prendre, vous l'avez exprimé dans votre quatrième objectif, que de maintenir les écoles de village ouvertes sur l'ensemble du territoire. Et, nous, à la Fédération, bien, c'est ce qu'on plaide. On plaide également pour... Comment dirais-je? Étant donné qu'on est déjà dans le milieu, on paie déjà, pour une partie importante du réseau primaire, certaines dépenses, donc on est, bien sûr, des intervenants de premier plan. On en convient. On en discutera dans les mois à venir.

Alors, c'est ce que je voulais indiquer ici, aujourd'hui, et de faire comprendre aussi aux gens que, dans la mesure où on n'a plus de gens sur notre territoire et on ferme les écoles, et ça, je parle peut-être dans bien des années à cause des perspectives démographiques, alors un jour ou l'autre, ce sera les villes d'importance dans les régions qui vont aussi être ponctionnées pour ailleurs. C'est grave donc, c'est important d'agir et c'est le sens, moi, que je veux donner dans mon intervention.

M. Garneau (Richard): Merci, M. Belzil. Alors, il y aura M. Vaudreuil, M. Taillon et M. Audet. M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): Merci. Alors, M. le ministre, les quatre orientations qui sont contenues sont très intéressantes, puis on les partage et, comme la remarque que j'ai faite hier. il y a peut-être un élément qui est sous-estimé, c'est celui des besoins de formation de la main-d'oeuvre au Québec. Quand le gouvernement a lancé sa politique au mois de mai dernier, la CSD a salué le lancement de cette politique-là qui est une nécessité absolue au Québec. À la CSD, nous représentons beaucoup de personnes dans le secteur privé avec une forte concentration dans les PME québécoises. Et, c'est une réalité qui nous préoccupe grandement. Moi, je vous citerais, à matin, deux statistiques qui reflètent très bien la situation qui se vit aujourd'hui Québec.

Bon an mal an, au Québec, il y a de 1 million à 1,2 million de personnes qui sont en période de chômage, soit en raison d'une fermeture, d'une faillite, d'un licenciement, d'une mise à pied temporaire, il y a de 1 million à 1,2 million de personnes qui connaissent des périodes de chômage, je ne dis pas qu'elles bénéficient d'assurance emploi – ça, c'est un autre débat – mais qui sont en période de chômage. Et, au cours de la dernière décennie – c'est ma deuxième statistique – de 1990 a 1999, il y a 80 % des emplois perdus au Canada qui étaient détenus par des personnes qui avaient des études secondaires ou moins et, en même temps, 90 % des nouveaux emplois étaient offerts à des personnes qui détenaient des études postsecondaires. Donc, ce qu'on voit là, on voit le grand déséquilibre qu'il y a, les besoins.

Et, nous, à la CSD, on est très préoccupés parce que la non-formation, évidemment, ça empêche le développement économique et social d'une société, mais c'est aussi une source d'appauvrissement et c'est aussi un source d'exclusion sociale qu'il faut combattre. Et on prétend que c'est sous-estimé dans les orientations du ministère et quand on vous dit qu'il faut y accorder une importance très grande, c'est qu'on partage l'objectif de la politique de formation continue qui veut ancrer une véritable culture de formation dans tous les milieux de travail et accessible à toute la main-d'oeuvre active. Donc, sans négliger les quatre orientations qui sont là, nous, on prétend qu'il faut ouvrir un chapitre sur la main-d'oeuvre parce qu'en raison de la fragilité des emplois et en raison de la précarité de l'emploi, puis c'est quelque chose qui va être constant au niveau du marché du travail pour les prochaines années, il faut investir énormément. Ça va commander beaucoup.

M. Garneau (Richard): Merci, M. Vaudreuil. M. Taillon, ensuite ce sera M. Audet et M. Fahey. D'abord, M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Merci beaucoup, M. le Président. J'ai été interpellé par M. Pellerin et je voudrais le rassurer: nous nous inquiétons des comportements du gouvernement fédéral, et vous aussi vous devriez le faire, parce qu'on a en mémoire près de 25 ans de déficit annuel qui nous font hériter d'une dette aujourd'hui, aujourd'hui, qui est encore de 550 milliards. Alors, au cas où, en vieillissant, certains auraient la nostalgie de péchés de jeunesse, on aurait intérêt à s'en occuper.

M. Garneau (Richard): Alors, merci. M. Audet.

M. Audet (Michel): Oui. En regard du dossier de la formation, ce matin, et de l'éducation, dans un premier temps, évidemment, il va de soi que nous supportons à fond de train l'importance de l'investissement et de l'investissement bien fait dans ce domaine-là, c'est la formation des ressources humaines, tout le monde le dit, c'est le coeur du développement de l'économie de demain, l'économie du savoir. Ceci dit, je ne voudrais pas lancer un pavé dans la mare, mais M. Belzil y a fait allusion, président d'un réseau de 190 chambres à travers le Québec et il n'y a pas une réunion où on n'élabore pas le problème que pose effectivement la démographie et l'exode dans certaines régions et le probablement que ça soulève au niveau de la survie d'un certain nombre de formations dans beaucoup d'endroits.

Et je pose une question – je n'ai pas de proposition – est-ce qu'un jour ou l'autre, il ne faudra pas repenser notre façon de fonctionner en silo, c'est-à-dire les commissions scolaires qui donnent la formation professionnelle, les cégeps qui donnent la formation technique pour peut-être faire des programmes régionaux qui permettent de maintenir au moins des services en région, parce qu'actuellement ni un ni l'autre ne peut, à mon avis, à long terme survivre et on aura un problème majeur, on met plus la priorité, au fond, sur la préservation des institutions d'enseignement que sur, finalement, l'avenir de nos jeunes? Alors, je le dis sans méchanceté. Alors, je pense que c'est une réflexion que je me permets de lancer, je pense, qui mériterait certainement d'être fouillée dans les prochains mois.

M. Garneau (Richard): Merci, M. Audet. M. Fahey.

M. Fahey (Richard): Oui. On fait état ce matin, à plusieurs occasions, de problèmes de financement structurel. Moi, je vous dirais qu'au-delà de la question du financement, il se peut qu'il y ait des problèmes structurels qui existent et qui doivent être adressés tout autant que la question du financement. Et donc, dans ce contexte-là, au Québec aujourd'hui, au moment où on se parle, dans la PME, il y a 46 000 emplois non comblés. Il y a de l'activité économique qu'on laisse sur la table, parce qu'on n'a pas les ressources qualifiées pour répondre aux besoins. On vous a parlé et – vous le savez – nos déclarations, là, sur la loi du 1 %, la Loi sur la formation professionnelle, son développement, cette loi-là son principe est bon. Son administration est très imposante, très difficile pour les PME. Elles font de la formation, elles paient la taxe et généralement – et ça a été le cas auparavant jusqu'à cette année – c'est plutôt d'autres organisations qui en profitent.

Je vous dirais, dans ce contexte-là – et Michel, je pense, a bien identifié – il y a une réflexion très importante qu'il faut faire au niveau de la formation professionnelle et technique pour non seulement passer en silo le secondaire, les cégeps, mais je rajouterai un troisième silo. l'université où il faut établir des passerelles de formation et faire en sorte que, si quelqu'un fait un cours en ingénierie et que ça ne lui tente plus après un an, il puisse faire une technique et se faire créditer certains cours, et ainsi de suite, de façon à ce qu'on crée un certain engouement aussi pour la formation technique et professionnelle qui est là où les PME vont aller recruter leur main-d'oeuvre qu'ils augmentent aujourd'hui. Merci.

M. Garneau (Richard): Merci, M. Fahey. Nous allons maintenant demander aux représentants des trois partis d'intervenir, en commençant avec Mme Grégoire de l'Action démocratique du Québec. Ensuite, ce sera M. Chagnon de l'opposition officielle, et le premier ministre, M. Landry. Mme Grégoire.

Mme Grégoire: Merci. Bien, quand on parle d'éducation, je pense qu'on parle de notre capital humain. Et s'il y a quelque chose qu'on a de riche chez nous, au Québec, je pense que c'est ça.

Et j'écoutais les gens qui parlaient du savoir-faire. Je pense que justement le défi qu'on a c'est, en éducation, d'être capable de faire le pont entre l'économie du savoir et ce qu'on appelle, nous, l'économie du savoir-faire. Et ça, ça va par l'investissement de ressources en régions, mais aussi par l'investissement... par la décentralisation et de redonner un rôle, que ce soit au collège, que ce soit aux universités en régions de leur donner un rôle qui est autant social qu'économique. Et je pense que, pour ça aussi – j'entendais des gens des municipalités – il faut bâtir des solidarités. Quand on parle de l'école de village, je pense qu'il y a des liens qu'on se doit de créer entre les commissions scolaires et les municipalités pour être capable d'arriver à des objectifs qui vont nous permettre de donner et de... de donner l'énergie nécessaire à nos régions.

Un autre sujet qui est important puis qu'on a entendu parler beaucoup, c'est la prévention. Là-dessus, je pense que... En tout cas, chez nous, vous prêchez à des convertis. Je pense qu'il n'y a rien comme de donner des chances égales. J'écoutais – je pense que c'est lors du dépôt du mémoire de la commission justement qui parlait de pauvreté – M. Chagnon parler de prévention, tu sais, comme dès la conception pour donner des chances même à la mère puis tout ça. Alors, je pense que, quand on parle de donner des chances égales, la prévention est indispensable puis c'est un outil... quand on parle de prévention, c'est un outil de lutte au décrochage, clairement. Et c'est un outil pour combattre la pauvreté et l'exclusion.

Je reviens... Moi, je vais avoir un leitmotiv pendant... Alors, moi, je me dis: ensemble on peut faire en sorte que le fédéral nous donne notre juste part. Parce qu'encore une fois, plutôt que de régler le déséquilibre... On a empiété sur les compétences du Québec – je pense que c'est M. Brisson qui parlait des bourses du millénaire – je pense que ça nous a clairement démontré le dogmatisme du gouvernement fédéral et le non-respect de nos compétences chez nous. Alors, on continue, je pense qu'on continue à dire la même chose: on doit s'unir. Je pense qu'on s'entend que notre capital humain est trop important, qu'on doit valoriser nos richesses chez nous et que l'objectif d'aujourd'hui, c'est de sortir plus unis que jamais pour aller chercher notre juste part, ce qui nous revient, non pas enlever – on dit enlever à Paul ce qui appartient à Pierre ou je ne sais pas trop – non pas faire ça mais juste aller chercher ce qu'on a arrêté de donner, la juste part du Québec. Merci.

M. Garneau (Richard): Merci, Mme Grégoire. Avant de passer aux représentants de l'opposition officielle, il y a M. Roy qui a demandé la parole.

M. Roy (Jean): Enfin, je croyais l'avoir demandée, j'étais bien certain de l'avoir fait et je croyais être sur votre liste, M. le Président de l'assemblée. Je suis un peu désolé d'arriver à contre-courant dans le processus, et j'irai rapidement sur ce qui aura été les conclusions de mon intervention après avoir appuyé les interventions, les priorités du ministre – au nom de ma Fédération – celles des professeurs d'universités. J'aurais voulu terminer en exprimant certaines inquiétudes, trois au moins. La première aurait concerné le fait que le ministre fasse découler si directement les prix, le réinvestissement dans des priorités dont l'évidence est patente à ce rééquilibrage fiscal qui, lui, me semble assez précaire à plusieurs égards, en particulier compte tenu de cette fragilité, me semble-t-il, assez manifeste du consensus qu'on essaie d'élaborer ici, et cela m'inquiète d'autant, cette association entre le réinvestissement ou la poursuite de l'investissement avec la correction du déséquilibre fiscal, que tout cela est bien conditionnel.

En ce qui concerne donc aussi ce consensus qu'on cherche à élaborer, on représente des intérêts divergents, je le reconnais, on l'a mentionné ce matin. Mais, au-delà de ces intérêts divergents qui sont légitimes, il me semble qu'il ne faudrait pas que cette divergence-là soit à la base d'un risque d'échouer dans notre démarche.

Une autre – et ce sera la dernière – inquiétude que j'aurais à exprimer, c'est le fait que j'ai entendu parler de la question d'un déficit qu'on ne voit pas voir réapparaître. J'ai entendu parler d'une fiscalité qu'on ne veut pas alourdir, mais il est peu question des dépenses, sinon dans cette espèce d'hypothèse qu'au cas, justement, où notre réussite sur le terrain du débat autour du déséquilibre fiscal ne serait pas aussi couronnée de succès qu'on le voudrait, et il y a une crainte que je voudrais exprimer, qu'on retourne dans des phases de compressions qui, en tout cas, pour ce qui est de l'université, ne sont que depuis très peu en voie de correction. Et donc le retour à cette solution-là serait, pour nous, assez dramatique par rapport aux missions que le ministre nous annonce avec autant de force. Je vous remercie.

M. Garneau (Richard): Merci, M. Roy. Le représentant de l'opposition officielle, M. Jacques Chagnon.

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le président. M. le premier ministre, mesdames, messieurs, nous sommes ici justement à étudier, à regarder la question du déséquilibre fiscal suite à un rapport bien connu, le rapport Séguin, dont je salue la présence de mon ancien collègue, qui a été l'auteur et le président de ce rapport. Et nous sommes à l'étude du dossier de l'éducation, dossier de l'éducation, le ministre vient de nous faire part des quatre priorités qu'il entend mener dans les semaines et les années à venir, si ça pouvait être possible pour lui.

Mais ceci étant dit, effectivement, je m'accorde avec les quatre propositions, les quatre priorités du ministre telles qu'améliorées par Mme Carbonneau. Je pense que cette suggestion puisse être... Finalement, l'approche de Mme Carbonneau vient combler peut-être un déficit sur le plan des priorités qui avaient déjà été mentionnées, sauf une chose. Lorsque le ministre nous dit: Seul un réinvestissement substantiel découlant de la correction du déséquilibre fiscal va faire en sorte qu'on pourra avoir désormais un financement qui soit meilleur dans les universités, dans les cégeps, dans les commissions scolaires, je pense qu'on se trompe. Je pense qu'on se trompe. Je pense que ça fait du rôle du gouvernement un rôle d'impuissance, puis un rôle d'abandon. Mais un rôle d'abandon de quoi? Mais un rôle d'abandon de sa propre capacité de prendre des décisions.

Le déséquilibre fiscal dont on parle depuis deux jours ici, on a fait une grand-messe pour se séparer un 50 millions par semaine. Mais le gouvernement, le gouvernement du Québec, l'État du Québec, lui, dépense 1 000 millions par semaine, 1 milliard par semaine. Est-ce que, dans 1 milliard, il n'y a pas suffisamment de place pour des corrections qui pourraient permettre d'avoir plus d'argent pour la santé puis plus d'argent pour l'éducation? Moi, personnellement, je pense que oui. Plus d'argent pour les familles puis plus d'argent pour les besoins qui sont importants.

Il y a, par exemple, dans les cinq dernières années, on a vu progresser de 800 millions à 1,8 milliard les crédits d'impôt pour les entreprises. Il n'y a pas d'espace là-dedans qui pourrait aller davantage au secteur que nous regardons aujourd'hui? On sait que les commissions scolaires, et cela, elles en seront contentes d'apprendre qu'elles auront désormais des outils pédagogiques modernes pour aller avec la réforme. La réforme, on le sait, au niveau primaire, au secteur primaire, c'était un peu cahin-caha, manquant de manuels, ayant des difficultés d'organisation avec les professeurs. Peut-être que, maintenant que nous passons au secteur secondaire, les outils seront là justement pour permettre une amélioration de l'implantation de cette réforme.

Dieu sait que, dans les commissions scolaires, depuis les quatre ou cinq dernières années, toutes les commissions scolaires au Québec ont dû faire en sorte de taxer au maximum leurs capacités fiscales, soit 0,35 $ par le 100 $ d'évaluation, de l'Abitibi à la Gaspésie, en passant par Montréal et Québec.

Pourquoi? Pour faire en sorte de financer les choix locaux? Non. Pour faire en sorte de financer les choix dictés et orientés par le ministère de l'Éducation, des choix centralisés.

Dans le secteur collégial et universitaire, à ceux qui poussent les cris d'orfraie à l'idée que nous avons lancée d'augmenter le financement dans la santé et l'éducation et de diminuer la fiscalité en faisant en sorte de geler les crédits de tous les autres ministères pour cinq ans et profiter évidemment de la croissance économique, je voudrais rappeler l'histoire du financement des cégeps et des universités. Au cours des huit dernières années, les universités et les cégeps ont vu un financement comme une piscine. Des cégeps nous l'ont dit tout à l'heure, la Fédération des cégeps nous l'a dit tout à l'heure, actuellement ils sont financés à 80 % de ce qu'ils avaient il y a huit ans. Les universités auront l'an prochain un financement semblable à celui qu'elles avaient en 1994-1995. Bien, cela évidemment... Et on parle de dollars courants. On parle de dollars c'est-à-dire de dollars qui sont courants, donc qui ne sont pas prémunis de l'inflation, ce qui veut dire que, dans le cas des universités, il y a au moins 10 à 15 % de pertes par rapport à ce qu'il y avait en 1994-1995. Chose certaine, c'est qu'on ne peut pas faire autrement que de tenir compte de ces réalités, quand on regarde le financement et les besoins à venir.

Le financement dans les universités, ça a impliqué depuis cinq, six ans la perte de 1 000 profs d'université. Alors, ça n'a pas le caractère morbide de 1 000 médecins ou 1 000 infirmières qui sont partis. Ça ne se réglera pas par rapports de coroners dans les universités mais, à la fin par exemple, on va s'apercevoir, quand la qualité de l'éducation va avoir diminué, tous, comme société, nous allons écoper.

Bref, je pense qu'il y a lieu de faire des réaménagements dans notre marge de manoeuvre financière à nous, quitte à aller chercher ce qu'on doit aller chercher au fédéral, c'est clair. Il faut commencer par faire le ménage dans nos propres affaires. Parce que, comme le disait un ancien recteur, un ancien principal de l'Université Harvard qui allait plaider chez le gouverneur du Massachusetts au nom de ses collègues des universités publiques et d'État, il disait ceci au Gouverneur: «Mr Governor – je pourrais dire ça à M. le premier ministre, "Mr Premier" – if you think that education costs too much or is too expensive, just try ignorance.» Si vous trouvez que l'éducation coûte trop cher, essayez juste l'ignorance. Vous allez voir que ça va coûter encore beaucoup plus cher. Merci.

M. Garneau (Richard): Merci, M. Chagnon. M. le premier ministre.

M. Landry: Tout le monde est d'accord que l'éducation est peut-être l'instrument le plus puissant de développement humain et de développement social. Par l'éducation, dans une société ouverte, on change de classe sociale, même.

Je veux maintenant mettre l'accent beaucoup plus sur l'aspect économique des choses, mais ça revient un peu au même. Les patrons et les syndicats et tout le monde s'entendront, si on veut distribuer la richesse, il faut la créer.Or, un aspect pervers du sous-financement de l'éducation au Québec par le gouvernement du Canada, c'est que cette économie du Québec, c'est la plus sophistiquée du Canada. Quand le Canada exporte pour 2 $ de produits de haute technologie, il y en a 1 $ qui vient du Québec, et on est 25 % de la population. En clair, ça veut dire que, pour travailler dans l'économie du Québec, il faut être beaucoup plus qualifié que pour travailler dans l'économie de n'importe quelle province y compris l'Ontario, qui est surtout dans l'automobile alors que nous sommes dans l'aérospatiale, pharmacie, biotechnologie, télécoms, multimédia, ingénierie avancée. En clair, sous-financer l'éducation en Ontario, c'est grave; au Québec, c'est tragique, c'est avec ça qu'on gagne notre vie, avec l'économie du savoir. J'ai nommé les secteurs sophistiqués. Ça s'applique autant à l'agriculture, on l'a bien vu.

Pour compliquer un peu la situation, 80 % de ces exportations sont dirigées vers les États-Unis d'Amérique. On peut être admirateur ou non des États-Unis, admirer ou désapprouver certains aspects de leur organisation. Je n'admire pas du tout leur système de santé, mais, en éducation, c'est autre chose. La première puissance du monde assoit sa puissance sur ses collèges et ses universités, et nous devons concurrencer avec eux pour les produits et pour les personnels. Les gens des universités me comprendront. La force d'attraction de l'université américaine sur le plan scientifique et sur le plan matériel des salaires est devenue presque insupportable dans certains cas.

Alors, dramatique en santé, d'accord; peut-être plus, à long terme, dramatique en éducation, ce sous-financement, parce qu'il va finir par entraver notre capacité de produire la richesse et donc, en retour, de financer la santé et toutes les autres activités de l'État. Alors, je pense que ce qu'on vient d'entendre en éducation peut faire monter d'un cran notre détermination à aller chercher les moyens dont on a besoin.

M. Garneau (Richard): Merci, M. le premier ministre. Et maintenant, j'invite le ministre d'État à l'Éducation et à l'Emploi.

M. Simard (Richelieu): Merci beaucoup, M. Garneau. Alors, je comprends avec très grand plaisir que l'éducation, c'est une priorité pour les Québécoises et les Québécois, et c'est ce que vous avez exprimé à tour de rôle avec beaucoup de passion au cours des 90 dernières minutes. La réussite des jeunes, la formation des adultes, c'est au coeur des préoccupations de notre société. Nous convenons tous d'ailleurs que toute marge de manoeuvre financière provenant de la correction du déséquilibre fiscal entre Québec et Ottawa devra être investie en santé, mais également en éducation, qui devra avoir sa juste part, comme l'ont souligné plusieurs d'entre nous. J'ai beaucoup apprécié notamment que des gens de la santé nous mettent en garde contre le danger, cédant à la panique, de tout investir en santé sans tenir compte que l'avenir, c'est d'abord et avant tout l'éducation, y compris l'avenir de la santé, si nous voulons avoir une société équilibrée, et ça, j'ai beaucoup apprécié. Mon collègue le ministre de la Santé, d'ailleurs, avait ouvert sur cette perspective-là, et je pense qu'il a fondamentalement raison. Nous devons toujours avoir à l'esprit, le premier ministre vient de le rappeler, que cet investissement des Québécois dans le domaine de l'éducation depuis 40 ans a donné de formidables résultats. Mais, sans poursuivre cet investissement, nous n'allons nulle part et nous allons en régression rapide.

Je m'adresse ici rapidement à un ancien D.G. de commission scolaire, mon ami Gilles Taillon. Lorsqu'il s'est agi de réinvestir en éducation, et notamment en enseignement supérieur, les milieux patronaux, et d'ailleurs tous les milieux, mais, le milieu patronal a été particulièrement agressif, insistant, déterminé parce que, évidemment, au premier chef, ils se sentaient concernés, les problèmes de main-d'oeuvre, les problèmes d'employabilité, les problèmes de qualification des Québécois sont au centre des préoccupations des entreprises.

Il est bien clair que la normalité des choses que nous réclamons, c'est-à-dire que le gouvernement fédéral attribue au Québec et aux provinces les sommes nécessaires qui sont structurellement manquantes actuellement pour financer adéquatement ce secteur, vous devriez être au premier chef aux avant-gardes de cette réclamation parce que vous en savez, vous en connaissez toutes les conséquences.

Alors, voilà, merci beaucoup pour cette manifestation, je pense, de formidable solidarité québécoise autour d'un objectif qui nous est propre et très cher. Merci.

M. Garneau (Richard): Merci, M. le ministre. Merci, mesdames. Merci, messieurs. Nous allons ajourner jusqu'à 14 h 30 et nous passerons alors au troisième bloc sur les orientations pour le réinvestissement pour les familles. Merci et bon appétit.

(Fin à 12 h 37)