(Onze heures trente-sept minutes)
M. Marceau
: Écoutez,
on a appris ce matin, à 10 heures, la volonté du gouvernement fédéral, du gouvernement
de l’Ontario et de la Colombie-Britannique de mettre en place un régime
coopératif en valeurs mobilières. On est devant vous aujourd’hui pour vous dire
que c'est inacceptable, que c'est inacceptable.
Le secteur financier au
Québec, c'est un secteur qui est important et vital pour l’économie du Québec.
On parle de 6 % du PIB, 150 000 jobs, on va le dire de même,
150 000 emplois. C'est important d'avoir un régulateur au Québec, d'avoir
l’Autorité des marchés financiers au Québec, solide. Pourquoi? Parce que
d'avoir le régulateur, ça fait en sorte que la grappe financière autour de ce
régulateur se maintient. Or, d'avoir un secteur économique québécois, d'avoir
un secteur financier québécois, c'est extrêmement important.
Au Québec, on a
l’Autorité des marchés financiers qui est un modèle unique d’encadrement des
marchés financiers. On est les seuls à avoir ça au Canada. Au Québec,
l’Autorité des marchés financiers s’occupe des valeurs mobilières, bien sûr,
mais elle s’occupe aussi des coopératives de services financiers, elle s’occupe
aussi des assurances. Elle s’occupe de tous les secteurs, des sous-secteurs du
marché financier, ce qui n'est pas le cas ailleurs dans les autres provinces.
Dans les autres provinces, il y a un régulateur unique des valeurs mobilières.
Alors, je vous dis ça parce que je veux que vous sachiez que l’Autorité des
marchés financiers, tel que ça existe présentement, c'est important.
Maintenant, il y a eu cette volonté, depuis
plusieurs années, du gouvernement fédéral de créer un régulateur unique canadien.
Et il faut voir qu'à terme un tel régulateur unique canadien, ça mettrait… ça
rendrait inopérant le régime actuel dans lequel le Québec trouve… est
confortable. Il y a un jugement de la Cour suprême qui a démontré clairement,
qui a affirmé clairement que la volonté fédérale de se mêler de la
réglementation des valeurs mobilières dans les activités normales et régulières
de régulateur financier, que c'était non constitutionnel. Et le jugement de la
Cour suprême a réservé un espace très étroit pour le gouvernement fédéral en
matière de risque systémique puis en matière de collecte des données
nationales.
Maintenant, moi, ce que je comprends, c'est
que le gouvernement fédéral prend prétexte de cette petite portion pour
maintenir son désir de finalement voir naître un régulateur unique à l’ensemble
du Canada et faire disparaître les régulateurs dans chacune des provinces.
Alors, je vais laisser la place à mon collègue Alexandre.
M. Cloutier
: Alors, encore
une fois, le gouvernement fédéral, de façon unilatérale, sans avertir le gouvernement
du Québec, le gouvernement d’Ottawa s’en prend directement à l’économie québécoise.
Il fait fi des règles du jeu. Il a perdu en Cour d’appel du Québec, le gouvernement
fédéral a perdu devant la Cour d’appel de l’Alberta, il a perdu en Cour suprême
du Canada et, malgré trois avis juridiques défavorables, il continue dans cette
même volonté de créer une commission canadienne des valeurs mobilières, maintenant
avec la Colombie-Britannique et l’Ontario. On est en violation directe des
règles applicables, on vient contourner les règles de la Constitution.
C'est donc, pour le Québec…
Nous avons l’intention de faire respecter la volonté de l’Assemblée nationale.
Dois-je vous rappeler qu’il y a eu trois motions qui ont été adoptées, il y a
eu un combat juridique qui a été mené, et nous n’hésiterons pas à saisir les
tribunaux devant cette offensive nouvelle de la part du gouvernement fédéral.
M. Poinlane (Pascal)
:
Mais l’approche est un peu différence, parce que là on va plutôt essayer de
convaincre les provinces d’embarquer dans un système pancanadien. Vous pensez
quoi de cette nouvelle approche?
M. Marceau
: Elle est
toute aussi inacceptable. On tente de faire indirectement ce que la Cour
suprême a dit qu’on ne pouvait pas faire directement.
Présentement, je veux juste que vous
sachiez comment ça fonctionne, il y a un régime de passeport, donc il y a un
régime de collaboration entre les différentes provinces, auquel l’Ontario a refusé
de participer dans le passé et qui est vraiment… chaque législature
provinciale, chaque gouvernement est complètement autonome et édicte ses lois,
mais il y a un effort d’harmonisation qui est fait entre les provinces pour
s’assurer, donc, que ce soit facile pour les investisseurs.
Ce qui se passe, en termes simples, là,
c'est que si un émetteur, quelqu’un veut émettre, et qui fait faire le travail,
par exemple, au Québec, bien, la décision québécoise est automatiquement
reconnue par les régulateurs des autres provinces. Donc, il y a une espèce de
système, on appelle ça un système de passeport, et ça fonctionne très bien.
C'est ce que je voudrais que vous reteniez aussi, ça fonctionne très bien.
Systématiquement, tous les gens qui se sont penchés sur la facilité, le coût,
la rapidité, l’efficacité des marchés financiers, tout le monde arrive toujours
à la conclusion que le Canada, avec ce régime actuel de passeport, est extrêmement
performant. Alors là, donc, le fédéral, pour des raisons qui lui appartiennent,
là, veut changer un régime qui fonctionne très, très bien puis qui a servi le Québec
correctement aussi.
M. Chouinard (Tommy)
: Mais
est-ce que je peux comprendre que la façon de faire d’Ottawa respecte tout de
même le jugement de la Cour suprême?
M. Cloutier
: Il y aura
de la réglementation fédérale. Ils veulent le faire maintenant en partenariat
avec deux provinces. Ils utilisent une fenêtre qui était à peine ouverte pour
la défoncer. Alors, c'est pour ça que nous allons demander un avis juridique du
ministère de la Justice pour analyser l’ensemble du projet qui a été annoncé ce
matin, et nous n’hésiterons pas à intervenir devant les tribunaux à partir de
nos avis juridiques.
M. Laforest (Alain)
:
Est-ce que le Québec risque encore de se retrouver isolé sur cette question?
Parce que les autres provinces semblent rejoindre le fédéral. Vous allez vous
retrouver tous seuls?
M. Cloutier
: Bien,
pour ce qui est des autres provinces, pour le moment… je vais laisser mon
collègue parler parce qu’il a eu la chance de s’entretenir avec…
M. Marceau
: Bien,
regardez, très simplement, l’Ontario a toujours été favorable à ce projet de
commission pancanadienne parce qu’évidemment ça va profiter au secteur
financier de Bay Street, à Toronto. Encore une fois, lorsqu’il y a un
régulateur à quelque part, lorsque… évidemment, l’industrie financière a
tendance à s’agglomérer et à se rapprocher des gens qui prennent les décisions.
C'est tout à fait normal. S’il y a seulement qu'un régulateur à Toronto,
l’ensemble de l’industrie financière va avoir tendance à se concentrer là. Et là
il y avait quand même une… il y a un important secteur financier à Montréal,
mais il faut voir que ça va avoir un impact important pour l’Ontario et qui va
pouvoir attirer des joueurs du secteur financier vers Toronto, et c'est…
Moi, je veux juste
finir là-dessus, c'est important d’avoir des institutions financières
québécoises qui comprennent bien le marché québécois pour que, quand on finance
un projet aux Îles-de-la-Madeleine, les personnes qui prennent les décisions
connaissent bien le marché aux Îles-de-la-Madeleine. Et d’avoir quelqu’un qui
est à distance, ce n'est pas favorable. Alors, moi, ce que je vous dis, c'est
que d’avoir un régulateur sur son territoire, c'est important. Pour nous, c'est
important d’en avoir un au Québec.
Maintenant, je reviens… je veux juste
revenir à…
M. Laforest (Alain)
: Autrement
dit, ce que vous nous dites…
M. Marceau
: Laissez-moi
revenir à la question, parce que vous m’avez demandé s’il y avait des alliés,
puis je vais vous le dire très simplement. Ce matin, je me suis entretenu avec
le ministre des Finances de l’Alberta, et lui, comme moi, n’avons pas changé
d’idée sur la question. Alors, lui, il m’a… ce qu'il m’a exprimé, c'est que
l’opinion de l’Alberta, qui, vous le savez, dans le dossier, avait elle-même fait…
saisi une cour albertaine de la volonté fédérale, donc l’Alberta n'a pas changé
d’idée. C'est ce que m’a dit le ministre des Finances de l’Alberta ce matin.
M. Laforest (Alain)
: Est-ce
que vous craignez vivre la même situation que dans les années 70, quand on a
transféré tout le transport aérien à Pearson au détriment de Montréal, mais là ça
va se faire au niveau financier? C'est ce qu’Ottawa est en train de préparer?
M. Marceau
: Regardez…
M. Laforest (Alain)
: …favoriser
l’Ontario par rapport aux autres provinces.
M. Marceau
: Regardez,
encore une fois, je… évidemment, il n'est pas question de laisser faire ça. On
a la Cour suprême qui nous a dit très… qui a dit très clairement que les
activités normales d'un régulateur des valeurs mobilières, c'était une
compétence provinciale. Et il n'est pas question de laisser Ottawa faire.
M. Poinlane (Pascal)
:
…une majorité de provinces qui décide d’embarquer avec l’approche fédérale?
M. Marceau
: C'est une
question hypothétique, ça. Je ne pense pas que ça va arriver.
M. Cloutier
: D’abord,
il est tôt. Ensuite, il y a une rencontre des ministres de Finances responsables
du dossier des valeurs mobilières, qui débute dimanche et lundi, en fait.
Alors, vous aurez compris que ce sera le sujet à l’ordre du jour. On vient de
prendre connaissance… Sans que le Québec ait été informé, on a pris
connaissance du projet ce matin. Alors, vous aurez compris que nous allons
l’analyser. Pour le moment, ce qui compte pour le Québec, c'est de défendre ses
emplois, défendre son secteur économique important et faire entendre le point de
vue québécois avec les analyses juridiques qu'on va faire.
M. Caron (Régys)
:
Outre l’Alberta, M. Marceau, y a-t-il d’autres alliances possibles au Canada
avec d’autres provinces?
M. Marceau
: Oui.
M. Caron (Régys)
:
Lesquelles?
M. Marceau
: Je n’ai
pas pu parler avec mes homologues des autres provinces, j’ai seulement parlé
avec le ministre des Finances de l’Alberta, alors je ne suis pas capable de
vous dire comment ils réagissent. Maintenant, je serais surpris que les gens
réagissent très favorablement ou très positivement lorsqu’un projet a été
concocté essentiellement à trois, sans consultation des autres. Alors, je…
Mais, cela étant, je ne peux pas parler pour eux puis je ne leur ai pas parlé,
alors je ne suis pas capable de vous répondre.
Comme l’a dit Alexandre, dimanche et
lundi, il y a une rencontre des ministres responsables de l’encadrement des
valeurs mobilières, et j’aurai… on aura l’occasion de discuter entre…
M. Laforest (Alain)
:
On vous a joué dans le dos.
M. Marceau
: Regardez,
en tout cas, on n’a pas joué fair-play avec nous, je pense, on ne nous a pas
consultés sur cela. Il y a eu des projets qui ont été… dont on a eu vent à
gauche et à droite, mais moi, je n’ai jamais eu de rencontre avec quiconque
dans le cas où on m’a exposé le projet puis on m’a présenté les paramètres. Ça
n’est jamais arrivé.
M. Chouinard (Tommy)
:
Vous avez eu vent de quelque chose, là, vous saviez que quelque chose s’en
venait.
M. Marceau
: Bien là,
c'est dans le budget fédéral, là.
M. Cloutier
: C’est ça.
L’intention du gouvernement fédéral date des 75 dernières années et à
chaque budget ou presque, sans exagérer… mais prenez juste les deux
derniers budgets, l’intention du gouvernement fédéral, elle était réitérée, et
on n’a jamais démantelé le bureau de transition qui avait été mis en place à
l’époque pour créer cette fameuse commission unique des valeurs mobilières.
Alors, le gouvernement
fédéral s’est toujours entêté, malgré les avis juridiques défavorables qu’il a
reçus au fil du temps, et là ce qu’on voit, c'est qu’il trouve une façon
détournée de semer une graine pour créer…
La Modératrice
: En anglais…
Mme Plante (Caroline)
:
Mr. Marceau, can you explain the system now, and what would change with…
M. Marceau
:
Yes. OK. The current system is a passport system and it is a system by which,
when a decision is made by a provincial regulator, the decision is recognized
by other provincial regulators, OK? So, if the Autorité des marchés financiers
in Québec makes a decision, then the B.C. security commission will recognize
that decision. So there is no burden, there is no extra burden when you want to
do business in Canada. If you… You do the paper work in Québec, for example,
and it will be recognized by every other jurisdiction in Canada, except for
Ontario, which has never agreed to participate in the passport system . OK ?
Mme Plante (Caroline)
: Just to finish on this, for someone watching at home today, what do
you tell them? What would change for Quebecker s?
M. Marceau
: OK. What is being
jeopardized by this decision of the federal Government is that the passport system, I mean, I think, is jeopardized. I
think this passport system, which has been working very well, which has been
shown to be efficient, which has been shown to cost… to be efficient in terms
of cost, in terms of speed, in terms of every single parameter that you can
think about, so this passport system is jeopardized and it’s…
Mme Plante (Caroline)
: …concretely, what does it mean for Quebeckers ?
M. Marceau
: Well, it means that our system, the current system, which supports
the presence of a large financial sector in Montréal and in Québec , is jeopardized.
M. Marceau
: I mean, well, you can imagine that those firms will be attracted by
a common regulator in Toronto.
La Modératrice
: Kevin Dougherty, The Gazette .
M. Dougherty (Kevin)
: Yes. Mr. Marceau, Montreal has already lost its stock exchange,
Vancouver has lost its stock exchange. The stock exchanges are in Toronto. Why
not have a regulator in Toronto?
M. Marceau
: I get it, I think it’s a… First of all, despite the fact that the
financial sector of Montréal is smaller than that of Toronto, it is
nevertheless extremely significant and important. It is important for the Québec economy to have this financial sector in Québec.
M. Dougherty (Kevin)
: …how many jobs?
M. Marceau
: 150, 000 jobs, 6% of GDP, plus, plus… I
mean, to have a healthy financial sector means that those good economic
projects are able to find the funds to… I mean, the money to fund them. The
proper working of a financial sector means that investment takes place in an easier
fashion, that consumers can buy their houses in an easier fashion. I mean, this
is important.
Mme Montgomery
(Angelica)
: Mr. Marceau, if this is about individual power of
the provinces, then how can Québec stop B.C. and Ontario from doing what they
want to do?
M. Marceau
:
Maybe I’ll let Alex...
M. Cloutier
:
Well, B.C. and Ontario, they can share their information and work together, as
I guess there’s no problem between… collaboration between provinces. But, in
the same time, the problem is with the federal Government. It has no
constitutional and legal, any ground, to do so. So there’s no reason that the federal
Government should be engaged in any kind of regulation.
Mme Plante (Caroline)
:
You would have liked to have been notified of this?
M. Cloutier
:
I’m sorry.
Mme Plante (Caroline)
:
You would have liked to have been notified?
M. Marceau
:
No. No, we don’t like the project.
Mme Plante (Caroline)
:
Yet, you wanted someone from Ottawa to tell you?
M.
Cloutier
: Well, of course, we… It’s a
competence that belongs to Québec, and of course, when
the federal does not respect the rule, it will be at least, I think,
appropriate that we are being advised before.
La
Modératrice
: Dernière question. Une dernière question, Kevin
Dougherty.
M.
Dougherty (Kevin)
: What kind of system
can coexist with this system? You know, now, we have two systems, a voluntary
system and Ottawa ’s passport
system. Can the passport system coexist?
M.
Marceau
: The goal… and I don’t know if
it was expressed today, but the goal of this is to replace the passport system.
This is the intention that is behind this project.
La
Modératrice
: Merci beaucoup, tout le monde.
(Fin à 11 h 52)