(Neuf heures trente et une minutes)
M. Fournier : Merci beaucoup.
Une très courte déclaration, puis, ensuite, on va prendre quelques-unes de vos questions
avant d’aller à la période de questions.
La position de Jacques Parizeau de ce
matin constitue certainement un sévère rappel à l’ordre au Parti québécois. Le
code vestimentaire dessiné par le Parti québécois est un champ de bataille
électorale qui fait mal à la cohésion sociale du Québec. Que ce soit clair,
nous voulons réaffirmer la position du Parti libéral du Québec : oui au
visage découvert, oui à la neutralité de l’État, oui à l’égalité hommes-femmes,
oui aux balises d’accommodement, non à la présence de l’État dans le garde-robe
des Québécois.
Ça peut être simplement
dit, mais ça met en relief notamment les droits et libertés des Québécois tels
que reconnus dans la charte québécoise des droits et libertés, dans la Charte
canadienne des droits et libertés et dans la Déclaration universelle des droits
de l’homme des Nations unies. Je suis prêt à prendre vos questions.
M. Lacroix (Louis) : Il va
quand même plus loin que vous, M. Fournier, là. Lui, il s’accote sur le rapport
Bouchard-Taylor quand même.
M. Fournier : Je constate,
dans la position de M. Parizeau, qu’il fait une remontrance au Parti québécois
sur les excès de son champ de bataille électorale. Cela dit, le code
vestimentaire reste un champ de bataille électorale qui, comme on l’a vu,
constitue des menaces à la cohésion sociale. Le ministre responsable note
lui-même qu’il doit faire des rappels à l’ordre dans la communauté.
M. Lavallée (Jean-Luc) : Quel
est l’impact de sa sortie, selon vous? Parce que vous dites : C’est une
remontrance. Donc, c’est un camouflet au PQ?
M. Fournier : Bien, je ne peux
pas présumer de la façon dont le Parti québécois va réagir. Ce n’est pas la
première fois, d’autres avant, de la famille de grande mouvance souverainiste
ou de la famille, plus précisément, du Parti québécois, ont déjà fait des
sorties : Mme Mourani, M. Dorion, enfin, bien d’autres, vous les
connaissez. Je n’ai pas vu jusqu’ici que cela avait arrêté la route que le Parti
québécois, Mme Marois, M. Drainville notamment, avaient choisie. Je n’ai pas vu
ça, mais c’est à eux de nous dire si cela va les faire réfléchir.
M. Salvet (Jean-Marc) : Est-ce
qu’il est exclu que vous alliez jusqu’à l’interdiction de port de signes
religieux chez les fonctions désignées par Bouchard-Taylor et que rappelle M.
Parizeau ce matin?
M. Fournier :Je pense
que la déclaration que j’ai faite tantôt est suffisamment claire pour vous dire
que ce qui fait consensus au Québec et ce qui fait consensus à l’Assemblée
nationale pourrait nous amener à poser immédiatement un geste. Le code
vestimentaire ne fait vraiment pas consensus. Il est une atteinte, il est une
discrimination à l’égard de ceux qui perdraient leur emploi s’ils ne répondent
pas à ce code vestimentaire, ce qui ne correspond pas aux droits et libertés
protégés…
M. Salvet (Jean-Marc) :Pour
quelque fonction que ce soit.
M. Fournier : …conséquemment, s’il
y a un geste à poser pour se retirer de ce champ de bataille électorale qui
fait mal à la cohésion sociale, ce serait que le Parti québécois constate que,
lorsqu’on est en ces matières, premièrement, on doit rechercher l’unanimité de
la Chambre. C’est vrai même si c’était un gouvernement majoritaire, alors, à
plus juste titre, parce que c’est un gouvernement minoritaire. Et il y a là quand
même beaucoup de matières avec lesquelles on s’entend, matières dans lesquelles
M. Parizeau semble donner le signal qu’elles sont importantes, et que, là-dessus,
il y a de l’action.
Alors, je crois que plutôt que de mettre
le doigt sur les éléments qui ne font pas consensus, on devrait se saisir de
tout ce qui fait consensus pour faire avancer le Québec. Mais je vais vous
faire une prédiction. Le Parti québécois ne veut pas un consensus, le Parti
québécois veut gratter le bobo parce que c’est ça, son champ de bataille
électorale.
Mme Prince (Véronique) : M.
Fournier, justement, les ministres à qui on a parlé, la ligne qu’on nous donne
ce matin, c’est : Bien, M. Parizeau est un citoyen comme tout le monde, il
a le droit de s’exprimer. Est-ce que c’est vraiment un citoyen comme tout le
monde, et son opinion se fond dans le reste de la société?
M. Fournier : Écoutez, c’est, bien
sûr, leur interprétation, mais, vous et moi, et seulement vous et moi, est-ce
qu’on peut imaginer que Mme Marois, M. Drainville, lorsqu’ils ont appris que M.
Parizeau voulait faire entendre sa voix, n’en ont pas un peu discuté entre eux?
Est-ce que vous pensez vraiment que, pour eux, toute déclaration de M. Parizeau
n’a pas un effet immédiatement sur leur propre position? Honnêtement, là, on
peut bien faire des déclarations avec la langue de bois, mais il y a des
limites.
Mme Biron (Martine) : Mais ça
doit quand même être important, vous faites… vous convoquez une conférence de
presse…
M. Fournier : Bien sûr, bien
sûr. La réponse que je viens de vous faire va dans ce sens-là, Mme Biron, bien évidemment.
Mme Biron (Martine) : …pour
vous, l’importance de la contribution de M. Parizeau?
M. Fournier : Bien, je crois
que la voix de M. Parizeau amène le Parti québécois à une réflexion. Je ne suis
pas sûr qu’ils la font, si je comprends bien ce que vous me dites. Vous dites
que leur première réaction est à l’effet que c’est une voix parmi tant
d’autres, c’est ce que vous me dites. Je réponds : Pensez-vous vraiment
que, pour eux, la voix de M. Parizeau est une simple voix? Et puis peut-être
que je me suis mal exprimé, je vous ai posé une question, mais qui avait, je
pense, une réponse. Évidemment, qu’il y a… la voix de M. Parizeau au sein du PQ
est importante. Donc, j’espère que ça va les amener à réfléchir.
Des voix : …
M. Fournier : Je m’excuse...
Un à la fois...
M. Chouinard (Tommy) : Vous
vous réjouissez qu’il y ait des sons de cloche différents qui proviennent,
donc, du camp souverainiste, de par Mme Mourani, M. Dorion, maintenant M.
Parizeau. Pourquoi, dans votre propre famille, ce n’est pas possible d’entendre
Mme Houda-Pepin là-dessus?
M. Fournier : Alors,
commençons par le début. Je ne me réjouis pas qu’il y ait des voix qui...
M. Chouinard (Tommy) : ...
M. Fournier : Non, mais je....
M. Chouinard (Tommy) : Vous
soulignez qu’il y a des voix autres. Oourquoi ce n’est pas possible d’en avoir
chez vous?
M. Fournier : Permettez-moi,
si vous me le permettez, je trouve ça intéressant, comme débat. Je ne veux pas
me réjouir ou souligner autrement que de dire ceci : Dans ces matières, on
ne doit pas chercher la division, mais le rassemblement, le consensus. Ce qu’on
constate, avec ces voix, c’est qu’il n’y a pas de consensus vers cette
position. Cela nous ramène à un comportement d’un gouvernement en ces
matières — je parle de droits et libertés — en ces matières
fondamentales. Ce comportement devrait rechercher le consensus. J’ai énuméré
les éléments de consensus, je tends la main au gouvernement pour se saisir de
ces éléments de consensus et de laisser de côté tout ce qui amène des points de
vue divergents qui affectent la cohésion sociale. C’est dans ce sens-là que je
le fais.
Maintenant, pour ce qui est du caucus du
Parti libéral du Québec et de Mme Houda-Pepin, le caucus a discuté de ces
éléments-là. La position que je vous affirme ici est la position du caucus. Mme
Houda-Pepin a confirmé et affirmé qu’elle prendrait parole lorsqu’elle verrait
le projet de loi, et nous avons hâte aussi de voir si ce projet de loi va
s’attaquer ou se reposer sur les éléments de consensus ou plutôt gratter les
éléments de division. Et il y aura d’autres commentaires qui viendront, et elle
fera ses commentaires à ce moment-là, tout simplement. C’est son choix.
Journaliste : Une question...
M. Fournier : Je veux juste
être sûr que je vous... que je ne puisse pas…
M. Lacroix (Louis) : Oui. C’est
parce que ça fait deux jours de suite, M. Fournier, que vous parlez de champ de
bataille électorale. Vous êtes convaincu qu’on s’en va en élection bientôt?
M. Fournier : Écoutez, je suis
convaincu comme vous l’êtes, mais les pronostics sont autant les miens que les
vôtres, pour avoir discuté avec quelques-uns de vos confrères dans les
corridors et avec plein d’autres personnes sur le terrain. Et ce qu’on
constate, en ce moment, c’est qu’on part une guerre dans le domaine de
l’éducation, on avait déjà parti une guerre sur la question des droits et
libertés des Québécois. On constate que nous avons une situation économique qui
est, avouons-le, catastrophique.
La semaine dernière, ce n’est quand même
pas rien, la semaine dernière, Mme Marois a dit, une journée : Je garde le
cap sur le déficit zéro. Trois jours après, le ministère des Finances nous dit
que ce déficit est à 1,8 milliard. Je crois que le Parti québécois a un calendrier
électoral pour masquer le fiasco économique, et ce calendrier électoral est
bâti sur des guerres sur d’autres sujets. M. Couillard a déjà utilisé
l’expression du «wag the dog». J’ai l’impression qu’il y a des metteurs en
scène au bunker de Mme Marois.
M. Lavallée (Jean-Luc) : Une
question pour M. Tanguay, si vous permettez. Dimanche dernier, vous avez
associé la charte des valeurs québécoises à du nationalisme ethnique, sur Twitter.
J’aimerais vous entendre sur votre déclaration.
M. Tanguay : J’ai eu
l’occasion de faire écho aux propos de Maria Mourani qui l’avait fait, et, malheureusement
pour le Parti québécois, ils ne peuvent pas me chasser de mon caucus. Maria
Mourani a eu l’occasion de préciser sa pensée dans des débats, entre autres avec
Louise Beaudoin, et force est de constater que le ministre en charge de la
démocratie au Québec — et je ne vous parle pas du site Internet dont,
peut-être, on aura les résumés — a eu l’occasion de constater, et non
pas de condamner, il n’a jamais condamné l’exclusion de Maria Mourani. Alors,
je faisais écho aux propos de Maria Mourani et j’aimerais qu’elle puisse étayer
le tout, mais force est de constater que, dans la famille souverainiste, elle
n’a plus droit de cité.
M. Lavallée (Jean-Luc) : Mais
est-ce que vous endossez ça? Est-ce que c’est du nationalisme ethnique?
M. Tanguay : Écoutez, je pense
que c’est important de reconnaître que le gouvernement doit tabler sur ce qui
nous rassemble, les points qui ont été soulignés, entre autres par M. Parizeau
ce matin et qui est un clair rappel à l’ordre. Alors, en ce sens-là, je pense
que c’est important pour le gouvernement de revenir à la raison et de faire en
sorte de tabler sur ce qui nous unit, et, vous savez…
M. Lavallée (Jean-Luc) : Mais
vous ne répondez pas à la question. Est-ce que…
M. Tanguay : …Maria Mourani,
je faisais écho à l’analyse de Maria Mourani et sur l’aspect extrêmement
divisif, extrêmement divisif. Et je pense que le ministre et le gouvernement du
Parti québécois doivent se rendre compte qu’ils divisent grandement la
population au Québec.
M. Lavallée (Jean-Luc) : …même
reprendre les mêmes propos nationalistes…
M. Tanguay : J’ai eu
l’occasion de faire écho des propos de Mme Mourani, et, en ce sens-là, elle
aura l’occasion, j’ose le souhaiter, d’étayer sa position.
M. Fournier : Et clairement.
Le Modérateur : On va passer
en anglais.
M. Fournier : Et clairement,
si vous me permettez, pour ajouter ma voix, c’est un nationalisme d’exclusion.
M. Pépin (Michel) : M.
Tanguay, il me semble que le Parti libéral et l’ancien gouvernement libéral…
M. Fournier : Après ça, je
pense que… je m’excuse, à cause de l’heure, on va passer en anglais après. C’est
ça? Allez-y.
M. Pépin (Michel) : Rapidement.
Il me semble, vous n’avez pas donné l’exemple. Vous avez adopté une loi au
printemps dernier, enfin, oui, un an et demi en fait, en matière de droits et
libertés sans unanimité, là. Vous n’avez pas donné l’exemple en cette matière.
M. Fournier : Ah! C’est bien,
c’est intéressant que vous souleviez ça. Honnêtement, la loi qui a été déposée
respectait la charte. D’ailleurs, c’est intéressant de noter, certains ont dit
que de ne pas donner le trajet était une atteinte à la liberté d’expression. Le
test a déjà été passé en d’autres juridictions sur donner les trajets, mais c’était…
mais c’est votre question…
M. Pépin (Michel) : Mais il y
a beaucoup d’aspects dans cette loi-là, là. On pourrait parler du droit
d’association, on pourrait parler de différentes questions, et il n’y a pas de
jugement en cette matière-là…
M. Fournier : Et je n’ai aucun
problème.
M. Pépin (Michel) : Ça
touchait la question des droits et libertés, et vous n’avez pas eu l’unanimité,
n’est-ce pas?
M. Fournier : Je n’ai aucun problème
de vous dire qu’il me semble bien étonnant que le parti politique qui était
devant nous et formait l’opposition à l’époque a soulevé ce genre d’argument,
alors que le droit d’association continuait d’exister, alors que ce qui était
nié par les cours de justice, dois-je ajouter, c’était que ce droit n’allait
pas jusqu’à empêcher les autres à leur liberté d’assister à leurs cours. Ça,
c’est que les cours de justice ont dit.
Le Parti québécois, à
l’époque, s’est drapé dans la charte québécoise, la charte canadienne, même la
déclaration universelle. Il n’y a rien de plus clair, si vous allez lire tous
ces documents, sur la liberté de manifester ses croyances religieuses. Rien de
plus clair. Même des juridictions en France ont répété cela dernièrement. Et, à
la fin du jour, la discussion qu’on a en ce moment, elle est sérieuse. Est-ce
que l’État doit intervenir dans le garde-robe des Québécois? Il y a des
limites. Un État qui plonge ses mains de plus en plus profondément dans la
poche des Québécois, c’est une chose, mais lorsqu’il est rendu à intervenir
dans le coeur et dans l’âme des Québécois, c’est quand même une autre
dimension.
M. Harrold (Max) : Mr. Fournier, what is the impact of a former Premier, M. Parizeau,
coming out and saying that the charter has to be softened?
M. Fournier : Well, I think that Mr. Parizeau is saying to Mme Marois :
Enough is enough. You are going too far. And that brings us to what should be
the position of a government in
those matters of fundamental
rights and liberties. It should be not to look at what is a conflict and, more
than that, work to aggravate the conflict, but to look at what is the consensus.
And
there is a consensus on some
points, many points, four points in fact. But there’s one point where there is
no consensus at all : the
fact that our Declaration of Rights and Liberties allows people of rights and
liberties about their own religion and they should not be discriminated about
those rights.
The proposition of Mme Marois is to exclude
people of a right to work because of an electoral agenda that she’s got. It is
the wrong thing to do.
M. Harrold (Max) : Do you think that this position that we’re hearing, that the
opt-out clause might be removed this morning, is that part of the election
machine gearing up, do you think?
M. Fournier : It’s about a debate that we’ve got, a discussion that we’ve got,
you and me, at this moment about rights and liberties. Yesterday, we had a
discussion about the conflict they are creating in education. You know what?
It’s the same war that they are inventing just to avoid people to see the
economic fiasco that we are in in Québec. They don’t have nothing to say about the economy and they want to
hide the fact that it’s going in the wrong direction. We are going in a
recession direction. They don’t want to talk about that, they want to have an
election to avoid a discussion on economy. And they choose what? They choose to
create wars against Quebeckers. It’s a sad day and a sad week for Québec.
Mme Montgomery
(Angelica) : Can we talk about Parizeau again?
Because we’ve heard these criticisms before from different people about this
charter. The PQ hasn’t really reacted to it. Why would this be any different if
you think it would…
M. Fournier : Well, Mr. Parizeau is not an ordinary citizen for the PQ. He is
someone who intervened very often and said things that have some influence in
the PQ. I hope that what he said today about the fact that there are things
that have consensus, we should work on that… That’s what we said. And he said
to the PQ : You are going very too far.
So let’s conclude about
his intervention that why not give Québec a break. There’s consensus, work on that. And those who are… the
points that are not in the consensus, let’s avoid that, because we are talking about fundamental
rights and liberty. And I conclude…
Mme Montgomery
(Angelica) : What kind of decision does this
put the PQ in?
M. Fournier : I just want to conclude. You know what means «fundamental»? It’s
fundamental.
M. Lyons (Shawn) : …you are saying all this plays into electoral politics, the PQ
wants to hold an election, but when M. Parizeau speaks around election time, it
tends to hurt the PQ. So where do you think that plays in to this whole
electoral…
M. Fournier : Well, the agenda about this charter of values, that is more a
vestimentary code — if
I can use that expression, I’m not sure — it’s about… it’s a clothes code…
Une voix :
Dress code.
M. Fournier : Dress code. They choose to put a dress code in the debate, and that dress code,
it is the problem. That is the problem, that is where there is a conflict. And
you asked questions to M.
Drainville this morning, yesterday also. You see that, in the society, that creates big problems to
citizens. So why not listen to the call of M. Parizeau who said : Work on
consensus, don’t work on things that divide Quebeckers. I hope they are going to listen to.
M. Lyons (Shawn) : But do you think this hurts or helps them?
M. Fournier : Well, that’s for them to decide. If the PQ decides this morning
that creating war field for electoral reasons is a wrong thing, that will be
good. If they decide that they continue on that, because they want to avoid the discussion on economy, that will be bad for
them and bad for Québec. Why
not decide here that, when we talk about fundamental rights and liberty, we
consider them fundamental. Thank you very much.
(Fin à 9 h 47)