(Treize heures dix-sept minutes)
M. Khadir
: Bonjour tout
le monde. Merci d’être là.
Le 2 octobre dernier, à l’unanimité, à l’Assemblée
nationale, on a adopté, sur ma suggestion, une motion qui demande au gouvernement
de présenter un projet de loi qui prolonge le délai accordé, le délai de
prescription, là, prévu dans la loi, qui permet au Directeur général des
élections de poursuivre les infractions à la Loi électorale, tous ces
stratagèmes de prête-noms, de financement illégal qui ont eu cours depuis à peu
près maintenant 15 ans. Malheureusement, le délai actuel ne permet au directeur
général que de procéder pour ce qui s’est déroulé depuis les cinq dernières
années, et, de son aveu même, c’est difficile. Il y a plein de choses, qui
touchent le passé, qui devraient être abordées.
Comme on a adopté cette
motion unanime, même le gouvernement l’a acceptée, nous suggérons aujourd’hui
que le gouvernement… Je vais présenter, aujourd’hui même, une motion demandant
au gouvernement d’appeler le projet de loi n° 393. Ce projet de loi a été
présenté le 2 mai dernier. C’est un projet de loi que nous avions préparé, à ce
moment-là, pour exactement les mêmes objectifs. Le projet de loi vise
essentiellement à prolonger le délai de prescription pour que le Directeur
général des élections puisse poursuivre tous les gens qui ont contrevenu à la
Loi sur le financement des partis politiques et que ça ne se limite pas aux
cinq dernières années.
Je répète, le Québec s’est fait rouler dans
les contrats publics depuis maintenant 15 ans. On le voit de plus en plus avec
la commission Charbonneau. Il y a déjà eu d’autres commissions qui l’ont
démontré. Il faut que les responsables soient traduits devant la justice. Et le
bon départ de ça, c’est : il faut que l’institution principale qui doit
veiller à ce que les choses marchent correctement, le Directeur général des
élections, puisse aussi, comme la commission Charbonneau, avoir le même délai,
15 ans, parce que ça fait malheureusement plus longtemps que juste le pouvoir
du Parti libéral que les choses sont ainsi. Et nous, on aimerait que les choses
soient claires.
M. Laforest (Alain)
:
Je présume, M. Khadir, que vous avez écouté avec attention les commentaires du
Directeur général des élections sur cette motion-là. Lui, il dit que 15 ans, c’est
irréalisable en ce moment, compte tenu que les partis politiques et les
institutions financières n’ont plus les documents. Lorsqu’il va se retrouver
devant un tribunal, il doit faire une preuve hors de tout doute raisonnable. Il
ne peut pas faire la preuve s’il n’a pas les documents.
Donc, on peut être pour
la vertu, mais, si on n’est pas capable d’appliquer la vertu, c’est… ça ne se
fait pas, là.
M. Khadir
: C’est
certain, M. Laforest, que c’est difficile de faire cette preuve. Je ne pense
pas qu’en prolongeant le délai ça va, par magie, résoudre tous les problèmes,
mais, au moins, on ne créera pas d’embûche lorsque ça peut être utile de
fouiller plus loin. L’idée, c’est de faciliter au maximum le travail du DGE.
Mais c’est sûr que, vous avez raison, le Directeur général des élections aurait
besoin, comme la commission Charbonneau, de plus de pouvoirs. Le Directeur
général des élections a besoin de plus de moyens, puis ça, ça dépend de la
volonté politique du gouvernement. Donc, votre question, vous devriez la poser
au gouvernement actuel.
M. Laforest (Alain)
:
Mais ce n’est même pas une question de moyens, M. Khadir, c’est une question de
documents.
M. Khadir
: Je sais. Je
comprends très bien.
M. Laforest (Alain)
:
Il y a l’exemple du… l’ancien parti politique de M. Duchesneau…
M. Khadir
: Qui ont…
Oui.
M. Laforest (Alain)
:
Et où on est arrivé avec la… une conclusion parce que la Banque Nationale avait
détruit les documents.
M. Khadir
: Oui, mais,
monsieur, je reviens sur l’idée que l’idée ce n’est pas de dire que ça va
résoudre les problèmes. C’est que, symboliquement, il y a un mérite, une vertu
dans le fait d’adopter ce projet de loi, de l’appeler. Ça envoie un message
clair que tout doit être retourné. Toute brique doit être retournée, toute
tuile doit être retournée dans l’espoir de mettre le grappin sur tous ceux,
surtout les responsables politiques, ce qui manque actuellement.
Donc, on voit qu’en
dépit de l’absence de documents il y a des témoignages, à la commission
Charbonneau, qui aident. Alors, pour le bénéfice de celui qui a posé la
question, le témoignage à la commission Charbonneau, à défaut d’avoir des
documents des parties, peut déjà aider le Directeur général des élections de
pousser son investigation plus loin. Il ne faut lésiner sur rien.
M. Lafille (Julien)
:
Concernant les moyens, pour revenir là-dessus, donc ça aurait pour effet quand
même de doubler, voire tripler le nombre d’enquêtes, potentiellement. Qu’est-ce
que vous proposez, justement? Est-ce que vous pensez sincèrement que le DGE
aurait les moyens d’aller fouiller 15 ans en arrière? Est-ce que vous proposez
des mesures pour augmenter les moyens à la disposition du DGE?
M. Khadir
: Si nous
adoptons une telle loi, il faut que les moyens suivent, et je pense que ce
n’est que logique. Je crois que le Québec a vraiment besoin de ça. On voit, par
exemple, avec ce qu’a tenté de faire M. Vaillancourt aujourd’hui, à quel point
ce mal, cette gangrène est profonde. On ne doit lésiner sur aucun moyen. Tout
ce qu’on va faire dans ce domaine-là va rapporter gros, parce que ça va
empêcher que les processus de contrats, d’octroi de contrats, etc., soient
viciés, que des décisions se prennent contre l’intérêt public.
M. Lafille (Julien)
:
J’aimerais vous entendre... Qu’est-ce que vous pensez du DGE qui a déposé des
accusations dans une affaire... une activité de financement pour Mme Normandeau
en octobre 2008?
M. Khadir
: Oui. Vous
voyez, une des raisons pour lesquelles nous, on dit qu’il faut accélérer le
cours des choses, parce que nous allons peut-être, probablement, suivant toutes
les indications, en élections sur la scène québécoise prochainement, le public québécois
mérite d’être informé sur ce qui s’est passé avec le Parti libéral au pouvoir,
sur les personnes, les responsabilités politiques. Là, le DGEQ nous offre une
série de noms, c’est des individus venant de firmes de génie-conseil ou du
secteur privé qui ont contribué au Parti libéral à travers une activité de
financement de Mme Normandeau.
Mais ce qu’on aimerait
savoir, c’est les responsabilités politiques. Qui était au courant, à part Mme
Normandeau? Est-ce que la direction actuelle du Parti libéral était au courant?
On parle de 2008, activité de financement. Ça ne venait pas de commencer, là.
Les activités de financement, les soirées mondaines, les cocktails-bénéfice,
là, ça faisait plusieurs années qu’ils avaient cours, notamment pendant le
temps où M. Couillard était un des ministres les plus en vue et les plus à même
de participer dans ces événements-là pour le Parti libéral du Québec. Le public
québécois, devant qui va se présenter M. Couillard très prochainement, est en
droit de savoir de quoi était au courant, au juste, M. Couillard.
M. Lafille (Julien)
: Est-ce
que vous croyez que M. Couillard... qu’aujourd’hui on est à l’abri de tels
stratagèmes, avec notamment des mesures comme la Loi anti-prête-noms ou la
limite de contribution à 100 $?
M. Khadir
:
Malheureusement, pas tout à fait. Toutes les lois, quelles que soient les lois
qu’on... Ce qu’a fait Vaillancourt aujourd’hui prouve une chose : quelles
que soient les lois qu’on donne, si on ne change pas, on ne débarrasse pas le
Québec d’une vieille élite politique qui a régné ici depuis 40 ans et qui se
croit tout permis, les lois peuvent être contournées.
D’où l’importance, et c’est l’appel que je
fais aux Québécois et aux Québécoises, au prochain rendez-vous électoral, on a
des choix à faire, et il me semble que pour le Québec, après tout ce qu’on a
investi et dit depuis trois ans comme bataille pour contrer la corruption, il
reste une dernière grande pierre à poser, c’est de débarrasser le Québec des
vieilles formations politiques qui ont été gangrénées par la corruption. Ça ne
veut pas dire que tous ceux qui sont là sont corrompus, loin de là, loin de…
Moi, je suis loin d’affirmer et de penser ça. Par contre, les modes d’action,
la manière d’approcher cette question-là, la culture des organisations fait en
sorte qu’il y en a toujours quelques-uns encore qui maintiennent ce système-là.
Je le répète, avec M. Vaillancourt, on a
une preuve que, si les vieilles élites gardent leur influence, on risque
d’avoir des problèmes encore.
M. Lafille (Julien)
:
Vous allez vous représenter à la prochaine élection?
M. Khadir
:
Absolument. Je serai là et encore longtemps, jusqu’à ce que Québec solidaire
soit bien en selle.
M. Dougherty (Kevin)
:
Can I continue in English? Mr. Couillard says Mme Normandeau is not sorry, she
made… expressed that point. Is that… And that’s the way the law works, it’s the
person who gives the money, not the person who receives the money who gets the…
M. Khadir
: That’s terrible. That’s terrible, Kevin. That’s terrible,
that, up to now, no politician, no political person, no minister, no MNA was
charged, apart Mr. Tony Tomassi. It’s just terrible that we, after three years
of all these battles, we still need to put an end to the political impunity. I
can’t believe Mrs. Normandeau was… because I think she is an able person, she
was an able minister, an able woman, I can’t assume she was incompetent or
stupid enough to not see what’s going on.
Mme Montgomery
(Angelica)
: So do you think that the law should be changed in
that regard as well?
M. Khadir
: Yes, we have to do that. But within the framework of
the actual law, once the DGEQ presents the documentation about that, commission
Charbonneau and UPAC could go further. So I hope that, even despite the existing
law, there are many things to do. But, for that, we have to put an end to the
culture of impunity, in which the politicians have worked all through the last
years.
Mme Montgomery
(Angelica)
: And what do you think of the comment that it’s to
hard for the electoral office to go back that far?
M. Khadir
: Well, of course, they are… they have limited
resources, they have to organize elections, and so forth.
But, once we adopt this law, the means will follow. And we have to be coherent
and give them means. Of course, they can not solve every problem. We don’t
expect that, but we have to ease up things maximum. And, I repeat, the witnesses that we’ve seen in commission Charbonneau can help the DGEQ
wherever... whenever they don’t have access to documents because they have been
destroyed, the actual witnesses will help them to go through.
Mme Montgomery
(Angelica)
: Can I ask... I am very
curious to hear what you have to say about this. There has been a rumor circulating
that Pierre Karl Péladeau might run for the PQ in the next election, might be
named to cabinet, and it’s important to mention they are denying this rumor.
But what do you make of the fact that this idea has been circulating... Or is
this something that you think the Parti québécois would or could even consider?
M. Khadir
: I can’t really answer to
that, of course, by the approach of election also a lot rumors will be spread
around. But the problem is not Mr. Péladeau presenting for PQ. It would be
fine, because it would be a political initiative, then people can judge and
decide, and it’s democratic. What is less acceptable is the proximity between a
media mogul and the Parti québécois, between a party in government, which
nominates the head of a giant media conglomerate at the head of the most
important of our public enterprises, that means Hydro-Québec. This proximity
between media influence, media control, and the Government is just not
consistent with proper democracy.
M. Lafille (Julien)
:
Juste une précision. Est-ce que vous insinuez que Mme Normandeau était au
courant du stratagème?
M. Khadir
: Je ne...
M. le journaliste, je m’excuse, j’ignore votre nom.
M. Lafille (Julien)
:
Julien Lafille.
M. Khadir
:
M. Lafille, je ne peux pas admettre d’insulter Mme Normandeau et de
penser qu’une ministre d’une telle compétence, une femme aussi intelligente,
qui participait et qui, en fait, organisait, était le point de mire, l’invitée
principale des soirées de financement de Dessau, par exemple, sur la rue
Saint-Laurent ou ailleurs, et qu’elle ignorait qui on invitait et comment on
procédait. Ça serait une insulte à son intelligence.
M. Robillard (Alexandre)
:
Sur M. Péladeau, là, je m’excuse, là, c’est... Je suis arrivé en retard.
Quelle crédibilité vous donnez à ces rumeurs-là?
M. Khadir
: Je n’en
sais strictement rien. Il faut poser la question à M. Péladeau et au PQ. C’est
le genre de rumeur qu’on va voir se multiplier à l’approche des élections.
Raison de plus de croire que, vraiment, il y a quelque chose là de plausible.
Mais moi, je pense, ça, c’est moins important et moins problématique, parce
qu’après tout, à ce moment-là, M. Péladeau se soumettrait à la démocratie,
au processus de vote et de choix populaire.
Mais ce qui est
problématique et scandaleux jusqu’à un certain point, à mon avis, c’est la
proximité entre le gouvernement actuel puis un grand média, un conglomérat, une
puissance médiatique qui est un pouvoir dans la société. Autrement dit, il y a
une relation incestueuse entre l’empire Québecor, parce que, quand vous nommez
Pierre Karl Péladeau, à la tête de l’empire Québecor, à la tête de la plus
grande entreprise publique du Québec, vous accordez un avantage autour duquel
on peut soupçonner… il y a apparence, en tout cas, de proximité qui est
nuisible à la qualité démocratique de notre société. Parfois, ce genre de chose
là me fait penser à l’Italie de Berlusconi, à la France de Sarkozy, puis c’est
proprement inadmissible.
M. Dougherty (Kevin)
:
Just a question on Bill 3. When you adopted… it was adopted unanimously, the
idea is that we have fixed the elections, that the government can’t take…
decide when we want to have an election, I know, December 9th, let’s say. Now,
do you think there is a problem with the PQ planning an election after they
adopted that bill? Is that consistent?
M.
Khadir
: Well, of course it’s… there is
an incoherence, but, to be frank and honest, I’m not sure how minority government
could proceed otherwise. So that shows the… in fact, the inconsistencies of our
electoral mode, the actual mode without proportional, without coalitions at
power with fixed election days. These are inconsistencies, these are the
contradictions inherent of something that we have fixed just partially and
cannot function properly. Thank you very much for your attention.
(Fin à 13 h 31)