(Onze heures trente-deux minutes)
M. Le Bouyonnec
: Oui,
bonjour. Merci. Merci d’être là. Alors, ce matin, on voulait réagir à
l’annonce… le volet du ministre Lisée concernant le développement du commerce
extérieur québécois. Comme vous le savez, il y a plusieurs volets dont on a
attendu fébrilement, là, les retombées depuis plusieurs semaines, plusieurs
mois, et le volet du commerce extérieur, après la PNRI, après la politique
industrielle, est un volet important. On attend bientôt le volet concernant
l’électrification du transport. L’ensemble de ces dossiers composaient, en fin
de compte, l’architecture, là, du développement économique du gouvernement
Marois.
Alors, évidemment, au niveau du commerce
extérieur, on est déçus aujourd’hui de voir le peu de profondeur de ce qui a
été déposé par le ministre Lisée. Les mesures, 82 millions sur cinq ans,
avec des vœux pieux, comme, par exemple, d’augmenter de 1 000 le nombre
d’entreprises exportatrices. C’étaient des voeux pieux, mais les moyens pour
s’y rendre ne sont pas du tout évidents. C’est-à-dire qu’un pays ou une
province de la taille du Québec doit avoir un certain nombre de priorités, et
ce document-là est complètement absent en termes de priorités. On voit mal
comment, autrement dit, les objectifs vont être atteints.
Rappelons que, pour nous, la question du
commerce extérieur et de la balance commerciale est une urgence nationale. Avec
tous les autres enjeux, on tend à oublier qu’en 2002 la balance commerciale
québécoise était positive et qu’en une dizaine d’années on s’est retrouvés
aujourd’hui avec une balance commerciale négative, là, de plus de
28 milliards, là, presque l’équivalent de l’ensemble du budget de la
santé, par exemple, au Québec.
Alors, lorsque le gouvernement dit :
C’est important pour nous, on aimerait voir des moyens. Parmi ces moyens-là qui
pourraient véritablement aider, il y a la question du pétrole, hein, parce
qu’on a une dépendance au pétrole étranger. Là-dessus, on voit bien que le
gouvernement, au niveau du pétrole, n’a pas la volonté réelle d’avancer aussi
vite que, nous, nous le souhaiterions.
Au niveau des mines, à l’intérieur de la
politique déposée par M. Lisée, il indique qu’il va soutenir et accompagner les
entrepreneurs, par exemple, dans le domaine minier, donc les manufacturiers
d’équipement de mines ou de services à exporter. Est-ce que c’est là une
manière, pour lui, de camoufler le fait que, depuis plus d’un an, le secteur
des ressources a été malmené par le gouvernement Marois, entre autres, d’abord,
avec la politique sur les redevances, par la suite avec le régime minier? Puis
on sait très bien que les investissements au niveau minier, en ce moment, sont
vraiment en décroissance importante. Sur plus de 80 milliards, il y a
peut-être juste un 10 à 12 milliards sur le fameux Plan Nord qui sont
véritablement confirmés. Donc, pour ça, on se dit : Là aussi, il manque de
cohérence. Si on parle de la balance commerciale, pétrole, ressources, c’est
important.
Maintenant, pour l’accompagnement de nos
entreprises, on est pour, dans le fond, les bonnes volontés du gouvernement,
mais aujourd’hui, ce que l’on demande, on demande que le ministre Lisée nous
dépose un véritable plan stratégique pour augmenter nos relations commerciales
avec l’Europe au moment où ce marché-là entre le Canada et l’Europe va être
libéralisé. On a trouvé absolument incroyable l’absence, la quasi totale
absence de références au marché européen. On sait très bien que, si on ne fait
rien aujourd’hui pour préparer ce qui va se passer dans deux ans, les Européens
vont rentrer dans nos marchés, et, si les Québécois ne sont pas prêts à vendre
en Europe, la balance commerciale ne va pas s’améliorer, très loin de là.
Il faut comprendre que le traité
Europe-Canada a été négocié directement par le bureau de M. Marceau. Donc, M.
Lisée n’était pas véritablement impliqué. Pour nous, ça illustre aussi le fait
que le commerce extérieur, au Québec, a toujours été un petit peu un parent
pauvre, là, sur l’ensemble de la table du Conseil des ministres. C’était
surtout un ministère, encore aujourd’hui, de relations internationales puis,
après, de commerce extérieur. Relations internationales, parce que le ministre
Lisée est davantage préoccupé à vouloir faire une ACDI québécoise, par exemple,
ou d’aller en Écosse, etc., question d’étendre les relations avec des
potentiels pays souverains. Bon.
Mais, au niveau du commerce extérieur, le
82 millions annoncé sur cinq ans, là, par rapport à une priorité que,
nous, on considère une priorité nationale, là, et le manque, O.K., d’objectifs
concrets pour atteindre ça, de moyens concrets, ça nous inquiète énormément.
Donc, c’est pour ça qu’on demande un véritable plan stratégique, là, de mise en
place, là, d’une… plan stratégique pour la pénétration des marchés européens
suite à l’accord de libre-échange.
Des exemples concrets de ça, on dit :
Nos fromages fins québécois vont se faire ramasser ici, au Québec. Bien, on
peut très bien réaliser que, si jamais le ministre s’en donne la peine, il peut
très bien aider les producteurs de fromages québécois tentés de pénétrer ces
marchés-là. Puis c’est vrai pour le sirop d’érable puis c’est vrai… pas juste
pour le domaine agricole, c’est vrai aussi pour le domaine aéronautique, c’est
vrai pour le domaine des biotechs. En fait, c’est vrai pour tous les secteurs
qui ont été grandement libéralisés.
Donc, on voit une urgence à ce que ça se
produise et on est extrêmement déçus que ça n’ait pas été présent, à l’heure
actuelle, dans la politique qui a été déposée par le ministre Lisée hier à
Montréal.
M. Chouinard (Tommy)
:
Est-ce que ça peut s’expliquer, selon vous, par le fait que l’accord, il a été…
il y a eu une entente de principe seulement récemment?
M. Le Bouyonnec
: Ça
fait quand même quatre ans, O.K., que ça se parle. Et ce qu’il faut réaliser,
on l’a vu encore la semaine dernière à l’Assemblée nationale, lorsqu’il y a eu
la motion pour supporter la ratification du CIRDI, le fameux tribunal qui
permet à des investisseurs étrangers, par exemple, d’être défendus en cas de
litige avec un gouvernement comme le gouvernement du Québec, comme ce qu’on a
vu, par exemple, dans le gaz de schiste, où, si jamais le gouvernement prend
une décision qui va à l’encontre des décisions d’investissement, il y a un
tribunal international qui permet de régler ça, et c’est exécutoire… Ce
tribunal international là existait depuis 1966. Le Canada a signé la convention
en 2006 seulement, ça vous donne une idée. Mais ça prenait absolument, pour le
ratifier, que les provinces soient partie prenante, et ce n’est qu’en 2012
qu’il y a eu un début de négociation avec Québec, qui a mené, là, finalement, à
une entente la semaine dernière.
Ça fait que tout ça, là, ça illustre le
fait qu’on le voit venir quand même de loin. L’Europe, la négociation, il y a
un paquet de sherpas qui ont fait des allers-retours en Europe depuis des mois,
en prenant chaque industrie une par une. Les négociations sur les tables
sectorielles, les quotas, les tarifs, c’est discuté, puis, à un moment donné, c’est
ramené à une table puis, à la même table, après ça, il y a des compromis qui se
font.
Toute cette information stratégique,
quelque part, quelqu’un l’a au gouvernement du Québec. Cette information
stratégique là doit être maintenant mise en place dans un plan stratégique pour
que nos entrepreneurs puissent avoir un signal clair. Si jamais vous faites,
vous, la production de vélos, par exemple, en Beauce, bien, qu’on puisse vous
dire : Bien, dorénavant, voici, les droits, là, de douane vont être abrogés
de telle, telle manière, et il y a peut-être, pour vous, un débouché en
Hollande, exemple. Et ça, c’est le rôle, selon nous, du gouvernement, lorsqu’il
y a un «game changer» comme l’accord du libre-échange, de ne pas être en
retard, mais d’être en avance pour indiquer clairement qu’est-ce qui peut être
fait pour que nos entreprises puissent performer dans le cadre de cette
nouvelle donne, de ces nouvelles règles du jeu.
On ne peut pas… ce n’est pas concevable
pour nous de sortir un plan sur le commerce extérieur en faisant, à toutes fins
pratiques, complètement abstraction de la signature de l’accord de
libre-échange qui s’est fait il y a quelques semaines. Donc, c’est une lacune,
là, il manque quelque chose, puis on demande au ministre, là, de s’y attaquer
spécifiquement puis de compléter sa politique dans les semaines et puis les
mois qui viennent, et puis on lui offre toute notre collaboration.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Sur les chantiers qu’avait annoncés M. Duchesne, il y avait cinq chantiers, on
sait maintenant que ça a coûté plus de 800 millions… 800 000 $,
pardon, en salaire pour les présidents de ces chantiers-là. Qu’est-ce que vous
pensez de ça?
M. Le Bouyonnec
: Bien,
moi, quand j’ai vu ça, un peu, je me suis dit : Oh my God! On fait bien
d’être un peu vigilants. Parce que, je ne sais pas si vous vous rappelez, mais
le ministre a vraiment un peu blasté, là, l’opposition parce qu’au niveau de
l’étude détaillée du p.l. 45, il nous accusait, là, d’être des mauvais joueurs
puis de retarder… Honnêtement, moi, ce n’est pas ce que j’ai vu, là. J’ai
participé aux commissions, ce n’est pas ce que j’ai vu. À beaucoup d’articles,
on voulait, par exemple, faire en sorte qu’il y ait une dimension un peu
économique ou d’innovation, de relation, d’adéquation entre les études et le
milieu du travail dans différents articles constitutifs. Et le ministre, là,
nous a opposé des fins de non-recevoir à nous, aux libéraux, en alternance. Il
s’est filibustait lui-même pendant des heures et des heures pour venir nous
faire le reproche.
Je vais vous donner juste un exemple. À un
endroit, par exemple, il y avait un article où il abrogeait le fait que le
ministère, pour créer un nouveau CCTT, centre collégial de transfert
technologique, l’ancienne loi prévoyait qu’il devait y avoir un avis sectoriel
demandé au ministère des Finances. Pour nous, c’est normal parce qu’un CCTT,
c’est des services pour l’entreprise qu’on demande au ministère des Finances et
de l’Économie, s’il y a une relation, puis ça vaut le coup. Bon, il ne voulait
pas. C’était encore l’enseignement supérieur, tour d’ivoire, déconnecté
complètement du marché du travail, déconnecté de l’économie réelle. Et puis là
on voit ça, là. Alors là, ils se font des chantiers, des nouveaux organismes. Rappelez-vous
qu’on est contre la création du conseil national des universités. Pour nous,
c’est un organisme additionnel, alors qu’il aurait pu y avoir une modification
de mandat du Conseil supérieur de l’éducation avec un volet université. Pourquoi
créer un nouvel organisme?
Alors, la question qu’on se pose :
Est-ce que ce genre de décision que le ministre a pris, c’est précurseur encore
de salaires, et puis de conditions, puis de dépenses inutiles et
superfétatoires dans le nouvel organisme du conseil national des universités,
une fois qu’il va être créé? Puis entre-temps, là, comme membres de la deuxième
opposition, bien, on va continuer d’être vigilants dans l’étude article par
article du projet de loi n° 45, parce qu’on n’est pas du tout rassurés
avec l’attitude et puis les décisions du ministre.
Le Modérateur
: Autres questions?
M. Robillard (Alexandre)
:
Oui. Les libéraux croient que M. Boisclair devrait réintégrer ses
fonctions à New York. Est-ce que vous avez changé d’avis, au caucus de la CAQ,
à ce sujet-là?
M. Le Bouyonnec
: Bien,
écoutez, vous... Vous savez, nous...
M. Robillard (Alexandre)
:
Compte tenu du fait qu’il n’a pas eu encore de nouvelle affection, selon eux,
la seule chose à faire, c’est de lui demander de retourner à New York.
M. Le Bouyonnec
: Bien,
en fait, ce qui est surprenant, là, c’est que... On se rappellera qu’au moment
où tout l’incident... on se rappellera qu’il était question qu’il y ait des
poursuites, hein, que M. Boisclair intente des poursuites contre notre
chef, contre notre collègue Duchesneau. Ce n’est toujours pas là.
Alors, qu’est-ce qu’il fait, là? Peut-être
qu’il a décidé de ne pas en intenter, là, finalement. S’il a décidé de ne pas
en intenter, bien, oui, peut-être que... soit qu’il devrait retourner là-bas,
soit qu’il devrait être affecté ailleurs, soit qu’il devrait démissionner s’il
n’a plus le goût d’être à New York. Mais on est vraiment comme entre deux
pattes, en ce moment, et puis ça va...
M. Robillard (Alexandre)
:
Il pourrait retourner à New York, selon vous?
M. Le Bouyonnec
: Bien,
selon moi, écoutez, je ne crois pas. Je ne crois pas. Avec la situation, en
termes d’image, pour le...
M. Robillard (Alexandre)
:
Vous avez dit qu’il pourrait retourner, là.
M. Le Bouyonnec
: Non,
mais c’est une décision du gouvernement. Vous me reposez la question après,
là... Dans le fond, qu’est-ce que je pense comme critique en matière de
relations internationales, c’est quand même... le gouvernement aura à décider,
nonobstant ce qui s’est passé, là, dans ce cadre-là, est-ce que
M. Boisclair est toujours la meilleure personne pour représenter le Québec
à New York. Si le gouvernement conclut que oui, qu’il a toutes les compétences
et que cet événement-là n’a pas entaché sa réputation...
M. Robillard (Alexandre)
:
C’était à sa demande à lui, donc, le gouvernement, là-dessus, n’a jamais changé
d’avis par rapport à ses compétences. C’est à la demande de M. Boisclair
qu’il a été relevé...
M. Le Bouyonnec
: Bien,
à ce... Vous avez raison. Raison de plus, raison de plus, à ce moment-là, pour,
si jamais M. Boisclair ne fait rien, il ne poursuit pas puis il est là à
attendre chez lui, que le gouvernement lui dise : Écoute, là, tu as
demandé d’être relevé pour t’occuper de ce dossier-là, puis ce dossier-là
n’avance pas, tu ne fais rien. Bon, bien là, fais quelque chose, là, soit
retourne à New York ou agis, là.
Mais on est... Alors, écoutez, moi, je
pense qu’on va attendre encore quelques jours, quelques semaines, puis sûrement
que M. Boisclair va prendre une décision, mais le gouvernement devra,
selon moi, se reposer la question : Est-ce qu’il est préférable de le
réaffecter ailleurs? Parce que M. Boisclair a quand même des compétences,
il a quand même été chef de parti, ministre de plusieurs ministères, etc., il
peut certainement servir le Québec. Peut-il servir le Québec, à ce stade-ci,
avec cette histoire-là, comme tout le monde le souhaiterait, à New York? C’est une
question qui se pose, puis on n’est pas en mesure d’y répondre aujourd’hui, là,
mais elle se pose pour le gouvernement.
Le Modérateur
: Merci.
(Fin à 11 h 44)